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Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Première séance du mercredi 19 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de M. Richard Ferrand
1.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (suite)
Rappels
au règlement
M. Jean-Luc
Mélenchon
M. le
président
M. Damien
Abad
Avant
l’article 1er (suite)
Amendements nos 5773,
5774, 5775, 5776, 5777, 5778, 5779, 5780, 5781, 5782, 5783, 5784, 5785, 5885,
5886, 5887, 5888
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Rappels
au règlement
M. André
Chassaigne
M. Jean-Luc
Mélenchon
M. le
président
M. André
Chassaigne
M. le
président
M. Jean-Luc
Mélenchon
M. Boris
Vallaud
M. le
président
M. Sébastien
Jumel
Suspension
et reprise de la séance
Avant
l’article 1er (suite)
Amendements nos 19
, 246
, 368
, 24809
, 42070
(sous-amendement)
Suspension
et reprise de la séance
Demande
de vérification du quorum
Suspension
et reprise de la séance
Rappels
au règlement
M. Christian
Jacob
M. le
président
M. Christian
Jacob
M. le
président
M. Guillaume
Garot
M. Pierre
Dharréville
M. le
président
M. Philippe
Vigier
M. le
président
Avant
l’article 1er (suite)
Suspension
et reprise de la séance
Rappels
au règlement
M. Pierre
Dharréville
M. le
président
M. Damien
Abad
M. le
président
Avant
l’article 1er (suite)
Amendements nos 2319,
2320, 2321, 2322, 2323, 2324, 2325, 2326, 2327, 2328, 2329, 2330, 2331, 2332,
2333, 2334, 2335
Rappels
au règlement
M. Adrien
Quatennens
Suspension
et reprise de la séance
M. Fabien
Roussel
M. le
président
M. André
Chassaigne
M. le
président
M. Régis
Juanico
M. le
président
Suspension
et reprise de la séance
Avant
l’article 1er (suite)
Amendement no 42050
(sous-amendement)
Rappels
au règlement
M. Marc
Le Fur
M. le
président
M. Boris
Vallaud
M. le
président
M. Sébastien
Jumel
M. Jean-Luc
Mélenchon
M. le
président
M. Damien
Abad
Suspension
et reprise de la séance
Avant
l’article 1er (suite)
Amendements nos 42051,
42052, 42054, 42053 (sous-amendements)
Rappels
au règlement
M. Patrick
Mignola
M. Bruno
Millienne
Avant
l’article 1er (suite)
Rappels
au règlement
M. André
Chassaigne
M. le
président
M. Jean-Luc
Mélenchon
M. le
président
M. Sébastien
Jumel
Avant
l’article 1er (suite)
Rappels
au règlement
M. Christian
Hutin
M. Olivier
Marleix
M. Jean-Luc
Mélenchon
M. le
président
M. Boris
Vallaud
M. Sébastien
Jumel
M. Gilles
Le Gendre
Suspension
et reprise de la séance
Présidence
de Mme Annie Genevard
M. Damien
Abad
M. Adrien
Quatennens
Mme la
présidente
M. Boris
Vallaud
M. Sébastien
Jumel
M. Ugo
Bernalicis
Mme la
présidente
M. Jean-Luc
Mélenchon
Mme la
présidente
Mme Valérie
Rabault
Mme la
présidente
Avant
l’article 1er (suite)
Amendements nos 39975,
39976, 39977, 39978, 39979, 39980, 39981, 39982, 39983, 39984, 39985, 39986,
39987, 39988, 39989, 39990 , 42103
(sous-amendement) , 42104
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
M. Bruno
Millienne
Mme la
présidente
Avant
l’article 1er (suite)
Rappels
au règlement
M. Sébastien
Jumel
M. Nicolas
Dupont-Aignan
Avant
l’article 1er (suite)
Rappel
au règlement
M. François
Ruffin
Avant
l’article 1er (suite)
Article 1er
M. Boris
Vallaud
M. Thierry
Benoit
Rappels
au règlement
M. André
Chassaigne
Mme Emmanuelle
Ménard
Article 1er
(suite)
M. Charles
de Courson
Rappel
au règlement
Mme Caroline
Fiat
Article 1er
(suite)
Mme Clémentine
Autain
M. Sébastien
Jumel
Mme Célia
de Lavergne
M. Damien
Abad
Mme Agnès
Firmin Le Bodo
Mme Emmanuelle
Ménard
M. Régis
Juanico
M. Philippe
Vigier
M. Adrien
Quatennens
M. Pierre
Dharréville
M. Belkhir
Belhaddad
M. Éric
Woerth
M. Jean-Paul
Mattei
Rappels
au règlement
M. Pierre
Dharréville
Mme la
présidente
M. Sébastien
Jumel
M. Éric
Woerth, président de la commission des finances, de l’économie générale et du
contrôle budgétaire
M. Pierre
Dharréville
M. Olivier
Marleix
M. Ugo
Bernalicis
M. Sébastien
Jumel
Article 1er
(suite)
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
M. Richard Ferrand
M. le
président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le
président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623
rectifié, 2683).
Discussion des articles (suite)
M. le
président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles
du projet de loi, s’arrêtant aux amendements nos 5773 et
identiques avant l’article 1er.
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour un rappel au
règlement.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Des circonstances personnelles m’ayant tenu écarté de
l’hémicycle hier, je souhaite revenir sur votre intervention relative à la
demande d’une minute de silence de la part de ma collègue Caroline Fiat.
Excipant du fait qu’il n’appartient pas à chaque parlementaire d’improviser une
minute de silence, vous avez interdit celle-ci.
Je tiens à vous rappeler
que, sous votre propre présidence, j’ai moi-même décidé de consacrer une minute
de mon temps de parole à une minute de silence à la mémoire des gilets jaunes
qui avaient péri dans des accidents de la circulation au début du mouvement.
C’est pourquoi je souhaite vous faire part, amicalement mais solennellement, de
la désapprobation la plus vive de notre groupe et des personnels concernés à
l’égard de votre décision.
M. le
président. Monsieur le président Mélenchon, je voudrais vous dire, de
façon nullement amicale, combien je désapprouve le zèle tout particulier que
vous mettez, vous et vos amis, y compris sur les réseaux sociaux, à ajouter de
la peine à la peine en laissant croire qu’il se trouverait ici un seul
parlementaire, sur quelque banc que ce soit, indifférent au drame qui est
survenu. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et
UDI-Agir.)
La parole est à M. Damien Abad, pour un rappel au
règlement.
M. Damien
Abad. Mon rappel est fondé sur l’article 48 du règlement, relatif à
l’ordre du jour. (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État auprès
du ministre de la santé et des solidarités, chargé des retraites, il ne nous est
pas possible de continuer de débattre aveuglément. Vous avez affirmé hier que
l’Assemblée nationale serait informée des travaux de la conférence de
financement : le volet financier ne devait pas nous inquiéter puisqu’il
était entre les mains des partenaires sociaux.
Or, hier soir, la CGT a
claqué la porte et, ce matin, le MEDEF a fait une déclaration très forte dans un
journal économique, rappelant que seule la mesure d’âge permettrait de
rééquilibrer le financement du système des retraites.
M. le
président. Quel est l’objet de votre rappel au règlement ?
M. Damien
Abad. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 48 qui a
trait à l’ordre du jour.
M. le
président. Vous ne devez pas évoquer le fond du débat dans le cadre d’un
rappel au règlement.
M. Damien
Abad. Nous nous interrogeons sur la fixation de l’ordre du jour, au
moment où la conférence de financement, loin d’avoir apporté ses conclusions,
est sur le point de devenir caduque. C’est pourquoi nous demandons au secrétaire
d’État de nous apporter des réponses, afin que nous puissions poursuivre les
débats de manière éclairée sur le volet financier. Monsieur le secrétaire
d’État, votre silence ne peut plus durer : nous avons besoin de recevoir
des éclaircissements sur la manière dont les débats se déroulent au sein de la
conférence de financement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et
GDR.)
M. Alain
Bruneel. Il a raison.
M. Marc Le
Fur. Le secrétaire d’État n’a pas répondu à la question, monsieur le
président.
Avant l’article 1er (suite)
M. le
président. Sur les amendements identiques no 5773 et
suivants, je suis saisi par les groupes La France insoumise et la Gauche
démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est
annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à
MM. Adrien Quatennens, pour soutenir ces amendements identiques.
M. Adrien
Quatennens. Je souhaite tout d’abord souligner que ne pas être
indifférent est une chose, autoriser un hommage en est une autre.
Nos
débats d’hier soir ont été plus qu’utiles, puisque, en nous penchant sur le
titre, nous avons pu prouver le caractère bien peu universel de ce projet de loi
sur les retraites. Nous savons, désormais – tel est le bilan de la soirée
d’hier – qu’il y aura autant de régimes spéciaux que de générations,
puisque l’âge d’équilibre sera repoussé pour chacune d’entre elles. Le Conseil
d’État évoque cinq régimes différents, sans compter les nombreuses dérogations.
Surtout, vers vingt-deux heures, hier soir, M. Turquois, rapporteur pour le
titre Ier, est passé aux aveux, en reconnaissant que le système
que vous voulez instaurer ne sera « pas parfaitement universel ».
M. Alexis
Corbière. On le remercie !
M. Adrien
Quatennens. Bref, nous voyons désormais ce qu’il en retourne de votre
système prétendument universel qui ne l’est : il recouvre une vaste mesure
d’âge, qui encouragera les Français à travailler plus longtemps, faute de quoi
le niveau de leur pension baissera.
Je profite de la présentation de cet
amendement, qui porte le titre du chapitre Ier, pour apporter
une réponse sur la conférence de financement. Chers collègues, de nombreux
trous, et donc de nombreuses ordonnances, concernent la question du financement,
mais la conférence de financement n’a rien à voir avec le projet de loi :
elle occupe les partenaires sociaux en leur demandant de trouver
12 milliards d’économies avant l’application de la loi dont nous examinons
le projet. Les partenaires sociaux sont donc occupés à parler d’autre chose que
de l’essentiel. L’âge pivot ou l’âge d’équilibre – deux manières d’appeler
la même chose – n’a donc jamais disparu de ce texte, même provisoirement.
Les discussions des partenaires sociaux portent sur l’instauration à 64 ans
de l’âge pivot et sur la façon de réaliser 12 milliards
d’économies.
Or ces 12 milliards, qui correspondent au déficit que
vous avez construit, ne sont rien par rapport aux milliards que pèsent les
retraites. Le rapport du conseil d’orientation des retraites – COR –
est très clair sur le sujet.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la
commission spéciale pour le titre Ier, pour donner l’avis de la
commission.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Avant de donner
l’avis de la commission sur ces amendements, je souhaite m’exprimer sur le fond
du débat. À la suite de la séance d’hier, je me suis interrogé sur le sens tant
de mon engagement que du fonctionnement de notre assemblée.
M. Alain
Bruneel. Il serait temps !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Dans ma vie personnelle et professionnelle,
en tant qu’élu également, j’ai toujours essayé d’analyser les choses en vue de
construire, quitte à rectifier le tir après avoir commis quelque erreur ou après
avoir tâtonné. Jamais, en revanche, je n’ai cherché à imposer mes convictions
par la voix, par le cri ou par des gesticulations.
J’adopterai désormais
l’attitude suivante : je ferai l’effort de répondre sur le fond à des
amendements constructifs – un effort que j’ai déjà fourni en tant que
rapporteur pour comprendre les tenants et aboutissants du texte. En revanche,
sur des amendements d’obstruction, visant seulement à ralentir les débats, je
dirai simplement « avis défavorable ».
En l’occurrence, avis
absolument défavorable à ces amendements identiques. (Applaudissements sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. J’émets un
avis défavorable sur ces amendements.
Les propos du rapporteur spécial
sont très clairs. Nous continuons de débattre des titres…
Monsieur le
président Abad, vous connaissez bien le fonctionnement de cette assemblée. Ce
n’est pas parce que vous m’interpellez que je vais me lever et me précipiter
pour vous répondre. C’est pourquoi je demande à vos collègues d’éviter de
protester contre le silence du secrétaire d’État, alors qu’il n’a pas encore
pris la parole – ce serait sympa.
M. Charles de
la Verpillière. Oh, ça va !
M. Sylvain
Maillard. C’est vrai !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. C’était là une remarque de
civilité. Sur le fond, je comprends vos interrogations, qui prouvent que vous
suivez ce dossier et qu’il vous tient à cœur : chacun souhaite que la
conférence de financement serve à quelque chose. Vous vous interrogez sur les
différentes prises de position, celles des partenaires sociaux réformistes,
celles des représentants des employeurs comme celles, plus fermes, d’autres
parties prenantes qui ne souhaitent pas que la conférence réussisse.
Je
ne ferai pas tous les jours un état des lieux des travaux de la conférence de
financement, animée par Jean-Jacques Marette : il convient de sanctuariser
le fait que la démocratie sociale fonctionne sans devoir rendre des comptes en
permanence au secrétaire d’État chargé du dossier.
M. Damien
Abad. Il faut tout de même informer le Parlement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’entends vos interrogations,
que je ne balaie pas d’un revers de la main, même si nous ne sommes pas d’accord
sur le fond.
Je pense que laisser Jean-Jacques Marette travailler a du
sens.
M.
Sébastien Jumel. Ce n’est pas vrai ! C’est faux !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je regrette qu’une organisation
syndicale importante ait décidé de quitter ce matin la conférence.
Chacun
doit pouvoir participer à cette conférence pour trouver une solution, qui, vous
l’avez compris, vise l’équilibre – une notion qui renvoie à notre
responsabilité : si nous voulons construire un système des retraites
durable, solide et solidaire, eh bien, il doit être financé – il s’agit
d’un élément évidemment important.
M.
Sébastien Jumel. C’est faux !
M.
Christian Hutin. C’est une pure fumisterie !
M. le
président. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Nos concitoyens doivent comprendre que nos amendements portant
sur le titre des chapitres du projet de loi visent à les éclairer sur la réalité
du texte. Hier, pendant des heures et des heures, nous vous avons demandé
combien les dispositions du texte coûteront, comment elles seront financées. Or
nous n’avons obtenu aucune réponse.
Combien coûtera la sortie des cadres
du système actuel ? Combien coûtera le régime transitoire ? Combien
coûtera le régime de retraite par points, alors que la conférence de financement
n’a commencé ses travaux qu’aujourd’hui ? Combien ?
Combien ?
Comment voulez-vous que nous ne vous posions pas ces
questions, alors que nous sommes ici pour légiférer sur un texte aussi
fondamental ? Il a fallu qu’en commission mes collègues posent 200 ou
300 fois la même question pour que vous sortiez de votre chapeau cet
indice, qui n’existe pas, sur le revenu moyen par tête. Pourtant, vous prétendez
que le dialogue social est ouvert depuis deux ans et demi !
Nous
vous poserons autant de fois qu’il le faudra la même question, en défendant
chacun de nos amendements : comment financerez-vous la réforme des
retraites ? Combien coûtera le régime transitoire pour les cadres ?
Nous estimons ce coût à 4 milliards d’euros. Et vous, à combien
l’estimez-vous, monsieur le secrétaire d’État ? (Applaudissements sur
les bancs du groupe GDR.)
M. le
président. La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat.
Mme Nicole
Dubré-Chirat. Je souhaite revenir sur le principe d’universalité, qui
est défini comme le caractère de ce qui concerne tous les hommes. Tel est
l’objet de la réforme des retraites : qu’il n’y ait qu’un seul et même
système de retraite pour tous les Français, au lieu des quarante-deux
existants.
Tout individu prépare sa retraite : il nous faut donc
mettre en place un système accessible à tous, lisible et plus juste. Ce système
garantira une protection sociale plus forte et plus durable, qui ne dépendra
plus de la démographie de chaque profession. Cela autorisera une plus grande
liberté et facilitera les changements de métier, sans que ces changements
modifient la pension de retraite.
Unicité n’implique ni uniformité, ni
égalité stricte. L’universalité prend en considération, sous forme de règle
dérogatoire, la spécificité de certains métiers : la police, la
gendarmerie, l’armée, les pompiers,…
M.
Christian Hutin. Et les brancardiers, les infirmiers, les avocats, les
notaires, les soignants, les ambulanciers, les dockers…?
Mme Nicole
Dubré-Chirat. …pour tenir compte des difficultés d’exercice à un âge
plus avancé. Ce système universel correspond davantage aux modalités de travail
de la nouvelle génération : passer du secteur public au secteur privé, être
travailleur indépendant ou autoentrepreneur en France ou en Europe. Il sera
ainsi plus facile à chacun de reconstituer sa carrière, de comptabiliser ses
points et de connaître l’état de leurs droits à la retraite.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Un député du groupe LR.
Voilà une fiche bien lue !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Comme notre collègue vient de le rappeler, le mot-clé est
« universel ». Or ce terme s’applique à tout ce qu’il désigne :
il n’y a pas d’exception à l’universel ! Par exemple, les droits universels
de l’être humain s’appliquent à tout le monde : si vous sortez un seul être
humain des droits universels, vous le sortez de l’humanité. De même, si vous
instaurez un système universel de retraites mais que, l’instant d’après, vous
créez ou maintenez l’existence d’un régime spécial – pour les pompiers, les
pilotes de chasse, la Banque de France, etc. –, le système n’est de fait
plus universel.
Notre amendement est donc tout à fait fondé…
M. Sylvain
Maillard. C’est faux !
M. Jean-Luc
Mélenchon. …et je ne crois pas, monsieur le rapporteur, que ce soit
votre rôle de décider s’il s’agit ou non d’un amendement d’obstruction !
L’amendement, que nous venons bien de justifier sur le fond, et non pas sur la
forme, porte sur un mot. Le système que vous proposez n’est pas universel ;
si vous voulez créer un système universel, alors ne votez pas ce texte, car ce
n’est pas ce qu’il crée.
Par ailleurs, il n’a jamais existé quarante-deux
régimes spéciaux : ce n’est pas vrai. D’après le Conseil d’orientation des
retraites, il n’y en a que vingt-trois, et dix-huit selon le ministère des
solidarités et de la santé. Et, avant que vous ne le reconnaissiez, le
Conseil d’État a dit que vous en aviez créé cinq différents ! Moi,
j’affirme qu’avec l’instauration d’un âge pivot, vous en créez un par
génération. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. On le sait, votre réforme est avant tout idéologique et
financière. (M. Erwan Balanant s’esclaffe.)
M. Erwan
Balanant. Et nous avons là un expert en idéologie !
M. Régis
Juanico. Monsieur le secrétaire d’État, la conférence de financement a
débuté hier. Depuis lundi soir, vous nous rebattez les oreilles avec le respect
des partenaires sociaux et de la démocratie sociale.
Mme
Véronique Louwagie. C’est très important !
M. Régis
Juanico. Mais, monsieur le secrétaire d’État, étiez-vous présent hier
aux côtés des partenaires sociaux lors de la séance inaugurale de la
conférence ? Le ministre chargé de suivre la réforme des retraites était-il
présent à cette séance qui, visiblement, était d’une grande
importance ?
Vous avez évoqué Jean-Jacques Marette : lors des
discussions avec les organisations syndicales de salariés, notamment, il
semblait, avec sa feuille de route, bien démuni sur l’ordre du jour de la
conférence. De fait, dans la mesure où elle ne traite pas du futur système de
financement des retraites, nous nous demandons aujourd’hui si cette conférence
de financement n’est pas là pour amuser la galerie, et pour tout simplement
faire des économies.
S’agissant de l’amendement de Mme Clémentine
Autain, je pense également qu’il est important que l’intitulé du
titre Ier reflète bien la réalité. Le Conseil d’État a été
extrêmement clair : le système que vous proposez, avec cinq régimes
différents et de nombreuses dérogations, n’a rien d’universel. Il y aura même un
système par générations ! D’ailleurs, avec ce système « à
l’italienne » que vous avez annoncé la semaine dernière, vous venez, après
le système universel et les quarante-deux régimes spéciaux, de créer un
quarante-quatrième régime de retraite ! Nous savons également qu’au cours
des dernières semaines, de nombreux régimes se sont vu promettre des
dérogations.
