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Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Deuxième séance du mardi 18 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de M. Richard Ferrand
1.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (suite)
Avant
l’article 1er (suite)
Amendement no 37190
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale pour le titre Ier
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Amendements nos 37195
, 37
, 208
, 250
Rappels
au règlement
M. Pierre
Dharréville
M. André
Chassaigne
Avant
l’article 1er (suite)
Amendements nos 25456,
25742, 25743,25744, 25745, 25746, 25747, 25748, 25750, 25751, 25752, 25753,
25754, 25755, 25756
Suspension
et reprise de la séance
Amendements nos 41999,
42000, 42001, 42002, 42004, 42005, 42007, 42008, 42009, 42010, 42011, 42012,
42013, 42015, 42016 (sous-amendements)
M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale
Demande
de vérification du quorum
Suspension
et reprise de la séance
Amendements nos 384
, 535
, 23846
, 41983
(sous-amendement) , 2302,
2303, 2304, 2305, 2306, 2307, 2308, 2309, 2310, 2311, 2312, 2313, 2314, 2315,
2316, 2317, 2318 , 42067
(sous-amendement)
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
M. Richard Ferrand
M. le
président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le
président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du
instituant un système universel de retraite (nos 2623 rectifié,
2683).
Discussion des articles (suite)
M. le
président. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des
articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 37190
portant article additionnel avant l’article 1er.
Avant l’article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir
l’amendement no 37190.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Cet amendement vise à ajouter le mot
« répartition » à l’intitulé du titre 1er. Nous avons
eu cet après-midi un débat sur la distinction entre répartition et
capitalisation. Si nous réfléchissons à votre projet en prenant un peu de
recul…
Un député du groupe
LaREM. Il est bon de réfléchir, en effet !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Oui, cela peut être utile avant de voter, cher collègue…
Si nous réfléchissons, donc, nous nous apercevons que votre réforme fragilise
les retraites et les futurs retraités. Ainsi, l’anxiété les incitera à souscrire
des plans d’épargne retraite, que vous avez d’ailleurs favorisés avec l’adoption
de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite
PACTE.
En examinant l’étude d’impact – sujette à caution –, on
s’aperçoit que le pourcentage du produit intérieur brut – PIB – que la
nation consacrerait aux retraites passerait de 14 % aujourd’hui à
12,9 % en 2050. Qu’on m’explique comment vous empêcherez les pensions de
baisser, alors même que le rapport entre le nombre d’actifs et le nombre de
retraités aura diminué – c’est-à-dire que les seconds seront
proportionnellement plus nombreux.
Cet argent que la nation ne consacrera
pas aux retraités les obligera à avoir recours à un système par capitalisation,
que vous ouvrez d’ailleurs aux plus hauts revenus, lesquels représentent le
marché le plus juteux pour les assureurs et les banques – ceux qui ont fait
la victoire électorale du Président de la République.
La vraie question
est de savoir si vous êtes vraiment attachés au système par répartition. Si tel
est le cas, votez en faveur de mon amendement, qui fera figurer le mot
« répartition » dans le titre. Il sera encore temps, ensuite, de
détricoter votre projet.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Merci à vous !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Si tel n’est pas le cas, cela signifie que la répartition
n’est plus qu’un souvenir, parce que le système à points ouvre la voie à un
passage à la capitalisation par tranche de revenus, puisqu’elle constituera le
seul moyen de partir à la retraite avec une pension correcte avant d’être
malade, à 61, 62 ou 63 ans : avec votre système, la pension avant
65 ans sera très modeste.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. C’est votre
interprétation !
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur
de la commission spéciale pour le titre Ier, pour donner l’avis de la
commission.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale pour le titre Ier.
Avis défavorable. En aucun cas nous ne figeons un pourcentage de la part de PIB
consacrée aux retraites : le taux que vous avez mentionné correspond
simplement à un constat établi par le Conseil d’orientation des retraites, le
COR, et sa diminution s’explique par deux raisons. Premièrement, l’évolution du
PIB, selon les hypothèses qu’il prend en considération, sera supérieure à
l’évolution de la population de retraités.
M.
Jean-Paul Lecoq. C’est purement théorique et prospectif !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale pour le titre Ier.
Deuxièmement, il ne vous aura pas échappé que, depuis 1987, les pensions sont
indexées sur l’inflation, donc sous-indexées par rapport à l’évolution des
salaires : au bout de vingt-cinq ans, de 1993 à aujourd’hui, on aboutit
ainsi à un écart de 30 % entre l’évolution de l’inflation et l’évolution
des salaires. Par conséquent, le pourcentage du PIB consacré aux retraites
diminue mécaniquement même celles-ci augmentent, dès lors qu’elles le font
comparativement moins vite. C’est pourquoi nous voulons indexer les retraites
sur un indicateur plus dynamique, qui prenne en compte les revenus.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Il est
défavorable. M. le rapporteur a été très clair : la France, monsieur
Dupont-Aignan, compte 2 millions de retraités de plus qu’il y a dix ans,
tandis que la pension moyenne a augmenté de 20 %. Quant à la part du PIB
qui y est consacrée, je vous renvoie à la lecture – passionnante – du
rapport du COR : elle est restée la même, soit 13,7 %.
M. Bruno
Millienne. Eh oui !
M. Frédéric
Petit. En effet, 2,7 % de quelque chose qui augmente, ça
augmente !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Nous savons que le nombre de retraité augmentera
considérablement dans les années à venir et que si nous voulons améliorer leurs
droits, il sera nécessaire d’aller chercher des points de PIB supplémentaires.
Ce n’est pas le choix que vous faites avec ce projet.
Tout à l’heure,
monsieur le rapporteur, vous m’avez fait tenir des propos qui n’étaient pas les
miens ; je maintiens que vous ne garantissez rien, notamment pas de taux de
rendement. Votre texte ne comporte aucune assurance en ce sens, d’autant que
vous avez choisi d’installer cinq leviers dans le cockpit que vous avez conçu
pour piloter votre réforme paramétrique, qui repose sur un permanent ajustement
des pensions et du droit à la retraite.
Le premier levier est la valeur
d’achat du point, et le deuxième, la valeur de service. En jouant habilement sur
l’écart entre les deux, vous pouvez pratiquer des ajustements. Vous aviez prévu
à l’origine d’indexer la valeur de service sur les salaires, puis vous avez
changé pour le revenu d’activité par tête, que vous créez pour l’occasion et qui
sera inférieur au salaire moyen. Il ne sera institué qu’en 2045 : d’ici là,
vous avez donc le temps de faire « mumuse » avec ces deux
leviers.
Le troisième levier est l’âge d’équilibre, qui reculera de
génération en génération. Le quatrième est la revalorisation des pensions, qui
ne sera pas indexée, contrairement à ce que laisse entendre votre discours
quelque peu approximatif, sur l’évolution des salaires : elle sera soumise
à votre main au sein de la Caisse nationale de retraite universelle – CNRU.
Le dernier correspond à la décote de 5 %, qui pourra évoluer en fonction
des décisions prises par la Caisse.
M. le
président. Merci, monsieur Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je termine d’une phrase, monsieur le
président.
L’ensemble des dérogations inscrites dans le projet de loi,
disais-je, montrent bien qu’il n’offre aucune garantie.
M. le
président. La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis
Corbière. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur le fond.
L’amendement de M. Nicolas Dupont-Aignan comporte sans doute une part
d’ironie, néanmoins je le comprends comme une adresse faite à nos collègues du
groupe La République en marche : puisque vous ne cessez de répéter que vous
maintenez le régime par répartition, écrivez-le !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Eh oui !
M. Alexis
Corbière. Inscrivez le mot dans le titre ! Voilà le débat ! Je
ne comprendrais pas que nos collègues, qui ont expliqué sur tous les plateaux
télévisés que le projet de loi maintenait le système par répartition, soient
d’un seul coup pris de je ne sais quelle réticence à l’inscrire dans le
titre,…
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Ça les gêne !
M. Alexis
Corbière. …à moins que l’on puisse par là vérifier qu’en vérité, le
système par répartition n’est pas maintenu. Puisque vous estimez depuis le
départ que nous sommes trop tatillons et que d’autres collègues font des
propositions plus constructives, votez cet amendement constructif, qui vise à
exprimer ce que la majorité ne cesse de répéter ! Si vous le rejetez, ce
sera la claire confirmation que nous avons eu bien raison de déposer
20 000 amendements !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Voilà, merci !
M. Bruno
Millienne. Ce n’est pas beau d’être suspicieux !
(L’amendement no 37190 n’est pas
adopté.)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir
l’amendement no 37195.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. J’ai une autre proposition : puisque vous refusez
d’ajouter le mot « répartition », je propose de remplacer, à la fin de
l’intitulé du titre Ier, les mots : « universel de
retraite » par les mots : « de retraite instituant un régime
spécial pour les plus hauts revenus ».
M.
Jean-Paul Lecoq. Très juste !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. En effet, le grand paradoxe de votre projet est de vous
opposer aux régimes spéciaux tout en en créant un nouveau. Il ne s’agit pas d’un
aménagement dérogatoire, institué en faveur d’une profession, mais bien d’un
régime spécial, qui coûtera les yeux de la tête au régime général.
On
nous explique dans la conférence de financement que le système sera en déficit
en 2025 – personne ne sait d’ailleurs comment ni pourquoi : tout
dépendra de la création de richesses, dont personne ne parle, ou encore de la
relocalisation des activités. Vous ne raisonnez que selon une logique
malthusienne, mais admettons. Personne ne nous dit combien cela coûtera.
J’aimerais que M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État nous disent
combien le nouveau régime spécial, en faveur des plus hauts revenus, coûtera, y
compris en additionnant les sommes annuelles. Dites-le aux Français !
M. Erwan
Balanant. On a déjà répondu trois fois !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Vous leur demandez des économies, tandis que vous allez
creuser le déficit : c’est incohérent !
M. Erwan
Balanant. C’est tout le contraire !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il est évidemment défavorable. Dans votre
amendement no 37165, vous évoquez un système de retraite incapable de
garantir un âge précis de départ à la retraite. Je voudrais citer une enquête
menée l’an passé et largement publiée : interrogés quant aux espérances
qu’ils nourrissent par rapport à l’actuel système de retraites, 85 % des
sondés considèrent qu’il risque de disparaître.
Concernant l’amendement
en discussion, le système par répartition a permis de résorber une grande part
de la pauvreté des retraités. Leur revenu moyen s’élève désormais à 106 %
de celui des actifs. En 1993, 10 % des retraités étaient considérés comme
pauvres, et ils ne sont plus que 7 %. Cette amélioration cache certes des
hétérogénéités,…
M. Fabrice
Brun. Elle masque beaucoup de disparités, notamment chez les femmes et
les agriculteurs !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …mais le travail doit être poursuivi. En
revanche, 30 % des actifs âgés de 25 à 30 ans sont pauvres : nous
devons fournir un véritable effort pour améliorer leur situation, et les
questions de financement, que ce soit pour aujourd’hui ou pour demain, sont
déterminantes.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Il n’y a pas de financement !
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je vous invite à lire le
troisième alinéa de l’article 1er : vous y verrez inscrit
le terme « répartition », dont l’absence vous inquiétait. Au sujet des
revenus supérieurs à 120 000 euros, soit trois PASS – plafond
annuel de sécurité sociale –, je ne comprends pas la logique de votre
amendement. Que proposez-vous ? D’instaurer un système très favorable aux
plus hauts revenus ?
Peut-être le savez-vous déjà : comme nous
l’avons expliqué en commission spéciale, ceux qui ont les plus hauts revenus ont
aussi la meilleure espérance de vie ; et c’est pour eux que la
redistribution est la plus favorable, laquelle est essentiellement payée par
ceux dont les revenus sont les plus faibles. (M. Erwan
Balanant applaudit.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Oui, et vous n’y changez rien !
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Comme on dit chez moi, vous endormiriez un cat sur une
pouque. Autrement dit, vous essayez de nous endormir : vous déroulez
« tranquillou » votre projet qui vise à broyer des vies, comme si nous
voguions sur un long fleuve tranquille.
(« Oh ! » sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Jacques
Marilossian. On se calme !
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le président, je vous présente mes plates
excuses. Tout à l’heure, j’ai sous-entendu que vous pouviez mentir. Vous l’avez
compris comme un reproche personnel, alors que ce reproche s’adressait à vous
tous. J’ai ressorti les professions de foi – pas celles des clampins du
coin, celles d’élus qui ont du poids dans la majorité.
M. Erwan
Balanant. Tu sais ce qu’il te dit, le clampin ?
M.
Sébastien Jumel. Je l’avais déjà fait en commission, mais cette fois
j’ai mené une exploration plus approfondie. Parmi eux, François de Rugy, Olivier
Dussopt, Bruno Le Maire, Gilles Le Gendre – le président des Playmobil
(Vives exclamations sur les bancs du groupe LaREM) – et le président
de l’Assemblée nationale.
M. Fabien
Roussel. Ah !
M.
Sébastien Jumel. Je n’y ai pas lu un mot sur votre mauvais projet, sur
votre intention de flinguer le système de retraite par répartition, sur votre
décision de faire travailler les gens plus longtemps pour percevoir une retraite
moindre ! Pas un mot sur votre volonté de casser les régimes spéciaux et la
reconnaissance des spécificités ! Pas un mot sur la manière dont vous
voulez traiter les femmes ! Pas un mot sur l’absence de prise en compte de
la pénibilité dans la définition de l’espérance de vie en bonne santé, qui
diffère selon l’endroit où l’on vit ! (Applaudissements sur les bancs
des groupes GDR et FI. – Vives protestations sur les bancs du
groupe LaREM.)
Alors je voudrais m’excuser, parce que vous n’avez
peut-être pas menti volontairement. Du moins avez-vous tous menti par omission,
ce qui est très grave dans un moment où nous nous apprêtons à voter un projet
qui bousculera la vie de ceux que nous représentons : les verriers au bout
chaud, les trieuses de verre, les égoutiers, les salariés de l’agroalimentaire
et tous ceux qui ne nagent pas dans le luxe, le calme et la
volupté !…
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
– M. Adrien Quatennens applaudit
également.)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez souhaité, au
début de cette séance, que nous ayons un débat constructif. Je crois l’être en
vous demandant combien coûtera la création du régime spécial que vous créez pour
les hauts revenus. Pendant la période de transition, la nation continuera, ce
qui est normal, à payer les retraites des très hauts revenus qui ont cotisé et
sont partis à la retraite, mais elle ne percevra plus les cotisations de ceux
qui perçoivent des revenus supérieurs au nouveau plafond que vous avez fixé.
