Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Première séance du mardi 18 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de M. Richard Ferrand
1.
Questions au Gouvernement
Rachat
de Bombardier par Alstom
M. Yannick
Favennec Becot
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des
finances
M. Yannick
Favennec Becot
Meurtre
d’une infirmière en psychiatrie
Mme Caroline
Fiat
M. le
président
Terroristes
islamistes en détention
M. Meyer
Habib
Mme Nicole
Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
M. Meyer
Habib
Dossiers
en cours au ministère des solidarités et de la santé
M. Michel
Herbillon
M. Édouard
Philippe, Premier ministre
M. Michel
Herbillon
Politique
de l’emploi
Mme Muriel
Pénicaud, ministre du travail
Réforme
des retraites
Mme Laurence
Dumont
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Plan
de paix américain pour le Proche-Orient
M. Bruno
Joncour
M. Jean-Yves
Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères
Plan
de lutte contre le séparatisme islamiste
Mme Constance
Le Grip
M. Laurent
Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur
Office
français de la biodiversité
M. Xavier
Roseren
Mme Élisabeth
Borne, ministre de la transition écologique et solidaire
M. Xavier
Roseren
Retraites
des avocats
Mme Cécile
Untermaier
Mme Nicole
Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice
Réforme
des retraites
M. Alain
Bruneel
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Plateforme
SignalConso
Mme Sophie
Beaudouin-Hubiere
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des
finances
Centrale
nucléaire de Fessenheim
M. Raphaël
Schellenberger
Mme Élisabeth
Borne, ministre de la transition écologique et solidaire
M. Raphaël
Schellenberger
Incendies
en Corse
M. Jean-Félix
Acquaviva
M. Laurent
Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur
Crise
de l’hôpital public
M. Alain
David
M. Olivier
Véran, ministre des solidarités et de la santé
Réforme
des retraites
M. Emmanuel
Maquet
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Qualité
nutritionnelle de l’alimentation
Mme Michèle
Crouzet
M. Didier
Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation
Prime
exceptionnelle de pouvoir d’achat
M. Marc
Le Fur
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des
finances
M. Marc
Le Fur
Mise
en cause d’un manifestant à Bordeaux
M. Alexis
Corbière
M. Laurent
Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur
M. Alexis
Corbière
Substituts
aux emballages plastiques à usage unique
Mme Lise
Magnier
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des
finances
Dossiers
en cours au ministère des solidarités et de la santé
M. Gabriel
Serville
M. Olivier
Véran, ministre des solidarités et de la santé
Rémunération
des enseignants
Mme Michèle
Victory
M. Jean-Michel
Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
Réduction
de l’utilisation de produits phytosanitaires
M. Jean-Luc
Fugit
M. Didier
Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation
Système
de protection sociale et de santé
M. Jean-Pierre
Door
M. Olivier
Véran, ministre des solidarités et de la santé
M. Jean-Pierre
Door
Rémunération
des éleveurs bovins
Mme Géraldine
Bannier
M. Didier
Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation
Participation
de Taïwan aux travaux de l’Assemblée mondiale de la santé
M. Jean-Jacques
Gaultier
M. Olivier
Véran, ministre des solidarités et de la santé
Suspension
et reprise de la séance
2.
Système universel de retraite
Rappels
au règlement
M. Marc
Le Fur
M. le
président
M. Fabien
Roussel
Mme Clémentine
Autain
M. le
président
M. Pierre
Dharréville
Mme Clémentine
Autain
M. le
président
M. Sacha
Houlié
Suspension
et reprise de la séance
Rappel
au règlement
M. Damien
Abad
M. le
président
Discussion
des articles
Avant
l’article 1er
Amendements nos 45
, 358
M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Amendements nos 24633
, 37161
, 383
, 534
, 2285,
2286, 2287, 2288, 2289, 2290, 2291, 2292, 2293, 2294, 2295, 2296, 2297, 2298,
2299, 2300, 2301
M. le
président
Suspension
et reprise de la séance
Rappel
au règlement
M. Sébastien
Jumel
Avant
l’article 1er (suite)
Rappel
au règlement
M. Adrien
Quatennens
Avant
l’article 1er (suite)
Rappel
au règlement
M. Marc
Le Fur
Suspension
et reprise de la séance
Amendements nos 5756,
5757, 5758, 5759, 5760, 5761, 5762, 5763, 5764, 5765, 5766, 5767, 5768, 5769,
5770, 5771, 5772 , 37188
, 25
, 248
, 12014
M. le
président
M. le
président
Amendements nos 23845
, 41892
(sous-amendement)
3.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
M. Richard Ferrand
M. le
président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
Questions au Gouvernement
M. le
président. L’ordre du jour appelle les questions au
Gouvernement.
Rachat de Bombardier par Alstom
M. le
président. La parole est à M. Yannick Favennec Becot.
M. Yannick
Favennec Becot. Ma question s’adresse au ministre de l’économie et des
finances.
Les bonnes nouvelles pour l’industrie française ne sont pas
légion ! Aussi celle du rachat, par Alstom, de la branche ferroviaire du
groupe canadien Bombardier ne peut-elle que nous réjouir.
M. Pierre
Cordier. Ce n’est pas fait !
M. Yannick
Favennec Becot. Avec ce rachat, nous aurons un géant des transports, à
même de défier la concurrence internationale, véritablement capable d’innover et
d’investir, entre autres pour aller vers des transports propres et répondre au
défi climatique.
Ce nouvel ensemble sera également une formidable
chance : nous espérons que l’industrie ferroviaire sera davantage porteuse
d’emplois pour nos territoires. Je rappelle qu’Alstom emploie, à ce jour,
9 500 salariés en France, notamment à Belfort, à La Rochelle, à
Villeurbanne, à Valenciennes, à Tarbes et au Creusot.
Cette bonne
nouvelle pour l’industrie française doit cependant être validée par la
Commission européenne. Or nous avons tous en mémoire le rejet par cette
dernière, il y a un an, du projet de fusion entre Alstom et Siemens. Ce veto à
la création d’un géant européen ferroviaire était une faute non seulement
économique, mais aussi politique.
C’est pourquoi le groupe Libertés et
territoires souhaite que le ministre de l’économie et des finances nous rassure
quant à l’issue positive de ce rachat,…
M. Pierre
Cordier. Cela ne dépend pas de lui !
M. Yannick
Favennec Becot. …en ce qui concerne tant l’accord de la Commission
européenne que la pérennité et la croissance des emplois dans nos territoires.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
M. le
président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du
ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie
et des finances. Vous avez raison, Alstom est un groupe solide qui dispose
d’un important carnet de commandes dans le secteur ferroviaire et qui a remporté
récemment des succès commerciaux, en France et à l’international, ce qui lui
permet de poursuivre sa trajectoire stratégique sans
inquiétude.
Néanmoins, le groupe a conclu tout récemment – il vient
de l’annoncer – un accord portant sur le rachat de la société Bombardier.
Cela lui permettra de renforcer ses capacités industrielles et en recherche et
développement, ainsi que son actionnariat, puisque celui-ci sera rejoint par la
Caisse de dépôt et placement du Québec, grand investisseur institutionnel
québécois. Pour toutes ses raisons, nous nous réjouissons fortement.
Vous
l’avez indiqué, c’est le début d’un processus qui s’engage.
Cela suppose
premièrement de s’assurer que l’empreinte industrielle en France aille dans la
bonne direction. Or M. Poupart-Lafarge, président-directeur général
d’Alstom, l’a confirmé, puisqu’il y a une complémentarité entre les sites de
Bombardier et ceux d’Alstom.
Deuxièmement, du point de vue
organisationnel, le fait qu’il ne s’agisse pas d’une fusion entre égaux, comme
c’était le cas entre Alstom et Siemens, est plutôt une bonne
nouvelle.
Troisièmement, il convient de défendre le dossier auprès de la
direction générale de la concurrence de la Commission européenne. Le ministre de
l’économie et des finances, Bruno Le Maire, vient tout juste de l’évoquer
avec la commissaire compétente, Mme Vestager, afin que, parmi les éléments
d’appréciation au regard des règles de la concurrence, soit pris en
considération, conformément au schéma de politique industrielle européenne, le
fait que l’accord conforte Alstom face à un groupe chinois, CRRC – China
Railroad Rolling Stock Corporation –, qui peut, nous le savons désormais,
pénétrer le marché européen. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Yannick Favennec Becot.
M. Yannick
Favennec Becot. Merci. Ce qui nous importe, c’est la qualité du projet
industriel et ses répercussions dans les territoires en matière d’emploi et de
mobilité durable, notamment à travers la pérennisation des petites lignes
ferroviaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LT.)
Meurtre d’une infirmière en psychiatrie
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme
Caroline Fiat. Monsieur le Premier ministre, tout au long du week-end,
nous n’avons entendu parler, bien malgré nous, que de l’élection municipale à
Paris. Toute l’actualité a été occultée, notamment la mobilisation du personnel
hospitalier, le 14 février, pour clamer son amour à l’hôpital public. Pis,
le meurtre d’une jeune collègue de 32 ans, poignardée à mort par un
patient, a été passé sous silence.
Dès qu’un fonctionnaire de l’État
décède dans l’exercice de ses fonctions, il est d’usage de lui rendre hommage
par une minute de silence dans cet hémicycle. Or ce matin, grande surprise, pour
ne pas dire stupéfaction, lors de la conférence des présidents : vous avez
refusé, monsieur le président, notre demande de rendre hommage par une minute de
silence à cette infirmière tuée dans l’exercice de ses
fonctions !
Je n’ai donc pas de question à poser au Gouvernement.
Mon groupe et moi proposons, pour le temps restant de mon intervention,
d’observer une minute de silence en hommage à cette soignante. (Les députés
des groupes FI, GDR et SOC ainsi que quelques députés non inscrits se
lèvent.)
M. le
président. Madame Fiat, nous sommes tous sensibles à l’émotion provoquée
par le drame que vous venez d’évoquer. Toutefois, ainsi que je l’ai indiqué au
président de votre groupe, l’usage limite la pratique des minutes de silence à
des cas exceptionnels et solennels. Il ne peut y avoir, dans cet hémicycle, de
minute de silence à l’initiative d’un député ou d’un
groupe.
Permettez-moi d’ajouter que des professionnels de santé siègent
sur tous les bancs et que chacun ici partage la peine de la famille endeuillée.
Je vous demande donc de poursuivre votre question. À défaut, je serai conduit à
vous retirer la parole.
M. Éric
Coquerel. C’est incroyable !
M.
Christian Hutin. Ce n’est pas brillant !
Terroristes islamistes en détention
M. le
président. La parole est à M. Meyer Habib.
M. Meyer
Habib. Madame la garde des sceaux, le Président de la République dévoile
aujourd’hui le premier volet de sa stratégie contre le séparatisme islamiste. Il
était temps ! L’urgence est absolue : 150 quartiers sont
désormais tenus par les islamistes et l’islam politique est la première menace
pour l’ordre républicain.
Il y a évidemment les djihadistes revenant des
zones de combat, mais la première préoccupation, ce sont les centaines
d’islamistes qui sortiront de prison dans les années à venir. À l’heure où je
parle, 530 terroristes islamistes sont incarcérés en France, auxquels il
faut ajouter 900 radicalisés. Je rappelle qu’à Londres, le 29 novembre
puis le 2 février derniers, les terroristes venaient d’être libérés après
une réduction de peine.
Madame la ministre, ces hommes sont des bombes à
retardement. Ils ont déclaré une guerre totale à notre pays. Ils pratiquent la
taqîya. Si demain un seul passe à l’acte en sortant de prison,
nous serons, vous serez responsables ! Le procureur national antiterroriste
et la direction générale de la sécurité intérieure expriment une profonde
inquiétude.
Dans un État de droit, ils seront un jour libérés, et c’est
tout à fait normal. Alors que faire ? Le bracelet électronique ne suffit
pas, et il est absolument impossible de mettre un policier derrière
chacun.
Le risque zéro n’existera jamais, nous sommes d’accord, mais il
faut durcir la loi. Je propose : premièrement, l’expulsion immédiate des
islamistes étrangers condamnés ; deuxièmement, la déchéance de nationalité
pour les binationaux ;…
M.
Sébastien Chenu. Très bien !
M. Meyer
Habib. …troisièmement, la suppression des libérations anticipées, comme
l’a prévu en urgence Boris Johnson ; quatrièmement, au cas par cas,
l’extension de la rétention de sûreté et la rétention administrative, comme le
pratiquent avec succès les Israéliens.
M.
Jean-Paul Lecoq. Netanyahou, sors de ce corps !
M. Meyer
Habib. La Constitution, me direz-vous ? S’il le faut,
révisons-la ! Quand la vie de nos compatriotes est en jeu, il n’y a qu’un
seul principe : la précaution. Madame la ministre, allez-vous mettre en
œuvre ces mesures ? (Applaudissements parmi les députés non
inscrits.)
M. le
président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la
justice.
Mme Nicole
Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Vous le
savez, le Président de la République et le Gouvernement sont pleinement
mobilisés dans la lutte contre la radicalisation et le terrorisme
islamiste.
S’agissant de la sortie de prison des détenus condamnés pour
des faits de terrorisme, que vous avez évoqués, nous avons déjà un dispositif
étoffé pour assurer au mieux la sécurité de nos concitoyens.
M.
Sébastien Chenu. Il est mauvais !
Mme Nicole
Belloubet, garde des sceaux. Au cours de l’année 2020,
quarante-trois détenus définitivement condamnés pour des faits liés au
terrorisme islamiste auront exécuté leur peine et seront donc libérés. Dès leur
sortie, ils feront l’objet d’un suivi par un juge spécialisé et devront se
soumettre à des obligations strictes dans le cadre d’une surveillance
judiciaire. Nous avons d’ailleurs ouvert quatre centres de suivi de jour, à
Paris, à Lyon, à Marseille et à Lille, pour assurer au mieux leur prise en
charge par des personnes spécialisées.
À côté de ce suivi judiciaire, la
loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme prévoit
un suivi administratif, avec une surveillance particulière de ces individus par
les services de renseignement. Des mesures individuelles de contrôle
administratif et de surveillance – MICAS – peuvent être prononcées à
leur endroit. Je pense notamment à des obligations de pointage ou à des
interdictions de quitter la commune de résidence.
M. Éric
Diard. Ce n’est pas suffisant ! Il faut la rétention !
Mme Nicole
Belloubet, garde des sceaux. À défaut de respecter strictement ce
double suivi, judiciaire et administratif, les personnes concernées risquent un
retour en prison.
Par ailleurs, les dispositions relatives à la rétention
de sûreté – vous l’avez évoquée –, qui prévoient de ne pas libérer
certains condamnés en raison de leur dangerosité, sont d’ores et déjà
applicables aux faits les plus graves en matière terroriste, notamment les
assassinats.
Je comprends parfaitement l’exigence qui est la vôtre,
monsieur Habib. Nous la partageons,…
M. le
président. Merci, madame la ministre…
Mme Nicole
Belloubet, garde des sceaux. …mais il faut être conscient qu’un
nouvel instrument juridique ne pourrait pas s’appliquer aux détenus qui sortent
de prison maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Meyer Habib.
M. Meyer
Habib. Je vous ai écoutée avec attention, madame la ministre, mais le
doute ne peut pas profiter aux terroristes.
M. Pierre Cordier et
M. Vincent Descoeur. Il a raison !
M. Meyer
Habib. Deux cent soixante-dix Français ont été tués à cause de
l’islamisme. Notre seule préoccupation, ce doit être les Français.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDI-Agir et sur plusieurs
bancs du groupe LR ainsi que parmi les députés non
inscrits.)
Dossiers en cours au ministère des solidarités et de la
santé
M. le
président. La parole est à M. Michel Herbillon.
M. Michel
Herbillon. Monsieur le Premier ministre, il y a quatre jours, votre
ministre des solidarités et de la santé déclarait qu’elle ne serait pas
candidate à Paris en raison d’un « agenda très chargé » et de
« nombreuses réformes dans [son] ministère ». Quarante-huit heures
plus tard, la voici qui démissionne pour mener la campagne du parti présidentiel
dans la capitale.
M. Rémy
Rebeyrotte. Rachida, sors de ce corps !
M. Michel
Herbillon. Comment peut-on revenir à ce point sur sa parole en
quarante-huit heures à peine ?
M. Pierre
Cordier. Il a raison !
M. Michel
Herbillon. En quoi les dossiers du ministère de la santé seraient-ils
devenus soudainement si secondaires ? Cette candidature improvisée, imposée
par le Président de la République, en dit long sur le sens des priorités et des
responsabilités du Gouvernement.
Comment peut-on abandonner son poste
alors que l’hôpital public connaît une crise sans précédent, alors que la grève
des hospitaliers dure depuis plus d’un an, alors que plus de
1 200 chefs de service vous ont appelés à l’aide et que les démissions
se multiplient, alors que la situation des établissements d’hébergement pour
personnes âgées dépendantes est si préoccupante ?
Comment peut-on
abandonner son poste, alors qu’il est urgent que le Gouvernement présente enfin
son plan sur le chantier absolument crucial de la
dépendance ?
Comment peut-on abandonner son poste en pleine crise du
coronavirus, alors que le ministère de la santé joue un rôle central dans la
lutte contre l’épidémie ?
M. Pierre
Cordier. C’est vrai que ça fait désordre !
M. Éric
Straumann. Mais elle va nous sauver la Gare de l’Est !
M. Michel
Herbillon. Enfin, comment la ministre chargée de la réforme des
retraites peut-elle déserter au moment même où le débat s’ouvre dans
l’hémicycle ?
Monsieur le Premier ministre, le départ de votre
ministre nous alerte, dans une telle situation de désordre politique et social.
Comment le serviteur de l’État que vous êtes peut-il choisir de faire passer les
intérêts de son parti avant ceux du pays ? (Applaudissements sur les
bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.)
M. le
président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Je vous remercie de votre question,
monsieur Herbillon. Elle me donne l’occasion de dire publiquement qu’Agnès Buzyn
était une remarquable ministre des solidarités et de la santé…
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM)
M. Pierre
Cordier. C’est pour cela qu’elle est partie !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. …et qu’elle sera une exceptionnelle
maire de Paris ! (Applaudissements redoublés sur les mêmes bancs. –
Protestations vives et prolongées sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR ainsi
que sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. Pierre
Cordier. Prétentieux !
M. Fabien
Di Filippo. Vous disiez la même chose de Griveaux !
M.
Jean-Paul Dufrègne. C’est incroyable !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. C’est en tout cas le combat électoral
dans lequel elle s’est engagée.
M. le
président. Un peu de calme, s’il vous plaît ! Laissez le Premier
ministre répondre librement à une question librement posée !
Vous
seul avez la parole, monsieur le Premier ministre.
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Pourquoi vous mettez-vous dans cet
état, monsieur Jacob ? (Nouvelles protestations.)
M. le
président. Monsieur Peu, s’il vous plaît !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Vous avez choisi vous-mêmes d’évoquer
la candidature de Mme Buzyn à Paris. Je réponds à la question posée par
M. Herbillon. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM,
MODEM et UDI-Agir.) Ne vous mettez pas dans cet état, monsieur
Jacob !
Si Agnès Buzyn était là, elle vous dirait que c’est très
mauvais pour la santé ! (M. Christian Jacob proteste
vivement. Protestations sur les bancs du groupe LR.) Vraiment mauvais, je
vous assure !
M. Herbillon a posé une question – j’essaye
d’y répondre complètement. (Mêmes mouvements.)
M. le
président. Je vous rappelle que les questions sont libres, comme les
réponses !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Puisque vous m’interrogez, je vous
réponds ! Mme Buzyn était une ministre remarquable ; elle s’est
engagée dans un combat électoral : je souhaite qu’elle le gagne.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
– Mme Émilie Bonnivard proteste. – Vives
protestations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe GDR.) Je
dis là l’évidence ! D’ailleurs, vous souhaitez qu’elle le perde – vous
l’avez dit aussi ! Allons ! ne jouons pas les vierges effarouchées,
n’ayons pas les pudeurs de gazelle déjà évoquées sur certains bancs…
(Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Fabien
Roussel. C’est incroyable ! Ce n’est pas le Premier ministre qui
répond mais un candidat en campagne !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Un mot sur le fond, monsieur
Herbillon : je sais que c’est cela qui vous intéresse, et non la mise en
cause de tel ou tel. (Protestations sur les bancs du groupe LR.)
M. Éric
Straumann. Que fait-on de la gare de l’Est ?
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Après la démission de Mme Buzyn,
j’ai proposé au Président de la République que M. Olivier Véran soit nommé
ministre des solidarités et de la santé. (Applaudissements sur les bancs du
groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.) Il est médecin
hospitalier ;…
M. Jérôme
Lambert. Et socialiste !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. …en tant que rapporteur général de la
commission des finances, il connaît parfaitement la question des retraites,
puisqu’il était en charge du dossier à l’Assemblée nationale. Si vous en doutez
encore, vous pourrez constater à mesure de l’avancement des travaux qu’il
accomplira sa tâche de façon remarquable, précise et engagée – il a
évidemment toute ma confiance. (Applaudissements sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
M. Pierre
Cordier. Griveaux aussi était le meilleur !
M. Fabien
Roussel. Ça n’est pas la réponse d’un premier ministre ! C’est une
honte !
M. le
président. La parole est à M. Michel Herbillon.
M. Michel
Herbillon. Je remarque que vous avez demandé à Mme Buzyn de
démissionner, alors que vous n’avez appliqué cette règle ni à M. Darmanin,
ni à vous-même. Ce manque de cohérence est un peu étrange !
(Applaudissements sur les bancs des groupe LR, NI, SOC, GDR et
FI.)
Politique de l’emploi
M. le
président. La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme.
Mme Aude
Bono-Vandorme. L’Institut national de la statistique et des études
économiques – INSEE – a publié, la semaine dernière, les derniers
chiffres du chômage. Celui-ci s’élève à 7,9 % en France métropolitaine pour
l’année 2019. C’est le plus bas taux depuis onze ans, avec
400 000 chômeurs de moins depuis le début du quinquennat.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Un député du groupe LR.
Tout va bien !
Mme Aude
Bono-Vandorme. Les politiques menées par le Gouvernement produisent des
résultats et expliquent cette forte baisse du chômage. Le nombre d’embauches en
CDI n’a jamais été aussi élevé ; (Applaudissements sur les bancs du
groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.
– M. Éric Diard proteste.) il résulte
principalement des ordonnances travail et de la loi PACTE – plan d’action
pour la croissance et la transformation des entreprises.
Concernant
l’apprentissage, le nombre d’apprentis s’établit à 491 000 au
31 décembre 2019, soit une progression de 16 % en un an – de
13 % dans le BTP et de 11 % dans l’industrie.
Les dispositions
offertes par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son
avenir professionnel, en vue de rendre plus attractive cette voie d’avenir et
d’excellence, commencent à porter leurs fruits : nous ne pouvons que nous
en réjouir.
En effet, les mesures concrètes adoptées expliquent ces bons
chiffres, notamment l’assouplissement de la limite d’âge pour l’entrée des
jeunes, repoussée de 26 à 30 ans, l’amélioration des conditions d’emploi,
avec en particulier une augmentation des rémunérations pour les apprentis, et
l’instauration d’une aide financière de 500 euros pour le permis de
conduire – plus de 18 000 apprentis ont reçu ou s’apprêtent à
recevoir cette aide.
Il n’y a jamais eu autant de jeunes en apprentissage
dans notre pays, c’est la preuve d’un regain d’attractivité pour cette voie
d’excellence et de passion.
M.
Christian Hutin. D’excellence !
M. Robin
Reda. C’est grâce aux régions !
Mme Aude
Bono-Vandorme. Dans le département de l’Aisne où je suis élue, le nombre
de contrats d’apprentissage a progressé.
Madame la ministre, les réformes
que nous avons entreprises commencent à porter leurs fruits ; pouvez-vous
nous indiquer les mesures que vous comptez appliquer pour pérenniser et
renforcer cette dynamique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel
Pénicaud, ministre du travail. Nous pouvons et devons tous nous
réjouir, pour nos concitoyens, de la baisse du chômage. Il s’élève à 8,1 %
– moins de 8 % en métropole.
M. David
Habib. Merci Hollande !
Mme Muriel
Pénicaud, ministre. Nous avons connu des périodes où il excédait
10 % : nous prouvons collectivement que le chômage de masse n’est pas
une fatalité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
Quand je rencontre des jeunes de 20 ou 30 ans, des
personnes de 40 ans même, qui ont toujours connu le chômage de masse et me
disent qu’ils ne croyaient pas qu’il était possible d’en sortir, j’ai le
sentiment que nous redonnons de l’espoir – c’est important.
Le taux
s’établit déjà entre 5 et 7 % dans vingt-quatre départements. Dans l’Aisne,
par exemple, votre département, on constate l’importance de l’enjeu – le
chômage était à 13,7 % il y a deux ans et demi, il est désormais à
12 % – : la bataille n’est pas finie dans tous les territoires,
mais nous sommes en bonne voie ; il faut poursuivre et amplifier les
réformes pour la gagner.
Vous avez évoqué des sujets importants,
notamment les créations de CDI, la loi PACTE, les baisses de charges patronales,
l’imposition sur le capital – les réformes menées par Bruno Le Maire. On
n’a jamais formé autant de demandeurs d’emploi – plus
d’1 million – ; on n’a jamais autant investi en faveur de la
formation des plus vulnérables.
Le domaine de l’apprentissage m’importe
car j’ai visité plus de soixante centres de formation d’apprentis
– CFA – : j’ai pu voir que ces jeunes ont les yeux qui
brillent.
Mme
Mathilde Panot. Et pour les travailleurs précaires, qu’est-ce que vous
faites ?
Mme Muriel
Pénicaud, ministre. Je sais une chose : la réforme est
entrée en application il y a plus d’un an, intégralement depuis le
1er septembre ; avec les professionnels, nous sommes en
train de réussir à redonner de l’espoir à notre jeunesse – je crois que
c’est la tâche la plus importante que nous puissions accomplir. Continuons,
amplifions : nous réussirons ! (Applaudissements sur les bancs du
groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)
Réforme des retraites
M. le
président. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence
Dumont. Ma question s’adresse au Premier ministre, également candidat à
la mairie du Havre, puisque ce privilège semble réservé aux seuls hommes du
Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques
bancs du groupe GDR. M. Éric Diard applaudit
également.)
Quand on prétend, comme vous, réformer les retraites au
nom du peuple, mais que ce dernier dit son opposition massive au projet, il n’y
a aucune honte à avouer qu’on s’est trompé. L’honnêteté devrait vous conduire à
reconnaître que, dans ce dossier, le Gouvernement fait preuve d’autant
d’arrogance que d’autoritarisme.
Vous montrez de l’arrogance, lorsque
vous répétez aux Français qu’ils n’y comprennent rien,…
M. Pierre
Cordier. Tous les Français n’ont pas fait l’ENA !
Mme Laurence
Dumont. …et d’autoritarisme, lorsque vous imposez aux députés un texte
qui prévoit un calcul et une revalorisation des pensions, avec un indice
« gazeux », qui reste à inventer : celui du « revenu moyen
d’activité par tête ».
Les Français n’auront donc connaissance des
effets sur leurs retraites de ce nouvel indice, qui n’existe pas encore,
qu’après le vote du projet de loi.
M. Éric
Diard. Scandaleux !
Mme Laurence
Dumont. C’est un peu comme si vous leur demandiez de monter dans un
train, pour une destination inconnue, avec un prix du billet révélé à l’arrivée
seulement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et
GDR.)
Combien vais-je toucher ? De combien et comment ma
retraite sera-t-elle augmentée ou diminuée ? Des questions simples,
auxquelles vous êtes incapable de répondre.
Mme
Mathilde Panot. C’est vrai !
Mme Laurence
Dumont. Nombre de députés, y compris dans votre majorité, sont atterrés
par la méthode désastreuse, floue, approximative avec laquelle vous conduisez
cette réforme : une méthode d’amateurs !
(Mmes Olivia Gregoire et Marie-Christine Verdier-Jouclas
protestent.)
M. Pierre
Cordier. Comme d’habitude !
Mme Laurence
Dumont. Vous bricolez, au jour le jour, alors que les Français attendent
de la clarté. C’est particulièrement anxiogène sur un sujet tel que celui de la
retraite. Cette demande de clarté, légitime, vous impose de nous révéler
pourquoi le « revenu moyen d’activité », qui aura des conséquences
pour des générations entières, n’a jamais été évoqué ces deux dernières années.
Pourquoi sort-il du chapeau aujourd’hui ? (Applaudissements sur les
bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites.
M. David
Habib. Il va être candidat à la mairie de Paris, lui aussi ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Vous
interrogez le Gouvernement sur le projet de loi sur les retraites qui occupe les
débats dans l’hémicycle, sur la manière dont le Parlement est associé à la
réflexion et vous vous intéressez plus particulièrement au revenu moyen
d’activité.
M. Aurélien
Pradié. Ne répétez pas la question, c’est la réponse qui nous
intéresse !
Mme Sylvie
Tolmont. On attend des réponses !
M. David
Habib. Pour l’instant, il parle pour ne rien dire !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. La collaboration avec le
Parlement ne constitue pas un sujet de débat, puisque, dès après la séance de
question aux Gouvernement, nous continuerons nos échanges ; nous y avons
déjà consacré près de 75 heures en commission spéciale. La réalité, c’est
que le débat est durablement installé avec l’ensemble des parlementaires.
M. David
Habib. Une minute pour ne rien dire !
M. Pierre
Cordier. Répondez à la question !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Concernant le revenu moyen
d’activité,…
Plusieurs députés de divers
groupes. Ah, enfin !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …j’ai répondu lors de l’examen
en commission spéciale : cet indicateur est composite, parce qu’il devra
s’adapter aussi bien aux situations des salariés que des fonctionnaires, des
indépendants et des professions libérales : en effet, nous construisons un
système universel, dans lequel tous les actifs auront leur place. Il est donc
nécessaire que le point soit fonction d’un indicateur, qui est le revenu
d’activité par tête.
M.
Sébastien Jumel. Il a été inventé pour la circonstance !
M. Olivier Faure.
Nous aimerions obtenir une réponse !
M. le
président. Monsieur Faure, ne privez pas Mme Dumont de sa
réponse !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il sera composé à près de
70 % du salaire moyen par tête, car 70 % des actifs sont des salariés,
comme vous le savez parfaitement – cela ne doit donc pas vous conduire à
vous interroger beaucoup plus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
Plan de paix américain pour le Proche-Orient
M. le
président. La parole est à M. Bruno Joncour.
M. Bruno
Joncour. Ma question s’adresse au ministre de l’Europe et des affaires
étrangères ; j’y associe ma collègue Nadia Essayan.
Le plan
concernant le conflit israélo-palestinien, récemment rendu public par le
Président des États-Unis, a suscité beaucoup de réprobation, ou d’indifférence
– ce qui est sans doute pire – au sein de la communauté internationale
et dans les territoires concernés.
Pour la méthode comme pour le fond, il
ne peut en effet être considéré sérieusement comme sincère et crédible :
qui peut croire que la formulation totalement unilatérale de ces propositions
soit de nature à mobiliser sereinement les populations directement concernées,
sauf à raviver les tensions et renforcer le sentiment d’humiliation qui
caractérise depuis toujours, et de plus en plus, le quotidien de la population
palestinienne ?
Ce plan prend acte des réalités imposées au fil du
temps en violation des résolutions internationales, il valide et normalise le
fait illégal dans le cadre des grandes et vraies questions qui devraient être
soumises à de véritables négociations : les frontières territoriales, la
colonisation croissante, la question des réfugiés et le statut de Jérusalem.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)
M.
Jean-Paul Lecoq. Très bien !
M. Bruno
Joncour. Quelles initiatives la France va-t-elle prendre, notamment
auprès de ses partenaires européens et des Nations unies, pour que soit engagée
une réelle et nouvelle phase de négociations entre les deux parties, afin qu’une
solution juste puisse enfin être envisagée, susceptible d’assurer l’égalité des
droits, dans le respect du droit international ?
La paix dans cette
région du monde est non seulement une obligation légale, elle est également une
exigence morale que la France doit soutenir, défendre et faire partager.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LaREM, SOC et
GDR.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des
affaires étrangères.
M. Jean-Yves
Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Le
président Trump a présenté le 28 janvier un plan de paix pour le
Proche-Orient ; il était attendu depuis 2017. Nous en avons pris acte et
nous continuons d’en examiner toutes les implications juridiques et concrètes,
en coordination avec nos partenaires européens et arabes ; nous
travaillerons également en coordination avec les futures autorités israéliennes,
après les élections générales.
La position de la France est connue. Elle
n’a pas changé. Nous sommes prêts à accompagner tous les efforts de paix, sous
réserve qu’ils s’inscrivent dans un cadre, dans une méthode et au service d’un
objectif que nous avons régulièrement rappelés. Le cadre, c’est le droit
international et les résolutions du Conseil de sécurité. La méthode, c’est la
négociation…
M. Claude
Goasguen. Avec qui ?
M. Jean-Yves
Le Drian, ministre. …entre les parties et non les décisions
unilatérales. Quant à notre objectif, c’est que les deux États vivent dans la
paix et la sécurité au sein de frontières sûres et reconnues, fondées sur les
lignes du 4 juin 1967, en ayant tous deux Jérusalem pour
capitale.
Sur ce sujet aussi, il existe une convergence européenne
exprimée par la voix du Haut représentant de l’Union européenne pour les
affaires étrangères et la politique de sécurité, M. Borrell, qui a rappelé
les principes que je viens d’évoquer, ainsi que l’objectif d’une paix juste et
durable, fondée sur l’existence de deux États.
Dans l’immédiat, nous
souhaitons que les parties s’abstiennent d’initiatives unilatérales, qu’elles
évitent toute forme de tension et qu’un dialogue s’ouvre en parallèle. On
évitera ainsi que l’accumulation des faits et l’absence de discussion ne
renvoient à tout jamais dans le passé la solution des deux États. Telle est la
position que nous soutenons au Conseil de sécurité. (Applaudissements sur
plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Plan de lutte contre le séparatisme islamiste
M. le
président. La parole est à Mme Constance Le Grip.
Mme
Constance Le Grip. Monsieur le Premier ministre, le Président de la
République est aujourd’hui en déplacement à Mulhouse pour ce qui est annoncé
comme une première étape d’un plan de lutte contre le « séparatisme
islamiste ». Plutôt qu’un débat sémantique – le chef de l’État a mis
presque trois ans à trancher entre les mots communautarisme et séparatisme,
plutôt qu’un grand discours, nous attendons, et les Français attendent des actes
forts.
M. Marc Le
Fur. Tout à fait !
