Discussion générale commune (suite)
M.
le président. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les
orateurs inscrits dans la discussion générale commune.
La parole est à
M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Outre la présidente de la commission spéciale et le
secrétaire d’État chargé des retraites, je salue la palanquée de rapporteurs,
comme dirait mon copain Pierre Dharréville, présents dans un hémicycle vide, qui
en dit long sur l’importance qu’attachent les Marcheurs à ce dossier.
M.
Gilles Le Gendre. Nous sommes là !
Mme
Josy Poueyto. Les meilleurs sont là !
M.
Sébastien Jumel. Je suis très heureux d’être parmi
vous.
« Il faut en finir avec la souffrance, l’indignité et
l’exclusion. Désormais, nous mettrons l’homme à l’abri du besoin. Nous ferons de
la retraite non plus une antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la
vie. » Ambroise Croizat ne dirait pas mieux aujourd’hui. La naissance de la
sécurité sociale fut une véritable rupture de société en ce qu’elle permit
d’arracher au monopole privé la protection des hommes et des femmes de ce pays.
Le Conseil national de la résistance voyait aboutir ses espérances en ce 8 août
1946 : chacun était libéré de l’insécurité sociale, de la crainte de la
maladie, de la peur de l’accident, et du « naufrage » de la
vieillesse, selon l’expression du général de Gaulle.
Ce temps de la vie,
libéré des malheurs sociaux et des appétits voraces d’une économie nationale qui
s’était compromise dans la collaboration, a perduré et a pris un nom, celui de
la retraite. De chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins, voilà qui
formait une belle devise.
La retraite a ensuite évolué. Nous avons
construit un système partageur qui s’est adapté aux contraintes de différentes
professions, tel l’emblématique statut des électriciens et gaziers fondé par
Marcel Paul, lequel considérait que l’énergie n’était pas une marchandise comme
les autres. Je souligne aussi l’avancée majeure que constitua l’instauration en
1982 du droit à la retraite à taux plein à partir de 60 ans.
Mais
vous êtes arrivés, emplis d’arrogance et de certitudes, pour porter un coup
décisif à notre système de retraite. Vous êtes les héritiers des réformes
Balladur de 1993, Fillon de 2003 et Touraine en 2014, des héritiers turbulents
car vous souhaitez maintenant détruire ce qui fonde notre pacte commun : la
retraite par répartition, l’élément le plus intime de la République
sociale.
Vous voilà porteurs d’un projet de loi à trous, dont les
ordonnances recèlent les plus sombres promesses. Vous vous apprêtez à créer un
système à points de vie. Dans ce jeu de points, tous seront perdants : les
femmes, la majorité des 20 millions de salariés du régime général, les
professionnels libéraux, les 400 000 agents des régimes spéciaux, les
4,4 millions de fonctionnaires. Tous seront perdants.
Mais alors,
pourquoi faire cette réforme ? Le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine en convient, tout n’est pas parfait dans le système actuel. C’est
en ce sens d’ailleurs que nous vous avons adressé une proposition de réforme
alternative, y compris en matière de financement.
S’il n’est pas parfait,
notre système de retraite actuel limite la pauvreté. Selon l’INSEE, 44 %
des retraités les plus pauvres bénéficient d’une hausse de leur niveau de vie
lors de leur départ à la retraite. C’est notamment le cas pour ceux qui ont
connu des carrières heurtées par le chômage ou du temps partiel.
Il est
difficile de comprendre le pourquoi de cette réforme, si ce n’est une pure
motivation idéologique. Au lieu de proposer une réforme de progrès, vous avez
préféré un modèle par points, injuste, inéquitable et illisible.
Non, un
euro cotisé n’ouvrira pas les mêmes droits à tous, puisque la pension de
retraite sera calculée sur l’ensemble de la carrière, et non plus sur les
vingt-cinq meilleures années dans le secteur privé et les six derniers mois dans
le secteur public. La conséquence directe sera une baisse des pensions, puisque
les périodes de chômage, les interruptions, la maternité et les débuts de
carrière, moins favorables, entreront dans le calcul.
L’autre véritable
problème de cette réforme tient à la valeur du point. Le point est, en effet,
indexé sur un indicateur imaginaire, voire inventé pour les circonstances.
M.
Pierre Dharréville. Un indicateur fantôme !
M.
Sébastien Jumel. Qui protégera les salariés contre la stagnation du
point, voire contre sa baisse ?
Philippe Vigier a soumis à la
commission spéciale un amendement visant à garantir l’absence de baisse des
pensions à l’issue de la réforme. Vous l’avez refusé, et nous avons ainsi
débusqué ce qui est au cœur de votre projet : la règle comptable, la
calculette que vous essayez de dissimuler derrière des mots volés. Volé le mot
de justice ! Volé le mot d’universalité ! Volées les références à ceux
qui ont versé du sang et des larmes à la Libération !
Mais, les
Français le savent, l’universalité et la justice dont vous vous réclamez sont
celles du petit nombre.
Vous ne cessez de répéter votre mantra
libéral : « Nous vivons plus longtemps, il faut donc travailler plus
longtemps. »
Vous vous apprêtez à reculer sciemment l’âge de départ
à la retraite en jouant sur les mots : âge d’équilibre, âge pivot ou âge de
référence, vous avez décidé de l’allongement de la durée de travail pour
l’ensemble des salariés. Pourquoi ce recul de l’âge de départ à la retraite,
alors qu’aujourd’hui 1,7 actif occupé crée une fois et demie plus de
richesse que quatre actifs occupés en 1960 ? Pourquoi cette volonté inédite
de déconnecter l’âge de départ à la retraite de la durée de cotisation ?
Votre mauvais projet de loi sera défavorable à tous ceux qui ont commencé à
travailler plus tôt, à ceux qui ont eu une carrière longue et qui devront
travailler plus de 43 ans pour espérer une retraite à taux plein. Et, plus
grave encore, il sera désavantageux pour ceux qui n’ont pas la même espérance de
vie en bonne santé.
Vous essayez de nous faire croire à l’universalité.
Là encore, les éléments de langage ont été rodés et travaillés. Seulement, les
Français ne sont pas dupes. À l’universalité, vous accolez désormais la
brutalité. Parce que, oui, votre projet est brutal, il gomme les spécificités de
chaque profession – conducteurs de train, avocats, métiers pénibles, infirmiers,
égoutiers. Vous prétendez harmoniser les régimes alors que vous détruisez les
compensations accordées à des secteurs entiers, parce que les métiers y sont
pénibles ou les rémunérations plus faibles, ce qui explique que les conditions
de départ à la retraite y soient plus favorables. Vous avez choisi la logique du
nivellement par le bas, et votre universalité fait l’unanimité contre
elle.
L’injustice sociale, l’universalité tronquée, le dogmatisme
idéologique…
M.
Fabien Di Filippo. L’inefficacité !
M.
Sébastien Jumel. …sont vos fils conducteurs. Vous avez tissé un projet
qui ne répond qu’à une seule logique : la logique financière, comptable,
celle qui avait inspiré Margaret Thatcher dans l’âge d’or du
libéralisme.
Votre projet de loi essaie de faire peur aux Français au
moyen d’un chantage par les déficits et la dette. Vous le justifiez par des
morceaux choisis – c’est terrible – du rapport du Conseil d’orientation des
retraites – COR –, rapport qui estime au doigt mouillé le déficit de
la branche retraite à l’horizon 2030 entre 8,7 et 17,2 milliards d’euros –
du simple au double. La ficelle est énorme : vous tentez d’effrayer les
Français. Ce sont pourtant vos politiques économiques et celles de vos
prédécesseurs qui ont affaibli les recettes de la sécurité sociale : crédit
d’impôt pour l’emploi et la compétitivité, allégements de cotisations
patronales, réduction du nombre d’emplois publics. La part des cotisations
patronales dans le financement de la protection sociale a ainsi diminué de
dix-huit points.
L’exigence d’allongement de la durée de travail se
trouve ainsi justifiée par d’obscures prévisions comptables, qui non seulement
posent de manière biaisée la question du financement mais aussi vous offrent la
possibilité de fabriquer une fausse concertation sur ce sujet, de surcroît à
l’extérieur du Parlement.
Votre dogmatisme vous a même conduit à prévoir
une règle d’or de financement pluriannuel du système de retraite. Celle-ci vous
permet d’entériner dans la loi les futures baisses de pensions pour assurer un
équilibre qui pourrait être atteint dès à présent, par exemple par le biais
d’une hausse du taux de cotisation de 0,2 point par an jusqu’en 2025 –
c’est l’une des propositions que nous avons formulées.
La règle de l’or,
c’est pour les riches ; la règle d’or, c’est pour la France qui peine, la
France qui travaille.
M.
Pierre Dharréville. Il a raison !
M.
Sébastien Jumel. En diminuant la part des richesses nationales allouées
au financement des retraites, vous niez le caractère redistributif de la
retraite. C’est là l’aveu cinglant de votre volonté d’ouvrir la porte à la
retraite par capitalisation.
Car, en doublant le taux de cotisation pour
les professionnels libéraux et les travailleurs indépendants et en soustrayant
les hauts revenus à la solidarité nationale, votre réforme orchestre, de manière
progressive mais certaine, l’assèchement progressif de la solidarité. Vous êtes
comme ce plombier indélicat qui percerait des trous dans le réservoir d’eau pour
justifier le remplacement de celui-ci. Votre réforme technocratique et
financière aboutira à l’individualisation des risques de la vie et incitera tous
les assurés à rechercher une retraite complémentaire auprès des banques et des
assurances. Comment comprendre, sinon, la Légion d’honneur remise au président
de BlackRock France ? (M. François Ruffin
applaudit.)
Les 5 000 milliards d’euros d’épargne des
Français sont l’océan de Smarties qui fait rêver les fonds de
pension.
Votre réforme est un gruyère, monsieur le secrétaire d’État. Les
trous sont partout, notamment dans les ordonnances.
M.
Pierre Dharréville. C’est de l’emmental !
M.
Sébastien Jumel. Il y a plus de trous que de fromage. Et, à la fin, les
retraités mangent de l’air, tandis que la pâte cuite nourrit l’appétit des fonds
de capitalisation.
M.
André Chassaigne. Ça, c’est pas mal !
M.
Sébastien Jumel. Nous aurions pu espérer que la gouvernance du futur
système vous permettrait de vous rattraper, mais il n’en est rien.
La
gouvernance de notre régime de retraite repose sur une innovation toujours
d’actualité, la règle fondamentale selon laquelle les caisses sont gérées pas
les assurés eux-mêmes. Mais vous vous empressez d’étatiser davantage sa gestion.
Vous désorganisez un modèle efficace au mépris de ceux qui y travaillent :
les salariés de la sécurité sociale, les agents des CARSAT – caisses d’assurance
retraite et de la santé au travail –, dont l’avenir est menacé.
En
décidant de manière unilatérale de siphonner les excédents des caisses
autonomes, à l’instar de celle des avocats, vous instaurez une gouvernance
autoritaire, injuste et unilatérale.
Les manipulations, malheureusement,
ne s’arrêtent pas là.
M.
André Chassaigne. Ce sont les Garcimore de la politique !
M.
Sébastien Jumel. Que de contre-vérités à propos des femmes ! Vous
prétendez leur rendre justice alors que vous ne résolvez pas les questions de
fond. Ainsi, 40 % des femmes partent aujourd’hui à la retraite à l’issue
d’une carrière incomplète. L’écart de salaire avec les hommes est de
26 %.
En réponse, vous proposez le système par points censé rendre
justice aux femmes, mais les expériences de l’ARRCO – Association pour le
régime de retraite complémentaire des salariés – et de l’AGIRC
– Association générale des institutions de retraite des cadres – le
montrent, les pensions des femmes ne représentent que 60 % de celles des
hommes dans le premier cas et 41 % dans le second.
Votre mauvaise
réforme comporte encore d’autres attaques : la suppression de la majoration
de la durée d’assurance pour les femmes, ainsi qu’un nouveau mode de calcul pour
les pensions de réversion, dont les femmes sont les principales bénéficiaires,
lequel abaissera mécaniquement le montant de la pension – vous le savez,
vous devez l’avouer. Enfin, nous avons démontré que votre engagement d’intégrer
les primes dans le calcul des pensions des fonctionnaires pénalisera les femmes,
puisque celles-ci perçoivent 20 % de primes en moins que les
hommes.
Ce mauvais projet de loi prépare une retraite qui n’est plus
solidaire ni pour les femmes ni pour d’autres catégories de la population comme
les agriculteurs, au sujet desquels vous avez été là encore pris en flagrant
délit de manipulation.
Alors que le Parlement avait voté, à l’unanimité,
la proposition de loi du président du groupe GDR, André Chassaigne, qui
instaurait un minimum vieillesse pour les agriculteurs à hauteur de 85 % du
SMIC, vous avez réservé la mesure aux seuls nouveaux assurés en 2022,
abandonnant de ce fait les retraités actuels, dont 300 000 vivent sous le
seuil de pauvreté.
M.
Jean-Paul Dufrègne. C’est honteux !
M.
Sébastien Jumel. Pour gérer le « stock » des retraités
existants du secteur agricole – selon l’expression si élégante du Président
de la République –, vous avez proposé l’ASPA – allocation de
solidarité aux personnes âgées – en oubliant de leur dire que les
903 euros qu’elle représente seront récupérés sur les donations et sur les
droits de succession.
Lors de sa séance de câlinothérapie aux députés de
la majorité, le président Macron a fait l’aveu que les pensions de
1 000 euros ne concerneront pas pour tout le monde : entendez-le
bien !
M.
Bruno Millienne. Vous n’y étiez pas !
M.
Sébastien Jumel. Une fois encore, c’est une moisson de larmes que
prépare votre projet.