(« C’est exact ! »
sur les bancs du groupe GDR.)
Le Gouvernement et le rapporteur ne
peuvent pas nous répondre qu’ils ne savent pas compter. Quel sera le coût
dérogatoire pour la nation de cette mesure, qui prévoit, au-delà de
10 000 euros mensuels, la bascule d’un système de répartition vers un
système de capitalisation ?
Il y a deux mois, Olivier Marleix,
député Les Républicains, vous a interrogé sur ce point lors d’une séance de
questions au Gouvernement. C’est un sujet concret et précis, comme le débat que
vous demandez. Quel sera le coût du dispositif pendant les vingt ou trente ans
que durera la transition ?
M. Pierre
Dharréville. Près de 70 milliards !
M.
Jean-Paul Dufrègne. M. Dupont-Aignan a raison !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Renseignez-nous, car, sur ce point, j’avoue mon
ignorance. J’aimerais également connaître la part d’exonération que vous
prévoyez pour les grandes entreprises, car ce sont elles qui versent les
salaires les plus élevés : 300 000 personnes
– 200 000 salariés et 100 000 indépendants – sont
concernées par ce dispositif.
Les très grandes entreprises vont recevoir
un cadeau de Noël : pendant vingt ans, elles n’auront plus besoin de
cotiser pour les très hauts revenus. À combien se montera l’économie qu’elles
vont ainsi réaliser ? En d’autres termes, combien la mesure coûtera-t-elle
à la nation ?
M.
Jean-Paul Dufrègne. Ils n’ont pas oublié les copains !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. La moindre des choses serait de nous donner ce
chiffre ! (M. Jean-Paul Dufrègne
applaudit.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Puisque le Gouvernement ne veut pas vous répondre,
disons les choses clairement. M. le ministre Bruno Le Maire
a révélé ce montant. On le connaît.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Oui !
Mme
Clémentine Autain. Dès lors que les plus riches cesseront de cotiser,
les caisses constateront chaque année un manque à gagner de
3,5 milliards, ce qui signifie, comme l’indique l’exposé sommaire de
l’amendement, que 70 milliards seront perdus au long cours.
Par
ailleurs, que feront ces riches ? Ils se tourneront vers les fonds de
pension privés.
M. Erwan
Balanant. N’importe quoi ! Arrêtez !
Mme
Clémentine Autain. Ils chercheront, par la capitalisation, le moyen de
compenser le manque à gagner. D’ailleurs, vous avez vu la communication du
groupe Axa : celui-ci fait la promotion de votre loi, en se réjouissant de
l’ouverture, dès demain, d’un marché qu’il évalue à 140 milliards,
conscient que le privé compensera les pertes non seulement des plus riches, mais
de tous les Français qui verront leur pension baisser et qui, compte tenu de
l’évolution de l’âge d’équilibre, ne pourront pas savoir ce qu’ils gagneront
demain. Dans l’incertitude, ces derniers n’auront pas d’autre solution que
d’épargner, offrant ainsi au privé un marché juteux.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Eh oui !
Mme
Clémentine Autain. En somme, vous dilapidez le système par répartition
pour ouvrir les vannes au système par capitalisation. (Applaudissements sur
les bancs du groupe FI.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Ce qui est scandaleux ! Honteux !
M. Fabien
Roussel. Répondez, monsieur le secrétaire d’État !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Où est la réponse à la question qu’on vient de vous
poser ?
M. le
président. La parole est à M. Gérard Cherpion.
M. Gérard
Cherpion. Le projet de réforme des retraites prévoit que l’assiette des
cotisations sera constituée, pour la part ouvrant droit à pension, des revenus
d’activité écrêtés à trois PASS à compter du 1er janvier 2025.
Il prévoit également une période de transition – le plafond étant
actuellement fixé à huit PASS pour les salariés du privé –, qui pourrait
s’étaler sur une période de vingt ans.
Cette mesure aura pour effet de
baisser les cotisations et de réduire les droits à acquérir des salariés
rémunérés au-dessus de trois PASS. La baisse induite des recettes des
cotisations à l’Association générale des institutions
de retraite des cadres – AGIRC – et à l’Association pour
le régime de retraite complémentaire des salariés – ARRCO – est estimée à
4 milliards d’euros dès 2020 en base annuelle.
Cependant, selon la
logique de la répartition, les charges de pension au titre des droits acquis
antérieurement entre trois et huit PASS perdureront sur des décennies, ce qui
veut dire qu’on continuera longtemps à verser des pensions sans percevoir les
cotisations sur les salaires correspondant. Pour le régime, ce sera donc la
double peine : il faudra verser des pensions importantes, tandis que le
taux de cotisation sur les hauts salaires aura baissé !
Mme Danièle
Obono. Et voilà ! Où est l’équité ?
M. Alain
Bruneel. Répétons la question : combien cela va-t-il coûter ?
Toujours pas de réponse du Gouvernement !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Combien ça coûte ?
M. Fabien
Roussel. Nous voulons des réponses !
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Voilà le stigmate que vous portez sur le front depuis le début
du quinquennat : vous n’en finissez pas de rembourser vos
bookmakers !
M. Erwan
Balanant. Comment pouvez-vous dire cela ? Je vous croyais
intelligent !
M. Boris
Vallaud. Après la suppression de l’impôt sur la fortune et
l’instauration de la flat tax, vous rendez aux 1 % des Français les plus
riches 4 milliards de cotisation par an et vous demanderez aux 99 %
restant, qui versent des cotisations sur l’ensemble de leurs revenus, de payer,
à hauteur de 3,7 milliards par an, les pensions des très riches qui sont
déjà à la retraite. Voilà la réalité de votre système !
Mme Danièle
Obono. Exactement !
M. Boris
Vallaud. Vous avez créé un régime spécial : celui des hyper-riches,
et vous allez le faire payer pendant toute la période de transition par le reste
de la population française. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
– Exclamations sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
Et vous nous parlez de justice et d’équité ? Vous
invoquez la partie non contributive, qui se montera à 2,81 % de la partie
déplafonnée, mais cette part, entre un à trois PASS, tout le monde la
paie ! Et d’ailleurs, le taux de 2,81 % représente moins que les
quatre cotisations actuelles, qui se montent environ à
9 % !
Dès lors, comment ferez-vous pour assurer les dépenses de
solidarité ? Vous procéderez comme vous le faites depuis le début du
quinquennat : vous baisserez le taux de remplacement, c’est-à-dire le
rapport entre le niveau de vie des retraités et celui des actifs, et vous
obligerez ceux-ci à travailler plus longtemps. Curieux sens de la justice !
Vous êtes disqualifiés pour utiliser ce mot-là. (Applaudissements sur les
bancs des groupes SOC et GDR.)
M. Fabien
Roussel. Combien ça coûte ? Répondez, monsieur le secrétaire
d’État !
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Je rappelle à nos collègues que, sur leurs bancs, certains
réfléchissent depuis quinze ans à instaurer un système comme celui que nous
proposons. Ils nous font donc bien rire quand ils nous reprochent, à nous autres
élus du MODEM, de ne pas avoir annoncé, pendant notre campagne, ce que nous
voulions faire.
M.
Sébastien Jumel. Sortez vos professions de foi !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous, ça ne nous fait pas rigoler !
M. Frédéric
Petit. J’aimerais vous rappeler un point que vous oubliez toujours.
L’important, quand on évoque de cas des 1 % des Français les plus riches,
c’est que 4 000 à 5 000 cadres très bien payés, qui gagnent
aujourd’hui entre un ou trois PASS, verseront au pot commun.
M. Boris
Vallaud. Comme tout le monde !
M. Frédéric
Petit. Non : tout le monde ne verse pas au régime général à hauteur
de 28 %. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Les petits vont payer pour les gros ! Vous nous
bernez !
M. Bruno
Millienne. Écoutez, un peu !
M. Frédéric
Petit. Aujourd’hui, la complémentaire pour les cadres, qui se situe non
à 28 % mais aux alentours de 20 %, ne sert qu’aux cadres, alors que le
pourcentage versé par ceux qui perçoivent entre un et trois PASS se montera à
28 % et servira à tout le monde ! (Applaudissements sur les bancs
des groupes MODEM et LaREM. – Protestations sur les bancs du
groupe GDR.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Mensonges ! C’est une honte !
M. Frédéric
Petit. À la louche, cela représentera des dizaines de milliards chaque
année. Jugeons donc un équilibre global, ce que fera la convention.
M.
Sébastien Jumel. C’est faux ! (Exclamations sur les bancs du
groupe LaREM.)
M. le
président. Laissez l’orateur s’exprimer !
M. Frédéric
Petit. Ne dites pas que c’est faux ! Nos raisonnements sont
complémentaires. Vous avez raison sur les 1 % et j’ai raison, moi, sur les
40 % à la charge du salarié. (Exclamations continues sur les bancs du
groupe GDR.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Bobards ! C’est honteux !
M. Frédéric
Petit. La somme qui, pour les revenus situés entre un et trois PASS,
reviendra dans le pot commun du régime général, représente des dizaines de
milliards d’euros par an.
M. Fabrice
Brun. Il y aura tout de même 4 milliards en moins !
(L’amendement no 37 195
n’est pas adopté.)
(Exclamations sur les bancs du groupe
GDR.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Playmobils !
M. le
président. Mes chers collègues, chacun d’entre nous ici mérite plus de
considération que de caricature. (Applaudissements sur quelques bancs du
groupe LaREM.)
Je suis saisi de trois amendements identiques,
nos 37, 208 et 250, sur lesquels je suis saisi par le groupe de
la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole
est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement
no 37.
M. Fabrice
Brun. Chers collègues de la majorité, avant la pause, vous étiez à court
d’arguments pour défendre le caractère universel de votre réforme. Force est de
constater que vous avez remis le disque sur la platine et qu’il est un brin
rayé.
Parce que le système de retraite que vous proposez n’est pas
universel et qu’il comporte au moins cinq régimes différents, trois traitements
générationnels différents, ainsi que des dizaines de dérogations et
d’exceptions, du fait de vos multiples reculades, nous souhaitons, par respect
pour les Français, vous imposer envers eux un devoir de responsabilité et de
sincérité : supprimez le terme « universel », fallacieux et
erroné, du titre Ier, comme il serait judicieux de le faire dans
l’ensemble du texte !
Je trouve d’ailleurs troublant que vous
refusiez d’inscrire clairement l’objectif de répartition dans le titre du
texte.
Enfin, que ne répondez-vous à nos multiples questions sur la
capitalisation ? Alors que notre système solidaire a besoin de financement
pour relever des enjeux démographiques que nul ne conteste, pourquoi vous
privez-vous des cotisations de ceux et celles qui gagnent plus de
120 000 euros par an ? On parle tout de même d’un manque à gagner
de 4 milliards d’euros ! Répondez-nous sur ce point, monsieur le
secrétaire d’État, et dites-nous enfin votre intention cachée.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Sylvain
Maillard. C’est la théorie du complot !
M. le
président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir
l’amendement no 208.
M. Dino
Cinieri. Par souci de sincérité envers les Français, cette réforme
prévoyant déjà de nombreuses exceptions, il convient de supprimer le mot
« universel » du titre Ier.
Le projet de loi
procède à l’unification des règles de pension non en faisant converger
progressivement entre les régimes les trois critères actuels de liquidation des
pensions, mais en passant à une logique d’acquisition de points de retraite
pendant l’ensemble de la carrière, dans le cadre d’un système unique.
Ce
projet crée non un régime universel des retraites caractérisé, comme tout régime
de sécurité sociale, par un ensemble constitué d’une population éligible unique,
de règles uniformes et d’une caisse unique, mais un système universel par points
applicable à l’ensemble des affiliés à la sécurité sociale française, à
l’intérieur duquel coexistent cinq régimes distincts, établis au vu de la
diversité de la situation et des parcours professionnels des
Français.
C’est pourquoi je propose de proposer de supprimer le mot
« universel » dans le titre Ier, comme il serait
judicieux de le faire dans l’ensemble du texte.
M. le
président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir
l’amendement no 250.
M. Marc Le
Fur. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous exprimer la
gratitude de certaines personnes. Le cas est assez rare pour qu’on le souligne.
Je veux parler des joueurs du PSG – Paris Saint-Germain. Les gros salaires
que perçoivent les footballeurs de ce club étaient auparavant soumis à
cotisations. Ce ne sera plus le cas, au-delà de 10 000 euros par mois,
montant qui excède trois PASS. (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Le Président des riches !
M.
Jean-Marie Sermier. C’est bien la première fois que le PSG est
gagnant !
M. Marc Le
Fur. Ces joueurs seront les principaux gagnants du dispositif, tout
comme le PSG sera le principal employeur gagnant. Est-ce normal ?
(Exclamations continues sur les bancs du groupe LaREM.) Peut-on parler
d’universalité quand on dispense de cotisation l’un des clubs les plus riche de
France, sinon d’Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Oui, chers collègues, vous avez sûrement
raison, ce système n’est pas parfaitement universel.
(« Ah ! » sur les
bancs des groupes SOC, GDR, FI, LR et LT, dont les députés se lèvent et
applaudissent vivement.)
M. le
président. S’il vous plaît, mes chers collègues, laissez M. le
rapporteur continuer.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Comparons, cependant, le système envisagé
avec les modes de calcul actuels : la durée de cotisation retenue pour
établir le montant de la retraite est de six mois pour certains, vingt-cinq ans
pour d’autres, et c’est l’ensemble de la carrière pour les agriculteurs. Les
valeurs retenues ne sont pas non plus les mêmes d’un régime à l’autre : ce
sont des trimestres, ou des points, ou un mélange des deux ;…
Mme Valérie
Lacroute. Cela n’a rien à voir !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …les taux de cotisation ne sont pas les
mêmes, ni les assiettes de cotisation ; la maternité n’est pas prise en
considération de la même façon d’un régime à l’autre – elle majore la durée
de cotisation de huit trimestres dans le régime général du secteur privé, et de
deux trimestres dans le régime de la fonction publique ; treize systèmes de
réversion différents existent, pour ceux qui sont confrontés à un
deuil.
Avec le projet que nous examinons, 99 % des personnes ne
seraient pas concernées par le plafond, si nous le portons à trois PASS. En
somme, ce projet instaure un système beaucoup plus universel que tout ce qui
existe et que vous proposez. Avis défavorable, donc. (Applaudissements sur de
nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur
les bancs du groupe GDR.)