Mme
Constance Le Grip. Il n’est que temps d’agir beaucoup plus fortement
sans faiblesse ni naïveté contre l’idéologie de l’islamisme politique et
radical, qui a déjà conquis trop de territoires de notre République, sape les
fondements de notre démocratie et construit partout des écosystèmes
islamistes.
Nous, famille politique de la droite républicaine, sommes
pleinement engagés dans le combat contre cette idéologie mortifère pour notre
République (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR) et nous
avons déjà mis de nombreuses propositions sur la table : défense implacable
de la laïcité dont nous voulons renforcer la place dans notre
Constitution ; interdiction des listes communautaristes aux élections
municipales ; mobilisation totale pour que, partout sur le territoire, les
droits et les libertés des femmes soient garantis ; fermeture de toutes les
mosquées islamistes et salafistes ; expulsion de tous les prêcheurs de
haine de nationalité étrangère.
M. Robin
Reda. Très bien !
M. Laurent
Saint-Martin. Ce n’est pas sérieux !
Mme
Constance Le Grip. Telles sont quelques-unes de nos récentes
propositions. Mais c’est à une véritable politique de sécurité de très grande
ampleur que nous vous appelons, monsieur le Premier ministre, pour les Français,
pour les valeurs de la République, contre l’idéologie communautariste
islamiste.
Expulsion des étrangers ayant des accointances avec la
mouvance islamiste, périodes de détention de sûreté pour les auteurs de crimes
et délits terroristes, interdiction du retour en France des djihadistes partis à
l’étranger : voilà quelques-unes des mesures que nous défendons. Il n’est
plus temps de discourir ; il faut agir. Il faut maintenant un sursaut
républicain ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du
ministre de l’intérieur.
M. Laurent
Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
Permettez-moi en trois points de remettre les choses dans l’ordre – dans le bon
ordre. D’abord, depuis 2014, nous luttons dans notre pays contre la
radicalisation violente et le terrorisme. Je ne veux pas qu’on laisse accroire
que rien n’est fait, comme vous le prétendez. (Applaudissements sur quelques
bancs du groupe LaREM.)
Je vous rappelle l’effort important consenti
notamment par le gouvernement précédent en matière de fichier de suivi et de
suivi au niveau départemental. Nous avons renforcé cette action en veillant à ce
que les services de renseignement et de lutte antiterroriste, dont le budget et
les effectifs ont été renforcés, travaillent mieux ensemble. Tel est le premier
sujet.
M. Claude
Goasguen. Et les résultats ?
M. Laurent
Nunez, secrétaire d’État. Soixante attentats ont été déjoués,
dont trente et un depuis que nous sommes aux affaires. (Applaudissements sur
quelques bancs du groupe LaREM.)
Le deuxième sujet, celui dont nous
parlons aujourd’hui, est la lutte contre le séparatisme dans certains quartiers
où il est affirmé que la loi de Dieu est supérieure aux lois de la
République.
M. Christian
Jacob. Vous n’y comprenez rien !
M. Laurent
Nunez, secrétaire d’État. Nous avons engagé des actions résolues,
depuis février 2018, dans quinze quartiers dont celui de Bourtzviller à
Mulhouse, où se trouve actuellement le Président de la République. Au titre des
actions de police administrative, quinze lieux de culte – et non deux, comme le
prétend M. Retailleau dans le Journal du dimanche – ont été fermés
dans ces quartiers, ainsi que plus de 150 débits de boisson et quatre
écoles hors contrat. Cette politique, nous allons la généraliser et la
poursuivre avec beaucoup de fermeté dans l’ensemble du territoire
national.
J’en viens au troisième point : sur ce sujet, il faut
faire preuve de modestie et d’humilité. (Exclamations sur les bancs du groupe
LR.)
M. Christian
Jacob. C’est votre cas ?
M. Laurent
Nunez, secrétaire d’État. La radicalisation dans les prisons,
dont a parlé M. Meyer Habib, n’est pas née avec l’élection de
M. François Hollande. Elle existait avant 2012 et c’est en 2014
qu’a été créé un service du renseignement pénitentiaire. (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe LaREM.– Mme Cécile Untermaier applaudit
aussi.)
M. Pierre
Cordier. Il y a six ans !
M. Laurent
Nunez, secrétaire d’État. Des objectifs terroristes ont été visés
comme il se doit par les services, mais certaines personnes sont parties se
battre en Syrie et en Irak pour revenir ensuite nous attaquer.
S’il est
un sujet sur lequel, je le répète, il faut faire preuve de modestie, c’est la
défense de la République. Il doit nous réunir et nous devons tous nous retrouver
derrière cette politique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM,
MODEM et SOC.)
Office français de la biodiversité
M. le
président. La parole est à M. Xavier Roseren.
M. Xavier
Roseren. Madame la ministre de la transition écologique et solidaire,
jeudi dernier, le Président de la République, votre collègue Emmanuelle Wargon
et vous-même étiez en Haute-Savoie. Ce déplacement faisait suite à
l’interpellation d’élus et de citoyens soucieux de protéger un patrimoine
naturel capital : le Mont-Blanc.
À cette occasion, vous avez
également été sensibilisée à fonte alarmante du glacier de la Mer de Glace et à
l’urgence climatique qui en résulte. En montagne, les dégâts du réchauffement
climatique et la hausse des températures sont plus sensibles qu’ailleurs. Vous
le savez, la protection de l’environnement est un sujet primordial dans ma
circonscription, et ce d’autant plus que la vallée de l’Arve connaît des
épisodes de pollution de l’air récurrents.
Grâce à la mobilisation de
l’État et de tous les acteurs locaux, un plan de protection de l’atmosphère
ambitieux a été adopté. Il prévoit trente actions concrètes pour lutter
efficacement contre la pollution de l’air. Cependant, si nous souhaitons
durablement agir pour améliorer la qualité de l’air, il est indispensable de
prendre des mesures fortes en faveur du développement
durable.
Pouvez-nous rappeler les mesures annoncées pour assurer la
protection du Mont-Blanc ? Pouvez-vous également préciser les mesures
complémentaires que vous envisagez de prendre pour améliorer la qualité de l’air
dans la vallée de l’Arve ? (Applaudissements sur quelques bancs du
groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à Mme la ministre de la transition
écologique et solidaire.
Mme
Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et
solidaire. Vous l’avez souligné, le Président de la République a souhaité se
rendre dans le massif du Mont-Blanc, où l’on comprend parfaitement les enjeux du
dérèglement climatique, de la perte de la biodiversité, ainsi que les
problématiques de la qualité de l’air dans les vallées. À cette occasion, il a
pu lancer le nouvel Office français de la biodiversité, qui, avec ses
2 800 agents, sera notre bras armé pour lutter contre toutes les
atteintes à l’environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
Le site du Mont-Blanc connaît également une surfréquentation
qui appelait une protection renforcée. C’est à quoi vise l’arrêté de protection
des habitats naturels qui sera pris à la suite de la concertation menée par
Emmanuelle Wargon avec les collectivités locales, et qui tend à lutter contre
des pratiques inadaptées, en permettant en particulier un renforcement important
des amendes.
Par ailleurs, la pollution de l’air est un des sujets de
préoccupation majeurs dans la vallée de l’Arve. Le deuxième plan de protection
de l’atmosphère permet d’agir à tous les niveaux. À partir du
1er juillet, seuls les camions répondant aux exigences
environnementales les plus élevées – je pense aux normes Euro 5 et 6 –
pourront emprunter le tunnel du Mont-Blanc.
Mme Émilie
Bonnivard. Et l’autre tunnel, celui de Fréjus ?
Mme
Élisabeth Borne, ministre. Mais il faut aussi agir contre la
pollution liée au chauffage au bois, à l’industrie et au trafic routier local.
C’est l’objet du fonds air bois et du fonds air industrie, qui seront confortés.
Le plan prévoit également la création d’une zone à faible émission, que l’État
accompagnera d’une bonification d’une prime à la conversion.
Enfin, une
des réponses majeures pour lutter contre la pollution de l’air, c’est qu’il y
ait moins de voitures et plus de trains. Le Président de la République a annoncé
un engagement à hauteur de 60 millions d’euros de la part de l’État pour
que le Léman Express soit prolongé jusqu’à Saint-Gervais. Vous le voyez, nous
agissons pour la protection de la biodiversité et de la qualité de l’air.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M.
Jean-Paul Lecoq. Pas un mot sur les poids lourds !
M. le
président. La parole est à M. Xavier Roseren.
M. Xavier
Roseren. Je vous remercie de ces précisions. L’annonce du prolongement
du train joignant Le Fayet à Annecy, aujourd’hui beaucoup trop lent, est
une bonne nouvelle. Merci de veiller à ce que les études et les travaux soient
réalisés dans des délais raisonnables.
Le Mont-Blanc est un symbole, qui
doit être protégé. La surfréquentation a été bien gérée autour du massif. Reste
à présent à trouver les outils pour protéger le mont lui-même.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Retraites des avocats
M. le
président. La parole est à Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile
Untermaier. Madame la ministre de la justice, nous venons de prendre
connaissance d’un message que vous avez adressé hier soir à l’ensemble des
magistrats et fonctionnaires des cours et tribunaux, dans lequel vous écrivez
que le mouvement de grève des avocats porte une grave atteinte au fonctionnement
des institutions judiciaires et méconnaît ainsi les attentes des justiciables,
notamment des plus vulnérables d’entre eux.
M.
Christian Hutin. C’est inadmissible !
M.
Sébastien Leclerc. Vous refusez de discuter avec les avocats !
Mme Cécile
Untermaier. Je voudrais ici lever plusieurs malentendus que suscite ce
courrier.
Tout d’abord, si les avocats font grève depuis un mois, c’est
sans gaieté de cœur et en responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du
groupe SOC.) D’ailleurs, la majorité des magistrats et des greffiers sont
solidaires de ces derniers, et ils savent trouver ensemble des solutions pour ne
pas entraver le cours de la justice dans certains dossiers qui
l’exigent.
Deuxième malentendu, ce qui est « altérant » et
« épuisant » – pour reprendre les termes de votre message – et vous le
savez bien, c’est d’abord l’insuffisance des moyens et des effectifs sur le long
terme.
M.
Christian Hutin. C’est la misère des tribunaux !
Mme Cécile
Untermaier. Au greffe du tribunal de Chalon, il manque
9,4 équivalents temps plein et un magistrat.
Troisième malentendu,
enfin, les avocats participent pleinement à la mission régalienne de la justice.
Ils sont les droits de la défense, pilier d’un État de droit. À ce titre, ils ne
peuvent être dissociés du tribunal et devraient être d’ailleurs davantage
associés au fonctionnement de l’institution.
Comment entendez-vous
revenir à un fonctionnement normal de la justice, sachant que vos propositions
n’ont pas trouvé d’écho favorable auprès des avocats et que ceux-ci,
indispensables à l’œuvre de justice, méritent toute notre attention et toute
notre considération ? (Applaudissements sur les bancs du groupe
SOC.)
M. le
président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la
justice.
Mme Nicole
Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Évidemment,
le droit de grève ne saurait en aucun cas être remis en cause,…
M.
Christian Hutin. Pourquoi ce courrier, alors ?
Mme Nicole
Belloubet, garde des sceaux. …mais il s’exerce dans certaines
juridictions selon des modalités qui affectent les conditions de travail des
magistrats et des greffiers.
M.
Christian Hutin. La grève, c’est la grève ! Le principe est de se
faire entendre !
Mme Nicole
Belloubet, garde des sceaux. J’ai donc exprimé hier mon soutien
aux magistrats et aux greffiers qui, chaque jour, assurent le bon fonctionnement
de la justice. Je le réaffirme ici clairement (Applaudissements sur les bancs
du groupe LaREM), et ce d’autant plus que la justice bénéficie de moyens
accrus : son budget a augmenté de 13 % depuis 2017,
700 personnels supplémentaires ont été recrutés et il n’y a plus
aujourd’hui de vacance de poste de magistrat, si ce n’est de manière résiduelle,
pour moins de 1 % des emplois.
Je souhaite aussi réaffirmer devant
vous que le dialogue avec la profession d’avocat n’a jamais été rompu.
M.
Christian Hutin. Vous les recevez ; vous ne les écoutez
pas !
Mme Nicole
Belloubet, garde des sceaux. C’est d’ailleurs pour moi un point
indispensable. Ce dialogue s’est traduit, en ce qui concerne les retraites, par
un certain nombre de propositions concrètes, très précises, permettant à la fois
d’assurer l’intégration des avocats dans le système universel des
retraites,…
M.
Christian Hutin. Ils ont l’air ravis !
Mme Nicole
Belloubet, garde des sceaux. …et de prendre en compte leur
spécificité, leur particularité, pour réaliser leur intégration dans les
meilleures conditions.
M. Laurent
Furst. Pas du tout !
Mme Nicole
Belloubet, garde des sceaux. Au-delà de ce sujet, le Gouvernement
leur a proposé d’engager un travail plus vaste et plus long sur les conditions
d’exercice de leur profession. Nous sommes prêts à mener ce travail très
rapidement.
Je confirme que les avocats sont indispensables à l’œuvre de
justice ainsi qu’au fonctionnement de l’État de droit. Je suis consciente que
c’est avec eux que nous avancerons de manière constructive. (Applaudissements
sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Réforme des retraites
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel.
M. Alain
Bruneel. Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement et votre
majorité rivalisent d’éloges sur la réforme des retraites que vous proposez.
Celle-ci serait bonne pour les citoyens, bonne pour la jeunesse. Elle ne ferait
que des gagnants et pas de perdant. (M. Florian Bachelier
applaudit.)
Si vous êtes si sûr de vous, de vos convictions, pourquoi
refusez-vous aux citoyens d’être au cœur des débats ?
Quelque
67 % d’entre eux réclament un référendum.
Pourtant, hier, la
majorité a rejeté la motion référendaire que nous avons signée avec soixante
collègues. Des arguments indignes et arrogants ont été avancés pour tenter de
justifier ce refus ; c’est un manque de respect de la démocratie et des
citoyens. En vérité, vous avez peur du peuple. (Exclamations sur plusieurs
bancs du groupe LaREM.)
Vous savez bien qu’il n’y a pas,
dans le pays, de majorité favorable à ce que les Français travaillent plus
longtemps pour une pension moindre, sur laquelle vous appuyer.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du
groupe SOC.) Vous refusez d’entendre le mouvement social qui s’exprime
depuis plusieurs mois et la colère profonde qui gronde désormais dans tous les
milieux professionnels. Vous avancez seul contre tous, oreilles bouchées et yeux
bandés, pour défendre, coûte que coûte, les seuls intérêts des plus hauts
revenus.
M. Erwan
Balanant. Mais non !
M. Alain
Bruneel. En faisant le pari du passage en force, contre le Parlement et
contre les citoyens, vous abîmez un peu plus notre démocratie et notre contrat
social. La démocratie directe n’est pas un danger ; elle n’est ni un
risque, ni une faiblesse. Il faut faire confiance au peuple, qui est
suffisamment intelligent pour comprendre et se prononcer sur votre projet de
loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.) Vous vous croyez
trop subtil pour lui ; c’est son intelligence que vous
insultez.
Monsieur le Premier ministre, soyez courageux et laissez les
Français voter pour ou contre votre réforme.
(« Bravo ! » et
applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe
SOC.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites.
M. David
Habib. Nous sommes partis pour 45 secondes de remerciements, je
parie.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Je me suis
déjà exprimé hier sur la motion référendaire.
M.
Jean-Paul Lecoq. On vous donne une deuxième chance !
M. Stéphane
Peu. Vous aviez un ton si méprisant !
M. Hubert
Wulfranc. Mais pas de réponse sur le 49-3 !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je ne vous ai manifestement pas
convaincu, puisque vous maintenez vos propos, et les répétez aujourd’hui, lors
des questions au Gouvernement.
Vous vous en doutez, mes arguments ne
varieront pas : vous êtes les représentants du peuple ; vous-mêmes,
élu dans les Hauts-de-France, avez toute la légitimité pour débattre dans cet
hémicycle, avec vos arguments. (Applaudissements sur plusieurs bancs du
groupe LaREM.) Le projet du Gouvernement n’est pas le vôtre, mais vous savez
exprimer votre opinion, défendre vos arguments, (Exclamations sur plusieurs
bancs du groupe GDR) comme l’ensemble des parlementaires.
Nous sommes
dans une démocratie représentative ; les députés ont toute leur place pour
construire la loi et la faire évoluer. (Applaudissements sur plusieurs bancs
du groupe LaREM.)
M.
Jean-Paul Lecoq. Sur les milliers d’amendements examinés en commission,
combien ont été adoptés ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je suis chargé, au sein du
Gouvernement, de ces questions. Nous avons besoin des échanges avec les
parlementaires pour faire évoluer le texte, l’enrichir sur les questions de
pénibilité, de handicap, de carrières longues. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs
du groupe GDR.) Nous voulons débattre de tout cela avec vous.
M. Stéphane
Peu. Rien ne vaut le peuple !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Si je ne ferai pas exactement
la même réponse qu’hier, vous connaissez donc déjà mon avis : nous ne
pouvons réduire ce formidable projet de société à une question unique, fermée, à
la réponse binaire.
M.
Christian Hutin. Pour ou contre le recours au 49-3 ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Sommes-nous pour la
solidarité ? Oui, nous sommes pour la majoration des droits familiaux, qui
concernent les femmes à partir du premier enfant – elles sont plus de cinq
millions. Oui, nous voulons un dispositif solide, qui assure une solidarité
pérenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
– Exclamations sur les bancs des groupes GDR, FI et
SOC)
Plateforme SignalConso
M. le
président. La parole est à Mme Sophie Beaudouin-Hubiere.
Mme Sophie
Beaudouin-Hubiere. Madame la secrétaire d’État auprès du ministre de
l’économie et des finances, nous, parlementaires, sommes régulièrement
interpellés par des citoyens témoins ou victimes d’erreurs, fraudes, ou autres
arnaques, dans leurs actes de consommation. Ils ne savent pas toujours
vers qui se tourner.
La direction générale de la concurrence, de la
consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF –, compétente
pour contrôler et sanctionner les entreprises en infraction, reçoit près de
70 000 signalements par an, dont la moitié est envoyée par voie
dématérialisée. Ce chiffre interpelle, mais reste peu élevé, au regard des
quelque 3 millions d’entreprises en France. La lutte contre la fraude sous
toute ses formes est un enjeu majeur.
Dans ce contexte, nous devons
concilier deux impératifs. Il faut que la DGCCRF puisse contrôler plus
efficacement les entreprises, en ciblant mieux celles qui commettent erreurs ou
infractions, et en épargnant les chefs d’entreprise qui n’ont rien à se
reprocher. En effet, ces contrôles représentent une charge administrative et,
parfois, une perte de temps considérable.
En même temps, nous devons
permettre à nos concitoyens de signaler des pratiques abusives, des petites
fraudes, des problèmes de conformité – par exemple, quand des yaourts
périmés sont vendus dans un supermarché –, des litiges contractuels, un
restaurant dont le manque d’hygiène serait patent. Alerter, quand l’on rencontre
ces problèmes, doit être un geste simple, rapide et accessible à
tous.
Madame la secrétaire d’État, vous avez lancé il y a un an
l’expérimentation d’une application de mise en relation des consommateurs avec
la DGCCRF, SignalConso. Cette plateforme, testée dans trois régions, permet de
signaler un problème rencontré avec une entreprise, d’obtenir une réponse de
cette dernière ; la DGCCRF peut, à partir de là, mieux cibler les
contrôles.
Pouvez-vous détailler le fonctionnement de SignalConso et
rassurer les entreprises quant au risque de signalement abusif ?
Pouvez-vous nous indiquer en quoi SignalConso permettra d’améliorer la
pertinence des contrôles de la DGCCRF et l’efficacité de son action, et nous
donner le calendrier de déploiement et d’évolution de cette application ?
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du
ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie
et des finances. Notre politique de protection des consommateurs poursuit
trois buts : protéger leur santé, protéger leur pouvoir d’achat – notamment
dans le cas de fraude –, et permettre une concurrence loyale entre les
entreprises qui respectent la loi et celles qui ne la respectent
pas.
L’application SignalConso permet de signaler une anomalie en
quelques clics, à partir de son téléphone. Elle poursuit très exactement ces
trois buts. Elle a été testée dans trois régions du territoire, avec un grand
succès, puisqu’elle a permis de repérer 3 400 anomalies. Les deux
tiers des entreprises ainsi signalées se sont connectées à l’application, et les
trois quarts d’entre elles ont apporté une réponse.
On le voit,
SignalConso a l’avantage de permettre aux entreprises de traiter très
directement les problèmes des consommateurs, en toute confiance. L’application a
deux autres avantages : pointer du doigt les entreprises qui ne respectent
pas les règles du jeu – c’est à ce titre que la DGCCRF a lancé des
contrôles sur des entreprises ciblées plusieurs fois sur SignalConso – et
repérer des fraudes émergentes, des pratiques qui se répètent dans un même
secteur. La DGCCRF peut ensuite lancer des contrôles transversaux, afin d’y
mettre fin.
Vous le voyez, notre démarche consiste à rapprocher les
consommateurs et nos concitoyens de l’administration. Je salue Cédric O,
qui, avec une telle startup d’État, permet ces rapprochements. Le dispositif
vise également à renforcer de manière drastique notre lutte contre la fraude,
comme nous le faisons pour la rénovation thermique avec Emmanuelle Wargon
et Julien Denormandie, ou pour les démarchages téléphoniques.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Centrale nucléaire de Fessenheim
M. le
président. La parole est à M. Raphaël Schellenberger.
M. Raphaël
Schellenberger. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, puisque,
depuis deux ans, aucun des ministres successivement nommés ne m’ont pas apporté
de réponse.
Dans la nuit de vendredi à samedi, votre absence de
choix conduira à l’arrêt définitif du premier réacteur de la centrale nucléaire
de Fessenheim. Cet événement montre le manque de cohérence de votre stratégie
énergétique. Face aux caméras vous prônez la décarbonation de notre système
énergétique ; mais, candidat au Havre, vous préférez prolonger la durée de
vie de la centrale à charbon locale jusqu’en 2021, et prolonger celle de
Cordemais jusqu’en 2026.
M. Pierre
Cordier. Le Premier ministre va au charbon !
M. Raphaël
Schellenberger. Face aux caméras, vous annoncez la signature d’un projet
d’avenir du territoire. En réalité, vous y inscrivez des annonces qui ne vous
engagent en rien et faites payer aux collectivités et au territoires l’abandon
par l’État.
Face aux caméras, vous annoncez que vous réglez tous les
problèmes fiscaux des collectivités ; mais depuis deux ans, vous refusez de
réformer le Fonds national de garantie individuelle des ressources
– FNGIR – , si bien que la communauté de commune doit continuer
de contribuer à la solidarité nationale à hauteur de 3 millions chaque
année – autant de recettes fiscales perdues pour elle.
Face aux
caméras, vous annoncez que le système énergétique permettra d’assurer la
sécurité d’approvisionnement de l’Alsace. Or toutes les études sérieuses, y
compris de nos voisins allemands, montrent que l’effondrement de la production
d’électricité à l’échelle de la plaine du Rhin posera de graves problèmes de
stabilité dès 2023.
Monsieur le Premier ministre, ne faites pas de
Fessenheim un symbole de l’incohérence populiste verte de votre non-stratégie
énergétique. Compensez sérieusement les effets d’une décision assassine pour
tout un territoire ! Quand allouerez-vous enfin les moyens budgétaires
nécessaires à l’accompagnement des projets de territoire ? Quand
prendrez-vous des mesures sérieuses pour assurer la sécurité d’approvisionnement
électrique de l’Alsace ? (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. le
président. La parole est à Mme la ministre de la transition
écologique et solidaire.
Mme
Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et
solidaire. La fermeture de la centrale de Fessenheim incarne l’écologie de
responsabilité défendue par le Président de la République, le Gouvernement et la
majorité depuis 2017.
M. Damien
Abad. Quelle blague !
M. Laurent
Furst. Et le CETA ?
Mme
Élisabeth Borne, ministre. Avec cette décision, nous tenons nos
promesses, nous transformons profondément notre modèle énergétique, surtout,
nous accompagnons les Français et les territoires dans cette transformation.
M.
Jean-Marie Sermier. Ce n’est pas vrai, et vous le savez bien !
Mme
Élisabeth Borne, ministre. Cet événement historique montre que
nous tenons nos promesses. En effet, conformément aux engagements du Président
de la République, nous fermons une centrale nucléaire.
Nous lançons une
transformation profonde, nous engageons avec cette fermeture la réduction à
50 % de la part du nucléaire d’ici à 2035. Pourquoi ?
M. David
Habib. Oui, pourquoi ?
Mme
Élisabeth Borne, ministre. Parce que nous ne pouvons pas dépendre
d’une seule technologie. Dans le même temps, nous développons massivement les
énergies renouvelables ; la part de l’éolien sera multipliée par deux
(Exclamations sur les bancs du groupe LR) et celle du photovoltaïque par
cinq, d’ici dix ans.
M.
Sébastien Jumel. L’éolien, c’est du vent ! (Sourires.)
Mme
Élisabeth Borne, ministre. Nous accompagnons les Français et les
territoires dans cette transition. Depuis le début du quinquennat, le
Gouvernement est pleinement mobilisé aux côtés des acteurs locaux. Sébastien
Lecornu,…
M. David
Habib. Non ! Surtout pas lui !
Mme
Élisabeth Borne, ministre. …puis Emmanuelle Wargon se sont rendus
à de nombreuses reprises à Fessenheim. Mon prédécesseur a signé, le
1er février 2019, un projet d’avenir du territoire de
Fessenheim, qui prévoit 700 millions d’euros d’investissement.
M. Raphaël
Schellenberger. Zéro !
Mme
Élisabeth Borne, ministre. L’État s’est également engagé auprès
d’EDF afin que l’ensemble des salariés retrouvent un emploi dans le groupe, les
sous-traitants faisant l’objet d’un accompagnement adapté.
M.
Jean-Marie Sermier. Vous brassez du vent !
Mme
Élisabeth Borne, ministre. Nous sommes pleinement mobilisés pour
faire de cette transition une réussite pour le territoire. (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Laurent
Furst. Une réponse digne d’une éolienne ! Ce sont quelque
2 000 emplois qui vont disparaître !
M. le
président. La parole est à M. Raphaël Schellenberger.
M. Raphaël
Schellenberger. Votre choix, madame la ministre, consiste simplement à
compenser la fermeture de la centrale de Fessenheim par la prolongation de
l’exploitation des centrales à charbon. Cela n’aura aucun effet bénéfique sur le
climat, bien au contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
La dotation prévue pour les territoires est bien loin de
700 millions d’euros : 10 petits millions, pas de quoi financer
le début du commencement d’une infrastructure. (Applaudissements sur les
bancs du groupe LR.)
Incendies en Corse
M. le
président. La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.
M.
Jean-Félix Acquaviva. Monsieur le ministre de l’intérieur, les incendies
ravagent nos forêts, non plus seulement en été, mais aussi en hiver, en plein
mois de février. Pour ces dernières semaines, le bilan est très lourd. Plus de
6 000 hectares, en tout, sont partis en fumée en Corse, dans le
Nebbiu, le Cap Corse et surtout à Bavedda – comme le disait mon
collègue Paul-André Colombani, la semaine dernière, les aiguilles de Bavedda
sont un peu notre cathédrale Notre-Dame à nous.
Ces incendies hivernaux
ne sont pas les premiers ; 2 000 hectares ont été ravagés durant
l’hiver 2018. La Corse et les régions méditerranéennes deviennent des
brasiers ; l’urgence est extrême.
Ce n’est plus un phénomène
exceptionnel, à cause du dérèglement climatique et de ses conséquences, du
dépeuplement de nos villages, mais aussi de l’indivision, qui freine toute
politique de prévention efficace.
Je rends hommage, une fois de plus, aux
sapeurs-pompiers des services départements d’incendie et de secours
– SDIS – de Corse-du-Sud et de Haute-Corse, aux sapeurs-forestiers, à
la sécurité civile, et aux renforts venus du continent, qui ont risqué leur vie,
en opérant dans des conditions difficiles avec des vents violents dépassant
150 kilomètres à l’heure. (Applaudissements sur tous les
bancs.)
Pour le Midi et la Corse, il faut opérer des modifications
législatives pour massifier les plans locaux de prévention incendies et adapter
la qualité et la localisation des moyens de lutte aériens, au plus près du
terrain. Or nous venons d’apprendre que l’avion Tracker sera retiré du service
cette année. Ne pouvons-nous pas renforcer les moyens aériens par des
hélicoptères bombardier d’eau de grosse capacité, y compris de location, au vu
de la fréquence des épisodes d’incendies ? Ne faut-il pas bâtir, dès à
présent, une force méditerranéenne dans le cadre d’une coopération plus étroite
avec des régions comme la Sardaigne ?
Sur le plan de la prévention,
j’ai défendu avec les députés de mon groupe, Libertés et territoires, lors de
l’examen du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la
proximité de l’action publique, un amendement crucial visant à massifier les
plans de prévention autour des villages, et à renforcer les obligations légales
de débroussaillement pour les biens indivis et sans maître.
Adopté à
l’unanimité dans cette assemblée, avec le soutien du rapporteur, il a été refusé
en CMP pour des raisons politiques obscures. Il est impératif de le réintroduire
dans le cadre de la loi dite 3D – décentralisation, déconcentration et
différenciation. Monsieur le ministre, il est urgent de prendre la mesure de
cette nouvelle donne climatique. Les acteurs en Corse y sont prêts, êtes-vous
prêt à les accompagner ? (Applaudissements sur les bancs du groupe
LT.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du
ministre de l’intérieur.
M. Laurent
Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
Monsieur Acquaviva, vous soulignez avec raison l’important risque d’incendies de
forêt en Corse : chaque année, un tiers des superficies détruites par le
feu dans l’ensemble des départements méditerranéens se situent en Corse.
Plusieurs paramètres compliquent la lutte contre les feux de forêt en
Corse : l’importance des espaces naturels à protéger, qui représentent
80 % de la superficie de l’île ; les conditions météorologiques
favorables à la naissance des incendies ; la difficulté d’accès à certains
sites, comme celui de Quenza.
Face à cette situation très particulière,
la solidarité nationale joue à plein. Ce fut le cas à compter du
4 février 2020, quand l’incendie s’est déclaré à Quenza, où le
ministre de l’intérieur s’est d’ailleurs rendu dès le lendemain pour saluer le
travail des sauveteurs. Considérez que l’ensemble des moyens disponibles,
notamment les Canadair, a été utilisé pour combattre, réduire et éradiquer les
multiples foyers d’incendie. L’engagement de 780 sapeurs-pompiers – au
plus fort de la mobilisation – venant de Corse et de tous les départements
de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, a également été déterminant. Soyez donc
assuré que la solidarité nationale joue à plein.
À mon tour, je veux
rendre hommage et dire toute ma fierté aux fonctionnaires de la sécurité civile,
aux sapeurs-pompiers, aux militaires, aux sapeurs-forestiers et à l’ensemble des
personnels engagés dans ces actions. Soyez-en sûr : la Corse peut compter
sur la solidarité nationale dans ce type de situation.
Crise de l’hôpital public
M. le
président. La parole est à M. Alain David.
M. Alain
David. La ministre des solidarités et de la santé abandonne le navire en
pleine tempête. Elle a démissionné alors que la crise du coronavirus Covid-19
continue de faire planer une inquiétude sur notre capacité à faire face à une
épidémie de grande ampleur. Contrairement à d’autres ministres candidats, elle a
décidé de se consacrer à la campagne municipale à Paris. Voilà une façon bien
commode de ne pas assumer son bilan catastrophique à la tête du ministère.
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Voilà, de surcroît, une
décision qui entame la parole politique puisqu’elle assurait en fin de semaine
ne pas envisager de quitter ses fonctions ministérielles.
Ses deux ans et
huit mois rue de Grenelle ont été marqués par une crise sans précédent à
l’hôpital, par un malaise grandissant des soignants, par des déremboursements de
médicaments de plus en plus nombreux, par l’inaction sur le dossier du grand
âge, par la contestation dans les EHPAD – les établissements d’hébergement
pour personnes âgées dépendantes – et par la colère grandissante contre
votre projet de réforme des retraites, aussi inutile qu’injuste.
M. Sylvain
Maillard. À qui la faute ?
M. Alain
David. De fait, nul besoin d’une grande consultation pour recenser les
problèmes déjà connus de l’hôpital public. Faut-il rappeler la démission massive
de très nombreux chefs de service, ces dernières semaines, et les besoins
criants de personnels et de moyens, tant aux urgences que dans de nombreux
autres services ? Mme Buzyn n’aura jamais su ou voulu tenir tête aux
décisions aveugles de Bercy qui ont fragilisé plus encore l’hôpital.
M. Sylvain
Maillard. Alors, fallait-il qu’elle parte ou non ? Un peu de
cohérence !
M. Alain
David. Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous assurer la
représentation nationale que cette démission en pleine tempête n’aura pas de
conséquences sur la santé des Français ? Vous-même, envisagez-vous de
démissionner pour vous consacrer à votre candidature au Havre ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la
santé. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – De
nombreux députés du groupe LaREM se lèvent et continuent d’applaudir.)
M. Olivier
Véran, ministre des solidarités et de la santé. D’abord je
voudrais répondre à l’interpellation de Caroline Fiat et m’associer à la
tristesse de la nation suite au décès d’une infirmière à Thouars. Cette mère de
deux enfants, âgée de 31 ans, a été mortellement poignardée par un patient
psychotique. Dès le lendemain, le délégué ministériel à la santé mentale et à la
psychiatrie s’est rendu sur place. Je m’y rendrai moi-même dans les prochains
jours pour rencontrer les équipes, sans médias,…
M.
Christian Hutin. Sans médias, mais vous l’annoncez en séance
publique !
M. Olivier
Véran, ministre. …parce que je considère que c’est mon rôle.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM ainsi que sur
quelques bancs des groupes UDI-Agir et FI.)
Votre question comportait
de multiples facettes, monsieur David, tout comme certaines ayant
précédé.
Je veux vous dire ma fierté de succéder à une très grande
ministre de la santé et des solidarités telle qu’Agnès Buzyn
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs
du groupe MODEM), ma fierté de rejoindre un ministère où les gens ont le
sourire parce qu’ils sont fiers d’avoir travaillé avec elle pendant deux ans et
demi. (Mêmes mouvements.)