M. Erwan
Balanant. On ne sait pas trop où ça va, là…
M. Régis
Juanico. C’est le cas des catégories actives de fonctionnaires, des
policiers, des sapeurs-pompiers, des gendarmes, des agents des services
pénitentiaires, des personnels soignants…
Nous contestons donc fermement
l’emploi du terme « universel » dans l’intitulé du
titre Ier.
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. À l’occasion de cet amendement, je voudrais revenir à la
question du financement, qui est évidemment essentielle : il n’y a pas de
régime universel sans financement. Or, celui-ci devant également être universel,
cela pose évidemment de vraies questions.
Le financement, c’est la
justice du régime : comme le Président de la République l’a lui-même
indiqué, sans financement, le régime est injuste et fait peser sur les
générations qui viennent des charges qu’elles ne devraient pas supporter. Tout
le monde le sait, tout le monde le voit ; mais tout le monde a aussi pour
objectif, monsieur le secrétaire d’État, de résoudre le problème du financement.
Mais on ne peut pas continuer un débat avec autant de questions sans
réponses.
Comme l’a très bien dit Damien Abad, ce qu’il se passe en
conférence de financement pose une question importante. Pour ma part, je pense
que la conférence n’aboutira pas. Si le seul but est de s’entendre avec la CFDT,
alors discutez avec la CFDT !
M. Pierre
Cordier. Très juste.
M. Éric
Woerth. C’est d’ailleurs ce que vous auriez déjà dû faire il y a de
longs mois… Cela n’a pas été le cas.
J’ai donc deux questions :
quelles mesures d’âge prenez-vous – car il n’y a évidemment pas d’autres
mesures possibles – pour revenir à l’équilibre en 2027, et comment se
marient-elles avec les droits nouveaux ouverts dans le futur régime, qui sera
alors tout nouveau ? Par ailleurs, comment assurez-vous l’équilibre
global ? Contrairement à ce que disait hier Gilles Le Gendre…
M. Erwan
Balanant. Quel est le rapport avec l’amendement ?
M. Éric
Woerth. …cet équilibre n’est pas inscrit dans le système. Par exemple,
l’État intégrera le système avec 30 à 35 milliards d’euros de déficit
non financés, notamment si on enlève les cotisations des fonctionnaires. Certes,
il y aura des phases de transition mais, au bout du compte et toutes choses
égales par ailleurs en termes de démographie de fonctionnaires, l’État livrera
au régime un déficit une trentaine de milliards d’euros : qui paiera ?
Les réserves ? Les contribuables ? Les cotisants ? Les
entreprises ?
Qui paiera ?
M. le
président. La parole est à M. Richard Ramos.
M. Richard
Ramos. Après le travail en commission et ce qu’il s’est passé hier soir,
j’ai compris, monsieur Mélenchon, pourquoi la France insoumise avait à ce point
perdu la confiance des Français ! (Protestations sur les bancs du groupe
FI.)
M. Jérôme
Lambert. Attendez les prochaines élections ! Vous verrez ce qui va
vous arriver…
M. Richard
Ramos. Ils pensaient que nous débattrions du fond du texte, avec certes
des accords et des désaccords. Mais là, on voit bien que vous ne répondez plus
aux travailleurs : vous adoptez une posture qui n’est que
politicienne.
Aujourd’hui, vous abaissez vraiment ce pour quoi vous avez
un jour été si haut : pour moi, la démocratie, c’est le Parlement, et le
Parlement, c’est le débat. Vous nous imposez un monologue : le monologue,
c’est tout simplement l’antichambre des dictatures ! (Très vifs
applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Régis
Juanico. Vous verrez bien, aux prochaines élections…
M. Erwan
Balanant. Mais vous aussi, monsieur Juanico, vous verrez
bien !
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 5773 et les
seize amendements identiques déposés par les membres du groupe La France
insoumise.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 178
Nombre
de suffrages
exprimés 160
Majorité
absolue 81
Pour
l’adoption 30
Contre 130
(Les amendements nos 5773 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. En conséquence du rejet, hier, de l’amendement
no 37, les amendements identiques nos 28, 209 et
249 tombent.
Les amendements identiques nos 39943 et
identiques, ainsi que les sous-amendements nos 42017, 42018,
42019, 42020, 42021, 42022, 42023, 42032, 42033, 42034, 42035, 42036, 42037,
42038, 42039 et 42040, tombent également. (Protestations sur les bancs des
groupes GDR et FI.)
M. Fabien
Roussel. Ah non !
M. le
président. Si.
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au
règlement.
M. André
Chassaigne. J’interviens sur le fondement de l’article 100,
alinéa 5, de notre règlement.
Il n’y a aucune raison que
l’amendement no 39943 de Mme Huguette Bello tombe :
vous ne pouvez absolument pas le justifier. Il suffit de se référer à la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a été très clair sur ce
sujet : le débat parlementaire doit respecter une exigence de clarté et de
sincérité.
Il faut reconnaître cette nouvelle règle relative aux
amendements identiques, même si on la conteste. Mais l’amendement en question
doit être défendu, et aucune jurisprudence de l’Assemblée ne dit le
contraire : nous avons l’exemple de nombreux cas similaires dans lesquels
les amendements avaient été défendus.
Nous vous demandons donc une
explication et nous nous opposons fermement et solennellement à votre décision
de ne pas nous laisser défendre cet amendement.
M.
Christian Hutin. Suspension de séance !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour un rappel au
règlement.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je ne répéterai pas les arguments…
M. le
président. Sur quel article du règlement fondez-vous votre rappel,
monsieur Mélenchon ?
M. Jean-Luc
Mélenchon. Le bon, monsieur le président !
M. le
président. Encore faut-il le démontrer, avant de l’affirmer.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Non. Je ferai bien comme je l’entends.
M. le
président. Non : lorsque l’on fait un rappel au règlement, on le
fonde en droit.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Monsieur le président…
M. le
président. Nous ne sommes pas ici dans un meeting, mais à l’Assemblée
nationale !
(« Bravo ! » et vifs
applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et
UDI-Agir.)
Je vais donc répondre au président André Chassaigne…
M. Jean-Luc
Mélenchon. Sur l’article 100 ! Mise en cause
personnelle : article 100.
M. le
président. Non, ce n’est pas le bon fondement !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Monsieur le président, je vous invite à une certaine
retenue !
M. le
président. Écoutez, monsieur Mélenchon… (Exclamations sur les bancs
des groupes LaREM et MODEM.)
M. Jean-Luc
Mélenchon. Une telle dictature au bout de deux minutes de temps de
parole ? Cela me paraît un peu exagéré, vous devriez vous
calmer !
M. le
président. Ne vous inquiétez pas, je suis très calme.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Eh bien ce n’est pas l’impression que tu donnes !
M. le
président. Je vais maintenant répondre au président Chassaigne, qui a
lui exposé clairement sa requête.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je n’ai pas eu le temps de le faire !
M. le
président. Je voulais vous indiquer, monsieur Chassaigne, que la chute
d’amendements au dispositif identique à celui d’amendements précédemment rejetés
est une pratique traditionnelle, éprouvée, séculaire, qui repose sur la logique
de la discussion.
M.
Sébastien Jumel. C’est illégal ! Nous ne sommes pas en droit
coutumier !
M. le
président. Elle est d’ailleurs destinée à garantir la cohérence des
votes de notre assemblée…
M.
Sébastien Jumel. Ce n’est pas vrai !
M. le
président. …justement pour contribuer à l’intelligibilité de la loi,
dans le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat
parlementaire.
M.
Sébastien Jumel. Ce n’est pas vrai !
M. le
président. Pour autant, et en raison des circonstances particulières de
notre débat, j’ai indiqué en conférence des présidents – sans que cela
soulève d’ailleurs d’observations particulières – que cette règle
logique serait appliquée de manière systématique.
M.
Christian Hutin. Non !
M. le
président. Il en sera donc ainsi fait.
M.
Sébastien Jumel. Ah non !
M. le
président. Mais si, mais si.
M.
Christian Hutin. C’est un verrouillage !
M. le
président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André
Chassaigne. Monsieur le président, nous avons vérifié : aucune
jurisprudence constante n’émerge des discussions précédentes.
M. le
président. Moi aussi !
M. André
Chassaigne. Or, dans cette assemblée, vous ne pouvez prendre une telle
décision qu’en vous fondant sur une jurisprudence constante.
M.
Christian Hutin. Demandons au Conseil !
M. André
Chassaigne. Pour être clair, il nous est tout à fait possible de changer
un mot et de décliner cette proposition sur différents articles, dans différents
contextes. En aucun cas – je dis bien : en aucun cas – il ne
s’agit d’amendements parfaitement identiques.
Hier, lorsque vous avez
dressé la liste des amendements refusés, vous avez parlé d’amendements
identiques. Mais nous ne considérons en aucun cas qu’il s’agit ici d’un
amendement identique à ceux qui ont été rejetés hier. Nous pouvons concevoir
– même si nous le contestons – que les amendements soient considérés
comme identiques lorsqu’ils sont répétés seize fois de suite.
M. le
président. En l’espèce, c’est le cas.
M. André
Chassaigne. Mais je le conteste, parce qu’une défense individuelle des
amendements permet d’expliquer différemment les choses et d’apporter des
arguments qui peuvent être différents ! (Applaudissements sur les bancs
du groupe GDR. – Mme Clémentine Autain et
M. Ugo Bernalicis applaudissent également.)
M.
Christian Hutin. Il a raison ! Tous les vieux parlementaires vous
le diront !
M. André
Chassaigne. Seulement, vous allez bien au-delà de cela ! Non
seulement vous nous empêchez de nous exprimer sur des amendements qui sont
considérés comme identiques, mais en plus, vous introduisez la notion de
dispositif identique. Vous inventez je ne sais quoi ! Tout cela est déni de
démocratie ! Je tenais à le souligner, parce que tout cela sera soumis au
Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et
FI.)
M. le
président. Monsieur le président Chassaigne, s’il vous était impossible
de vous exprimer ici, nous l’aurions remarqué… (Rires et applaudissements sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M.
Sébastien Jumel. C’est inacceptable ! Je demande une suspension de
séance !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Article 58, alinéa 1.
(M. Sébastien Jumel continue de protester.)
M. le
président. Monsieur Jumel, laissez donc M. Mélenchon
s’exprimer…
M.
Sébastien Jumel. C’est du droit coutumier ! C’est
inacceptable !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je fonde mon rappel au règlement sur l’article 58,
alinéa 1, pour fait personnel. (Exclamations sur quelques bancs du groupe
LaREM.) Je ne comprends pas qu’une intervention portant sur un amendement
soit exclusivement consacrée à me montrer du doigt et à me traiter d’apprenti
dictateur.
M. Richard
Ramos. Je n’ai jamais prononcé le mot « apprenti »…
M. Jean-Luc
Mélenchon. Si au bout de trois jours de débat, vous en êtes déjà là,
qu’est-ce que ça va être au bout de trois semaines !…
Un député du groupe
LaREM. Mais personne n’a dit cela !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Même si c’est méconnaître mes talents dans le domaine, ce
n’est pas acceptable. Monsieur le président, pour la suite des débats, nous
souhaiterions également que vous fassiez afficher la durée des interventions,
afin que nous maîtrisions totalement le temps que nous consacrons à nos
arguments.
Cette durée vient de s’afficher mais, il y a un instant
encore, elle ne l’était pas.
M. Erwan
Balanant. Mais la durée n’est jamais affichée lors de la défense des
amendements ! Il faut venir plus souvent, monsieur Mélenchon…
M. Jean-Luc
Mélenchon. Nous souhaitons que le débat se déroule dans de bonnes
conditions. (Protestations sur quelques bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Quant à moi, je suis intervenu sur le fond, et je recommencerai
autant de fois que le règlement me le permet : et vos vociférations n’ont
aucune chance de m’intimider, ni aujourd’hui, ni jamais !
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour un rappel au
règlement.
M. Boris
Vallaud. Je fonde mon rappel au règlement sur
l’article 100.
Si j’entends la règle que vous avez décidé
d’instaurer, je tiens à dire que vous ne pouvez pas être le seul interprète de
la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
M. Alain
Bruneel. Tout à fait !
M. Boris
Vallaud. Il faudrait à tout le moins réunir la conférence des
présidents, pour s’entendre sur une jurisprudence qui, j’en suis le témoin,
donne lieu à des interprétations divergentes.
M. Fabien
Roussel. Absolument !
M. Boris
Vallaud. Pour le bon déroulement de cette séance, je vous demande donc,
monsieur le président, de réunir la conférence des présidents, afin qu’avec
l’expertise de nos administrateurs, nous puissions savoir où nous allons. On ne
peut pas continuer comme cela et mettre tout le monde dans une situation
d’insécurité : cela ne permettrait pas un débat de qualité.
M.
Christian Hutin. C’est la seule solution !
M. le
président. Il ne s’agit pas d’interpréter, monsieur Vallaud, mais
d’appliquer une règle constante, que j’ai indiquée hier en conférence des
présidents sans que cela suscite aucune opposition.
M. Pierre
Dharréville. C’est une règle qui n’a jamais été écrite !
M. le
président. Je ne vois pas pourquoi je réunirai une nouvelle conférence
au gré des humeurs de chacun ! (Applaudissements sur quelques bancs du
groupe LaREM.)
M. Bruno
Millienne. Excellent !
M.
Christian Hutin. C’est une règle arbitraire !
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M. Fabien
Roussel. Allez-vous enfin réagir, en face ?
M.
Christian Hutin. La règle est adaptée en fonction des personnes
concernées !
M. le
président. C’est inexact, monsieur Hutin.
Sur quel fondement
intervenez-vous, monsieur Jumel ?
M.
Sébastien Jumel. Sur l’article 98, alinéa 1, de notre
règlement. (Brouhaha sur divers bancs.)
M. le
président. Je vous prie de laisser parler M. Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Ce qui se passe est grave. Le président de l’Assemblée
applique un droit coutumier. Il annonce vouloir empêcher la discussion
d’amendements alors qu’ils sont placés à des endroits différents du texte.
M. le
président. Cet amendement a déjà été rejeté.
M.
Sébastien Jumel. Ils n’ont pas non plus la même portée normative. Si
nous avions voulu rédiger des amendements identiques s’appliquant à l’ensemble
du texte, nous l’aurions fait. Pour justifier votre choix, vous vous fondez sur
de soi-disant références coutumières. Apportez-nous la preuve que cela s’est
déjà passé ainsi dans cette assemblée ! Apportez-nous la preuve d’une
instruction du bureau de l’Assemblée vous permettant de justifier une telle
décision !
En fait, vous cherchez une nouvelle arme pour museler le
Parlement ! Vous inventez, à la faveur de ce débat, une nouvelle arme pour
museler votre opposition. Non contents de mettre en place la procédure
accélérée, non contents d’avoir recours à vingt-neuf ordonnances, non contents
de vous asseoir sur l’avis de la majorité de l’opinion publique, vous voulez
désormais empêcher l’opposition de discuter le texte et de l’amender.
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
C’est purement et
simplement inacceptable ! Monsieur le président, vous devez réunir la
conférence des présidents car, en agissant ainsi, vous renforcez notre capacité
à démontrer l’inconstitutionnalité de votre texte.
M.
Christian Hutin. Ce texte est mort avant sa naissance !
M.
Sébastien Jumel. Les arguments se multiplient chaque jour un peu
plus : l’avis du Conseil d’État, la façon dont vous nous avez fourni
l’étude d’impact, la façon dont les informations sont tronquées et, désormais,
la façon dont les débats se déroulent. Ce qui se passe est grave ! Je le
dis aux groupes d’opposition : si vous laissez faire cela, vos amendements
aussi vont tomber…
M. le
président. Merci, monsieur Jumel.
M. Hubert
Wulfranc. Ils vont tous tomber !
M. Fabien
Roussel. Exprimez-vous, collègues de l’opposition !
(Exclamations sur les bancs des groupes GDR et FI.)
M. André
Chassaigne. Nous demandons une suspension de séance, monsieur le
président. Elle est de droit !
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente, est reprise à quinze heures
trente-cinq.)
M. le
président. La séance est reprise.
Avant l’article 1er (suite)
M. le
président. Je suis saisi de plusieurs amendements,
nos 19, 246, 368 et 24809, pouvant être soumis à une discussion
commune.
Les amendements nos 19, 246 et 368 sont
identiques.
La parole est à Mme Émilie Bonnivard, pour soutenir
l’amendement no 19.
M. Pierre
Dharréville. Nous voulons discuter de notre amendement no
39943 !
M. le
président. Il ne sera pas examiné ! (Protestations sur les bancs
du groupe GDR.)
M. Pierre
Dharréville. Ce n’est pas possible, monsieur le président !
(Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Mme Émilie
Bonnivard. Je défends un amendement de mon collègue M. Brun.
L’harmonisation des modes de calcul des retraites entre le secteur public et le
secteur privé est une attente forte d’une majorité de Français. Elle se fonde
sur un principe d’équité incontestable : à cotisation égale, retraite
égale. Cette question de l’harmonisation des modes de calcul des retraites entre
le secteur public et le secteur privé est plus que jamais essentielle et son
traitement ne peut être plus longtemps différé. Aussi convient-il d’affirmer le
principe dans le titre de l’article 1er en ajoutant la
proposition suivante : « à cotisation égale, retraite
égale ».
M. Pierre
Dharréville. Nous voulons que nos amendements soient examinés ! Je
demande une suspension de séance !
M. le
président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir
l’amendement no 246.
M. Marc Le
Fur. Il s’agit du même amendement. Nous demandons une harmonisation,
c’est-à-dire que la base de calcul, tout comme le taux et l’ensemble des
dispositifs, soient identiques. Je voudrais que M. le secrétaire d’État
nous confirme que cela sera effectivement le cas dans l’ensemble des professions
et des systèmes. Si tel n’était pas le cas, l’universalité que vous mettez en
avant ne serait pas atteinte.
M. le
président. La parole est à M. Emmanuel Maquet, pour soutenir
l’amendement no 368.
M. Emmanuel
Maquet. Le présent amendement, identique à ceux que mes deux collègues
viennent de défendre, vise à réaffirmer, dans le titre de l’article, le principe
« à cotisation égale, retraite égale ». Il s’agit de réaffirmer
l’importance de l’harmonisation des modes de calcul des retraites entre le
secteur public et le secteur privé.
M. le
président. L’amendement no 24809 de Mme Agnès Thill
est défendu.
Le sous-amendement no 42070 de M. Marc
Le Fur est défendu.
Mme
Clémentine Autain. Nous demandons une suspension de séance,
monsieur le président.
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze
heures quarante-cinq.)
M. le
président. La séance est reprise.
Quel est l’avis de la
commission sur les amendements et le sous-amendement en discussion
commune ? (Protestations sur les bancs des groupes FI et GDR ainsi que
sur plusieurs bancs des groupes LR et SOC.)
Mme
Clémentine Autain. Normalement, nous avons le droit de discuter des
amendements : c’est pourquoi nous levions la main. C’est encore la règle
qui a été appliquée hier…
M. le
président. Absolument.
Mme
Clémentine Autain. Nous demandons une réunion de la conférence des
présidents (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM) car
nous constatons que la règle…
M. le
président. Ceci ne concerne pas les amendements en discussion, madame
Autain.
M. Pierre
Dharréville. Elle a quand même le droit de s’exprimer !
Mme
Clémentine Autain. J’ai droit à deux minutes de temps de parole. Je
remarque d’ailleurs que le chronomètre n’est pas affiché…
M. le
président. Il ne l’est jamais en cette circonstance. Ne cherchez pas de
problème là où il n’y en a pas.
Mme
Clémentine Autain. …et que le temps est en train de
s’écouler.
Monsieur le président, pouvez-vous demander le silence afin
que je puisse m’exprimer et faire afficher le chronomètre ?
M. Erwan
Balanant. Il n’y a jamais de chronomètre sur les amendements !
M. le
président. La règle en vigueur…
M.
Christian Hutin. Imposée par le groupe La République en
marche !
M. le
président. …a été rappelée hier en conférence des présidents.
(« Non ! » sur les
bancs des groupes FI et GDR.) Cela figure au procès-verbal…
M. Fabien
Roussel. Il n’y a pas de procès-verbal des réunions de la conférence des
présidents, ou alors nous n’y avons pas accès !