M. Alain
Bruneel. En tout cas, vous l’avez dit, ce n’est pas un système
universel !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Vous ne dites pas combien ça coûte !
M. Fabien
Roussel. Combien ?
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur le député Brun, comme
vous êtes attentif – du moins c’est ce qu’il me semblait –, vous avez
écouté la réponse du rapporteur à la question concernant la part des revenus
située entre trois et huit PASS, tout à l’heure. Il a expliqué à la
représentation nationale que le taux de cotisations auquel cette part est
soumise ne baisserait pas en une seule fois, mais progressivement, et que cela
n’aura pas de coût direct pour le système.
M.
Jean-Paul Lecoq. Vous ne dites pas combien ça coûte !
M. Pierre
Dharréville. On ne sait pas !
M.
Sébastien Jumel. Ce sont les réserves qui paieront !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. En revanche, les droits
constitués seront garantis. Tout à l’heure, j’ai apporté sur ce point un
complément de réponse à M. Dupont-Aignan, et je sais que vous avez saisi le
lien : ceux qui ont des niveaux de rémunération très importants, ai-je
précisé, ont aussi une espérance de vie supérieure aux autres de deux ans et
demi. Au final, dans le système actuel, leurs pensions, d’un montant très
important, sont payées par ceux qui ont une espérance de vie plus courte et des
carrières plus plates. C’est une réalité incontestable, vérifiable, objective.
Je vous renvoie, sur ce sujet, au site du COR. (Exclamations continues sur
les bancs des groupes LR et GDR.)
Je comprends que vous soyez
inquiet, que vous vous interrogiez,…
M.
Jean-Paul Lecoq. Moi, ça me met en colère !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …mais, de grâce, monsieur Brun,
ne dites pas que nous n’avons pas répondu à votre question – nous l’avons
fait deux fois, juste avant votre intervention.
M.
Jean-Paul Lecoq. Combien ça coûte ?
M.
Jean-Marie Sermier. Vous ne répondez pas à nos questions !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. C’est un premier élément de
réponse. Permettez-moi de continuer, j’ai pris des notes et je vous ai écouté
avec intérêt.
Monsieur Le Fur, je vous félicite de vous inquiéter du
sport ; vous faites la publicité d’un club qui vous est cher.
M.
Jean-Marie Sermier. Le club est cher, c’est bien le mot !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Des clubs, j’en ai aussi qui me
sont chers, mais plutôt dans le Nord. (Brouhaha sur les bancs des groupes LR
et GDR.).
M.
Jean-Paul Dufrègne. On s’en fiche ! Dites-nous plutôt combien ça
coûte !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Toutefois, monsieur
Le Fur, vous n’avez sans doute pas suffisamment étudié l’évolution des
taux. Comme vous le savez, l’AGIRC et l’ARRCO n’ont fusionné que récemment, et
les joueurs professionnels dont vous parlez ne payent pas encore la totalité des
cotisations pour leurs revenus se situant entre un et huit PASS : le taux
augmentera progressivement jusqu’en 2023. (Applaudissements sur plusieurs
bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur les
bancs des groupes LR et GDR.)
Si vous aviez passé un peu de temps
avec les employeurs des sportifs professionnels et la confédération qui les
réunit, ils vous auraient expliqué qu’ils participent à hauteur de
850 millions d’euros, tous les ans, à la solidarité nationale, sous
diverses formes.
M. Vincent
Descoeur. Les pauvres !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Franchement, monsieur
Le Fur, ce type de débat ne nous mène pas bien loin. (Applaudissements
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur
les bancs des groupes LR et GDR.)
M.
Jean-Paul Lecoq. Vous ne dites pas combien ça coûte !
Mme Elsa
Faucillon. C’est incroyable !
M. Fabrice
Brun. Et rien sur le sport amateur ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Enfin, pour ceux qui
persistent, revenons à la réalité.
M.
Jean-Paul Lecoq. Elle coûte combien, la réalité ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je note que vous êtes
– et, sur le fond j’en suis content – passionnés par le rapport du
Conseil d’État, dont vous nous lisez régulièrement une ligne par-ci, une ligne
par-là.
M.
Jean-Paul Lecoq. Attention, vous vous enlisez…
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous prétendez que le système
que nous proposons d’instaurer n’est pas universel – en vous écoutant, je
finirais presque par avoir un doute.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous, des doutes, nous n’en avons plus !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il suffit pourtant de lire le
titre du projet de loi : il vise à instituer « un système universel de
retraites ».
Nous avons donc débattu pendant plus de trois heures,
monsieur le président, sur ce mot d’« universel », alors que tous les
députés savent très bien que le Gouvernement propose un texte visant à instituer
un système universel, dans lequel les spécificités sont respectées.
(Applaudissement sur les bancs du groupe LaREM.
– Exclamations sur les bancs des groupes LR, GDR et
FI.)
M. Fabrice
Brun. Ce n’est qu’un titre !
M.
Jean-Yves Bony. Vous l’écrivez mais ce n’est pas la vérité !
M.
Jean-Paul Lecoq. Vous n’avez toujours pas répondu !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Combien ça coûte ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Ce débat qui dure depuis trois
heures est donc parfaitement ridicule et hors sujet. Tous ceux qui sont
passionnés par la lecture du rapport du Conseil d’État liront le dernier
paragraphe de la page 7 – c’est le douzième point,…
M.
Jean-Paul Lecoq. Vous citez le Conseil d’État uniquement quand ça vous
arrange !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …j’imagine qu’il va susciter
votre intérêt : « Est bien créé un "système universel" par points
applicable à l’ensemble des affiliés à la sécurité sociale française, du secteur
privé comme du secteur public, qui se substitue aux régimes de base et aux
complémentaires et surcomplémentaires obligatoires. »
Mme
Marie-Christine Dalloz. En somme, il est universel sans être
universel !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je vous remercie, mesdames et
messieurs les députés, vous qui faites référence régulièrement à ce rapport du
Conseil d’État, de le lire entièrement et de l’utiliser aussi pour éclairer
objectivement le débat – ce serait, selon moi, un peu plus intéressant que
ces questions de terrain de foot. (Applaudissements sur de nombreux bancs des
groupes LaREM et MODEM. – « Combien ça
coûte ? » sur plusieurs bancs du groupe
GDR.)
M. Pierre
Cordier. Vous êtes hors-jeu, monsieur le secrétaire
d’État !
M. le
président. La parole est à M. Arnaud Viala.
M. Arnaud
Viala. Monsieur le secrétaire d’État, nous venons d’entendre un aveu
terrible de la part du rapporteur : le système, a-t-il dit, n’est
« pas parfaitement universel ».
(« Ah ! » sur les
bancs du groupe GDR.) Cela va absolument à l’encontre du premier principe de
la réforme telle que l’a présentée par le Premier ministre et le Gouvernement
dans son ensemble. Le système proposé serait « universel », et
placerait sur un pied d’égalité tous les citoyens français.
Le deuxième
principe avancé pour défendre la réforme est celui de l’équilibre financier. Or
nous n’arrivons pas à obtenir d’informations de votre part sur ce point, et
votre présentation n’en contient aucune.
Le troisième principe mis en
avant est celui de la justice et de l’équité. Cette promesse n’est pas tenue non
plus puisque, manifestement, les injustices seront nombreuses entre les
professions comme entre les générations. Vous nous montrez donc,
progressivement, que le projet ne tient pas la route. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André
Chassaigne. Chers collègues de la majorité, vous m’inquiétez. Vous êtes
prisonniers d’une idéologie (Rires et exclamations sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM). Je n’ai rien contre les idéologies en général,…
M. Philippe
Vigier. Quel aveu !
M. André
Chassaigne. …mais la vôtre provoque des crampes mentales et vous empêche
de mesurer les conséquences du projet de loi que vous soutenez aveuglément. Des
crampes mentales ! (M. Nicolas Dupont-Aignan
applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Je voudrais, en guise de leçon, vous citer l’un des pères du
code civil, Jean-Étienne-Marie Portalis : « Il faut être sobre de
nouveautés en matière de législation, parce que, s’il est possible, dans une
institution nouvelle, de calculer les avantages que la théorie nous offre, il ne
l’est pas de connaître tous les inconvénients que la pratique seule peut
découvrir. » Portalis avait raison. Ce passage est d’ailleurs cité dans
l’ouvrage que voici, intitulé : Nos lieux communs. Un petit traité
républicain à l’usage des démocrates. Cet ouvrage est signé Richard Ferrand.
(« Bravo ! » et
applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)
M. le
président. Je vous remercie, président Chassaigne, de citer les grands
auteurs (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
– je parlais bien entendu de Portalis… (Mêmes mouvements.)
La
parole est à M. Adrien Quatennens, qui, j’espère, a d’aussi bonnes
lectures. (Sourires.)
M. Adrien
Quatennens. Nous avons appris quelque chose d’essentiel par la voix du
rapporteur : cette réforme dite universelle ne l’est, en fait, « pas
parfaitement ». Je propose donc de modifier immédiatement le titre du
projet de loi, et d’amender chacune des lignes du texte qui comporte le mot
« universel », afin de gagner en clarté – puisque je veux bien
faire confiance au rapporteur.
Je veux par ailleurs contribuer au débat
sur l’encouragement à la capitalisation. Ma collègue Clémentine Autain a bien
résumé les choses : l’abaissement du plafond va encourager la
capitalisation, et la baisse des cotisations qui en résulte causera un manque à
gagner annuel d’un montant de 3,5 milliards.
En commission spéciale,
avant que les travaux n’avortent, une semaine d’auditions a été organisée ;
ce fut l’occasion d’entendre les représentants du patronat, notamment
M. Roux de Bézieux, président du Mouvement des entreprises de France
– MEDEF – lequel a d’ailleurs exprimé, depuis, des doutes – pour
le moins – à l’égard de votre projet de loi.
S’agissant des hauts
revenus, son propos est intéressant. Selon lui, ceux qui gagnent plus de
10 000 euros par mois – situation qui concerne peu de personnes
dans notre pays, mais davantage quand même qu’avec le plafond actuel – ont
en général des salaires négociables parce qu’ils sont mobiles à l’échelle
internationale. Selon M. Roux de Bézieux, ainsi, votre projet, en faisant
perdre les droits à la retraite dès qu’un plafond est atteint, risquerait de
pousser certains à quitter le pays.
Or, par le passé, vous avez justifié
certaines réformes par la crainte que les plus riches ne partent
– souvenons-nous de l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune, dont vous
avez ainsi justifié la suppression. On s’est d’ailleurs aperçu, par la suite,
que seulement 0,2 % des personnes assujetties à cet impôt quittaient le
pays chaque année, sans qu’il soit d’ailleurs possible d’établir avec certitude
que leur départ était motivé par des questions fiscales.
En l’occurrence,
votre réforme, aux yeux du patronat, fait courir le risque que les plus hauts
revenus soient tentés de partir. Ils ne vont pas se laisser faire les poches, et
voudront donc compléter leurs droits à la retraite si l’abaissement du plafond
fait diminuer leurs pensions.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Vous allez me trouver insistant.
M. Sylvain
Maillard. Effectivement !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Pourtant, je n’ai entendu ni M. le secrétaire
d’État, ni le rapporteur nous dire clairement quel était le coût de cette perte
de cotisations pour le régime général – est-ce 3,5 milliards ou
4 milliards ? Selon le journal Les Échos, peu suspect
d’opposition à la Macronie, ce serait 3,7 milliards.
M. le
rapporteur parle d’une phase transitoire ; j’imagine qu’il dispose d’un
schéma pour les vingt prochaines années, qui précise les modalités choisies par
le Gouvernement.
De deux choses l’une : soit vous cachez le chiffre,
que vous ne voulez pas assumer devant la représentation nationale
– annoncer que le système ne sera pas équilibré, et que l’on compte faire
cadeau de milliards de cotisations ferait, de fait, mauvais effet –, soit
vous ne connaissez pas ce chiffre, possibilité encore plus effrayante. Nous
avons donc le choix entre l’incompétence et le cynisme. J’aimerais obtenir votre
réponse, quelle qu’elle soit.
M. le
président. La parole est à M. Sacha Houlié.
M. Sacha
Houlié. Nous vivons une époque où pullulent sur les réseaux sociaux les
fake news et les mensonges. Ces derniers ne devraient pas avoir droit de cité
dans notre hémicycle ; pourtant, on ne cesse d’en entendre dans votre
bouche depuis le début du débat,…
M. Pierre
Dharréville. De qui parlez-vous ?
M. Sacha
Houlié. …aussi bien à propos du caractère universel du régime de
retraite instauré par la réforme, que de ses conséquences pour les riches
– que, selon vous, la réforme favoriserait, alors que c’est tout l’inverse.
Sur le caractère universel du régime proposé, vous vous plaisez à
citer l’avis du Conseil d’État, alors que celui-ci contredit justement votre
opinion. Le passage du considérant 12 de l’avis du Conseil d’État, cité par
le secrétaire d’État est clair : « Est bien créé un "système
universel" par points applicable à l’ensemble des affiliés à la sécurité
sociale ».
Que vous ne soyez pas en mesure de comprendre que
l’universalité, ce n’est pas l’uniformité (Exclamations sur les bancs des
groupe GDR et FI),…
M. Alain
Bruneel. Nous ne sommes pas assez subtils !
M. Sacha
Houlié. …cela ne laisse pas de me désoler. Le rapport de Jean-Paul
Delevoye indique en effet que dix euros de cotisations donnent droit à un point
et à 55 centimes de pension chaque année, somme susceptible d’être bonifiée
en fonction de la pénibilité ou de majorations que nous
instaurerons.
Quant aux riches, parlons-en. La gauche rêve depuis
longtemps de plafonner les salaires ; eh bien nous, nous plafonnons les
pensions. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Pierre
Cordier. Vous étiez de gauche, vous, avant, non ? Au Mouvement des
jeunes socialistes, je crois ?
M. Sacha
Houlié. Ceux dont les revenus dépassent trois PASS, soit
10 000 euros mensuels, ne bénéficieront plus de droits supplémentaires
à la retraite pour la part de leur revenu supérieure à ce plafond. Sur cette
part, ils paieront des cotisations de solidarité qui n’ouvriront pas de droit à
la retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
– Exclamations sur les bancs des groupes LR, GDR et
FI.)
Tout à l’heure, le président Abad a parlé, à propos de la
réforme, d’une « gauche égalitariste ». Je viens de faire la
démonstration que c’est bien là l’esprit du texte.