Comme Agnès Buzyn, je suis médecin
hospitalier : c’est ma passion, j’aime profondément l’hôpital. Vous vous
inquiétez de sa situation, et vous avez raison. Je m’en inquiète aussi, comme
Agnès Buzyn s’en est inquiétée. C’est pourquoi nous avons, dès cette rentrée,
décaissé 150 millions en investissements courants pour les hôpitaux. C’est
pour cela également qu’une reprise de dette hospitalière de 10 milliards a
été annoncée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Ils ont un problème
d’audition !
M. Olivier
Véran, ministre. Si j’étais taquin – bien que j’aie décidé
de moins l’être désormais –, je vous dirais que je n’ai jamais été amené à
voter des budgets hospitaliers aussi faibles que lorsque j’étais assis sur vos
bancs, à côté des députés de votre groupe… (Applaudissements sur les bancs du
groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM. – Vives exclamations sur les
bancs du groupe LR.)
M. Pierre
Cordier. Ancien socialiste !
M. Fabien
Di Filippo. Traître !
M. Olivier
Véran, ministre. Vous vous inquiétez, et je peux le comprendre,
de la suite qui sera donnée à la prise en charge de la crise du coronavirus
Covid-19. J’étais hier à l’hôpital Bichat à la rencontre des équipes qui, au
quotidien, soignent les malades et s’assurent que la sécurité et la santé des
Français sont garanties. J’ai reçu ce matin soixante responsables de la santé de
ville et de l’hôpital, afin de faire un point, en compagnie de la direction
générale de la santé. La maison est tenue ! (Applaudissements sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Réforme des retraites
M. le
président. La parole est à M. Emmanuel Maquet.
M. Emmanuel
Maquet. Monsieur le Premier ministre, la réforme des retraites est sans
doute la plus importante du quinquennat. Pourtant, les conditions de son examen
devant notre assemblée sont, de loin, les plus chaotiques. Tout a été organisé
pour priver les Français d’un vrai débat parlementaire. Vous aviez pourtant de
nombreux outils à votre disposition pour éviter ce fiasco, à commencer par un
calendrier plus adapté. En vous y prenant plus tôt, vous auriez pu mettre en
place le temps législatif programmé, ce qui aurait rendu l’obstruction
impossible. Vous n’avez même pas réussi à faire adopter votre projet en
commission spéciale. Au fond, par votre amateurisme, vous êtes coresponsables de
cette obstruction. La France insoumise est votre allié objectif sur ce
dossier…
M. Ugo
Bernalicis. Lisez notre contre-projet !
M. Emmanuel
Maquet. …car elle vous permet de passer sous silence les nombreuses
lacunes de cette réforme coûteuse, injuste et inutilement complexe. Le groupe
Les Républicains a toujours refusé l’obstruction car il a un contre-projet
crédible, ambitieux et cohérent : nous proposons de faire converger
immédiatement les régimes spéciaux et de faire reculer progressivement l’âge de
la retraite, afin de garantir le niveau de vie des retraités sans endetter les
actifs.
Dans le contexte de ce débat indigne, le ministre des solidarités
et de la santé n’excluait pas, ce matin, l’utilisation de l’article 49,
alinéa 3, de la Constitution. Un tel passage en force serait l’aveu encore
plus clair de votre stratégie visant à escamoter un débat pourtant nécessaire.
Ce texte, qui déterminera l’avenir des Français pour les cinquante prochaines
années, mérite mieux que cela. Lorsque nous avons eu le courage de réformer les
retraites en 1993, 2003 et 2010, nous n’avons pas eu recours à
l’article 49, alinéa 3. Ma question est donc la suivante :
prenez-vous l’engagement, ferme et définitif, devant la représentation
nationale, d’exclure l’utilisation de cet article et le recours au vote bloqué
sur le texte ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LR.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Vous
m’interrogez, monsieur Maquet, sur les conditions d’examen du projet de loi
instituant un système universel de retraite. En même temps – si je puis me
permettre l’expression –, nous avons passé de nombreuses heures, la semaine
dernière, en commission spéciale, sans parvenir, malgré la volonté du
Gouvernement, de la présidente de la commission spéciale et de la plupart de ses
membres, à en terminer l’examen. Étant un membre éminent de cette assemblée,
vous en connaissez la raison : le volume des amendements déposés,
principalement par l’un des groupes d’opposition, mais pas par le vôtre.
M. Dino
Cinieri. La réponse !
M. Xavier
Breton. Oui : répondez à la question !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Votre groupe a plutôt essayé de
défendre un projet, qui n’est pas celui du Gouvernement, mais qui s’articule
autour de l’âge légal, que vous voulez porter à 65 ans alors que nous
souhaitons garder de la liberté pour chacun. (Exclamations sur les bancs du
groupe LR.)
M. Fabien
Di Filippo. Vous, vous préférez creuser la dette !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Hier, vous parliez de la
lenteur que peuvent entraîner des concertations, comme celles entreprises par le
haut-commissaire Jean-Paul Delevoye ; vous parlez aujourd’hui de
précipitation. Hier nous étions trop lents, aujourd’hui nous sommes trop
rapides : je n’aurais sans doute guère l’occasion de trouver le tempo
adéquat à vos yeux…
M. Xavier
Breton. Répondez plutôt à la question !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Le Gouvernement a la volonté de
débattre, d’enrichir son texte et d’aboutir, avec les parlementaires. À cet
effet, je serai présent, comme je l’ai été la semaine dernière en commission
spéciale, pour enrichir ce texte de justice et de transformation sociales
qu’attendent nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs des
groupes LaREM et MODEM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.)
M. Dino
Cinieri. Qu’il est mauvais !
Qualité nutritionnelle de l’alimentation
M. le
président. La parole est à Mme Michèle Crouzet.
Mme Michèle
Crouzet. Le 5 février 2020, je présentais à la commission des
affaires économiques mon rapport d’information sur le suivi des conclusions de
la commission d’enquête sur l’alimentation industrielle. Cette mission de suivi
avait pour but de faire un état des lieux des trente-huit préconisations. Force
est de constater, depuis 2018, une prise de conscience de la nécessité
d’améliorer la qualité des aliments industriels. L’étude de l’Observatoire de la
qualité de l’alimentation – l’OQALI – confirme bien la réduction de
l’utilisation des additifs dans certaines catégories.
Si les industriels
se sont mobilisés pour diminuer le nombre d’additifs présent dans leurs
produits, il leur reste en revanche des efforts à accomplir concernant
l’abaissement des taux de sel, de sucre et de gras. Ces réductions sont
indispensables pour parvenir à une diminution significative du nombre de
personnes atteintes de surpoids, d’obésité et de maladies
chroniques.
J’estime également que la France doit être pionnière, sur la
scène européenne, en matière d’amélioration de la qualité de l’alimentation. La
nouvelle Commission européenne a d’ailleurs récemment présenté son pacte vert
pour l’Europe, qui comporte un volet consacré à la transformation de nos
systèmes alimentaires, appelé « de la ferme à la fourchette ». Il est
donc indispensable que la France se mobilise, dans les prochains mois, pour
renforcer la transparence sur l’origine des produits, pour améliorer la
composition des aliments industriels et pour soutenir l’harmonisation du système
d’étiquetage des produits alimentaires.
Je pense notamment au
Nutri-score, qui a été instauré en France et qui, grâce à la pression des
consommateurs, a encouragé de nombreux industriels à l’utiliser et à reformuler
leurs recettes. Il serait souhaitable que l’ensemble des pays membres de l’Union
européenne adopte ce système d’étiquetage nutritionnel. Afin que l’alimentation
ne soit plus un marqueur social, monsieur le ministre, pouvez-vous nous exposer,
monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, les actions que le
Gouvernement entend mener, aux niveaux national et européen, pour que chacun
accède à une alimentation saine et de qualité ?
M. le
président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de
l’alimentation.
M. Didier
Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Merci,
madame Crouzet, pour l’ensemble des travaux que vous menez depuis longtemps déjà
sur l’alimentation et la qualité nutritionnelle de nos aliments. Le rapport que
vous avez déposé le 5 février 2020 fera date, en effet. Vous êtes
nombreux à travailler à ces sujets, en particulier Richard Ramos, très en
pointe, que je salue aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe
MODEM.)
M. David
Habib. Comme quoi il n’est pas rancunier vis-à-vis du MODEM !
(Sourires sur les bancs du groupe SOC.)
M. Didier
Guillaume, ministre. Tout le monde s’accorde désormais, je crois,
à considérer que l’agriculture et l’alimentation ne peuvent être dissociées. De
même, l’alimentation et la santé doivent aller de pair pour lutter contre
l’obésité et pour une meilleure qualité nutritionnelle. Le ministère de
l’agriculture et de l’alimentation et celui des solidarités et de la santé
œuvrent en ce sens. Je ne doute pas qu’Olivier Véran, qui a beaucoup travaillé
au Nutri-score et a souvent défendu ces sujets dans l’hémicycle, prolongera ce
travail.
M. David
Habib. Et Jean-Baptiste Lemoyne, on n’en parle pas ?
M. Didier
Guillaume, ministre. Vous l’avez dit, il faut absolument réussir
à réduire les taux de sel, de sucre et de gras. Nous avons commencé à y œuvrer
avec la fédération des entreprises de boulangerie et nous poursuivrons ces
travaux pour aboutir à la diminution du taux de sel. Le pain représente en
moyenne 25 % du sel présent dans l’alimentation. Nous devons aller plus
loin et élargir cette démarche aux autres produits. L’ANSES – l’Agence
nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du
travail – nous rendra un rapport d’ici à l’été 2020 ; forts de ce
rapport et de vos recommandations, nous y travaillerons. Le Nutri-score
permettra de déterminer la qualité de l’ensemble des produits.
Enfin,
nous agissons aussi au niveau européen pour que ces sujets figurent à l’ordre du
jour. Avec Agnès Pannier-Runacher, nous travaillons à la clarté de l’étiquetage.
En outre, à la demande de la France, nous avons organisé, à l’échelle
européenne, un colloque qui devrait porter ses fruits.
Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat
M. le
président. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le
Fur. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Telle
est, semble-t-il, la devise du Gouvernement, comme le prouve le débat sur les
retraites mais aussi la question de la prime exceptionnelle de pouvoir
d’achat.
M. Damien
Abad. C’est bien vrai !
M. Marc Le
Fur. L’an dernier, le système était très simple : les entreprises,
si elles estimaient en avoir les moyens, pouvaient accorder à leurs
collaborateurs une prime allant jusqu’à 1 000 euros. Cette prime
n’était soumise ni à l’impôt ni à cotisation sociale, d’où son intérêt. Le
groupe Les Républicains avait pleinement adhéré à cette idée. En effet, tous les
salariés de droit privé pouvaient bénéficier de la prime : c’était simple
et universel, pour reprendre un adjectif qui devrait vous
plaire !
Trop simple, sans doute ! Pour 2020, vous avez
conditionné la prime à l’existence d’un accord d’intéressement, c’est-à-dire un
document négocié entre les chefs d’entreprise et les représentants des salariés
qui engage l’entreprise pour plusieurs années et répond à des critères très
exigeants. Un tel accord n’est donc possible que dans les grandes entreprises,
et non dans les petites – un artisan maçon travaillant avec deux compagnons
ne mettra pas sur pied une telle usine à gaz pour accorder 300 ou 400 euros
à ses salariés. De fait, votre décision pénalise les salariés des artisans et
des commerçants mais aussi ceux des associations et des particuliers employeurs,
comme les assistantes maternelles, soit des millions de Français.
Les
entreprises sont actuellement en pleine réflexion et des salariés qui
bénéficiaient de cette prime l’an dernier découvrent qu’ils en seront privés
cette année. Vous avez la possibilité de revenir sur cette mesure, monsieur le
Premier ministre : déposez un nouveau texte et revenez à des mesures plus
simples. Ce qui valait l’an dernier devrait également valoir en 2020 !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du
ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie
et des finances. La prime exceptionnelle – donc exceptionnelle –
annoncée par le Président de la République en décembre 2018 fut un grand
succès puisqu’elle a concerné 5,5 millions de Français, pour un montant
moyen de 400 euros. Cette démarche a été prolongée par la loi PACTE
– relative à la croissance et la transformation des entreprises –, qui
a élargi le champ des accords d’intéressement et a prévu, comme vous le
souhaitez, monsieur Le Fur, la possibilité pour les entreprises de moins de
250 salariés de verser une partie de leurs bénéfices dans le cadre d’un
accord d’intéressement, sans avoir à payer d’impôts ni de cotisations sociales,
selon le mécanisme le plus simple qui soit.
Comme c’est compliqué, me
rétorquerez-vous. Mais pas du tout !
M. Christian
Jacob. Non, bien sûr !
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Il suffit en effet,
voyez-vous, de télécharger un modèle d’accord d’intéressement sur le site du
ministère de l’économie et des finances.
M. Raphaël
Schellenberger. C’est donc ça, la démocratie sociale ?
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Les formules y sont
exprimées très simplement et peuvent être choisies librement. L’accord
d’intéressement peut être adopté par référendum et, si vous nous en donnez la
possibilité lors de l’examen du projet de loi ASAP – d’accélération et de
simplification de l’action publique –, il pourra même être décidé
unilatéralement.
Je compte donc sur vous pour que nous passions de
1,4 million à 3 millions de salariés bénéficiant d’un accord
d’intéressement dans les très petites entreprises.
M. Christian
Jacob. Combien d’emplois avez-vous créé ?
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État. C’est notre objectif, pour
que la valeur soit mieux partagée entre salariés et entreprises, et que les
salariés, lorsque leur entreprise présente de bons résultats, puisse en
bénéficier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le
Fur. La devise du Gouvernement se confirme : pourquoi faire simple
quand on peut faire compliqué ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du
groupe LR.)
Mise en cause d’un manifestant à Bordeaux
M. le
président. La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis
Corbière. Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur, dont je
regrette l’absence. Samedi 8 février, en marge d’une manifestation à
Bordeaux, un jeune homme a été frappé et violemment interpellé par des
policiers. Mardi dernier, mon collègue Ugo Bernalicis a demandé au ministre des
explications sur cette affaire, qui a choqué de nombreux Français. En réponse,
le ministre a justifié cet excès de violence en tenant les propos
suivants : « À Bordeaux, les faits sont établis. Un individu qui se
lie aux black blocs se saisit de barres de fer et intervient contre nos forces
de sécurité. Il a été identifié par une vue prise d’hélicoptère et par plusieurs
officiers de police judiciaire ». À l’entendre, la culpabilité de cet homme
ne faisait donc aucun doute.
Pourtant, après avoir passé trente heures en
garde à vue, il a été relâché. Dix jours après les faits, aucune infraction ne
lui a été reprochée et aucun magistrat n’a retenu de charges à son encontre. En
clair, ce qui semblait parfaitement établi par le ministre ne l’est visiblement
pas du tout par la justice ! Tout porte donc à croire que le ministre n’a
pas dit la vérité, et cette légèreté de sa part n’est pas anecdotique :
c’est une méthode politique.
Sous la Ve République, les
pouvoirs conférés au Président de la République et à l’exécutif sont énormes et
disproportionnés, au détriment du Parlement. Chaque semaine, cependant, la
séance de questions au Gouvernement apporte un léger rééquilibrage
institutionnel, le Gouvernement devant rendre des comptes à la représentation
nationale qui l’interroge.
M.
Christian Hutin. Rééquilibrage très léger…
M. Alexis
Corbière. En ne disant pas la vérité et en refusant de répondre avec
rigueur et retenue aux questions qui lui sont posées, le ministre a piétiné la
souveraineté populaire. Je laisse la possibilité à un membre du Gouvernement de
revenir sur les affirmations de M. Castaner et de reconnaître ces
contrevérités, sans quoi la République serait une nouvelle fois piétinée !
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du
ministre de l’intérieur.
M. Laurent
Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Vous
faites allusion, monsieur Corbière, à la déclaration que M. Castaner,
ministre de l’intérieur, a faite à ce même micro la semaine dernière, à propos
de ce qui s’était passé le samedi précédent à Bordeaux, lors d’une manifestation
dont je répète qu’elle fut émaillée de violences importantes – nouvelles
prises à partie des forces de police, nouvelles tentatives de dégradation du
mobilier urbain et de commerces. Notre dispositif est tout à fait adapté :
il permet de repérer les fauteurs de troubles, y compris sur des images filmées
par hélicoptère, comme ce fut le cas ce jour-là. Or il se trouve que la personne
interpellée, qui se dissimulait parmi les badauds, avait été identifiée comme
l’un des fauteurs de troubles.
M. Ugo
Bernalicis. Comment l’avez-vous identifiée si elle se
dissimulait ?
M. Laurent
Nunez, secrétaire d’État. Christophe Castaner n’a fait que
répéter à ce micro le motif de l’interpellation par les policiers :
l’individu a été interpellé et conduit devant la justice, comme de nombreuses
autres personnes également poursuivies ce même jour. Il se trouve qu’il a été
placé en garde à vue. Il ne m’appartient pas plus qu’à Christophe Castaner de
commenter la décision d’un juge, qui a considéré que les charges pesant sur
cette personne étaient insuffisantes.
M. Ugo
Bernalicis. Il ne s’agit pas d’un juge !
M. Laurent
Nunez, secrétaire d’État. C’est son droit, et c’est la justice de
notre pays, de même qu’il appartenait aux fonctionnaires de police d’interpeller
un individu vu en train de commettre des violences.
M. Loïc
Prud’homme. Non, pas comme ils l’ont fait !
M. Laurent
Nunez, secrétaire d’État. Voilà ce qu’est la justice :
l’action administrative de la police consiste à interpeller des individus qui
sont ensuite traduits devant la justice.
M. Ugo
Bernalicis. C’est une action judiciaire, pas administrative ! Il
s’agit de flagrance !
M. Laurent
Nunez, secrétaire d’État. Lorsque les charges sont insuffisantes,
il peut en effet arriver qu’aucune poursuite ne soit intentée.
Je vous
confirme que, tous les samedis, les forces de l’ordre interpellent des individus
qui sont traduits en justice puis généralement reconnus coupables et condamnés.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis
Corbière. Vous venez d’indiquer que les charges ne permettent pas de
poursuites judiciaires, mais vous assumez la déclaration de M. Castaner
selon laquelle les faits sont établis : quel exercice effrayant du point de
vue du droit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
Substituts aux emballages plastiques à usage unique
M. le
président. La parole est à Mme Lise Magnier.
Mme Lise
Magnier. Il y a quelques semaines, le Président de la République
recevait des entreprises françaises à l’Élysée pour mettre en valeur le
savoir-faire et les innovations du made in France. Parmi elles, l’entreprise
Sorepack, installée à Sainte-Ménehould, dans ma circonscription, a présenté ses
barquettes alimentaires en cellulose vierge pouvant se substituer aux barquettes
en plastique. Exemptes de perturbateurs endocriniens, ces barquettes sont
intégralement recyclables et compostables. C’est un bel exemple d’innovation et
de qualité françaises qui correspond à la volonté du Gouvernement et du
législateur, dans la lignée de la loi relative à la lutte contre le gaspillage
et à l’économie circulaire.
Depuis plusieurs mois, les efforts de
pédagogie visant à lutter contre l’usage du plastique à usage unique ont orienté
le consommateur vers d’autres produits, réputés plus écologiques. C’est ainsi
qu’ont notamment fleuri les couverts et contenants en bambou, souvent importés
d’Asie. Or ces produits soulèvent une question de santé publique car, pour
assurer leur solidité et leur étanchéité, ils sont consolidés par une résine
contenant de la mélamine-formaldéhyde, substance particulièrement nocive pour
les reins et reconnue comme cancérigène. La direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – la
DGCCRF – a d’ailleurs déjà soulevé le problème après avoir constaté un taux
d’anomalie de près de 14 % concernant ces produits, dont la résine migre
vers les aliments. Ajoutons que ces substituts au plastique à usage unique ne
sont pas plus écologiques car ils ne sont pas recyclables, à cause de
l’utilisation de cette résine.
Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État
auprès du ministre de l’économie et des finances, nous assurer que les contrôles
sanitaires sont réalisés sur l’ensemble de ces produits mis sur le marché ?
Comment envisagez-vous de mieux informer les consommateurs sur l’aspect non
écologique de ces produits perçus comme un substitut au plastique ?
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes UDI-Agir et
MODEM.)
M. le
président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du
ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie
et des finances. Madame Magnier, la lutte que le Gouvernement mène avec
l’aide du Parlement contre la pollution engendrée par les plastiques à usage
unique passe en effet par l’émergence de nouvelles pratiques, notamment le
développement de substituts au plastique. Certaines entreprises, comme celle que
vous avez citée, sont assez avancées dans ce domaine et proposent des évolutions
répondant pleinement à ce contrat. D’autres évolutions doivent être envisagées
avec plus de circonspection ; c’est parfois le cas du bambou, associé à de
la colle ou de la mélamine pour lui donner sa forme. C’est un sujet auquel nous
sommes particulièrement attentifs.
L’autorité de protection des
consommateurs, la DGCCRF, s’assure, par des contrôles réguliers, que les
matériaux destinés à entrer en contact avec les denrées alimentaires ne
présentent pas de risque pour la santé des consommateurs. Plus de
1 000 établissements ont ainsi été contrôlés cette année, notamment en
lien avec le bambou, pour vérifier l’absence de toute migration de la partie
collante dans l’alimentation ; nous poursuivrons ces contrôles. Par
ailleurs, des remarques ont été formulées dans près de 400 cas, et tous les
rappels de vaisselle à usage unique peuvent être consultés sur le site de la
DGCCRF, de façon à assurer la parfaite protection des consommateurs. SignalConso
permet également de suivre ces problèmes.
En tout état de cause, sachez
que nous sommes mobilisés pour mieux sensibiliser les consommateurs aux bonnes
alternatives au plastique, en évitant l’adoption de solutions qui n’apportent
une bonne réponse ni pour l’environnement ni pour la santé. (Applaudissements
sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Dossiers en cours au ministère des solidarités et de la
santé
M. le
président. La parole est à M. Gabriel Serville.
M. Gabriel
Serville. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, le
coronavirus Covid-19 a déjà fait 1 900 victimes dans le monde. Des
voix s’élèvent pour remettre en cause l’efficacité des réponses apportées par
nos autorités sanitaires et, vingt-quatre heures à peine après avoir annoncé le
premier décès d’un patient en France, voilà que votre prédécesseur, Agnès Buzyn,
quitte le navire pour briguer la mairie de la ville de Paris. S’il en fallait
une, c’est bien la preuve que la priorité de ce gouvernement n’est ni la France,
ni les Français mais bien l’agenda de La République en marche.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Quel mépris pour
les milliers de travailleurs mobilisés contre l’entreprise de destruction
massive qu’est votre projet de réforme des retraites ! Quel mépris pour les
personnels des EHPAD – les établissements d’hébergement pour personnes
âgées dépendantes – et les 2,5 millions de seniors en perte
d’autonomie qui attendent depuis dix-huit mois la loi sur le grand âge promise
par le Président de la République ! Quel mépris pour tous les soignants et
tous les personnels hospitaliers mobilisés depuis plus de onze mois ! Ils
étaient encore dans la rue vendredi pour sauver l’hôpital public que vous-même,
monsieur le ministre, avez dépecé sans relâche durant ces trois dernières
années, en faisant 12 milliards d’euros d’économies, au fil des lois de
financement de la sécurité sociale dont vous avez eu la charge sur nos
bancs.
Ajoutant l’impudence au cynisme, Mme Buzyn, dont je ne mets
pas en doute les qualités intrinsèques, déclarait, en vous passant le flambeau
de la casse sociale, avoir certainement vécu « l’une des plus belles
aventures humaines ». Quelle ironie, alors que 800 médecins chefs de
service, pas dupes face à la tentative de diversion que constituent votre plan
d’urgence et la reprise de dette hospitalière évoquée précédemment,
démissionnent de leurs fonctions administratives !
Vous qui avez été
de tous les coups portés à la sécu depuis 2017, venez de lancer une énième
enquête nationale hospitalière. Quelle perte de temps ! Les constats sont
établis et les solutions connues. Nos concitoyens attendent du concret :
que comptez-vous faire pour redresser la barre face à un tel bilan, sachant que
la représentation nationale – qui n’est pas un amalgame de vierges
effarouchées et de gazelles pudiques – attend de vous des réponses claires
sur le fond ? (Applaudissements sur les bancs du groupe
GDR.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la
santé.
M. Olivier
Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur
Serville, à ce stade, 70 000 Français ont bénéficié d’audioprothèses
gratuites et plus de 2 millions de Français ont reçu des soins dentaires
gratuits dans notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.) L’hôpital public vient de bénéficier, pour la première fois depuis
des années, voire une décennie, d’une hausse de ses tarifs, qui sera reconduite
pendant au moins trois années consécutives. Le déploiement d’un service
sanitaire de santé à l’école a permis à des milliers et des milliers d’étudiants
de faire de la prévention dans les établissements scolaires. Je ne peux pas vous
citer toutes les avancées majeures obtenues pendant que Mme Agnès Buzyn
était ministre, pas plus que je ne peux vous laisser parler comme vous l’avez
fait de son bilan, qui est absolument remarquable et est assumé avec la plus
grande fierté par la majorité. (Mêmes mouvements.)
Mme Laurence
Dumont. Voilà pourquoi personne ne défile dans les rues…
M. Olivier
Véran, ministre. J’aurais pu vous parler du plan pauvreté, des
petits déjeuners à l’école pour les enfants des quartiers populaires…
M. David
Habib. Cela existait déjà !
M. Olivier
Véran, ministre. …et des milliards d’euros déployés dans
tout le territoire pour réduire les inégalités sanitaires et sociales.
Mme Valérie
Rabault. Que peut-il bien vous rester à faire ?
M. Olivier
Véran, ministre. J’aurais pu vous parler du plan pour les EHPAD
– les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes –,
auxquels 500 millions d’euros d’investissements supplémentaires seront
consacrés en 2020 et qui précédera la grande loi sur la dépendance que nous
présenterons également cette année. À nouveau, il m’est impossible de dresser la
liste de toutes les avancées dues à l’action de Mme Agnès Buzyn, à laquelle
je rends encore hommage.
M.
Jean-Paul Lecoq. Propagande !
M. Pierre
Cordier. Dans ces conditions, on se demande pourquoi le personnel
hospitalier fait grève !
M. Olivier
Véran, ministre. Nous pouvons être fiers de son bilan !
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Alain
Bruneel. Même discours, mêmes certitudes que Mme Buzyn !
M. Olivier
Véran, ministre. Au-delà du bilan, vous vous inquiétez de la
gestion du coronavirus. Je l’ai dit tout à l’heure, ce dossier, prioritaire, est
le premier que la ministre Agnès Buzyn, hier matin, m’a transmis dans son
bureau. Ce matin, j’étais avec soixante représentants de toutes les fédérations,
de tous les collèges des enseignants, de toutes les sociétés savantes et de tous
les syndicats de médecins de ville et d’hôpital pour discuter avec eux de la
manière dont sont déployées l’ensemble des mesures de prévention et
d’intervention sanitaires dans notre pays pour protéger les Français de cette
menace épidémique. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Rémunération des enseignants
M. le
président. La parole est à Mme Michèle Victory.
Mme Michèle
Victory. Monsieur le ministre de l’éducation nationale et de la
jeunesse, c’est terrible, mais quelque chose ne fonctionne vraiment pas entre,
d’un côté, vous et vos propositions, et, de l’autre, la communauté éducative
dans son ensemble. En effet, chacune de vos propositions vient ajouter de
nouvelles craintes et accentuer ce sentiment, que vous refusez obstinément
d’entendre, d’épuisement des personnels de votre administration, au point que le
métier d’enseignant ne fait plus rêver les étudiants. C’est la jeunesse qui
pourrait bien payer le prix de votre incapacité à comprendre, au fond, ce qui se
joue dans la carrière des enseignants.
Le projet de loi sur la
transformation des régimes de retraite vous a donné l’occasion de faire miroiter
aux enseignants un parfum de revalorisation des salaires. Toutefois, des
10 milliards d’euros promis par votre Gouvernement afin de compenser les
conséquences désastreuses de la réforme, il ne reste plus que 500 millions
dans le budget pour 2021, et les nouveaux scénarios proposés dressent la
perspective d’un marché de dupes : seulement 200 millions d’euros
seront distribués aux enseignants, soit une hausse d’environ 14 euros par
mois, le reste étant une supposée contrepartie généreusement offerte aux
enseignants qui accepteraient des tâches supplémentaires, contrepartie
habilement habillée sous le concept moralisateur, libéral et inopérant de la
rémunération au mérite. C’est une provocation pure et simple !
Oui,
il y a des personnels en détresse, désespérés par le gouffre qu’ils vivent, au
quotidien, entre les discours de l’institution et la réalité. L’institution ne
sait pas accompagner ces personnels, mais expliquez-nous en quoi ces enseignants
auraient démérité ? Or ce sont bien eux que vous désignez, en creux, à la
critique.
Aucun des quatre scénarios que vous proposez n’est en phase
avec leurs attentes, soit parce qu’ils ne concernent qu’une partie des
enseignants, soit parce que l’enveloppe budgétaire reste constante. Monsieur le
ministre, vous faites fausse route en imaginant qu’une telle fable fasse rentrer
dans le rang des personnels qui ne vous font plus confiance. Quand sortirez-vous
de cet enfermement ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes
SOC et GDR.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale
et de la jeunesse.
M.
Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la
jeunesse. Madame Victory, je vais vous rassurer et vous faire plaisir. Si
vous êtes sincère et que l’amélioration du système de l’éducation nationale vous
intéresse plus que les vaines polémiques, sachez que tout ce que nous allons
faire va dans le sens que vous souhaitez. Le nombre de professeurs va
substantiellement augmenter. Aucun des chiffres que vous avez donnés n’est
exact. Rassurez-vous, l’augmentation salariale sera bien supérieure à
14,50 euros – je ne sais pas où vous avez trouvé ce montant.
Le
dialogue social est nourri : de janvier à juin, nous élaborons, en lien
avec les organisations syndicales, le niveau de l’augmentation. Je vous le dis
très clairement, devant le Premier ministre et le ministre de l’action et des
comptes publics, qui se sont exprimés sur ce point, les augmentations
budgétaires programmées sont très importantes.
M. Fabrice
Brun. Ce n’est pas comme si l’État était en déficit !
M.
Jean-Michel Blanquer, ministre. Ainsi, en 2021, elles
représenteront 500 millions d’euros, et il s’agit de la première marche
d’une vision pluriannuelle du sujet. Voilà donc une excellente nouvelle pour le
milieu éducatif. Cette mesure sera de plus en plus visible pour les enseignants,
mais vous profitez de cette période d’attente pour essayer de répandre des
nouvelles fausses – car ce que vous avez dit n’était pas exact.
M. David
Habib. Personne ne vous croit !
M.
Jean-Michel Blanquer, ministre. Je rectifie volontiers et avec
grand plaisir vos propos, afin d’aller dans le sens de vos souhaits : oui,
les professeurs seront augmentés, et oui, nous en profiterons pour améliorer le
service public de l’éducation. L’effort portera sur l’ensemble de la profession,
notamment sur les plus jeunes et les personnels en milieu de carrière, afin que
les professeurs français deviennent, au cours de la décennie 2020, parmi les
mieux payés en Europe.
M. Frédéric
Reiss. On en est loin !
M.
Jean-Michel Blanquer, ministre. Voilà notre objectif. J’évoque
même ce sujet à l’échelle européenne : il en sera question jeudi à
Bruxelles, l’objectif étant que cette stratégie soit partagée dans l’Union
européenne.
Cette vision stratégique d’amélioration de l’éducation
nationale se traduira concrètement sur les bulletins de paie dès 2021, ce qui
devrait vous réjouir. Honnêtement, nous devrions être unis sur un tel sujet, à
moins que vous ne cherchiez qu’à polémiquer. (Applaudissements sur plusieurs
bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe
MODEM.)
Réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Fugit.
M. Jean-Luc
Fugit. J’associe mes collègues Annie Vidal et Jean-Baptiste Moreau à ma
question, qui s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de
l’alimentation.
En novembre dernier, le rapport d’étape de la mission
d’information sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate a été adopté.
Dans le cadre de cette mission d’information, nous avons rencontré de nombreux
acteurs, afin de dresser un état des lieux des différents usages et des
alternatives possibles. Nous avons aussi cherché à identifier les difficultés
rencontrées pour atteindre l’objectif fixé, qui est de mettre fin aux principaux
usages du glyphosate d’ici au 1er janvier 2021, puis à
l’ensemble d’entre eux d’ici au 1er janvier 2023. Notre rapport
d’étape nous a conduits à dresser plusieurs constats et à avancer des
propositions pour accompagner les agriculteurs, qui sont volontaires mais ont
besoin d’aides à la hauteur de l’enjeu pour éviter de mettre en péril leurs
exploitations.
En décembre, l’ANSES – l’Agence nationale de sécurité
sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – a notifié
le retrait des autorisations de trente-six produits à base de glyphosate.
Ceux-ci représentaient, en 2018, d’importants tonnages vendus en France pour des
usages agricoles et non agricoles. En janvier, vous avez réuni le comité
d’orientation stratégique et de suivi – ou COS – du plan national de
réduction des produits phytopharmaceutiques. À cette occasion, vous avez mis en
avant votre volonté de renforcer la transparence des données et la mobilisation
de l’expertise scientifique, résolution que vous avez réaffirmée, il y a deux
semaines, lors du premier anniversaire du contrat de solutions. Au regard de ces
éléments, on peut se réjouir de la constance dont le Gouvernement fait preuve
dans sa volonté de réduire l’impact environnemental des activités
agricoles.
Toutefois, à quelques jours de l’ouverture du salon de
l’agriculture, je souhaiterais que vous apportiez certaines précisions. Quelles
sont les grandes étapes que vous envisagez dans la feuille de route pour 2020
pour poursuivre la transition engagée, qui doit être respectueuse à la fois des
agriculteurs et de l’environnement ? De quelle manière les négociations sur
la future PAC – politique agricole commune – prennent-elles en compte
la question de la réduction de l’usage des produits phytosanitaires ?
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs
du groupe MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de
l’alimentation.
M. Didier
Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je
tiens d’abord à remercier l’ensemble des députés qui ont participé à la mission
d’information commune, notamment son président, Julien Dive, et ses rapporteurs,
Jean-Baptiste Moreau et vous-même, monsieur Fugit.
M. Gilles
Lurton. Et Lurton ?
M. Didier
Guillaume, ministre. Vous avez accompli un immense travail, que
vous poursuivez. Il est important d’éclairer l’ensemble des Françaises et des
Français comme le Gouvernement.