M. le
président. …et n’a fait l’objet d’aucune remarque. Je l’ai rappelée hier
à trois reprises…
M. Pierre
Dharréville. Lisez-la ! Où est-elle écrite ?
M. le
président. …à l’issue de différents votes sur des amendements. Par
conséquent, cette règle s’applique. Je ne réunirai pas la conférence des
présidents.
M. Hubert
Wulfranc. C’est le fait du prince !
M.
Sébastien Jumel. Dans ce cas, nous déposerons des milliers de
sous-amendements !
M. André
Chassaigne et M. Pierre Dharréville. Rappel au règlement !
Mme
Clémentine Autain. Monsieur le président, je n’ai pas
terminé !
La règle a donc changé. Que tous les collègues comprennent
ce dont il s’agit.
M. le
président. Non, madame Autain, la règle n’a pas changé.
Mme
Clémentine Autain. Permettez-moi d’expliquer. Jusqu’ici, si un même
amendement avait été déposé dix-sept fois par les membres de notre groupe, un
seul pouvait être défendu. Maintenant, vous introduisez une nuance : si un
même amendement a été déposé à différents endroits du texte (Exclamations sur
plusieurs bancs du groupe LaREM), par exemple pour supprimer le mot
« universel »…
M. le
président. Je l’ai expliqué trois fois hier soir !
M.
Christian Hutin. Ce n’est pas vrai !
Mme
Clémentine Autain. …ou pour revenir sur la question des ordonnances et
des décrets, vous les faites tous tomber. Cela veut dire que des centaines de
nos amendements vont tomber à cause d’une règle qui a changé en cours de route,
monsieur le président. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir.)
M. André
Chassaigne. Je demande la vérification du quorum ! (Exclamations
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Vous ne pouvez le faire qu’une seule
fois par jour !
M. Erwan
Balanant. Vous grillez vos cartouches, monsieur Jumel !
M. Alain
Bruneel. Je vais vous en donner, des cartouches, monsieur
Balanant !
Demande de vérification du quorum
M. le
président. Je suis saisi par le président du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine d’une demande faite en application de
l’article 61 du règlement tendant à vérifier le quorum avant de procéder au
vote sur les amendements nos 368 et identiques.
Je
vérifie que la majorité des députés du groupe demandeur est effectivement
présente dans l’hémicycle.
C’est bien le cas.
M. André
Chassaigne. Et très largement !
M. le
président. Je constate que le quorum, à savoir la présence de la
majorité absolue du nombre des députés, n’est pas atteint.
Mme Elsa
Faucillon. Où sont les députés de la majorité ?
M. le
président. Conformément à l’article 61 du règlement, le vote aura
lieu dans quinze minutes.
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize
heures.)
M. le
président. La séance est reprise.
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au
règlement.
M. Christian
Jacob. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 100, relatif
au bon déroulement de la séance.
Avec la règle que vous venez de nous
exposer, selon laquelle le rejet d’un amendement ferait tomber tous les
amendements identiques dans leur rédaction quand bien même ils porteraient sur
d’autres dispositions du projet de loi, on arrive à quelque chose de totalement
ridicule, j’en prends à témoin mes collègues. (Protestations sur les bancs
des groupes LaREM et MODEM.)
M.
Jean-Paul Mattei. Moins ridicule que ces amendements !
M. Christian
Jacob. Si vous avez quelque chose à dire, cher collègue, je vous laisse
le micro !
M. Damien
Abad. Ils n’ont rien à dire !
M. le
président. De grâce, c’est moi qui donne la parole !
M. Christian
Jacob. Je vais vous en donner deux exemples très concrets, très
rapidement, monsieur le président. Il s’agit de deux amendements tendant à
substituer à la procédure du décret simple celle du décret en Conseil
d’État : l’amendement no 257 à l’article 1er
pour la définition des indicateurs de suivi et un amendement identique à
l’article 9 pour la fixation de la valeur du point. On voit bien que ces
deux sujets n’ont strictement rien à voir ! Ces deux amendements ne peuvent
donc pas être considérés comme identiques, quand bien même leur libellé
l’est.
Une telle interprétation dénature totalement notre débat, monsieur
le président…
M.
Sébastien Jumel. C’est pourtant bien cette interprétation qui a été
faite !
M. Christian
Jacob. …puisque des amendements identiques ont des conséquences
totalement différentes s’ils portent sur d’autres dispositions du texte.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LR, GDR et FI, ainsi que sur
plusieurs bancs du groupe LT.)
M. le
président. Monsieur le président Jacob, vous avez parfaitement raison,
et c’est bien pour cela que la règle en question ne s’appliquera pas de manière
aussi stupide, en effet. L’objectif n’est pas de faire de la sémantique. Les
deux amendements que vous citez sont identiques, mais leur portée juridique est
radicalement différente.
M.
Christian Hutin. C’est donc du pur arbitraire !
M.
Sébastien Jumel. Vous n’êtes pas juge constitutionnel !
M. le
président. Or, comme je l’ai signalé trois fois hier soir, et hier matin
en conférence des présidents, sans que cela soulève d’objection, lorsqu’un
amendement a été rejeté et que cela porte sur des modifications sémantiques sans
portée juridique, à ce moment-là les amendements identiques tombent. Cette règle
ne saurait évidemment s’appliquer au cas d’espèce que vous évoquez.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.- Vives
protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Plusieurs députés du groupe
GDR. C’est l’arbitraire !
M. le
président. La parole est à M. Christian Jacob.
M. Christian
Jacob. Je voudrais ajouter une remarque d’un autre ordre, monsieur le
président. Je suis étonné qu’un texte aussi important ne soit pas suffisamment
défendu politiquement. (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Ce n’est pas du tout une critique à l’égard du secrétaire
d’État…
M. Cyrille
Isaac-Sibille. À peine !
M. Christian
Jacob. Mais que le Premier ministre, qui s’est directement impliqué dans
la défense de ce texte, ne soit pas présent, qu’aucun ministre ne soit présent,
cela crée un problème ! (Mêmes mouvements.)
Mme
Clémentine Autain. Le Premier ministre fait campagne au Havre, il ne
peut pas tout faire !
M.
Jean-Paul Mattei. Quel mépris !
M. Christian
Jacob. Je ne suis en rien méprisant.
Quant au point que vous
venez d’évoquer, la conduite de nos débats ne peut pas se fonder sur des règles
arbitraires.
M. le
président. Il n’y a pas d’arbitraire.
M. Christian
Jacob. Si ! La majorité étant majoritaire au sein de la conférence
des présidents, vous le savez pertinemment, le fait majoritaire s’impose aux
présidents des autres groupes, quelle que soit leur position. Ici, la décision
prise en conférence des présidents dénature complètement les débats.
M. le
président. Que la majorité soit majoritaire, vous avouerez qu’en
démocratie ce n’est pas la pire des règles. Par ailleurs, permettez-moi
d’observer que lorsque ceci a été indiqué de manière extrêmement claire en
conférence des présidents…
M. André
Chassaigne. Faux ! Il n’y a eu aucune explication !
M. Éric
Coquerel. Le problème, c’est l’arbitraire !
M. le
président. … il n’y a eu ni demande d’explication, ni observation
contraire.
M. André
Chassaigne. C’est faux !
M. le
président. La parole est à M. Guillaume Garot – pour un rappel
au règlement, j’imagine ?
M.
Guillaume Garot. C’est pour aller dans le sens de ce qui vient d’être
dit par mes collègues…
M. le
président. Attendez, on va faire les choses dans l’ordre !
M.
Guillaume Garot. C’est donc pour un rappel au règlement…
M. le
président. Sur quelle base ?
M.
Guillaume Garot. Sur la base de l’article 100.
Je voulais
dire donc à mon tour, après Boris Vallaud, que nous avons en effet besoin de
clarification parce que nous devons être d’accord sur les règles du débat dans
l’hémicycle.
Or il y a une ambiguïté dans ce que vous avez dit, monsieur
le président : vous nous parlez d’amendements identiques, alors que la
conférence des présidents a parlé d’amendements ayant un objet identique. Il y a
donc là une zone grise, une marge d’interprétation. Or, si la liberté
d’amendement des parlementaires est strictement encadrée, c’est par notre
règlement, validé par le Conseil constitutionnel ; elle ne peut dépendre
d’une interprétation décidée par le président en conférence des présidents et
qui risquerait de nous placer dans l’impossibilité de délibérer
valablement.
Nous demandons donc qu’une nouvelle conférence des
présidents soit convoquée pour définir strictement cet encadrement de notre
liberté d’amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et
FI.)
Je partage votre souci, monsieur le président, de retrouver de
la sérénité dans cet hémicycle ; pour cela, nous devons être d’accord sur
les règles de nos débats.
M. Pierre
Dharréville. Je demande la parole, monsieur le
président !
M. le
président. Monsieur Dharréville, si vous demandez la parole pour un
rappel au règlement sur le même sujet, je vous rappelle que l’article 58
les proscrit.
M. Pierre
Dharréville. C’est un rappel au règlement sur la base de l’article
100.
M. le
président. Je ne le laisserai pas prospérer s’il porte sur le même
sujet.
M. Pierre
Dharréville. Je vous ai interrogé hier sur ce sujet, monsieur le
président, et vous ne m’avez pas répondu.
M. le
président. Bien sûr que si !
M. Pierre
Dharréville. C’est pour cette raison que nous intervenons à nouveau sur
cette question cet après-midi. La règle que vous indiquez n’est pas écrite…
M. le
président. Elle a été adoptée par la conférence des présidents et a été
rappelée trois fois hier soir.
Il s’agit d’un rappel au règlement
dilatoire, portant sur le même sujet qu’un autre rappel au règlement. Nous
allons donc nous en tenir là, en vertu de l’article 58 du règlement.
(Vives protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Plusieurs députés du groupe
GDR. Autoritarisme !
M.
Sébastien Jumel. Suspension de séance !
M. le
président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Mon rappel au règlement porte également sur l’organisation de
nos débats. Vous m’accorderez, monsieur le président, que le groupe Libertés et
territoires n’est pas très souvent intervenu sur cette question.
Vous
avez dit hier matin en conférence des présidents, j’en témoigne, que le rejet
d’un amendement entraînait la chute du même amendement décliné vingt fois de
suite sur le même article. Je suis d’accord : c’est l’application du
règlement. En revanche, monsieur le président, on ne peut pas interpréter cette
règle comme s’appliquant à des amendements portant sur des articles
différents.
Je prendrai l’exemple d’un mot que nous avons tous à la
bouche : celui de pénibilité, qui figure dans des articles différents du
texte. Le rejet d’un amendement visant à en confier la définition à un décret en
Conseil d’État ne peut pas faire tomber tous les amendements ayant la même
visée. (Approbations sur les bancs des groupes LT, SOC, FI et GDR.)
M. Fabien
Roussel. Très bon exemple !
M.
Christian Hutin. Sinon il n’y a plus d’Assemblée nationale !
M.
Sébastien Jumel. Ce rappel au règlement portait sur le même sujet,
monsieur le président, et vous n’avez pas interrompu l’orateur !
M. Philippe
Vigier. Je pense donc qu’il serait bon que vous précisiez les choses,
monsieur le président. Je tiens moi aussi à ce qu’on aille au bout des choses
afin que nos débats puissent se dérouler dans la sérénité. Vous m’accorderez que
nous ne sommes pas intervenus longuement, sur aucun sujet, depuis le début de
nos débats, mais il s’agit là d’un sujet absolument crucial.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR, FI et GDR.)
M. le
président. Monsieur Vigier…
M. Pierre
Dharréville. J’ai deux questions à vous poser, monsieur le
président !
M. Hubert
Wulfranc. C’est de la maltraitance !
M. le
président. Ne vociférez pas et laissez-moi répondre au président Vigier.
(Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
J’ai indiqué hier en
conférence des présidents qu’en cas de rejet d’un amendement, les amendements
ayant le même objet sur le même sujet mais déposés sur des articles différents
tomberont, en application d’une pratique constante.
(« Faux ! » sur les
bancs du groupe GDR.)
M.
Sébastien Jumel. Suspension !
Avant l’article 1er (suite)
M. le
président. Tout à l’heure, le vote sur les amendements identiques
nos 19, 246 et 368 a été reporté en application de l’article 61,
alinéa 4 du règlement.
Nous allons maintenant procéder au
vote.
(Les amendements identiques nos 19, 246 et
368 ne sont pas adoptés.)
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures
vingt-cinq.)
M. le
président. La séance est reprise.
Je mets maintenant aux voix le
sous-amendement no 42070 et l’amendement
no 24809, qui ont reçu un avis défavorable du rapporteur et du
Gouvernement.
M. Frédéric
Reiss. On ne peut même plus réagir ?
(Le sous-amendement no 42070 n’est pas
adopté.)
(L’amendement no 24809 n’est pas
adopté.)
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour un rappel au
règlement.
M. Pierre
Dharréville. Je souhaite faire un rappel au règlement au nom de
l’article 100, et poser deux questions. Monsieur le président, vous vous
référez à une mesure dont vous indiquez qu’elle concerne les amendements dont
les dispositifs sont identiques, et vous donnez une définition de ces derniers.
Cette définition est-elle écrite quelque part, et si oui, où ? Par
ailleurs, nous voudrions connaître la liste des amendements qui seront concernés
par cette disposition.
M. le
président. Tout cela vous sera fourni.
La parole est à
M. Damien Abad, pour un rappel au règlement.
M. Damien
Abad. Je ferai également un rappel au règlement au nom de
l’article 100. Nous avons une divergence d’interprétation au sujet
d’amendements qui présentent le même dispositif mais qui se rapportent à deux
parties différentes du texte – et qui peuvent par conséquent avoir des sens
différents, comme l’a démontré plus tôt M. Christian Jacob. Pour justifier
le recours à la mesure qui nous occupe, monsieur le président, vous avez parlé
de « pratique constante », c’est-à-dire ancienne, répétée et non
interrompue. Pouvez-vous nous citer un exemple de cette jurisprudence constante,
de cette pratique répétée, ancienne et non interrompue ? Si vous n’êtes pas
capable de nous fournir cette jurisprudence, le groupe Les Républicains
demandera que la conférence des présidents se réunisse afin de clarifier ce
point central pour la suite de nos débats et l’avenir de nos travaux.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.)
M. le
président. Il sera répondu à votre demande.
Avant l’article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir
l’amendement no 2319 et les seize amendements identiques déposés
par les membres du groupe La France insoumise.
Ces amendements font
l’objet de cinq sous-amendements.
Mme
Clémentine Autain. Je vois que le président Chassaigne…
M. le
président. Vous avez la parole, madame Autain.
Mme
Clémentine Autain. M. Chassaigne souhaite intervenir.
M. le
président. Sentez-vous à l’aise, et disposez librement de l’organisation
des débats !
Mme
Clémentine Autain. Je serais ravie qu’avant l’examen de mon
amendement…
M. le
président. Si vous ne voulez pas la parole, je vous la retire !
Mme
Clémentine Autain. Je veux prendre la parole pour soutenir mon
amendement, mais le président Chassaigne souhaite faire un rappel au règlement.
(Vives exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. Exposez votre amendement, et je donnerai la parole au
président Chassaigne en temps et en heure. Vous avez la parole, madame Autain
– si vous le souhaitez.
Mme
Clémentine Autain. En effet, je prends mon temps de parole, monsieur le
président.
M. le
président. Je vous rappelle que vous avez la parole pour soutenir
l’amendement no 2319.
Mme
Clémentine Autain. Je pense que quand nous avons un temps de parole,
nous pouvons nous exprimer comme nous le voulons. En l’occurrence, il se
trouve…
M. le
président. Non, le temps de parole est directement lié au fait que vous
soutenez un amendement.
Mme
Clémentine Autain. En l’occurrence, il se trouve que nous rencontrons un
problème d’organisation de la séance : nous n’avons toujours pas compris
quelles étaient les raisons qui vous conduisaient à changer les règles du jeu en
cours de route, ni quels étaient les centaines voire les milliers d’amendements
qui risquaient de tomber au cours de l’examen de ce projet de loi. Cinq
présidents de groupe, sur huit, vous ont demandé de réunir une conférence des
présidents.
M. Pierre
Cordier. Ça fait beaucoup !
Mme
Clémentine Autain. D’un point de vue démocratique, cette demande, qui
vise à éclaircir les raisons pour lesquelles vous changez les règles…
M. le
président. Vous êtes en train de faire un rappel au règlement déguisé en
exposé d’un amendement.
Mme
Clémentine Autain. Nous essayons de trouver le temps démocratique pour
nous exprimer dans un débat qui…
M. le
président. Merci, madame Autain.
M. Éric
Coquerel. C’est le règne de l’arbitraire !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Depuis cet après-midi, l’hémicycle
accueille un public fourni, avec notamment de nombreux jeunes. Quelle image leur
donnons-nous de nos travaux ? C’est de l’antiparlementarisme de base !
(De nombreux députés des groupes LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent.
– Vives protestations sur les bancs des groupes FI et
GDR.) Je tiens à remercier ces jeunes pour leur présence, et j’aimerais
redonner à nos travaux leurs lettres de noblesse. Avis défavorable.
M. Fabien
Roussel. Il a répondu à l’amendement ?
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ça n’a aucun rapport avec l’amendement !
M. Bruno
Millienne. Vous êtes la honte de la République !
M. le
président. Sur les amendements identiques nos 2319 et
identiques, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de
scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
M. Fabien
Roussel. Suspension de séance !
M. le
président. Monsieur Roussel, ne vous époumonez pas. Les suspensions de
séance de droit sont limitées à deux par groupe et par séance ; concernant
le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, ce chiffre a déjà été atteint.
(Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M. Fabien
Roussel. Au titre de l’article 58, alinéa 5 du règlement, les
demandes de suspension sont soumises à la décision de l’Assemblée !
M. le
président. Je vais soumettre à l’Assemblée le vœu de M. Roussel
d’une suspension de séance.
M. Fabien
Roussel. Je veux un scrutin public !
M. le
président. Sans vouloir vous offenser, monsieur Roussel, vous n’avez pas
de délégation vous permettant de le demander… (Rires et applaudissements sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
La demande me parvient :
sur une hypothétique demande de suspension de séance, je suis saisi par le
groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Nous allons donc attendre quelques minutes.
Plusieurs députés du groupe
GDR. Cinq !
M. le
président. ………….............
Je mets aux voix la demande de
suspension de séance.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 214
Nombre
de suffrages
exprimés 212
Majorité
absolue 107
Pour
l’adoption 65
Contre 147
(La demande de suspension de séance n’est pas adoptée.)
M. le
président. Je suis saisi d’un sous-amendement no 42050
de M. Sébastien Jumel, à l’amendement no 2319.
Sur
ce sous-amendement, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour un rappel au
règlement.
M. Adrien
Quatennens. Qui se fonde sur l’article 58, alinéa 5, de notre
règlement. Monsieur le président, jusqu’à preuve du contraire, vous êtes le
président de l’Assemblée nationale et non le secrétaire général du groupe
La Retraite en Moins. (Rires, applaudissements et exclamations sur
divers bancs.) Vous êtes là pour garantir la qualité de nos débats.
M. le
président. Vous devez fonder votre demande. L’alinéa 2 de
l’article 58 ne correspond à rien de ce que vous évoquez.
M. Adrien
Quatennens. Monsieur le président, vous m’aurez mal entendu : j’ai
invoqué l’alinéa 5. Je vais procéder à une demande de suspension de séance,
car vous avez bel et bien changé les règles en cours de jeu, et il faut que cela
se sache.
Mme Nadia
Essayan. C’est une honte !
Plusieurs députés des groupes
LaREM et MODEM. Quatre-Colonnes ! Quatre-Colonnes !
Plusieurs députés des groupes
FI et GDR. Référendum ! Référendum !
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures
quarante-cinq.)
M. le
président. La séance est reprise.
La parole est à M. Fabien
Roussel.
M. Fabien
Roussel. Je voudrais faire un rappel au règlement concernant
l’article 100. Vous remettez en cause, en effet, notre droit
constitutionnel d’amender en invoquant un prétendu procès-verbal qui fixerait
une règle que nous contestons. Or, personne ne peut accéder à ce procès-verbal,
qui n’existe nulle part.