(« Bravo ! »
et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Un collègue s’interrogeait tout à l’heure : faites-vous
preuve de cynisme ou d’incompétence ? Des deux, je le crains.
(Protestations sur les bancs des groupe LaREM et MODEM.)
M. Fabrice
Brun. 4 milliards d’euros !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. En vérité, avec votre réforme, tout le monde paiera une
cotisation non contributive, pas seulement les riches.
Dans le système
actuel, quatre cotisations de ce type existent, dont le taux cumulé est de
9,94 % ; elles financent des actions de solidarité. Vous les remplacez
par une cotisation de 2,8 %. Il va donc manquer beaucoup
d’argent.
Nous aimerions savoir : où est passé l’argent que vous
rendez au 1 % des Français les plus riches, alors que vous demandez aux
99 % restant de payer ? Vous dites que l’évolution des taux sera
progressive. Si vous disposez d’informations données par le Gouvernement, ne les
cachez pas à la représentation nationale, donnez-les. Mais cessez de faire aussi
peu de cas du débat parlementaire ! Ou alors, vraiment, c’est que vous
n’êtes pas à la hauteur de l’honneur que les Français vous font de les
représenter ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et
GDR.)
M. Vincent
Descoeur. Très bien !
M. le
président. La parole est à M. Patrick Mignola.
M. Patrick
Mignola. Je n’ai pas de lectures aussi inspirées que le président
Chassaigne, qui lit Portalis et Richard Ferrand… Je parlerai plutôt de foot, à
la suite du président Le Fur.
Dire qu’au-delà de trois PASS, il faut
capter des cotisations qui financent l’ensemble du système a un côté un peu
« Robin des bois »… Comme l’a très bien rappelé Sacha Houlié, une
cotisation de solidarité sera instituée à partir de ce niveau de
revenus.
De fait, si vous prélevez des cotisations contributives sur ces
revenus, vous devrez aussi verser les pensions correspondantes ! Dès lors,
ce ne serait plus la retraite « Robins des bois », monsieur le
président Le Fur, mais la retraite « Mbappé » !
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Erwan
Balanant. Eh oui !
M. Patrick
Mignola. Enfin, le secrétaire d’État a très bien rappelé qu’à partir de
2023, les joueurs de football ne seraient plus soumis au système actuel, si bien
que, sans la réforme, ce ne serait plus pour eux la retraite « Robin des
bois », mais la retraite « Bernard Arnaud » : on vous
reconnaît bien là, monsieur le président Le Fur. (Mêmes
mouvements.)
S’agissant du coût, il faudra que vous compreniez que
cette majorité a accepté que la démocratie sociale vive dans ce pays.
(Nouveaux applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Pour les 3 milliards d’euros de cotisations – soit 1 % du
total des cotisations –, la transition, étalée dans le temps, sera décidée
par les syndicats, auxquels, cher Boris Vallaud, nous faisons confiance.
(Mêmes mouvements.)
M. Boris
Vallaud. Eux n’ont pas confiance en vous !
M. Patrick
Mignola. Pour savoir ce qu’est un système universel, comparons avec les
règles du football : le système actuel des retraites permettrait de jouer
sur des terrains plus ou moins grands…
M. Fabrice
Brun. On peut revenir au débat ?
M. Patrick
Mignola. …avec des cages plus ou moins grandes, avec des joueurs qui
jouent à cloche-pied et d’autres qui s’arrêtent de jouer plus ou moins tôt. Dans
le système que nous proposons, les mêmes règles s’appliquent à tous, en fonction
de la technique et des moyens de chacun. (Applaudissements sur quelques bancs
du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes GDR
et FI.)
M.
Sébastien Jumel. Avec une équipe de ligue 1 qui joue contre une
équipe de division d’honneur !
M. Patrick
Mignola. Enfin, le Gouvernement propose qu’un quart du montant total
puisse être consacré aux joueurs les plus faibles.
M.
Jean-Yves Bony. Honteux !
Un député du groupe LR.
Il est hors-jeu !
M. Patrick
Mignola. Monsieur Vallaud, vous nous avez expliqué que nous étions
cyniques et malhonnêtes. Vous avez reproché au rapporteur d’expliquer que…
M. le
président. Je dois vous interrompre, monsieur
Mignola.
(Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
Pour ceux que cela intéresse, je vous signale qu’entre les
équipes du Paris Saint-Germain et de Dortmund, le score est de zéro partout à
l’heure où nous parlons.
Je mets aux voix les amendements identiques
nos 37, 208 et 250.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 217
Nombre
de suffrages
exprimés 216
Majorité
absolue 109
Pour
l’adoption 61
Contre 155
(Les amendements identiques nos 37,
208 et 250 ne sont pas
adoptés.)
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour un rappel au
règlement.
M. Pierre
Dharréville. Au titre de l’article 98, alinéa 1, qui acte le
droit constitutionnel d’amendement des députés. Vous avez annoncé tout à
l’heure, monsieur le président, vouloir empêcher la discussion des amendements
dont le dispositif serait identique. Aucune disposition de notre règlement, ni
même une instruction générale du bureau, ne prévoit cette règle. Vous avez
évoqué une pratique constante : êtes-vous en mesure d’en apporter la
preuve ? Je tiens à votre disposition des exemples qui démentent cette
pratique prétendue constante : une série d’amendements, dont le dispositif
était strictement identique et qui ont été déposés sur le projet de loi
garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, en 2013 ;
chacun a été défendu. Cette pratique est pour nous justifiée et
justifiable.
Les amendements que nous examinons aujourd’hui ont des
dispositifs identiques, mais ils sont positionnés à des endroits différents du
texte et n’ont donc pas la même implication juridique. S’il s’agissait d’un
amendement simplement rédactionnel, nous en aurions tiré les conséquences en
proposant la modification dans un seul et même amendement. Or tel n’est pas le
cas : nous avons déposé des amendements de fond.
Du reste, notre
assemblée ne fonctionne pas sous le régime du droit coutumier. Nous ne pouvons
donc accepter qu’elle fonctionne selon des règles aléatoires et arbitraires.
(Applaudissements sur les bancs des groupe GDR et FI, ainsi que sur quelques
bancs du groupe SOC.)
M. le
président. La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au
règlement.
M. André
Chassaigne. Il se fonde sur l’article 100, alinéa 5. Vous
n’avez pas répondu tout à l’heure, monsieur le président, au rappel au règlement
de Sébastien Jumel et je pense que vous faites une erreur d’interprétation. Je
vais, pour m’expliquer, lire la décision du Conseil constitutionnel du
4 juillet 2019. (Mme Marie-Christine
Verdier-Jouclas proteste.) Permettez que je cite le Conseil constitutionnel
sans aboyer comme vous le faites. (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.) En réalité, vous vous comportez davantage comme des cacatoès que
comme des chiens ! (Mêmes mouvements.) Je cite le Conseil
constitutionnel, donc.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. J’en
ai assez de me faire insulter !
M. le
président. C’est le même rappel au règlement que tout à l’heure,
monsieur le président Chassaigne… Le faire une seconde fois ne changera rien au
fond.
M. Erwan
Balanant. Il radote !
M. André
Chassaigne. Je m’appuie sur le Conseil constitutionnel pour dire…
M. le
président. Certes, mais vous l’avez déjà fait !
M. André
Chassaigne. …que le fait qu’on ne puisse pas défendre les différents
amendements est contraire à sa décision, qui est très claire.
M. le
président. C’est inexact.
M. André
Chassaigne. Encore faudrait-il faire la démonstration que nos
interventions sont abusives ! Et dans la mesure où nous ne nous sommes pas
encore exprimés au sujet de nos différents amendements, de quel droit dites-vous
qu’elles le sont ? (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
Vous n’avez même pas pris connaissance du contenu des explications que nous
pourrions donner ! Le Conseil constitutionnel a été très clair à ce
sujet : vous ne sauriez, écrit-il, « recourir à cette limitation que
pour prévenir les usages abusifs, par les députés d’un même groupe, des prises
de parole sur des amendements identiques dont ils sont les auteurs ». Vous
n’avez pas constaté que nous faisions de l’obstruction : laissez-nous nous
exprimer, vous ferez le constat après ! (Applaudissements sur les bancs
des groupes GDR et FI.)
M. le
président. Monsieur Chassaigne, vous venez très justement de lire la
décision du Conseil constitutionnel : il s’agit bien, en effet, de
prévenir, c’est-à-dire d’agir avant. Nous n’allons pas à la fois prévenir et
subir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. André
Chassaigne. C’est inacceptable ! Vous devez vous fonder sur des
faits, non sur des prévisions ! Vous vous comportez en dictateur !
Tout cela sera écrit au compte rendu et soumis à l’appréciation du Conseil
constitutionnel !
Avant l’article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir
l’amendement no 25456 et les quatorze amendements identiques déposés
par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, et
faisant
l’objet de nombreux sous-amendements identiques,
nos 41999 à 42016.
(M. Hubert
Wulfranc monte à la tribune.)
M. Hubert
Wulfranc. Je voudrais vous dire à quel point votre majorité et votre
Gouvernement ne disposent pas de la confiance des Français. (Protestations
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) La défiance est considérable de
la part des salariés actifs, dont vous avez écrasé les droits figurant dans le
code du travail, et dont vous avez écrasé les salaires avec la modération
salariale que vous promouvez systématiquement. (Applaudissements sur
les bancs des groupes GDR et FI.) Vous avez également écrasé les corps, avec
des atteintes majeures à la santé et la pénibilité au travail. Vous ne disposez
pas non plus de la confiance des retraités…
M. le
président. Cher collègue, rassurez-moi, vous présentez bien les
amendements identiques, n’est-ce pas ?
M. Hubert
Wulfranc. …puisque l’épisode de la contribution sociale généralisée
– CSG – reste dans les têtes de tous les retraités de notre pays.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Coupez !
M. Hubert
Wulfranc. Vous ne disposez pas de la confiance des demandeurs d’emploi,
dont vous avez étrillé le pouvoir d’achat avec la réforme des allocations
chômage. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et
LR. – M. Nicolas
Dupont-Aignan applaudit également.) Cela vous colle à la peau, comme cette
réforme des retraites qui a une incidence majeure sur la solidarité de
l’ensemble de la classe ouvrière ! Vous êtes confrontés à cette défiance
qui pèse sur cette réforme, dont vous ne sortirez pas vainqueur ! (Très
vifs applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC.
– Plusieurs députés des groupes GDR et FI se lèvent.)
M. André
Chassaigne. Monsieur le président, je demande la vérification du
quorum !
M. le
président. C’est au moment du vote que l’on peut le faire, monsieur
Chassaigne : nous n’y sommes pas encore.
M. André
Chassaigne. Non !
M.
Sébastien Jumel. Suspension de séance !
M. le
président. Sur les sous-amendements nos 41999 et
identiques, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de
scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Mme Danièle
Obono. Monsieur le président !
M.
Sébastien Jumel. Suspension de séance, monsieur le président !
M.
Christian Hutin. La suspension est de droit !
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures vingt-cinq, est reprise à
vingt-deux heures trente.)
M. le
président. La séance est reprise.
J’appelle maintenant les
sous-amendements identiques nos 41999 à 42016 déposés par les
membres du groupe La France insoumise.
M. André
Chassaigne. Et le quorum ?
M. le
président. Nous le vérifierons en temps voulu, c’est-à-dire avant le
vote sur les amendements.
M.
Christian Hutin. Et nous allons le vérifier souvent tout au long des
débats !
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir les
sous-amendements identiques.
Mme Danièle
Obono. Ils visent à compléter l’amendement très inspiré de nos collègues
du groupe GDR en précisant que la réforme est « très
inéquitable ».
M. Ugo
Bernalicis. Ah ! Très bien !
Mme Danièle
Obono. Nous vivons la soirée de toutes les vérités. Après l’aveu du
rapporteur selon lequel la réforme n’est pas « parfaitement
universelle », il nous semble important de poursuivre dans cette bonne voie
en inscrivant dans le marbre le fait qu’elle n’est pas non plus parfaitement
équitable.
Elle n’est pas équitable pour les plus hauts revenus, invités
à échapper à la répartition et à privilégier la capitalisation. Elle n’est pas
non plus équitable pour tous les secteurs dont les spécificités liées aux
conditions de travail et à la pénibilité sont effacées. Dans le même temps, vous
réservez un système à la carte, à la tête du client en quelque sorte, à d’autres
catégories comme les forces de police, parce qu’elles assurent la répression au
plus haut niveau, ou comme les sénateurs et sénatrices, grâce auxquels vous
achetez quelques voix aux élections. En clair, le manque d’équité est manifeste
puisque vous choisissez sans aucune base formelle qui sont ceux qui n’auront pas
à subir cette réforme.
Surtout, elle est inéquitable de manière générale
à l’égard des Français et des Françaises, parce que vous obligerez la majorité
d’entre nous à travailler plus longtemps pour percevoir des pensions plus
faibles. S’agissant de la réforme majeure de votre mandat, il est important que
les choses soient dites clairement. Voilà pourquoi il faut sous-amender le très
bon amendement de nos collègues du groupe GDR afin de préciser que votre réforme
est très inéquitable. Vous aurez au moins amélioré la lisibilité du projet sur
ce point, à défaut d’en améliorer la lisibilité d’ensemble en nous permettant de
défendre tous nos amendements ! (M. Adrien Quatennens
applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur
général de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission sur
l’ensemble de ces amendements et sous-amendements identiques.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission
spéciale. Permettez-moi de commencer par saluer la qualité d’orateur de
M. Wulfranc…
M. Ugo
Bernalicis. Bravo Hubert !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. …même si je n’ai pas
tout saisi de l’amendement, que vous n’avez pas vraiment présenté.
Mme Obono l’a fait : il s’agit de remplacer l’adjectif
« universel » par « inéquitable ».
Mme Danièle
Obono. « Très inéquitable » !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Soit, « très
inéquitable » ; voilà votre proposition.
M.
Christian Hutin. Elle est assez juste !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Mais c’est le système
actuel qui est inéquitable, voire très inéquitable ! (Applaudissements
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) C’est un système qui a été pensé
en 1945 pour la société d’alors, une société qui n’existe plus ! C’est un
système qui a été pensé par des hommes, pour des hommes (Mêmes mouvements.
– Exclamations sur les bancs des groupes GDR, FI et
SOC),…
Mme Elsa
Faucillon. Regardez votre banc : est-ce que les choses ont
changé ?
M.
Christian Hutin. À l’époque, au moins, il s’agissait d’hommes et non de
sociétés d’assurance !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. …dans une société où
l’on commençait à travailler à la vingtaine dans une entreprise ou une
administration où l’on faisait toute une carrière linéaire et ascendante !