Vous nous demandez quels sont nos
objectifs : ils n’ont pas changé en 2020 par rapport à 2019, pas plus que
la trajectoire. Je me suis engagé, dès le printemps, à donner les chiffres
d’utilisation des produits phytosanitaires de l’année dernière. Le dernier COS
écophyto a montré que l’utilisation de ces produits avait augmenté de 25 %
en 2018, taux que nous n’avons pas considéré comme positif. Néanmoins, une bonne
trajectoire est suivie et certains indicateurs sont bons, comme la hausse des
conversions à l’agriculture biologique et des exploitations agricoles certifiées
haute valeur environnementale.
Néanmoins, le chiffre de croissance de la
vente de produits phytosanitaires ne peut pas nous satisfaire. L’année dernière,
nous avons retiré trente-huit substances les plus préoccupantes car les plus
dangereuses, ce qui a entraîné une augmentation du nombre de passages de
traitement nécessaire, mais a fait reculer l’utilisation des substances les plus
dangereuses de 15 %. La trajectoire et l’engagement du Gouvernement sont
donc toujours présents.
Nous devons aller plus loin et ne pas relâcher
notre effort, à l’échelle nationale comme à celle de la politique agricole
commune. Ainsi, nous insérerons dans le premier pilier de la PAC l’obligation,
absolument indispensable, de développer des écoschémas pour l’ensemble des États
membres. Dans le deuxième pilier, nous ferons en sorte que la transition
agroécologique soit aidée, comme le fait le Gouvernement, qui y consacre plus de
200 millions d’euros cette année. (Applaudissements sur quelques bancs
des groupes LaREM et MODEM.)
Système de protection sociale et de santé
M. le
président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.
M.
Jean-Pierre Door. Ma question s’adresse au ministre des solidarités et
de la santé, désigné au pied levé après les événements que l’on sait. Veuillez
accepter, monsieur le ministre, toutes nos félicitations.
Notre système
de protection sociale et de santé est assailli par des crises
persistantes.
Crise du financement des retraites, dont vous n’indiquez
pas le coût global dans le système universel, alors que le nombre de personnes
âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans triplera à l’horizon de 2050, ce qui rend
nécessaire la correction du déséquilibre démographique des retraites tout en
faisant face à la dépendance.
Crise fonctionnelle et identitaire de
l’hôpital public, qui souffre, vous le savez, la vision comptable n’ayant pas su
y remédier aux déficits et a créé des pénuries.
Mme
Danielle Brulebois. Qu’avez-vous fait ?
M.
Jean-Pierre Door. Pourquoi faire une nouvelle
enquête ?
Crise des urgences aussi, les quelques mesures concédées
l’an dernier n’ayant pas apaisé la colère des soignants.
Crise de la
médecine de ville, incapable d’absorber ce que l’hôpital ne devrait pas faire,
d’autant que les spécialités qui attirent le moins les futurs médecins sont
aussi celles dont on a le plus besoin.
Crise annoncée du 100 %
santé, avec l’augmentation des tarifs de quelques complémentaires
santé.
Crise du coronavirus, dont on a parlé. Le plan que vous envisagez
est-il le même que le plan national de prévention et de lutte contre la pandémie
grippale, que nous avions déployé en 2011 ?
Enfin, les usagers et
les soignants sont lassés des annonces technocratiques successives et attendent
des actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la
santé.
M. Olivier
Véran, ministre des solidarités et de la santé. Cher monsieur
Door, nous nous connaissons depuis des années et avons toujours été en
opposition, mais celle-ci fut toujours pragmatique et sage.
Mme Laurence
Dumont. Lui, au moins, n’a pas varié !
M. Olivier
Véran, ministre. Vous connaissez mon engagement sur les questions
de santé publique. Vous avez, par exemple, évoqué la difficulté de recruter des
médecins : j’ai rédigé, en 2013, le rapport parlementaire qui dénonçait
déjà le recours excessif à l’intérim médical, celui-ci conduisant à vider des
hôpitaux entiers de médecins pourtant indispensables au fonctionnement des
services. Vous avez soutenu, si je me souviens bien, la mesure, que j’ai fait
adopter par cette assemblée, visant à lutter contre le recours aux mannequins
trop maigres, de manière à promouvoir la santé publique. Vous avez été en accord
avec de nombreuses dispositions que nous avons promues depuis le début du
quinquennat. Dans les dix-huit questions que vous m’avez posées en une, je veux
entendre un peu d’excès lié à la situation particulière.
Vous savez très
bien que notre système de santé est extrêmement solide, notamment en matière de
santé publique et lorsqu’il s’agit de lutter contre des risques épidémiques. Ce
n’est pas le ministre de la santé qui est solide, ce sont les médecins de ce
pays, les infirmières de ce pays, les kinésithérapeutes de ce pays, l’ensemble
du corps hospitalier, l’ensemble de la médecine de ville et l’ensemble des
pharmaciens, que j’ai reçus aujourd’hui en délégation, qui le sont !
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et
UDI-Agir.) Ce sont eux qui permettent de lutter contre la menace épidémique
actuelle. Le secteur médico-social a également un rôle essentiel à jouer. La
représentation nationale a tout intérêt à les soutenir et à se montrer unie face
à la menace épidémique que nous connaissons.
Quant à la question
hospitalière, j’aurai l’occasion de préciser ma proposition, mais il n’y a pas
de honte à interroger l’ensemble du personnel des hôpitaux, celles et ceux qui
prennent soin de nous quand nous sommes malades, pour savoir comment nous
pouvons, à notre tour, prendre soin d’elles et d’eux. (Applaudissements sur
quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Stéphane
Viry. Quel baratin !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.
M.
Jean-Pierre Door. Monsieur le ministre, cela fait effectivement au moins
sept ans que nous siégeons ensemble sur ces bancs, mais pas dans le même camp,
même si nous avons travaillé ensemble.
Le plan contre la pandémie
grippale de 2011, je le rappelle, fut mis en œuvre à la suite des travaux de la
commission d’enquête que j’avais présidée.
Enfin, nous vous attendons sur
le terrain pour régler les problèmes de santé que rencontrent nos concitoyens.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)
Rémunération des éleveurs bovins
M. le
président. La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme
Géraldine Bannier. Monsieur le ministre de l’agriculture et de
l’alimentation, à quelques jours de l’ouverture du salon de l’agriculture, je
souhaite vous interroger, en leur nom, sur la rémunération des éleveurs bovins.
En vingt ans, le prix de la viande de bœuf a augmenté de 70 % pour le
consommateur et les charges pesant sur le producteur ont progressé de 50 %,
tandis que le cours de la viande bovine, lui, ne croissait que de 20 %.
Mme
Christine Pires Beaune. Merci EGALIM !
Mme
Géraldine Bannier. Lors du premier bilan de l’application de la loi
EGALIM – pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur
agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à
tous – organisé dans mon département, à Laval, des éleveurs ont même
indiqué que la fixation des prix ne tient presque plus compte du type de race
bovine ou de la qualité des carcasses, notamment du classement E, U ou R
– excellente, très bonne ou bonne.
Dans le cadre du plan de filière
adopté en décembre dernier, les éleveurs se sont engagés à procéder à une montée
en gamme, visant à faire passer la quantité de bœuf label rouge de 2 à 40 %
des ventes. Toutefois, ils attendent de savoir le gain qui résultera pour eux de
cette montée en gamme, qui entraîne des surcoûts.
M. Vincent
Descoeur. C’est bien la question !
M. Fabrice
Brun. Il faut leur garantir une valeur ajoutée !
Mme
Géraldine Bannier. Si la loi EGALIM permet aux organisations de
producteurs de peser davantage dans les négociations,…
M. David
Habib. Comme chacun a pu le constater !
Mme
Géraldine Bannier. …pour la filière bovine, il apparaît que nombre
d’entre elles n’ont pas l’indépendance nécessaire vis-à-vis des industriels et
de la grande distribution.
M. David
Habib. Bref, c’est un échec !
Mme
Géraldine Bannier. Par ailleurs, tous les acteurs concernés ne jouent
pas le jeu. Des producteurs, comme Elroc 53, en Mayenne, mènent des
tentatives intéressantes pour reprendre la main sur les marges issues de la
transformation de la viande. Cet atelier de transformation met en relation
directe les producteurs et les consommateurs, notamment les collectivités. Tout
cela n’est pas facile.
Pourtant, quel Français voudrait en être réduit,
un jour, à montrer à un enfant ce qu’est un bœuf sur un écran ou dans un
magazine ?
L’égérie du salon de l’agriculture se nomme Idéale.
M. David
Habib. Elle n’existe pas ?
Mme
Géraldine Bannier. Cette vache charolaise est semblable à toutes celles
qui font la beauté des paysages de campagne et entretiennent nos prairies sans
pesticides.
Monsieur le ministre, comment inciter davantage les acteurs
de l’agroalimentaire à mieux rémunérer les producteurs bovins ? Comment le
Gouvernement accompagne-t-il les éleveurs dans leur quête d’un avenir plus
équitable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM. –
M. Florian Bachelier applaudit également.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de
l’alimentation.
M. Didier
Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame
Bannier, vous avez raison : ne nous mentons pas, la situation de la filière
bovine est très préoccupante, en particulier celle du bassin allaitant.
Pourtant, il existe de très nombreuses raisons d’espérer.
D’abord, la
Fédération nationale bovine s’organise. L’une des options consiste à mettre en
place des organisations de producteurs et des associations d’organisations de
producteurs.
M. André
Chassaigne. Ce n’est pas suffisant !
M. Didier
Guillaume, ministre. Ce n’est qu’ainsi que nous arriverons à
massifier l’offre ; ce n’est qu’ainsi que les producteurs arriveront à
vendre leur production au prix moyen et à peser dans les négociations avec leurs
acheteurs, ce qui est très difficile pour un éleveur ou une petite coopérative
négociant seul.
J’ai assisté, la semaine dernière, au congrès de la
Fédération nationale bovine, au cours duquel ce sujet a été abordé. Nous allons
aller de l’avant.
Un autre sujet est traité par le comité de suivi des
négociations commerciales : faire en sorte que les acheteurs soient plus
prégnants. À l’heure actuelle, 75 % de la viande de bœuf vendue en France
est du steak haché, qui rémunère comme il rémunère. Nous devons – veuillez
m’excuser d’entrer dans le détail – introduire la viande maturée d’origine
française dans la restauration hors foyer, notamment dans les restaurants.
M. André
Chassaigne. Et les accords de libre-échange ?
M. Didier
Guillaume, ministre. Mesdames et messieurs les députés, il doit
vous arriver d’aller au restaurant à Paris : 85 % d’entre eux ne
servent pas de viande française !
M. David
Habib. Tel n’est pas le cas à Biarritz !
M. Didier
Guillaume, ministre. C’est absolument anormal.
M. André
Chassaigne. Vous avez ouvert les frontières !
M. Sylvain
Maillard. C’est la faute d’Hidalgo !
M. Didier
Guillaume, ministre. Il faut changer cet état de
fait.
Troisièmement, nous avons beaucoup travaillé au développement des
exportations. Lors de son dernier voyage officiel en Chine, le Président de la
République a invité de nombreux représentants de la filière à l’accompagner, de
sorte que nos exportations de viande bovine en Chine sont passées de 100 à
1 000 tonnes.
M. André
Chassaigne. Et combien à l’importation ?
M. Didier
Guillaume, ministre. C’est une des solutions pour faire remonter
les prix.
En tout état de cause, vous avez raison d’affirmer que la
rémunération des éleveurs n’est pas à la hauteur et qu’elle doit s’améliorer.
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Sylvain
Maillard. Très bien !
Participation de Taïwan aux travaux de l’Assemblée mondiale de
la santé
M. le
président. La parole est à M. Jean-Jacques Gaultier.
M.
Jean-Jacques Gaultier. Tout d’abord, monsieur le ministre de
l’agriculture et de l’alimentation, sachez que même à la buvette de l’Assemblée
nationale, la viande n’est pas toujours d’origine française…
(« Eh oui ! » sur
divers bancs).
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Elle porte sur la position de la France, à propos de l’épidémie de coronavirus,
en réponse à la demande de Taïwan de participer aux travaux de l’Assemblée
mondiale de la santé. J’y associe les soixante-cinq autres membres, de tous
bords politiques, du groupe d’études à vocation internationale sur les questions
liées à l’expansion de l’économie taïwanaise, présidé par Jean-François
Cesarini.
Le Premier ministre canadien, comme bien d’autres, s’est
récemment exprimé à ce sujet, soutenant la demande de Taïwan de participer aux
travaux de l’Assemblée mondiale de la santé, afin de mieux lutter contre
l’épidémie de coronavirus venue d’Asie.
La santé passe avant la
politique. Les enjeux sanitaires sont mondiaux. Il est dans l’intérêt de la
communauté internationale de partager les informations, de favoriser les
échanges scientifiques et technologiques, de renforcer la veille sanitaire. Or,
sans Taïwan, il y a un trou dans le réseau mondial de protection sanitaire.
Mme Valérie
Rabault. C’est vrai !
M.
Jean-Jacques Gaultier. Taïwan a participé aux travaux de l’Assemblée
mondiale de la santé de 2009 à 2016 mais n’y a plus été conviée depuis
2017.
Monsieur le Premier ministre, à l’heure où la menace d’épidémie
mondiale de coronavirus n’a jamais été aussi forte et où le nombre de cas est
largement sous-estimé, êtes-vous, oui ou non, favorable à la participation de
Taïwan aux travaux de l’Assemblée mondiale de la santé ?
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et sur quelques bancs
des groupes UDI-Agir et LT.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la
santé.
M. Olivier
Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur
Gaultier, je vous remercie d’avoir prononcé une phrase que je garderai en
mémoire à l’issue de cette séance de questions au Gouvernement : « La
santé passe avant la politique. » Il me semble bon de le rappeler.
(Mme Stéphanie Rist applaudit.)
Mme
Christine Pires Beaune. Il faut donc rappeler Mme Buzyn !
M. Olivier
Véran, ministre. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure en réponse
à la question de Jean-Pierre Door, il importe d’assurer la cohésion nationale
dès lors que le pays est confronté, aux côtés de ses professionnels de santé, à
un risque épidémique comme celui présenté par le coronavirus.
En
préambule, j’indique que je participerai jeudi au G7 santé, qui réunira tous les
ministres de la santé de cette organisation afin d’examiner les mesures mises en
place, à l’échelle mondiale, pour lutter efficacement contre le
coronavirus.
J’indique également que la France, au même titre que ses
193 autres États membres, participe aux missions de l’Organisation mondiale
de la santé et qu’elle a adopté, tout comme eux, le règlement sanitaire
international permettant de renforcer la lutte contre la diffusion de vecteurs
infectieux comme le coronavirus.
Par ailleurs, la France est en contact
étroit et permanent avec les pays présentant un risque épidémique émergent ou
avéré. À Taïwan, un décès a été constaté, ce qui en fait l’un des cinq pays dans
lesquels un patient est mort des suites du coronavirus. Nous maintenons, je le
répète, des liens très étroits avec tous les pays susceptibles de présenter un
risque épidémique. Nous sommes particulièrement attentifs à la situation
chinoise et à la situation japonaise. Au Japon, trois de nos ressortissants sont
hospitalisés après avoir été infectés par le virus sur le Diamond
Princess.
Enfin, je profite de cette intervention sur le coronavirus
pour confirmer, en complément des réponses formulées tout à l’heure, que l’on
dénombre à ce jour, en France métropolitaine, quatre patients hospitalisés en
raison d’une infection par le coronavirus : trois à Lyon et un à
Saint-Étienne. Les patients hospitalisés jusqu’à présent à Grenoble ont pu
rentrer chez eux – guéris, ils ne sont plus contagieux.
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à
dix-sept heures cinq.)
M. le
président. La séance est reprise.
2
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le
président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623
rectifié, 2683).
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au
règlement.
M. Marc Le
Fur. Je souhaite bon courage à chacun pour ces longues semaines voire
ces longs mois qui nous attendent…
Mon rappel au règlement est fondé sur
l’article 98, alinéa 6, relatif à la recevabilité des amendements.
J’ai déposé un amendement no 97 – il y en a d’autres de
même nature – à l’article 13, lequel confie à décret le soin de fixer les
recettes de la sécurité sociale. Je préfère que cela soit prévu dans la loi de
financement de la sécurité sociale.
Curieusement, mon amendement,
quoiqu’ayant été examiné en commission, ne le sera pas en séance publique. Vous
connaissez le dicton : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur
au-delà. » En l’occurrence, c’est « Vérité en commission, erreur en
séance. » Je trouve cela un peu surprenant.
Sur le fond, cet
amendement est essentiel. Il s’agit de savoir qui détermine les recettes de la
sécurité sociale : est-ce Bercy, par décret, ou bien le peuple de France,
par le biais de ses représentants, à l’Assemblée nationale, dans la loi de
financement de la sécurité sociale ?
L’amendement soulève en outre
la question du rôle du Parlement pour garantir l’ensemble du dispositif :
si Bercy est le seul garant des points mais aussi des recettes, ce n’est plus
une garantie qui en ressort mais une inquiétude.
M. Fabrice
Brun. Une menace !
M. Marc Le
Fur. Au-delà de la procédure, c’est un problème de fond qui se pose. Je
souhaite que les dispositions relatives aux recettes du futur système de
retraite soient soumises au législateur dans le cadre existant de la loi de
financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. le
président. Monsieur Le Fur, il ne relève pas de la compétence du
législateur ordinaire de prévoir le recours à une loi de financement de la
sécurité sociale. Il s’agit d’une compétence exclusive du législateur organique,
qu’il convient de faire respecter, en application de l’article 127 de notre
règlement. C’est pourquoi les amendements tendant à renvoyer à la loi de
financement de la sécurité sociale le soin de statuer sur certains sujets ont
été déclarés irrecevables.
La parole est à M. Fabien Roussel, pour
un autre rappel au règlement.
M. Fabien
Roussel. Mon rappel au règlement s’appuie sur l’article 58,
alinéa 1er, pour fait personnel.
M. le
président. L’article 58, alinéa 1er, ne peut servir
de fondement à un rappel au règlement, vous m’en voyez désolé.
M. Fabien
Roussel. L’article 58, alinéa 1er…
M. le
président. C’est une erreur : cet alinéa ne peut pas fonder un
rappel au règlement.
M. Marc Le
Fur. Article 98, alinéa 2 !
M. Fabien
Roussel. Hier, le député Stanislas Guerini a insulté les députés
communistes.
M. Pierre
Dharréville. Tout à fait !
M. Boris
Vallaud. C’est vrai, j’y étais !
M. Fabien
Roussel. En convoquant Ambroise Croizat et Maurice Thorez, il a insulté
leur mémoire, et par conséquent tous les députés communistes et tous les
communistes !
M. Hubert
Wulfranc. Scandaleux !
M. Pascal
Bois. Et « Playmobil », ce n’est pas insultant ?
M. Fabien
Roussel. Comment osez-vous faire cela ici ? Oui, nous, membres du
Parti communiste français, avons versé notre sang dans la Résistance, avec
d’autres ! Oui, nous avons écrit le programme des « jours
heureux » et nous avons créé la sécurité sociale, avec d’autres ! Et
vous, qu’avez-vous fait, avec d’autres ? Nos racines, c’est la
France ! Mais vous, quelles sont vos racines ? C’est la finance !
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
Comment pouvez-vous
affirmer que nous nous opposons à tout quand vous dites non à tout ?
Qu’avez-vous fait ? Vous êtes partisans du « en même
temps » ! Vous auriez été beaux dans la Résistance !
(Applaudissements sur certains bancs du groupe LR. – Vives protestations sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Mickaël
Nogal. Vous êtes malade !
M. Fabien
Roussel. Qu’auriez-vous été « en même temps » ?
(Nouvelles protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme Perrine
Goulet. C’est honteux !
M. Fabien
Roussel. Quand on vous propose de taxer les riches et le capital, vous
répondez non ! À chaque suggestion des forces de gauche, vous répondez
non ! À toutes les propositions des syndicats, vous répondez non !
Vous n’écoutez pas les Français ! Quand on vous soumet l’idée d’un débat
dans tout le pays, vous répondez encore non !
Alors venez chercher
les communistes ! Osez venir débattre dans les usines, dans les hôpitaux,
dans les écoles, dans les bureaux ! Osez dire ce que contient votre projet
de loi ! Osez le référendum ! (Applaudissements sur les bancs du
groupe GDR.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour un rappel au
règlement.
Mme
Clémentine Autain. Fondé sur l’article 51,
alinéa 1er, mon rappel au règlement porte sur les propos que
vous avez tenus ce matin en réunion de bureau. Nous avons bien noté que le
groupe La France insoumise y était particulièrement visé, de manière
discriminante.
M. le
président. Il n’y a pas eu de réunion du bureau aujourd’hui : vous
devez faire erreur, madame.
Mme
Clémentine Autain. Pardonnez mon erreur, vous avez raison, monsieur le
président : je voulais parler de la conférence des présidents.
M. le
président. Vous les cumulez car l’article 51,
alinéa 1er, ne se rapporte pas au sujet que vous évoquez.
Mme
Clémentine Autain. J’ai confondu avec l’article 52,
alinéa 1er…
M. le
président. Non, cela ne marche toujours pas, je suis désolé.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Commentaires sur divers
bancs.) Il faudrait tout de même faire preuve d’un peu de rigueur. Je veux
bien subir tous les procès mais encore faut-il qu’ils soient fondés.
M. Gilles
Le Gendre. Au travail !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour un rappel au
règlement.
M. Pierre
Dharréville. Il se fonde sur l’article 100. Nous sommes nombreux à
avoir été victimes d’irrecevabilités prononcées au titre de l’article 40 du
règlement. En outre, le service de la séance a choisi de repousser après le tout
dernier article du texte nombre de nos amendements, alors que ceux-ci visent à
mener le débat sur plusieurs articles incriminés. Nous tenons compte des limites
imposées par l’article 40 mais nous protestons contre cette volonté
d’escamoter le débat. Vous créez ainsi une sorte de voiture-balai pour empêcher
que le débat ait lieu. En effet, nous le savons, à la fin du texte, le débat ne
sera plus de même nature. Nous vous demandons de ne pas procéder de la sorte et
de laisser nos amendements là où nous avons décidé de les placer afin de pouvoir
engager une véritable discussion. (Applaudissements sur les bancs du groupe
GDR.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour un nouveau
rappel au règlement.
Mme
Clémentine Autain. Il se fonde sur l’article 100 et certainement
sur d’autres articles du règlement…
M. le
président. Tout le règlement en somme !
Mme
Clémentine Autain. La référence à l’article 100 me semble
particulièrement justifiée, en tout cas. Monsieur le président, nous avons
entendu vos propos de ce matin selon lesquels certains groupes ne seraient pas
traités comme les autres, au motif de l’obstruction caractérisant, d’après vous,
notre démarche de dépôt d’amendements.
M.
Jean-Paul Mattei. Vous le revendiquez !
Plusieurs députés du groupe
LaREM. Oui ! C’est vous qui l’avez dit !
Mme
Clémentine Autain. Vous avez indiqué que ceux qui ont déposé des
amendements dans cette logique ne disposeraient pas du même temps de parole que
les députés des autres groupes d’opposition.
M. le
président. Je n’ai pas dit cela !
Mme
Clémentine Autain. Peut-être ne l’avez-vous pas dit mais nous lisons
dans la presse le procès qui est fait à notre groupe.
M. Bruno
Millienne. C’est vous qui vous êtes érigés en champion de
l’obstruction !
Mme
Clémentine Autain. Dites-nous ici clairement selon quelles règles nous
pourrons débattre du projet de loi.
M. le
président. Madame Autain, ce n’est pas moi qui ai déclaré que, par choix
politique délibéré, je me lançais dans une stratégie d’obstruction ; c’est
le président de votre groupe qui l’a dit. (Applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Exactement !
M. le
président. La parole est à M. Sacha Houlié, pour un autre rappel au
règlement.
M. Sacha
Houlié. Je souhaite à mon tour formuler un rappel au règlement, sur la
base de l’article 100, lequel prévoit le mode de discussion des amendements
en séance publique. Or je constate qu’en raison de l’irresponsabilité politique
d’un certain nombre de groupes ayant délibérément décidé de faire de
l’obstruction parlementaire,…
M. Éric
Coquerel. Et alors ?
M. Alexis
Corbière. C’est ainsi que se passe la vie parlementaire !
M. Sacha
Houlié. …nous ne pouvons examiner les amendements relatifs au projet de
loi, ce qui est proprement scandaleux. La majorité a déposé un certain nombre
d’amendements afin de faire évoluer le texte du Gouvernement et d’apporter des
réponses aux Français, qui souhaitent que la réforme des retraites soit
examinée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Aussi
je demande à ce que la majorité, conformément au règlement de l’Assemblée
nationale, puisse examiner le texte instituant un régime universel des
retraites, afin précisément d’instaurer ce régime. En ce qui nous concerne, nous
souhaitons discuter des amendements et voter de nouveaux droits pour les
Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M.
Sébastien Jumel. Suspension de séance !
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue pour trois minutes.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept
heures vingt.)
M. le
président. La séance est reprise.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Damien Abad, pour un nouveau rappel
au règlement.
M. Damien
Abad. Monsieur le président, en vertu de l’article 98,
alinéa 6, relatif à la recevabilité des amendements, je vous ai interpellé
ce matin, en conférence des présidents, sur la question des amendements visant à
demander des rapports, qui ont tous été placés à la fin de l’examen du texte,
les déconnectant totalement des articles concernés.
Le groupe Les
Républicains a déposé des amendements visant à demander des rapports sur les
droits familiaux, les droits conjugaux, la question de l’âge et beaucoup
d’autres sujets. Tous ces amendements ont été placés à la fin de l’examen du
texte, ce qui nuit à la lisibilité, à la clarté et à la visibilité des
débats.
Vous nous avez répondu, monsieur le président, que vous
étudieriez ces amendements au cas par cas. Or j’apprends à l’instant qu’aucun
d’entre eux n’a été placé, comme nous l’avions demandé, à la suite et dans
l’ordre chronologique des articles concernés. Je vous demande donc de bien
vouloir nous apporter des éléments de réponse sur ce qui nous semble porter
atteinte à la lisibilité, à la visibilité et à la clarté des débats.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. Il s’agit d’une pratique courante, et même constante, que de
renvoyer les rapports là où ils ont été placés dans l’examen de ce texte. Rien
ne justifierait que nous y dérogions en l’espèce.
Discussion des articles
M. le
président. J’appelle maintenant les articles du projet de
loi.
Avant l’article 1er
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements identiques,
nos 45 et 358.
La parole est à M. Fabrice Brun, pour
soutenir l’amendement no 45.
M. Fabrice
Brun. Il me revient le plaisir et le privilège de défendre le premier
amendement d’une longue série de 41 000 sur ce texte. (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe LR.) Je souhaiterais dire, en préambule, que
personne n’est, par principe, contre une réforme des retraites, mais à la
condition qu’elle soit juste et qu’elle soit financée. En effet, vous le savez
très bien, il ne peut y avoir de justice sociale sans équilibre
budgétaire.
Voilà pourquoi nous demandons d’emblée un audit financier
indépendant portant sur les effets précis de votre réforme, qui va faire des
millions de perdants, parce que l’ensemble de la carrière sera désormais
considérée et non plus les vingt-cinq meilleures années, parce qu’il y a
entourloupe sur le sujet majeur de la valeur du point et de l’indexation, et
parce que vous organisez le hold-up des caisses autonomes des professions
libérales, notamment de celles des avocats et des infirmières.
Mme
Emmanuelle Anthoine. C’est vrai !
M. Fabrice
Brun. Nous combattrons toutes ces injustices et nous démontrerons, tout
au long de l’examen du texte, qu’un autre projet est possible s’agissant de la
pénibilité ou encore des petites retraites. En effet, nous n’acceptons pas la
baisse des pensions, avec la super-décote à vie de 10 % pour les départs à
62 ans. Pas plus que nous acceptons l’augmentation des cotisations ;
je pense en particulier à celles s’imposant aux indépendants, lesquels vont une
fois de plus voir leur charge augmenter, ce qui constitue, monsieur le
secrétaire d’État, une mauvaise nouvelle pour l’économie française.
M. Vincent
Descoeur. Ah ça non !
M. Fabrice
Brun. Et, puisque j’ouvre le bal de l’examen de ces milliers
d’amendements, comment ne pas dénoncer d’entrée l’immense tromperie qui privera
les 1,3 million de retraités agricoles d’une pension minimale de
1 000 euros ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et
sur quelques bancs du groupe GDR.) Nous ne désespérons pas, mes chers
collègues, de vous convaincre d’être au rendez-vous de la revalorisation des
retraites agricoles. C’est un sujet qui peut tous nous rassembler et peut faire
du bien à la nation, à laquelle nos agriculteurs ont tant apporté, ce qu’ils
continuent de faire avec passion, malgré les difficultés. (Applaudissements
sur les bancs des groupes LR et sur quelques bancs des groupes SOC et
GDR.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Bravo !
M. le
président. Sur les amendements identiques nos 45 et 358,
je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande
de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir
l’amendement no 358.
M. Gilles
Lurton. Le groupe Les Républicains estime que le défi des années à venir
sera aussi, et surtout, démographique. Le nombre de retraités augmente et
devrait passer de 16,3 millions de personnes en 2018 à 24,5 millions
de personnes en 2070, avec une forte progression jusqu’en 2035. La durée de vie
s’allonge, et le temps passé à la retraite s’allonge d’autant. Le rapport entre
le nombre de cotisants et le nombre de retraités de droit direct devrait ainsi
tomber de 1,7 en 2018 à environ 1,3 en 2070. Le Comité d’orientation des
retraites – le COR – prévoit qu’à législation inchangée, le déficit du
système de retraite devrait être multiplié par 4 d’ici à 2022, pour atteindre
environ 12 milliards d’euros, soit 0,4 % du PIB.
Ces prévisions
sont, selon nous, très largement sous-estimées : le déficit devrait être
très supérieur à 12 milliards d’euros. C’est dire si les conditions
financières de l’examen du texte que vous nous soumettez sont la condition même
de sa crédibilité auprès du peuple français. Nous avons besoin, pour nous
prononcer sur un tel texte, de connaître réellement et objectivement la
situation financière des régimes de retraite. C’est la raison pour laquelle cet
amendement, dont mon collègue Patrick Hetzel est l’auteur, vise à introduire en
article préliminaire la présentation d’un audit financier indépendant.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur
général de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission sur ces
deux amendements identiques.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission
spéciale. Avec ces amendements identiques, vous nous interrogez sur les
prévisions du Conseil d’orientation des retraites remises au Premier ministre en
novembre dernier. Pour ma part, je considère ces prévisions fidèles, sincères et
exhaustives. Elles émanent du reste d’une institution dont l’indépendance et la
qualité n’ont jamais fait défaut. Je vous renvoie, à cet égard, à l’audition du
COR que nous avons menée au début de nos travaux en commission, lors de laquelle
chacune et chacun a pu saluer la qualité de cette institution.
Par
ailleurs, plusieurs éléments factuels présents dans l’exposé sommaire de vos
amendements ne seront plus valables demain. Je tiens à en citer quelques-uns,
comme la situation du futur fonds de solidarité vieillesse universel, dont les
recettes augmenteront de manière importante, afin d’éviter de nouveaux déficits.
Je pense également aux déficits des régimes spéciaux, qui se résorberont avec
l’affiliation de leurs agents au régime général et l’allongement de leur durée
d’activité. Je prendrai aussi l’exemple du défi démographique qui nous attend,
lequel rend plus que jamais nécessaire une solidarité entre l’ensemble des
professions qui y sont confrontées.
Enfin, les débats que nous aurons
pendant ces quelques jours nous permettront d’apporter un grand nombre de
précisions et de clarifications quant aux perspectives financières du futur
régime, sans qu’il soit nécessaire d’engager une procédure d’audit, que vous
n’avez d’ailleurs jamais lancée lorsque vous étiez en responsabilité, et qui ne
ferait que retarder nos travaux.
Je suis donc défavorable à ces
amendements.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Je
donnerai également un avis défavorable.
M. Bruno
Millienne. Très bien !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous évoquez, monsieur Brun, la
question du minimum contributif, dont nous pourrons parler, vous le savez, lors
de la discussion de l’article 41. Je souhaiterais que ces débats se
tiennent dans une relative organisation et que nous puissions, au bon moment du
texte, parler des bons sujets. Je suis bien sûr disponible pour débattre de ce
sujet avec vous ; nous le ferons donc lors de l’examen de
l’article 41.
S’agissant de la réalisation d’un audit financier, je
crois que M. le rapporteur général s’est exprimé de manière très claire.
Rappelons que le Premier ministre a mandaté le Conseil d’orientation des
retraites pour réaliser cet audit, et nous avons ainsi, depuis le
21 novembre, un état des lieux extrêmement clair des finances de nos
retraites, qu’il s’agisse des régimes de base ou de l’ensemble des régimes
complémentaires. Vous savez donc que les différents scénarios retenus par le COR
prévoient un déficit compris entre 7 milliards et 17 milliards d’euros
au moment où débutera le système universel de retraites.
Voilà pourquoi
l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. Fabien
Di Filippo. Vous allez l’aggraver !
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Dans un monde normal, monsieur le président, nous suspendrions
la séance : nous arrêterions d’examiner ce texte, que nous n’avons pu
achever en commission, dans l’attente des résultats de la conférence de
financement. (Applaudissement sur les bancs des groupes LR, FI et
GDR.)
Vous avez décidé qu’en parallèle de nos travaux il y aurait une
conférence de financement. Nous discutons, avec ce projet de loi, de
l’organisation d’un nouveau système et de l’ouverture de nouveaux droits. Tandis
qu’avec le projet de loi organique nous discuterons de l’équilibre financier
alors que nous ne connaissons pas les modalités de financement. Nous ne savons
pas comment vous reviendrez à l’équilibre en 2027 et nous ne savons pas comment
vous maintiendrez cet équilibre après cette date. Nous devrions suspendre nos
travaux !
Vous avez découvert au dernier moment, alors qu’on le sait
depuis très longtemps – l’information se trouve dans presque tous les
documents relatifs à cette question – que le système sera à nouveau en
déséquilibre à partir de 2020 ou 2025, selon la température et la pression
économiques. On y est. Vous le saviez et vous aviez la possibilité, au cours des
deux dernières années, de l’anticiper. La première des justices, pour un système
de retraite, c’est quand même qu’il soit financé ! Si ce dernier est
financé par les marchés financiers, cela pose tout de même un petit
problème : vous ne garantissez plus aucune retraite !
Le débat
est donc vain et inutile si nous ne pouvons discuter d’un texte complet. Je
n’ai, pour ma part, jamais vu un texte aussi important, notamment sur la
question des retraites, être déposé sans que nous sachions exactement comment
les choses seront financées. Monsieur le président, suspendez les travaux !