Nous demandons que se tienne une conférence des
présidents. Dans le cas contraire, je demanderai une nouvelle suspension de
séance et un scrutin public sur la suspension de séance. (Applaudissements
sur les bancs des groupes FI et GDR.) Nous continuerons ainsi jusqu’à la
réunion de la conférence des présidents.
M. le
président. Vous n’avez pas de mandat pour demander un scrutin public sur
une suspension de séance : il faut m’écouter quand je vous parle !
M. Fabien
Roussel. Ne vous inquiétez pas, nous allons nous arranger. Nous allons
même demander des explications de vote sur le scrutin public !
M. Erwan
Balanant. Gardez votre calme.
M. le
président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André
Chassaigne. Monsieur le président, je reviendrai sur la suspension de
séance, mais je voudrais tout d’abord m’arrêter sur l’article 100,
alinéa 5. Ce que je veux vous dire est important et, peut-être, de nature à
apaiser les esprits.
(« Ah ! » sur les
bancs du groupe LaREM.)
Le président Damien Abad vous a demandé
de prouver que la procédure dont vous vous prévalez aujourd’hui a bel et bien
été appliquée de manière constante. Or, je tiens ici la preuve que ce ne fut pas
le cas. Je citerai trois exemples.
Le premier est celui du projet de loi
garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, examiné en séance
publique en 2013. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Je veux
montrer que la disposition que vous nous opposez n’a pas toujours été utilisée.
M. le
président. Je puis vous assurer que la règle en vigueur a été moult fois
appliquée…
M. André
Chassaigne. Laissez-moi m’expliquer !
M. le
président. Ce n’est pas parce qu’elle n’a pas été tout le temps
appliquée qu’elle n’est pas applicable. L’exception que vous pourriez
éventuellement trouver ne deviendrait pas pour autant une règle.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe
MODEM.)
M. André
Chassaigne. Ce n’est pas vrai.
M. le
président. La règle que je vous ai expliquée sera appliquée. Ces rappels
au règlement sont superfétatoires. Il me semble que vous avez demandé un scrutin
public, monsieur Chassaigne.
M. André
Chassaigne. En effet.
M.
Sébastien Jumel. Nous demandons une explication de vote de chaque
groupe !
M. le
président. Sur la suspension de séance, je suis saisi par le groupe de
la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Nous allons
patienter en attendant le scrutin public, qui aura lieu dans cinq minutes.
Plusieurs députés des groupes
LaREM et MODEM. Quatre-Colonnes ! Quatre-Colonnes !
M. Alain
Bruneel. Vous auriez des choses à y dire, vous, aux
Quatre-Colonnes ! (Plusieurs députés des groupes de la Gauche démocrate
et républicaine et de La France insoumise entonnent des chants
contestataires.)
Mme Nadia
Essayan. C’est toujours mieux que des bras d’honneur !
M. Fabien
Di Filippo. Mais où est passé le président ?
M. le
président. ………………….
Je mets aux voix la demande de suspension de
séance.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 200
Nombre
de suffrages
exprimés 200
Majorité
absolue 101
Pour
l’adoption 59
Contre 141
(La demande de suspension de séance n’est pas
adoptée.)
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Au nom du groupe Socialistes et apparentés, je souhaite faire
un rappel au règlement fondé sur l’article 100, alinéa 5. Toute
limitation du droit d’amendement des parlementaires doit résulter d’une
disposition explicite du règlement de l’Assemblée nationale et validée par le
Conseil constitutionnel.
M. Fabien
Roussel. Tout à fait.
M. Boris
Vallaud. Exactement.
M. Régis
Juanico. Lorsque votre majorité a voulu limiter la liberté de présenter
des amendements identiques, elle a réformé l’alinéa 5 de l’article 100
du règlement. Celui-ci ne vise que les amendements identiques et non les
amendements ayant un objet identique. Or, toute limitation d’une liberté
d’amender doit être strictement interprétée.
M. Pierre
Cordier. Très bien.
M. Régis
Juanico. Vous avez évoqué tout à l’heure une pratique constante, répétée
et ancienne. Ce projet de loi prévoit déjà le recours à vingt-neuf ordonnances
et cent décrets, autant d’occasions de dessaisir le Parlement. Je ne pense pas
que vous déciderez, en plus, de rejeter de nombreux amendements sans discussion,
sans que l’on sache combien d’amendements sont concernés et lesquels.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et LR.)
M. le
président. J’ai répondu à M. Dharréville, qui posait la même
question, que je l’informerai dans les prochaines minutes des amendements
concernés.
(« Quand ? » sur les
bancs des groupes GDR et FI.) Rassurez-vous, il nous restera de nombreux
sujets à débattre.
M.
Christian Hutin. Nous sommes en plein débat ! Tant que nous
n’obtiendrons pas la liste de ces amendements, nous demanderons des suspensions
de séance.
M. Boris
Vallaud. Je demande une suspension de séance, pour vous laisser le temps
de vous renseigner !
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures
dix.)
M. le
président. La séance est reprise.
Avant l’article 1er (suite)
M. le
président. Nous en revenons au sous-amendement no 42050
à l’amendement no 2319. La parole est à M. Sébastien Jumel,
pour le soutenir.
M.
Sébastien Jumel. Au préalable, je tiens à indiquer que, pour vous être
agréable, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine retire la demande de
scrutin public qu’il avait déposée sur ce sous-amendement.
M. André
Chassaigne. Nous sommes raisonnables ! (Sourires.)
M.
Sébastien Jumel. Par ailleurs, et en lien direct avec le sous-amendement
en question, je remarque que le président de l’Assemblée nationale, censé être à
l’écoute de la pluralité d’opinions exprimées dans l’hémicycle, nous explique
qu’en substitution au règlement de l’Assemblée nationale et à la jurisprudence
constante du Conseil constitutionnel, c’est un droit coutumier qui sera appliqué
au débat sur la réforme des retraites. Nous ne pouvons pas accepter que la
démocratie subisse une telle dérive.
Quoi que vous en disiez, les
parlementaires de l’opposition souhaitent débattre du fond. (Soupirs sur les
bancs du groupe LaREM.) Cela ne nous pose aucune difficulté, car nous sommes
sûrs, en discutant du fond, de vous faire toucher le fond !
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et
FI. – Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Mme Nadia
Hai. Ça se saurait !
M.
Sébastien Jumel. Nous sommes certains que vous êtes incapables de
répondre aux questions que nous posons depuis dix jours, en commission spéciale
et désormais dans l’hémicycle.
M. Frédéric
Petit. Les réponses sont dans le texte !
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le président, vous y gagneriez. Le changement
de gouvernance de l’Assemblée nationale annonçait un jour nouveau : nous
pensions qu’il ferait retrouver la sérénité à cet hémicycle, ce qui aurait
singulièrement tranché avec l’ancienne.
M. Alexis
Corbière. On va regretter Rugy !
M.
Sébastien Jumel. Il est encore temps de montrer que nous avions raison
d’espérer. Pour cela, je vous demande de garantir les droits de l’opposition,
celui de défendre individuellement les amendements et la possibilité, pour
chaque groupe, de défendre son point de vue.
M. le
président. Sur le sous-amendement qui vient d’être ainsi défendu, quel
est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je répète ce que j’ai dit tout à
l’heure : des jeunes sont présents dans les tribunes, amenés ici par leurs
enseignants, et le débat n’est pas à la hauteur de ce qu’ils peuvent attendre.
Avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM. – Vives exclamations sur les bancs
des groupes FI, GDR et LR.)
M. Pierre
Cordier. Ça suffit ! C’est incroyable de prendre ainsi les gens à
témoin !
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au
règlement.
M. Marc Le
Fur. Mon rappel au règlement est fondé sur
l’article 100.
Monsieur le président, nous sommes en réalité
confrontés au problème suivant : vous considérez que, lorsqu’un débat de
principe, résumé par l’emploi d’un mot ou d’une expression, a été tranché pour
un article, cette décision vaut pour tous les autres et que le débat ne peut
plus être rouvert. D’autres pensent l’inverse. Tout est affaire de précédent et,
si je ne prétends pas les connaître tous, j’en ai un très précis en tête.
M. André
Chassaigne. J’en ai aussi !
M. Marc Le
Fur. Il s’agissait d’un débat tout aussi électrique, qui rassemblait
dans l’hémicycle encore plus de députés qu’il n’y en a aujourd’hui et qui avait
suscité des oppositions considérables entre nous. Il s’agissait du mariage pour
tous.
Moi et d’autres, nous avions, dans plusieurs de nos amendements,
insisté sur un principe simple qui s’exprimait à travers des mots :
« père » et « mère ».
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Il
n’y en avait pas 40 000 !
M. Marc Le
Fur. Ces mots exprimaient notre conception de la famille et nous
considérions qu’il fallait l’affirmer. Nous avons défendu ces amendements pour
chaque article.
M. Damien
Abad. Excellent !
Mme Sylvie
Tolmont. Nous aussi !
M. Marc Le
Fur. J’ai le net souvenir que jamais les présidents de séance successifs
n’ont, de quelque manière que ce soit, censuré ces amendements ni nos propos.
Chaque fois, nous étions battus : c’est la réalité de la majorité, et nous
nous inclinons devant elle. Mais, chaque fois, nous avons pu défendre nos
amendements. C’est l’honneur de cette assemblée que de permettre à chacun de
défendre ses convictions. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR,
SOC, GDR, FI, sur plusieurs bancs des groupes UDI-Agir et LT ainsi que parmi les
députés non-inscrits.)
M. le
président. Chers collègues, je comprends que l’émotion puisse susciter
une certaine emphase,…
M. Marc Le
Fur. C’est vrai.
M. le
président. …et c’est très respectable. Mais de quoi parlons-nous ?
L’Assemblée a rejeté, plusieurs fois, un amendement substituant au mot
« universel » le mot « inéquitable » dans l’intitulé du
titre Ier. Ce rejet fait donc logiquement tomber
soixante-quatorze amendements strictement identiques déposés au nom de chaque
membre du groupe GDR, soit un total de 1 184 amendements proposant la
même modification et accompagnés du même exposé sommaire.
Ce que je vous
dis, c’est que lorsque l’Assemblée nationale a plusieurs fois refusé de
substituer une épithète à une autre, ce vote vaut pour l’ensemble des articles.
(« Non ! » sur les
bancs du groupe GDR.)
Cette jurisprudence n’a aucune portée
normative : elle est parfaitement fondée, conforme à la décision de la
conférence des présidents (« Mais
non ! » sur les bancs du groupe GDR),
qui est souveraine, et il n’en sera fait aucune application hormis celle-ci.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Voilà, tout
de même, de quoi nous parlons !
La parole est à M. Boris
Vallaud, pour un nouveau rappel au règlement.
M. Boris
Vallaud. Il s’agit de l’article 100, monsieur le président. Les
citoyens qui nous regardent aujourd’hui sont interpellés ; aussi
voudrais-je rappeler que ce qui est en jeu, c’est une réforme qui concernera des
millions de Français, pendant des décennies et des décennies, pour un montant
représentant 25 % de notre dépense publique. (Exclamations sur les bancs
des groupes LaREM et MODEM.)
M. Erwan
Balanant. Alors débattons-en !
M. Boris
Vallaud. Vous avez choisi la voie de la démocratie expéditive, à peu
près aussi glorieuse que la justice expéditive, en imposant une procédure
accélérée qui n’a aucune nécessité. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR et quelques bancs du groupe
FI. – M. Nicolas
Dupont-Aignan applaudit également.) C’est un honneur exigeant que de
représenter les Françaises et les Français dans leur diversité. Vous avez été
élus pour appliquer votre programme, nous avons été élus pour le combattre,
c’est un fait.
M. le
président. Quel est le rappel au règlement ?
M. Boris
Vallaud. Le rappel au règlement est le suivant : la conférence des
présidents a le pouvoir d’organiser les débats, mais non de réécrire le
règlement de l’Assemblée nationale. C’est pourtant ce que vous avez fait, à
propos d’amendements portant sur le même objet mais relatifs à des articles
différents. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, UDI-Agir,
LT et FI.) Nous demandons de réunir à nouveau la conférence des présidents
pour vérifier si ceux-ci sont bien d’accord avec cette décision. Il se trouve
que cinq des sept groupes vous l’ont demandé, monsieur le président :
faites vivre votre institution, défendez-la à tout le moins, et acceptez,
puisqu’il y a un sujet d’incompréhension, qu’on en débatte de
nouveau !
Vous ne pouvez pas escamoter ainsi la discussion. Vous
bâillonnez le débat ! (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Ça se voit ! Vous êtes indubitablement
bâillonné.
M. Boris
Vallaud. Nous n’avons pas déposé plus d’amendements que votre majorité.
Or vous n’avez pas dit combien d’amendements du groupe Socialistes et apparentés
ce procédé ferait tomber.
M. le
président. Je viens de le dire !
M. Boris
Vallaud. Pour le groupe GDR.
M. le
président. Pour l’ensemble des amendements concernés.
M. Boris
Vallaud. Alors donnez-en le détail ! Nous ne l’avons pas.
M. le
président. Monsieur Vallaud, ne soyez pas de mauvaise foi !
M. Boris
Vallaud. La conférence des présidents n’a pas le pouvoir de réécrire
seule le règlement de l’Assemblée. Voilà la réalité ! (Applaudissements
sur les bancs des groupes SOC, GDR, FI et LR.)
M. le
président. D’abord, et vous le savez, ce n’est pas la présidence de
l’Assemblée nationale qui choisit telle ou telle procédure, donc ne nous faites
pas de reproches injustifiés. Pour le reste, je viens d’indiquer ce dont il
s’agit. Comment pouvez-vous parler de bâillon alors qu’il reste au moins
39 000 amendements à examiner ?
M. Boris
Vallaud. Et combien de notre groupe ?
M. le
président. Croyez-moi, vous aurez le temps d’exprimer tous vos
arguments.
Comme cela a été décidé de manière souveraine par la
conférence des présidents
(« Non ! »
sur les bancs du groupe FI), lorsque cet amendement relatif à l’épithète
« universel » resurgira, il sera considéré comme étant tombé. Il en a
été décidé ainsi par la conférence des présidents, et je dois faire respecter
cette décision. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. André
Chassaigne. Ils applaudissent à la dictature ! (Protestations
sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Monsieur Jumel, pourquoi demandez-vous la parole ?
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le président, je voudrais répondre à la
proposition que vous nous faites.
M. le
président. Je ne vous fais aucune proposition, je vous rappelle les
règles.
M.
Sébastien Jumel. Je souhaite tout de même commenter votre propos.
M. le
président. Quel est l’objet de votre intervention ?
M.
Sébastien Jumel. Je veux répondre, conformément à l’article 100 du
règlement intérieur…
M. le
président. Non, on ne va pas poursuivre le débat !
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le président, vous proposez, si j’ai bien
compris, de faire tomber plus de 1 000 amendements déposés par notre
groupe…
M. le
président. Mille cent quatre-vingt-quatre.
M.
Sébastien Jumel. Mille cent quatre-vingt-quatre amendements déposés par
le groupe communiste, relatifs à des articles ayant une portée normative
différente.
M. le
président. Uniquement des amendements portant sur une épithète de
l’intitulé.
M.
Sébastien Jumel. Ils se rapportent à des articles ayant une portée
normative différente. L’article 1er pose les principes et les
objectifs du système universel ; l’article 2 précise le champ
d’application de votre réforme ; l’article 12…
M. le
président. L’Assemblée a parfaitement compris ce dont il s’agit.
L’article 58 du règlement proscrit ce type de rappels au règlement
permanents.
M.
Sébastien Jumel. Comment pouvez-vous museler ainsi l’opposition ?
Vous êtes dans une dérive autoritaire, monsieur le président
M. Adrien
Quatennens. Vous n’êtes pas la conférence des présidents à vous
seul !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour un rappel au
règlement.
M. Jean-Luc
Mélenchon. J’interviens en me fondant sur l’esprit autant que sur la
lettre de l’article 100, alinéa 5 du règlement.
Le président de
séance « doit veiller au respect des exigences de clarté et de sincérité du
débat parlementaire ».
M. le
président. Absolument.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ce n’est pas vous qui l’avez dit, mais le Conseil
constitutionnel.
M. le
président. C’est pourquoi je vous dis que c’est vrai !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Il « ne saurait recourir à cette limitation que pour
prévenir les usages abusifs […] des prises de parole sur les amendements
identiques ». (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes
LaREM, MODEM, LT et UDI-Agir.)
M. Bruno
Millienne. Merci pour ce rappel !
M. le
président. C’est bien ce dont il s’agit…
M. Jean-Luc
Mélenchon. Votre enthousiasme, mes chers collègues, me fait plaisir. Je
vous retrouve tels que vous étiez dans le débat sur la loi relative aux
« fake news » : vous pensez que la vérité existe et que c’est
vous qui en disposez. Eh bien non, et cela fait un ou deux millénaires qu’on en
discute !
J’en viens à l’objet de mon intervention, monsieur le
président. Vous méconnaissez le fait que nous sommes cinq présidents sur sept à
vous dire que nous ne sommes pas d’accord avec l’interprétation que vous avez
tirée de la conférence des présidents. Nous vous demandons donc, non comme une
faveur mais comme un droit qui résulte de notre statut particulier de présidents
de groupe, de revenir sur cette décision. Vous êtes le premier des présidents,
primus inter pares, étant bien entendu que inter pares veut dire
« parmi vos semblables » : donc vous ne nous dominez pas ;
vous en êtes d’accord, j’en suis certain.
En tant que président de
groupe, je ne suis pas convaincu par ce que vous avez dit. Vous ne me permettez
pas d’organiser mon travail : comme vous venez, à l’instant, d’abroger plus
de 1 000 amendements, j’ai le droit de vous demander combien d’autres
vous comptez en abroger, par la suite, quand vous aurez estimé que leur contenu
est identique – ce qui n’est pas notre cas. En effet, je dois organiser la
présence constante dans cet hémicycle de députés d’un petit groupe de dix-sept
personnes, qui n’a pas les mêmes possibilités de rotation que le groupe
majoritaire, fort de plus de 300 membres. (Exclamations sur les bancs
des groupes LaREM et MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Il faut assumer !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Nous avons parmi nous des spécialistes de domaines bien
particuliers…
M. le
président. Merci, monsieur le président.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Non, pas merci !
M. le
président. Les interventions sont limitées à deux minutes.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Avant qu’on m’empêche de parler, je demande la vérification
du quorum.
M. le
président. Permettez-moi de vous dire que lorsque les sept présidents de
groupe se réunissent en conférence des présidents, chacun d’entre eux s’exprime
au nom des députés qui ont été élus par le peuple. Et si le peuple a souhaité
qu’il n’y eût que dix-sept députés dans votre groupe, je n’y peux rien : ce
n’est que la conséquence des élections. (Applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
Mme
Clémentine Autain. Du fait du mode de scrutin !
M. le
président. Dans le cadre de la conférence des présidents, les décisions
ne se prennent pas à la majorité des présidents de groupe, mais de ceux qu’ils
représentent.
Je vous ai donné la réponse à la question posée par
M. Dharréville sur les conséquences de l’application de cette décision.
J’ai indiqué qu’en tout et pour tout, cela concernait
1 184 amendements, au texte et à l’exposé sommaire identiques. Vous
pourrez donc paisiblement organiser votre travail.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Lesquels ?
M. Fabien
Di Filippo. Vous en avez déjà fait tomber d’autres !
M. le
président. Vous avez eu raison de citer le Conseil constitutionnel.
C’est lui-même, dans sa décision du 4 juillet 2019, qui a précisé que ce
qu’étaient les usages abusifs : des amendements ayant été déposés
simultanément, en masse, comportant le même texte et le même exposé sommaire. Je
crois donc pouvoir dire que nous sommes d’accord.
(« Non ! » sur les
bancs des groupes FI et GDR.)
Mme Nadia
Essayan. On a bien avancé ! C’est très constructif !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je demande la vérification du quorum avant le vote !
Plusieurs députés du groupe
FI. Quorum ! Quorum !
M. le
président. Monsieur Mélenchon, le bureau de l’Assemblée nationale, dans
sa réunion du mercredi 23 février 1994, a confirmé la règle suivant
laquelle une seule demande de vérification du quorum était recevable au cours
d’un même débat, dans le même jour de séance.
M.