Cette société n’existe plus.
Or c’est le système actuel qui explique que
les pensions des femmes soient inférieures de 42 % à celles des hommes.
M. Fabien
Roussel. Non, c’est à cause des différences de salaire !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. C’est ce système qui
explique qu’une personne ayant fait des études et commençant à 22 ou 23 ans
une carrière linéaire et ascendante peut partir à la retraite à 62 ou
63 ans avec une pension élevée tandis que les personnes ayant connu des
carrières heurtées et difficiles au gré des aléas de la vie et d’éventuelles
reconversions partent à la retraite à 65, 66 voire 67 ans avec une pension
à la baisse ou de misère ! (Exclamations continues sur les bancs du
groupe GDR.)
Mme Elsa
Faucillon. Mais vous aggravez la situation !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. C’est ce système qui
explique que les agriculteurs et les artisans perçoivent des pensions de
misère.
M. Pierre
Dharréville. Votre texte n’y changera rien !
M.
Christian Hutin. Demandez aux avocats ce qu’ils en pensent !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Ce système, nous ne
pouvons plus l’accepter.
Mme Sylvie
Tolmont. Vous faites pire !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Nous allons donc le
changer en respectant le principe de répartition et en instaurant un système
universel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Merci…
M. Ugo
Bernalicis. Arrêtez-le !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Nous faisons en effet
le choix des mêmes droits pour toutes et pour tous, le choix d’un système qui
prend mieux en compte les spécificités propres à chacun. (Exclamations sur
les bancs du groupe FI.) C’est peut-être difficile, mais nous le faisons
pour les générations d’aujourd’hui et pour celles de demain ! (Nouveaux
applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Le rapporteur général a été
clair. Je veux bien débattre sur le fond, mais je ne souhaite guère consacrer
trop de temps à la question du remplacement de l’adjectif
« universel » par « inéquitable ».
Mme Danièle
Obono. C’est pourtant un débat de fond !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Avançons sur les débats de
fond, comme vous êtes nombreux à le souhaiter. Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle
Obono. Le rapporteur général dresse le constat des limites du système
actuel. Nous en convenons et n’avons jamais dit le contraire !
M. Ugo
Bernalicis. Tout à fait !
Mme Danièle
Obono. Nous avons même expliqué comment les réformes successives, dans
le sillage desquelles vous vous placez, ont participé de l’affaiblissement du
système. Tel qu’il fut pensé à l’origine, ce système était fait pour être
amélioré : ses fondateurs et fondatrices n’ont jamais prétendu qu’il était
parfait ! Or ce que vous faites, c’est accentuer l’inégalité et
l’iniquité !
Oui, une véritable réforme de ce système est
nécessaire. C’est ce que nous proposons dans le contre-projet que nous
défendons, que vous avez tous et toutes lu et sur lequel nous n’avons jamais
entendu le moindre argument de fond expliquant pourquoi il est impossible de
rendre le système plus équitable en étendant, par exemple, les critères de
pénibilité…
M. Ugo
Bernalicis. Voilà ! Très bien !
Mme Danièle
Obono. …à toute une série de nouveaux métiers – métiers du soin aux
personnes âgées, aux enfants – car ils devraient compter dans le calcul de
la retraite.
M. Erwan Balanant et
M. Bruno Millienne. Aux enfants ? Vous voulez que les enfants
travaillent ?
Mme Danièle
Obono. Voilà ce que signifie, au XXIe siècle, être à
l’écoute des nouveaux secteurs ! La réforme que vous proposez est
complètement à côté de la plaque par rapport à ce qu’il faudrait pour assurer
plus d’équité et se montrer à la hauteur des enjeux du salariat du
XXIe siècle.
M. Jean-Luc
Lagleize. Le travail des enfants, c’est le
XVIIe siècle !
Mme Danièle
Obono. Voilà pourquoi cet amendement a toute sa place dans le
texte : il sert à révéler la vérité de votre réforme rétrograde et
réactionnaire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
FI.)
M. Erwan
Balanant. Vous venez de parler du travail des enfants !
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. En réalité, monsieur le rapporteur général, vous répondez à un
système qui n’est pas inéquitable par une réforme qui n’est pas universelle
– c’est le sujet de ces amendements. Le système que vous proposez n’est pas
universel en dessous de trois PASS, comme nous avons essayé de le démontrer, pas
plus qu’il ne l’est au dessus de ce niveau, puisque les personnes concernées n’y
ont pas accès.
Un mot sur les cadres supérieurs. Votre réforme coûtera
sans doute cher, en premier lieu parce qu’il se pose un problème de cotisations
et de pensions. Il faudra bien finir par nous donner un chiffre net en fin de
parcours ; nous vous l’avons demandé à plusieurs reprises en commission
spéciale, mais en vain.
D’autre part, s’agissant des cadres, la réforme
pose problème lors de la phase de transition. Nous avons bien compris que vous
passeriez de 8 PASS à 7,9 puis 7,8 voire 7,7 PASS au fil des années :
c’est d’une complexité inouïe. Est-ce exact ?
Cela nécessitera sans
doute une réforme fiscale de l’épargne retraite pour instaurer une sorte de
sur-épargne retraite. Proposerez-vous une réforme de l’impôt sur le revenu et de
l’impôt sur les sociétés, tant pour les salariés que pour les employeurs, afin
que les personnes visées n’en subissent pas les contraintes ?
J’en
viens enfin à la cotisation de solidarité qui existe déjà, monsieur Houlié, et
qui s’établit à un peu plus de 2,3 % – même si elle sera portée à
2,8 % demain. En réalité, ce taux de 2,3 % englobe d’autres
contributions de solidarité : la contribution d’équilibre technique et la
contribution d’équilibre général, qui portent bien au-delà de 3 % le taux
des contributions de solidarité existantes.
M. Pierre
Dharréville. C’est juste !
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Il est intéressant d’entendre le rapporteur général trouver
tous les défauts au système de retraites actuel et de ne lui trouver aucune
vertu alors qu’il en a au moins deux : celle, tout d’abord, d’avoir sorti
la très grande majorité des retraités de la pauvreté, puisque le taux de
pauvreté des retraités n’est en France que de 6,5 % alors qu’il atteint
18 % ailleurs, en Allemagne par exemple. Seconde vertu : il a permis
d’aligner progressivement le niveau de vie des retraités sur celui des
actifs.
M. Loïc
Prud’homme. C’est vrai !
M. Boris
Vallaud. Est-ce que le système est parfait ? Certes non. Peut-il
être amélioré ? Oui. Faut-il pour cela tout mettre par terre comme vous le
faites ?
(« Non ! » sur les
bancs des groupes GDR et FI.)
Au fond, la question que se
posent les Françaises et les Français consiste à savoir si demain sera meilleur
qu’aujourd’hui.
M. Éric
Bothorel. Pourquoi n’avez-vous rien fait avant ?
M. Boris
Vallaud. Ils regardent dans leurs entourages les conditions dans
lesquelles partent leurs parents, leurs frères, leurs sœurs. Or quelle est la
réalité de votre projet ? Le taux de remplacement connaîtra une très forte
diminution puisque la part de PIB que vous consacrerez aux retraites diminuera
alors même que le nombre de retraités augmentera.
M.
Christian Hutin. Eh oui !
M. Bruno
Millienne. Pas du tout !
M. Boris
Vallaud. Lorsque la réforme sera pleinement appliquée, le niveau de vie
des retraités par rapport à celui de la population perdra quelque trente points,
passant de 106 % aujourd’hui à 75 % environ.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Eh oui ! Il a raison !
M. Erwan
Balanant. Des chiffres sortis de leur contexte ne veulent rien
dire ! Vous croyez vous donner un air intelligent en les citant :
c’est incroyable !
M. Boris
Vallaud. Autrement dit, votre réforme gommera quarante années de progrès
accomplis depuis les années 1980 !
M. Bruno
Millienne. Pas du tout ! Revoyez vos cours de maths !
M. Boris
Vallaud. De surcroît, il faudra travailler plus longtemps avec votre
âge-pivot, funeste nouvelle pour ceux qui commenceront leur carrière
tôt !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Il a raison !
M. Boris
Vallaud. Quant à la pénibilité, on sait ce que vous en avez fait en
2017 : vous en avez exclu les travailleurs du secteur du bâtiment et des
travaux publics, les égoutiers, les caissières, les travailleurs de l’industrie
qui sont exposés aux produits chimiques et chez qui la prévalence des cancers
est plus élevée. Est-ce que demain, ce sera mieux qu’aujourd’hui ? Non, ce
sera pire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et
FI.)
M. le
président. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Puisque vous évoquez la sécurité sociale de 1946, monsieur le
rapporteur général, permettez-moi de citer ce que disait Ambroise Croizat à
l’époque.
Mme
Caroline Fiat. Oui, car tout le monde ne le connaît pas !
M. Fabien
Roussel. « Nul ne saurait ignorer que l’un des facteurs essentiels
du problème social en France, comme dans presque tous les pays du monde, se
trouve dans ce complexe d’infériorité que crée chez le travailleur le sentiment
de son insécurité, l’incertitude du lendemain qui pèse sur tous ceux qui vivent
de leur travail. » Et de poursuivre : « Le problème qui se pose
aujourd’hui aux hommes qui veulent apporter une solution durable au problème
social est de faire disparaître cette insécurité. Il est de garantir à tous les
éléments de la population qu’en toute circonstance ils jouiront de revenus
suffisants pour assurer leur subsistance familiale. C’est ainsi seulement, en
libérant les travailleurs de l’obsession permanente de la misère, qu’on
permettra à tous les hommes et à toutes les femmes de développer pleinement
leurs possibilités, leur personnalité, dans toute la mesure compatible avec le
régime social en vigueur. » (Applaudissements sur les bancs du groupe
GDR.)
En quoi votre projet de réforme des retraites répond-il à cette
noble ambition qu’avaient ceux qui reconstruisirent la France en 1946, lorsque
le pays était en ruines ?
M. Bruno
Questel. Vous n’étiez pas né !
M. Fabien
Roussel. Lorsqu’ils créèrent à l’époque la sécurité sociale, ils
décidèrent d’y consacrer 6 % du PIB, ainsi qu’au système de retraites.
Aujourd’hui, la part des richesses que nous consacrons aux retraites s’élève à
14 %, alors que nous produisons quatre fois plus de richesses !
(M. Ugo Bernalicis applaudit.)
M. Éric
Bothorel. Vive la croissance !
M. Fabien
Roussel. Chaque jour, quatre Airbus sortent des usines de Toulouse. À
l’usine Toyota de Valenciennes, on produit une voiture toutes les cinquante-sept
secondes, et vous prétendez que nous ne produisons pas assez de richesses !
Oui, nous avons les moyens de l’ambition d’un véritable système de retraite
protégeant tout le monde, comme c’était le cas en 1946 !
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC.)
M. le
président. La parole est à M. Bruno Millienne.
M. Bruno
Millienne. Mes chers collègues, j’assiste, consterné, depuis la reprise
de nos travaux à dix-sept heures, à un véritable combat de coqs qui nous empêche
d’en venir à l’examen du fond du projet. (Protestations sur plusieurs bancs
des groupes FI et GDR.) Combat de poules également, si vous préférez
madame Autain ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes FI et
GDR.)
M. Fabrice
Brun. Cette remarque est sexiste, monsieur le président !
M. Bruno
Millienne. On me parle d’iniquité, et certains, notamment sur les bancs
du groupe La France insoumise, brandissent leur projet. En quoi est-il
équitable ? Ils font les poches de tous les régimes autonomes pour le
financer ! Qu’y a-t-il d’équitable dans ce projet ? Rien !
(Protestations sur les bancs du groupe FI.) Vous faites la poche des
riches pour donner aux pauvres !
D’autres nous font un procès en
non-universalité : mais pourquoi n’ont-ils pas mis en place un système
universel lorsqu’ils étaient au pouvoir ? Qu’ont-ils fait lors de la
dernière réforme des retraites, celle de Mme Marisol Touraine, à part
allonger la durée de cotisation ?
M. Boris
Vallaud. La pénibilité !
M. Bruno
Millienne. Qui a amené les gens à travailler jusqu’à 65 ans ?
C’est vous, mesdames et messieurs les députés socialistes ! (Vives
protestations sur les bancs du groupe SOC.) C’est vous qui avez gelé les
pensions pendant deux ans ! Alors, s’il vous plaît, faites preuve d’un peu
d’humilité, et laissez cette assemblée travailler ! (Applaudissements
sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM. – Exclamations sur divers
bancs.) Aujourd’hui, on ne peut pas travailler, alors que nous voulons
discuter du fond du texte. Vous déposez des amendements sur les titres des
différentes parties du projet de loi, alors qu’ils n’ont aucune
importance ! C’est le contenu du projet qui importe ! Alors,
travaillons, s’il vous plaît, pour le bien des Français !
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M.
Christian Hutin. C’est votre ministre Véran qui a fait la réforme
Touraine !
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Chenu.
M.
Sébastien Chenu. Je ne sais pas s’il y a des coqs ou des poules ici,
mais je sais qu’il y a malheureusement quelques chapons. (Rires et
exclamations sur divers bancs.)
Monsieur le rapporteur général, vous
avez avancé quelques réflexions sur l’évolution de la société. Lorsque je vous
entends, j’ai envie de vous dire : oui, la société a changé ! À
l’heure de l’ubérisation, de la précarisation et des carrières hachées, nous
avons besoin de sauvegarder un système de retraite ! Voilà pourquoi nous
voterons cet amendement de notre excellent collègue Wulfranc.
Votre
projet n’est pas universel, comme vous vous l’entendrez dire tout au long de nos
débats et comme nous le prouverons. Il aura des conséquences funestes dans la
vie des Français. Vous allez, par exemple, ruiner la profession d’avocat.
M.
Christian Hutin. Très bien !
M.
Sébastien Chenu. En effet, vous allez faire disparaître des milliers
d’avocats, non ceux des gros cabinets, mais les indépendants, ceux qui
s’occupent de la justice du quotidien. Ils disparaîtront comme les médecins
disparaissent aujourd’hui de nos villes. Demain, il n’y aura plus de petits
avocats, conséquence, parmi d’autres, de votre funeste réforme des retraites.
(M. Ludovic Pajot applaudit.)
M. le
président. La parole est à Mme Monique Limon. (Protestations sur
différents bancs.) Vous permettez ? Tout le monde peut s’inscrire pour
prendre la parole, et d’autres groupes se sont exprimés. Seule Mme Limon a
la parole !