Enfin, avec votre mauvais projet de loi, vous
faites le choix de consacrer l’allongement des carrières en considérant le
travail comme un loisir et en oubliant ceux pour qui le travail est une
souffrance. Ils s’appellent Julie, José, Emmanuelle ou Clément, elles et ils
sont conductrice de train, aide-soignant, salariée de l’agroalimentaire ou
marin. Ils aiment leur travail, ce qui ne les empêche pas d’en mesurer la
dureté. (Mme Caroline Fiat applaudit.) Ils souffrent au contact de
produits dangereux, ils travaillent de nuit au péril de leur vie, ils s’épuisent
dans leur chair, ils portent les stigmates sur leur visage et leur corps d’une
vie rude et pénible, loin du luxe, du calme et de la volupté dont – plus
que nous, j’imagine – vous bénéficiez au quotidien. (Protestations sur
les bancs du groupe LaREM.)
Dans l’industrie et dans bien d’autres
secteurs, vous proposez à ces travailleurs du sang et des larmes. Ils n’ont pas
besoin de compter leurs points de vie pour savoir qu’ils auront besoin d’accéder
à la retraite avant 62 ans.
M.
Bruno Millienne. Il faut aimer Victor Hugo…
M.
Sébastien Jumel. Avec votre amateurisme et votre brutalité, vous
essayez de briser ce qui est universel. La sécurité sociale, la retraite par
répartition, ce sont nos biens communs qui ne devraient pas avoir à souffrir de
vos turpitudes.
Soixante-quatorze ans après lui, à cette même place, nous
ferons résonner la voix de ces oubliés de la République. Nous combattrons votre
mauvais projet de loi pour proposer aux Français des « Jours
heureux ». Car, plus que jamais, la voix d’Ambroise Croizat résonne dans
cet hémicycle : « Jamais nous ne tolérerons que soit rogné un seul des
avantages de la sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir et avec la
dernière énergie cette loi humaine et de progrès. » (Applaudissements
sur les bancs des groupes GDR et FI. – Exclamations sur les bancs du
groupe LaREM.)
M.
Boris Vallaud. Merci !
M.
le président. La parole est à M. Gilles Le Gendre.
M.
Gilles Le Gendre. Le débat que nous ouvrons constitue un moment de
vérité dans l’histoire de notre pays.
M.
André Chassaigne. C’est vrai !
M.
Gilles Le Gendre. Qu’ils soient favorables ou opposés à la réforme des
retraites, les Français ont compris que ces longues discussions seront décisives
pour leur avenir et celui des générations futures.
M.
Hervé Saulignac. Tragiquement !
M.
François Ruffin. Ça, ils l’ont compris !
M.
Dino Cinieri. Rends l’argent !
M.
Gilles Le Gendre. La vérité exige d’abord de nommer cette réforme. Non,
chers collègues de l’opposition, le nouveau régime universel de retraites ne
sera ni de droite ni de gauche.
M. Hubert
Wulfranc et M. Fabien Roussel. Il sera libéral !
M.
Gilles Le Gendre. En l’enfermant, de part et d’autre de cet hémicycle,
dans ces critères, vous courez le risque d’en trahir le sens. Cette réforme ne
réinvente rien de moins que le pacte social de notre pays. Dans cette ambition,
à bien des égards bouleversante, se nichent encore – c’est vrai – des
motifs d’incompréhension…
M.
Jean-Paul Dufrègne. Beaucoup !
M.
Gilles Le Gendre. …d’inquiétude, d’opposition – toutes
légitimes –, qu’il nous incombera progressivement de lever.
M.
Fabien Di Filippo. Les questions viennent de chez vous ! Votre
réforme n’est pas financée !
M.
Gilles Le Gendre. Cette réforme est une réforme de justice, de
solidarité, massivement redistributrice et protectrice de nos concitoyens les
plus fragiles.
M.
André Chassaigne. Vous y croyez ?
De nombreux députés du
groupe LaREM. Oui !
M.
Gilles Le Gendre. Ceux qui disent que notre système actuel est durable
se payent de mots ! Bien au contraire, il est devenu illisible et injuste,
malgré les rafistolages opérés par les précédentes majorités, lesquelles n’ont
jamais offert de réelles perspectives à nos concitoyens.
M.
Jean-René Cazeneuve. Absolument !
M.
Gilles Le Gendre. Nous avons le courage de mettre fin à cette
hypocrisie qui fait que la défense d’avantages de moins en moins acquis sert
d’alibi à un immobilisme de plus en plus inavouable. (Exclamations sur les
bancs des groupes GDR et FI.)
M.
François Ruffin. Les avantages des actionnaires ?
M.
le président. Mes chers collègues, veuillez cesser de crier : vous
êtes pénibles !
M.
Gilles Le Gendre. Comment expliquer que nous soyons si peu à regarder
cette réalité en face, notamment sur les bancs de cet hémicycle où, au cours de
l’histoire, ont été proclamés avec la plus grande fermeté les idéaux de
justice ?
Cette réforme n’est ni de droite ni de gauche. C’est une
réforme qui, en confiant son architecture et son application à la démocratie
sociale, donne à celle-ci une chance inédite de se réinventer.
M.
François Ruffin. C’est vous, la démocratie sociale ? Deux mots,
deux mensonges !
M.
Fabien Roussel. Trahison !
M.
Gilles Le Gendre. Une fois encore, comment ne pas s’étonner que cette
ambition, cruciale pour rénover notre République, ne recueille pas un plus large
soutien de la part de ceux qui, ici, se vantent d’en être les plus ardents
défenseurs ?
M.
André Chassaigne. Tartufe !
M.
Gilles Le Gendre. Non, cette réforme n’est ni de droite ni de
gauche.
M.
Fabien Di Filippo. Ni financée !
M.
Gilles Le Gendre. Elle est le fruit d’une majorité qui a fait du
dépassement de ce clivage et de la création de nouveaux droits l’épine dorsale
de sa politique, depuis l’origine. Nous créons des droits réels et non pas des
droits formels !
Droit réel, le fait d’intégrer dans le système des
personnes qui, jusqu’ici, ne travaillaient pas suffisamment pour être
protégées.
Droit réel, la prise en compte de toutes les trajectoires de
carrière, qui ne sont plus linéaires dans le monde du travail tel qu’il
fonctionne aujourd’hui.
Mme
Sabine Rubin. Tel que vous le construisez !
M.
Gilles Le Gendre. Droit réel, le fait de ne laisser personne sur le
bord de la route, qu’il s’agisse de nos agricultrices et de nos agriculteurs,
des femmes, des mères de famille, des indépendants, ou de toutes les personnes
exerçant un métier pénible.
M.
Damien Abad. Ce n’est pas vrai !
M.
Dino Cinieri. Et les avocats ?
M.
Gilles Lurton. Allez dire ça aux enseignants !
M.
Gilles Le Gendre. Droits réels, les mesures d’accompagnement de cette
réforme : je pense notamment à la rémunération des enseignants qui sera
revalorisée.
Ces nouveaux droits et d’innombrables autres que ce débat va
permettre de valoriser témoignent de la force de notre ambition réformatrice.
Celle-ci a déjà permis de jeter les bases de solidarités nouvelles…
M.
François Ruffin. Quatre cent mille pauvres de plus ! C’est ça, les
solidarités nouvelles ?
M.
Gilles Le Gendre. …au moyen d’une politique économique et sociale dont
les résultats, n’en déplaise à certains, sont positifs et tangibles.
(Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M.
François Ruffin. On vit dans le meilleur des mondes !
M.
Gilles Le Gendre. Le chômage a baissé à son plus bas niveau,
l’apprentissage décolle, les créations d’entreprise sont toujours plus
nombreuses, les investissements apparaissent de plus en plus dynamiques.
M.
Fabien Di Filippo. Du verbiage !
M.
Gilles Le Gendre. Les conditions sont réunies pour continuer à agir et
à conférer aux Français les droits nouveaux qu’ils méritent encore, qu’il
s’agisse des patients, des foyers modestes, des personnes en situation de
handicap – pour lesquelles il convient de faire mieux et plus sur le front
de l’emploi –, ou des personnes dépendantes.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Propagande !
M.
Fabien Di Filippo. Où est Mme Buzyn ?
M.
Gilles Lurton. Je l’aimais bien, Mme Buzyn…
M.
Gilles Le Gendre. Face à ces défis, nous ne nous déroberons pas. Si,
depuis deux ans, nous agissons pour que le travail des Français paie plus, ce
n’est pas pour que leur retraite paie moins !
M.
Fabien Roussel. À quel âge, le départ à la retraite ?
M.
Gilles Le Gendre. Depuis l’origine, les députés La République en
marche, de plus en plus nombreux, ont accompagné le haut-commissaire Jean-Paul
Delevoye – à qui je rends ici hommage – et le Gouvernement dans la
confection des projets qui nous sont soumis. C’est avec la détermination que
nous autorise ce patient travail et la sérénité que nous confère la conviction
d’agir pour le bien des Français que nous engageons cette discussion et que nous
nous projetons dans le vote de ces deux lois profondément progressistes.
(Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
–M. Paul Christophe applaudit
également.)
M.
le président. La parole est à M. Éric Woerth.
M.
Éric Woerth. J’invite la majorité à faire attention aux grands mots
tels que « refondation », employé à tort et à travers à propos de
chacune des réformes présentées ici. « C’est beau comme l’antique »,
comme on a pu dire de Bonaparte. Il n’en demeure pas moins que, lorsque les
fondations sont mal construites, l’édifice est bancal. Et, en l’espèce,
l’édifice que vous nous présentez est bancal.
M.
Jean-René Cazeneuve. Mais non !
M.
Éric Woerth. Reconnaissons que les choses avaient mal commencé, et ce
très lentement, trop lentement. Pendant deux ans, vous n’êtes parvenus à mener
aucune concertation avec les syndicats ; elles commencent tout juste et
nous en voyons le résultat. Vous n’êtes pas non plus parvenus à mener de
consultations auprès des formations politiques. Vous auriez pu vous entretenir
avec Les Républicains, avec le parti socialiste ou avec d’autres formations ici
représentées comme le parti communiste,…
Mme
Marine Le Pen. Et nous !
M.
Éric Woerth. …cela aurait été de bon aloi et bien naturel, mais, pour
une raison qui m’échappe, vous ne l’avez pas fait. Nous avons été reçus par
M. Pietraszewski il y a exactement une semaine : nous le remercions,
mais c’est intervenu un peu tard ! En définitive, on n’aura jamais mis
autant de temps pour préparer une réforme des retraites.
Or, maintenant,
vous souhaitez aller vite, trop vite. Vous mettez la pression sur l’Assemblée
nationale en enclenchant une procédure d’urgence. Nous ne sommes pas allés au
bout de l’examen du texte en commission, alors que nous aurions pu. Après deux
ans d’une pseudo-concertation, le projet de loi mérite bien deux mois de
discussions à l’Assemblée nationale !
M.
Jean-René Cazeneuve. Allons-y !
M.
Éric Woerth. Nous demandions du temps en commission et nous demandons
du temps en séance publique, en évitant évidemment, monsieur le président de
l’Assemblée nationale, des conditions d’examen dégradées ; siéger de nuit
les samedis et les dimanches n’aurait pas de sens.
M.
Erwan Balanant. Nous avons trois semaines !
M.
Éric Woerth. Prenons le temps d’aller au bout de la discussion de ce
projet de loi !
M.
Erwan Balanant. Nous allons prendre le temps et travailler !
M.
Éric Woerth. Le Parlement apparaît d’ailleurs largement ignoré au sein
du processus d’élaboration de la loi. Je le disais, il existe, au fond, une
table des grandes personnes – des parents – autour de laquelle se
trouvent les syndicats et le Gouvernement : elle porte le nom de
« conférence de financement » et on y discute des choses sérieuses,
comme du financement et du contenu de la réforme. Et il existe la table des
enfants, celle des parlementaires, où on parle moins sérieusement : sont
abordés le cadre de la réforme, les ordonnances ou la conférence, mais pas le
financement en lui-même, ce qui laisse une impression assez creuse. C’est comme
lorsqu’un médecin se trompe de diagnostic : le remède que vous prescrivez
aujourd’hui au malade – un peu imaginaire – risque de coûter cher et
de ne pas être efficace.
Votre réforme est, en premier lieu, parfaitement
incompréhensible. Elle est illisible pour le commun des mortels. Je n’en
comprends moi-même, et je ne suis probablement pas le seul, pas toute la
subtilité.
M.
Dino Cinieri. Moi non plus !
M.
Éric Woerth. Peut-être y en a-t-il certains sur les bancs de cet
hémicycle qui ne comprennent pas exactement de quoi il s’agit. Cela pourrait
être également le cas de quelques membres du Gouvernement ! Au fond,
l’impression est que peu de monde domine totalement la créature qui a échappé à
son créateur.
M.
Daniel Labaronne. Mais non !
M.
Éric Woerth. Pourquoi ? Car nous sommes incapables de nous
projeter à un horizon de 10, 15, 20, 30 ou 40 ans afin d’avoir une idée de
ce que vous proposez. De fait, parler des retraites sans véritablement parler
d’âge revient à parler de mariage sans parler d’amour.
M.
Daniel Labaronne. Bravo !
M.
Éric Woerth. C’est possible – c’est vrai –, mais, au risque
d’être un peu vieux jeu, on passe ainsi probablement à côté de l’essentiel. La
réalité est que nous vivons plus longtemps en bonne santé – tant
mieux – et qu’il y aura de moins en moins d’actifs pour financer les
retraites. Il convient d’en tirer les conséquences et de travailler plus
longtemps ; nous devons le faire de manière claire et nette.
Parler
des retraites sans parler d’argent est tout aussi délicat.
M.
Dino Cinieri. C’est n’importe quoi !
M.
Éric Woerth. L’absence totale de visibilité s’agissant du financement
du nouveau système interroge, et ce d’ailleurs jusque dans vos propres rangs.