Sébastien Jumel. C’est faux ! Regardez l’article 61 !
M. le
président. Cette décision a été appliquée sans exception depuis lors. Il
n’y a donc pas lieu de donner suite à la demande que vous venez de présenter.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
La
parole est à M. Damien Abad, pour un nouveau rappel au règlement.
M. Damien
Abad. Depuis tout à l’heure, les conditions du débat se dégradent
considérablement. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Vous le
savez, Les Républicains sont un groupe responsable : nous avons déposé
moins de vingt-cinq amendements par député. Vous ne pouvez donc pas nous accuser
d’obstruction ou d’irresponsabilité.
Monsieur le président, afin de
sortir du débat par le haut, je vous ai posé une question claire sur la pratique
constante ou non de la jurisprudence que vous venez de mettre sur la table. Je
vous renvoie à la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel. En aucun
cas, celui-ci n’évoque la conférence des présidents, mais toujours le président
de séance ; c’est à ce dernier – et non à la conférence des
présidents, en amont – de veiller à la clarté des débats. Ce qui se passe
est donc contraire à la décision du Conseil constitutionnel.
M.
Sébastien Jumel. Et l’article 61 ne comprend pas ce que vous dites
sur le quorum.
M. Damien
Abad. Pour savoir si le recours à ce procédé est possible, le groupe Les
Républicains vous demande de répondre à notre question : s’agit-il d’une
pratique constante, autrement dit répétée, ancienne et continue ? Comme
vous ne nous avez pas répondu, nous vous donnons la possibilité de le faire en
demandant une suspension de séance.
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept
heures trente-cinq.)
M. le
président. La séance est reprise.
Avant l’article 1er (suite)
M. le
président. Je suis saisi des sous-amendements nos 42051
de M. Sébastien Jumel, 42052 de M. Pierre Dharréville, 42054 de
M. Sébastien Jumel et 42053 de M. Pierre Dharréville. Y a-t-il
quelqu’un pour les soutenir ?
Mme
Marie-George Buffet. Ils sont défendus.
M. le
président. La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo
Bernalicis. Après deux jours de débats, nous voyons bien que
l’universalité dont il est question ici n’en est pas une. Comme l’a rappelé le
président Mélenchon, une disposition universelle s’applique à tous, comme les
droits fondamentaux, sans entorse possible. Si vous commencez à créer des
catégories au sein de l’universalité, ce n’est plus de l’universalité. Sinon,
l’on pourrait retourner le raisonnement : s’il peut y avoir des
dispositions spécifiques au sein d’un régime universel, alors le système actuel
est déjà un régime universel ! Vous voyez bien vous-même que cela n’a pas
de sens.
Il faut donc dissiper les doutes concernant l’universalité de ce
régime. Ce n’est clairement pas un régime universel puisque, comme vous l’avez
rappelé, il comporte des dispositions spécifiques pour les pompiers, les
policiers, les gendarmes, les salariés de la Banque de France et
autres.
Il ne faudrait pas que nous commencions la discussion sur de
mauvaises bases. Nous pensons, en effet, que vous n’avez pas de légitimité pour
proposer ce projet car il n’était pas dans votre programme. Il ne sert à rien de
dire que vous êtes les plus nombreux et que vous avez été élus : il faut
laisser toute la place à la discussion dans cet hémicycle. Sinon expliquez-nous,
comme vous auriez peut-être dû le faire dès le premier jour, que nous devons
vous laisser les clefs, que vous allez vous débrouillerez entre vous, que vous
n’êtes qu’une excroissance de l’exécutif ! Dans ce cas-là, nous rentrerons
chez nous et nous ferons autre chose.
Seulement voilà : ici, c’est
l’Assemblée nationale. On débat, on parle. Nos propos peuvent vous déplaire et
il arrive que les vôtres ne me plaisent pas non plus. En même temps, c’est ce
qui permet que nous puissions encore un peu dire que nous sommes en
démocratie.
Puisque ce texte n’a pas de caractère universel, nous
demandons l’adoption de ces sous-amendements et de ces amendements pour
clarifier la situation.
M. le
président. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Monsieur le président, je demande un vote sur une suspension de
séance (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM) et mon président va demander un scrutin public. Je vous
annonce que je le ferai à chaque fois, jusqu’à ce que vous convoquiez une
conférence des présidents et qu’il y ait une décision, prise à l’unanimité,
concernant l’organisation de nos débats.
M.
Christian Hutin. Nous sommes là jusqu’à dimanche !
M. Rémy
Rebeyrotte. Dictature procédurale !
M. Fabien
Roussel. Encore une fois et comme cinq présidents de groupes l’ont déjà
fait, je demande qu’une conférence des présidents se réunisse pour organiser nos
débats. Il ne vous aura pas échappé que nous sommes entrés en résistance, ici
aussi, dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et
FI. – M. Jérôme Lambert applaudit
également.)
M. le
président. Messieurs, vous m’annoncez que vous allez systématiser ce
type de demande. Pour ma part, je vous annonce que je n’y ferai plus droit
puisque, ce faisant, vous contournez l’article 58 du règlement, en voulant
finalement aller au-delà de ce qui est accordé à chaque groupe, soit deux
suspensions de droit. Cette demande étant une manœuvre dilatoire, je suis fondé
à refuser. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et
UDI-Agir.)
M.
Christian Hutin. C’est totalement faux, la suspension est de
droit !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je voudrais revenir sur les amendements, non sans avoir, au
préalable, souligné ceci : ce n’est pas parce que le règlement a été mal
réécrit – il a d’ailleurs été approuvé par la seule majorité – que
vous ne devez pas l’appliquer.
M. Ugo
Bernalicis. Exactement !
M. Pierre
Dharréville. Je proteste donc contre votre décision.
Il me semble
important d’expliquer que la forme du débat est liée au fond, d’autant que le
public des tribunes a été pris à partie, notamment par le rapporteur. Ce rappel
peut avoir des vertus pédagogiques. Il faut respecter les formes pour que le
débat soit sincère et que la démocratie puisse vraiment s’exprimer.
M. Rémy
Rebeyrotte. Vous détournez les procédures !
M. Pierre
Dharréville. J’en viens au fond, et à l’universalité dont vous faites
état. Mais il n’y a aucune universalité, par exemple, en matière de taux de
remplacement, un point sur lequel je vous ai interrogé hier : les taux sont
très différents selon les générations, l’âge de départ et autres. Je continue
donc de contester le caractère universel du système proposé.
D’autre
part, la question vous a déjà été posée hier : combien coûtera l’exception
à l’universalité qui concerne les personnes qui cotisent actuellement sur une
base de huit fois le montant du plafond annuel de la sécurité sociale
– PASS – et qui ne le feront plus que sur la base de trois PASS ?
Quel sera le coût de cette mesure et comment allez-vous la financer ? La
conférence sur l’équilibre et le financement des retraites doit en discuter.
Quelle feuille de route avez-vous donnée à M. Jean-Jacques Marette ?
Qui représentait le Gouvernement à la réunion qui s’est tenue hier ? Que
pouvez-vous nous dire de cette première réunion ? Le Parlement doit être
informé.
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Patrick Mignola, pour un rappel au
règlement.
M. Patrick
Mignola. Mon intervention se fonde sur l’article 54, alinéa 6,
qui dispose que « L’orateur ne doit pas s’écarter de la question ».
C’est très exactement ce que vient de faire l’orateur, avec tout le respect que
je peux porter à son propos. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
MODEM.)
M. Pierre
Dharréville. Absolument pas !
M. Pierre
Cordier. Qui préside ?
M. le
président. La parole est à M. Bruno Millienne.
M. Bruno
Millienne. Puisque j’entends répéter inlassablement les mêmes choses
depuis que nous avons commencé ces débats, hier à dix-sept heures, je vais, moi
aussi, répéter quelques vérités qui sont bonnes à entendre dans cet hémicycle et
avec lesquelles la plupart des démocrates et des républicains sont
d’accord : la démocratie, c’est le Parlement, donc le débat.
M. Fabien
Roussel. À quel article du règlement se réfère votre
intervention ?
M. Bruno
Millienne. Vous, vous nous enfermez dans un monologue qui est
l’antichambre de la dictature. (Applaudissements sur quelques bancs des
groupes MODEM, LaREM et UDI-Agir.)
Avant l’article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Pour ma part, je voudrais revenir à l’amendement, à la
notion d’universalité, et vous reposer une question que j’ai déjà posée dix fois
hier, sans obtenir aucune réponse, sur le coût du futur régime spécial des plus
hauts revenus.
Vous ne donnez toujours pas de chiffre. Vous demandez un
débat sérieux aux parlementaires. Vous reprochez aux uns et aux autres de faire
de l’obstruction et d’avoir déposé tel nombre d’amendement. Avant de vouloir
donner des leçons de morale aux autres, le secrétaire d’État et le rapporteur
pourraient-ils donner à la représentation nationale l’estimation du coût annuel,
pendant la période transitoire, de ce nouveau régime spécial sur les hauts
revenus ?
On ne peut pas demander aux parlementaires de faire un
travail sérieux si le secrétaire d’État et les rapporteurs ne donnent pas les
chiffres que chacun est en droit d’attendre.
(Le sous-amendement no 42050 n’est pas
adopté.)
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au
règlement.
M. André
Chassaigne. Il est fondé sur l’article 58. Monsieur le président,
vous venez de commettre une erreur : vous avez confondu l’alinéa 4 et
l’alinéa 5.
M. le
président. Je n’ai rien confondu du tout.
M. André
Chassaigne. L’alinéa 4 de l’article 58 porte sur les rappels
au règlement.
M. le
président. Venez-en aux faits, s’il vous plaît !
M.
Christian Hutin. Peut-on laisser parler le président
Chassaigne ?
M. André
Chassaigne. L’alinéa 5 concerne les suspensions de séance. Vous ne
pouvez pas empêcher une suspension de séance ! C’est à l’Assemblée de
décider si elle peut avoir lieu, et je demande qu’elle se prononce par scrutin
public.
L’alinéa 5 est très clair. Vous en faites une interprétation
erronée.
M. le
président. Il est une pratique constante dans notre Assemblée, et vous
le savez mieux que beaucoup d’autres étant donné votre ancienneté dans
l’hémicycle : lorsque des demandes de suspension de séance, fussent-elles
adossées à votre argument, visent à détourner la règle des deux suspensions de
séance de droit par groupe, comme c’est le cas aujourd’hui, elles peuvent être
refusées par le président de séance. (Applaudissements sur plusieurs
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Fabien
Roussel. C’est de l’obstruction !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je fais partie des gens qui souhaitent que le ton baisse.
(Rires sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Rémy
Rebeyrotte. C’est l’hôpital qui se fout de la charité !
M. Jean-Luc
Mélenchon. J’ai tout de même le droit de le dire ! Vous pouvez
ricaner, vous ne m’impressionnez pas. J’ai déjà vu des zazous comme
vous !
M. le
président. Chers collègues, laissez s’exprimer le président
Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Nous avons besoin de retrouver des repères dans cette
discussion, afin de savoir comment avancer. Je me suis renseigné pendant la
suspension de séance pour savoir si ce que vous nous avez dit tout à l’heure,
monsieur le président, était définitif : il y aurait donc environ
1 000 amendements supprimés à votre libre appréciation.
M. le
président. Mille cent quatre-vingt-quatre pour être précis, pour
l’ensemble du texte.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Soit. Mais ce chiffre est-il définitif ?
M. le
président. Application définitive de la jurisprudence arrêtée par la
conférence des présidents.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Monsieur le président, je cherche à calmer le jeu, ne
remettez pas des pièces dans la machine !
M. le
président. Je ne fais que vous répondre.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Vous êtes un parlementaire avisé, mais moi aussi !
M. le
président. Je le suis moins que vous.
M. Jean-Luc
Mélenchon. J’assume quant à moi ma longue expérience, alors qu’elle
semble vous déranger.
Mille cent quatre-vingt-quatre amendements seraient
donc supprimés pour la raison que vous avez exposée tout à l’heure. Prenez-vous
l’engagement que vous ne saisirez pas d’autres occasions pour en annuler encore
quelques milliers ? En somme, s’agit-il de 1 184 amendements une fois
pour toutes ?
M. Mickaël
Nogal. C’est la règle !
M. Jean-Luc
Mélenchon. La règle, nous la contestons ! Il est inutile de me
répondre que c’est la règle puisque nous ne l’admettons pas.
Monsieur le
président, je vous pose une question précise afin de pouvoir organiser le
travail de mon groupe. Nous avons besoin de la liste des 1 184 amendements
que vous et vos groupies avez jugés devoir être supprimés. Nous avons besoin de
savoir de quels amendements il s’agit. Cela fait une heure que nous discutons,
mais sans savoir de quoi. C’est extraordinaire !
M. Rémy
Rebeyrotte. Calmez-vous !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Dites-nous quels sont ces 1 184 amendements ! Il
aurait été facile d’apaiser chacun en en fournissant la liste et en nous
assurant qu’elle était définitive. Vous avez à présent l’occasion de le
faire.
M. le
président. Volontiers, mais j’ai le sentiment que personne ne s’écoute
dans cet hémicycle.
M.
Christian Hutin. Surtout la présidence !
M. le
président. En tout cas, je crie moins que vous, monsieur Hutin.
M. Jérôme
Lambert. Vous avez le micro !
M. le
président. Monsieur Mélenchon, votre question est claire et ma
réponse, que j’ai déjà donnée plusieurs fois, l’est encore davantage : la
règle adoptée par la conférence des présidents s’appliquera exclusivement aux
1 184 amendements dont nous parlons, et ce jusqu’au terme de notre
débat.
Soyez donc sans crainte : il n’y aura pas de situations
similaires. La liste des amendements concernés sera remise à l’ensemble des
présidents de groupe, comme je l’ai dit tout à l’heure en réponse à un autre
orateur.
Plusieurs orateurs du groupe
FI. Quand ?
M. le
président. Elle est en cours d’élaboration et vous sera transmise
rapidement. Ne vous inquiétez pas, il y a assez d’amendements sur lesquels
parler !
M.
Christian Hutin. Suspension, en attendant !
M. le
président. Vous le voyez, monsieur Mélenchon, vos différentes
demandes sont satisfaites.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Monsieur le président, je suis satisfait que vous m’ayez
répondu et je vois que le ton que vous avez employé est plus amical
qu’auparavant. Mais vous nous dites de ne pas nous inquiéter quant à la liste
des 1 184 amendements supprimés : si ! C’est maintenant que
je les veux, je ne peux pas organiser le travail de mon groupe sans savoir
lesquels de nos amendements vont disparaître ! C’est la raison pour
laquelle je me permets très respectueusement de solliciter une interruption de
séance afin que vous ayez le temps de nous remettre ladite liste. Tout ira très
bien ensuite, j’en suis certain. (M. Ugo Bernalicis
applaudit.)
M. Fabien
Roussel. Suspendez la séance !
M. le
président. Les interruptions de séance de droit ayant déjà utilisées,
nous allons avancer. La liste des amendements supprimés vous sera transmise dans
les minutes qui viennent.
Monsieur Jumel, je veux bien vous donner la
parole, mais si c’est justifié. Pour ma part, je ne souhaite pas obstruer le
débat : je veux bien être agréable, mais pas complice. (Applaudissements
sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M.
Sébastien Jumel. La question n’est pas de savoir si nous voulons
discuter dans le calme ou si vous pouvez revenir impunément sur le droit
constitutionnel…
M. le
président. Venez-en à l’essentiel, monsieur Jumel. De quoi
s’agit-il ?
M.
Sébastien Jumel. D’un rappel au règlement, monsieur le président.
M. le
président. Sur quel fondement ?
M.
Sébastien Jumel. Sur le fondement de l’article 58, alinéa 5,
qui dispose que le droit de demander une suspension de séance est
individuel…
M. le
président. Je vous ai déjà répondu ! Les rappels au règlement sur
un même sujet ne sont pas permis par notre règlement. Ma réponse est
définitive.
Avant l’article 1er (suite)
M. le
président. Nous en revenons aux sous-amendements
nos 42051, 42052, 42054 et 42053. Je rappelle, après
M. Mignola, que les interventions ne doivent pas s’éloigner du contenu de
l’amendement.
M. Pierre
Dharréville. C’était un reproche infondé, monsieur le président.
M. le
président. Ces sous-amendements ont déjà été défendus par
Mme Marie-George Buffet. Nous allons donc passer directement au vote.
M.
Sébastien Jumel. Je demande la parole, monsieur le président, j’en suis
l’auteur !
M. le
président. Vous l’aurez sur les amendements suivants,
monsieur Jumel.
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Christian Hutin. (Exclamations sur
les bancs du groupe LaREM.)
M.
Christian Hutin. Monsieur le président, je viens de me faire injurier
publiquement par M. Nogal. Je voudrais savoir ce qui a été dit !
(« Oh ! » sur les bancs
du groupe LaREM.)
M. Mickaël
Nogal. Vous parlez d’injure, avec ce qu’on entend ici toute la
journée ?
M. le
président. Monsieur Nogal, laissez M. Hutin s’exprimer, je vous
prie. (Brouhaha.)
Monsieur Hutin, voulez-vous la parole oui
ou non ?
M.
Christian Hutin. Monsieur le président, c’est mon troisième mandat et
c’est la première fois que j’entends des choses pareilles ! (Rires et
exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Laissez M. Hutin s’exprimer, s’il vous plaît !
M.
Christian Hutin. Avant de m’exprimer sur les sous-amendements,
j’aimerais dire que cela ne peut continuer ainsi. C’est impossible !
M. Rémy
Rebeyrotte. Nous sommes d’accord !
M.
Christian Hutin. Sur un certain nombre de sujets, le Gouvernement
décidera seul. L’Assemblée est privée de son droit de délibérer. Or cette
réforme des retraites ne concernera pas cinq cents, mille ou dix mille
personnes, mais soixante millions d’individus ! Et son financement n’est
pas assuré !
Que les choses soient claires. Nul n’affirme ici que le
sujet est facile, mais les décisions que vous avez prises, monsieur le
président, sont inacceptables. Et tout cela devant les jeunes qui étaient
présents dans les tribunes tout à l’heure. Permettez-moi de vous rappeler,
monsieur le président, que, dans cet hémicycle, vous êtes au même niveau que les
autres députés. Vous n’avez pas le droit de décider seul de ce qui va se passer
durant les quinze prochains jours. C’est impossible.
L’opposition est
minoritaire, mais nous défendons la majorité de la population ! Nous
continuerons.
M. Bruno
Millienne. Aucun rapport avec les sous-amendements !
M.
Christian Hutin. Les groupes d’opposition sont méprisés. Quand cinq
présidents de groupe demandent une réunion, elle leur est refusée. Je n’ai
jamais vu un président refuser de réunir la conférence des présidents !
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier
Marleix. Ce rappel au règlement se fonde sur
l’article 100.
Nous sommes très surpris, monsieur le président, de
l’interprétation que vous faites du règlement de l’Assemblée nationale et, comme
l’ont rappelé plusieurs de nos collègues, de la lecture que vous faites des
réserves d’interprétation exprimées par le Conseil constitutionnel le
4 juillet 2019 sur la modification du règlement.
Le règlement de
l’Assemblée prévoit certes une limitation du droit d’amendement lorsque son
usage apparaît comme une obstruction au débat parlementaire – le Conseil
constitutionnel a précisé ce point – mais à aucun moment, dans les réserves
d’interprétation du Conseil – je ne doute pas que vous les avez vous aussi
relues, monsieur le président – ce pouvoir n’est donné a priori à la
conférence des présidents.
Ce pouvoir appartient au président de séance,
que vous incarnez au premier chef, monsieur le président de l’Assemblée
nationale. Il ne peut cependant être utilisé que lorsque les interventions
orales de défense des amendements sont jugées répétitives et abusives, ce qui
n’est absolument pas le cas à ce stade du débat.
Ce débat a d’ailleurs
une particularité notable : le Gouvernement nous propose une réforme dont
on ne sait rien du financement et il est incapable de répondre aux questions
précises qui lui sont posées, sur l’assiette des cotisations par exemple ou sur
le coût de la sortie de 300 000 personnes du système universel. Les
syndicats font état d’un chiffrage à 65 milliards d’euros, ce qui n’est pas
rien, mais le Gouvernement ne nous dit rien. Le Conseil d’État vous a pourtant
largement alertés sur les risques qui existent au regard de la Constitution…
M. le
président. Il ne s’agit pas d’un rappel au règlement,
monsieur Marleix. C’est le troisième de votre groupe sur le même
sujet !