Mme Monique
Limon. Je vais sûrement vous paraître un peu décalée, mais je suis
consternée et abasourdie par ce qu’il se passe ici ce soir. Je m’en excuse, mais
je souhaite partager ce sentiment avec vous. (Exclamations sur différents
bancs.)
M. Alain
Bruneel. Vous n’êtes pas obligée de rester !
Mme Monique
Limon. Je peux parler ?
M. le
président. Continuez, madame !
Mme Monique
Limon. Je suis persuadée que si nous discutions raisonnablement du fond
du projet, nous arriverions à trouver des points communs.
M. Pierre
Cordier. Vous rêvez !
Mme Monique
Limon. Je ne peux pas penser autrement. J’aimerais bien que l’on donne
un autre spectacle aux citoyens de nos circonscriptions. (Mmes et
MM. les députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et
applaudissent longuement. – Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI
et GDR.)
Les députés du groupe
GDR. Référendum ! Référendum ! Référendum !
M. le
président. Un petit peu de calme ! Votre attitude n’est pas très
responsable, monsieur Roussel ! Laissez Mme Limon s’exprimer !
Vous avez la parole, madame Limon !
Mme Monique
Limon. J’aimerais bien que l’on cesse de diffuser de fausses
informations et d’empêcher l’expression de chacun.
M. Fabien
Di Filippo. Comment financez-vous la réforme ?
M. le
président. Monsieur Di Filippo, calmez-vous !
Mme Monique
Limon. Je souhaite que l’on parvienne à avoir un vrai débat sur le
projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Demande de vérification du quorum
M. le
président. Je suis saisi par le président du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine d’une demande faite en application de
l’article 61 du règlement de l’Assemblée nationale, tendant à vérifier le
quorum avant de procéder au vote sur l’amendement et les sous-amendements en
discussion.
Conformément au troisième alinéa de l’article 61, je
vérifie d’abord que la majorité des députés du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine est effectivement présente dans l’hémicycle, ce qui est le cas.
M. Stéphane
Trompille. C’est exceptionnel !
Mme Danièle
Obono. Un peu de dignité !
M. le
président. Je constate que le quorum, à savoir la présence de la
majorité absolue du nombre des députés, n’est pas atteint. Conformément à
l’article 61 du règlement, le vote aura lieu dans quinze minutes. La séance
est donc suspendue pour cette durée.
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante, est reprise à
vingt-trois heures dix.)
M. le
président. La séance est reprise.
Avant la suspension de séance,
le vote sur les sous-amendements nos 41 999 et identiques a
été reporté en application de l’article 61, alinéa 4 du
règlement.
Je vais à présent les mettre aux voix.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 219
Nombre
de suffrages
exprimés 200
Majorité
absolue 101
Pour
l’adoption 29
Contre 171
(Les sous-amendements
nos 41 999 et
identiques ne sont pas
adoptés.)
(M. Florian Bachelier
applaudit.)
(Les amendements
nos 25 456 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements identiques,
nos 384 et 535.
La parole est à M. Frédéric Reiss,
pour soutenir l’amendement no 384.
M. Frédéric
Reiss. Le présent projet de loi devait mettre en place un système
universel de retraite, juste, transparent et fiable, censé assurer l’équité et
la solidarité entre les bénéficiaires de pensions de retraite en
France.
Or il faut bien constater que cette réforme ne crée pas un
système universel de retraite, mais un système universel par points, au sein
duquel coexistent plusieurs régimes distincts, respectivement applicables aux
salariés, aux fonctionnaires, aux magistrats et aux militaires, aux salariés
agricoles, aux travailleurs agricoles qui ne sont pas salariés, aux marins, sans
oublier les indépendants et les professions libérales. Où est l’équité ?
Chers collègues de la majorité, vous affirmez supprimer les régimes spéciaux
tout en en créant de nouveaux – c’est sans doute le fameux « en même
temps » !
M. Damien
Abad. Eh oui !
M. Frédéric
Reiss. Ainsi, les contribuables du privé continueraient à financer, par
leurs impôts, les avantages des retraités du public. C’est pourquoi cet
excellent amendement, dont notre collègue Patrick Hetzel est le premier
signataire, vise à supprimer l’intitulé du
chapitre 1er.
M. le
président. L’amendement no 535 de M. Xavier Breton
est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Depuis le milieu de l’après-midi, nous nous
sommes exprimés à de nombreuses reprises à ce sujet, indiquant pourquoi nous
considérons que le système de retraite dont nous débattons est bien plus
universel et équitable, entre les uns et les autres, que celui prévalant à
l’heure actuelle.
M. Christian
Jacob. Il n’est pas universel !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa
Faucillon. Chers collègues de la majorité, au prétexte de supprimer les
régimes spéciaux – conformément à ce qui était annoncé lors de la présentation
du présent projet de loi –, vous mettez en place un régime spécieux, un régime
trompeur, caractérisé par de jolis mots tels que « justice sociale »,
« solidarité » et « universalité ».
Pourtant, sitôt
qu’on y regarde de plus près, on constate que ces termes sont trompeurs. Ceux
que vous trompez au premier chef, ce sont les citoyens de ce pays – donc le
peuple ! C’est pourquoi nous continuerons, inlassablement, à demander
l’organisation d’un référendum.
Pourquoi ces termes sont-ils
trompeurs ? Pourquoi cette réforme est-elle inéquitable ? Tout
d’abord, elle l’est entre le cadre et l’ouvrier. Nous l’avons répété, et nous
avons cité de nombreux exemples, auxquels vous n’avez jamais été capables
d’opposer un seul contre-exemple.
Admettons que l’âge d’équilibre – à
défaut d’âge pivot – soit fixé à soixante-cinq ans. L’ouvrier ou l’ouvrière qui,
n’en pouvant plus d’effectuer un travail dur, partira à l’âge de soixante-deux
ans, soit à un moment où sa santé ne lui permet plus de travailler, et subira
donc une décote de 15 % ou de 20 %. Le cadre, lui, pourra peut-être
partir à soixante-six ans avec le même état de santé, et bénéficiera d’une
surcote de 5 %, alors même que son espérance de vie est, en moyenne, de
sept ans supérieure à celle de l’ouvrier. Nous sommes donc bien en présence
d’une réforme inéquitable.
Elle l’est également entre les générations,
selon que l’on est né avant ou après 1975, mais aussi avant ou après
1990.
Enfin, elle est inéquitable entre les hommes et les femmes. Vous
avez beau prétendre le contraire, même l’étude d’impact accompagnant le projet
de loi ne permet pas de démontrer en quoi les femmes pourraient être avantagées.
Elles seront bel et bien les grandes perdantes.
Nous soutenons donc les
amendements nos 384 et 535.
M. le
président. La parole est à M. Alexis Corbière.
M. Alexis
Corbière. Tout à l’heure, l’une de nos collègues du groupe
La République en marche a appelé à assurer la dignité des débats, à juste
raison me semble-t-il.
M. Jacques
Maire. Tartuffe !
M. Alexis
Corbière. Sans doute est-il nécessaire, à ce moment du débat, que
j’indique à nouveau – tel que je l’entends – ce que nous faisons.
Un député du groupe
LaREM. De l’obstruction !
M. Alexis
Corbière. Les membres de la majorité doivent l’entendre : nous ne
sommes pas des associés dirigeant la start-up France avec vous, chers collègues.
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Nous ne voulons pas nous
mettre au travail avec vous. Tel n’est pas notre objectif. Notre objectif n’est
pas, comme vous le faites peut-être parfois dans certains conseils
d’administration, de nous retrousser les manches et de dire « Allez, au
boulot ! ».
Nous sommes membres la représentation nationale et
nous sommes en désaccord radical avec le projet de loi que vous présentez.
M. Sylvain
Maillard. On a compris !
M. Rémy
Rebeyrotte. Vous êtes contre tout !
M. Alexis
Corbière. Nous pensons même que vous êtes illégitimes (Vives
protestations sur les bancs du groupe LaREM), que vous n’avez pas été élus
pour mener une telle réforme, que celle-ci ne figurait pas dans votre programme.
(« Six pour cent ! sur les bancs du
groupe LaREM.) Vous viciez la démocratie parlementaire en imposant aux
Français un projet que vous ne leur avez jamais soumis. (Brouhaha.) Dès
lors, comment dénouer une telle contradiction ? En faisant une chose que
tout Républicain se doit de faire : convoquer le peuple français de nouveau
par le biais d’un référendum. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI
et GDR ainsi que parmi les députés non inscrits. – Exclamations prolongées sur
les bancs du groupe LaREM.) Voilà ce que nous vous demandons. Vous êtes
brutaux, violents, vous méprisez la République ! Oui, et nous ne vous
laisserons pas faire. (M. Florian Bachelier lève six
doigts.)
Regardez M. Bachelier me montrant ses mains comme un
crétin, mais pour me dire quoi ? Oui, je vous méprise quand vous faites
cela, monsieur Bachelier (Vives exclamations redoublées sur les bancs du
groupe LaREM) parce que c’est indigne, parce que j’en ai assez. Ce que je
vous dis est grave : vous n’avez pas une majorité dans le pays.
(« Et vous ? » sur
plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Marie-Christine
Verdier-Jouclas et M. Bruno Questel crient
« 6 % » en même temps
qu’ils montrent six de leurs doigts.) Toutes les études d’opinion le
démontrent. Entendez-le ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes FI et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Cet amendement mérite d’être voté.
Je veux
répondre à notre collègue qui s’inquiétait du regard de nos
concitoyens.
Nos concitoyens se préoccupent des futures pensions de
retraite, notamment celles de leurs enfants qui ont commencé leur vie active. Le
débat n’est pas médiocre, il est fondamental parce que la vie de millions de
Françaises et de Français est en cause et que ces derniers devront affronter de
durs moments. C’est notre rôle dans cette enceinte que de le dire et
d’alerter.
Vous vous étonnez du débat, comme si vous ne supportiez plus
la contradiction.
M. Mickaël
Nogal. Nous attendons le débat !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Mais la contradiction s’impose parce que vous avez
tellement menti aux Français. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Le jeudi 25 avril – ce n’est pas si loin –, le Président de la
République disait exactement l’inverse de ce que vous soutenez aujourd’hui. Il
rejetait l’idée d’un recul de l’âge légal. « Je me suis engagé à ne pas le
faire. C’est mieux de faire ce qu’on a dit » affirmait-il, ajoutant –
méditez les paroles de votre président ! – : « tant qu’on n’a pas
réglé le problème du chômage, ce serait hypocrite de décaler l’âge légal. Quand
aujourd’hui on est peu qualifiés, quand on vit dans une région en difficulté
industrielle, quand on est soi-même en difficulté, bon courage déjà pour arriver
à 62 ans ! ». Qui le dit ? Ce n’est pas moi, c’est Emmanuel
Macron le 25 avril. (Mêmes mouvements.)
M.
Christian Hutin. Bravo Macron !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Depuis, vous avez changé, vous avez menti aux Français et
vous vous étonnez de leur mécontentement. Qu’est ce que l’âge pivot si ce n’est
le recul de l’âge légal ? Ce n’est pas une question de respect mais de
vérité. On ne peut pas mentir aux Français éternellement.
M. Bruno
Questel. Et vous ne leur avez pas menti avec Mme Le Pen ?
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Lorsqu’on est président de la République, on ne peut pas
affirmer quelque chose un jour…
M. le
président. Merci.
La parole est à Mme Aurore Bergé.
Mme Aurore
Bergé. J’entends certains députés dire leur mépris pour d’autres
collègues. Je n’ai aucun mépris pour quelque collègue que ce soit car nous
sommes tous ici par la volonté qu’ont manifestée nos concitoyens en nous
élisant. Cela n’inspire pas le mépris. (Applaudissements sur plusieurs bancs
des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
En revanche, on peut ressentir
une forme de colère face au détournement de la démocratie, face aux manœuvres
dilatoires dont le but n’est pas de parler du fond, des millions de Français
concernés par le maintien des pensions, des femmes dont la pension reste encore
inférieure de 42 % à celle des hommes (Applaudissements sur les bancs du
groupe LaREM), des retraités agricoles pauvres qui ne s’en sortent pas et
qui nous alertent depuis des années. Ceux-là attendent mieux que des heures de
débats sur l’intitulé du titre Ier.
C’est justement au
bénéfice des Français que la majorité veut débattre du fond du projet de système
universel de retraite. Oui, chers collègues, même si cela vous embête, nous
sommes là. Même si depuis le début de la législature vous refusez de l’admettre,
nous sommes bien là ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM
et MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry
Benoit. Je m’oppose à ces amendements qui visent à supprimer l’intitulé
du chapitre Ier : « Un système universel commun à tous
les assurés ».
Je l’ai dit hier dans la discussion générale, la
dernière grande réforme des retraites a eu lieu il y a dix ans, sous la
présidence de Nicolas Sarkozy et le gouvernement de François Fillon. Cette
réforme était difficile mais courageuse. Elle consistait à porter de 60 à
62 ans l’âge d’ouverture des droits à une retraite à taux plein. En tant
que député centriste, je l’ai votée.
Depuis trois législatures, je
défends l’instauration d’un système universel de retraite par points.
M.
Sébastien Jumel. Vous êtes le seul !
M. Bruno
Questel. Il est courageux. Écoutez-le !
M. Thierry
Benoit. Je souhaite que le débat ait lieu, comme cela a été le cas lors
de l’examen en commission spéciale, et je déplore que depuis dix-sept heures,
nous soyons bloqués sur le titre Ier. (Applaudissements sur
plusieurs bancs des groupes UDI-Agir, LaREM et MODEM.) Je le dis aux députés
quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent.
Je suis resté député
centriste non pas par opportunisme, monsieur Jacob, mais parce que je considère
qu’il y a une part de vérité dans chacune et chacun d’entre nous. (Mêmes
mouvements.)
C’est la raison pour laquelle je souhaite débattre du
fond, travailler et aller plus loin que le projet de loi sur la pénibilité – le
travail de nuit, les horaires décalés –, les carrières longues, le cumul
emploi-retraite et les petites retraites, notamment pour les retraités actuels.
(Mêmes mouvements.)
(Les amendements identiques nos 384 et 535
ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 23846 qui
fait l’objet d’un sous-amendement no 41983.
La parole est
à M. Régis Juanico, pour soutenir l’amendement.