Une partie de l’équilibre que vous nous présentez repose sur 2027 par une sorte
de tour de magie. Nous ne savons pas du tout comment vous remettrez le système à
l’équilibre en 2027. Certaines courbes sont très intéressantes, tel le graphique
no 63 qui montre que l’on rejoint l’équilibre, mais personne ne sait
si le chemin est bien tracé, tandis qu’on s’aperçoit que l’on obtient presque
les mêmes résultats financiers avant et après la réforme. Nous nous interrogeons
donc à juste titre sur le motif même de cette réforme.
Vous nous
présentez également une réforme systémique. C’est très bien, mais la réalité est
que nous allons passer des jours, voire des semaines à discuter de paramètres.
Les Français défilent d’ailleurs pour des paramètres, pas pour des systèmes. Un
système sans paramètres constituerait une boîte vide ; la boîte que vous
nous proposez aujourd’hui est, à mon sens, au moins à moitié vide.
La
preuve de la complexité de la réforme réside d’ailleurs dans le grand nombre de
paramètres. Ces derniers sont plus nombreux qu’avant. Il s’agit de l’âge légal,
de l’âge pivot, de la valeur du point – valeur à l’achat et valeur de
service –, de la durée de cotisation – laquelle ne disparaîtra pas
totalement –, de l’indice du revenu moyen – qui n’existe pas
encore –, et j’en passe. Le texte contient également une profusion de
périodes et de dates, comme l’année 2045, tandis que certaines dispositions
s’appliqueront aux personnes nées après 1975, quand d’autres ne concerneront que
les personnes nées après 1985. Au total, cela représente beaucoup de paramètres
pour une réforme systémique, lesquels sont, cela va de soi, aussi bien maîtrisés
dans vos rangs que par les Français.
Enfin, votre projet de loi est
universel, ou plutôt universellement disparate. Vous recréez en réalité un grand
nombre de régimes spéciaux. Vous souhaitez créer un acteur unique en opérant une
recentralisation du système de retraite, alors que nous avions auparavant des
caisses autonomes, mais, d’une certaine manière, vous les réactivez pour chaque
profession qui vient vous les réclamer, un peu à la manière des niches
fiscales.
Mais, puisque vous combattez les niches fiscales dans le
système social, vous auriez dû faire de même pour les niches sociales, et vous
inscrire ainsi dans la même cohérence.
En définitive, il y a dans ce
texte plus de zones d’ombre que d’espaces de clarté. Je ne citerai, faute de
temps, que quelques exemples parmi beaucoup d’autres, à commencer par la
question de la convergence de l’âge de départ pour les régimes spéciaux, qui
reste largement ouverte. J’avais posé la question ici même au Premier ministre,
mais je n’ai toujours pas la réponse : quand exactement le premier
conducteur de métro partira-t-il à 62 ans ? Dans vingt ans, dans
trente ans, dans quarante-trois ans, comme je l’ai entendu
dire ?
M.
Erwan Balanant. Il a répondu, mais vous n’avez pas écouté !
M.
Éric Woerth. Et puis vous nous assurez, monsieur le secrétaire d’État
chargé des retraites, que la valeur du point sera garantie. Mais il y a en fait
deux valeurs – la valeur d’achat et la valeur de service –, et deux
méthodes pour les revaloriser – selon que l’on se situe avant ou après
2045. Tout cela n’est pas clair.
Quant aux réserves des régimes
autonomes, comment cela va-t-il se passer ? Vous comptez les ponctionner en
faveur du régime universel pendant la période extrêmement longue de la
transition, mais à quel rythme et selon quelles modalités ?
M.
Dino Cinieri. C’est de l’improvisation !
M.
Éric Woerth. Bref, il y a beaucoup d’incertitudes et bien d’autres
points obscurs dans ce texte iceberg, où l’essentiel est immergé sous la
surface.
À cela, vous ajoutez des phases de transition
interminables : j’ai compté dix-huit dates qui s’entremêlent pour créer
plus de trente-neuf phases de transitions pour passer d’un morceau du système à
un autre. C’est donc un système d’une complexité inouïe !
M.
Erwan Balanant. Et vous, que proposez-vous concrètement ?
M.
Éric Woerth. Il est vrai que votre texte résout le cas des neuf
derniers pensionnés du régime des chemins de fer franco-éthiopien – qui
relie Djibouti à Addis-Abeba… Mais on parlera sans doute encore en 2100 des
derniers pensionnés des régimes spéciaux de la SNCF !
Il y avait
pourtant d’autres mesures à prendre.
M.
Erwan Balanant. Ah !
M.
Éric Woerth. Au passage, je rappelle que notre groupe vous rejoint sur
plusieurs points. Ainsi, nous sommes favorables à la suppression des régimes
spéciaux, car ils sont d’un autre temps, de même qu’à l’augmentation du minimum
garanti. Mais il n’y avait pas besoin de tout révolutionner uniquement pour
faire cela dans un système que nul ne comprend désormais.
M.
Erwan Balanant. Avec vous, les Français cotisent combien et quand
partent-ils ?
M.
Éric Woerth. Nos propositions sont vraiment très simples. Tout d’abord,
on repousse progressivement, en douze ans, l’âge légal de départ à la retraite
de 62 ans à 65 ans. Ce serait plus simple et moins hypocrite que l’âge
pivot, deux fois plus efficace sur le plan financier et plus juste car cela ne
créerait pas un effet d’horizon qui va inciter les gens à partir, au prix d’une
super-décote à la clef. Nous proposons également de construire un socle commun,
soit un régime universel de base, unique pour tous, jusqu’à un plafond de la
sécurité sociale et, au-delà, le maintien de régimes complémentaires par la
fusion de ceux du public et du privé.
M.
Damien Abad. On ne fait pas les poches des avocats !
M.
Éric Woerth. Quant à la pénibilité, il faut un système universel fondé
sur l’usure physique due à l’activité professionnelle. Et tout cela
fonctionne.
Contrairement à vous, chers collègues de la majorité, les
députés de notre sensibilité ont déjà mené des réformes des retraites et
ils ont mis, eux aussi, quelques millions de personnes dans la rue : aussi
suis-je bien placé pour vous certifier que l’on pourrait au moins discuter de
manière claire avec celles et ceux qui s’opposent aujourd’hui à une réforme du
système.
M.
Erwan Balanant. À gauche de l’hémicycle, pourquoi ne réagissez-vous
pas ?
M.
Éric Woerth. Bref, tout ça pour ça… Les Français se posent des
questions simples : ils veulent savoir quand ils partiront et à quel âge.
Au-delà des convergences entre public et privé, avait-on besoin de tout
chambouler ? Votre réforme est si compliquée qu’elle en devient inutile. Je
crois même que, demain, nul ne sera capable d’en mesurer l’impact et de dire si
c’était mieux avant ou si c’est mieux depuis.
Les décisions du
Gouvernement constituent un réel mystère pour moi. Je me demande pourquoi
vous vous êtes mis dans une telle situation. Vous pouviez respecter la parole du
Président de la République tout en procédant autrement, faire plus simple et
plus efficace. À vouloir tout faire converger à marche forcée, vous devez bien
constater que les Français, eux, ne convergent pas… À défaut d’être plus
consensuels ou plus populaires, vous et votre gouvernement auriez pu être
beaucoup plus simples et plus directs ; plus humbles peut-être, plus
efficaces sûrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M.
le président. La parole est à M. Patrick Mignola.
M.
Patrick Mignola. Dans quel projet s’inscrit la réforme des retraites
que nous allons étudier ensemble dans les jours qui viennent ?
Souvenons-nous de la situation il y a deux ans, chers collègues de la majorité,
quand nous sommes arrivés aux responsabilités : la France avait du mal à
payer ses factures et réduisait donc avec peine ses fractures. (Exclamations
sur plusieurs bancs du groupe LR.) Et celles-ci étaient nombreuses : le
chômage de masse, une formation professionnelle bloquée, des collectivités
locales sous-financées, des déserts médicaux… (Exclamations sur les bancs du
groupe LR.)
M.
Fabien Roussel. Des déserts médicaux ? Il n’y en a plus !
Terminé !
M.
Patrick Mignola. …une écologie d’intention et rarement de réalisation.
J’aime à les rappeler, mes chers collègues de l’opposition de droite et de
gauche (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM), parce
que vous nous les reprochez depuis, comme si nous étions responsables de vos
impérities passées. Parmi les fractures, il y avait aussi celle des retraites,
avec des pensions incertaines et souvent injustes.
Depuis deux ans, pas à
pas et humblement,…
M.
Julien Dive. « Humblement », dites-vous ?
M.
Patrick Mignola. …nous avons agi, mais pas assez. Les Français nous le
disent d’ailleurs, considérant que les effets de nos politiques ne se traduisent
pas suffisamment dans leur quotidien et ne sont pas assez ressentis par
eux-mêmes. Par conséquent, maintenant que nous avons remis en marche l’économie,
obtenu les premiers résultats budgétaires et fait progresser à nouveau ce pays,
le temps est venu de dessiner le visage du nouveau contrat social que notre
majorité veut proposer aux Français. (Applaudissements sur les bancs des
groupes MODEM et LaREM.) C’est ce contrat social que nous défendons ici, ce
pour quoi nous avons été élus, ce pour quoi nous avons fait tant d’efforts parce
que ce n’est jamais populaire de prendre des mesures en matière économique ou
fiscale. Mais cela paye.
M.
Fabien Di Filippo. Pour l’instant, vous n’avez fait que des
concessions !
M.
Patrick Mignola. Il faut désormais que les fruits du progrès que nous
avons recréé puissent être partagés, que les moyens financiers que nous avons
retrouvés soient redistribués. Et c’est bien par ce projet sur les retraites que
notre majorité peut ainsi proposer une politique de redistribution. Je le dis
ici avec solennité devant vous : ce projet sur les retraites est le premier
bloc du nouveau contrat social et civique que nous voulons proposer aux
Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
M.
Boris Vallaud. Combien y a-t-il de blocs ?
M.
Patrick Mignola. « Pourquoi faites-vous tout cela alors que le
système fonctionne très bien », nous dit-on. Mais ce système ne fonctionne
pas bien ! Il est injuste pour un très grand nombre de Français !
C’est bien dans le système actuel que se perpétuent de toutes petites retraites
pour les agriculteurs, pour les commerçants et les indépendants !
(« Eh oui ! »
sur de nombreux bancs des groupes MODEM et LaREM.) C’est bien ce système
qui force 100 000 femmes à partir à la retraite pas avant
67 ans ! Quant au déséquilibre budgétaire, il provient bien de ce
système ! (Mêmes mouvements.) On nous répète à satiété que les
pensions vont baisser, pensant qu’un mensonge répété mille fois passera à la fin
pour une vérité, mais c’est avec le système actuel qu’elles baisseront à coup
sûr. (Mêmes mouvements.) Il nous faut donc bien, je le dis au président
de la commission des finances Éric Woerth, le refonder. On n’en est plus à des
bidouillages de paramètres (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe
LR) : il s’agit ici d’une vocation nouvelle au service d’un
projet réellement nouveau.
M.
Éric Woerth. C’est le bidouillage du système !
M.
Patrick Mignola. On nous dit aussi : « Finalement, ce n’était
pas si urgent, il y avait d’autres priorités. » Ce n’est pas faux.
M.
Stéphane Viry. Les Républicains n’ont jamais dit ça !
M.
Patrick Mignola. Nous attendent encore en effet l’hôpital public, la
transition énergétique, les institutions ou encore la dépendance, et c’est la
raison pour laquelle il est si regrettable de ralentir le débat parlementaire, a
fortiori au moyen d’amendements répétitifs qui tournent en rond – qui ont
fait l’objet de débats parfois certes intéressants, mais d’autres fois
totalement ennuyeux –, des amendements venus d’une opposition qui a au fond
renoncé à être force de propositions pour se faire seulement spécialiste de la
monoculture de l’obstruction. (Applaudissements sur les bancs des groupes
MODEM et LaREM.) Et c’est dommage parce que ces textes concernent la vie des
Français, la nôtre, celle des pensionnés d’aujourd’hui et celle des pensionnés
de demain. Bloquer le système parlementaire en déposant des amendements
« point-virgule » me fait penser au théâtre du même nom.
M.
Erwan Balanant. Un théâtre où se jouent des spectacles
comiques !
M.
Patrick Mignola. On va transformer cette assemblée non pas en un
théâtre du Point-Virgule, mais en théâtre des amendements
« point-virgule »…
M.
Jean-Luc Mélenchon. Vous mentez !
M.
Patrick Mignola. …et je le regrette beaucoup – c’est une petite
plaisanterie à l’intention du rapporteur Turquois.
M.
Jean-Luc Mélenchon. Si vous voulez rigoler, allez le faire à la
buvette !
M.
Patrick Mignola. Mais le plus regrettable, c’est que ce jeu
d’obstruction par le dépôt de milliers d’amendements embête certes la majorité,
mais empêche surtout les oppositions de s’exprimer. Rappelons-nous cette phrase
prêtée à Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me
battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire. »
M.
Christian Hutin. Ce n’est pas de Voltaire mais de
Beaumarchais !
M.
Patrick Mignola. L’obstruction de la part des oppositions ne consiste
pas seulement à empêcher la majorité de parler, mais aussi à empêcher de
s’exprimer des députés d’accord avec elles. (Applaudissements sur de nombreux
bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.) En empêchant
qu’on en vienne au fond des sujets,le Parlement est en train de
s’autodétruire. Nous aurions tout intérêt à mieux travailler qu’en ce moment,
chers collègues des oppositions !
Vous nous dites : « Il
faut bien sûr résister pour que la France ne plonge pas dans la nuit par cette
réforme. » Mais cela n’est pas la première fois que vous nous faites le
coup ! M. le secrétaire d’État se rappelle que nous y avons eu droit à
propos de la modification du code du travail, de la réforme de la SNCF ou de la
formation professionnelle, et je ne crois pas que la France ait à ce point
plongé depuis dans la nuit.
M.
Jean-Luc Mélenchon. Ah si !
M.