(Applaudissements sur les bancs des groupes LR et sur quelques bancs des
groupes SOC, FI et GDR.)
M. Alain
Bruneel. Exactement !
M.
Sébastien Jumel. Vous avez, de droit, la possibilité d’interrompre les
travaux, monsieur le président !
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Éric Woerth l’a dit, l’incongruité de nos travaux est
manifeste. La conférence de financement s’est réunie ce matin et nous ne
connaissons pas encore ses conclusions, lesquelles auront une incidence majeure
et définitive sur le système de retraite. Le Conseil d’État s’en est ému en
dénonçant des indications financières très parcellaires. J’ai également entre
les mains le courrier de Laurent Saint-Martin et d’Émilie Cariou adressé au
Premier ministre, dans lequel ils s’émeuvent des nombreux manques dans la
présentation du document.
Considérez tout de même que vous fondez vos
hypothèses – évoquées ce matin lors de la conférence de financement –
sur des gains de productivité de 1,3 % par an, alors qu’elle n’a cru que de
0,2 % l’an dernier et de 0,8 % depuis dix ans. Tout cela ne tient pas
debout ! Nous nous demandons pour quelles raisons nous sommes là. Vous
sacrifiez le sérieux du débat parlementaire à un dialogue social dont chacun
sait qu’il est de pure forme, les partenaires sociaux s’en émeuvent d’ailleurs
eux-mêmes. D’ailleurs, les partenaires sociaux eux-mêmes s’en émeuvent.
À
défaut de mieux, nous soutiendrons donc cet amendement : nous nous joignons
à la demande formulée par M. Woerth de suspendre ce travail dérisoire.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Nous ne partageons pas tout à fait la vision
présentée dans l’exposé des motifs des amendements de nos collègues de
l’opposition de l’autre extrémité de l’hémicycle. En revanche, nous partageons
l’idée qu’un audit est nécessaire. En effet, l’étude d’impact de mille pages qui
nous a été remise quelques jours avant le dépôt du texte en commission étant
lacunaire et insincère – ce n’est pas nous qui le disons, mais le Conseil
d’État –, nous n’avons pas les clés pour évaluer l’impact financier du
projet de loi. J’en veux pour preuve plusieurs éléments.
D’abord, l’âge
d’équilibre est estimé à 65 ans ad vitam aeternam, ce qui constitue
évidemment une projection fausse.
Ensuite, la croissance est prévue à
1,3 % pour des décennies, ce qui ne tient pas debout.
M. Boris
Vallaud. Rien ne tient debout !
Mme
Clémentine Autain. Par ailleurs, il faudrait évaluer les conséquences de
certaines mesures figurant dans le projet de loi. Je pense par exemple au fait
que les personnes qui touchent plus de 10 000 euros par mois seront
demain exclues du régime universel. Cela soulève des tonnes de questions et les
enjeux financiers sont énormes.
Je signale d’ailleurs que deux
parlementaires de la majorité ont écrit au Gouvernement…
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. On le
sait !
M. Olivier
Faure. Opportunément !
Mme
Clémentine Autain. …pour lui dire que le flou artistique entretenu par
le projet de loi portait sur des milliards. Nous sommes maintenant mardi, date à
laquelle certains espéraient peut-être disposer d’éléments concrets ; or
nous n’en avons toujours pas. Je suis donc tout à fait de l’avis exprimé
précédemment : nous devrions à l’instant suspendre nos travaux, parce que
la conférence de financement n’est pas encore terminée. (Exclamations sur les
bancs du groupe LaREM.) Même Geoffroy de Bézieux, le président du MEDEF, dit
que les délais sont déments !
Un manque de financements, des trous
qui ne sont pas anticipés et des projections lacunaires insincères : voilà
toutes les raisons pour lesquelles nous aurions besoin d’un audit indépendant.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Je ne veux pas en rajouter, mais les Français qui nous
regardent se demandent si nous marchons sur la tête. Qui s’engage à signer un
contrat sur cinquante ans sans savoir ce qu’il a dans son porte-monnaie ou sur
son compte en banque ? C’est exactement la situation dans laquelle nous
sommes : nous nous apprêtons à débattre d’un projet sans connaître quoi que
ce soit de la réalité des projections financières.
(Brouhaha.)
Vous pouvez brailler, mais cela n’empêche pas les
Français de vous juger très sévèrement et de nous juger, à cause de vous, très
sévèrement : nous n’avons aucune légitimité à débattre puisque nous ne
savons rien de la trajectoire financière.
Pire encore, le Gouvernement
préfère négocier avec M. Laurent Berger dans le cadre d’une conférence de
financement plutôt que de venir devant les parlementaires, qui représentent la
nation, pour s’expliquer sur ses projections financières. C’est quand même fort
de café : nous réunir alors qu’une autre négociation est menée en douce
avec les partenaires sociaux, c’est vraiment mépriser la représentation
nationale !
M. Pascal
Lavergne. C’est vous qui méprisez les partenaires
sociaux !
M. le
président. La parole est à M. Gilles Le Gendre.
M. Gilles
Le Gendre. Vous êtes incroyablement prévisibles et incroyablement
lisibles !
M.
Sébastien Jumel. Vous aussi !
M. Gilles
Le Gendre. Nous voyons parfaitement quelle est la stratégie qui vous
guide et qui vous différencie profondément de nous. Nous venons ici au Parlement
pour défendre un projet détaillé, argumenté, renseigné sur les retraites.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs
des groupes LR et GDR.)
M.
Jean-Yves Bony. C’est flou !
M. Marc Le
Fur. Il est trop subtil pour nous !
M. Gilles
Le Gendre. Et vous n’apportez, pour unique réponse, que l’obstruction et
le désir que le débat n’ait pas lieu. Nous avons bien compris que vous alliez
faire défiler dix fois, quinze fois, vingt fois, la même litanie
d’arguments.
M. Stéphane
Peu. Vous ne pouvez pas dire ça, vous ne les avez pas lus !
M. Gilles
Le Gendre. Nous répondrons argument par argument !
Monsieur
Woerth, vous savez parfaitement que la conférence de financement ne vise pas à
régler la question du financement du régime que nous allons instaurer.
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.) La conférence de financement a
un objectif : rétablir les comptes du régime actuel. Elle n’est donc pas
liée au futur régime universel de retraite par points. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.) Vous pourrez le dire quinze fois, vingt
fois : cela ne suffira pas à en faire une vérité. (Applaudissements sur
les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Oui, il nous arrive d’être d’accord avec les gaullistes, dans
l’histoire de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR
et LR ainsi que parmi les députés non inscrits.) Oui, il y a ici un front
républicain pour dire que cet hémicycle est cadenassé, que cet hémicycle est
martyrisé et que cet hémicycle, nous voulons le libérer ! (Sourires. –
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et LR ainsi que sur quelques
bancs des groupes SOC et FI.)
Ce texte n’est ni fait ni à faire.
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Il n’est pas financé et
n’a pas fait l’objet de véritables négociations avec les partenaires sociaux,
qu’il s’agisse des organisations syndicales ou des organisations patronales,
lesquelles reconnaissent que ce texte n’a rien à faire au Parlement, puisqu’il a
d’énormes trous dans la raquette, tout comme ce fut le cas de la loi relative à
la lutte contre la fraude !
Ce texte n’a rien à faire ici, mais vous
n’admettez pas que le peuple de France, que la majorité des Français n’en
veuille pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Sylvain
Maillard. C’est faux !
M. Fabien
Roussel. Vous refusez d’engager le débat avec les salariés, le personnel
hospitalier, les médecins, les médecins, les avocats !
M. Vincent
Descoeur. Et les professeurs !
M. Fabien
Roussel. Vous refusez de le soumettre à référendum et vous voulez
l’imposer par la force ici, parce que vous êtres 300, mais sans aucune
légitimité ! (Huées sur les bancs du groupe LaREM.) Nous pèserons de
tout notre poids pour vous empêcher de le faire ! (Applaudissements sur
les bancs des groupes GDR et sur plusieurs bancs des groupes LR et
FI.)
M. le
président. La parole est à M. Damien Abad.
M. Damien
Abad. Monsieur le président Le Gendre, vous ne pouvez pas dire que
vous allez présenter un projet de loi détaillé et précis, répondant à tous les
critères requis, alors que c’est la première fois qu’une réforme des retraites
n’est accompagnée d’aucun commencement de début de présentation d’un volet de
financement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les
députés non inscrits.) Vous le savez très bien ! C’est
320 milliards d’euros, 14 % du produit intérieur brut et 25 % du
montant des impôts des Français dont vous ne voulez pas débattre devant
l’Assemblée nationale !
Vous avez mené deux ans de concertations.
Pourquoi, durant ces deux ans, n’avez-vous pas évoqué la question du
financement ? Pourquoi, durant ces deux ans, n’avez-vous pas posé la
question de l’équilibre du système de retraites ? Ce sont deux ans de
perdus. La conférence de financement est réunie au moment même où a lieu le
débat dans l’hémicycle. Cela n’a aucun sens ! Le président du Sénat, Gérard
Larcher, l’a dit ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Gérard Larcher ? On est
sauvés !
M. Damien
Abad. Tout le monde le dit : le Conseil d’État et l’ensemble des
institutions ! Voilà la réalité ! (Nouvelles exclamations sur les
bancs du groupe LaREM.)
En vérité, vous ne voulez pas le faire parce
que vous n’assumez pas la mesure d’âge. Vous n’avez pas le courage de dire aux
Français que votre réforme est une réforme de gauche (Rires et exclamations
sur les bancs du groupe LaREM), égalitariste, corporatiste, nationaliste,
qui n’a qu’un but : uniformiser l’ensemble des régimes de retraite !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) Voilà ce à quoi vous
renoncez.
Pour notre part, nous ne voulons pas d’un débat laissant de
côté le financement des retraites, parce que le projet de loi serait alors, tout
simplement, une non-réforme, avec, à la fin des fins, une baisse de pension pour
l’ensemble des retraités. Votre projet caché, c’est la baisse des pensions des
retraités ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et
GDR.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 45 et 358.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 202
Nombre
de suffrages
exprimés 191
Majorité
absolue 96
Pour
l’adoption 60
Contre 131
(Les amendements identiques nos 45 et 358 ne
sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir
l’amendement no 24633.
Mme Agnès
Thill. Je voudrais que l’on revienne au bon sens. (Exclamations sur
plusieurs bancs.) On peut parler bon sens, tout de même ; il n’y en a
pas toujours sur les bancs de cet hémicycle.
M. le
président. Ne faites pas de commentaire, madame ; venez-en au
fait.
Mme Agnès
Thill. N’importe quelle mère de famille demanderait combien cela coûte.
Quand on gagne un salaire, avant de faire une dépense, on se demande :
« Combien ça coûte ? » Or, honnêtement, là, nous n’en savons
rien. Je pose donc la question : y avait-il réellement urgence pour la
réforme des retraites ?
Un député du groupe FI.
Non !
Mme Agnès
Thill. Le besoin de financement à court, moyen et long terme du système
de retraites est indiqué depuis longtemps dans les rapports du Conseil
d’orientation des retraites. Pourtant, la question du financement fait l’objet
de réunions entre le Gouvernement et des syndicats, en désaccord sur l’ampleur
du déficit comme sur le délai nécessaire pour le résorber et les moyens d’y
parvenir. Selon le Conseil d’orientation des retraites, le déficit, de
3,5 milliards d’euros en 2018, devrait se creuser pour atteindre
8 milliards à 17 milliards en 2025 et 27 milliards en 2030, dans
le pire des cas.
Mais le problème n’est pas le même pour les caisses
disposant de réserves financières, comme les régimes autonomes ou les
complémentaires des salariés du secteur privé, l’AGIRC et l’ARRCO
– l’Association générale des institutions de retraite complémentaire des
cadres et l’Association pour le régime de retraite complémentaire des
salariés –, que pour les régimes de base de la sécurité sociale, dont les
comptes vont plonger.
Par conséquent, ne devrions-nous pas, avant toute
réflexion sur le système de retraite, disposer d’un audit précis de la situation
financière réelle des régimes de retraite et en connaître l’impact sur le budget
de l’État et sur notre déficit budgétaire ? Pouvons-nous accepter que les
débats de fond aient été obstrués en commission spéciale et le soient de nouveau
en séance ? Est-ce responsable, de la part de ceux qui souhaitent une vraie
démocratie au Parlement ?
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. En écoutant vos propos, madame
Thill, je me disais qu’il n’est pas si facile de travailler sur les retraites.
Pour ma part, j’ai eu la chance de représenter cette assemblée au Conseil
d’orientation des retraites pendant plus de deux ans, ce qui m’a peut-être donné
une plus grande habitude dans la manipulation de ces projections.
(Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M.
Christian Hutin. Et nous, on est nuls ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je tenais d’abord à dire que,
dans ses projections pour le rapport que lui a demandé le Premier ministre, le
COR a bien intégré toutes les caisses de retraite. Aucune d’entre elles n’ayant
été exclue de son analyse, le déficit indiqué tient compte à la fois du solde
positif de certaines caisses et du déficit des autres. Son analyse globale est
importante car elle nous parle de la difficulté d’être à l’équilibre pour
l’ensemble des dispositifs réunis.
Ensuite, cette étude est sérieuse.
Elle est même incontestable, puisque tous les partenaires sociaux sont
représentés au COR, par conséquent très attentif à la qualité des analyses et
des chiffres donnés. On nous réclame des audits, mais qui de mieux pour les
réaliser que ceux qui siègent au COR, experts très compétents issus de chaque
organisation représentative ? On ne peut pas, je crois, appeler à la
démocratie sociale et, quand celle-ci se réunit pour produire des analyses comme
celles du COR, balayer ces dernières d’un revers de main pour en demander
d’autres. Il faut regarder le travail qui a été fait et le reconnaître.
M. Olivier
Faure. Ce n’est pas le COR que nous contestons, c’est vous !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. De plus, il ne faut pas tout
confondre – je ne dis pas que c’était votre propos, madame, mais je l’ai
entendu un peu avant et je me permets de faire une réponse globale. Le travail
que mène la conférence de financement sur l’équilibre du système de retraite
porte sur la manière de ramener collectivement la situation à l’équilibre, sur
la base des analyses que je viens d’évoquer.
M. Damien
Abad. Il fallait le faire avant !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Indépendamment de cette
question se pose celle de l’économie globale du système futur, qui fait l’objet
du projet de loi. Elle est connue, et vous m’avez souvent interrogé, les uns et
les autres, en commission spéciale ou lors des questions au Gouvernement. L’âge
d’équilibre : cette disposition est parfaitement connue ! Nous en
avons déjà débattu, monsieur le président Woerth. Oui, nous proposons un système
qui sera à l’équilibre…
Un député du groupe LR.
Comment ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. … pour lequel l’âge d’équilibre
sera une donnée importante,…
Un député du groupe GDR.
Et variable !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …tout simplement en s’appuyant
sur les dispositions bien connues de la loi de 2003, qui prévoit de répartir la
progression de l’espérance de vie entre le temps à la retraite et le temps en
activité. Toutes ces données sont, je crois, bien connues de vous, qui avez,
pour la plupart, plus d’expérience que moi de l’activité parlementaire.
Un député du groupe GDR.
Ce qui est connu, c’est que c’est une inconnue !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je me suis permis une réponse
plus large que votre question, madame Thill, pour expliquer pourquoi le
Gouvernement y est défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. La question du financement des retraites est tout de même
centrale : savoir comment on finance, c’est le nerf de la guerre !
Pour nous, vous le savez, la question des retraites est bien celle de la
répartition des richesses produites par le travail.
Or tous les arguments
tombent un à un. Nos collègues disaient à l’instant avoir la légitimité d’un
programme : c’est faux ! Vous connaissez le programme de
M. Macron : il prévoyait clairement de ne toucher ni à l’âge de départ
ni au niveau des pensions ; or nous aurons tout le temps, durant le débat,
de prouver que vous vous apprêtez à toucher aux deux. D’ailleurs, reculer l’âge
effectif de départ ou baisser le niveau des pensions revient au même.
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Nous aurons le temps de le
prouver, vous le verrez !
Le système, de plus, ne sera pas
universel : le Conseil d’État l’a confirmé. Il y aura au moins cinq régimes
différents. Nous avançons même qu’il y en aura autant que de générations. Il est
également faux d’affirmer qu’1 euro cotisé offrira à chacun les mêmes
droits : ce n’est qu’un slogan.
Que reste-t-il, en réalité, sur quoi
s’appuyer ? L’étude d’impact ? Comme nous l’avons souligné en
commission spéciale, elle est truquée. Elle gèle l’âge d’équilibre à 65 ans
alors que le projet de loi que nous examinons prévoit son évolution, si bien que
même les quatre types qui ont été présentés aux Français pour qu’ils puissent
s’y repérer sont biaisés.
Or, avec l’âge d’équilibre, nous sommes au cœur
de l’affaire, puisque c’est la seule variable d’ajustement de l’équilibre
financier tel que vous le concevez. Monsieur le secrétaire d’État, nous aussi,
sur ces bancs, avons le souci de l’équilibre financier du système des retraites,
mais nous refusons de faire de l’âge de départ, à savoir de la vie des gens, la
seule variable d’ajustement ! (Mme Muriel Ressiguier
applaudit.)
Il nous faut examiner un texte à trous, puisque nous ne
savons rien de son financement. C’est la raison pour laquelle nos collègues ont
raison de s’offusquer de n’avoir aucune information sur ce sujet, à l’heure où
nous commençons les débats.
M. Fabien
Roussel. Imparable !
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes devant le
Parlement comme le joueur de flûte qui tente d’endormir le serpent.
(Sourires.) J’aimerais que vous puissiez faire le point devant nous sur
l’état d’avancement de la conférence de financement,…
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce
n’est pas son rôle.
M.
Sébastien Jumel. …alors que les organisations syndicales nous ont
indiqué qu’elle est mort-née. La raison en est simple : vous avez enfermé
le débat en autorisant les participants à parler de tout sauf de l’assiette,
sauf du taux et sauf de vos politiques publiques – je pense notamment à la
réduction du nombre des emplois publics qui a creusé le déficit des retraites.
En réalité, vous autorisez les organisations syndicales à parler de tout pour
trouver une autre solution que l’âge pivot, seulement si elles parlent de l’âge
de départ à la retraite ! Les organisations syndicales ne se laisseront pas
enfermer dans ce mauvais débat : c’est pourquoi, je le répète, la
conférence de financement est mort-née. Pouvez-vous nous donner des informations
sur ce qui s’y est passé ce matin ?
Par ailleurs, le Conseil d’État
et les débats en commission spéciale ont confirmé notre sentiment en démontrant
que votre étude d’impact est pipée : les cas simulés sont tronqués et
l’ensemble des mesures que vous présentez au Parlement ne sont pas de nature à
éclairer un vote.
C’est la raison pour laquelle nous sommes plusieurs
parlementaires à vous demander de suspendre l’examen de ce texte, sans quoi nous
multiplierons les occasions de vous empêcher de le poursuivre.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe
FI.)
Plusieurs députés du groupe
LaREM. Des menaces ?
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. J’aime entendre le secrétaire d’État faire des déclarations
d’amour devant la représentation nationale sur le dialogue social, et je ne
doute pas qu’il fasse les mêmes devant les partenaires sociaux sur le débat
parlementaire…
La réalité est qu’il escamote l’un et l’autre. Alors que,
depuis deux ans et demi, les administrations de l’État ont travaillé sur le
sujet, que, depuis deux ans, la concertation a réussi à mécontenter l’ensemble
des partenaires – un tour de force –, voilà que nous serions, nous,
obligés de légiférer sur un texte à trous dans des délais très
contraints !
J’ai aussi entendu la déclaration d’amour du secrétaire
d’État au COR, que le texte videra de sa substance, d’ailleurs, puisqu’il
prévoit la constitution d’un comité d’experts indépendants mais dociles. Du
reste, parmi les hypothèses de l’étude d’impact, seulement deux des trois
conventions comptables du COR sont reprises. Pourquoi ? On n’en sait rien.
Dans cette étude, tout est bidonné : les hypothèses macroéconomiques,
lorsqu’elles existent, comme les études de cas. Vous avez même été contraint
d’en retirer, s’agissant des femmes, parce qu’elles n’aboutissaient pas à des
résultats correspondant à vos éléments de langage.
Une fois encore, ne
nous demandez pas de légiférer à l’aveugle. Les députés de la majorité ont
peut-être choisi, entre adultes consentants, d’être les pantins de l’exécutif,
mais ce n’est pas notre cas. (Applaudissements sur plusieurs bancs des
groupes SOC et GDR. – Protestations sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. La demande de suspension de l’examen du texte est normale,
puisque, monsieur Le Gendre, la question n’est pas uniquement celle de
l’équilibre financier en 2027, évoquée dans le texte, d’autant que le nouveau
système commencera d’être appliqué à compter de 2025. La question générale de
l’équilibre financier du système des retraites fait donc bien intégralement
partie du texte. Elle ne saurait se réduire à celle du retour à l’équilibre en
2027 : elle forme un tout. D’ailleurs, le graphique 63 de l’étude
d’impact dessine des courbes qui se prolongent après 2027.
De même, le
texte prévoit un âge d’équilibre, des plus et des moins, un mécanisme de
bonus-malus, tout en en renvoyant la définition plus tard, à une décision du
conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle.
Finalement, le Premier ministre a mis le sujet au menu de la discussion de la
conférence de financement. Nous sommes, là encore, au cœur du sujet. Comment
voulez-vous que nous examinions cette question sans être informés des
discussions au sein de la conférence de financement ?
Je vous avais
demandé en commission spéciale, monsieur le secrétaire d’État, de nous tenir
informés des conclusions de la conférence, jour après jour, groupe de travail
par groupe de travail. La représentation nationale a non seulement le droit mais
même le devoir de se tenir informée sur le sujet. Nous ne pouvons pas légiférer
sur l’organisation d’un système qui n’est pas financé.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM)… Monsieur le
président, la discussion sera longue. Si, à chaque fois qu’un orateur s’exprime,
des aboiements accompagnent son propos… (Mêmes mouvements.)
M. le
président. Laissez parler M. Dupont-Aignan dans le calme.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. En vérité, monsieur le secrétaire d’État, vous séparez
les débats simultanément entre, d’une part, la conférence de financement et, de
l’autre, la discussion parlementaire, parce que vous voulez dissimuler la mesure
essentielle, que vous avez évoquée dans votre réponse à Mme Thill :
l’allongement de la durée du travail et la baisse des pensions. En effet, le
fait que vous parliez d’un âge d’équilibre, qui est l’ancien âge pivot
– vous avez modifié la dénomination pour sauver la face de
M. Berger –, signifie que votre seule variable d’ajustement est la
baisse des pensions, puisque, vous le savez fort bien, les gens ne pourront pas
travailler jusqu’à 65 ans et plus.
Vous avez, de fait, déjà décidé
du mode de financement mais vous dissimulez votre choix en le répartissant entre
deux discussions : une au Parlement et une avec les négociateurs syndicaux.
Sachez toutefois que les Français ont compris la manipulation.
M. le
président. La parole est à Mme Catherine Fabre.
Mme
Catherine Fabre. C’est le feu d’artifice avant l’heure : vous
évoquez en même temps tous les sujets qui ont été abordés en commission.
M.
Sébastien Jumel. Attendez le bouquet final !
M. François
Ruffin. Il nous reste des cartouches !
Mme
Catherine Fabre. Avant que les débats ne commencent, je tiens à rappeler
quelques points essentiels. Nous sommes ici pour penser le futur système des
retraites des générations à venir : un cadre de réforme fondamental, un
système cible. C’est le rôle des parlementaires que de définir un tel
objectif.
La mission de la conférence de financement est tout
autre : trouver les moyens d’assurer l’équilibre financier au moment où la
réforme commencera de s’appliquer. Il appartiendra aux partenaires sociaux de
piloter les paramètres du nouveau système de retraite, et nous leur faisons
confiance. Notre rôle est différent : il est de penser le futur système de
retraite – un sujet suffisamment important, qui nous demande beaucoup de
travail. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
S’agissant du
financement, nous nous sommes engagés sur une obligation de résultat : si
les partenaires sociaux ne parviennent pas à trouver les clés de l’équilibre,
nous reprendrons la main. Lorsque la réforme commencera de s’appliquer,
l’équilibre aura été recouvré. Si le projet de loi organique prévoit une règle
d’or, c’est que nous avons, en matière financière, vis-à-vis des générations
futures, le même sens des responsabilités que vous. Commençons maintenant à
débattre, s’il vous plaît. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
(L’amendement no 24633 n’est pas
adopté.)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir
l’amendement no 37161.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Le Gouvernement et la majorité passent leur temps à
répéter que la réforme avantagera les femmes.
M.
Jean-Paul Dufrègne. C’est faux !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. C’est douteux : en effet, dès lors que le calcul de
la pension reposera non plus sur les vingt-cinq meilleures années pour les
salariés du privé ou les six derniers mois pour les fonctionnaires, mais sur
l’ensemble de la carrière, bien évidemment, les personnes qui ont eu une
carrière hachée – les femmes plus souvent que les hommes – seront
désavantagées. Votre argument est donc sujet à caution.
Au-delà, cet
amendement vise à prévoir, avant l’article 1er, une loi de
programmation visant à garantir l’égalité salariale, puisque chacun sait
qu’indépendamment des effets éventuels de la réforme, l’inégalité des pensions
entre les femmes et les hommes est la conséquence de l’inégalité salariale et
des différences de carrière.
Même l’étude d’impact, pourtant très
bidonnée, révèle, page 184, que la réforme ne fera gagner que quelques
points aux femmes par rapport aux hommes : les inégalités des pensions
resteront donc considérables, notamment pour la génération des années
1990.
C’est pourquoi il me paraît essentiel, si l’on prétend réduire
l’inégalité entre les pensions, de prendre vraiment à bras-le-corps la question
de l’inégalité des salaires : à cette fin, une loi de programmation
permettra de prévoir des mesures contraignantes pour les entreprises, assurant
l’égalité salariale à poste, compétence et travail identiques, seule façon
d’assurer, à l’avenir, l’égalité des pensions de retraite.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur
pour le titre Ier, pour donner l’avis de la commission.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale pour le titre Ier.
Sur tous les bancs, nous partageons, je crois, l’objectif d’égalité
salariale : l’inégalité des pensions est bien la conséquence des
différences en matière de salaires et de carrières.
Il faut toutefois
passer des déclarations d’intention à l’action. C’est ce qu’a fait ce
gouvernement avec la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel,
promulguée en septembre 2018 : elle a concrétisé, en matière d’égalité
professionnelle, le passage, qui s’inscrira dans le temps, d’une obligation de
moyens à une obligation de résultat. Je vous rappelle la méthode : mesurer
et objectiver les inégalités, les publier, les corriger et sanctionner les
entreprises qui ne respectent pas la loi. Cet index d’égalité professionnelle
est entré en vigueur il y a un an seulement. Il est donc plus utile d’être
attentif à ses résultats et d’en suivre l’application que de se limiter à des
déclarations d’intention.
Vous avez affirmé que la suppression des
vingt-cinq meilleures années ou des six derniers mois comme bases de calcul
serait préjudiciable aux femmes. Encore faut-il qu’elles aient le nombre de
trimestres nécessaire : faute de l’avoir, 20 % des femmes travaillent
jusqu’à 67 ans, afin d’éviter une deuxième décote sur leur pension de
retraite, déjà bien faible.
L’avis de la commission spéciale est
défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Dans votre intervention
précédente, monsieur Dupont-Aignan, vous avez fait comme si vous veniez de
découvrir l’existence d’un âge d’équilibre dans le projet de loi du Gouvernement
– il est vrai que je n’ai pas eu l’occasion de vous croiser souvent en
commission spéciale…
M.
Christian Hutin. C’est petit !
M.
Jean-Paul Lecoq. Quel manque de respect pour les
parlementaires !
M. le
président. Monsieur Lecoq, écoutez l’orateur !
M.
Sébastien Jumel. Jugement déplacé !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Toutefois, sur le fond, chacun
a pu repérer cette notion, ne serait-ce qu’en suivant les questions au
Gouvernement : l’âge assurera l’équilibre du système – d’où sa
dénomination.
Vous avez posé la question de la répartition de l’espérance
de vie. Comme je l’ai déjà souligné, la loi de 2003 – cela ne date pas
d’hier – prévoit très clairement la répartition de l’espérance de vie entre
la période d’activité et la période de retraite. Ces éléments sont bien connus
de la part des législateurs ici présents, qui ont souvent une plus grande
expérience que moi sur le sujet.
Le rapporteur a clairement répondu sur
l’égalité entre les femmes et les hommes – un sujet qui fait réagir non
seulement l’Assemblée nationale mais également tous nos concitoyens. Ceux qui
souhaitent que nous agissions sont certainement attentifs aux dispositions qui
ont été votées dans l’hémicycle et sont défendues par Mme la ministre du
travail, Muriel Pénicaud. L’index d’égalité professionnelle entre les femmes et
les hommes, que Nicolas Turquois vient d’évoquer, sera généralisé à toutes les
entreprises d’au moins cinquante salariés au 1er mars
2020.
J’ai eu moi-même à produire, auprès des instances représentatives
du personnel, des rapports sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans les
établissements où j’ai travaillé :…
M. Stéphane
Peu. Ah oui ? Et en avez-vous parlé à la fameuse caissière
d’Auchan ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …la première chose est de
mettre les choses au clair. Le mérite de cet index, en le faisant, crée les
conditions du changement.
Monsieur Dupont-Aignan, nous ne pouvons que
souscrire à votre objectif : je ne vous fais aucun procès d’intention. Je
vous répondrai seulement que, pour l’atteindre, il est possible de s’appuyer sur
des éléments, dont cet index. Notre société connaît également des évolutions
significatives, que nous devons accompagner, auxquelles nous devons donner
corps.
Le choix du système universel – j’espère que c’est également
celui que vous ferez au bout du compte – vise à éviter l’amplification des
écarts qui existe dans le système actuel. En effet, un écart de rémunération de
20 % entre les hommes et les femmes produit un écart de pension de
42 %.
Ce que nous pourrions tous attendre d’un système de retraite,
c’est à tout le moins qu’il soit neutre ; nous proposons non seulement
qu’il le soit, mais, en plus, qu’il prévoie de grandes et belles innovations en
faveur des femmes, notamment en matière de droits familiaux.
M.
Jean-Paul Dufrègne. C’est des mensonges, tout ça, de
l’enfumage !
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Les femmes, grandes gagnantes : tel est le
refrain de la macronie ! Mais, comme le suggère l’amendement qui nous est
soumis, cela n’est absolument pas crédible.
Les écarts de salaire entre
les hommes et les femmes, qui restent aujourd’hui de l’ordre de 27 %,
aboutissent à ce que les femmes touchent une retraite de 42 % inférieure à
celle des hommes. De plus, l’égalité salariale permettrait de dégager
11 milliards d’euros pour les caisses d’assurance vieillesse. L’enjeu est
donc essentiel à la fois pour avancer vers l’égalité et pour promouvoir un
système équilibré et soutenable dans la durée.
Les différences de
carrière entre les hommes et les femmes étant absolument majeures, il est
évident que, si le calcul des points se fonde sur l’ensemble de la carrière, et
non plus sur les six derniers mois pour les fonctionnaires ou sur les vingt-cinq
meilleures années pour les salariés du privé, les femmes seront terriblement
pénalisées.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Eh oui !
Mme Émilie
Bonnivard. Exactement !
Mme
Clémentine Autain. Dans la fonction publique, les femmes représentent le
gros bataillon des salaires les plus bas : si vous ne vous fondez plus sur
les six derniers mois, ce sera un véritable carnage !
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
– M. Jean-Paul Dufrègne applaudit
également.)
Le Gouvernement a menti et continue de le faire.
Aujourd’hui, même si vous ne bénéficiez pas de la majoration, vous obtenez dès
le premier enfant une compensation sur la durée de cotisation : lorsque
vous avez un enfant, vous gagnez une année de cotisation. Demain, dans votre
système, il n’en restera rien du tout : seule la majoration s’appliquera.
Les femmes vont donc également y perdre de ce point de vue.
Bref, elles
vont perdre sur tous les tableaux ! (Protestations sur plusieurs bancs
du groupe LaREM.) C’est pour cette raison qu’hier, j’ai dansé avec les
« Rosies », et que je le referai (Exclamations sur les bancs du
groupe LaREM), car c’est précisément ce qu’elles disent : que nous ne
sommes pas les grandes gagnantes, mais, au contraire, que vous faites des
retraites des femmes les grandes perdantes de la réforme !
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR. – Exclamations
sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le président, il faudrait que les insultes
cessent, sinon ça va mal se passer !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Ce n’est que des mensonges, ce
projet !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Évidemment, à mesure que le débat s’engageait dans le pays,
il a fallu que vous trouviez quelques arguments pour vendre votre mauvais
projet, monsieur le secrétaire d’État : vous avez donc décidé de dire qu’il
améliorait la situation des femmes. Mais vous aurez bien du mal à le prouver au
cours de la discussion. C’est d’ailleurs l’une des difficultés que nous
rencontrons : tout à l’heure, le président du groupe LaREM, Gilles Le
Gendre, a expliqué qu’il voulait que le débat ait lieu et que vous apporteriez
des réponses ; mais, depuis dix jours, nous n’avons obtenu aucune réponse
satisfaisante. Et j’ai l’impression que c’est bien parti pour
continuer…
Les femmes seront évidemment victimes du système : la
preuve, vous êtes obligés d’instaurer des correctifs ; mais ceux-ci ne
suffisent pas. En effet, comme vient de l’expliquer Clémentine Autain, en vous
fondant sur l’ensemble de la carrière – principe de base de votre système
par points –, vous prenez en compte les moins bonnes années.
M. Marc Le
Fur. Bien sûr !
M. Pierre
Dharréville. Chaque accident de la vie comptera ainsi comme un malus
dans le calcul de la retraite.
M. Jacques
Marilossian. Mais c’est déjà le cas aujourd’hui !
M. Pierre
Dharréville. À ce jeu-là, les femmes souffriront encore plus que les
hommes puisque leurs carrières, nous le savons, sont plus dégradées, plus
hachées, plus accidentées.
Nous avions formulé plusieurs propositions
pour améliorer les conditions de travail des femmes, notamment s’agissant des
contrats de travail, mais elles ont été refusées ici même, au profit de mesures
dont l’effet est bien plus faible – d’ailleurs, le résultat annoncé n’est,
naturellement, pas au rendez-vous.