M. Régis
Juanico. Le titre du film est mauvais. Votre système n’a rien
d’universel. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
Vous mettez en avant la liberté de choix de la date du départ
à la retraite, mais la seule règle universelle qui s’appliquera à tous sera
l’injustice, la dureté – le malus, la décote, l’âge d’équilibre qui est en fait
un âge légal différé.
Le système universel de retraite à points est une
machine à réduire le montant des pensions. Les salariés aux carrières
ascendantes – ceux dont le salaire progresse au cours de leur vie
professionnelle – seront pénalisés par la prise en compte de l’ensemble de la
carrière, au lieu des vingt-cinq dernières années dans le secteur privé ou des
six derniers mois pour les fonctionnaires.
Vous invoquez la lisibilité,
mais c’est le brouillard complet pour les futurs retraités. Plus personne n’y
comprend rien et vous venez de créer, avec votre clause à l’italienne – tout un
programme ! – un quarante-quatrième régime de retraite, sans parler des
différences en fonction des générations.
Le Conseil d’État dans son avis
propose un bon résumé : le système par points retire aux assurés de la
visibilité sur le taux de remplacement qui leur sera appliqué dans la mesure où
celui-ci ne sera plus exprimé par rapport à un revenu de référence mais à la
valeur d’un point défini de manière à garantir l’équilibre financier global du
système. Ladite valeur est suspendue à l’invention sur un coin de table d’un
nouvel indicateur : le revenu moyen d’activité par tête.
Le système
actuel se caractérise par un haut taux de remplacement, autour de 75 % du
revenu avant la retraite, et un taux de retraités pauvres parmi les plus faibles
en Europe – 6,5 %. Vous ne garantissez ni l’évolution future du taux de
remplacement ni le niveau de vie relatif des retraités par rapport aux actifs.
Vous fabriquerez des retraités pauvres. (Applaudissements sur les bancs des
groupes SOC et GDR.)
M. le
président. Sur le sous-amendement no 41983, je suis
saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Le scrutin est
annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à
M. Ugo Bernalicis, pour soutenir le sous-amendement.
M. Ugo
Bernalicis. J’entends des « Oh non ! », cela me fait
grandement plaisir – certains vont sans doute souffrir. (Exclamations sur
quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Veuillez laisser M. Bernalicis s’exprimer !
M. Alexis
Corbière. Oui, les trolls, ça commence à bien faire !
M. Ugo
Bernalicis. Soyons factuels. L’amendement tend à modifier l’intitulé du
chapitre Ier afin de faire référence non à un système universel,
mais à un système par points. Nous proposons d’y ajouter le mot
« individuels », car tel est bien votre objectif : individualiser
les rapports sociaux et rompre avec le bien commun, le vivre ensemble, les
décisions collectives et le système par répartition tel que nous le connaissons
aujourd’hui.
Par ailleurs, il n’y a pas de raison majeure de réformer
tout de suite le système pour conjurer le spectre d’un déficit – horreur !
– ou, pire, d’une dette.
Je réponds maintenant à notre collègue qui
commentait le contre-projet de La France insoumise – lequel est, au passage,
bien mieux ficelé que l’étude d’impact et le projet de loi qui nous sont
soumis. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Erwan
Balanant. Quinze pages !
M. Bruno
Millienne. Vos propositions ne sont même pas financées !
M. Ugo
Bernalicis. Les 150 milliards d’euros que nous pointons ne
correspondent pas seulement au montant mis de côté par les différents régimes
disposant de caisses autonomes. Mais ces régimes ont, en effet, plutôt bien
prévu leur coup : ils ont fait des réserves pour le cas où la démographie
de leur profession les contraindrait à piocher dedans ; ce ne sont pas des
écureuils ; ils mettent de l’argent de côté parce qu’ils pensent à
l’avenir, ce que vous ne faites pas puisque vous êtes incapables de présenter un
financement de la réforme – personne n’en sait rien –, sans même parler des
indicateurs fumeux que vous inventez au fil des discussions. Voilà la
vérité !
Oui, des réserves existent, et heureusement, parce que
certains ont bien géré leur régime.
M. Frédéric
Petit. C’est un plaidoyer pour la capitalisation !
M. Ugo
Bernalicis. N’essayez pas d’inventer un déficit qui n’existe pas. Et
quand bien même il existerait, nous disposons des moyens d’y faire face. De
même, nous pouvons prendre le temps nécessaire pour faire une réforme juste pour
les femmes, les travailleurs et les personnes exerçant un métier pénible.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le
sous-amendement ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Comme Monique Limon, Aurore Bergé ou
Thierry Benoît, j’ai envie de travailler le fond du sujet. Avis défavorable,
donc à ces amendements ou sous-amendements dont le but est uniquement de
ralentir les débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M.
Christian Hutin. Si c’était pour dire cela, il aurait mieux valu ne pas
donner d’avis !
M. le
président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Je m’étonne que la majorité s’émeuve de ce que
nous nous attardions sur l’intitulé de ce chapitre. Mais celui-ci est tout de
même le cœur de votre projet. Ce n’est pas nous qui avons choisi de parler de
« système universel ». (Applaudissements sur plusieurs bancs des
groupes LR, FI, GDR et parmi les députés non inscrits.)
C’est la
majorité qui a fait un tel choix. Il conviendrait de l’assumer.
Le
rapporteur, M.Turquois, nous a fait tout à l’heure une révélation : le
système ne serait pas aussi universel qu’il n’y paraissait.
(M. Pascal Lavergne proteste.)
Ce qui est
anxiogène pour nous concitoyens, c’est de ne pas savoir ce que signifient
concrètement pour eux les grands principes qui sont posés. Pour chaque
profession ou pour chaque tranche d’âge, on ignore ce qui se passera. Vous avez
créé des indicateurs nouveaux mais les Français ont besoin de réponses. Nous
passons autant de temps sur l’intitulé parce que vous devez admettre que rien
dans votre nouveau système de retraite n’est universel. (Applaudissements sur
les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Je veux répondre aux collègues qui s’offusquent que nous
passions autant de temps sur l’intitulé du
titre Ier.
L’intitulé est important. Vous avez été élus –
c’est incontestable –, mais vous l’avez été sur le fondement d’un programme. Or
ce programme, vous en êtes les plus grands connaisseurs. Vous aviez promis ne
pas toucher au niveau des pensions ni à l’âge de départ à la retraite. Pourtant,
s’il faut travailler plus longtemps pour atteindre le même niveau de pension,
c’est bien que ce niveau baisse.
S’agissant du titre, je répète ce que
j’ai pu dire en commission : oui, en matière de retraite, le macronisme
nous fait regretter la droite républicaine. (Exclamations sur les bancs du
groupe LaREM.) Nous en sommes en désaccord radical avec celle-ci car elle
souhaite le recul de l’âge de départ à la retraite. (Mêmes
mouvements.)
M. le
président. Laissez M. Quatennens s’exprimer !
M. Adrien
Quatennens. La différence entre la droite républicaine et vous, qui
faites la même chose – votre projet n’est, au fond, qu’une vaste mesure
d’âge –, c’est qu’elle assume ce qu’elle souhaite. Elle affirme vouloir une
mesure d’âge et ne raconte pas aux Français des histoires à dormir debout ou des
comptines enfantines sur un régime universel qui n’existe pas.
Un député du groupe
LaREM. Il faut lire le texte avant d’en parler !
M. Adrien
Quatennens. Votre système de retraite est une mécanique qui va permettre
que, demain, sur un coin de table, par la modulation de la valeur du point ou de
l’âge d’équilibre selon un coefficient de conversion, quelques technocrates
fassent ce que la droite appelle de ses vœux et a déjà accompli par le passé.
Vous posez les conditions pour qu’au cours des quinze ou vingt prochaines
années, on fasse des réformes des retraites équivalentes à celles qu’on faisait
par le passé, mais cette fois sur un coin de table. Votre texte n’est qu’une
vaste mesure d’âge qui contrevient à vos engagements ; nous avons donc
raison de vous rappeler à l’ordre quant à votre légitimité à agir.
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
Monsieur
Jumel, veuillez vous exprimer sans attendre.
M.
Sébastien Jumel. J’ai tout mon temps, monsieur le président.
M. le
président. J’ai remarqué, mais le chrono tourne !
(Sourires.)
M.
Sébastien Jumel. Il tourne à partir du moment où la parole est engagée,
et c’est d’ailleurs le sens de mon intervention.
M.
Christian Hutin. À la même heure hier soir, nous étions déjà
couchés !
M.
Sébastien Jumel. La conférence de financement, qui s’est réunie ce matin
et dont le ministre refuse de nous révéler le contenu des discussions,…
M. Fabien
Di Filippo. C’est incroyable ! Quelle opacité !
M.
Sébastien Jumel. …a vocation à se réunir les 10, 12, 24 et 25 mars
et doit rendre ses conclusions en avril.
M. Pierre
Cabaré. De quelle année ?
M.
Sébastien Jumel. Nous vous rendons donc service en faisant durer le
plaisir ; cela donne à la conférence le temps nécessaire pour
travailler.
Parmi les échos que nous avons eus de la réunion de la
réunion, il y a Laurent Berger qui demande si, en cas de recettes insuffisantes
résultant d’un désengagement de l’État, il reviendra aux travailleurs de
payer ; il y a le responsable de la CFTC qui dit qu’il revient à l’État de
payer ses dettes ; il y a Force ouvrière qui n’accepte de participer à la
conférence que pour surveiller ce qui s’y dit et éviter que les bénéficiaires
des dispositifs sociaux ne soient spoliés ; et il y a la CGT qui démontre,
avec l’aide des experts qu’elle a mobilisés, que si le chiffre de
11,3 milliards d’euros de déficit peut permettre de faire peur – et la
majorité ne s’en prive pas –, le système peut revenir à l’équilibre s’il n’est
pas dégradé.
Tout à l’heure, notre collègue marcheuse Monique Limon nous
a rappelés à la raison. Je veux répondre que nous ne jouons pas.
(Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Lorsque
j’interviens au nom du territoire d’où je suis élu au sein du groupe de la
Gauche démocrate et républicaine, où je me sens épanoui, j’ai en tête la
situation d’Arnaud, 44 ans, contrôleur dans une verrerie ; de
Christian, manœuvrier du pont Colbert ; de Clément, marin du
Transmanche ; de David, conducteur-mécanicien de machines industrielles.
Ces personnes demandent à quelle sauce elles vont être mangées.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41983.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 234
Nombre
de suffrages
exprimés 218
Majorité
absolue 110
Pour
l’adoption 28
Contre 190
(Le sous-amendement no 41983 n’est pas
adopté.)
(L’amendement no 23846 n’est pas
adopté.)
M.
Christian Hutin. Il faudra recompter !
M. le
président. Je suis saisi de dix-sept amendements pouvant faire l’objet
d’une présentation groupée. Cette série comprend l’amendement no 2302
et seize amendements identiques déposés par les membres du groupe La France
insoumise.
Avant de donner la parole à Mme Clémentine Autain pour
soutenir l’amendement no 2302 et identiques, je vous indique que
je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public
sur ces amendements.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Sur le sous-amendement no 42067 à
l’amendement no 2302, je suis également saisi par le groupe de la
Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est également annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Erwan
Balanant. C’est blanc bonnet et bonnet blanc !
Mme
Clémentine Autain. Continuons notre travail sur les mots. Car si nous
avons l’habitude, dans cet hémicycle, d’entendre des phrases dignes de George
Orwell et de son « la guerre c’est la paix », vous avez, avec ce
projet de loi, dépassé presque toutes les bornes en la matière.
M.
Christian Hutin. C’est bien vrai !
Mme
Clémentine Autain. C’est pourquoi nous proposons de rebaptiser le
chapitre 1er du titre Ier – qui s’intitule
« un système universel commun à tous les salariés – en le libellant
ainsi : « un système créant un régime de retraite par assuré, système
souffrant lui-même de nombreuses exceptions ». Ce titre correspond en tout
point à la réalité, car ce projet de loi n’est pas parfaitement préparé, avec
des mots qui ne sont pas parfaitement à leur place, une universalité qui n’est
pas parfaitement universelle. Il s’agit d’une réforme juste qui n’est pas
parfaitement juste, d’une réforme lisible qui n’est pas parfaitement lisible. La
liberté de choix n’est pas parfaitement libre, le calcul du point n’est pas
parfaitement calculé.
M. Mustapha
Laabid. Mais l’amendement, lui, est parfaitement idiot !
Mme
Clémentine Autain. En revanche, ce qui est parfaitement clair, c’est que
vous masquez avec vos mots la réalité de votre projet. En discutant et disputant
chaque alinéa, nous souhaitons mettre en avant ce qui, en dépit de vos annonces,
ne figure pas concrètement dans votre projet de loi. Nous souhaitons éclairer
les Français, qui ont parfaitement compris que l’objectif poursuivi était la
règle d’or, l’austérité budgétaire, et, derrière elles, la nécessité de
travailler plus longtemps pour des pensions plus basses en raison d’un effort
collectif amoindri. Nous souhaitons permettre aux retraités de vivre mieux et de
travailler moins longtemps ; voilà la réalité.
Alors que l’une de
nos collègues parlait de la solennité et de la qualité de nos débats, je
souhaiterais simplement que chacune et chacun ait à l’esprit l’état du pays et
l’ampleur de la colère qui y règne. Cette dernière ne résonne pas sur vos bancs,
mais elle pétrit l’activité parlementaire sur ceux de l’opposition de gauche.
(Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR – (Exclamations sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Pascal
Bois. Vous avez de ces formules !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 42067.
M. Pierre
Dharréville. Vous l’avez compris : si nous discutons de ces
intitulés, c’est parce qu’ils ne nous semblent pas conforme au contenu du texte.
Nous souhaitons nous rapprocher de la réalité. C’est pourquoi j’ai applaudi
notre rapporteur Nicolas Turquois lorsqu’il a évoqué un système « pas
parfaitement universel ». Dans ce sous-amendement, je reprends la formule à
mon compte, afin de prendre acte de ce léger progrès, de ce début de convergence
de vues entre nous.
Je comprends, chers collègues de la majorité, que
vous cherchez à vous convaincre vous-mêmes que ce texte reflète bien les
intentions affichées ; mais c’est une tâche difficile, tant le décalage est
grand entre les dispositions que vous souhaiteriez peut-être défendre et celles
que le projet de loi contient réellement. Vous vous présentez, en quelque sorte,
comme les victimes d’un débat qui ne vous plaît pas.
M. Pascal
Lavergne. Ce sont les Français qui seront victimes de vos
méthodes !