Patrick Mignola. Il faut savoir rester justes et humbles quand on débat
d’un projet devant les Français, et laisser les grands mots de côté pour un peu
plus d’efficacité.
Alors de quoi parle-t-on ?
M.
Christian Hutin. Ah ! Il en vient au sujet !
M.
Patrick Mignola. Le projet de réforme des retraites instaure un système
de répartition et par points : on gagne des droits à des points de retraite
en fonction du nombre de jours travaillés au lieu du nombre de trimestres
entiers. Cela ressemble beaucoup à l’ancien système, mais en y ajoutant trois
éléments : plus d’équité, plus de solidarité et plus de
solidité.
Plus d’équité, disais-je, parce que nous faisons disparaître
les régimes spéciaux, mais progressivement, par respect de la parole donnée, par
respect du contrat moral passé avec les personnes actuellement intégrées dans
ces régimes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
Plus de solidarité, disais-je, parce que dans le système
actuel que je viens de décrire, il y a beaucoup de trous dans la raquette pour
les femmes, pour les agriculteurs, pour les commerçants et les
indépendants,…
M.
Erwan Balanant. Et les artisans !
M.
Patrick Mignola. …ainsi que pour les carrières heurtées, c’est-à-dire
pour les plus pauvres, pour ceux qui connaissent le plus d’accidents de
parcours.
Il nous faut plus de solidité, parce que nous avons l’ambition
insensée d’avoir un système équilibré. On a d’ailleurs proposé un âge pivot
autour duquel les oppositions ont beaucoup tourné, mais je crois qu’il était
sage de la part du Gouvernement de décider de laisser aussi une place à la
démocratie sociale pour que les partenaires sociaux puissent éventuellement
proposer mieux. Mais je m’arrête un instant sur le point suivant : proposer
un âge d’équilibre à 64 ans alors que les Français travaillent aujourd’hui
jusqu’à 63 ans et demi, cela revient à demander à chacun de faire un effort pour
travailler six mois de plus afin d’assurer une retraite à ses parents
aujourd’hui et à ses enfants demain. Dans un pays où, en soixante ans, on a
gagné treize ans d’espérance de vie, une telle proposition n’a rien d’infamante.
Il n’y a rien d’infamant à dire la vérité : si on vit un peu plus
longtemps, on peut travailler un peu plus longtemps aussi. (Applaudissements
sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Cette vérité n’est pas la nôtre !
M.
Patrick Mignola. Comme elle apporte à la fois plus de solidarité et
plus de solidité, cette réforme s’avère socialement de gauche (Exclamations
sur les bancs des groupes FI et GDR.) …
M.
Christian Hutin. Ah non ! Socialement de gauche, quelle
horreur !
M.
Patrick Mignola. …et économiquement de droite. Je viens de faire
référence à la moitié de ce qu’en dit mon collègue Bourlanges. Aux yeux du
MODEM, c’est une vraie réforme « en même temps », et nous allons la
soutenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Notre groupe a posé trois préalables.
Premier préalable : les
pensions ne doivent pas baisser, ni celles d’aujourd’hui ni celles de demain. Et
nous pouvons le dire ici, solennellement, aux Français : les pensions ne
baisseront pas.
Deuxième préalable : ce qui est acquis est
acquis.
Mme
Marie-Christine Dalloz. C’est faux !
M.
Christian Hutin. Vous savez très bien que ce n’est pas
possible !
M.
Patrick Mignola. Ce qui aura été acquis dans le cadre des précédents
régimes le restera pour les personnes concernées, car c’est le fruit de leur
mérite et de leurs efforts.
Troisième préalable : on ne touche pas
aux réserves. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Mme
Marie-Christine Dalloz. Allez le dire aux avocats, aux médecins, aux
infirmières libérales !
M.
Patrick Mignola. Les réserves doivent demeurer la propriété de ceux qui
les ont constituées. Je le dis aux avocats et à toutes les autres professions
qui en ont constitué. Je rappelle, comme l’a très bien relevé Jean-Paul Mattei
en commission spéciale, que toutes les réserves auraient dû être pillées pour
équilibrer le projet de La France insoumise ! Nous, en l’occurrence,
voulons un projet équilibré sans toucher aux réserves. (Applaudissements sur
les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
Notre groupe a indiqué quelles étaient ses priorités. La
première, c’est la gouvernance : elle doit être partagée entre l’État et
les syndicats. Car c’est une véritable responsabilité que de coconstruire. Oui,
nous acceptons à ce stade un texte à trous, nous acceptons que tout ne soit pas
décidé à l’avance, parce que nous voulons que la représentation syndicale ait
des responsabilités dans la gouvernance de notre futur système de
retraite.
C’est la plus belle des garanties que l’on puisse apporter aux
Français, car je vous mets au défi de trouver des syndicats ayant pour projet de
faire baisser les pensions dans les vingt ou quarante années à venir.
(Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
Le deuxième élément concerne les retraites progressives
– j’ai entendu tout à l’heure un orateur mettre en cause le rapporteur
Turquois en les assimilant à des mesures de bien-être au travail. De quoi
parle-t-on, pourtant ? De la nécessité de définir ce qui, dans notre pays,
n’a jamais été pensé : la manière dont on vit ses dernières années de
carrière professionnelle. À 55 ans, on est au summum de sa compétence
professionnelle, mais pas de sa résistance physique. Il faut donc pouvoir, passé
un certain âge, travailler moins pour transmettre plus. (Applaudissements sur
les bancs du groupe MODEM et de nombreux bancs du groupe LaREM.)
M.
Erwan Balanant. Bravo !
M.
Patrick Mignola. Dans l’économie française, qui met l’accent sur les
compétences, le fait que les travailleurs expérimentés puissent, en fin de
carrière, transmettre leurs compétences professionnelles par le tutorat
– joli mot également employé par Thierry Benoit – me semble
constituer, au-delà des considérations économiques, une avancée sociale.
M.
Christian Hutin. Vous avez déjà vu une femme de ménage à
55 ans ?
M.
Patrick Mignola. Il n’y a rien de pire, en effet, que d’arriver à la
retraite et, du jour au lendemain, de partir après s’être vu offrir un verre
d’Oasis et un sac de livres – éventuellement un vélo – par ses
collègues, sans recevoir aucune question ou demande d’ordre professionnel.
M.
Sébastien Jumel. Quand on porte des chaussures de sécurité, le
pantouflage est moins facile !
M.
Patrick Mignola. Du jour au lendemain, on a l’impression de ne plus
rien valoir.
Mme
Marie-Christine Dalloz. C’est parler pour parler, tout ça…
M.
Patrick Mignola. Si nous voulons faire preuve de davantage de respect
envers ceux qui arrivent en fin de carrière, tout en préparant l’avenir de nos
entreprises, nous devons le faire à travers des mécanismes de retraite
progressive et des transmissions mieux pensées. (Applaudissements sur les
bancs du groupe MODEM et quelques bancs du groupe LaREM.)
La famille
constitue la troisième priorité : nous ne devons pas seulement travailler
sur les avancées très notables proposées par le Gouvernement, lesquelles ont
d’ailleurs été encore améliorées la semaine dernière, à l’issue de la
concertation avec les mouvements qui forment la majorité. S’il faut évidemment
accorder un bonus pour le troisième enfant, nous devrons probablement réfléchir
à faire de même dès le deuxième enfant. Dans une société où l’on fait des
enfants de plus en plus tard et où les politiques familiales ont été déchirées
sous les quinquennats Sarkozy et Hollande… (Protestations sur les bancs du
groupe LR.)
Mme
Constance Le Grip. Ah non !
M.
Patrick Mignola. Mais si, chers collègues de droite, vous avez esquinté
le quotient familial : c’est vous qui avez commencé ! Vous en avez
accusé Hollande, mais rendons aux deux Césars ce qui leur appartient : l’un
et l’autre ont abîmé la politique familiale. (Protestations sur les bancs des
groupes LR et SOC.)
Mme
Marie-Christine Dalloz. Parce que vous, vous l’avez améliorée,
peut-être ?
M.
Patrick Mignola. Nous devons donc, à travers ce projet de réforme des
retraites, rassurer les femmes. Cette remarque vaut aussi pour ceux qui, dès
qu’on parle de famille, sortent les pistolets. Je rappelle en effet que les
cellules familiales ont évolué : il y a aujourd’hui des familles
décomposées et recomposées,…
M.
Gilles Lurton. On le savait, merci !
M.
Patrick Mignola. …des familles homoparentales… Mon propos n’est pas
seulement celui d’un démocrate-chrétien – quoique, dans ma bouche, le
qualificatif honore l’argument plus qu’il ne le déprécie.
M.
Christian Hutin. Un démocrate-chrétien très à droite, tout de
même !
M.
Patrick Mignola. Nous devons être capables, demain, de mener des
politiques familiales qui permettent aux familles de se construire dans la durée
et d’assurer l’équilibre du système à long terme. (Applaudissements sur
quelques bancs du groupe MODEM.)
Pour remplir la quatrième condition,
nous devons aborder la question du stock de personnes relevant du minimum
contributif – quelques-uns l’ont évoquée et elle reviendra dans nos débats
à intervalles réguliers. Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à estimer
que, si cette réforme s’adresse forcément aux retraités futurs, nous devons
également régler les problèmes des retraités actuels en situation difficile.
J’ai proposé au Premier ministre que les deux rapporteurs généraux du projet de
loi de financement de la sécurité sociale au Sénat et à l’Assemblée nationale
– l’un d’entre eux vient d’être nommé ministre, mais je ne doute pas qu’il
sera utilement remplacé – conduisent une mission, dont les conclusions
seraient rendues dans un délai de six mois, pour identifier ces cas, estimer les
budgets correspondants et proposer un calendrier de résorption des profondes
injustices que l’ancien système avaient fondées.
Le dernier élément est
celui de la pénibilité. Nous avons aujourd’hui la possibilité d’en confier la
prise en compte aux branches – et non, comme par le passé, de demander aux
entreprises d’appliquer à chaque salarié des règles si complexes et nombreuses
qu’elles ne permettaient pas d’évaluer réellement la pénibilité. À l’intérieur
de chaque branche, métier par métier, les représentants syndicaux pourraient
ainsi déterminer, de manière concrète et réalisable, le niveau de pénibilité, ce
qui n’est pas le cas actuellement.
J’ajouterai toutefois une chose
s’agissant de la pénibilité au travail – et je terminerai par là : je
ne voudrais pas que l’on décrive le travail comme une pure aliénation ;
qu’on ait une vision obstétrique du travail, qui ne conduirait qu’à une
délivrance ; et qu’on pense que le but du travail, c’est forcément la fin
du travail, parce qu’alors on se dira que le but de la vie, c’est la fin de la
vie.
Mme
Christine Pires Beaune. Mais de quoi parlez-vous ?
M.
Patrick Mignola. Telle n’est pas notre vision : nous allons
conserver la retraite par répartition, défendre un nouveau projet social et
enfin construire un nouveau contrat social pour les Français.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M.
Bruno Millienne. Excellent !
M.
le président. La parole est à M. Olivier Faure.
M.
Christian Hutin. On va passer au niveau supérieur !
M.
Olivier Faure. Toucher à notre système de retraites, ça n’est pas rien.
Forgé dans l’épreuve héroïque de la Résistance, créé à la Libération, il a fait
ses preuves : le nombre de retraités pauvres en France est deux fois plus
faible que chez nos voisins et les inégalités salariales se réduisent au moment
du départ à la retraite.
Mais – c’est également incontestable –
le système est perfectible. Cela tombe bien : en 2024, le Gouvernement
disposera d’une opportunité historique ! Le fameux « trou de la
sécu » sera comblé et ce sont entre 18 et 20 milliards d’euros qui
seront alors disponibles chaque année pour financer les retraites et la
dépendance, et soulager l’hôpital public,…
M.
Christian Hutin. Absolument !
M.
Olivier Faure. …tout cela sans aucun prélèvement obligatoire
supplémentaire. Vous disposez là d’une occasion dont aucun gouvernement avant
vous n’a bénéficié.
M.
Christian Hutin. C’est unique !
M.
Olivier Faure. Alors, pour faire évoluer notre régime, c’est oui ;
pour reconnaître toutes les situations de pénibilité, c’est oui ; pour
faire davantage pour les femmes, c’est encore oui ; pour porter les
pensions minimales au niveau du SMIC, oui à nouveau ! En bref : pour
faire plus juste, c’est oui, mille fois oui !
M.
Bruno Millienne. Vous êtes d’accord avec le projet, alors !
M.
Olivier Faure. C’est ce que nous, la gauche et les écologistes, avons
proposé.
Mais si c’est pour faire injuste – ce que dénoncent tous
les syndicats, y compris la CFDT…
Mme
Caroline Fiat. Ah, si la CFDT le dit…
M.
Olivier Faure. …qui est pourtant est favorable à un système à
points –, alors c’est non !
Vous prétendez que cette réforme
rendra le régime universel plus lisible et plus juste. Vraiment ? Un régime
universel avec des règles pour tous ? J’observe pourtant que les régimes
spécifiques se substituent aux régimes spéciaux sans aucune logique. Les pilotes
de ligne ou les transporteurs ont droit à la mansuétude du pouvoir, mais pas les
conducteurs de bus ou de TGV – à croire qu’il vaut mieux transporter des
marchandises que des passagers…
Universel, alors que le montant des
pensions variera d’une année sur l’autre en fonction de la conjoncture
économique ?
M.
Jean-René Cazeneuve. Faux !
M.
Olivier Faure. Universel, alors que l’âge d’équilibre reculera selon la
génération à laquelle chacun appartient ? Universel, alors que ceux
touchant des revenus supérieurs à 10 000 euros seront invités à les
faire capitaliser ailleurs ?
Vous dites que la réforme est lisible.