M. Olivier
Marleix. Tout cela pour dire, monsieur le président,…
M. le
président. On a bien compris…
M. Olivier
Marleix. …que la défense des amendements que vous voulez supprimer n’est
pas superflue et ne constitue pas de l’obstruction : elle vise à tenter
d’obtenir des réponses. Le règlement ne donne pas a priori à la conférence des
présidents ce pouvoir tel que vous voulez l’interpréter. Nos collègues devraient
pouvoir s’exprimer avant qu’on juge leurs propos. (Applaudissements sur
quelques bancs des groupes LR, GDR et
FI. – M. Dupont-Aignan
applaudit également.)
M. le
président. Rien n’interdit que la conférence des présidents prenne la
décision qu’elle a prise.
La parole est à M. Jean-Luc
Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Monsieur le président, je viens de recevoir, comme vous me
l’annonciez il y a un instant, la liste des amendements de M. Jumel et
identiques. Il est précisé, dans ce document, que ces amendements remplacent la
référence au « système universel » par la référence au « système
inéquitable ». C’est la modification rédactionnelle que nos camarades
communistes ont jugé opportun de nous proposer.
Un certain nombre
d’amendements figurent sur cette liste. Je suppose qu’ils ont été déposés de
manière répétée, d’où les 1 184 amendements dont vous avez parlé, mais
j’aimerais en avoir l’assurance. En effet, dans cette liste, il est question
uniquement des amendements de M. Jumel et de son groupe, qui portent sur un
mot.
J’ai déposé de nombreux amendements au titre du groupe
La France insoumise. Les 1 184 amendements supprimés
sont-ils tous à déduire de la liste que nous avons reçue, ou faut-il s’attendre
à en voir de nouveaux à d’autres moments ?
Un dernier mot, enfin,
qui vous convaincra, monsieur le président, de ma bonne volonté et ma
bénévolence.(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Écoutez
d’abord avant de protester ! Jeunes gens, apaisez-vous !
M. le
président. Continuez, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Écoutez votre président ! Nous perdons du temps
inutilement, et cela ne vous rapporte rien sur le plan tactique. Je n’arrive pas
à comprendre vos motivations. Nous pourrions d’ailleurs en discuter.
(Brouhaha.)
M. le
président. Monsieur Mélenchon, ce n’est pas une conversation avec
vos collègues. Posez votre question s’il vous plaît, j’y répondrai si je le
peux.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je m’adresserai donc à vous, monsieur le président, mais que
personne ne se sente dédaigné…
M. le
président. Écoutez, vous disposez de la liste exhaustive des
amendements. Il faut les multiplier par dix-sept car, comme nous ne sommes pas
du tout dans un débat d’obstruction, ce sont les mêmes amendements qui ont été
déposés dix-sept fois.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ils n’ont pas pu être déposés dix-sept fois, les communistes
sont au nombre de seize !
M. le
président. Vous avez raison, monsieur Mélenchon. C’est en réalité
assez simple : 74 multipliés par 16 font 1 184.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Vous nous assurez donc que ce cas de figure ne se reproduira
pas dans le fil de la discussion des articles ?
M. le
président. Je vous l’ai dit trois fois !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Acceptez cependant que l’on vous pose la question, puisque
c’est vous qui fixez la jurisprudence dorénavant ! (Exclamations sur
divers bancs.)
M. le
président. Je vous ai répondu, monsieur Mélenchon, et vous m’avez
compris.
La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Monsieur le président, qu’il nous soit permis d’essayer de
comprendre ce que vous nous dites… Vous avez annoncé qu’un certain nombre
d’amendements tomberaient, y compris ceux qui n’ont pas encore été discutés.
Mais la liste qui vient de nous être distribuée ne mentionne-t-elle que ceux du
groupe de la Gauche démocrate et républicaine ? Y en a-t-il d’autres
groupes qui vont, eux aussi, faire l’objet d’ici la fin de la séance de la
décision léonine qui est la vôtre ?
M. Hubert
Wulfranc. Interrogez-vous, chers collègues !
M. le
président. Je crois, monsieur Vallaud, que tout le monde ici a compris
ce que j’ai dit.
(« Non ! »
sur les bancs du groupe GDR.) Mais vous avez le droit de faire semblant
de ne pas avoir compris. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M.
Christian Hutin. C’est le tribunal révolutionnaire ! Vous êtes
Fouquier-Tinville !
M.
Jean-Paul Lecoq. Pourquoi n’y a-t-il dans la liste que les amendements
communistes ? Expliquez-vous, monsieur le président !
M. le
président. J’ai seulement indiqué qu’il y a des amendements qui font
l’objet de dépôts simultanés et massifs, dans les mêmes termes, portant sur la
même épithète, ne concernant que les intitulés, pourvus du même exposé sommaire.
Lorsqu’ils auront été refusés par l’Assemblée, au fur et à mesure qu’ils
surgiront à nouveau au gré du texte, ces amendements seront considérés comme
tombant. (Vives exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.)
Plusieurs députés du groupe
FI. Ah ! Mais ça n’a plus rien à voir !
M. Boris
Vallaud. Dites-nous combien d’amendements sont concernés !
M. Fabien
Roussel. D’autres groupes font pareil !
M. le
président. J’ai précisé qu’en l’espèce, ce procédé concernait
soixante-quatorze amendements déposés seize fois, soit en tout et pour tout
1 184 amendements pour l’ensemble du texte.
M. André
Chassaigne. Donc il n’y a que nous qui sommes concernés.
M. le
président. Si vous n’avez toujours pas compris, je ne sais plus quoi
faire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M.
Jean-Paul Lecoq. C’est de l’anticommunisme ! Pourquoi seulement
nous ?
M. le
président. Monsieur Jumel, vous demandez la parole. De quoi
s’agit-il ?
M.
Sébastien Jumel. Ayant été expressément cité,…
M. le
président. Pas par moi.
M.
Sébastien Jumel. …je demande la parole pour fait personnel. C’est
justifié, et cela me permet de parler au nom de mon groupe. Nous avons bien
compris que votre objectif était d’abattre le socle posé par Ambroise Croizat à
la Libération (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM) pour
assurer la sécurité des salariés. Et nous prenons acte de votre volonté,
monsieur le président, d’ostraciser le groupe communiste – nous la prenons
comme une légion d’honneur ! Vous avez désigné la sève de ceux qui
ont contribué à construire le système de la sécurité sociale comme votre
adversaire privilégié : c’est pour notre groupe la plus belle des
médailles.
Monsieur le président, vous venez d’inventer le 49.3 du
président de l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes GDR et
FI. – M. Christian
Hutin applaudit également.) Avant l’usage du 49.3 gouvernemental, vous
faites preuve, depuis le début de la séance, d’un autoritarisme inédit dans
cette enceinte, vous prenez des actes unilatéraux qui s’asseoient sur la
conférence des présidents, vous réinventez le droit constitutionnel à partir
d’une jurisprudence extrapolée… Nous prenons cela comme une légion d’honneur
accordée aux parlementaires communistes !
Il ne nous a d’ailleurs
pas échappé que, depuis le début de la législature, toutes les lois auxquelles
ont contribué les parlementaires communistes, qu’il s’agisse du statut de la
SNCF et de la sécurité sociale ou encore de celui de la fonction publique,
mobilisent beaucoup l’énergie des libéraux que vous êtes.
(M. Ugo Bernalicis applaudit.) Mais vous nous
trouverez sur votre route à chaque fois que vous vous apprêterez à flinguer ce
qui rend l’État protecteur et bienveillant : on va vous rendre la vie
impossible à chaque fois, sur le fond comme sur la forme !
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le
président. La parole est à M. Gilles Le Gendre.
M. Gilles
Le Gendre. Rappel au règlement au titre de l’article 58, monsieur
le président, sur le fondement de l’article 100.
Le groupe La
République en marche avait décidé de ne pas entrer dans ce débat…
M. Olivier
Marleix. Mais si !
M. Gilles
Le Gendre. …mais nous en sommes arrivés à un stade où il ne s’agit plus
uniquement de la remise en cause de la possibilité de débattre démocratiquement,
mais de la défense de notre institution. (Applaudissements sur plusieurs
bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir et LT.)
Nous savons
parfaitement qu’il n’y a pas ici un seul député qui vaille plus ou moins qu’un
autre. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Mme
Mathilde Panot. respectez les députés de l’opposition alors !
M. Gilles
Le Gendre. Nous sommes tous élus et, à ce titre, portons tous ensemble
la responsabilité de l’institution dont nous faisons partie.
M. Fabien
Roussel. Pourquoi alors nos amendements sont-ils refusés ? !
Un millier d’amendements !
M. André
Chassaigne. C’est un régime totalitaire !
M. Gilles
Le Gendre. Mais, manifestement, nous ne la défendons pas tous avec les
mêmes armes et avec les mêmes objectifs. Celui de notre groupe est très
clair : nous voulons que le débat sur le nouveau régime de retraite ait
lieu, et nous voulons qu’il soit profond, clair et argumenté, propositions
contre propositions. Les Français qui nous regardent, qui nous écoutent ou qui
nous lisent doivent pouvoir se faire leur jugement.
Plusieurs députés du groupe
FI. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Gilles
Le Gendre. Nous pouvions avoir un doute sur le fait que cette volonté
soit partagée sur tous les bancs. Depuis hier, nous n’en avons plus : vous
ne voulez pas ce débat. Il vous fait peur ! (Applaudissements sur de
nombreux bancs du groupe LaREM et plusieurs bancs des groupes MODEM, LT et
UDI-Agir. – Exclamations sur les bancs du
groupe GDR.)
M. Fabien
Roussel. Non, c’est à vous qu’il fait peur !
M. Gilles
Le Gendre. Il vous fait peur car vous savez parfaitement que nous avons
les moyens de démonter vos arguments.
M. Fabien
Roussel. À qui s’adresse-t-il, monsieur le président ?
M. Gilles
Le Gendre. Mais là où les choses ne vont vraiment plus, c’est qu’il ne
s’agit plus du débat sur les retraites, mais de la défense de notre
institution.
Mme Elsa
Faucillon. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Gilles
Le Gendre. Quand j’entends un vice-président attaquer une règle qu’il
sera chargé d’appliquer lorsqu’il présidera la séance, quand je vous entends
mettre en cause l’autorité du président de l’Assemblée nationale, quand je vous
entends contester le fait majoritaire (Exclamations sur divers bancs) en
vertu duquel le groupe majoritaire a en effet voix prépondérante à la conférence
des présidents,…
M. le
président. Merci, monsieur le président Le Gendre…
M. Gilles
Le Gendre. …quand je vous entends user de termes insultants pour la
présidence, je vous dis : attention, vous jouez avec le feu !
(Mmes et MM. les
députés des groupes LaREM et MODEM, debout, applaudissent longuement.)
M. le
président. La séance est suspendue.
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit
heures quinze, sous la présidence de Mme Annie
Genevard.)
Présidence de Mme Annie
Genevard
vice-présidente
Mme la
présidente. La séance est reprise.
La parole est à M. Damien
Abad, pour un rappel au règlement.
M. Damien
Abad. Mon rappel au règlement porte sur l’article 100. Je note tout
d’abord, monsieur Le Gendre, que vous avez le don de rallumer les braises
quand le climat commence à s’apaiser. (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Pierre
Cordier. Très juste !
M. Damien
Abad. Vous avez mis en cause nommément un vice-président issu de notre
groupe alors qu’il fait remarquablement son boulot et qu’il n’a fait que
rappeler des faits qu’il a constatés afin d’éclairer l’Assemblée
nationale.
Madame la présidente, je vous demande, au nom du groupe Les
Républicains, que ces débats soient désormais davantage apaisés. Un député de La
République en marche vient d’insulter son collègue socialiste (Exclamations
sur les bancs du groupe LaREM) ; le président d’un groupe majoritaire,
en l’occurrence le MODEM, vient de prendre des photos de plusieurs collègues ici
présents et de les mettre sur Twitter, alors que c’est interdit ; nous
entendons menaces, insultes, rappels au règlement. C’est un débat
indigne !
M. Marc Le
Fur. Très juste !
M. Damien
Abad. La majorité a sa part de responsabilité, parce que pour avoir un
débat serein, il suffisait d’actionner le temps législatif programmé. Mais comme
le Gouvernement n’a pas déposé son texte suffisamment tôt,…
M. Jérôme
Lambert. Des amateurs !
M. Damien
Abad. …il n’a pas pu utiliser cette procédure, suscitant le défaut de
sérénité, la confusion, le bazar ! La majorité comme le Gouvernement sont
coresponsables de ce qui se passe. Assumez-en toutes les conséquences !
(Applaudissements sur les bancs du groupe
LR. – M. Jérôme Lambert
applaudit également.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour un autre
rappel au règlement.
M. Adrien
Quatennens. Il se fonde lui aussi sur l’article 100. Même si la
présidence de séance vient de changer, les explications fournies par le
président Ferrand me laissent pantois : soit, ayant compris que nous
n’accepterions pas qu’il change la règle en cours de jeu, il a rabattu de son
objectif consistant à faire tomber un très grand nombre d’amendements et il a
reculé, en faisant de ce fait un cas particulier pour nos camarades communistes
– puisque le procédé qui leur est reproché a été utilisé par d’autres
groupes –, soit nous n’avons toujours pas compris quelle est la règle qui
s’impose.
Quant à vous, monsieur Le Gendre, qui nous avez donné de
grandes leçons de défense des institutions, vous êtes, dans ce rôle, un
véritable Tartuffe !
(« Oh ! » sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Le Gouvernement que vous défendez a
remis à la représentation nationale une étude d’impact truquée et en
contradiction avec le projet de loi. Et c’est vous qui nous donnez des leçons de
respect de l’institution ? (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.– Protestations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Vous n’avez que cet argument à la bouche, monsieur
Quatennens !
M. Adrien
Quatennens. L’étude d’impact gèle l’âge d’équilibre ; elle repose
sur l’hypothèse selon laquelle chacun commencerait sa carrière à 22 ans et
se verrait accorder quatre trimestres par an, comme par magie.
M. Bruno
Millienne. Le disque est rayé !
M. Adrien
Quatennens. Ce n’est pas une étude d’impact, c’est une publicité
mensongère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
La présidence de séance doit garantir la sincérité de nos
débats. Rappelons que nous discutons d’un texte majoritairement contesté par les
Français…
M. Rémy
Rebeyrotte. C’est faux !
M. Adrien
Quatennens. …et qui contredit les engagements présidentiels. Certes,
vous êtes la majorité parlementaire, mais vous n’avez aucun mandat pour nous
faire avancer dans l’examen de ce texte. Or, non content de l’imposer, vous le
faites dans des délais contraints. (Protestations sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
Quel est le problème essentiel ? Il réside dans
le fait qu’alors que les 41 000 amendements constituent autant
d’occasions pour vous de défendre le projet de loi, vous voulez seulement aller
vite. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. Veuillez conclure, monsieur le député.
M. Adrien
Quatennens. Non contents d’y aller au bulldozer sur la question des
retraites, vous voulez le faire à toute vitesse. Ce n’est pas acceptable. C’est
vous qui n’êtes pas à la hauteur de l’institution que vous prétendez
défendre ! (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Mme la
présidente. Je souligne que si nous voulons, rejoignant en cela le
souhait du président Abad, que le débat s’apaise, il conviendrait déjà de
modérer le niveau sonore des interventions, monsieur Quatennens. Parlons-nous
plus calmement. (Applaudissement sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et
UDI-Agir.)
M. Adrien
Quatennens. Il faut bien élever la voix pour se faire
entendre !
Mme la
présidente. Ce n’est nullement nécessaire : vous vous faites très
bien entendre en parlant dans le micro.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Vous nous engueulez, vous aussi ?
Mme la
présidente. Pas du tout, monsieur le président Mélenchon, je ne m’y
risquerais pas !
M. Jean-Luc
Mélenchon. C’est tout de même nous qui sommes persécutés !
M. Boris
Vallaud. Ce rappel s’appuie lui aussi sur l’article 100. Nous
connaissons l’intelligence et l’efficacité des services de l’Assemblée
nationale, qui sont parvenus à dénicher un compte rendu d’une réunion du bureau
de l’Assemblée remontant aux années 1990.
M. Erwan
Balanant. Au mois de février 1994, très précisément !
M. Boris
Vallaud. Certains groupes se sont interrogés sur les précédentes
applications de la règle dont le groupe GDR a fait les frais. Je souhaite que
nous obtenions, avec la même diligence que celle qui a été mise à faire jouer
cette disposition, la liste des précédents qui a été demandée.
M. Pierre
Cordier. Ce serait intéressant, en effet !
M. Boris
Vallaud. Nous aurions pu, en tout cas, régler cette question en un quart
d’heure si le président s’était montré moins partial dans son
interprétation.
Je voulais d’ailleurs, madame la présidente, vous
signifier que nous vous souhaitons une bonne présidence (Sourires), en
espérant qu’elle soit productive, sereine et équitable.
(« Très bien ! » sur
les bancs du groupe SOC.)
Mme Nadia
Hai. Fayot ! (Sourires.)
Mme la
présidente. Monsieur Jumel, vous demandez la parole pour un rappel
au règlement – sur quel fondement ?
M.
Sébastien Jumel. Sur celui de l’article 100, madame la
présidente.
Nous vous voyons arriver à la présidence avec beaucoup de
plaisir et de sérénité (Rires et applaudissements sur divers bancs), tant
nous avons eu à subir, durant la présidence précédente, le non-respect de la
pluralité de notre hémicycle et des différents groupes qui le composent
(« Oh là là ! » sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM), et tant le groupe communiste a eu le
sentiment d’être ostracisé (M. Ugo Bernalicis applaudit),
puisque seuls ses amendements ont été ciblés par le laminage digne de
l’article 49 alinéa 3 auquel se livre la présidence de l’Assemblée
nationale.
On vient de porter à ma connaissance un procès-verbal rendant
compte des propos qu’a tenus hier le président Ferrand à propos des amendements
déposés par nos collègues de droite. Ce document me fait craindre que la même
jurisprudence vous soit appliquée, chers collègues. C’est comme dans la
Résistance : quand on laisse l’un des nôtres se faire fusiller,…
M.
Jean-Paul Mattei. Oh là là…
M.
Sébastien Jumel. …les autres le sont dans la foulée !
M. Erwan
Balanant. Traitez-nous de collabos, pendant que vous y êtes !
M.
Sébastien Jumel. Vous risquez donc de voir certains de vos amendements
subir le même sort que ceux des parlementaires communistes. (Exclamations sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Pierre
Cordier. Nous veillerons à ce que ce ne soit pas le cas !
M. Rémy
Rebeyrotte. Vous voulez dire que c’est comme le goulag, ici ?
M.
Sébastien Jumel. Chers collègues, à la suite des propos tenus hier par
M. Guerini, qui a réécrit l’histoire et tenté de donner des leçons aux
parlementaires communistes, je vous recommande de garder raison.
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM)
Mme la
présidente. Poursuivez sans vous laisser distraire, monsieur Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Madame la présidente, je vous demande de faire en sorte
que, conformément aux usages, la présidence de l’Assemblée traite tous les
groupes avec le même respect et de veiller à ce que les décisions de la
conférence des présidents ne soient pas utilisées pour nier le droit
constitutionnel – ce que cette instance n’a pas vocation à faire. Je
souhaite que nous prenions acte ici que chaque parlementaire dispose d’un droit
individuel à amendement et à suspension de séance. (« Non,
pas à suspension de séance ! » sur les
bancs du groupe LaREM.)
Nous userons de ces droits fondamentaux au
cours de la nouvelle séquence qui, je l’espère, va s’ouvrir avec beaucoup de
sincérité et de sérénité, et dans le respect de la pluralité au sein de
l’hémicycle.
Mme la
présidente. Monsieur Bernalicis, vous demandez la parole pour un
rappel au règlement – sur le fondement de quel article ?