M. Pierre
Dharréville. Or ce débat est nécessaire, car votre projet est évidemment
mauvais et qu’il est contesté dans le pays par une majorité de citoyennes et de
citoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Vous
n’apportez pas de réponse s’agissant du coût de la mesure relative aux hauts
salaires et de la phase de transition ; je note qu’il s’agit d’un défaut
d’information du Parlement. Tandis que si vous défendez un certain nombre de
mesures périphériques, vous n’évoquez jamais les axes structurants de votre
projet tels que l’allongement de la durée de cotisation ou la baisse des
pensions. Vous n’en parlez jamais !
En ce qui nous concerne, nous
souhaitons débattre de ce projet, ainsi que de nos propositions, mais nous en
sommes empêchés. Nous n’avons pas le sentiment d’obtenir des réponses ni d’être
entendus. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
M.
Christian Hutin. Très bien !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements
identiques et ce sous-amendement ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ce que j’ai compris parfaitement, madame
Autain, monsieur Dharréville, c’est que vous abîmez gravement le fonctionnement
parlementaire. Il nous revient de travailler les textes, d’essayer de les
comprendre, de les enrichir. Vous pouvez participer à ce processus, car il est
toujours possible d’améliorer un texte. Mais c’est en débattant que nous y
parviendrons, pas en criant. Je suis donc parfaitement défavorable aux
amendements et au sous-amendement. (Applaudissements sur quelques bancs du
groupe MODEM et LaREM.)
M. André
Chassaigne. Pourquoi donc avoir fait le choix de la procédure
accélérée ?
M.
Christian Hutin. Quatre mots de la part du rapporteur, comme
d’habitude…
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. C’est
parfaitement suffisant !
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je crains, madame Autain, que
vous ne révéliez pas grand-chose en vous concentrant sur les mots et les
intitulés, hormis votre refus de débattre sur le fond.
Mme Sylvie Tolmont.
Vous l’avez déjà dit !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous nous invitez, monsieur
Dharréville, à débattre des principes structurants du projet de loi, mais ce
n’est pas en s’acharnant sur les mots qui composent les titres de ses
différentes parties que nous y parviendrons. Venons-en donc au débat sur ces
principes structurants ! (Applaudissements sur quelques bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Il n’y a pas de débat possible ni de démocratie si les
mots n’ont plus de sens,…
Mme
Clémentine Autain. Bien sûr !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. …s’ils désignent l’inverse de leur signification.
Mme Autain a le mérite de rappeler la valeur des mots.
En
l’occurrence, la certitude est que les niveaux de pension vont baisser ; la
preuve figure même dans l’étude d’impact. Je lis, page 205, l’exemple d’un
salarié au SMIC à temps complet durant toute sa carrière : qu’il
appartienne à la génération 1975, 1980 ou 1990 et qu’il prenne sa retraite à
62 ans, 63 ans, ou 64 ans, sa pension baisse ! Elle baisse
pour une raison simple, indiquée dans l’étude d’impact – qui est pourtant
sujette à caution : vous allez consacrer, d’après les prévisions,
12,9 % du PIB aux retraites, et ce malgré une croissance en hausse, un
nombre de retraités en augmentation et la légitime attribution d’avantages
supplémentaires à certaines catégories de personnes.
Derrière ces
chiffres – et c’est également écrit dans l’étude d’impact –, il y a la
volonté d’obéir à Bruxelles
(« Ah ! » sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM), c’est-à-dire aux grandes orientations de
politique économique.
M. Mickaël
Nogal. Il y avait longtemps !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. C’est effectivement écrit ! Vos vrais maîtres se
trouvent à Bruxelles et vous souhaitez simplement leur obéir et réduire l’effort
consacré aux retraites, lequel a permis, comme l’a rappelé notre collègue du
groupe Socialistes et apparentés,…
M.
Christian Hutin. Il s’appelle Boris Vallaud ! Un mec de
gauche !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. …de sortir les retraités français de la pauvreté. Alors
qu’il a fallu quarante ans pour les sortir de la pauvreté, votre majorité va les
faire retomber dedans !
Par ailleurs, M. le secrétaire d’État
n’a toujours pas répondu – ce qui est tout de même incroyable – sur le
coût du régime spécial pour les hauts revenus, qui concernera
300 000 personnes. (Applaudissements parmi les députés non
inscrits.) Nous ne savons toujours pas combien cela va coûter !
J’aimerais donc obtenir une réponse du Gouvernement ; cela honorerait la
représentation nationale.
M. le
président. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Il faut parler du fond ! (Exclamations sur les bancs
des groupes LaREM et MODEM.)
Vous souvenez-vous de votre
programme ? Vous l’avez lu et distribué partout. Qu’était-il écrit ?
Il faut que les Français soient éclairés sur la réalité de votre projet. Vous
mentez aux Français ! (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Vous avez dit à tout le monde : « Nous mettrons fin aux
injustices de notre système de retraite. » Et plus loin : « Nous
ne toucherons pas à l’âge de départ à la retraite, ni au niveau des
pensions. »
M. Bruno
Millienne. C’est exactement ce que nous proposons !
M. Fabien
Roussel. Le Président de la République lui-même, lorsqu’il était simple
candidat invité au journal de 20 heures de TF1 le 12 mars 2017, a dit
ceci : « Mon objectif n’est pas de faire des économies sur le dos des
retraités ou de ceux qui vont partir en retraite. »
Alors, pourquoi
la part du PIB consacrée au financement de notre système de retraite va-t-elle
passer de 14 % à 12,9 % ? (Applaudissements sur les bancs des
groupes GDR et FI.) Pourquoi est-il écrit dans le projet de loi et dans
l’étude d’impact que l’âge d’équilibre sera désormais fixé à 65 ans
– 66 ans pour la génération née en 1990 –, alors qu’il est de
62 ans aujourd’hui ? Pourquoi, pour ceux qui effectuent des travaux
pénibles, l’âge de départ sera-t-il de 63 ans demain, pour un âge
d’équilibre fixé à 65 ? (Protestations sur les bancs des groupes LaREM
et MODEM.)
Un député du groupe
LaREM. Vous mélangez tout !
M. Bruno
Millienne. Il est déjà de 63 ans !
M. Fabien
Roussel. Il faut éclairer les Français sur la réalité de votre projet.
Laissez-nous parler du titre et dire, chaque fois que nous prendrons la parole,
quelle est la réalité de votre projet de régression sociale.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
M. Bruno
Millienne. C’est vous qui mentez !
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Chers collègues, comprenez que nous ne sommes pas là pour
travailler avec vous ni pour coopérer. (« On a
compris ! » sur les bancs du groupe
LaREM.) Ce n’est pas notre intention et nous n’y sommes pas tenus.
M. Bruno
Millienne. Nous non plus !
M. Adrien
Quatennens. Nous ne faisons qu’exprimer ce que ressent une part
majoritaire des Français à l’égard du projet de loi. (Vives protestations sur
les bancs du groupe LaREM.)
M. Mickaël
Nogal. Non ! Non ! Non ! Non et non !
Plusieurs députés du groupe
LaREM. C’est n’importe quoi ! Vous avez fait 6 % !
M. Adrien
Quatennens. C’est là le score d’une élection. Je parle ici des Français,
dont la majorité est opposée au projet de réforme (Exclamations sur les bancs
du groupe LaREM) et dont une plus grande majorité encore souhaite soumettre
celui-ci à référendum. Mes collègues ont raison d’insister sur le fait que votre
programme annonçait l’inverse de ce que vous êtes en train de faire, et nous le
répéterons autant de fois que possible.
Chers collègues, aucune de nos
interventions n’est dénuée de fond. (Nouvelles exclamations sur les mêmes
bancs.) Notre contre-projet est, en quelque quarante pages, plus solide et
plus sérieux que les mille pages pipées de votre étude d’impact truquée, où
l’âge d’équilibre est gelé. Et, quand bien même il ne le serait pas,
19 000 amendements en commission, 22 000 amendements déposés
par notre groupe en séance et 40 000 par l’ensemble de la représentation
nationale, c’est quarante mille occasions, pour vous toutes et tous que l’on
entend bien peu, de défendre le projet de loi. À quoi bon jouer la montre ?
Que cherchez-vous, le débat de fond ou le calendrier ? Puisque nous avons
le temps, intervenez !
M. Rémy
Rebeyrotte. C’est vous qui jouez la montre ! Vous ne faites que
cela !
M. Adrien
Quatennens. Vous avez plus de quarante mille occasions de sortir du bois
en montant à la tribune pour défendre, s’il le faut, devant les Français, un
projet de loi sur les retraites dont personne ne veut. Mme Ndiaye disait,
l’autre jour : « Le Président de la République veut que nous amenions
ce projet de réforme à bon port. » Eh bien, ne vous en déplaise, pour une
majorité de Français, le bon port, c’est la poubelle de l’histoire !
M. Éric
Bothorel. Vous l’avez déjà dit !
M. Rémy
Rebeyrotte. Ça nous rappelle des références…
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Vous en conviendrez, monsieur Quatennens : ces
amendements sont rédactionnels, un peu provocateurs – vous l’assumez –
et leur but est de faire de l’obstruction parlementaire.
(M. Adrien Quatennens brandit l’étude d’impact.)
M. Adrien
Quatennens. Et ça, ce n’est pas provocateur ?
M.
Jean-Paul Mattei. Nous l’avons déjà vécu en commission, nous sommes
blindés ! Je suis prêt à aller jusqu’au bout, cela ne me pose pas de
problème ;…
Plusieurs députés du groupe
LaREM. Nous non plus !
M.
Jean-Paul Mattei. …comme vous, nous sommes entraînés.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Toutefois, j’aurais bien aimé que l’on parle de
l’article 1er, de l’article 8, de l’article 9, qui
fixe les modalités de détermination du point, ou encore de l’article 13,
puisque l’on a parlé du PASS, le plafond annuel de la sécurité sociale ;
bref, que l’on aille au fond du texte, ce que vous ne nous permettez pas de
faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Je vous rassure sur la question du rythme démocratique :
dans deux ans, il y aura des élections. Il faut l’accepter. Si notre projet est
aussi mauvais que vous le dites, les Français nous condamneront à cette
occasion.
Mme Danièle
Obono. Ce sera le cas !
M.
Jean-Paul Mattei. C’est le jeu démocratique et il faut le respecter.
Mais, comme députés de cette assemblée, nous représentons le peuple français et
nous irons jusqu’au bout pour assumer notre rôle. (Vifs applaudissements sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Régis
Juanico. Vous ne serez pas réélus !
M. le
président. La parole est à Mme Catherine Fabre.
Mme
Catherine Fabre. Monsieur Quatennens, vous en restez à des intitulés
depuis des heures.
M. le
président. Madame Fabre, adressez-vous au président, cela évitera que le
plaisir se prolonge à l’excès.
Mme
Catherine Fabre. Chers collègues, je regrette que, depuis des heures,
nous en restions à des intitulés et que certains refusent d’entrer dans le débat
de fond. L’opposition dit qu’elle veut débattre, mais nous débattons de
principes généraux qui ne sont pas fondés sur des faits. De quoi avez-vous peur,
chers collègues ? Que nous soyons capables de vous prouver que nous avons
un beau projet, un bon projet ? Oui, vous en avez peur, et c’est pour cela
que vous refusez d’étudier le texte article par article. (Protestations sur
les bancs des groupes GDR et FI. – Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
Parlons du fond. Loin de vouloir parler sérieusement du
contenu du texte, vous faites sciemment peur aux Français en nous inondant de
contre-vérités et vous multipliez depuis tout à l’heure les procès d’intention à
notre égard sur deux points.
M. Fabien
Roussel. Rectifiez, alors ! Confirmez que l’âge légal de départ
sera fixé à 62 ans !
Mme
Catherine Fabre. Premièrement, l’âge légal de départ restera à
62 ans. Deuxièmement, vous faites peur aux Français en disant que nous
voulons baisser le niveau des pensions ; mais vous savez tous pertinemment
qu’il baisse depuis trente ans. Et pourquoi baisse-t-il ?
Mme Danièle
Obono. À cause des réformes paramétriques !
Mme
Catherine Fabre. Il baisse parce que la valeur du point est indexée sur
l’inflation. C’est justement cela que nous voulons rectifier afin de stabiliser
le niveau des pensions. (Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.)
Ça suffit, les fantasmes ! Nous voulons un vrai débat : abordons
le fond au lieu de nous attarder sur des intitulés – c’est ridicule.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du
groupe MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Chenu.
M.
Sébastien Chenu. Nous sommes une minorité, dans l’hémicycle, à défendre
un autre projet ou à nous opposer au projet de loi que rejette la majorité des
Français. Nous sommes une minorité de députés pour faire entendre une majorité
de Français ; vous êtes une majorité pour défendre l’inverse de ce que vous
leur proposiez il y a deux ans et demi, dans des programmes où s’affichaient vos
bobines à côté de celle d’Emmanuel Macron.
Un député du groupe
LaREM. Jaloux !
M.
Sébastien Chenu. Ce titre est le symbole de votre politique trompeuse.
Je me souviens de votre verbiage de campagne électorale : la bienveillance,
la transversalité… En réalité, nous voyons ici le sectarisme et la brutalité de
vos positions politiques. Pourquoi parler d’obstruction, chers collègues ?
Il n’y a pas d’obstruction ici, mais un débat qui va se tenir, qui commence.
M. Pascal
Lavergne. Une mascarade !
M.
Sébastien Chenu. Pourquoi parler d’urgence ? Pourquoi voulez-vous
aller à toute vitesse ? Qu’est-ce qui nous presse ? Qu’est-ce qui
nécessiterait de limiter le temps passé à discuter d’un projet qui ne recueille
pas l’assentiment des Français ? Pourquoi se dépêcher, si ce projet est si
important ? Il va déstructurer les retraites des Français ; nous avons
tout le temps d’en parler.
Mme Perrine
Goulet. Allons-y, alors !
M.
Sébastien Chenu. Ce temps, nous le prendrons pour vous mettre face à vos
contradictions. (Applaudissements parmi les députés non
inscrits.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42067.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 219
Nombre
de suffrages
exprimés 205
Majorité
absolue 103
Pour
l’adoption 26
Contre 179
(Le sous-amendement no 42067 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 2302 et les
seize amendements identiques suivants.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 221
Nombre
de suffrages
exprimés 206
Majorité
absolue 104
Pour
l’adoption 24
Contre 182
(Les amendements no 2302 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
2
Ordre du jour de la prochaine séance
M. le
président. Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Suite
de la discussion du projet de loi instituant un système universel de
retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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