Mais, selon que vous êtes déjà à la retraite, que vous êtes né avant 1975 ou
après, ou que vous entrerez sur le marché du travail au lendemain de la réforme,
les règles seront différentes. Si vous bénéficiez d’un régime spécial, les dates
de bascule varieront également. Si vous entrez dans la catégorie des nouveaux
régimes spécifiques, ce sera encore une autre affaire… Je passe sur la valeur
d’achat du point et sa valeur de liquidation.
Vous vantez une réforme
juste.
M.
Jean-René Cazeneuve. Oui !
M.
Olivier Faure. Vous refusez pourtant de reconnaître la majorité des
situations de pénibilité. Le terme même de « pénibilité » écorche la
bouche du Président de la République, qui le trouve trop dur.
M.
Dominique Potier. Il le trouve pénible…
M.
Olivier Faure. Trouvez-vous juste que l’on passe d’une durée de
cotisation égale pour tous à un âge d’équilibre, ce qui conduira ceux ayant
effectué les carrières les plus pénibles à cotiser plus longtemps encore pour
financer les retraites de ceux qui ont la plus grande espérance de vie et les
pensions les plus élevées ?
Trouvez-vous juste que les femmes
n’aient d’autre choix que de renoncer à leur pension de réversion ou de renoncer
à divorcer ? (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Trouvez-vous juste que les carrières hachées soient
sanctionnées deux fois– une première fois par la réforme de
l’assurance chômage qui a durci les conditions d’indemnisation et une seconde
fois à la retraite ? Trouvez-vous juste que les chômeurs non indemnisés ne
produisent plus de points ?
M.
Pierre Dharréville. Exact ! Vous trichez !
M.
Olivier Faure. Trouvez-vous juste que la base de calcul des autres
chômeurs soit le montant de l’indemnité chômage et non plus le dernier
salaire ?
Mme
Christine Pires Beaune. C’est vrai !
M.
Pierre Dharréville. Très bien !
M.
Olivier Faure. Chacun d’entre nous est désormais face à ses
responsabilités. La première est de refuser de voter un chèque en blanc, un
bandeau sur les yeux !
M.
Boris Vallaud. Il a raison !
M.
Olivier Faure. Jamais un parlementaire ne devrait accepter de déléguer
son pouvoir vingt-neuf fois – pas moins ! – par ordonnance.
M.
Christian Hutin. Vingt-neuf ordonnances ! Vous ne servez à
rien ! (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M.
Olivier Faure. Jamais aucun d’entre nous ne devrait accepter de voter
sans savoir sur qui reposera le financement ! Aucun d’entre nous ne devrait
accepter de voter alors que l’indice INSEE sur lequel reposera l’indexation des
pensions n’est même pas encore connu ! Aucun d’entre nous ne devrait
accepter de voter sans disposer des simulations permettant d’en mesurer les
conséquences pour chacun de ceux qui nous ont fait confiance pour porter leur
voix ici à l’Assemblée nationale.
M.
le président. Veuillez conclure, monsieur le député.
M.
Olivier Faure. Voilà l’idée que je me fais de mon mandat – voilà
l’idée que je me fais de la démocratie. J’aurais tellement aimé, chers
collègues, pouvoir la partager avec chacune et chacun d’entre vous !
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –
M. Sébastien Jumel applaudit également.)
M.
le président. La parole est à M. Thierry Benoit.
M.
Thierry Benoit. De mémoire, la dernière grande réforme relative aux
retraites dont nous avons débattu dans cet hémicycle date de dix ans
– j’insiste bien sur le terme de « grande » réforme. Mon regard
se porte sur Éric Woerth et ses collègues.
M.
Dino Cinieri. Eh oui !
M.
Thierry Benoit. Je me souviens en effet que lorsqu’il s’était agi,
voilà dix ans, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, de reculer de deux ans l’âge
de l’ouverture des droits à la retraite, qui passait ainsi de 60 à 62 ans,
la décision fut difficile et courageuse.
M.
Jean-Pierre Door. Et efficace !
M.
Dino Cinieri. Ce fut une très bonne chose !
M.
Thierry Benoit. En tant que député centriste à l’époque, je l’ai
soutenue, votée et assumée (Applaudissements sur les bancs du groupe
UDI-Agir), même si, avec mes amis centristes – quels que soient les
bancs sur lesquels ils siègent –, nous proposons depuis au moins trois
législatures, lors des campagnes présidentielles et législatives, l’instauration
d’un régime universel de retraite par points. (Applaudissements sur les bancs
des groupes UDI-Agir et MODEM, et sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
Je l’affirme aujourd’hui : tous les centristes doivent
raisonnablement soutenir le projet qui nous est présenté aujourd’hui. Je l’ai
examiné de manière très attentive, notamment pendant les soixante-quinze heures
de débat sur le projet de loi ordinaire et les six heures de débat sur le projet
de loi organique que nous avons eues en commission spéciale.
L’enjeu
principal consiste à préserver le système de retraite par répartition, qui
fonctionne aujourd’hui au trimestre et que le Gouvernement souhaite transformer
en système par points. Le principe selon lequel les actifs cotisent pour
financer les pensions de retraite des générations qui les précèdent est selon
moi un principe généreux, qui promeut la solidarité entre générations.
À
titre personnel, je regrette que nous n’ayons pas pu aller au fond des choses au
cours des travaux de la commission spéciale. Rappelons tout de même que nous
avons pu, durant soixante-quinze heures, mener un débat approfondi. Je salue
notamment Jean-Paul Mattei, qui fait partie des députés ayant travaillé de
manière consciencieuse sur le texte.
Dans la circonscription où je vis,
la grande majorité des retraités sont d’anciens salariés du secteur de
l’industrie, des agriculteurs, des artisans, des commerçants ou encore des
indépendants qui, bien souvent, perçoivent des retraites comprises entre 500 et
900 euros. Certains touchent 1 000 euros, mais les retraites
atteignant 1 500 euros sont exceptionnelles. J’explique donc à mes
concitoyens que le futur système de retraite par points ne sera certainement pas
plus inéquitable que celui que nous connaissons aujourd’hui.
Pour ma
part, je souhaite sincèrement que nous puissions travailler de manière
approfondie sur la question de la pénibilité, en élargissant le débat au-delà
des charges lourdes, des risques chimiques et des vibrations mécaniques pour
évoquer aussi le travail de nuit, les horaires décalés et les cadences imposées
par les robots sur les lignes de production, en particulier dans le secteur de
l’agroalimentaire.
Je souhaiterais également que nous puissions
approfondir nos propositions sur les carrières longues pour les jeunes qui
démarrent leur carrière avant 20 ou 18 ans.
Je souhaiterais enfin,
monsieur le secrétaire d’État, que nous puissions aussi prendre en
considération, au cours de ces débats, la situation des retraités actuels
– agriculteurs, artisans ou commerçants – et de leurs conjoints qui
perçoivent de petites retraites. Je souhaiterais que, pour ces petites
retraites, une trajectoire de rattrapage permette, dans les cinq prochaines
années, de concrétiser la proposition du Président de la République d’un minimum
retraite de 1 000 euros.
Je serai aussi très attentif à la
question du cumul emploi-retraite. Comme l’a dit Patrick Mignola, président du
groupe MODEM,…
M.
Christian Hutin. Brillant !
M.
Thierry Benoit. …à propos du tutorat, je souhaiterais que quelqu’un qui
aborde la fin de sa carrière et entrevoit la retraite dans quelques années
puisse capitaliser, emmagasiner des points en consacrant du temps à un jeune qui
entre dans l’artisanat, dans le secteur du bâtiment ou dans celui de
l’industrie. Le tutorat est une chose précieuse.
M.
Fabien Roussel. Le tutorat ? Les vieux sont usés ! Vous
n’avez jamais mis les pieds dans une usine ! Sortez de vos
palais !
M.
Thierry Benoit. Enfin, nous n’avons pas pu approfondir le volet
financier du projet de loi ordinaire, puisque nous n’avons pas pu débattre de
l’article 57. J’espère donc que les débats que nous aurons dans l’hémicycle
nous permettront d’aborder la question de l’équilibre financier du projet.
Plusieurs députés du
groupe LR. Il n’y a rien !
M.
Dino Cinieri. Zéro !
M.
Jean-Pierre Door. C’est du vent !
M.
le président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M.
Adrien Quatennens. Monsieur le président, monsieur le secrétaire
d’État, collègues, nous sommes face à vous, disposés à mener la bataille
parlementaire. Cette bataille, nous l’avons préparée et nous la mènerons d’abord
au nom de ces femmes et de ces hommes mobilisés depuis plusieurs mois contre
votre projet de réforme des retraites et qui en paient le prix fort lorsqu’ils
rentrent à la maison avec des bulletins de paie à zéro.
Nous la mènerons,
car nous savons que si nous sommes ici l’opposition et en minorité, nous sommes,
sur cette question des retraites, la majorité dans le pays. Oui, une
écrasante majorité de Français considère que pour votre projet de loi, véritable
usine à gaz qui va faire autant de régimes spéciaux que de générations, le bon
port, c’est la poubelle !
M.
Roland Lescure. C’est aujourd’hui qu’il y a une usine à gaz !
M.
Adrien Quatennens. Ainsi, le texte a beau être présenté devant cette
assemblée, le mot d’ordre, dans le pays, demeure inchangé : retrait !
Retrait ou référendum ! (Applaudissements sur les bancs des groupes FI
et GDR.)
M.
Roland Lescure. Ne changez rien !
M.
Adrien Quatennens. D’abord, parce que vous n’avez pas de mandat pour
faire ce que vous faites.
Plusieurs députés du
groupe LaREM. Si ! C’est la démocratie !
M.
Adrien Quatennens. Faut-il rappeler que, dans le programme d’Emmanuel
Macron, qui vous engage, vous aviez clairement écrit qu’on ne toucherait ni à
l’âge de départ ni au niveau des pensions,…
M.
Christian Hutin. Il a oublié !
M.
Adrien Quatennens. …alors qu’ici, vous ne faites que cela.
(Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
Plusieurs députés du
groupe FI. Il a raison !
M.
Adrien Quatennens. Bien sûr, les Français ont compris qu’ils auraient
toujours le droit de partir à 62 ans, mais ils comprennent aussi qu’il
vaudrait mieux ne pas le faire, compte tenu du recul, génération après
génération, du fameux âge pivot ou âge d’équilibre qui, même provisoirement, n’a
jamais disparu de votre texte de loi. Diminuer le niveau des pensions ou faire
travailler les Français plus longtemps par l’âge d’équilibre, ce sont deux
manières de dire exactement la même chose : les Français paieront dans leur
chair votre projet.
Pour le justifier, vous avez surjoué l’alerte sur un
déficit prévisionnel que vos propres politiques ont contribué à construire. Mais
8 à 17 milliards d’euros, ce n’est rien en comparaison, par exemple, des
42 milliards d’encours bancaires destinés aux retraites chapeau ou des
60 milliards de dividendes versés aux actionnaires du CAC40 l’an
dernier ! C’est moins que rien si l’on considère les 300 milliards
d’euros que pèsent les retraites et que vous voulez faire fuir, progressivement
mais très méthodiquement, vers les systèmes par capitalisation !
(Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M.
Alexis Corbière. Il a raison !
M.
Adrien Quatennens. Comme vous, nous avons le souci du sérieux et de
l’équilibre financier, mais contrairement à vous, nous refusons d’en faire payer
le prix aux Français par le seul travail, alors que la richesse produite est
très grande, mais très mal répartie. Financer les retraites, c’est d’abord
partager les richesses, et c’est précisément ce que vous refusez de
faire !
Comme cela ne suffisait pas, vous avez fait le pari que la
jalousie des Français entre eux serait supérieure à l’aspiration de tous à de
bons niveaux de pensions,…
Mme
Caroline Fiat. Eh oui !
M.
Adrien Quatennens. …en agitant comme un épouvantail les régimes
spéciaux, qui ne représentent pourtant que 3 % de la population
active.
L’universalité est certes un bon mot d’ordre, mais désormais,
quand vous parlez d’universalité, tout le monde se moque de vous et vous rit au
nez ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.)
M.
Christian Hutin. Oui !
M.
Adrien Quatennens. Le Conseil d’État, qui n’est pas un nid d’insoumis,
s’est en effet chargé de valider l’essentiel des arguments de l’opposition et de
faire tomber comme des dominos, un par un, les éléments de langage, tous plus
fumeux les uns que les autres, que vous n’avez cessé de servir.
Dès lors,
que reste-t-il de votre projet de loi ? Rien d’autre qu’une vaste mesure
d’âge qui va contraindre les Français à travailler toujours plus longtemps
au-delà de l’espérance de vie en bonne santé,…
Mme
Caroline Fiat. C’est une honte !
M.
Adrien Quatennens. …alors qu’un actif sur deux n’est plus en emploi à
l’âge d’arrivée à la retraite et que le pays compte quelque
300 000 chômeurs de plus de 60 ans. (Applaudissements sur les
bancs des groupes FI et GDR.
– M. Christian Hutin applaudit
également.)
Comme je l’ai déjà dit, dans ce débat sur les retraites,
on a beaucoup parlé technique, comptabilité, calculatrice et âge d’équilibre,
mais on aurait surtout dû parler jardinage, musique, lecture, cinéma, passions,
amitié, amour. À l’heure du défi climatique, à quoi bon travailler plus
longtemps que le temps nécessaire à la production de ce dont nous avons
besoin ? Non, il n’est pas juste que les Français aient à travailler plus
longtemps pour financer les retraites ! Ils produisent déjà bien assez de
richesses, qu’il s’agirait simplement de mieux répartir.
Pour nous, c’est
clair : la retraite, c’est 60 ans, aucune pension inférieure au SMIC
pour une carrière complète et personne sous le seuil de pauvreté.
(M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.) Est-ce
désirable ?
Mme
Mathilde Panot. Oui !
M.
Adrien Quatennens. Si ça l’est, nous pouvons vous rassurer quant à la
manière de le financer : il nous faudrait simplement deux petits points de
PIB de plus consacrés aux retraites d’ici à 2040. Ce n’est rien par comparaison
avec les points de PIB passés des poches du travail à celles du capital ces
dernières années !