Enfin, vous misez sur les
faux-semblants et jouez au bonneteau, comme d’habitude : les femmes, comme
l’ensemble des assurés sociaux, se verront appliquer le recul de l’âge de départ
à taux plein. Toutes les mesures que vous prendrez ne suffiront pas à compenser
ces mauvais coups ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.
– Mme Muriel Ressiguier applaudit également.)
M.
Christian Hutin. Et notre groupe, il ne peut pas prendre la
parole ?
(L’amendement no 37161 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements identiques
nos 383 et 534, sur lesquels je suis saisi par le groupe de la
Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole
est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement
no 383.
M. Dino
Cinieri. Je le présente pour le compte de mon collègue Patrick Hetzel,
son premier signataire.
Cela a été dit à de nombreuses reprises lors de
l’examen du projet de loi en commission spéciale, le système proposé n’a rien
d’universel : en effet, à mesure des débats, il a été fait une part de plus
en plus belle aux spécificités.
Dans son discours du 11 décembre
dernier, le Premier ministre cantonnait les dérogations d’âge à « ceux qui
sont exposés à des fonctions dangereuses dans le cadre de missions
régaliennes », comme les pompiers et les gardiens de prison. Puis, petit à
petit, la liste s’est allongée : marins pêcheurs, chauffeurs routiers,
pilotes, hôtesses et stewards… Au vu des entorses ainsi faites à l’universalité,
il convient de supprimer le titre de ce chapitre.
M. le
président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir
l’amendement no 534.
M. Xavier
Breton. Alors que nous commençons le débat, il est important que nous
nous accordions bien et que nous soyons clairs sur les termes choisis. Le
libellé du titre Ier est le suivant : « Les principes
du système universel de retraite ». Or nous voyons bien qu’il n’existe
aucune universalité dans le système proposé. Comme notre collègue
Marie-Christine Dalloz l’a bien indiqué hier dans son intervention lors de la
discussion générale, vous allez en réalité instituer cinq régimes, à l’intérieur
desquels tous ne seront pas soumis aux mêmes règles. L’étude du Conseil d’État
l’avait d’ailleurs très bien montré.
M. Alexis
Corbière. Il a raison !
M. Xavier
Breton. C’est pourquoi nous devons supprimer le mot
« universel », qui ne correspond absolument pas à la réalité du texte
qui nous est proposé.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces
amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. À ce stade, il est bon de prendre un peu de
temps pour répondre : nous discutons du fondement même du projet de
loi.
M. Hervé
Saulignac. Absolument.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Tout d’abord, nous avons fait le constat
– il me semble partagé – que le système par répartition instauré
après-guerre, s’il a alors apporté des solutions au problème de de la pauvreté
de nombreux Français d’âge avancé, n’est sous certains aspects plus adapté aux
évolutions socioprofessionnelles et à la situation économique de notre
pays.
Notre volonté première est donc, en elle-même, déjà
universelle : nous souhaitons que le système par répartition s’adresse aux
Français dans leur ensemble et non plus par corporation.
Par exemple, je
partage avec M. Fabrice Brun, qui a défendu le tout premier amendement au
projet de loi, le souci du régime des agriculteurs, profession qui m’est
chère : malgré la solidarité entre les régimes,
400 000 agriculteurs doivent aujourd’hui assumer la retraite de
1,3 million de retraités. Ce n’est pas possible !
(M. Jean-Paul Dufrègne proteste.)
M. Fabrice
Brun. Si ! Cela s’appelle la solidarité nationale.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Non ! La solidarité nationale est
fondée sur un système de minimas. Or, comme les règles diffèrent selon les
régimes, elle ne peut pas fonctionner assez efficacement.
M. Fabrice
Brun. Et il persiste…
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Notre volonté est de reprendre le dessein
imaginé par les gaullistes et les communistes juste après la guerre.
(Exclamations sur les bancs des groupes LR et GDR.)
M.
Christian Hutin. Non, non !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je me permets de citer à nouveau un passage
du discours d’Ambroise Croizat sur la sécurité sociale.
M. Fabien
Roussel. Oh non…
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. « La sécurité sociale est une. […] Ce
résultat ne peut être atteint par une multiplicité d’institutions entre
lesquelles il est impossible d’assurer une coordination suffisante. […] L’unité
de la sécurité sociale est la condition nécessaire de son efficacité. »
M. Dino
Cinieri. Cela n’a rien à voir !
M. Marc Le
Fur. C’est un contresens total.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Au fur et à mesure de l’examen des
articles, nous montrerons donc en quoi le système que nous proposons est
beaucoup plus universel que l’actuel ; j’aurai à cœur de vous répondre sur
ce point et plaisir à le faire. Je tiens à vous rappeler que la complexité du
système actuel entraîne pour certains retraités une non-validation des
droits : d’après la direction de la recherche, des études, de l’évaluation
et des statistiques – DREES –, en 2019 – les chiffres sont donc
tout récents –, 24 % des retraités ne validaient pas tous leurs
droits, et 7 % n’en validaient aucun. La complexité est donc le premier
élément qui handicape le fonctionnement du système actuel.
M. Fabrice
Brun. Parce que votre système, c’est la simplicité ?!
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Pour ces raisons, mon avis est
défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Le rapporteur a eu raison de
prendre quelques minutes pour rappeler le sens du principe d’universalité :
celui-ci ne signifie ni unicité, ni non-respect des spécificités.
M. Hervé
Saulignac. Cela veut dire quoi, alors ? Quelle est votre
définition ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. D’ailleurs, je rappelle à tous
ceux qui s’inquiètent de la volonté du Gouvernement de respecter les engagements
du Président de la République que tout cela figurait déjà dans son programme,
intitulé « contrat avec la nation ».
Plusieurs députés du groupe
GDR. Un peu d’humanité !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il n’y a donc aucune surprise.
Sur le fond, je crois que nous sommes relativement d’accord – en tout cas,
j’ai le sentiment que les parlementaires siégeant sur tous les bancs pourraient
s’accorder à reconnaître certaines spécificités aux marins, qui partent
plusieurs jours d’affilée sur des bateaux, dans des conditions difficiles,…
M.
Sébastien Jumel. Ils n’y voient rien, les marins : ce qui les
concerne est renvoyé à une ordonnance ! Vous nous demandez un chèque en
blanc !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …à ceux qui exposent leur vie
pour protéger la nation,…
M. David
Habib. Pareil ! C’est renvoyé à une ordonnance !
M.
Christian Hutin. On ne peut même pas en discuter ici !
M.
Sébastien Jumel. Les marins sont dans le brouillard !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. … à l’ensemble de ceux qui
s’exposent à un danger ou peuvent, éventuellement, en faire subir à
d’autres.
Un député du groupe SOC.
Et l’opéra de Paris ?
M.
Christian Hutin. Et les avocats ? Ils sont contents, les
avocats ?
M.
Sébastien Jumel. Vos spécificités, cela s’appelle les régimes
spéciaux !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Tout cela est important :
refuser d’entendre qu’il existe des spécificités, c’est refuser de reconnaître
que ces métiers présentent des particularités. Le système universel reconnaît
des particularités et des spécificités qui, toutes, ouvriront des droits, les
mêmes droits pour les mêmes efforts.
M. Alain
Bruneel. N’employez pas ce mot : vous ne savez pas ce qu’il
signifie !
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric
Reiss. Nous ne sommes évidemment pas du tout d’accord avec les arguments
que viennent de développer M. le rapporteur et M. le secrétaire
d’État. Ils plaident pour l’universalité, mais la réforme n’a d’universel que le
nom ! J’ai même le sentiment que la majorité voudrait aller vers une
uniformisation. Il ne s’agit que de communication gouvernementale.
M.
Jean-Paul Lecoq. De propagande gouvernementale !
M. Frédéric
Reiss. Je souscris aux excellents arguments développés par Dino Cinieri
et Xavier Breton.
Je note qu’à ce stade, l’âge pivot a disparu ;
l’âge de départ est bien maintenu à 62 ans à l’article 23 ; l’âge
d’équilibre, prévu à l’article 10, n’est pas encore fixé – il le sera
sur proposition de la Caisse nationale de retraite universelle. Il est également
prévu des taux de décote et de surcote pour ceux qui partiront respectivement
avant ou après l’âge d’équilibre, lequel augmentera d’ailleurs automatiquement
en fonction de l’augmentation de l’espérance de vie.
S’agissant de la
pénibilité, tout reste à faire. Quant à l’application de la réforme, la
génération 2004 entrera dans le système dès le 1er janvier
2022 ; les générations 1975 à 2004 entreront dans le système universel en
2025, tandis que les générations nées avant 1975 ne seront pas concernées. Où
est donc l’universalité dans tout cela ?
Pour toutes ces raisons, je
voterai évidemment ces excellents amendements.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Ce débat liminaire est important, car il s’agit de
déterminer les objectifs de la loi. Or ceux que vous affichez ne correspondent
pas à la réalité du texte ; nous sommes donc obligés de vous corriger. La
loi, en effet, n’est pas le lieu du slogan ; la loi n’est pas le lieu de la
publicité et du marketing.
En employant le terme « universel »,
vous avez essayé non seulement de parer le texte de vertus qu’il ne mérite pas,
mais aussi et surtout d’expliquer que vous vous attaquiez à certains
privilèges.
Vous ? Vous vous attaqueriez à des privilèges ?
Depuis 2017, vous ne l’avez encore jamais fait, vous faites même tout
l’inverse ! Personne ne peut donc vous croire. Ce n’est pas
sérieux !
Le système que vous proposez créera une forme
d’individualisation. Chaque fois que vous avez dû faire face à une contestation,
vous avez été obligés d’aménager une petite exception – même si, usant
toujours de faux-semblants, vous n’avez jamais cédé complètement. Les gens s’en
sont d’ailleurs rendu compte. Chaque fois, vous avez accrédité l’idée que votre
système était dangereux, et vous y avez fait plusieurs entorses.
Nous
vous demandons donc simplement de renoncer à la publicité mensongère : en
effet, votre système n’a rien d’universel. (Applaudissements sur les bancs du
groupe GDR.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Excellent !
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. C’est sûr, si Emmanuel Macron s’était présenté devant les
Français en leur disant : « Françaises, Français, nous consacrons déjà
14 % de notre richesse nationale aux retraites ; je n’ai pas
l’intention d’y consacrer davantage ; par conséquent, nous allons diminuer
le niveau de vos pensions – plus exactement, vous allez devoir travailler
plus longtemps pour atteindre un même niveau de pension… »
(Protestations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mais si, chers collègues !
M.
Sébastien Jumel. Ressortez vos professions de foi !
M. le
président. Monsieur Jumel !
M. Adrien
Quatennens. Si on compare les deux systèmes, pour atteindre le même
niveau de pension, il faut travailler plus longtemps dans le système que vous
voulez instaurer que dans le système actuel. C’est donc bien qu’à âge
comparable, le niveau des pensions a diminué !
Mais il fallait
trouver un emballage plus enthousiasmant : vous avez choisi l’universalité.
Il est vrai que c’est un mot d’ordre intéressant. Pourtant, depuis que vous
l’utilisez, tout le monde se moque de vous (Protestations sur les bancs du
groupe LaREM) car, à mesure que la contestation progressait, vous avez dit à
telle profession, puis à telle autre : « On va s’arranger, cela ne
vous concerne pas ! » Je ne comprends pas : si la réforme est
aussi formidable que vous le prétendez, les gens devraient bondir d’enthousiasme
et vous presser de la leur appliquer rapidement !
Or la réalité, qui
ne change pas, c’est qu’une écrasante majorité de Français a bien compris que
votre projet de loi allait faire de leur vie la variable d’ajustement d’un
objectif comptable dont nous ne pouvons même pas, à cette heure, avoir les
rudiments du financement ! Voilà tout ce que l’on sait, au-delà de vos
éléments de langage !
M. Alain
Bruneel. Exactement !
M. Adrien
Quatennens. Concernant l’universalité, le Conseil d’État a d’ailleurs
invalidé votre argument en soulignant que vous instauriez au moins cinq régimes,
hors dérogations. Pour nous, c’est clair : le décalage de l’âge d’équilibre
de génération en génération va aboutir à la création d’autant de régimes
spéciaux que de générations. C’est vous les plus grands faiseurs de régimes
spéciaux, et c’est vous qui allez construire une usine à gaz, sans commune
mesure avec le système actuel, et même bien plus complexe. Nous ne défendons
néanmoins pas le statu quo (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM),
car, dans le système actuel, les gens partent déjà à la retraite trop tard et
trop pauvres ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI et
GDR.)
M. le
président. La parole est à M. Hervé Saulignac.
M. Hervé
Saulignac. Les amendements présentés par nos collègues Hetzel et Breton
me semblaient particulièrement clairs : il vous est fait grief d’utiliser
de façon abusive le joli terme d’« universel ». Vous auriez pu sans
difficulté définir ce que vous entendez par universalité afin d’invoquer des
raisons de fond contre ces amendements. Or je vous ai bien écoutés tous les
deux, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État : à
l’évidence, vous avez beaucoup de mal à prouver le caractère universel de votre
texte. Vous répétez, comme une antienne, la formule selon laquelle universalité
ne serait pas synonyme d’uniformité. Très bien ; nous sommes d’accord.
Mais, au-delà de cette affirmation, vous n’avez pas apporté la preuve de
l’universalité du système que vous défendez.
Le Conseil d’État a en
revanche très bien compris que votre système n’avait rien d’universel. Son avis
est tout à fait clair : « […] le projet de loi ne crée pas un "régime
universel de retraite" qui serait caractérisé […] par un ensemble constitué
d’une population éligible unique, de règles uniformes et d’une caisse
unique ». Et, en effet, ce n’est absolument pas ce que vous nous
servez !
M. Olivier
Faure. Non, absolument pas !
M. Hervé
Saulignac. Bref, par les mots que vous employez et qui sont fallacieux,
vous n’avez en réalité qu’une intention : celle de tromper les
Français ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et
GDR.)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Jacques Rueff, le célèbre conseiller du général
de Gaulle disait : « Soyez libéraux, soyez socialistes, mais ne
soyez pas menteurs. » Or, dans cette affaire, vous mentez.
M.
Sébastien Jumel. Comme des arracheurs de dents !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. En vérité, le régime que vous proposez n’a rien
d’universel. La première preuve en est que vous instaurez une sortie du système
par répartition pour les salaires les plus élevés, privant ainsi le système
général de plusieurs milliards d’euros de recettes par an pendant au moins une
vingtaine d’années. Vous le faites pour assurer la transition entre un système
de répartition et un système de capitalisation que vous testez sur les plus
hauts revenus, c’est-à-dire les plus rentables pour vos soutiens financiers
comme BlackRock et compagnie !
Cela signifie que ce système n’a rien
d’universel. On peut comprendre l’existence de dérogations : on ne vous
demande pas – et, pour ma part, je ne vous demanderai jamais – un
régime unique, qui soit parfait dans tous les cas, car cela ne peut pas exister.
Mais vous faites bien pire : vous amorcez un système de transfert de la
répartition vers la capitalisation pour les plus hauts revenus et, ce faisant,
vous sabordez toute l’argumentation financière qui appuie votre projet, puisque
vous créez un déficit de plus de 4 milliards d’euros par an – une
somme considérable ! –, alors que vous avez entraîné la France dans un
conflit social pour économiser 800 millions à 1 milliard d’euros sur
les régimes spéciaux. Vous entretenez une contradiction permanente qui tient,
tout simplement, au fait que vous souhaitez faire passer, sous le couvert d’un
slogan électoral du Président de la République, un projet qui n’a plus rien à
voir avec lui.
En effet, un régime universel aurait pu présenter une
certaine logique. Vous auriez pu suivre l’exemple italien : exactement le
même régime pour tous les entrants sur le marché du travail – on aurait pu
ne pas être d’accord, mais cela aurait été cohérent. Ou bien vous auriez pu
instaurer un régime universel pour l’ensemble des retraités, immédiatement, au
prétexte que c’était une réforme merveilleuse. Mais si elle est si
extraordinaire, pourquoi en excluez-vous le plus grand nombre de Français pour
éviter le plus grand nombre de protestations ?
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 383 et 534.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 206
Nombre
de suffrages
exprimés 206
Majorité
absolue 104
Pour
l’adoption 67
Contre 139
(Les amendements identiques nos 383
et 534 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 2285 et de
seize amendements identiques déposés par les membres du groupe La France
insoumise.
Avant de donner la parole à Mme Clémentine Autain pour
soutenir ces amendements, je vous indique que je suis saisi par le groupe La
France insoumise d’une demande de scrutin public sur ces amendements.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Vous avez
la parole, ma chère collègue.
Mme
Clémentine Autain. Monsieur le président, vous n’avez pas répondu à la
question que je vous ai posée tout à l’heure lors de mon rappel au règlement.
Vous pouvez constater que nous avons déposé dix-sept amendements, comme nous
l’avions fait en commission. Ils sont regroupés en un seul, étant identiques. Je
vous renouvelle ma question : quelles seront les règles du débat ?
Nous souhaitons en effet que soit respectée une égalité de traitement entre les
différents groupes d’opposition. Toute rupture d’égalité entre ces groupes
constituerait un manquement grave…
M. le
président. Bien sûr !
Mme
Clémentine Autain. …et donnerait à voir ce que l’un de nos collègues sur
les bancs de La République en marche a dit tout à l’heure : il y aurait de
bons opposants, qui déposent des amendements qui vous conviennent, et des
mauvais. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Ceux-ci utilisent
pourtant des moyens légaux pour faire entendre leur voix…
Mme
Danielle Brulebois. Le président applique le règlement !
Mme
Clémentine Autain. …et faire écho à la colère sociale qui gronde dans
notre pays ! Ce qui se passe est inédit, donc nous employons une méthode
inédite pour mener cette bataille politique. (Applaudissements sur plusieurs
bancs du groupe FI. – Protestations sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. Madame Autain, vous pouvez poser une question simple appelant
une réponse claire sans prendre des accents de réquisition ! Restez
parfaitement paisible. Je vais donc vous répondre, si vous le permettez.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Sur
l’intitulé du titre Ier, je suis saisi de trois séries
d’amendements identiques, deux déposées par les membres du groupe La France
insoumise, et une par des membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine. Par ailleurs, des députés membres de ces deux groupes… Il serait
préférable que vous m’écoutiez, madame Autain, car je ne répéterai pas.
Mme
Clémentine Autain. Je vous écoute religieusement, monsieur le
président.
M. le
président. Des députés membres de ces deux groupes ont déposé de très
nombreuses séries d’amendements identiques. Je constate que tous ces amendements
ont en commun d’avoir été déposés massivement et simultanément avec, au mot et à
la virgule près, les mêmes exposés sommaires pour chaque série. Ces dépôts
illustrent votre volonté revendiquée d’obstruction. Dès lors, les conditions
définies par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 4 juillet 2019
sont réunies « pour prévenir les usages abusifs […] des prises de
parole ». Je ne donnerai donc la parole qu’à un seul orateur de chacun de
ces groupes pour défendre chaque série d’amendements identiques, en application
de l’article 100, alinéa 5, du règlement. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Vous avez la parole, madame
Autain.
Mme
Clémentine Autain. Je commencerai par vous demander une suspension de
séance, monsieur le président.
M. le
président. Trois minutes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs
du groupe LaREM.)
M. Bruno
Millienne. La loi est la même pour tout le monde !
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit
heures trente.)
M. le
président. La séance est reprise.
La parole est à
Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Notre amendement no 2285 propose
d’appeler un chat un chat en remplaçant l’intitulé « Principes d’un système
de retraite universel » par « Principes d’un système de retraite
individualisé ». Car, au fond, le système que vous défendez aboutira à
rapprocher au maximum le niveau des pensions du montant des cotisations de
chacun. Les mécanismes de solidarité présents dans le régime actuel, que nous
héritons notamment du Conseil national de la Résistance, permettent au contraire
de compenser les inégalités de carrière ou de salaire.
Surtout, votre
régime est évidemment tout sauf universel. Il n’est pas universel, car chaque
génération aura son propre système, dans la mesure où l’âge d’équilibre va
fluctuer. Il n’est pas universel, car vous avez d’ores et déjà acté le fait que
les policiers et militaires, et progressivement d’autres catégories
professionnelles, seraient exempts du régime général et bénéficieraient d’un
régime spécifique. Il n’est pas universel parce que celles et ceux qui gagnent
plus de 10 000 euros par mois cesseront de cotiser au-delà de ce
plafond et échapperont alors au système.
Pour toutes ces raisons, vous
êtes en train de mentir aux Français et de faire passer votre régime
individualisé pour un régime qui serait protecteur et universel. C’est un
mensonge total. L’universalité que vous avez réussi à créer dans notre pays est
surtout celle des colères ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du
groupe FI.)
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au
règlement.
M.
Sébastien Jumel. J’interviens sur le fondement de l’article 100,
alinéa 5, de notre règlement, relatif à la manière dont vous envisagez
d’organiser l’examen des amendements identiques. Non seulement vous mentez
effrontément (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM)…
M. le
président. Pardon ? Attention, monsieur Jumel !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Respectez le président de l’Assemblée nationale !
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. C’est inacceptable !
M. Rémy
Rebeyrotte. Retirez vos propos !
M.
Sébastien Jumel. Je ne parle pas de vous, monsieur le président,…
M. le
président. Ah bon ? Je vous remercie !
M.
Sébastien Jumel. …mais de la majorité.
Non seulement, donc, la
majorité ment effrontément, mais, en lisant partiellement la décision du Conseil
constitutionnel du 4 juillet 2019, vous oubliez de porter à notre
connaissance une réserve d’interprétation, d’ailleurs reprise dans le
commentaire de cette décision, qui précise que « le président de séance,
qui doit veiller au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat
parlementaire, ne saurait recourir à cette limitation que pour prévenir »
des usages abusifs, sans remettre en cause l’exercice individuel du droit
d’amendement. Je tiens à votre disposition l’intégralité de cette décision du
Conseil constitutionnel, qui ne vous permet pas, monsieur le président, de
limiter de manière autoritaire, deux heures à peine après le début de nos
débats, la capacité de l’opposition à défendre son point de vue.
M. Boris
Vallaud. En effet, c’est trop tôt !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Cela
n’a rien à voir !
M.
Sébastien Jumel. Si nous étions les seuls à faire la démonstration que
votre débat est pipeauté, on pourrait nous accuser de mauvaise foi, mais Antoine
Bozio lui-même – celui qui a inspiré, semble-t-il, le président des riches
(M. François Ruffin applaudit) – nous dit que ce
n’est pas l’étude d’impact qui permettra…
M. Pacôme
Rupin. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. le
président. Quel est le lien avec le règlement, monsieur Jumel ?
Vous aurez l’occasion de vous exprimer ultérieurement. (Exclamations sur
divers bancs.)
M.
Jean-Paul Lecoq. Soyez plus attentif, monsieur le président !
M.
Sébastien Jumel. Le vote du Parlement doit être éclairé : il
convient donc de permettre à chaque parlementaire de défendre les amendements
qu’il a individuellement déposés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du
groupe FI.)
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Coupez-lui le micro, monsieur le
président !
M.
Sébastien Jumel. Antoine Bozio lui-même dit que les études de cas
présentées dans votre étude d’impact pipeautée n’ont rien à voir avec la
législation effective et qu’elles sont donc inutiles, inopérantes pour défendre
votre réforme. Un grand nombre d’économistes, de spécialistes, démontrent de A à
Z que la vacuité des informations apportées au Parlement viendra nourrir un
recours devant le Conseil constitutionnel.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Cela
n’a rien à voir !
M. le
président. Merci, monsieur Jumel.
M.
Sébastien Jumel. En privant, dès le début de la législature, les
parlementaires de leur capacité à défendre individuellement leurs amendements,
et en privant les groupes de leur capacité à intervenir pour défendre leur point
de vue (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI. – Exclamations sur
plusieurs bancs du groupe LaREM),…
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Monsieur le président, retirez-lui la parole !
M. le
président. Merci, monsieur Jumel. Votre temps de parole est écoulé.
M.
Sébastien Jumel. …vous avez créé les conditions d’un recours certain
devant le Conseil constitutionnel contre votre mauvais projet.
Avant l’article 1er (suite)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements
identiques ?
M. Adrien
Quatennens. Rappel au règlement, monsieur le président !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Avant de répondre sur le fond à
Mme Autain, je voudrais m’exprimer sur la forme. Beaucoup d’entre nous sont
des primo-députés ;…
M. David
Habib. Ça se voit !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …nous avons envie de travailler sur le fond
du texte.
M.
Sébastien Jumel. Nous aussi !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Compte tenu de l’ampleur et de l’intérêt de
ces sujets, qui concernent l’ensemble des Français et leur retraite, nous nous
honorerions à débattre arguments contre arguments.
Mme Laurence
Dumont. Pour cela, nous avons besoin de temps de parole !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. La multiplication d’amendements identiques
en vue de bloquer la discussion ne facilite pas notre travail. Ce n’est pas très
glorieux ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
Sur le fond, vous souhaitez intituler le
titre Ier : « Principes d’un système de retraite
individualisé ». Nous voulons intégrer 100 % des Français dans le
régime par répartition, jusqu’à 120 000 euros par an : c’est
mieux que la situation actuelle car, aujourd’hui, de nombreux Français ne sont
pas concernés par le régime de retraite à ce niveau de revenus. Voilà donc le
premier élément d’un système de retraite solidaire entre
générations.
Nous allons intégrer dans ce système universel de retraite,
qui concernera donc tout le monde, un certain nombre de régimes qui s’appuient
aussi sur la capitalisation – le régime additionnel de la fonction
publique, par exemple.
Monsieur Dupont-Aignan, vous nous avez traités de
menteurs et accusés d’organiser une perte de recettes de 4 milliards
d’euros par an. Je vous invite à lire l’étude de l’AGIRC-ARRCO sur le
sujet : ce montant aurait été atteint en cas de transition brutale du
régime de retraite complémentaire AGIRC-ARRCO vers le nouveau système universel
par la suppression du taux de prélèvement de 26 %. Or nous ne prévoyons pas
de transition brutale.
M. Boris
Vallaud. Nous n’en savons rien, nous manquons d’éléments !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je réponds donc à votre accusation
– c’est ainsi que j’ai ressenti votre intervention – en vous invitant
à travailler sur le fond du dossier,…
M. Boris
Vallaud. C’est ce que vous devriez faire, vous aussi !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …à prendre connaissance de ce qui est
proposé et de ce qui a même été évoqué à plusieurs reprises par le COR. Avis
défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Défavorable également. Mais
permettez-moi, monsieur le président, pour la sérénité de nos débats, d’inviter
les membres de cette assemblée à ne pas se traiter sans cesse de menteurs.
J’entends bien qu’il y ait, ici ou là, des avis divergents, et je les accepte
– je souhaite d’ailleurs que cette controverse puisse s’exprimer…
M. David
Habib. Ce n’est pas ce que vous faites !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …et que le débat nous permette
d’avancer. Nous pourrions donc convenir de quelques principes de base à
respecter dans cet hémicycle. Certains avis sont très différents des miens, mais
je ne pense pas pour autant que ceux qui les défendent sont des menteurs.
M.
Sébastien Jumel. Parce qu’ils disent la vérité !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Madame Autain, j’ai compris que
vous contestiez l’universalité de notre proposition. Or, comme l’a dit
M. le rapporteur, un système dans lequel tous les Français sont réunis,
quel que soit leur statut ou leur profession, jusqu’à 120 000 euros
par an, avec les mêmes règles et le même rendement,…
M. David
Habib et M. Boris Vallaud. C’est faux !
M. Hervé
Saulignac. Pas avec les mêmes règles !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …n’est-il pas un système
universel ?
En outre, vous avez raison, madame Autain, lorsque vous
dites que la retraite est le reflet de la carrière. Elle est individualisée.
Mais dans le système de demain comme dans le système actuel, la solidarité aura
toute sa place. Plus de 20 % des fameux 320 milliards d’euros dont
nous parlons depuis plusieurs jours – 25 % si l’on intègre les
pensions de réversion – correspondent à des mesures de solidarité, des
transferts des plus riches vers ceux qui en ont le plus besoin. Cette dimension
de solidarité va s’ancrer durablement dans notre système de
retraite.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour un rappel au
règlement.
M. Adrien
Quatennens. J’interviens sur le fondement de l’article 100 du
règlement. Ce matin, monsieur le président, vous avez déclaré dans la
presse : « Alors que les élus LFI et PCF ont chacun déposé des séries
d’amendements identiques, pour supprimer tel alinéa ou tel mot du texte
notamment, un seul orateur s’exprimera au nom de son groupe, comme le prévoit le
règlement interne de l’Assemblée. » Jusque-là, on vous comprend. Mais vous
avez poursuivi ainsi : « Cette règle ne s’appliquera pas aux autres
groupes qui n’ont pas de volonté manifeste d’obstruction. »
M.
Jean-Paul Lecoq. Oh !
M. Bruno
Millienne. Vous l’avez dit vous-mêmes sur tous les plateaux de
télévision !
M. le
président. Quand aurais-je déclaré cela ?
M. Adrien
Quatennens. Ce matin, dans Ouest France. A priori, ce sont vos
propos.
M. le
président. Je suis désolé, mais je n’ai pas rencontré de journaliste.
(Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Ne vous justifiez pas, monsieur le
président !
M. le
président. Si on commence à faire des rappels au règlement sur des
articles de presse, on n’a pas fini !
Il y aura une stricte égalité
dans l’application du règlement, monsieur Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. C’est pourtant le contraire qui est affirmé dans ces
propos.
M. le
président. Peut-être, mais je n’ai pas rencontré de journaliste.
M. Adrien
Quatennens. Tout à l’heure, monsieur le président, vous avez parlé de
« volonté manifeste d’obstruction » depuis votre place, au perchoir.
Or, en commission spéciale, nous avons eu la possibilité de répéter
régulièrement nos arguments – je fais partie de ceux qui pensent que la
répétition fixe parfois la notion –, et cela nous a permis de lever un
certain nombre de lièvres.
Mme
Clémentine Autain. Exactement !
M. Adrien
Quatennens. Personnellement, je pourrais considérer que votre décision
de lever la séance d’hier soir à vingt-trois heures quinze relève d’une
« volonté manifeste d’obstruction », pour reprendre les propos que la
presse vous attribue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
FI.) De même, quand vous nous remettez une étude d’impact truquée alors que
vous êtes garants de la sincérité de nos débats, je pourrais considérer que
c’est une volonté manifeste d’obstruction. (Applaudissements sur plusieurs
bancs du groupe FI. – Protestations sur les bancs du groupe
LaREM.) Enfin, pourquoi nous imposez-vous le respect d’un calendrier
extrêmement contraint…
M. le
président. Veuillez conclure, monsieur Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. …alors que nous sommes disposés à discuter, s’il le faut,
des mois et des mois…
M. Pascal
Lavergne. Des années !
M. Adrien
Quatennens. …de cette réforme des retraites si importante et
fondamentale ? (M. Éric Coquerel applaudit.)
M. le
président. Merci, monsieur Quatennens. Votre temps de parole est
écoulé.
Avant l’article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. S’agissant de votre objectif d’universalité, le Conseil d’État
relève que « l’objectif selon lequel "chaque euro cotisé ouvre les mêmes
droits pour tous" reflète imparfaitement la complexité et la diversité des
règles de cotisation ou d’ouverture de droits définies par le projet de
loi ». En somme, ce que dit le Conseil d’État, c’est que vous avez manqué
votre objectif. En réalité, ce dernier est impossible à atteindre car il faut
bien prendre en compte la particularité de telle ou telle carrière, de telle ou
telle profession, de tel ou tel métier – c’est d’ailleurs ce que fait le
système actuel, qu’il fallait probablement améliorer et non bouleverser. Vous
créez des dérogations à tous les étages, qui sont autant de régimes
spéciaux.
Par ailleurs, l’universalité n’est pas souhaitable car il est
important que la retraite reflète la carrière ; si c’est impossible, alors
le système ne fonctionne plus et le moteur social ne tourne plus. D’ailleurs, le
fait que plus de 25 % de la masse financière du système actuel de retraite
représente des mesures sociales est très important : cela montre que notre
système de retraite est déjà extrêmement social.
Vous dites que la
coexistence de quarante-deux régimes de retraite différents est terrible, et
vous tenez à leur fusion comme à un totem. Vous avez raison en droit mais, dans
la vraie vie, cela ne marche pas ainsi : les individus passent par deux ou
trois régimes, et 95 % des Français sont concernés par six ou sept régimes,
pas par quarante-deux régimes ! En réalité, il n’est pas nécessaire de
modifier quarante-deux régimes ; il convient de rendre les choses simples,
efficaces, sûres, solides financièrement et justes dans le cadre de six ou sept
régimes, et il existe bien d’autres solutions pour y arriver.
Enfin, nous
ne votons pas réellement un projet de loi sur les retraites, mais plutôt un
projet de loi d’habilitation sur les retraites.
M.
Guillaume Garot. C’est vrai !
M. David
Habib. Exactement !
M. Éric
Woerth. Nous sommes en train de donner au Gouvernement la possibilité de
prendre vingt-neuf ordonnances pour changer des règles dont nous n’aurons vu que
les vagues principes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LR.)
M. le
président. La parole est à M. Olivier Faure.
M. Olivier
Faure. Sur un sujet comme celui des retraites, je ne pensais pas que je
serais un jour à ce point d’accord avec Éric Woerth.
M.
Guillaume Chiche. Cela ne va pas durer !
M. Olivier
Faure. Effectivement, le système que vous voulez mettre en place n’est
pas universel, pour de nombreuses raisons déjà décrites à de multiples reprises
– j’y reviens malgré tout car, dans un débat, il faut avoir la possibilité
de répéter. Voilà pourquoi Sébastien Jumel a soulevé, il y a quelques instants,
la question de la défense des amendements identiques. Un amendement sert à
obtenir un temps de parole et donc à permettre le débat, non seulement dans
notre hémicycle, mais aussi dans l’opinion publique car les propos que nous
tenons ici sont relayés par la presse et éclairent un débat qui est forcément
national et nécessaire. Vouloir comprimer le débat est absolument
antidémocratique, d’autant que chacun reconnaît qu’il est indispensable
puisqu’il touche à une partie essentielle du système de retraite que nous avons
aujourd’hui en commun.
M. Pascal
Lavergne. Le débat n’est pas muselé, voyons ! Dix-sept amendements
identiques, cela s’appelle de l’obstruction !