M. Ugo
Bernalicis. Mon rappel au règlement se fonde sur l’alinéa 7 de
l’article 100, qui prévoit que, pour chaque amendement, s’expriment
« deux orateurs, dont un au moins d’opinion contraire ». Cette
disposition renvoie d’ailleurs à l’article 54, aux termes duquel
« dans l’intérêt du débat, le président peut autoriser à s’exprimer un
nombre d’orateurs supérieur à celui fixé par le […] règlement ». Or le
président Le Gendre a affirmé qu’il était favorable au débat, lequel devait
permettre de confronter les arguments.
M. Frédéric
Petit. Sur le fond !
M. Ugo
Bernalicis. Je déplore que, sur les amendements et sous-amendements que
nous venons d’examiner, le groupe majoritaire n’ait exprimé aucune opinion
contraire – attitude qui ne garantit pas la sincérité des débats.
(Exclamations et rires sur plusieurs bancs du groupe LT.)
M. Philippe
Vigier. Excellent !
M. Bruno
Millienne. C’est parce que nous n’avons pas eu l’occasion de nous
exprimer sur de véritables amendements…
M. Ugo
Bernalicis. Je vous demande donc, madame la présidente, de faire en
sorte qu’un vrai débat se tienne dans cet hémicycle et, pour qu’une opinion
contraire émerge, de solliciter notamment le groupe majoritaire – mais pas
uniquement, car les avis divergents peuvent émaner de tous les bancs de
l’hémicycle.
M. Patrick
Mignola. Je pense que la présidente sait présider !
M. Ugo
Bernalicis. Cela permettrait d’accéder à la demande de débat exprimée
par le président Le Gendre.
M. Gilles
Le Gendre. Merci ! (Sourires.)
M. Ugo
Bernalicis. Tout le monde veut qu’il y ait un débat. Encore faut-il,
pour ce faire, qu’il y ait des participants pour prendre la parole – ce qui
manque cruellement dans une partie de l’Assemblée, laquelle est pourtant censée
représenter l’intégralité du peuple français.
Mme la
présidente. Je voudrais revenir sur différents points.
S’agissant
de la conférence des présidents, je n’ai pas le pouvoir statutaire de la
convoquer moi-même. Le président Ferrand a répondu de la façon que vous savez à
la demande de convocation de cette instance : il n’y souscrira pas.
M. Jérôme
Lambert. Et après, il s’est sauvé !
Mme la
présidente. Nous avons par ailleurs demandé aux services de l’Assemblée
nationale – et je réitère solennellement cette demande – de nous
fournir des éléments d’appréciation quant à la jurisprudence qui prévaut
concernant les séries d’amendements identiques présentés en divers endroits du
texte. Nous faisons ici référence au fait que le rejet du premier amendement
ferait tomber tous les autres, ce qui constitue une disposition particulière.
Les services travaillent à vérifier la jurisprudence en la matière.
Je
veillerai, soyez-en assurés, à ce que l’impératif de clarté des débats soit
parfaitement respecté. Vous appelez, monsieur Bernalicis, à l’expression de
multiples orateurs sur les amendements. Pour connaître ma façon de présider,
vous savez que j’ai toujours observé la méthode consistant à laisser s’exprimer
assez largement les députés sur les éléments fondamentaux d’un texte, quitte à
réduire ensuite la voilure de façon à faire progresser les travaux.
M. Philippe Vigier.
C’est vrai !
Mme la
présidente. C’est la raison pour laquelle je veillerai à ce que tous les
points de vue s’expriment – dans une proportion raisonnable, naturellement.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR, SOC et
LT.)
M. Ugo
Bernalicis. Dans ce cas, que les députés de la majorité s’expriment,
madame la présidente !
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour un autre
rappel au règlement.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Pour satisfaire à l’exigence constante de la présidence
précédente, je précise que je me fonde sur l’article 52, alinéa 1 du
règlement – vous avez ouvert la séance et dirigez les délibérations, madame
la présidente.
Je m’associe, en premier lieu, au concert de louanges dont
vous avez été accablée, et dont je ne suis pas certain que vous les appréciiez
tant que cela. (Sourires.)
Le président Ferrand a fini, tout à
l’heure, par se montrer quelque peu crispé, ce que je peux comprendre. Vous
venez toutefois de répéter avoir demandé aux services – ce qui signifie que
la chose n’est pas entendue à l’heure où nous parlons – de nous dire dans
quels cas la règle donnée par le président Ferrand s’appliquera. Pour l’instant,
nous l’avons appliquée au groupe communiste, qui souhaitait remplacer le mot
« universel » par le mot « inéquitable ».
Pardon de
vous poser à nouveau la question, madame la présidente, mais il y va de la
capacité de notre groupe à s’organiser. Je suis une des victimes du
fonctionnement précédemment retenu, parce que… (Exclamations
sur certains bancs du groupe LaREM.)
Du calme, jeunes gens :
nous tentons ici d’aider la présidente à faire redescendre la tension
– baissez donc d’un ton. (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Mme la
présidente. Chers collègues, s’il vous plaît !
M. Jean-Luc
Mélenchon. La question est importante : la même règle
s’appliquera-t-elle – pour ne prendre que cet exemple – aux mots
« en Conseil d’État », qui figurent dans plus de 110 amendements
présentés par mes collègues socialistes ? La liste qui nous a été transmise
est-elle définitive, ou – puisque vous avez demandé aux services de se
pencher sur ce point – une nouvelle liste sera-t-elle établie ? Je
précisais à l’instant que je comptais soutenir deux sous-amendements relatifs au
travail détaché : risquent-ils de tomber si le sujet est préalablement
abordé dans le texte ? Nous devons être éclairés sur ce point pour pouvoir
nous organiser – il ne me semble pas faire là une demande
exagérée !
Voilà pourquoi j’ai estimé faire partie des victimes de
la décision qui a été prise tout à l’heure de supprimer certains pans de la
discussion.
Mme la
présidente. Votre demande est légitime, monsieur le président
Mélenchon : on comprend votre souci d’organiser les débats au sein de votre
groupe. C’est pourquoi je vous confirme que la liste qui vous a été transmise
est exhaustive ; il n’y en aura pas d’autre.
M. Adrien
Quatennens. Pourquoi faire un cas particulier pour les députés
communistes ?
Mme
Clémentine Autain. Et qu’avez-vous demandé aux services ?
Mme la
présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour un rappel au
règlement.
Mme Valérie
Rabault. Rappel au règlement au titre de l’article 100.
L’information que vous venez de donner m’interpelle, car elle sous-entend que,
lors de la conférence des présidents qui s’est tenue hier – et à laquelle
j’ai assisté comme vous –, les services de l’Assemblée nationale ne
disposaient pas de la liste des cas pour lesquels la disposition relative aux
amendements identiques trouve à s’appliquer. J’avais pourtant cru comprendre
qu’il existait une liste exhaustive des moments auxquels cette disposition avait
été utilisée, dans l’histoire de l’Assemblée nationale, pour faire tomber des
séries d’amendements identiques revenant à plusieurs articles.
Vous
indiquiez à l’instant que vous relaieriez notre demande auprès des services.
Savez-vous quand nous pourrions obtenir cette information, si elle
existe ?
Mme la
présidente. Je vous confirme, après consultation de l’extrait du
procès-verbal de la conférence des présidents du 18 février, que ce point a
bien été évoqué, sans susciter de remarque particulière. C’est la raison pour
laquelle aucune liste des amendements concernés par cette disposition n’avait
été fournie : la demande n’avait pas été faite, parce que le point n’avait
pas soulevé de question. J’ajoute que cette disposition a été appliquée par le
passé – nous attendons d’en avoir la démonstration par la
jurisprudence – et qu’elle l’est aussi fréquemment en
commission.
Nous reprenons maintenant l’examen des amendements avant
l’article 1er. Nous en étions à la mise aux voix des
sous-amendements.
Avant l’article 1er (suite)
(Les sous-amendements nos 42051, 42052,
42054 et 42053, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements nos 2319 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 185
Nombre
de suffrages
exprimés 182
Majorité
absolue 92
Pour
l’adoption 27
Contre 155
(Les amendements nos 2319 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je suis saisie d’un amendement no 39990 et
de quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine.
Ces amendements font l’objet de deux
sous-amendements, nos 42103 et 42104.
Sur les
amendements, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour
soutenir les amendements.
M. Hubert
Wulfranc. Nous souhaitons indiquer, par ces amendements, que votre
réforme revêt un caractère régressif. Au-delà de cette précision, dont chacun
dans l’hémicycle a pu prendre connaissance, je tiens à rappeler qu’il s’agit,
selon vous, d’une réforme irréversible, d’une réforme pour toujours – vous
l’avez dit vous-même dans votre argumentation et ce sont les mots du Premier
ministre. Vous la considérez, en quelque sorte, comme une réforme historique,
voire comme la fin de l’histoire.
Monsieur le secrétaire d’État, comment
pouvez-vous accepter un seul instant que ce texte soit aussi mal traité, sur le
fond et sur la forme, par votre majorité ? Celle-ci se révèle jusqu’à
présent aphone et transparente, tant est concise la manière dont elle défend la
réforme et sa logique politique.
En la circonstance, mesdames, messieurs
de la majorité, nous vous considérons comme les otages de ce qu’on pourrait
qualifier de véritable coup d’État de l’exécutif.
M. Pierre
Cordier. Le coup d’État permanent !
M. Hubert
Wulfranc. Vous vous y êtes d’ailleurs ralliés il y a une dizaine de
jours lors de votre séance de « câlinothérapie » – pour reprendre
les termes de mon collègue Sébastien Jumel.
Vous vous comportez avec
obéissance et gardez le silence. Si vous ne sortez pas de l’obéissance,
puisqu’il s’agit désormais d’une marque de fabrique de votre majorité, sortez au
moins du silence et participez massivement, au-delà des trois ou quatre orateurs
qui se sont exprimés depuis hier, au débat majeur qui s’engage sur cette réforme
que vous qualifiez d’historique et que nous entendons qualifier de
régressive.
M. Fabien Roussel.
Très bien !
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir le
sous-amendement no 42103.
M. Éric
Coquerel. Il vise à ajouter « très » avant
« régressifs ». Nous aurions pu proposer « extrêmement »,
car ce projet de réforme des retraites vient d’une majorité qui me semble
extrémiste en matière de casse du modèle social français. Vous l’avez prouvé dès
le début du quinquennat, avec la casse de la protection sociale. Désormais, vous
entendez casser l’un des deux piliers du patrimoine social français : le
système de retraite par répartition fondé sur la solidarité
intergénérationnelle.
Vous le faites en proposant de reporter de manière
quasi indéfinie l’âge de départ à la retraite. Je dis « indéfinie »,
car personne ne peut savoir, à ce stade, jusqu’où ira votre âge d’équilibre,
compte tenu des critères que vous proposez pour la règle d’or. Vous le faites,
en outre, en mentant : vous expliquez que les bas revenus et les femmes
profiteront de la réforme, alors que personne, à âge de départ égal, ne gagnera
davantage que dans le système actuel.
Tout cela nous incite à vous
soumettre ce sous-amendement, qui caractérise parfaitement le principe de
régression sociale que vous proposez aujourd’hui.
Mme la
présidente. Sur le sous-amendement no 42103, je suis
saisie par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir le
sous-amendement no 42104.
M. Ugo
Bernalicis. Nous avons une difficulté majeure : nous n’arrivons pas
à nous entendre sur les mots, et les mots, en l’espèce, ne veulent plus dire
grand-chose.
M. Boris
Vallaud. Ça, c’est sûr !
M. Bruno
Millienne. Et c’est grâce à vous !
M. Ugo
Bernalicis. Qui plus est – j’espère toutefois que les faits me
donneront tort dans les minutes qui viennent –, le débat n’est pas
possible, faute de débatteurs au sein du groupe majoritaire.
M.
Sébastien Jumel. Abstinence ! Obéissance !
M. Hubert
Wulfranc. Faisons-les sortir du bois !
M. Ugo
Bernalicis. J’espère que je ne vais pas susciter de rappel au règlement…
Je vois un doigt qui se lève, et j’en suis fort heureux. C’est très bien qu’il
en soit ainsi.
Le système de retraite que votre projet de loi tend à
instituer n’est pas universel. En outre, il est injuste, inéquitable, exagéré et
mal intentionné.
Une députée du groupe
LaREM. Déjà dit !
M. Ugo
Bernalicis. Ou plutôt, cela dépend de quel point de vue on se
place : si l’on se place non pas du point de vue des salariés, des
travailleurs et des travailleuses, mais de celui du capital, il peut présenter
un intérêt. Il faudra d’ailleurs peut-être que nous rédigions des
sous-amendements complémentaires pour expliquer que votre système de retraite
est utile du point de vue du capital.
En effet, nous savons que vous
allez massivement appauvrir les futurs retraités.
M. Bruno
Millienne. Quel est le rapport avec le sous-amendement ?
M. Ugo
Bernalicis. De ce fait, la capitalisation deviendra une évidence pour
quantité de gens qui voudront absolument toucher une retraite, ce qui est bien
normal. On voit bien, en l’espèce, que votre texte n’a pas vocation à être
favorable aux Françaises et aux Français.
Nous vous demandons d’adopter
l’amendement sous-amendé pour plus de clarté, pour que vos intentions soient
évidentes. En réalité, je souhaiterais même que l’on passe à un référendum.
Ainsi, une fois que vos intentions seront évidentes, les Françaises et les
Français auront la possibilité de se prononcer à leur sujet.
M. Bruno
Millienne. Rappel au règlement !
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Bruno Millienne, pour un rappel au
règlement. Sur quel fondement le formulez-vous, cher collègue ?
M. Bruno
Millienne. Sur celui de l’article 54, alinéa 6, du
règlement.
M.
Sébastien Jumel. C’est de l’obstruction ? (Sourires.)
M. Bruno
Millienne. Pas du tout, monsieur Jumel.
L’article 54,
alinéa 6, porte sur les orateurs qui s’écartent de la question. Or, chaque
fois que vous défendez un amendement ou un sous-amendement, vous ne parlez pas
de l’amendement ou du sous-amendement que vous avez déposé.
Mme la
présidente. Ce point est laissé à l’appréciation de la présidence,
monsieur Millienne. Vous ne présidez pas les débats. Laissez-moi présider les
débats, je vous prie.
(« Bravo ! » et vifs
applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI, LR et
LT.– M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit
aussi)
M. Bruno
Millienne. Le rappel au règlement est de droit, madame la
présidente !
Mme la
présidente. Non, monsieur Millienne. Il m’appartient d’apprécier si
l’orateur qui défend l’amendement s’écarte un peu, beaucoup ou excessivement de
l’objet. Il ne vous revient pas de le faire.
M. Bruno
Millienne. Rappel au règlement !
Mme la
présidente. Non, mon cher collègue.
Un député du groupe GDR.
Il s’est fait ramasser !
M.
Sébastien Jumel. C’est la première fois que c’est le plus dur !
M. Bruno
Millienne. C’était pour expliquer pourquoi nous ne répondons pas, madame
la présidente !
M. Fabien
Roussel. Vous n’avez qu’à demander une suspension de séance !
(Sourires.)
Avant l’article 1er (suite)
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission sur la série d’amendements
identiques et sur les deux sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Vous proposez d’insérer après le mot
« principes » les termes « régressifs », « très
régressifs » ou « grandement régressifs ». Une fois de plus, ces
amendements et sous-amendements tendent à dénaturer le travail des
parlementaires.
Notre ambition est de répondre aux difficultés
constatées. Pour ne citer qu’un exemple, nous avons introduit, dans le code du
travail, des dispositifs d’accompagnement économique qui donnent aujourd’hui des
résultats en matière d’emploi – même si ceux-ci ne sont sûrement pas
satisfaisants pour tous ceux qui sont encore au chômage.
En matière de
retraite, nous constatons des dysfonctionnements majeurs dans le système actuel.
Nous voulons y répondre ; nous voulons travailler sur le fond. Je crains
que tel ne soit pas votre souhait et que nous constations bientôt la vacuité de
vos arguments.
Avis défavorable sur l’ensemble des amendements et
sous-amendements.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’ai écouté vos propos avec
intérêt, monsieur Wulfranc. Je ne suis pas sûr que cela ait beaucoup de sens de
débattre de longues heures sur des mots,…
M. Jérôme
Lambert. Les mots ont un sens !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …alors même que nous avons tous
envie – du moins, c’est ce que j’ai cru comprendre – d’en venir au
fond. Vous avez, je suppose, votre propre lecture du projet de loi. Si vous
voulez la défendre, abordez le fond, ne vous arrêtez pas aux intitulés.
M.
Sébastien Jumel. Les titres, c’est le fond !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous comprendrez donc que
j’émette un avis défavorable sur vos amendements et sur les
sous-amendements.
Pour ma part, j’évoquerai un argument de fond :
nous construisons un cadre adapté aux évolutions du monde de demain, qui
permettra à la solidarité – qui vous est chère, je crois – de garder
la même ampleur qu’aujourd’hui, à savoir 25 % du niveau des
retraites.
Monsieur Wulfranc, je suis disposé à débattre et à échanger
avec vous, argument contre argument, à propos de la solidarité – puisque
tel est le problème que vous soulevez, je crois ; mais faisons-le lorsque
nous aborderons les articles qui concernent la question.
Mme la
présidente. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Je voterai bien évidemment les amendements, car le terme
« régression » est tout à fait indiqué s’agissant d’un projet de loi
qui fera baisser le niveau des retraites tout en accroissant – c’est le
paradoxe – le déficit du système.
À cet égard, je demande à nouveau
au Gouvernement de nous indiquer le coût précis du nouveau régime spécial pour
les plus hauts revenus. Une fois de plus, il a refusé de répondre à ce
sujet.
L’article 20, alinéa 3, de la Constitution dispose, je
le rappelle, que le Gouvernement est « responsable devant le
Parlement ». Je rappelle également les termes de l’article 3,
alinéa 1 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui
l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. »
La
demande légitime des parlementaires de connaître le coût réel du régime spécial
nouvellement créé pour les plus hauts revenus se fonde sur l’article 14 de
la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Tous
les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants
– que nous sommes –, la nécessité de la contribution publique, de la
consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité,
l’assiette, le recouvrement et la durée. »
Madame la présidente, mes
chers collègues, je ne comprends pas comment un membre du Gouvernement, qui
siège au banc, devant le peuple et ses représentants, pour discuter d’un projet
de loi fondamental, peut refuser de donner à la nation le chiffre qu’il détient
concernant la création de ce régime spécial, qui va coûter plusieurs milliards
d’euros par an au régime général.
Monsieur le secrétaire d’État, soit
vous avez ce chiffre et vous nous le cachez, auquel cas vous méconnaissez la
Constitution, soit vous ne l’avez pas, et cela signifie que vous allez créer un
régime spécial très coûteux alors même que vous vous plaignez d’un
déficit.
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean François Mbaye.
M. Jean
François Mbaye. Je vous remercie, madame la présidente, d’avoir instauré
ce climat apaisé.
Notre collègue de La France insoumise nous invite à
débattre, et je l’en remercie. Alors, débattons, venons-en au fond !
Faisons preuve de courage, ce qui implique d’admettre l’idéal et d’entendre ce
qu’est le réel.
À coup d’amendements, article après article, alinéa après
alinéa, vous nous dites qu’il s’agit d’une réforme injuste et régressive, que
les pensions vont baisser etc.
M. Adrien
Quatennens. Oui !
M. Jean
François Mbaye. Vous nous accusez de contribuer à ce que vous avez
appelé une « réforme d’injustice sociale ».
M. Adrien
Quatennens. Oui !
M. Jean
François Mbaye. Pourtant, ayez le courage de vous poser certaines
questions. Où est l’injustice, où est la régression sociale quand, dans ce
projet de loi, comme la majorité l’affirme et l’écrit…
M. Alain
Bruneel. Vous n’en savez rien ! (Exclamations sur les bancs du
groupe LaREM.)
M. Jean
François Mbaye. Alors, prenez le micro et parlez !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. S’il vous plaît ! Seul M. Mbaye a la
parole.
Poursuivez, monsieur Mbaye.
M. Jean
François Mbaye. Où est l’injustice, où est la régression sociale, alors
que la pension minimale de retraite s’établira à 85 % du SMIC pour une
carrière complète ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.–
Exclamations sur les bancs des groupes GDR et FI.)