« Ceux qui vivent sont ceux qui
luttent », nous dit le poète. Vivons ! (Applaudissements sur les
bancs des groupes FI et GDR.)
M.
le président. La parole est à Mme Catherine Fabre.
Mme
Catherine Fabre. Si je monte à la tribune aujourd’hui au nom du groupe
La République en marche, c’est parce que nous sommes fiers de cette réforme.
(« Ah ! » sur
quelques bancs des groupes FI et GDR.)
M.
Fabien Di Filippo. Fiers d’être des amateurs !
Mme
Catherine Fabre. Depuis sa création, le système de retraite a vocation
à aller vers l’universalité. Ce que nous proposons aujourd’hui, c’est un grand
pas dans le sens de l’histoire.
M.
Christian Hutin. Oh là là ! On va se casser la pipe !
Mme
Catherine Fabre. Pour permettre que la vie après le travail soit
envisagée avec sérénité.
M.
Fabien Di Filippo. Quel décalage entre les mots et la
réalité !
Mme
Catherine Fabre. Pour toutes et tous, et de manière juste. Pour
garantir à Adèle, qui a 20 ans, qu’elle aussi aura droit à une retraite,
comme ses parents et ses grands-parents avant elle. (Exclamations sur
plusieurs bancs du groupe FI.) Pour que les droits de Maxime, qui a
travaillé toute sa vie comme moniteur dans une école de conduite, sans
progression de carrière, aient autant de valeur que les droits acquis par Paul,
qui a gravi les échelons d’une grande entreprise. Pour Marie, qui a été
infirmière à l’hôpital, puis dans une clinique, qui a déménagé et a monté son
cabinet en libéral, avant de revenir travailler à la PMI, la protection
maternelle et infantile…
Un député du groupe
LR. Oh, Marie, si vous saviez !
Mme
Catherine Fabre. …– pour que ses droits à la retraite soient plus
clairs pour elle tout au long de son parcours et pour qu’elle n’ait pas de
mauvaises surprises sur sa pension. Pour Suzanne, qui monte sa charcuterie,…
Mme
Caroline Fiat. On n’a pas eu de réponse pour Marie !
Mme
Catherine Fabre. …qui va travailler dur et gagner peu pendant plusieurs
années – pour que chacune de ses heures travaillées compte.
Ces
gens-là, et bien d’autres, sont aujourd’hui les victimes d’un système où les
plus précaires cotisent pour les plus aisés. Car telle est la vérité
aujourd’hui, et c’est à cela que nous nous attaquons. C’est pour cela que nous
sommes si déterminés. C’est pour cela que ce projet de loi prévoit de
redistribuer les droits à la retraite en faveur d’Adèle, de Maxime, de Marie, de
Suzanne et de bien d’autres, artisans, commerçants, agriculteurs, ouvriers,
employés, précaires ou mères de famille. (Exclamations sur les bancs du
groupe FI.)
M.
Alexis Corbière. Il faut un référendum !
Mme
Catherine Fabre. Ne vous en déplaise, notre projet s’appuie sur les
valeurs centrales énoncées en 1945 par le Conseil national de la
Résistance :…
M.
Christian Hutin. Non ! Pas ça ! Vous n’avez pas le
droit ! Vous n’avez rien à voir avec le Conseil national de la
Résistance !
Mme
Catherine Fabre. …l’équité entre les générations et la justice au sein
de chaque génération.
Michel Rocard, dans sa préface au Livre blanc
sur les retraites, disait que ces valeurs « nous indiquent (…) le
chemin et donnent de solides critères de jugement ». C’est en référence à
ces valeurs que je défends aujourd’hui, au nom du groupe La République en
marche, ce projet de loi pour un système universel de retraite.
Chers
collègues, la justice au sein de chaque génération, c’est un système de retraite
qui prenne en compte la pénibilité de façon généralisée et unifiée, qui s’adapte
aux apparitions et aux évolutions des métiers.
M.
Christian Hutin. C’est pour cela que vous avez supprimé quatre critères
de la loi de Marisol Touraine !
Mme
Catherine Fabre. De ce point de vue, il est urgent d’attacher la
pénibilité aux situations de travail plutôt qu’aux statuts. À ce titre,
l’ouverture du C2P, le compte professionnel de prévention, aux agents de la
fonction publique, la meilleure prise en compte de la poly-exposition et la
baisse des seuils pour le travail de nuit et les équipes alternantes vont
résolument dans le bon sens (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM), car l’universalité des droits n’a rien à voir avec l’uniformité des
parcours.
M.
Christian Hutin. Et les quatre critères que vous avez supprimés en
arrivant au Gouvernement ? On n’en parle jamais !
Mme
Catherine Fabre. Retraite et pénibilité ne sont pas les mêmes sujets,
mais ce sont des sujets interconnectés, comme la retraite et l’emploi des
seniors, car bien vieillir suppose de bien vieillir au travail…
M.
Christian Hutin. Oh là là !
M.
Ugo Bernalicis. Bien vieillir au travail ?!
Mme
Catherine Fabre. …et de bien vivre au travail.
Notre société ne
doit pas se résigner à laisser certains de ses citoyens s’abîmer au travail,
alors que l’on pourrait penser une démarche préventive et des parcours plus
mobiles qui permettraient d’éviter cela. Elle ne doit pas non plus exclure ses
seniors de l’emploi.
C’est en ce sens que nous défendrons des amendements
instituant un entretien obligatoire sur les possibilités d’aménagement de fin de
carrière, la possibilité d’entrer en retraite progressive dès 60 ans, la
mise en place d’un accompagnement pour le cumul emploi-retraite et la retraite
progressive, et l’abaissement de l’âge de la retraite progressive à 55 ans
pour les personnes en situation de handicap. Conformément aux conclusions du
rapport Bellon-Mériaux-Soussan, nous défendrons également un amendement visant à
inscrire obligatoirement la prise en compte du vieillissement au travail des
femmes et des hommes dans les négociations triennales de branche sur les
conditions de travail et la gestion prévisionnelle des emplois et des
compétences. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M.
Fabien Roussel. Pourquoi pas une charte sur la pénibilité ?
M.
Christian Hutin. Il faut tout faire par ordonnances ! Ça va plus
vite !
Mme
Catherine Fabre. Nous croyons à une prise en compte des situations de
travail pénible très en amont, au niveau de la prévention et de la reconversion
professionnelle, et nous saluons à ce titre les avancées issues des
concertations lancées par Mme la ministre du travail avec les partenaires
sociaux.
Si nous sommes convaincus que le meilleur remède à la pénibilité
est son évitement par des actions préventives, nous ne nous leurrons pas sur le
fait que de nombreux travailleurs n’y auront pas accès et qu’il faut également
prévoir une réparation. Sur ce point, on peut regretter que les discussions
n’aient pas encore abouti. Elles doivent et vont continuer
(« Ah ! » sur
plusieurs bancs du groupe FI) à propos de la réparation dans les situations
de travail impliquant l’exposition aux quatre facteurs aujourd’hui exclus du
C2P.
M.
Christian Hutin. Et pourquoi en sont-ils exclus ? Parce que vous
les avez retirés en arrivant au pouvoir !
Mme
Catherine Fabre. Nous regarderons cela sous le regard attentif et
appuyé de notre groupe et des rapporteurs du texte, notamment de Jacques Maire.
Nous renouvelons, à cet égard, notre confiance dans le dialogue social en
appelant à la responsabilité de chacun.
Michel Rocard disait :
« à grande cause, grande controverse ». Notre hémicycle ne sera pas en
reste et nous permettra de débattre. Le groupe La République en marche y prendra
toute sa place. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M.
le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. J’ai retenu les propos que vous répétiez en
boucle : « réforme la plus structurante du quinquennat »,…
Un député du groupe
SOC. Du siècle !
Mme
Marie-Christine Dalloz. …« réforme universelle »,
« réforme juste ». J’ai même entendu
« fraternelle » !
Plusieurs députés du
groupe LaREM. Oui !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Les mots sont forts. Ils ont été habilement
choisis, mais la réalité, c’est que cette réforme n’est ni juste ni universelle
(Approbations sur les bancs du groupe LR. – Protestations
sur les bancs du groupe LaREM)…
M.
Christian Hutin. Ni fraternelle !
Mme
Marie-Christine Dalloz. …et ne laisse pas le choix de sortie aux futurs
retraités, contrairement à ce que vous dites.
Plusieurs députés du
groupe LR. Et voilà !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Je vous conteste la volonté d’incarner des
réformateurs courageux. Ainsi, quand de nombreuses professions sont sorties du
futur dispositif, où est son caractère universel ? Où est
l’équité ?
M.
Fabien Di Filippo. Elle a raison !
Mme
Marie-Christine Dalloz. La réalité, c’est que vous instaurez cinq
régimes : celui des salariés, celui des fonctionnaires, magistrats et
militaires, celui des salariés agricoles, celui des non-salariés agricoles et
celui des marins.
M.
Ugo Bernalicis. Et celui de la Banque de France !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Comme le souligne le Conseil d’État, à
l’intérieur de ces régimes, tous ne seront pas soumis aux mêmes règles
– c’est extraordinaire ! –, contrairement à ce que vous voulez
faire croire aux Françaises et aux Français. Certains salariés des régimes
spéciaux continueront de partir à la retraite à un âge moindre que les autres
salariés du même régime. Enfin, d’autres professions continueront à bénéficier
de leurs régimes complémentaires. En quoi ces mesures sont-elles justes ?
Où voyez-vous de l’universalité ?
Quant à la notion d’équité, que
vous prônez du matin au soir et du soir au matin, j’affirme que c’est un
mensonge. Pour les femmes, pour les salariés et les cadres du secteur privé,
pour les enseignants, pour les aides-soignantes, pour les infirmiers, pour les
professions libérales, dont les avocats, et pour toutes les catégories C de
la fonction publique territoriale, c’est une baisse programmée des retraites. Où
est l’équité ?
M.
Christian Hutin. Mensonge !
Mme
Marie-Christine Dalloz. En réalité, par manque de courage, vous
supprimez la durée de cotisation. Adieu aux trimestres cotisés ! Vous
instaurez un âge d’équilibre, ce qui constitue une demi-mesure.
M.
Dino Cinieri. Absolument : rien n’est fait !
Mme
Marie-Christine Dalloz. La clarté voudrait que vous annonciez aux
Français qu’il est nécessaire de travailler plus longtemps. Avec cet âge
d’équilibre, vous instaurez bel et bien une super-décote.
M.
Fabrice Brun. Les pensions sont minorées de 10 % à vie !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Vous leur laissez l’illusion qu’un choix est
possible, mais c’est un mensonge puisque si on décide de partir à la retraite,
c’est avec des revenus qui ne permettent pas de vivre dignement. Enfin, et c’est
le comble, vous demandez au Parlement de voter un texte qui fait abstraction de
toute mesure de financement.
M.
Christian Hutin. Très juste !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Vous annoncez des mesures de solidarité, mais
comment les financez-vous ? Vous parlez de pénibilité, mais comment la
financez-vous ? Vous renvoyez toutes ces questions – toutes nos
questions – à la conférence de financement. Ce n’est pas sérieux. C’est
même dangereux, car il y va du patrimoine collectif et individuel de chaque
Française et de chaque Français. Votre réforme est illisible et mal
préparée.
Mme
Christine Pires Beaune. Qu’ont-ils fait pendant deux ans ?
Mme
Marie-Christine Dalloz. Vous avez pourtant mené, pendant plus de deux
ans, une concertation avec les partenaires sociaux. Qu’avez-vous fait pendant
ces deux ans ? Un dialogue qui se solde par la plus grande crise sociale
depuis 1968, ce n’est pas un dialogue. Toutes nos interrogations concernant la
valeur du point, la super-décote, la durée de cotisation ou encore la période de
transition sont restées sans réponse.
Monsieur le secrétaire d’État, vous
admettrez que les réformes précédentes, adoptées par le Parlement en toute
connaissance des paramères, ont permis de rapprocher les niveaux de cotisations
salariales dans le public et dans le privé et les durées de cotisation. En 2010,
nous avions garanti l’équilibre du régime pour 2016 et 2017. Face à votre
réforme, notre groupe, en totale responsabilité, défend un contre-projet et
assume avec courage une mesure d’âge de départ qui permettrait de financer la
pénibilité et d’améliorer l’employabilité des seniors. Ces sujets ne sont pas
réellement traités par votre texte.
Monsieur le secrétaire d’État, il est
de votre responsabilité, vous qui vouliez faire de la politique autrement, de
permettre au Parlement de travailler dans des conditions normales. Les délais
accordés à la commission spéciale ne nous ont pas permis de prendre connaissance
des quelque mille pages de l’étude d’impact, des soixante-cinq articles du
projet de loi ordinaire et des cinq articles du projet de loi organique.
M.
Dino Cinieri. Très bien !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Nous avons le sentiment d’avoir été dépossédés
de notre mission. Nous ne pouvons pas traiter avec désinvolture le fruit d’une
vie de travail. Les Français attendent de nous de la rigueur et du
sérieux ; mais quand le Gouvernement prévoit le recours à vingt-neuf
ordonnances, il témoigne d’un mépris du travail parlementaire et de la
représentation nationale.
M.
Dino Cinieri. Le Parlement est piétiné !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Sur un sujet si important, et compte tenu des
nombreux points à clarifier, il convient de donner du temps à l’étude de cette
réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M.
le président. La parole est à M. Hervé Saulignac.
M.
Hervé Saulignac. Rarement notre Assemblée aura entamé l’examen d’un
texte avec autant de fébrilité.
M.
Ugo Bernalicis. C’est vrai !
M.
Hervé Saulignac. Mais rarement aussi le sentiment d’insécurité sociale
aura atteint un tel niveau dans notre pays, sur un sujet majeur, qui touche des
millions de Français.