M. Olivier
Faure. Vous l’avez compris, le système que vous proposez n’est pas
universel car il inclura des régimes spécifiques. Nous pouvons comprendre ces
derniers, et même les défendre s’ils sont soutenus par une certaine logique. Or
où est la logique dans le fait de reconnaître une spécificité aux transporteurs
routiers mais de ne pas en reconnaître aux conducteurs de bus ? Faut-il
conduire des marchandises plutôt que des individus pour pouvoir relever d’un
régime spécifique ? Essayez de nous faire comprendre ce qui guide
aujourd’hui le Gouvernement dans ses choix et dans ses arbitrages ! C’est
votre incapacité à expliquer ce que vous faites qui rend votre projet
dingue.
Votre système est d’autant moins universel que, selon la
génération à laquelle vous appartenez, vous n’aurez pas droit au même âge
d’équilibre. Selon le moment où vous partirez à la retraite, vous n’aurez pas
forcément droit à la même pension, au même taux de conversion de vos points.
Selon le moment où vous arriverez à l’âge de la retraite, vous ne serez pas
forcément régi par le même système. Selon le moment où vous en sortirez, vous ne
connaîtrez pas le même système non plus.
M.
Jean-Paul Mattei. Et aujourd’hui, qu’est-ce qui se passe ?
M. Olivier
Faure. Si vous relevez aujourd’hui d’un régime spécial, vous ne passerez
pas au nouveau système au même moment que les autres salariés. Acceptez l’idée
que cette salade est incompréhensible pour le commun des mortels et que votre
projet n’est en rien universel ! (Applaudissements sur les bancs du
groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Je voudrais répondre à M. le rapporteur sur la
question des plus hauts revenus et de la capitalisation parce qu’il s’agit là du
cœur du projet. Vous nous opposez à chaque fois la Préfon, la retraite
complémentaire des fonctionnaires, mais la grande différence est que ces
fonctionnaires continuent de cotiser pour leur retraite alors que pour les
300 000 plus hauts revenus de France, vous abaissez le taux des
cotisations de 28 % à 2,8 %, privant ainsi le régime général,
c’est-à-dire la collectivité nationale, de milliards d’euros de recettes.
M. Fabien
Roussel. Quatre milliards !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Vous creusez donc le déficit vous-mêmes en instituant une
dérogation au régime général. C’est incompréhensible. (Exclamations sur les
bancs du groupe LaREM.) Si nous pouvions nous écouter dans le calme, je
pense que cela ferait avancer la discussion.
Deuxième point : vous
me dites que je n’ai pas compris, que vous allez procéder progressivement et que
la mesure ne coûtera pas 4 milliards. Mais alors, combien ? Vous nous
refusez toute analyse du financement dont nous avons besoin pour pouvoir
discuter dans la clarté. Vous ne pouvez donc pas me reprocher de ne pas savoir
exactement le montant des pertes de recettes que ce coup de canif dans le
principe de l’universalité va entraîner.
Dernier point, vous trouverez
ceci sur le site en ligne d’AXA, une grande compagnie d’assurance que vous
connaissez : «Les textes qui vont arriver prochainement : aujourd’hui
seules les vingt-cinq meilleures années sont prises en compte pour les salariés
du privé ; demain l’ensemble des années travaillées depuis le début de
carrière sera pris en compte », ainsi que ces mots, à côté du dessin d’un
porte-monnaie : « la baisse programmée des futures pensions »
– et voilà pourquoi vous devrez les compléter par une épargne
retraite !
En vérité, vous créez une incertitude qui va accroître
l’angoisse des Français concernant leurs retraites et les conduire vers des
fonds de pension ou de l’épargne retraite, et c’est ce que vous
souhaitez.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au
règlement.
M. Marc Le
Fur. Ce rappel au règlement se fonde sur les articles 19 et
suivants de notre règlement, qui concernent les groupes.
Monsieur le
président, vous avez pris l’habitude, nulle part inscrite dans notre règlement,
de donner la parole à un orateur par groupe ainsi qu’à un député non inscrit.
Quel est le groupe le plus désavantagé par cette règle
(« C’est nous ! » sur
les bancs du groupe LaREM), sinon le groupe le plus important de
l’opposition, c’est-à-dire le nôtre, qui n’a la possibilité de s’exprimer qu’une
fois alors qu’il compte 105 députés ?
J’aime beaucoup
M. Dupont-Aignan pour l’avoir côtoyé au sein de partis auxquels nous avons
appartenu l’un et l’autre (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe
LaREM), mais je ne pense pas qu’il ait vocation à avoir le même temps de
parole que le groupe le plus important de l’opposition ! C’est la
base ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Donc,
monsieur le président, soit on applique la règle, certes très exigeante, de deux
orateurs par amendement, soit on poursuit le débat jusqu’au moment où le
président de séance estime qu’il doit être clos, mais le débat n’est pas clos
tant qu’un certain nombre de députés du premier groupe de l’opposition n’auront
pas eu la possibilité de s’exprimer. (Mêmes mouvements.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 2285 à 2301. (Protestations sur les bancs des groupes GDR
et FI.)
M. Éric
Coquerel. Des membres de mon groupe voulaient prendre la
parole !
M.
Sébastien Jumel. Si vous ne nous la donnez pas, nous allons demander une
suspension de séance, monsieur le président !
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 226
Nombre
de suffrages
exprimés 213
Majorité
absolue 107
Pour
l’adoption 42
Contre 171
(Les amendements identiques nos 2285 à 2301
ne sont pas adoptés.)
Plusieurs députés du groupe
FI. Rappel au règlement !
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Monsieur le président, interrogé tout à l’heure à propos de
l’article paru dans Ouest France, vous avez déclaré que vous ne feriez
pas de différence entre les groupes. C’est pourtant ce que vous faites : à
partir d’un moment où on débat sur un amendement défendu, la règle d’une
intervention par groupe s’applique, comme mon collègue Le Fur vient de le
rappeler. Je ne vois pas ce qui vous autorise à empêcher certains groupes
d’intervenir dans le débat, y compris celui qui a déposé
l’amendement.
Nous demandons que chaque groupe puisse intervenir sur
chaque amendement, y compris celui qui l’a déposé, puisque cela lui permet
d’argumenter avant le vote.
M. le
président. Cela ne pose aucun problème ; d’ailleurs,
M. Quatennens est intervenu ! (Protestations sur les bancs du
groupe GDR.)
Plusieurs députés du groupe
FI. Rappel au règlement !
M. André
Chassaigne. Monsieur le président, je demande une suspension de
séance : vous ne voyez pas nos doigts se lever, c’est donc que nous avons
tous besoin d’une pause !
M. le
président. Accordée – pour trois minutes !
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-huit
heures cinquante-cinq.)
M. le
président. La séance est reprise.
Je suis saisi d’un amendement
no 5756 et de seize amendements identiques déposés par les
membres du groupe La France insoumise.
Sur ces amendements, je suis saisi
par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole
est à M. Jean-Hugues Ratenon, pour les soutenir.
M.
Jean-Hugues Ratenon. Par ces amendements, nous réaffirmons notre
opposition à ce texte injuste. Dire aux Françaises et aux Français que vous
voulez, par ce projet de loi, instaurer un système universel de retraite est un
mensonge inadmissible. Les collègues de mon groupe et d’autres groupes ont fait
la démonstration en commission spéciale, devant toute la nation et devant
l’ensemble des députés de la majorité présents, que votre projet de loi a pour
seul objectif d’enrichir encore les riches et d’appauvrir l’ensemble des
Françaises et des Français.
C’est un texte qui, dans son fonctionnement
même, divise le peuple. L’expression « diviser pour mieux régner »
vous va très bien, et le pire est que vous en êtes fiers. Assumez donc que, à
l’ère Macron, c’en est fini de la solidarité ; assumez qu’elle est votre
ennemie, comme la paix l’est des dominants que vous protégez. Le système des
retraites tel qu’on le connaît aujourd’hui repose sur la solidarité entre les
générations, un principe qui doit guider notre société. Je vous invite donc à
réapprendre les règles d’humanité élémentaires : le faire plus tôt vous
aurait évité de refuser l’allongement du congé de deuil pour la perte d’un
enfant ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Un député du groupe
LaREM. Quel rapport ?
Un député du groupe LR.
Ça, ça les gêne !
M.
Jean-Hugues Ratenon. Mesdames et messieurs les parlementaires, assumez
votre rôle et vos mauvaises idées, assumez le contenu du projet de loi en
adoptant, à la place de son titre trompeur et manipulateur, celui de
« principes d’un système de retraite par individu » – autrement
dit : chacun pour soi, que vivent les riches et que les masses populaires
crèvent !
Les Français, d’ici et d’outre-mer, sont témoins de votre
irresponsabilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
FI.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces
amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je ne peux qu’être absolument en désaccord
avec vos propos. Nous instaurons un système de retraite unique, géré par une
caisse nationale, comptant cinq régimes d’affiliation : un pour la fonction
publique, le régime général, un pour les marins et deux régimes agricoles, l’un
pour les salariés et l’autre pour les non-salariés. Il sera doté d’une unité de
compte, le point, alors qu’aujourd’hui on compte par trimestres ou par points
pour 50 % des retraites versées, ce qui est très compliqué. Il comprend des
droits familiaux. Il repose sur un système de solidarité, s’appuyant sur des
minima, notamment un minimum contributif – MICO – de
1 000 euros pour les carrières complètes.
Au vu de tous ces
éléments, je suis absolument défavorable à votre amendement.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur le député Ratenon, je
me suis déjà exprimé assez longuement sur la pertinence, selon moi, du terme
d’universalité pour ne pas y revenir. Vous comprendrez que je ne sois pas
d’accord avec vos propos. Je l’ai dit tout à l’heure, il est incontestable que
la solidarité est présente dans le système actuel puisque près de 25 % des
320 milliards de l’ensemble des retraites en relève ; mais ce sera
aussi le cas demain.
M.
Jean-Hugues Ratenon. Non, il n’y a plus de solidarité ! C’est fini,
ça !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Qu’elle vous paraisse
insuffisante ou mal organisée, je pourrais le comprendre, mais comment
pouvez-vous nous dire qu’il n’y en a pas alors que c’est factuellement
inexact ?
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. C’est effectivement un système individuel, et même à la
carte, que vous êtes en train de mettre en œuvre au son du slogan « chaque
euro cotisé doit donner les mêmes droits » – slogan d’ailleurs
inapplicable, comme vous avez dû le reconnaître au fil de nos débats, et dont il
n’est pas souhaitable qu’il soit appliqué, puisqu’il rompt avec le principe de
solidarité qui fonde la sécurité sociale : « de chacun selon ses
moyens à chacun selon ses besoins ».
Vous n’avez pas démontré
l’universalité de votre système, monsieur le secrétaire d’État, alors que c’est
ce que nous vous demandons de faire par ces amendements au titre du projet.
C’est qu’en réalité chacun sera comptable de son sort, du fait de
l’individualisation des rapports sociaux et des droits que vous mettez en œuvre
depuis les ordonnances travail et dont chacun des projets de loi que nous avons
eu à examiner n’a été qu’une déclinaison. Voilà la véritable philosophie de
votre projet : faire disparaître les garanties collectives. C’est pour cela
que nous contestons le caractère universel de votre réforme.
Je vous
remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir eu l’amabilité de citer Ambroise
Croizat, mais à nouveau vous le citez à contresens, comme vous l’avez fait en
commission. Lorsqu’Ambroise Croizat parle de l’unité de la sécurité sociale
comme condition de son efficacité, il désigne l’unité de l’ensemble des risques,
qu’il s’agisse de la maladie, des accidents du travail, de la branche famille et
bien évidemment de la vieillesse. Or votre projet de loi fait tout l’inverse
puisqu’il sépare les retraites des autres branches de la sécurité sociale.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M.
Jean-René Cazeneuve. Arrêtons d’ergoter (Exclamations sur les bancs
du groupe LR. – M. Éric Coquerel
rit) : il est incontestable que nous construisons un système universel.
Nous sommes aujourd’hui face à quarante-deux systèmes dont chacun obéit à ses
propres règles, notamment en matière de cotisations ou d’âge de départ, au prix
de combinaisons infinies et d’une complexité inextricable.
Que
proposons-nous ? Nous proposons un système par répartition qui, après une
période de transition dont nous ne nions pas l’importance, sera à points pour
100 % des Français, donnera à 100 % des Français accès à une pension
minimale et les mêmes droits s’agissant des enfants, etc.
Bref, nous
construisons un socle commun pour tous les Français, ce qui constitue une
avancée considérable. Il s’agit donc bien d’un système universel.
Chers
collègues, vous ne pouvez pas à la fois nous reprocher d’instaurer un système
universel et nous reprocher de ne pas en instaurer un. Soit vous y êtes
favorable, et alors dites-le, car on ne vous entend pas.
M. Vincent
Descoeur. On le dit !
M. Pierre
Dharréville et M. Jean-Paul Lecoq. Il n’est pas
universel !
M.
Jean-René Cazeneuve. Soit vous n’y êtes pas favorable, et alors ne nous
reprochez pas les adaptations et les exceptions que nous envisageons
– chacun comprend bien qu’elles sont nécessaires pour certains Français, en
particulier les militaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin.
M. François
Ruffin. Le système que vous mettez en œuvre sera tout sauf
universel : il sera hyper individuel ; ce sera chacun pour sa
fiole !
(« Oh ! » sur les
bancs du groupe LaREM et MODEM.)
Pourquoi ? Parce que les
Français ne vont pas seulement cotiser pour leur retraite, ils vont payer pour
en avoir une ! De ce point de vue, la publicité d’AXA est plus éclairante
que les mille pages de votre étude d’impact : « aujourd’hui seules les
vingt-cinq meilleures années sont prises en compte pour les salariés du
privé ; demain l’ensemble des années travaillées depuis le début de
carrière sera pris en compte ».
Conséquence : la création d’une
retraite par points se traduira par la baisse programmée des futures pensions.
Et la publicité de montrer une tirelire en forme de petit cochon, des petites
pièces et une calculatrice ! (M. François Ruffin
montre le document qu’il tient à la main. – Protestations sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Il a raison !
M. le
président. Monsieur Ruffin, l’article 9 de l’instruction générale
du Bureau interdit de brandir des documents ou des plaquettes publicitaires.
M. François
Ruffin. Je ne brandis pas un document, je le lis ! Je vous informe
de ce que publient vos amis d’AXA, monsieur le président. (Exclamations sur
les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Je n’ai pas d’amis chez AXA.
M. François
Ruffin. Je lis simplement une publicité !
M. le
président. Alors lisez-la.
M. François
Ruffin. Après le petit cochon, les petites pièces et la calculatrice,
que nous propose AXA dans cette publicité ? Ses produits d’épargne
retraite, ce qui est tout à fait cohérent avec la politique du
Gouvernement ! La publicité précise en effet que « la loi PACTE vise à
donner plus d’attractivité à l’épargne retraite par la création d’un nouveau
produit : le plan d’épargne retraite ». (Mêmes mouvements.)
Mme Natalia
Pouzyreff. Et alors ?
M. François
Ruffin. Il y a une vraie cohérence entre la loi PACTE et votre régime de
retraite prétendument universel, en vérité hyper individuel.
Heureusement
que nous avons AXA pour nous dévoiler la réalité de votre projet ! Sa
publicité d’une page est beaucoup plus claire que les mille pages de votre étude
d’impact ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.
– Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Pour ma part, je n’ai pas eu besoin de consulter
des publicités ; il m’a suffi de me plonger dans l’étude d’impact qui nous
a été fournie.
Un député du groupe
LaREM. Très bien !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Éric Woerth a rappelé tout à l’heure les termes
employés par le Conseil d’État à propos de l’universalité de la réforme. Vous
venez de le répéter, le système que vous proposez est universel. Ce
principe est d’ailleurs inscrit dans le titre Ier du projet de
loi.
Par ce texte, vous créez pourtant cinq régimes différents et, pour
un même régime, celui des fonctionnaires et des magistrats, des taux de
remplacement très différents d’une situation à l’autre.
Ainsi, pour la
génération 1990, qui partira à la retraite à 65 ans, et pour des durées de
cotisation identiques, vous annoncez : pour un agent territorial spécialisé
des écoles maternelles – ATSEM –, un taux brut de remplacement de
64 % ; pour un infirmier, un taux de 59 % ; pour un
magistrat un taux de 58 % ; pour un adjoint administratif de
catégorie C de l’éducation nationale, un taux de 60 % ; et pour
un adjoint administratif de catégorie C hors éducation nationale, un taux
de 54 %.
Est-cela que vous considérez un système universel ?
Réveillez-vous ! Chaque euro cotisé ne donnera pas les mêmes droits. Voilà
la réalité, je vous en ai donné la preuve ! (Applaudissements sur les
bancs du groupe LR. – M. Nicolas
Dupont-Aignan applaudit également.)
M. Vincent
Descoeur. C’est clair ! Belle démonstration !
M. le
président. Nous allons maintenant procéder au scrutin public.
Plusieurs députés du groupe
SOC. Notre groupe avait demandé la parole !
M. le
président. Je vous prie de m’excuser, monsieur Vallaud, je n’avais pas
vu que vous demandiez la parole. J’espère que votre intervention sera lumineuse,
car nous nous sentons déjà éclairés !
(« Ah ! » sur divers
bancs.) Vous avez la parole.
M. Boris
Vallaud. J’aurais eu le sentiment de vous faire violence en vous privant
de mes observations complémentaires, monsieur le président !
(Sourires.)
Un régime universel est un régime qui applique les
mêmes règles à tous – c’est tout du moins ce que proclame la majorité. Tout
euro cotisé devrait donc produire les mêmes droits.
Or
Mme Dalloz vient de souligner combien, à en croire l’étude d’impact, les
taux de remplacement étaient divers et variés selon les situations.
M. Bernard
Deflesselles. Très belle démonstration !
M. Boris
Vallaud. Elle aurait pu ajouter que toutes les générations nées avant
1975 vont voir leurs cotisations augmenter sans bénéficier pour autant de
nouveaux droits à la retraite, ou évoquer la situation des retraités en cumul
d’emploi qui, avant l’âge pivot, cotiseront sans créer non plus de droits
nouveaux, ou encore rappeler la différence de taux de rendement entre les
salariés et les indépendants – pour les uns et les autres, un euro cotisé
ne créera pas les mêmes droits.
En réalité, votre régime n’est pas
universel, et celui qui l’a le mieux expliqué est Emmanuel Macron. Convaincu que
l’octroi d’une dérogation aux militaires risquait d’en appeler d’autres, il a, à
l’occasion d’une réunion publique, mis en garde contre un effet domino qui
conduirait à recréer les régimes spéciaux.
C’est précisément ce que vous
avez fait ! Ce sont même des « régimes spécieux » que vous avez
créés : avec votre réforme, tout le monde perd ; elle se traduira pour
tous par une baisse du taux de remplacement et par l’augmentation de l’âge de
départ à la retraite.
Votre réforme n’est pas universelle. Les
amendements sur lesquels nous sommes appelés à nous prononcer ne disent ni plus
ni moins que cela. Ils témoignent d’un souci de sécurité juridique auquel vous
pourriez vous-même souscrire, monsieur le secrétaire d’État, plutôt que
d’entretenir la fiction d’un régime juste et équitable. (Applaudissements sur
les bancs du groupe SOC.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements nos 5756 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 217
Nombre
de suffrages
exprimés 206
Majorité
absolue 104
Pour
l’adoption 39
Contre 167
(Les amendements nos 5756 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan – pour
soutenir un amendement, monsieur Le Fur, le no 37188.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Ce n’est pas en me privant de la parole que vous
renforcerez votre groupe, monsieur Le Fur, mais en travaillant et en
proposant des amendements(Exclamations sur les bancs du groupe LR)
– ce que vous faites, d’ailleurs ! (Sourires sur les
bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Vous verrez cela plus tard ; venez-en à l’amendement, je
vous prie.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Les titres d’un projet de loi disent sa philosophie
générale. C’est pourquoi, au titre Ier , j’aimerais que l’on
ajoute après « universel » – si tant est que le système de
retraite proposé par le Gouvernement le soit, or le contraire vient d’être
démontré – les mots « juste et pérenne ».
Car, en vérité,
ce que les Français attendent, ce n’est pas que le système de retraite soit
universel : cela, ce n’est qu’un moyen pour aboutir à ce qu’ils veulent
réellement, c’est-à-dire à un système juste et pérenne, qui leur donne la
garantie d’une retraite.
Or le système créé par le Gouvernement est
injuste et source d’anxiété pour nos concitoyens, pour une raison simple.
Auparavant, les Français qui partaient à la retraite, qu’ils soient
fonctionnaires ou agents du secteur privé, connaissaient le montant de la
retraite qu’ils allaient toucher : elle était calculée sur la base de leur
salaire, en fonction des six derniers mois d’activité pour les fonctionnaires,
des vingt-cinq dernières années pour les agents du secteur privé.
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Mesdames et
messieurs de la majorité, je vous prie de cesser vos constantes attaques
personnelles ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Cela vous gêne… (M. Cyrille Isaac-Sibille
s’exclame.)
M. le
président. Poursuivez, monsieur le député !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. …que l’on vous dise ce que les Français ont
compris : qu’il y a une différence énorme entre une retraite calculée sur
les six derniers mois d’activité ou les vingt-cinq meilleures années, et une
retraite calculée sur quarante et un ou quarante-trois ans d’activité. Les
Français savent bien que ce nouveau calcul entraînera une baisse de leurs
pensions !
J’ajoute que le calcul fondé sur quarante et un ou
quarante-trois ans d’activité casse le mérite : votre système défavorise
ceux qui font des efforts, ceux qui se sont élevés socialement, ceux qui ont
réussi à gagner plus. Calculer la retraite en fonction des vingt-cinq meilleures
années permettait d’effacer les quinze années où l’on avait gagné
moins.
En vérité, vous ne récompensez ni le travail, ni l’effort. C’est
pourquoi votre projet de loi est si injuste !
Plusieurs députés du groupe
GDR. Très bien !
M. le
président. Permettez-moi, chers collègues, de souligner que j’ai déjà
entendu M. Le Fur défendre le même argument…
Quel est l’avis de
la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Dupont-Aignan, vous proposez de
rédiger le titre Ier du projet de loi comme suit :
« Principes d’un système universel, juste et pérenne de retraite ». Si
nous n’approuvons pas cette rédaction, nous partageons néanmoins la philosophie
qui la sous-tend. Il me semble cependant qu’avant de modifier le titre, il
conviendrait de travailler sur le fond.
J’ai souligné tout à l’heure
votre erreur sur les 4 milliards d’euros et j’ai cité le régime additionnel
de la fonction publique, ce à quoi vous avez répondu en mentionnant la Préfon.
Ce sont pourtant deux choses complètement différentes !
M. Erwan
Balanant. Mais oui !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. La Préfon continuera de jouer son
rôle.
Nous devons travailler sur le fond et examiner les amendements.
Sans doute trouverons-nous des terrains d’entente et parviendrons-nous à des
améliorations.
Quant au calcul de la retraite des fonctionnaires basé sur
les six derniers mois de salaire, je vous invite à vérifier la proportion de nos
concitoyens qui sont polypensionnés. Pour certains d’entre eux, qui ont terminé
leur carrière dans la fonction publique, la retraite est calculée sur la base
des six derniers mois d’activité ; mais sans doute avez-vous eu affaire
dans votre circonscription à des polypensionnés désireux de connaître le montant
de leur pension. Pour eux, la situation est souvent…
M. Erwan
Balanant. …inextricable !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. C’est cela, merci !
Pour les
polypensionnés, la retraite est souvent impossible à calculer, et la situation
est encore plus inextricable pour les mères ayant eu un enfant lorsqu’elles
relevaient du régime général puis un autre une fois entrées dans la fonction
publique. Ce sont ces difficultés que nous cherchons à résoudre.
Avis
défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je vous ai bien écouté,
monsieur Dupont-Aignan, et il me semble que votre demande est satisfaite par le
projet de loi.
Un député du groupe GDR.
Pas du tout !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. L’idée d’un système juste et
pérenne est précisément celle que nous défendons en séance publique depuis près
de deux jours et que nous allons continuer à défendre, celle-là même que nous
avons défendues pendant de nombreuses journées en commission spéciale.
Un
système pérenne, parce que les dispositifs permanents qui feront son équilibre
inscriront la solidarité et les droits nouveaux dans la durée.
Un système
juste aussi ; sur ce point, je vous ai peut-être mal comprise, madame
Dalloz, mais les taux de remplacement, directement liés aux parcours
professionnels, sont de ce fait très différents les uns des autres
aujourd’hui : pourquoi les avoir invoqués ? J’aurais mieux compris que
votre explication s’appuie sur les taux de rendement, mais je fais l’hypothèse
d’une simple erreur de votre part.
Les taux de rendement sont universels.
Les taux de remplacement, quant à eux, renvoient à la carrière et au niveau de
cotisation de chacun. Vous pourrez le vérifier par vous-même, madame la députée,
en vous reportant aux études du COR : les taux de remplacement sont très
différents d’un parcours professionnel à l’autre. Cela devrait vous rassurer. Le
président de la commission des finances, Éric Woerth, pourra vous le
confirmer : il connaît bien le sujet.
Votre amendement étant
satisfait, monsieur Dupont-Aignan, je vous invite à le retirer.
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Mon groupe votera contre l’amendement. Je ne le comprends pas
bien, monsieur Dupont-Aignan : il serait un cadeau extraordinaire au
Gouvernement !
On l’a dit, le système de retraite proposé n’est pas
universel puisque, pour chaque génération, la méthode ne sera pas la même et que
le taux de remplacement variera en fonction du nombre de personnes de chaque
génération. En outre, des exceptions sont déjà prévues. J’en ajoute une :
apparemment, vous auriez déjà annoncé que le régime de retraite par
capitalisation des agents de la Banque de France ne serait pas touché par la
réforme. Il est prouvé, une fois de plus, que le Gouvernement ne respecte que
les régimes par capitalisation.
Le système est également injuste puisque,
dorénavant, les Français partiront toujours plus tard à la retraite, à
65 ans, à 66 ans, à 67 ans… Cela ne peut pas être considéré comme
conforme à l’exigence de justice sociale.
Enfin, il n’est pas
pérenne : on ne sait même pas comment il sera financé ! On l’a dit, la
mesure concernant la partie de la rémunération qui dépasse les
10 000 euros mensuels coûtera la bagatelle de 3,5 à
4 milliards d’euros par an ; on ne sait toujours pas où le
Gouvernement va les trouver. Quant à la bascule des cotisations employeur de
l’État dans le nouveau système, elle devrait creuser un trou de
42 milliards et se traduira, nous l’avons bien compris, par des budgets
d’austérité auxquels il faudra bien adapter le niveau des pensions.
Au
total, le système de retraite qui nous est proposé n’est ni universel, ni juste,
ni pérenne. Il est tout le contraire !
M. le
président. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le
Fur. Le système proposé n’est absolument pas universel, pour plusieurs
raisons. Tout d’abord, les corporations subsistent. Curieusement, monsieur le
secrétaire d’État, vous vous gardez bien de parler du dispositif de la Banque de
France, dont les avantages considérables demeurent. Mais la vraie rupture
d’universalité se situe entre les générations : la génération née après
2004, celle née entre 1975 et 2004 et celle née avant 1975 auront chacune son
système, ce qui est très grave.
M. Bernard
Deflesselles. Eh oui !
M. Marc Le
Fur. Car le propre d’un système par répartition, c’est que celui qui
paie, autrement dit l’actif, sera inclus dans un système peu ou prou comparable
à celui pour lequel il paie. Ce n’est qu’à cette condition qu’il accepte de
faire un effort. Or, demain, ce ne sera plus le cas : l’actif paiera pour
les retraités d’un système dont lui-même ne bénéficiera pas lorsqu’il arrivera à
l’âge de la retraite, et qui n’est donc pas universel.
Je vais prendre un
exemple très précis et très parlant. À droite, nous aimons la famille et les
repas (« Ah ! » sur
les bancs du groupe LaREM) ; par conséquent, nous aimons les repas de
famille. (Sourires.) Imaginons un repas où se trouvent le grand-père, le
père, qui est en activité, et le fils, qui commence à
travailler.(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme Fiona
Lazaar. Où sont les femmes ?
M. Marc Le
Fur. En parlant de leur système de retraite, ils vont constater que
celui-ci est totalement différent pour chacun. (Exclamations sur les bancs du
groupe LaREM.)
M. le
président. S’il vous plaît, mes chers collègues !
M. Marc Le
Fur. Ils n’auront plus en partage une richesse commune, un même système
de retraite. Nous sommes en train de rompre avec la solidarité entre générations
qui fondait le système de 1945 ! (Mêmes mouvements.)
M.
Sébastien Jumel. Le Fur a raison !
M. Marc Le
Fur. Le système de retraite par répartition n’existe qu’en raison de la
solidarité entre générations. Si celle-ci prend fin, ce sera une rupture
fondamentale, et un temps viendra où les derniers arrivés, ceux qui sont nés
après 2004, se demanderont pourquoi ils paient pour un système dont ils ne
bénéficient pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Cet amendement pose problème, car l’adopter supposerait
qu’un certain nombre d’aménagements substantiels soient apportés à la suite du
texte. Or vous êtes au contraire en train de créer une myriade de nouveaux
régimes spéciaux – un quarante-troisième régime, d’une certaine façon, mais
en réalité bien plus que cela. En effet, ceux qui sont nés avant 1975 ne seront
pas soumis au nouveau régime tel que vous l’entendez, mais celui-ci aura sans
doute des conséquences sur eux. Il y aura ensuite ceux qui sont nés entre 1975
et 2004, et enfin ceux qui sont nés après 2004. De plus, au sein de chacune de
ces tranches d’âge, chaque génération aura des droits extrêmement
différents ; l’âge de départ reculera au fur et à mesure ; les
paramètres pourront fluctuer d’une année à l’autre. Il n’est donc pas question
d’égalité ni d’universalité dans le système que vous nous
proposez.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez critiqué l’approche
fondée sur le taux de remplacement. Nous, nous défendons l’idée d’un engagement
au sujet de ce taux. Mais même s’agissant du taux de rendement, votre texte ne
comporte aucune promesse. Nous, nous proposons qu’il y ait des garanties. Vous
n’en donnez aucune aux assurés sociaux, qu’il s’agisse de l’âge de départ ou du
niveau des pensions. C’est un problème majeur. Il y a donc un décalage flagrant
entre les intentions que vous affichez et la réalité du contenu du texte qui
nous est soumis. (M. Jean-Paul Dufrègne
applaudit.)
M.
Sébastien Jumel. Il a raison !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. L’avantage d’avoir participé à soixante-quinze heures
de travail en commission – laquelle avait adopté le
titre Ier, même si cela n’a servi a rien –, c’est de
pouvoir être convaincus que ce titre Ier définit bien un régime
universel. Ses vingt-deux articles ont trait à ce régime, qui, pour moi,
fonctionne. Le texte est bien écrit, je l’ai dit plusieurs fois ; il
devrait rassurer l’ensemble de la représentation nationale. Ça marche !
M.
Sébastien Jumel. Non, ça ne marche pas !
M.
Jean-Paul Mattei. Monsieur Dupont-Aignan, j’ignore si vous avez déposé
un amendement portant sur le chapitre Ier du projet de loi, mais
l’intitulé de celui-ci, « Un système universel commun à tous les
assurés », est beaucoup plus pertinent que celui du
titre Ier tel que vous proposez de le rédiger. C’est pour
cela que nous ne soutiendrons pas votre amendement : il est moins efficace
que le texte lui-même.
(L’amendement no 37188 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi de trois amendements identiques,
nos 25, 248 et 12014.
Sur ces amendements, je suis saisi
par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole
est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement
no 25.
M. Fabrice
Brun. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, à ce stade
de nos débats, le moins que l’on puisse dire est que vous ne nous avez pas
convaincus.
M. Fabien
Roussel. Nous non plus !
M. Fabrice
Brun. Comme Marc Le Fur l’a très bien exposé, le système que vous
proposez est tout sauf universel, puisque perdurent cinq régimes de retraite et
cohabitent au moins trois traitements générationnels, à quoi s’ajoutent les
nombreuses dérogations résultant de vos reculades.
Parce que la
communication politique n’a pas sa place dans ce texte, parce qu’un slogan ne
doit pas être gravé dans le marbre de la loi, nous proposons que l’intitulé du
titre Ier mentionne explicitement un « système de retraite
par répartition et par points ». Ne débutons pas l’examen de ce projet de
loi par un mensonge. Non, votre système n’est pas universel ! Et ce n’est
pas une affaire de sémantique : nous touchons là au cœur des objectifs du
texte, au cœur des objectifs de notre système de retraite par répartition, fondé
sur la solidarité entre générations, que nous souhaitons conforter – par
répartition, et non par capitalisation. Nous aurons l’occasion de débattre plus
avant de votre intention inavouée : ouvrir ce marché juteux, qui suscite
tant de convoitises. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. le
président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir
l’amendement no 248.
Mme
Clémentine Autain. Cet amendement est identique au précédent !
Pourquoi est-il soutenu ? C’est scandaleux !
(M. Adrien Quatennens brandit le règlement.)
M. le
président. Je vous l’expliquerai.
M. Marc Le
Fur. Ce système n’est pas universel, nous l’avons démontré. Monsieur le
secrétaire d’État, je vous ai posé une question au sujet de la Banque de France,
qui y échappe. Il en va de même d’un certain nombre de corporations, comme les
pilotes d’avion, dont on ne parle plus, car elles ont obtenu ce qu’elles
souhaitaient. Comme en grammaire française, il y a la règle, et il y a les
exceptions ! (Exclamations sur divers bancs.)
Monsieur le
secrétaire d’État, on n’a pas le droit de raconter des blagues aux gens. Vous
l’avez pourtant fait au sujet de l’âge de la retraite. J’entends encore les gens
de ma circonscription me dire lors de la campagne de 2017 :
« M. Macron, au moins, nous promet la retraite à
62 ans ! » C’est un mensonge !
M.
Sébastien Jumel. Éhonté !
M. Marc Le
Fur. Il n’y aura pas de retraite à 62 ans ; on ne pourra pas
la prendre, car ce serait une retraite de misère ! Même ceux qui auront
cotisé toutes les années nécessaires ne le pourront pas. Voilà la réalité. Dites
donc les choses ! Arrêtez d’utiliser des mots censés faire bon effet, qui
ne créent que des illusions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. Fabrice
Brun. Bravo !
M. le
président. L’amendement no 12014 de M. Jean-Louis
Masson est défendu.
M.
Sébastien Jumel. C’est bien, il y a une nouvelle jurisprudence sur les
amendements identiques : on va pouvoir parler longtemps !
Un député du groupe LR.
Ne soyez pas Autain !
M. le
président. Je vais vous répondre à ce sujet, monsieur Jumel, et à
Mme Autain par la même occasion. J’ai indiqué tout à l’heure que la
jurisprudence du Conseil constitutionnel évoquait des amendements déposés
simultanément, de manière massive, avec un exposé sommaire strictement
identique. Elle ne s’applique donc pas à ces trois amendements identiques, qui
présentent des exposés sommaires radicalement différents. (Exclamations sur
divers bancs.)
M. Bruno
Millienne. Eh oui !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces
amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il est défavorable. Chers collègues, vous
voulez faire préciser que le système universel de retraite que nous présentons
est un système de retraite par répartition et par points. Nous confirmons qu’il
fonctionnera très largement, massivement, par répartition, de manière intégrale
pour 99 % des personnes, et même pour 100 % jusqu’à hauteur de
120 000 euros. La modalité par points permet, quant à elle, un calcul
beaucoup plus lisible ; mais en aucun cas notre projet ne se résume à ces
deux aspects.
En outre, là où M. Le Fur parle de reculades,
nous parlons de transitions. On part d’une situation, on définit un
objectif ; nous prévoyons une transition d’autant plus longue que le
fonctionnement du régime actuel de l’intéressé est éloigné de celui que nous
souhaitons. Nous réaffirmons que ceux qui estiment pouvoir partir à 62 ans
seront en mesure de le faire…
M. Fabrice
Brun. Avec une super décote !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …dans des conditions qui comprendront
parfois, effectivement, des décotes. (Exclamations sur les bancs du groupe
LR.) Mais aujourd’hui, comme j’ai eu l’occasion de le dire en commission à
maintes reprises, nombre de personnes partent en retraite avec une double
décote : une pension calculée au prorata parce qu’il leur manque des
trimestres, et à laquelle on retire encore 5 % par année manquante. À ce
double malus, nous préférons un système clair, explicite. (Applaudissements
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Enfin, monsieur
Le Fur, votre exemple d’un repas de famille est très bon. Nous en avons
parlé entre collègues : certains d’entre nous participent à des repas où se
trouvent notre grand-père et notre père retraités, nous-même en activité, et nos
enfants en cours d’études.
M. le
président. Merci, monsieur le rapporteur.
M. David
Habib. C’est le rapporteur qui fait de l’obstruction,
maintenant !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Quand les actifs doivent assumer la
répartition du revenu pour trois autres générations, cela pose forcément
problème. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Le Fur, il y a
toujours danger à vouloir précipiter l’examen d’un texte, car on risque de se
tromper. Nous n’en sommes pas encore à l’article 1er ;
mieux vaut attendre l’article 7 pour parler de la Banque de France.
M.
Jean-Paul Mattei. Exactement !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Si vous aviez relu celui-ci,
comme vous allez le faire, vous y auriez vu que le nouvel article L. 381-32
du code de la sécurité sociale, créé par l’article 7 de ce projet de loi,
prévoit dans son cinquième alinéa l’intégration au régime général des assurés
relevant du régime spécial de la Banque de France. Peut-être alors vous
seriez-vous épargné cette intervention. (Applaudissements sur quelques bancs
des groupes LaREM et MODEM.) Par ailleurs, très franchement, je ne rechigne
pas à répondre ; pour savoir si je vais le faire, vous pourriez donc avoir
la gentillesse d’attendre que j’aie la parole. (Exclamations sur les bancs du
groupe LR.) Me reprocher de ne pas vous avoir répondu alors que je n’ai pas
encore eu l’occasion de le faire, ce n’est pas de bonne guerre.
((M. Jean-Jacques Bridey applaudit.)
M. Pierre
Cordier. Vous perdez du temps !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Quant aux amendements, j’y suis
défavorable. Monsieur Brun, pourquoi ferions-nous de la communication quand nous
disons que, pour les Français, les mêmes efforts donneront les mêmes
droits ?
M. Fabrice
Brun. C’est faux !
M. Hervé
Saulignac. Ce n’est pas vrai !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Quand nous disons que le
rendement sera le même pour tous ? Même M. Dharréville a fini par le
reconnaître ; il demande simplement quel en sera le niveau.
M. Fabien
Roussel. C’est vrai, on ne le connaît pas !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous en parlerons lorsque nous
en serons au titre IV, qui traite de la gouvernance du système. Tout cela
sera très intéressant ! Vous voyez, sur le fond, les lectures des uns et
des autres se complètent pour donner raison au Gouvernement.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe MODEM.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Monsieur le secrétaire d’État, si vous ne voulez pas
que nous parlions des choses avant qu’elles ne se présentent dans le texte, ne
recourez pas vous-même à ce procédé. J’ai entendu M. Turquois et d’autres
parlementaires évoquer le fameux MICO,…
M.
Sébastien Jumel. Une mauvaise glace !
Mme
Clémentine Autain. …le minimum contributif, à 1 000 euros, que
vous mettez sans cesse en avant pour valoriser votre projet de loi.
Or ce
MICO de 1 000 euros figure déjà dans la loi du 21 août 2003, dite
loi Fillon. Celle-ci prévoit qu’il n’y aura pas de retraite inférieure à
85 % du SMIC net, ce qui équivaut aujourd’hui à 1 028 euros. Mais
cette loi n’est pas appliquée !
Puisque j’évoque M. Fillon,
rappelons qu’en 2016, en pleine campagne pour l’élection présidentielle de 2017,
il fut celui qui présenta de la manière la plus limpide, la plus sincère et la
plus simple le sens du système de la retraite par points. Je ne me lasse pas de
le citer : « Le système par points, en réalité, ça permet une chose,
qu’aucun homme politique n’avoue : ça permet baisser chaque année la valeur
des points et donc de diminuer le niveau des pensions. » Voilà ce qu’est
votre projet en réalité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du
groupe FI. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Erwan
Balanant. Ce n’est pas Fillon qui a été élu !
M. le
président. La parole est à M. Damien Abad.
M. Damien
Abad. Nous ne sommes pas les seuls à contester l’universalité de votre
système puisque le Conseil d’État lui-même déclare qu’il y existe cinq régimes
distincts, sans parler des différences entre les générations.
En mettant
en avant l’universalité du régime, vous êtes pris en flagrant délit de publicité
mensongère car il n’a plus rien d’universel. M. Éric Woerth l’a
rappelé à juste titre : l’universalité est impossible, et elle n’est pas
même souhaitable car elle ne pourrait répondre à la spécificité des métiers
– les avocats, les indépendants, les professions libérales.
M. Fabrice
Brun. Les infirmières !
M.
Sébastien Jumel. Les régimes spéciaux !
M. Damien
Abad. « Si je commence à dire "on garde un régime spécial pour
l’un", ça va tomber comme des dominos. Parce que derrière on me dira :
"Vous faites pour les policiers donc les gendarmes." Ensuite, on me dira :
"Pourquoi pas les infirmières, les aides-soignants ?" »
C’est
votre président, Emmanuel Macron, qui a fait cette déclaration, reconnaissant
lui-même que la moindre exception rendrait impossible l’universalité du régime.
Hélas, c’est ce que vous faites. Votre régime est universellement injuste,
universellement complexe, universellement inapplicable. Seule la transition est
universelle ! Le régime, lui, est loin d’être universel pour tous les
Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André
Chassaigne. Je ne reviendrai pas sur la démonstration qui vient d’être
faite, car il est évident que subsisteront plusieurs régimes. On ne saurait
concevoir, ainsi, que les militaires soient soumis au même régime que d’autres
catégories professionnelles.
En revanche, il existera plusieurs régimes
au sein même de certaines catégories professionnelles. Prenons l’exemple des
agriculteurs. Les non-salariés agricoles – je ne vise pas les
salariés –, à savoir les paysans ou les chefs d’exploitation, cotisent à un
taux de 21,11 %. Il est prévu de le porter à 28,12 %. Or, de très
nombreux exploitants agricoles ne pourront pas payer une cotisation si élevée ni
même un montant de cotisation annuelle fixé à 6 000 euros au
minimum.
M. Vincent
Descoeur. Très juste !
M. André
Chassaigne. Une réflexion est déjà menée avec les organisations
syndicales pour exonérer certains d’entre eux, environ 40 %, du paiement de
cette cotisation minimale imposée par la réforme des retraites. Ainsi, au sein
d’une même catégorie, on est obligé d’introduire des différences.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Mais il y a
autre chose. Il est fréquent qu’avant de devenir chef d’exploitation, un
agriculteur ait été aide familial. C’est particulièrement vrai pour les femmes
qui ont pu travailler en tant que collaboratrices, puis devenir chefs
d’exploitation avant de partir à la retraite, quelques années après.
M. Fabrice
Brun. C’est vrai.
M. André
Chassaigne. Pour l’heure, le projet de loi ne tient pas compte du statut
d’aide familial ou de collaborateur et impose d’avoir été chef d’exploitation
pendant toute sa carrière, quarante-quatre ans durant, pour prétendre à une
pension minimum de 1 000 euros. Le reste n’est que mensonge !
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur les
bancs du groupe LR. – M. Philippe Vigier
applaudit également.)
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Bravo !
M. André
Chassaigne. Dans les faits, l’universalité n’existe ni entre les
catégories ni au sein d’une même catégorie. (Applaudissements sur plusieurs
bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur les bancs du groupe LR.)
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Très belle démonstration !
M.
Sébastien Jumel. Vous ne pouvez pas le contredire !
M. Vincent
Descoeur. Les agriculteurs ne s’y retrouvent pas !
M. le
président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de
Courson. La majorité est victime de l’engagement pris par le candidat à
la présidence de la République…
M.
Jean-Paul Lecoq. Sans réfléchir !
M. Charles de
Courson. …de créer un régime universel de retraite par points, notionnel
de surcroît. La piste d’un régime en comptes notionnels est abandonnée :
monsieur le secrétaire d’État, vous n’en avez jamais parlé, c’est
terminé.
Par ailleurs, un système universel intègre tout le monde et fait
bénéficier tout le monde des mêmes prestations pour les mêmes cotisations. Dès
lors, monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous m’expliquer comment un régime
peut être universel s’il a été promis aux professions indépendantes un
abattement de 30 % sur l’assiette de leurs cotisations sociales et de la
CSG – mesures que le Conseil constitutionnel pourrait fort bien annuler, au
passage ?
Comment pouvez-vous défendre l’universalité du régime
alors que vous avez accepté le maintien du régime de retraite complémentaire des
pilotes de ligne ainsi que des personnels navigants
commerciaux ?
Autre exemple, plutôt amusant : comment
appliquerez-vous le régime universel aux membres du Conseil constitutionnel,
dont le mandat est de neuf ans ? Comment leur appliquerez-vous la règle des
dix-sept ans avant le départ à la retraite ?
M. Erwan
Balanant. Ils sont déjà à la retraite.
M. Charles de
Courson. Comment ferez-vous pour les parlementaires ?
Au
fond, votre régime universel n’existe pas. Il n’est, comme le dit si bien le
Conseil d’État dans son avis, qu’un ensemble de régimes particuliers. C’est vrai
des cotisations comme les prestations. Pourquoi vous obstinez-vous à défendre un
régime universel alors que, d’ores et déjà, vous vous êtes engagés pour un
régime non universel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et
sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.
– M. Philippe Vigier et
M. Nicolas Dupont-Aignan applaudissent également.)
M. David
Habib. Enfumage !
M. le
président. La parole est à Mme Cendra Motin.
Mme Cendra
Motin. Il est important de souligner que ce texte ainsi que le projet de
loi organique qui suivra rappellent la règle d’or : ils sanctifient
(Brouhaha) le fait que la valeur des points ne pourra pas être inférieure
au niveau de l’inflation. (Exclamations sur les bancs des groupes LR, LT, FI
et GDR.)
M. Hervé
Saulignac. « Sanctuarisent », pas
« sanctifient » !
M. Pierre
Cordier. Elle croit au père Noël !
Mme Cendra
Motin. Nous sanctifions dans le projet de loi organique le fait que la
revalorisation d’une pension de retraite ne pourra jamais être négative ni
inférieure à l’inflation. Cette mesure sera inscrite dans le projet de loi
organique pour qu’il ne soit plus possible de revenir en arrière.
M.
Sébastien Jumel. Vous avez refusé l’amendement de M. Vigier en
commission !
Mme Cendra
Motin. Quant au principe d’universalité, il signifie que nous ne voulons
plus des régimes spéciaux. Les Français sont très attachés à cet objectif.
(M. Olivier Damaisin applaudit.)
Un député du groupe SOC.
Demandez-le leur !
Mme Cendra
Motin. Nous réalisons la convergence que votre famille politique,
messieurs, voulait tant et qu’elle avait promise.
M. Damien
Abad. Baratin !
M. le
président. Adressez-vous directement à moi, ce sera plus simple…
Mme Cendra
Motin. Reprenons enfin la métaphore de M. Le Fur :
reconnaître des différences ne revient pas à renoncer à l’universalité, mais à
montrer que, dans une famille, on peut et on doit prendre en compte les
différences ; autour d’une même table, les convives ne sont pas obligés de
manger la même chose, ce qui ne les empêche pas de partager un même repas.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Marc Le
Fur. On a compris ! Le menu est distinct !
M.
Sébastien Jumel. Il n’y aura pas de place pour tout le monde au banquet
des marcheurs !
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Mme Motin a employé le terme « sanctifier ».
M. Laurent
Saint-Martin. Elle voulait dire « sanctuariser » !
M. Boris
Vallaud. De fait, votre appréciation de cette réforme relève de la foi.
Vous croyez pour voir mais, pour notre part, nous voyons pour croire, ce qui est
bien différent. L’étude d’impact et l’avis rendu par le Conseil d’État sur les
deux projets de loi sont éloquents : vous maintenez cinq régimes au sein
desquels subsisteront des régimes dérogatoires et plusieurs caisses coexisteront
encore.
Non, chaque euro cotisé ne produira pas les mêmes droits. D’une
génération à l’autre, les niveaux de cotisation ne seront pas les mêmes, ni les
taux de remplacement, y compris au sein du même régime. L’âge pivot ne sera pas
le même, ni l’âge de départ à la retraite, ni même le taux de rendement : à
ce sujet, le secrétaire d’État ne dit pas la vérité ! Le taux de rendement
ne sera pas le même pour tout le monde et il n’atteindra même pas 5,5 %,
niveau évoqué sans être inscrit dans le texte. Vous ne pouvez nier que le taux
de rendement réel sera différent pour les indépendants et les
salariés.
Sans parler des spécificités que vous revendiquez alors que
vous les consacrez au doigt mouillé, à l’issue d’un rapport de force ou en
montrant une certaine faiblesse à l’endroit d’une profession. Pourquoi les
pilotes de ligne partiraient-ils plus tôt à la retraite que les
infirmières ? Celles-ci exercent un métier au moins aussi pénible que le
leur. (M. Alain Bruneel approuve.) Le Conseil d’État
n’affirme-t-il pas lui-même qu’il ne peut garantir que ces différences de
traitement soient fondées eu égard au principe d’égalité ? Non seulement
votre régime n’est pas universel, mais il est très défaillant du point de vue de
la sécurité juridique.
Soyons francs : cette réforme est un vaste
capharnaüm ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, FI
et GDR.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 25, 248 et 12014.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 228
Nombre
de suffrages
exprimés 222
Majorité
absolue 112
Pour
l’adoption 60
Contre 162
(Les amendements identiques nos 25, 248 et
12014 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. À la suite du rejet de ces amendements, les amendements ayant
un dispositif identique déposés aux autres articles du projet de loi tomberont,
comme cela a été indiqué ce matin en conférence des présidents. Ce faisant, nous
ne faisons que reprendre un usage ancien et constant de l’Assemblée
nationale.
Je suis saisi d’un amendement no 23845 qui
fait l’objet d’un sous-amendement no 41892.
La parole est
à M. Hervé Saulignac, pour soutenir l’amendement.
M. Hervé
Saulignac. Cet amendement concerne le même sujet que les précédents sans
leur être identique.
Universel ou non ? Les Français se sont déjà
fait leur opinion, car ils connaissent leur langue et savent que les mots ont un
sens. Universel signifie « pour tous ». Un régime universel assurerait
à tous une protection, dans un esprit de justice sociale et à égalité de droits.
Ils ont vu avec quelles difficultés vous argumentez alors qu’il vous aurait été
si facile de présenter un régime réellement universel.
Vous avez cru, à
la suite du Président de la République, qu’il suffirait de supprimer les régimes
spéciaux et d’instituer un régime par points pour habiller ce projet de loi du
si joli terme d’« universel ».
La réalité est bien différente,
comme l’ont relevé plusieurs orateurs. Dès lors que vous prévoyez de maintenir
pas moins de cinq régimes dérogatoires, il n’y a plus d’universalité.
Dès
lors qu’en cas de cumul d’un emploi avec la retraite, certains cotiseront et
paieront sans recevoir de point en retour, il n’y a plus d’égalité de droits,
sans parler d’universalité.
Nous pourrions multiplier les exemples sans
que vous puissiez nous opposer d’arguments valables, car vous êtes enfermés dans
votre propre sémantique. Vous savez fort bien que ce régime n’est pas universel,
mais vous ne pouvez l’avouer, car cela fait trois mois que vous expliquez aux
Français qu’il l’est !
M. Boris
Vallaud. Mais oui !
M. Hervé
Saulignac. Pour vous, l’universalité revient à étendre à tous un système
injuste et hasardeux. Nous n’en voulons pas ! C’est pourquoi nous vous
demandons de substituer au terme d’universel les mots « de retraite par
points », qui auraient au moins le mérite de l’honnêteté.
M. Boris
Vallaud. Très bien ! Assumez votre bricolage !
M. le
président. Sur le sous-amendement no 41892, je suis
saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour le
soutenir.
M. Adrien
Quatennens. Plutôt que de souligner l’absence d’universalité du régime
par points que vous voulez instaurer, nous préférons mettre en avant le
caractère extrêmement individuel de ce régime.
Soyons clairs : à ce
stade, votre système par points reste un système par répartition, car ce seront
toujours les actifs d’aujourd’hui qui paieront les pensions des retraités
d’aujourd’hui. Toutefois, il est incontestable que ce système mime le système
individuel par capitalisation et constitue ainsi une étape intermédiaire vers la
capitalisation. Si l’objectif était d’instaurer après-demain un système par
capitalisation, l’étape intermédiaire serait nécessairement ce régime par
points.
Sans attendre, vous l’encouragez comme jamais, par trois moyens.
La loi PACTE, d’abord, a encouragé fiscalement ce dispositif. Par ailleurs, si
l’âge légal de départ à la retraite est maintenu à 62 ans, l’âge
d’équilibre est décalé, de sorte que l’on a intérêt à consulter son banquier ou
son assureur pour compléter ses revenus si l’on ne veut pas subir de décote.
Enfin, vous avez abaissé le plafond des très hauts revenus pour qu’une part
considérable de la richesse des retraites parte vers les systèmes par
capitalisation.
À ce jour, les seuls à se réjouir de la réforme des
retraites sont les assureurs, les banques et les fonds de pension. Il n’est pas
une seule interview abordant la réforme qui ne soit précédée, notamment en
matinale, par une page de publicité au cours de laquelle telle banque ou telle
assurance propose des compléments de retraite par capitalisation. Voilà qui est
limpide !
M. Erwan
Balanant. Il en a toujours été ainsi !
M. Adrien
Quatennens. Votre intention, c’est que les 300 000 milliards
qui financent les retraites fuient progressivement et très méthodiquement vers
les systèmes par capitalisation. (M. Nicolas Dupont-Aignan
applaudit.)
Un député du groupe
LaREM. N’importe quoi !
M. Adrien
Quatennens. M. Delevoye a oublié de déclarer ses liens avec les
assureurs, mais les assureurs, eux, n’oublient pas leurs liens avec votre
réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
– M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit
également.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et sur le
sous-amendement ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Le sous-amendement n’a pas été examiné par
la commission. À titre personnel, j’y suis défavorable.
S’agissant des
amendements, j’aimerais rétablir quelques vérités.
Monsieur Chassaigne,
vous avez évoqué tout à l’heure une cotisation de 6 000 euros. Or vous
confondez l’assiette et la cotisation, ce qui n’est pas la même chose.
L’assiette sera de 6 000 euros, contre 8 000 euros
actuellement, soit 800 SMIC horaires.
Vous avez évoqué, monsieur
de Courson, l’abattement de 30 % sur l’assiette de la CSG. Je sais que
vous êtes très à l’aise avec les chiffres, mais je vous invite à vous poser des
questions. Pour calculer ses cotisations, un indépendant doit connaître ses
cotisations ; il y a une circularité du système. Pour un salarié, on
calcule la CSG et les cotisations sur le salaire brut. Pour un indépendant, on
calcule les cotisations sur le salaire super-brut, c’est-à-dire le revenu auquel
on ajoute les cotisations elles-mêmes, considérées comme une part du
revenu.
Il y a là une forme d’iniquité. Les indépendants, je le rappelle,
présentent la particularité d’être considérés à la fois comme des employeurs et
comme des employés. Il nous a donc semblé juste – nous y reviendrons
longuement lorsque nous examinerons les articles 15 à 21 – que la
cotisation des indépendants soit « pleine » jusqu’au seuil de
1 plafond annuel de la sécurité sociale et réduite à la seule part
salariale au-delà.
Mon avis est donc défavorable.
M. le
président. Pour la clarté des débats, monsieur le rapporteur, je vous
invite à ne pas revenir sur les amendements examinés antérieurement.
Mme
Marie-Noëlle Battistel. Oui, ce serait une bonne chose !
Tenons-nous-en aux amendements en discussion !
M. le
président. Naturellement, M. de Courson demande la parole pour
vous répondre, ce qui va créer un trouble à propos de l’amendement que nous
examinons.
M. Hervé
Saulignac. Et moi, je n’ai pas eu ma réponse !
M. André
Chassaigne. Nous avons le temps, monsieur le président ! Nous ne
sommes pas pressés !
M. le
président. Je déduis en tout cas de vos propos que vous êtes défavorable
à l’amendement et au sous-amendement.
Mme
Marie-Noëlle Battistel. Mais sans aucune explication !
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je me suis exprimé à de
nombreuses reprises sur ce que nous entendions par « universalité ».
Le rapporteur a été clair à ce sujet.
Mon avis est donc défavorable sur
l’amendement et sur le sous-amendement.
Mme Cécile
Untermaier. Vous pourriez répondre à M. Saulignac !
M. Hervé
Saulignac. Bravo, monsieur le secrétaire d’État ! Quel niveau
élevé !
M. le
président. La parole est à M. Erwan Balanant.
Il serait bon
que les orateurs parlent de ce que nous sommes en train d’étudier, sans
digression excessive.
M. Hervé
Saulignac. Merci, monsieur le président !
M. Erwan
Balanant. Tout à fait, monsieur le président. Je vais faire mieux
encore : je vais parler des amendements qui viennent. (Sourires sur les
bancs du groupe MODEM. – Protestations sur les bancs des
groupes SOC et GDR.)
Le sous-amendement de Mme Autain et
certains des amendements suivants relèvent d’un nouveau phénomène
d’obstruction : ce sont des amendements répétitifs de dernière minute qui
visent à ralentir les débats.
M. Hervé
Saulignac. Vous nous faites perdre du temps ! Nous sommes
pressés !
Mme Marie-Noëlle
Battistel et M. David Habib. C’est vous qui faites de
l’obstruction ! Ne prenez donc pas la parole !
M. le
président. Laissez M. Balanant s’exprimer…
M. Erwan
Balanant. Monsieur Chassaigne, monsieur Quatennens, depuis le début, nos
débats éclairent un certain nombre de points et permettent aux Français de
constater que notre réforme est bonne.
M. Hervé
Saulignac. Et l’amendement ?
M. Erwan
Balanant. Toutefois, j’ai un peu de mal avec les séries d’amendements
qui suivent, y compris ceux de M. Dupont-Aignan : il s’agit de jeux de
mots ; ils tendent à modifier un unique terme ou à déplacer une virgule.
C’est un peu pénible.
M. Pierre
Cordier. Nous perdons du temps, monsieur le président !
M. Erwan
Balanant. Puisque vous voulez débattre, ce que je comprends tout à fait,
restons concentrés sur le fond et ne perdons pas de temps à examiner ces
amendements qui ne servent pas le débat, ne le font pas avancer et, franchement,
ne font pas honneur à la fonction parlementaire. (Applaudissements sur de
nombreux bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Hervé
Saulignac. Nous perdons du temps ! Quelle mauvaise foi ! Et
l’amendement ?
M.
Sébastien Jumel. Cette intervention était complètement
inutile !
M. le
président. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Le sous-amendement de Clémentine Autain est très juste, car il
permet d’éclairer chacun de nos concitoyens sur le contenu réel du texte de
loi : il vise à préciser que les points seront collectés de façon
individualiste. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
FI.)
On ne pourra plus dire qu’il s’agit un système par répartition,
à moins qu’il ne s’agisse de répartir la pauvreté que vous provoquez dans notre
pays ! (Murmures sur les bancs du groupe LaREM.)
En effet,
vous excluez du système actuel une partie des cadres, notamment ceux qui gagnent
plus de 10 000 euros par mois, lesquels ne verseront plus qu’une
cotisation de 2,8 %. Vous priverez ainsi les caisses de retraite de
4 milliards d’euros. Il reviendra donc aux salariés du public et du privé
de cotiser entre eux pour financer leurs futures retraites.
En outre,
demain, avec votre système de retraite par points, les salariés ne pourront plus
savoir quel montant de pension ils toucheront à la fin de leur carrière, alors
qu’aujourd’hui, ils savent que leur retraite correspondra à 75 % de leur
salaire moyen calculé, dans le public, sur les six derniers mois ou, dans le
privé, sur les vingt-cinq meilleures années. Que percevront-ils dans le système
par points ? Il faut qu’ils soient éclairés à ce sujet. Or nous ne
connaissons pas la valeur du point, ni son évolution. Les salariés savent
seulement que les pensions seront indexées sur l’inflation, disposition à
laquelle, pour le coup, vous tenez.
Selon moi, les intitulés qui figurent
dans les textes de loi doivent être clairs, et il faut dire clairement aux
Français de quoi il retourne. (Applaudissements sur plusieurs bancs des
groupes GDR et FI.)
M. André
Chassaigne. Excellent !
M. le
président. La parole est à M. Christian Hutin.
M.
Christian Hutin. Mon intervention sera beaucoup plus construite que les
réponses de M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État à mon ami
Hervé Saulignac.
Dans votre réforme, il y a un mot que j’aime bien :
« point ». En effet, dans votre réforme, il n’y a point
d’universalité,… (Murmures sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Quel niveau pitoyable !
M.
Christian Hutin. …il n’y a point de justice sociale, il n’y a point de
progrès pour les femmes.
En outre, il n’y a point de discussion légitime
au Parlement, dans la mesure où nous ne connaissons actuellement aucun des modes
de financement.
Enfin, il n’y aura point d’assentiment du Conseil
constitutionnel. Nous parlons dans le vide et nous allons continuer à le faire
pendant trois semaines. Voilà l’essentiel.
M. Fabrice
Brun. Votre intervention tombe à point !
M.
Christian Hutin. Il est évident qu’il n’y a point d’universalité ni
d’universalisme dans tout ce que vous nous racontez. Il y aura davantage de
régimes spéciaux qu’il n’y en avait auparavant, ce qui est tout de même très
difficile à comprendre !
Je m’étonne chaque jour que les jeunes ne
se révoltent pas. Vous n’avez pas mis le pays à feu et à sang, mais vous avez
réussi à instiller le doute chez des générations entières quant aux moyens dont
ils disposeront pour vivre plus tard. (Applaudissements sur plusieurs bancs
du groupe FI.)
M. David
Habib. Très bien !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Un point, c’est tout !
M. le
président. La parole est à M. Charles de Courson.
Il
serait préférable que votre intervention porte sur l’amendement en
discussion…
M. Charles de
Courson. Je souhaite répondre à M. le rapporteur.
Pour faire
passer la pilule, le Gouvernement promet aux indépendants un double abattement
de 30 %, d’une part sur l’assiette de la CSG, d’autre part sur l’assiette
des cotisations sociales.
Je prends le pari que l’abattement de 30 %
sur l’assiette de la CSG sera censuré par le Conseil constitutionnel.
M. Damien
Abad. Bien sûr !
M. Boris
Vallaud. C’est évident !
M. Meyer
Habib. Mais oui !
M. Charles de
Courson. Pourquoi ? Parce que la CSG est une imposition de toute
nature. Or il n’est pas possible de créer des assiettes à géométrie variable
pour un impôt !
J’en viens aux cotisations sociales. Vous pouvez
instituer un abattement de 30 % sur leur assiette lorsqu’il s’agit d’un
régime indépendant ou autonome, mais, dans un régime universel, vous ne pouvez
pas prévoir un abattement spécifique au bénéfice de telle ou telle
catégorie.
M. Hervé
Saulignac. Si, mais alors il n’est plus universel !
M. Charles de
Courson. Comment allez-vous le justifier ?
(Mme Muriel Ressiguier applaudit.)
Vous êtes
sûrs d’aller au gnouf : il y aura une annulation par le Conseil
constitutionnel.
M. Damien
Abad. Mais oui !
M. Charles de
Courson. Que diront les indépendants à ce moment-là ? Qu’ils ont
été trompés.
M. Damien
Abad. Exactement !
Un député du groupe LR.
Une fois de plus !
M. David
Habib. Comme d’habitude !
M. Damien
Abad. Il faut le dire à Mme Belloubet !
M. Charles de
Courson. Il ne fallait pas intégrer les indépendants dans le régime
unique – et non pas universel.
M. David
Habib. Nous vous l’avons dit !
M. Charles de
Courson. Voilà ce qui vous attend dans quelques mois, mes chers
collègues, quand le texte sera soumis au Conseil constitutionnel.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et
UDI-Agir.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Monsieur Balanant, j’ai découvert ce soir que nous
aurions pu faire beaucoup mieux pour ralentir les débats : il nous aurait
suffi de modifier l’exposé sommaire de nos amendements identiques pour avoir
chacun et chacune la parole.
M. Bruno
Millienne. Encore de l’obstruction !
Mme
Clémentine Autain. Je prends acte de l’existence de cette méthode, qui
nous permettra d’être plus efficaces dans d’autres débats.
Puisque vous
avez visiblement un doute sur la pertinence de notre méthode, mes chers
collègues,…
M. Bruno
Millienne. Ce n’est plus un doute, c’est une certitude !
Mme
Clémentine Autain. …je vous rappelle qu’en commission, elle nous a
permis de lever un certain nombre de lièvres.
M. Bruno
Millienne. Étaient-ils de garenne ?
Mme
Clémentine Autain. Tel a notamment été le cas à propos de la valeur du
point. Mme Motin nous dit qu’il y aura une règle d’or : la valeur du
point ne pourra pas baisser. Pardonnez-moi de le dire, mais c’est vraiment
n’importe quoi !
M. Bruno
Millienne. Ce n’est pas un argument !
Mme
Clémentine Autain. D’abord, vous ne savez pas encore précisément comment
sera calculée la valeur du point. Il y a le fameux coefficient d’ajustement, qui
dépendra de paramètres dont la définition a évolué au fil de la discussion du
projet de loi. Nous nous souviendrons – c’est un épisode mémorable –
que vous y avez fait entrer, au moyen d’un chausse-pied, le « revenu moyen
d’activité », indice inconnu de l’INSEE. Pourtant, dans le projet de loi
organique, on retrouve un autre paramètre, celui de l’inflation.
M. Frédéric
Petit. Ce sont deux choses différentes !
Mme
Clémentine Autain. Je pense qu’on a déjà perdu tout le monde en
chemin…
Une chose est certaine : dès lors qu’il y aura un âge
d’équilibre et un système de décote et de surcote, par définition, le niveau des
retraites diminuera lorsque l’âge d’équilibre augmentera. C’est aussi simple que
cela.
De même, le fait de retenir l’ensemble de la carrière au lieu des
meilleures années pour le calcul des pensions reviendra nécessairement à en
abaisser le niveau. (Mme Muriel Ressiguier
applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. La réforme est devenue inexplicable, et je ne comprends toujours
pas pourquoi le Gouvernement s’est mis dans une telle situation.
Mme
Marie-Noëlle Battistel. Nous non plus !
M.
Christian Hutin. La majorité aussi aimerait bien comprendre !
M. Éric
Woerth. Pour améliorer les choses, vous n’étiez pas obligés de faire
tout cela, notamment de passer par un système pseudo-universel. Il n’est pas
étonnant, dès lors, que certains amendements tendent à caricaturer vos
propositions.
Vous auriez pu procéder autrement. Vous en aviez même le
devoir. Vous ne l’avez pas fait, ce qui est, honnêtement,
incompréhensible.
Ce qui importe, comme avec la température, est le
ressenti. Or il n’y aura pas d’universalité ressentie, ni à la fin du processus,
ni pendant les phases de transition, que l’on oublie toujours. Celles-ci sont
tellement longues – dix, quinze, vingt, vingt-cinq, voire quarante
ans – que nous sommes bien obligés d’en parler : elles correspondent
peu ou prou à la durée d’une carrière et auront un impact direct sur la vie des
gens. Par principe, il n’y aura aucune universalité ressentie au cours de ces
phases de transition très complexes.
J’ai fait le compte : le projet
de loi ordinaire fait référence à dix-huit dates d’entrée en vigueur
différentes, relatives à trente-neuf dispositions particulières de la réforme,
qui portent notamment sur les points.
M.
Jean-Paul Mattei. C’est normal !
M. Éric
Woerth. Il y a trois catégories d’assurés : ceux qui sont nés avant
1975, ceux qui sont nés avant 1985 et les autres. Comment voulez-vous
appréhender une telle matrice ? La vie des gens n’est ni une matrice ni un
tableau Excel ! Elle est très éloignée de ce système, quelle que soit la
bonne volonté que vous pourrez y mettre. (Applaudissements sur quelques bancs
du groupe LR.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41892.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 183
Nombre
de suffrages
exprimés 164
Majorité
absolue 83
Pour
l’adoption 26
Contre 138
(Le sous-amendement no 41892 n’est pas
adopté.)
M. André
Chassaigne. Dommage !
(L’amendement no 23845 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je vous indique qu’à la suite du rejet de cet amendement, les
amendements ayant un dispositif identique déposés sur les autres articles du
projet de loi tomberont, comme cela a été rappelé ce matin en conférence des
présidents et comme je vous l’ai redit précédemment.
La suite de la
discussion est renvoyée à la prochaine séance.
3
Ordre du jour de la prochaine séance
M. le
président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures
trente :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un
système universel de retraite et du projet de loi organique relatif au système
universel de retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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