M.
Christian Hutin. C’est ça qui est gravissime !
M.
Hervé Saulignac. Il y a derrière ce débat un enjeu qui implique toutes
les strates générationnelles et qui plonge dans l’incertitude nombre de nos
concitoyens, tant votre équation ne comporte que des inconnues. Les semaines qui
viennent de s’écouler ont en effet largement nourri les appréhensions de toutes
natures. Là où vous auriez dû lever des doutes, vous les avez confortés. Là où
vous auriez dû faire de la pédagogie, vous vous êtes perdus en
conjectures.
Il y a d’abord eu le bourbier du dialogue social, puis le
départ par la petite porte du haut-commissaire Jean-Paul Delevoye, avant la
sanction unanime des économistes de tous bords, les doutes sur le financement
qui ont fini par atteindre le MEDEF lui-même, sans oublier le jugement sans
précédent, et surtout sans appel, du Conseil d’État.
Nous avons ensuite
assisté à l’incroyable théâtre de la commission spéciale, avec un indicateur
sorti du chapeau à la dernière minute, qui n’existe pas et qu’il faudrait créer,
et un rapporteur général de la commission des finances qui écrit en toute hâte
au Premier ministre pour lui asséner un flot de questions saisissantes. Dernier
épisode d’un feuilleton riche en rebondissements : le départ précipité de
la ministre des affaires sociales, qui disparaît du paysage à la veille des
débats. Bref, tout cela est inédit. Un tel degré de confusion, d’impréparation
et de tergiversations est inédit, et la façon dont vous avez négligé le
Parlement l’est tout autant dans la Ve République.
M.
Christian Hutin. C’est très bien résumé !
M.
Hervé Saulignac. Nous avons une certaine habitude de l’empressement
– pour ne pas dire de l’emballement – législatif. Mais il s’agit en
l’occurrence de discuter d’une dépense qui s’élève à 325 milliards d’euros
par an pour l’État. Ne nous en voulez donc pas si nous cherchons à vérifier que
le financement de votre réforme est assuré. C’est tout simplement notre mission
de députés.
Pour faire ce travail correctement, il aurait été judicieux
que nous disposions d’un peu de temps, le temps de lire quelque mille pages
d’étude d’impact, le temps de réfléchir à des amendements de qualité, le temps
d’échanger avec les partenaires sociaux, le temps de l’analyse. Vous nous avez
privés de ce temps. Vous avez préféré négliger la représentation nationale,
comme si elle était devenue secondaire dans notre démocratie. Vous avez cédé à
la tentation du passage en force et vous vous étonnez que la démarche de
certains députés, qui ont déposé des amendements par milliers, puisse nuire au
rythme que vous aviez prévu.
Mes chers collègues, il n’y a aucun
déshonneur à remettre l’ouvrage sur le métier quand celui-ci est à ce point
interrogé, pour ne pas dire remis en cause, par une majorité de Français.
Au-delà du fait que le caractère urgent de la réforme est tout à fait
contestable, son contenu apparaît aujourd’hui très éloigné des mots que vous
employez quand vous vous efforcez de le promouvoir auprès de nos concitoyens. Le
nouveau système devait devenir limpide, lisible et simple : il est opaque,
confus et complexe.
M.
Christian Hutin. Bravo !
M.
Hervé Saulignac. Le nouveau système devait entériner la fin des régimes
spéciaux et autonomes : il reconnaît des régimes spécifiques avec des
règles dérogatoires. Le nouveau système n’avait pas vocation à réaliser des
économies sur le dos des futurs retraités : il transforme pourtant les
pensions en variable d’ajustement des finances publiques.
M.
Ugo Bernalicis. Eh oui !
M.
Hervé Saulignac. Le nouveau système ne devait pas repousser l’âge de
départ à la retraite : en instituant non seulement la carotte de la
surcote, mais aussi le bâton de la décote, vous ne créez aucune réelle liberté
de choix, ce qui aboutira à un départ à la retraite retardé, conformément à ce
que vous souhaitez. Le nouveau système devait donner les mêmes droits à
tous : en autorisant un cumul emploi-retraite dès 62 ans avec des
cotisations sans droits avant l’âge pivot, vous créez des obligations qui ne
donnent pas les mêmes droits à tous.
Mais derrière les mots, derrière les
formules, il y a des vies. Il y a parfois des vies cassées, il y a toujours des
aspirations à une fin de vie paisible et digne. Il y a des réalités : celles des
40 % de femmes qui partent à la retraite sans carrière complète, celles de
paysans, de commerçants ou d’artisans qui n’atteignent pas le seuil de pauvreté,
celles d’enseignants qui hésitent à jeter l’éponge, celles d’infirmières ou
d’aides-soignantes qui interrompront leur carrière prématurément si vient à
disparaître la catégorie « active » qui leur permet aujourd’hui de
cesser un métier harassant à 57 ans. Je pourrais en citer beaucoup
d’autres : on identifie bien les perdants, mais on peine à trouver les
gagnants.
M.
le président. Il faut conclure, cher collègue.
M.
Hervé Saulignac. Ne commettez pas l’erreur qui ferait naître un immense
sentiment d’injustice – peut-être le sentiment d’injustice de trop. Notre
pays a besoin d’apaisement, de perspectives positives, d’unité et de confiance.
Votre texte ne remplit aucune de ces exigences. (Applaudissements sur les
bancs du groupe SOC. – M. Ugo Bernalicis applaudit
aussi.)
M.
Christian Hutin. Bravo, Hervé !
M.
le président. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme
Mathilde Panot. Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous avez peur
d’être trop subtil et trop intelligent, puisque vous pensez que le peuple est en
grève car il ne comprend pas tout, je vais vous aider.
Nous savons
maintenant que LREM signifie « La retraite en moins »
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) et que votre système
prétendument juste, universel et équitable consiste en réalité à faire
travailler les gens plus longtemps et pour moins d’argent. Eh oui, les
mensonges, même répétés à l’infini, ne font pas une vérité ! La vérité,
c’est qu’aucun gouvernement n’aura autant accru les inégalités que le vôtre, qui
donne davantage à ceux qui se gavent déjà, appauvrit ceux qui ont le moins et,
avec cette réforme des retraites, s’empresse de creuser leur tombe.
Vous
vendez l’intérêt général pour vos intérêts privés. Vous osez remettre la Légion
d’honneur au patron français de BlackRock, alors que c’est BlackRock qui devrait
vous récompenser pour cette loi ! Vous pourriez même leur céder votre place
et assumer le fait que cette Assemblée devienne, jusqu’à la fin de l’examen du
projet de loi, un conseil d’administration exceptionnel du fonds de pension
américain ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.)
M.
Jean-Luc Mélenchon. Très bien !
Mme
Mathilde Panot. Pour faire main basse sur les 300 milliards
d’euros des retraites, vous ne vous contentez pas de faire les poches aux
Français : vous détruisez du même coup les conditions de notre survie.
BlackRock, je le rappelle, gère des actifs dans 17 000 conseils
d’administration à travers le monde, dont ceux de Monsanto l’empoisonneur, Total
le pollueur, Bouygues le bétonneur et Axa le spéculateur. Vous savez si bien
vous entourer ! Vous n’avez aucune limite lorsqu’il s’agit de servir les
puissances de l’argent, qui n’ont guère plus que vous pour les
défendre.
La seule logique qui s’oppose en tous points à votre projet
mortifère, c’est celle de l’écologie populaire. Car l’écologie, c’est
l’apprentissage de la limite. C’est elle qui nous ordonne de limiter le temps de
travail. Car travailler plus longtemps revient à anéantir le temps libre, la
possibilité de s’occuper des siens et des autres hors de la sphère
marchande.
Mme
Caroline Fiat. Eh oui !
Mme
Mathilde Panot. C’est une entreprise de destruction de toute forme de
vie intérieure. Nous ne sommes pas des êtres corvéables à merci, qu’on essore
dans la centrifugeuse de l’argent et de la consommation.
M.
Jean-Luc Mélenchon. Très bien !
Mme
Mathilde Panot. Nous sommes des êtres de pensée, qui apprécions la
beauté des choses, vivons grâce aux liens que nous nouons les uns avec les
autres. Et c’est une bien triste vision que vous avez de la nature humaine si
vous pensez que nous naissons pour travailler jusqu’à la mort.
M.
Alexis Corbière. Elle a raison !
Mme
Mathilde Panot. L’écologie consiste à partir des limites des êtres et à
faire le constat de leur vulnérabilité. Travailler deux à trois ans de plus,
c’est peut-être facile lorsqu’on siège dans un hémicycle ou dans un bureau de
direction, mais pour beaucoup d’autres, cela ne signifie pas autre chose que la
mort. Je pense aux égoutiers, aux fossoyeurs, aux bûcherons, à celles et ceux
pour qui l’âge de départ à la retraite que vous proposez coïncide avec celui de
l’achat du cercueil. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.)
Une personne pauvre sur quatre meurt déjà avant l’âge de la retraite dans notre
pays.
M.
Christian Hutin. Oui !
Mme
Mathilde Panot. Voici ce que vous allez encore aggraver : l’état
d’un monde dans lequel les gens passeront du travail au
cimetière.
L’écologie populaire consiste à reconnaître les limites
physiques des êtres, mais également les limites du vivant. En travaillant plus
pour produire toujours plus de marchandises inutiles et indésirables, on accroît
les émissions de gaz à effet de serre à travers des échanges de part et d’autre
de la Terre alors même que dans le septième pays le plus riche au monde, les
besoins fondamentaux des gens – s’éduquer, se soigner, se loger, respirer
un air sain – ne sont, eux, pas satisfaits.
L’écologie populaire
vise à construire une civilisation du temps libéré, à réorganiser complètement
nos modèles de production et de consommation pour répondre réellement aux
besoins. Aller dans le sens du progrès, ce n’est pas faire souffrir les gens
dans des petits boulots dépourvus de sens mais leur permettre de travailler
moins et mieux ; c’est créer des millions d’emplois socialement et
écologiquement utiles, qui assurent nos pensions. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe FI.) Nous voulons une société qui ouvre vers un
horizon heureux et voie dans l’urgence écologique l’occasion d’inventer un autre
monde, loin de votre misère et de votre morgue.
Vous êtes la régression
en marche : vous êtes restés coincés au XXe siècle, où seuls
importaient le productivisme et le PIB.
M.
Jean-Luc Mélenchon. Voilà !
Mme
Mathilde Panot. Votre projet repose, encore et toujours, sur l’idée
d’une croissance infinie et insoutenable. Vous vivez dans une fiction :
vous imaginez continuer à nous épuiser, à nous consumer à la tâche, au milieu de
paysages détruits, dans les lambeaux de ce qui existait avant et que vous ne
serez pas parvenus à conserver, à cause de votre irresponsabilité.
Mais
prenez garde : le jour où les événements climatiques extrêmes nous
frapperont encore plus fortement, notre cohésion reposera entièrement sur la
solidarité. En vous attaquant à notre système de retraite, vous vous en prenez à
nos capacités intergénérationnelles de résilience face au changement
climatique : toucher à la solidarité, c’est nous affaiblir dans notre
résistance à ce phénomène.
Si nous voulons agir pour lutter contre le
changement climatique, c’est vous qu’il faut envoyer à la retraite. Nous sommes
favorables au retour à la retraite à 60 ans…
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Et même à 55 ans !
Mme
Mathilde Panot. …mais pour vous, nous voulons bien faire une
exception : partez maintenant, et ne revenez jamais ! Car, comme
disait Aimé Césaire, « il n’est pas question de livrer le monde aux
assassins d’aube. » (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
M.
le président. La parole est à Mme Monique Limon.
Mme
Monique Limon. Le système de retraite actuel nous a accompagnés pendant
75 ans. Malgré ses mérites historiques, il n’est plus adapté aux réalités
démographiques, économiques et sociales du pays. Il nous faut désormais le
transformer. Ce projet de loi instituant un système universel de retraite est le
fruit d’un long travail de concertation mené par le Gouvernement et par la
représentation nationale avec la population et les partenaires sociaux. Il se
fonde sur des principes d’équité et de justice sociale.
Je tiens à saluer
l’engagement des députés de la majorité, avec lesquels nous avons réalisé plus
de 160 réunions publiques sur le territoire afin de construire ensemble ce
projet de transformation profonde de notre modèle social.
M.
Christian Hutin. Magnifique !
Mme
Monique Limon. C’est cet investissement et ce travail collectif qui
nous permettent aujourd’hui de proposer des amendements de groupe pour affirmer
notre volonté de transformer le système de retraite afin qu’il soit plus juste,
plus transparent, en particulier envers les plus vulnérables.
M.
Christian Hutin. C’est toujours bien de se flatter !
Mme
Monique Limon. Transformer le système de retraite nous conduit à
prendre en considération toutes les inégalités et les injustices qui affectent
les différents parcours de vie. Le système universel de retraite les réduira. Il
conservera le même niveau de dépenses de solidarité, tout en les répartissant de
manière à ce qu’elles soient plus redistributives.
M.
Christian Hutin. Non !
Mme
Monique Limon. Je souhaite mettre l’accent sur les avancées que
permettra cette réforme des retraites en matière de droits familiaux et
conjugaux pour résorber les inégalités entre les femmes et les hommes. Les
amendements du groupe La République en marche posent le principe d’une plus
forte redistribution des droits à la retraite en faveur des femmes. D’autres
amendements nous donneront l’occasion de débattre de l’égalité entre les femmes
et les hommes au sein des couples et selon les différentes formes d’union. Grâce
à la création du système universel de retraite, nous allons pouvoir adapter
notre droit aux évolutions de la société.
L’égalité entre les femmes et
les hommes a été déclarée grande cause du quinquennat par le Président de la
République. Aussi les députés de la majorité sont-ils déterminés à faire de la
réduction des inégalités entre les sexes l’un des principaux enjeux de la
réforme des retraites. C’est pourquoi nous défendons, par le bais de nos
amendements, des propositions ambitieuses visant à faire en sorte que les
nouveaux droits attribués aux familles puissent réellement profiter aux femmes
et donc renforcer l’égalité.
En effet, le système actuel de retraite
renforce les inégalités. Il octroie par exemple aux femmes une retraite
inférieure de 42 % à celle des hommes, et 20 % des femmes continuent à
travailler jusqu’à 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Demain, le passage d’un système fondé sur une durée de référence à un système
reposant sur un âge d’équilibre collectif permettra aux femmes dont les
carrières sont incomplètes de prendre leur retraite plus tôt. Ce sera le cas
pour plus d’un tiers d’entre elles.
De nouveaux droits familiaux seront
également attribués aux femmes afin de corriger les effets de l’arrivée et de
l’éducation d’un enfant. Ce sera justice, car les femmes sont les premières à
subir des préjudices de carrière et à rencontrer des difficultés à concilier vie
familiale et vie professionnelle.
Rappelons toutes les avancées qui, avec
l’instauration du système universel, bénéficieront aux femmes et aux
familles.
Chaque enfant donnera désormais droit à l’attribution d’une
majoration de 5 % des points acquis, plus 2 % supplémentaires pour les
familles de trois enfants et plus. La moitié de ces points seront attribués à la
mère au titre de la maternité. Nous voulons par ailleurs garantir la
compensation du préjudice de carrière que toutes les femmes – notamment les
plus modestes – auront subi. C’est pourquoi nous leur accorderons une
garantie minimale de points. La majoration attribuée à la mère ne pourra ainsi
être inférieure à un montant plancher qui sera défini par décret. Certaines
femmes subissent un préjudice de carrière plus grand encore du fait de leur
isolement ; aussi souhaitons-nous que les mères isolées bénéficient, à la
retraite, d’une majoration de leurs droits.
Une majoration sera également
accordée pour enfant en situation de handicap.
En outre, la pension de
réversion permettra désormais de garantir un niveau de vie constant au conjoint
survivant qui, dans 90 % des cas, est une femme. Nous souhaitons également
mieux prendre en compte les droits à la réversion pour les personnes divorcées,
en créant un dispositif pour protéger les femmes qui ont dû réduire ou
interrompre leur activité.
Par ailleurs, le système valorisera chaque
période travaillée et sera plus favorable aux carrières heurtées ou durablement
effectuées à temps partiel, situations que connaissent de nombreuses
femmes.
Nous prendrons en compte la pénibilité, qui touche
particulièrement les femmes qui exercent des métiers en horaires décalés ou qui
sont amenées à porter des charges lourdes.
Enfin, la revalorisation du
dispositif de minimum de retraite, qui sera porté à 85 % du SMIC en 2025,
profitera principalement aux femmes.
M.
Christian Hutin. Les caissières…
Mme
Monique Limon. Vous l’aurez compris, chers collègues, nous sommes fiers
de pouvoir participer à la refonte de notre système de retraite, qui redonnera
confiance aux bénéficiaires de demain en la possibilité d’une retraite fondée
sur les principes d’une meilleure redistribution, durable, plus juste et plus
égalitaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et
UDI-Agir.)
M.
le président. La parole est à M. Ludovic Pajot.
M.
Ludovic Pajot. Le projet de réforme du système de retraite soumis à
l’examen de la représentation nationale est sans doute le texte le plus
symbolique de l’esprit de l’exécutif. Il en ressort tout d’abord un mépris
manifeste pour le peuple. Alors que la contestation est générale – des
cheminots aux avocats en passant par les professions libérales, les enseignants,
les personnels hospitaliers et même les militaires –, le Gouvernement
refuse de donner la parole au peuple à travers un référendum. Et pourtant cette
réforme, qui concerne l’ensemble des Français, remet clairement en cause notre
pacte social.
Ce texte traduit également un profond mépris envers le
Parlement. Même si cette assemblée est bien loin d’être représentative, la
manière qu’a l’exécutif de la traiter souligne le peu de considération qu’il lui
porte. Le nombre des habilitations à légiférer par ordonnances demandées aux
parlementaires en est d’ailleurs la triste illustration.
Soit la réforme
voulue par le Gouvernement n’est pas prête, et cela traduit un amateurisme
total, soit – et cette hypothèse me semble la plus réaliste – tout est
prêt et il préfère légiférer dans la dissimulation sur des mesures auxquelles
les Français sont farouchement opposés. Je pense bien sûr au développement
progressif de la retraite par capitalisation, symbole de l’individualisme que la
macronie cherche à mettre en place partout au détriment de la retraite par
répartition, symbole des liens intergénérationnels qui font notre cohésion
nationale.
Enfin, et c’est sans doute l’élément novateur, cette réforme
témoigne d’un mépris des institutions. L’exemple le plus flagrant est la manière
dont le Gouvernement a traité le Conseil d’État, qui n’a d’ailleurs pas manqué
de le noter dans son avis.
Sur le fond, il est grand temps de cesser de
mentir aux Français : il s’agit avant tout d’une réforme budgétaire. Il
faut dire que cela fait quelques années que les instances de l’Union européenne,
guidées par l’idéologie de l’austérité budgétaire, poussent à cette réforme par
le biais des fameuses grandes orientations des politiques économiques.
L’objectif, in fine, est de faire baisser la part du produit intérieur brut
dédiée aux retraites de 13,8 % aujourd’hui à 12,9 %
demain.
Sont en outre prévues la prise en compte de l’ensemble de la
carrière pour les salariés du privé en lieu et place des 25 meilleures
années, ainsi que l’instauration d’un système par points avec une incertitude
totale sur sa valeur dans le temps. Et, compte tenu de la non-diminution du
nombre de retraités, chaque Français aura compris que ce système aboutira
mécaniquement à une baisse du niveau des pensions. Ce n’est pas l’étude d’impact
de mille pages, aussi massive que contestée, qui permettra de dissimuler cette
réalité.
Le constat que ce projet est dangereux pour les Français ne doit
cependant pas nous laisser penser que le système actuel est parfait. La
perfection n’est semble-t-il pas de ce monde mais si le système de retraite en
vigueur n’échappe pas à cette règle, il reste viable. Ce qui est avant tout
nécessaire, c’est de produire des recettes supplémentaires. Cela passera
nécessairement par une politique nataliste et une plus forte création d’emplois,
sans oublier les quelque 500 000 travailleurs détachés présents sur
notre sol, qui représentent un manque à gagner de près de 3 milliards
d’euros pour nos retraites.
En outre, nous considérons que les régimes
spéciaux, pour les militaires notamment, mais aussi les régimes autonomes, comme
celui des avocats, doivent dans leur grande majorité être maintenus, bien que
certains aménagements à la marge soient sans doute nécessaires. C’est tellement
vrai que la multiplication des régimes particuliers créés récemment rend
illusoire le principe d’universalité qui nous est vendu.
Précarisation,
privatisation et financiarisation : tel est en quelque sorte le triptyque
mortifère de ce projet de réforme. « La compétence sans autorité est aussi
impuissante que l’autorité sans compétence » : ces propos de Gustave
Le Bon illustrent assez bien le climat dans lequel nous nous trouvons. Les
Français sont en grande majorité opposés à cette réforme que le Président de la
République, le Gouvernement et la majorité veulent leur imposer. Chers collègues
de la majorité, on ne gouverne pas contre le peuple. Or vous savez que les
Français sont contre votre réforme. Vous voulez passer en force ? Ce sera à
vos risques et périls. (Applaudissements parmi les députés non
inscrits.)
M.
le président. La discussion générale commune est close.
La
parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites.
M.
Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites.
Si vous le permettez, mesdames et messieurs les députés, ma réponse ne sera pas
exhaustive, sachant que j’aurai l’occasion, au fil de la discussion, de revenir
sur de nombreux sujets évoqués.
Certains éléments sont revenus de façon
récurrente dans vos interventions. Plusieurs députés de la majorité, comme
Mme Fabre ou Mme Limon, ont ainsi rappelé leur satisfaction, leur
fierté de voir ce texte enfin examiné en séance et leur volonté de réussir cette
transformation sociale. Je les remercie d’avoir souligné les nombreuses
évolutions que prévoit la réforme, qui doivent permettre d’assurer plus de
solidarité.
J’ai par ailleurs entendu plusieurs questions, aussi bien de
la part de Thierry Benoit, concernant les carrières longues, la pénibilité, la
situation des retraités d’aujourd’hui, que de la part du président Philippe
Vigier, au sujet de la nécessité d’établir la confiance. Or sur le fond, le
président Vigier le sait : l’exercice auquel nous nous livrons depuis
plusieurs semaines, et qui prendra encore le temps qu’il faudra, doit contribuer
à instaurer cette confiance avec nos concitoyens.
Certains – parmi
lesquels, toujours, le président Vigier – se sont inquiétés du nombre important
d’ordonnances prévues. Nous avons vu en commission spéciale que nous étions déjà
à même de transformer au moins l’une d’entre elles en dispositions législatives.
Nous continuerons dans cette voie dans les jours qui viennent.
La
présidente Valérie Rabault…
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Elle est partie !
M.
Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. …m’a, comme elle le
fait régulièrement, interrogé sur l’opposition qu’il y aurait entre la carrière
des cadres et celle des ouvriers. Je répète bien volontiers que la réalité de
l’insertion dans l’emploi pour tous ceux qui sont très diplômés, pour les
cadres, est bien supérieure à celle de ceux qui sont peu diplômés. Reste que ces
derniers, ouvriers ou employés, entrent autour de 21 ans dans la vie
active, contre environ 22 ans pour les très diplômés. Il n’y a donc pas de
différence significative entre les deux catégories, et il n’est pas opportun de
les opposer : outre que que je ne suis pas sûr qu’il soit bon d’opposer les
Français les uns aux autres, c’est faire fi de la possible progression sociale
qui doit être offerte à tous.
Le président Faure a pour sa part évoqué la
manne que constituerait la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale,
et l’abrogation de dispositions concernant le remboursement de la dette sociale.
Il faut prendre garde à ne pas vendre deux, trois ou quatre fois le même produit
ou les mêmes opportunités. Nous aurions pu nous rejoindre quand il a souligné
l’importance des autres enjeux auxquels nous devons faire face, comme la
dépendance ou l’hôpital. Il faut savoir, en matière d’équilibre des retraites,
distinguer ce qui relève du domaine contributif – et donc distinguer la
responsabilité de ceux qui déterminent les recettes et la responsabilité de ceux
qui décident des dépenses.
Le président Mignola a affirmé souscrire à ce
nouveau contrat social avec les Français, tout en rappelant le sens qu’il
donnait à cette adhésion : l’équité, avec la fin des régimes spéciaux, la
solidarité vis-à-vis des femmes, des agriculteurs et de tous ceux qui ont des
carrières heurtées. Il a insisté sur les principes de solidité et de
responsabilité. Si nous voulons que les droits nouveaux prospèrent, si nous
voulons que la solidarité dure, le système doit être robuste et donc financé, à
savoir à l’équilibre.
M.
Dino Cinieri. Oui, mais comment ?
M.
Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Ces dispositions
auraient pu convenir au président Woerth, qui a évoqué à plusieurs reprises ce
nécessaire esprit de responsabilité. Nous aurions pu nous retrouver sur ce
point, même si j’ai bien entendu que plusieurs questions subsistaient en matière
de financement.
M.
Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Je voulais donc lui
dire un mot, même s’il n’est plus dans l’hémicycle, mais je ne lui en fais pas
du tout grief,…
M.
Fabrice Brun. On le lui dira ! (Sourires.)
M.
Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. …car il a été
très assidu en commission spéciale. La proposition du Gouvernement comportait
initialement un âge d’équilibre qui se construisait progressivement entre 2022
et 2027. Cette disposition assurait la stabilité financière du système de
retraite. Le Gouvernement a répondu à l’appel des partenaires sociaux
– pour ma part, je crois qu’il a bien fait –, qui souhaitaient qu’on
leur rende la main sur les conditions du retour à l’équilibre. Les dispositions
relatives à l’âge d’équilibre sont toutefois restées dans le projet de
loi : elles constituent l’élément principal de la solidité et de la
robustesse du futur système. Il n’y a donc rien de caché…
M.
Vincent Descoeur. Il n’y a surtout rien !
M.
Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Tout est transparent.
Nous savons que l’âge d’équilibre permettra de garantir un bon niveau de
retraite à nos concitoyens et de partager équitablement le gain d’espérance de
vie entre le temps à la retraite et le temps d’activité, comme la loi de 2003 le
précisait déjà.
M.
Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Madame Autain, vous
nous interpelliez en parlant « d’aumône » à propos du dispositif que
nous voulons mettre en place. Vous vouliez sans doute appeler mon attention en
tenant des propos qui, vous le savez, ne sont pas adaptés à la situation. En
France, les dépenses sociales représentent plus de 30 % du PIB : la
redistribution est bel et bien une réalité.
Mme
Mathilde Panot. Une concentration des richesses de plus en plus
forte ! Quarante-et-un milliardaires !
M.
Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. C’est aussi cela qui
nous rend fiers de notre pays ; je crois que nous ne pouvons que nous
accorder sur ce sujet.
M.
Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. La règle d’or, que
vous sembliez combattre à la tribune, ne fait qu’énoncer un principe de solidité
durable qui permettra une solidarité pérenne, avec la possibilité d’un partage
et le maintien de bons niveaux de pensions – même si j’ai compris que vous
trouviez ces niveaux insuffisants. Ils doivent s’établir à 1 000 euros
en 2022 pour une carrière complète au SMIC, et à 80 % du SMIC en 2025.
M.
Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Je m’arrête là,
monsieur le président, mais je ne manquerai pas de revenir au cours de nos
débats sur les autres sujets abordés durant la discussion générale, dont j’ai
bien pris note. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M.
Marc Le Fur. La question de Mme Dalloz n’a pas eu de
réponse !
M.
le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.