M.
Sébastien Jumel. Pas pour le stock !
M. Jean
François Mbaye. Où est donc la régression sociale ?
(Exclamations redoublées.)
Madame la présidente, est-ce ainsi
qu’on nous appelle au débat ?
Mme la
présidente. Poursuivez, monsieur Mbaye. Ne répondez pas aux
interpellations. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Jean
François Mbaye. Où est l’injustice, où est la régression sociale quand
la majorité décide d’abaisser l’âge de la décote pour éviter de pénaliser encore
plus les salariés à temps partiel, notamment les femmes, obligés d’attendre
l’âge de 67 ans pour prendre leur retraite ? (Mêmes
mouvements.)
M.
Sébastien Jumel. C’est faux !
M. Jean
François Mbaye. Je vous le dis : l’injustice se trouve dans le
système actuel – système que vous avez contribué à mettre en place. C’est
vous qui avez notamment fait passer la durée de cotisation à quarante-trois
annuités ! (Mêmes mouvements.)
M.
Sébastien Jumel. À qui vous parlez-vous ?
M. Jean
François Mbaye. C’est vous qui l’avez fait !
Où est
l’injustice, où est la régression sociale quand, en matière de droits
familiaux…
Mme la
présidente. Monsieur le député, je vous remercie.
M. Jean
François Mbaye. J’ai été interrompu, madame la présidente !
Mme la
présidente. Je vous ai laissé deux minutes vingt. Votre temps de parole
est épuisé.
La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Cher collègue, je pourrais tout aussi bien demander à mon
tour : où est l’injustice quand des femmes qui partaient à la retraite à
62 ans ne pourront plus le faire ? (Applaudissements sur les bancs
des groupes FI et GDR.) Cela pose question.
Cette réforme
constitue-t-elle une régression? Je n’irai pas jusque là. En réalité, personne
n’en sait rien, pas même le Gouvernement, car, au-delà de ce texte, de
nombreuses ordonnances préciseront la manière dont la réforme sera appliquée.
Cette réforme est en revanche incompréhensible, partiellement universelle ou
universellement partielle,…
M. Erwan
Balanant. Ça y est, c’est reparti !
M. Éric
Woerth. …ce qui suscite bien des doutes sur de nombreuses aspects, si
bien qu’on ignore si elle améliorera ou pas le système actuel, déjà très
redistributif – bien plus que tous les autres systèmes
existants.
Les très nombreuses questions que nous nous posons, que ce
soit sur le plan financier, organisationnel ou social, trouveront souvent
réponse dans le cadre d’ordonnances ou de décrets qui sont remis à plus tard,
voire dans le cadre de la conférence de financement.
(M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit.) Nous ne pouvons
connaître aujourd’hui les conséquences de cette réforme, qui est illisible et
dont personne ne sait rien.
Tous les employeurs publics locaux ont écrit
aujourd’hui au Premier ministre pour lui demander quel serait l’impact de la
réforme sur l’ensemble de la fonction publique territoriale. C’est une question
fondamentale, qui concerne des millions de personnes, et à laquelle il faut
répondre. Que cette réforme constitue une régression ou pas, je l’ignore, mais
l’Assemblée nationale devrait pouvoir répondre à cette question à la fin de la
discussion. Or ce ne sera pas possible. (Applaudissements sur les bancs du
groupe LR.– M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit
aussi.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa
Faucillon. Si votre projet de loi est adopté, tout le monde partira à la
retraite plus tard, y compris ceux qui exercent des métiers pénibles. Par
conséquent, oui, cette réforme est injuste et régressive.
Certes, il est
nécessaire d’apporter des améliorations au système actuel, mais il est possible
de le faire sans pour autant changer de système.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Très juste !
Mme Elsa
Faucillon. Surtout, le système par points que vous proposez aggravera
les inégalités.
M. Rémy
Rebeyrotte. C’est faux !
Mme Elsa
Faucillon. Je vous ferai d’ailleurs remarquer que, durant la précédente
législature, mon groupe avait été à l’origine d’une proposition de loi, adoptée
à l’unanimité par l’Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des
pensions de retraites agricoles, et que c’est votre Gouvernement qui a fait
obstruction pour que ce texte ne soit pas adopté par le Sénat. Ne venez donc pas
nous raconter aujourd’hui que nous ne voulons pas revaloriser les retraites
agricoles et qu’il est impossible de le faire dans le système actuel !
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI, ainsi que sur
plusieurs bancs du groupe SOC.)
Oui, cette réforme est régressive,
nous pouvons malheureusement tous citer des exemples autour de nous qui le
prouvent. Cela a déjà été dit à plusieurs reprises, mais peut-être faut-il
encore le répéter : en Suède, l’adoption du système de retraite à points a
accru le nombre de personnes de plus de 65 ans vivant en dessous du seuil
de pauvreté.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Il ne s’agit pas du même
système !
Mme Elsa
Faucillon. Elle a fait considérablement baisser les pensions et la
valeur du point a été diminuée à trois reprises.
M. Bruno
Millienne. Ce n’est pas le même système !
Mme Elsa
Faucillon. Observez donc ce qui se passe ailleurs ! Le Premier
ministre de l’époque a lui-même vanté notre système, tout en déplorant le faible
niveau des pensions. Or voici ce que vous proposez aujourd’hui aux citoyens de
notre pays : travailler plus longtemps pour toucher de faibles
pensions.
M. Bruno
Millienne. C’est faux !
Mme Elsa
Faucillon. Ce texte est donc bien régressif – et même grandement
régressif. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI, ainsi que
sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Nadia Essayan.
Mme Nadia
Essayan. Chers collègues, de nombreux pays ont modifié leur système de
retraite, notamment en faisant évoluer l’âge de départ, parfois jusqu’à 68 ou
70 ans. Le projet qui vous est proposé n’est pas celui-là.
M.
Sébastien Jumel. Si !
Mme Nadia
Essayan. Il est globalement juste, lisible et protecteur.
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Un député LR. Sa fiche a
été rédigée par François Bayrou !
Mme Nadia
Essayan. Il est aussi universel. S’il tient compte de la pénibilité, il
le fait dans le cadre d’un régime général et non de quarante-deux régimes qui
coexistent chacun dans son coin. Lorsque je parle de ce projet de loi autour de
moi, il suscite de l’intérêt, notamment pour la fin des régimes spéciaux, et des
demandes d’explication. Les seuls qui s’y opposent sont des bénéficiaires de
régimes spéciaux. (Applaudissements sur certains bancs du groupe
LaREM.)
Depuis le début de l’examen du texte, vous vous livrez à un
jeu déplorable, à un drôle de cinéma indigne de notre démocratie.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.– Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et
GDR.)
M. Pierre
Cordier. Allez donc consulter les archives de l’Assemblée !
Mme Nadia
Essayan. Nous attaquer sur des intitulés de chapitre n’est pas
constructif, multiplier les sous-amendements non plus. Nous connaissons vos
points de vue, nous vous avons déjà répondu, mais il vous plaît de répéter la
même chose mille fois et de diverses manières.
Nos concitoyens devraient
vous voir, vous, les tenants de l’obstruction, lorsque, après une intervention
qui semble passionnée, vous vous asseyez en changeant de visage. À la
pseudo-colère succède, en une seconde, un rire de gamin satisfait d’avoir pu
marquer encore un point dans le blocage du débat. (Applaudissements sur les
bancs des groupes MODEM et LaREM.– Vives exclamations sur les bancs des groupes
SOC, FI et GDR.)
M. Hervé
Saulignac. Un peu de respect, s’il vous plaît !
M. Fabien
Roussel. Bonjour le débat de fond !
Mme Nadia
Essayan. Quoique depuis cet après-midi vous soyez plus tendus – je
dois le reconnaître –, au point de nous faire des bras d’honneur dans
l’hémicycle, déshonorant ce lieu que nous devons tous respecter ! (Mêmes
mouvements.) Ce qui est confortable lorsqu’on est un député de l’opposition,
c’est qu’on peut être irresponsable, parler à la légère, être insultant et avoir
recours à un maximum de démagogie. (Protestations sur les bancs des groupes
SOC, FI, et GDR.)
M. Fabien
Roussel. Plus d’un millier d’amendements communistes retirés !
C’est une Assemblée bâillonnée, martyrisée !
Mme Nadia
Essayan. Vous n’avez pas la responsabilité de gouverner parce que les
Français ne vous l’ont pas donnée à cause des discours trompeurs – qu’ils
repèrent – et aussi à cause du surplace que vous avez fait pendant tant
d’années, entraînant la France dans les difficultés que nous connaissons
aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.–
Vives exclamations sur les bancs des groupes FI, GDR et SOC.)
Mme la
présidente. Madame la députée, alors même que nous venons de reprendre
l’examen des amendements et des sous-amendements, si – passez-moi
l’expression – vous remettez une pièce dans la machine, nous n’y arriverons
pas ! (Brouhaha.) Que chacun retrouve son calme !
M. François
Cormier-Bouligeon. Impartialité, s’il vous plaît !
Mme la
présidente. Monsieur Cormier-Bouligeon, remettez-vous en cause la
présidence ? Non ? Dans ce cas, je vous prie de ne pas réitérer ce
type de remarque – je ne le dirai qu’une fois. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LR, LT, FI et GDR.)
M. Fabien
Roussel. Bravo ! Faites-vous respecter, madame la
présidente !
M.
Sébastien Jumel. Rappel au règlement !
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au
règlement.
M.
Sébastien Jumel. L’opposition ayant été personnellement mise en cause,
je me dois de faire ce rappel au règlement, qui se fonde sur l’article 100.
Je ne sais pas qui est la députée qui vient de s’exprimer : elle est, comme
on dit chez moi, inconnue au bataillon de Joinville, tant son silence est
assourdissant. (Vives exclamations sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
Mme la
présidente. Monsieur le député, pas d’attaque ad hominem, ou plus
exactement, ad feminam.
M.
Sébastien Jumel. Je ne l’ai pas nommée car je ne sais même pas comment
elle s’appelle. (Huées sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Plusieurs députés du groupe
LaREM. C’est honteux ! Scandaleux !
Mme Sylvie
Tolmont. Il ne fait que répondre à la provocation…
M.
Sébastien Jumel. Je vous confirme que l’opposition est là pour débattre
du fond. Le projet d’instaurer un système universel de retraite apparaît à nos
yeux comme la volonté de transférer un point de PIB…
Mme la
présidente. Monsieur le député, ceci n’est pas un rappel au
règlement ! Je vous demanderai de respecter strictement les motifs de
rappel au règlement.
Monsieur Dupont-Aignan, vous souhaitez prendre la
parole pour un autre rappel au règlement. Sur quel article se
fonde-t-il ?
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Sur l’article 70, madame la présidente.
Les
propos de Mme Essayan me rappellent la fameuse formule : « [Il] a
juridiquement tort parce qu’il est politiquement minoritaire ». Ce qu’elle
a dit sur les parlementaires de l’opposition est indigne : ce n’est pas
parce qu’on n’est pas de votre avis qu’on n’a pas le sens de l’intérêt général,
qu’on fait de la démagogie, qu’on est irresponsable. C’est
inadmissible !
Mme la
présidente. Monsieur Dupont-Aignan, votre rappel au règlement n’est pas
fondé.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. L’alinéa 3 de l’article 70 mentionne la
« mise en cause personnelle », madame la présidente. Or tous les
députés de l’opposition ont été mis en cause personnellement.
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. François Ruffin, pour un rappel au
règlement. Sur quel fondement le formulez-vous, cher collègue ?
M. François
Ruffin. Sur le fondement de l’article 100, madame la présidente.
L’opposition a été insultée. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Mme la
présidente. Non, ce n’est pas un rappel au règlement !
M. François
Ruffin. C’est la première fois que je prends la parole cet
après-midi : j’ai attendu tranquillement sur mon banc, madame la
présidente.
Mme la
présidente. Monsieur Ruffin, le rappel au règlement sur le fondement de
l’article 100 porte sur les amendements en cours d’examen.
Vous
demandez donc la parole sur ces amendements ; je vous la donne, mais à ce
titre.
M. François
Ruffin. Je réagis aux propos de Mme Essayan. S’exprimait-elle sur
les amendements ?
Mme Nadia
Essayan. Oui !
Avant l’article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. François Ruffin.
M. François
Ruffin. Mme Essayan a injurié l’opposition. Quel est le sens de nos
interventions cet après-midi ? On pourrait penser qu’il s’agit de jeux
d’enfants, qui ne servent à rien d’autre qu’à ralentir les débats.
(Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Vous
pouvez ne pas être d’accord, chers collègues, mais laissez-moi vous expliquer ce
qui se passe !
Vous devriez nous dire merci. (Mêmes
mouvements.)
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Merci patron ? (Sourires.)
M. François
Ruffin. Oui, nous dire merci, car nous essayons de vous éviter de faire
une folie. Le Président de la République lui-même a appelé votre attention sur
le fossé qui existait entre le pays réel et le pays légal. Le pays légal se
trouve ici-même ; le pays réel, vous le connaissez un peu, quand vous êtes
dans vos circonscriptions.
Avec nous, c’est un parfum du pays réel qui
pénètre dans l’hémicycle. Nous essayons d’être une incarnation de ce pays
réel.
M. Bruno
Millienne. Vive la Suisse libre !
M. François
Ruffin. Vous avez pu vous rendre compte, à travers le mouvement des
gilets jaunes, de la tension que vous avez provoquée dans ce pays. Vous ne
faites que creuser ce fossé, ce gouffre. Alors que des faits de violence ont été
observés, vous allez accroître la tension existante.
Quand j’entends que
c’est au respect de l’institution que vous en appelez !
Mme la
présidente. Monsieur Ruffin, lâchez ce règlement de l’Assemblée
nationale : vous n’êtes pas dans un rappel au règlement, mais dans
l’expression de votre point de vue sur des amendements !
M. François
Ruffin. Voici ce que j’entends dans les couloirs de l’Assemblée :
« Article 49, alinéa 3 ou pas, il faut absolument que le projet
de loi passe avant les municipales : on ne va se trimbaler ça ! »
(Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Le
calendrier de l’Assemblée doit-il se caler sur le calendrier électoral ?
L’examen de ce projet de loi nécessite-t-il d’engager une procédure accélérée
pour que vous soyez tranquilles au moment des élections municipales et que vous
puissiez passer à autre chose ensuite ? (Applaudissements sur les bancs
du groupe FI.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie
Rabault. La majorité et le Gouvernement disent qu’il souhaitent
atteindre deux objectifs à travers cette réforme : l’équilibre des comptes
et l’ouverture de nouveaux droits. J’ai sous les yeux le document de
présentation transmis par le Gouvernement à la conférence de financement. À
toutes les pages, le Gouvernement évoque une maîtrise de l’équilibre financier
du système de retraite. Or celle-ci a été réalisée par les majorités
précédentes. Vous pouvez continuer à affirmer que celles-ci n’ont rien fait, ce
document prouve le contraire. À la page 8 est évoqué l’impact des mesures
prises par les différents gouvernements pour que le système de retraite soit à
l’équilibre : les deux fois où des mesures ont contribué à dégrader le
solde, c’est à la suite de vos lois de financement de la sécurité sociale. Ce
n’est pas moi qui le dis : c’est écrit à la page 8 du document de
présentation du Gouvernement.
S’agissant de l’ouverture des nouveaux
droits, avez-vous noté, chère collègue, ce qui arriverait aux femmes qui,
aujourd’hui, lorsqu’elles ont commencé à travailler à 24 ans, sont
salariées du privé et ont un enfant, bénéficient d’une majoration de huit
trimestres de cotisation ? Eh bien, vous leur imposerez une décote.
Si elles partent à 63 ans, l’âge d’équilibre étant de 65 ans, elles
subiront 10 % de décote ; et vous aurez beau leur donner 5 % de
plus pour un enfant, elles subiront tout de même 5 % de décote.
M. Fabien
Roussel. Et vous les retrouverez dans vos permanences !
Mme Valérie
Rabault. Voilà la réalité de votre réforme ! (Applaudissements
sur plusieurs bancs des groupes SOC, LR et LT.– M. Nicolas
Dupont-Aignan applaudit aussi.)
Évidemment, vous refusez de voir
cette France-là. Est-ce que tout monde, dans cet hémicycle, a commencé à
travailler à l’âge de 22 ans ?
Plusieurs députés du groupe
LaREM. Bah oui !
Mme Valérie
Rabault. C’est en effet la constante de votre étude d’impact : à
vous croire, tout le monde commence à travailler à 22 ans, poursuit une
carrière linéaire et part à la retraite à 65 ans. Vous savez bien que c’est
faux !
Je vous invite donc, chère collègue, à ouvrir les yeux et à
examiner la situation des femmes : vous verrez alors que ce que vous leur
promettez n’a rien à voir avec ce que vous venez de dire. (Applaudissements
sur les bancs des groupes SOC, LT, FI et parmi les députés non
inscrits.)
(Le sous-amendement no 42104 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42103.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 198
Nombre
de suffrages
exprimés 191
Majorité
absolue 96
Pour
l’adoption 24
Contre 167
(Le sous-amendement no 42103 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements nos 39975
et identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 198
Nombre
de suffrages
exprimés 188
Majorité
absolue 95
Pour
l’adoption 23
Contre 165
(Les amendements nos 39975 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Article 1er
Mme la
présidente. En application de l’article 95, alinéa 2, du
règlement, les interventions des députés sur les articles du texte sont en
principe limitées à un orateur par groupe et à un orateur non inscrit.
Conformément à l’article 54, alinéa 5, il est possible de déroger à
cette règle dans l’intérêt du débat. La conférence des présidents a décidé que,
sur certains articles, deux orateurs par groupe pourront intervenir. Or tel est
le cas de l’article 1er dont nous abordons l’examen.
La
parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. L’occasion nous est offerte de débattre sur le fond et
d’affirmer que l’article 1er est celui de tous les
boniments.
Ainsi, comment peut-on prétendre à l’équité en voulant établir
un système qui oublie les différences d’espérance de vie, qui néglige la
question de la pénibilité et qui instaure un âge pivot qui pénalisera les
carrières longues ? Vous prétendez en outre qu’un euro cotisé produira les
mêmes droits pour chacun. Or c’est faux : ceux nés avant 1975 cotiseront
sans se créer de tels droits ; ceux qui cumulent retraite et emploi avant
l’âge pivot, cotiseront, de même, sans se créer de droits ; les artisans,
dont la cotisation de solidarité pèse proportionnellement plus lourd dans le
total de leurs cotisations, bénéficieront d’un rendement réel inférieur à celui
des salariés.
Solidarité ? Vous avez évoqué tout à l’heure le
minimum du taux de pension qui serait désormais de 85 % du SMIC, mais vous
oubliez de dire que si, aujourd’hui, c’est 75 % à l’âge de 62 ans, en
2037, ce sera 85 % à 65 ans, c’est-à-dire qu’à 62 ans, on
touchera moins qu’aujourd’hui. Vous oubliez aussi de dire que ce taux vaudra
pour une carrière complète.
Mme Valérie
Rabault. Eh oui !
M. Boris
Vallaud. Vous oubliez de dire que ce sera 85 % du SMIC au moment de
la liquidation et que, vingt ans plus tard, le taux ne sera plus que de
70 %. Vous oubliez de dire à tous les petits agriculteurs que vous leur
ferez des mauvaises manières dès lors qu’ils seront en pension.
M. Philippe
Gosselin. Il a raison !
M. Boris
Vallaud. Vous prétendez vouloir assurer aux retraités un niveau de vie
satisfaisant, mais de quoi s’agit-il ? À cause de votre réforme, le niveau
de vie des retraités va décrocher par rapport à celui des actifs. La baisse du
taux de remplacement sera de l’ordre de 30 % et il faudra travailler trois
ans de plus. Ce que vous oubliez de préciser aussi, c’est que 30 % des
pensionnés seront dans le filet de sécurité, et 40 % des femmes ; il
est donc difficile de considérer qu’il s’agit d’un progrès.
Vous invoquez
la liberté, mais laquelle ? Celle consistant à pouvoir choisir entre être
un chômeur âgé et être un retraité pauvre ? Celle consistant à travailler
plus ou à gagner moins ? Encore une fois, c’est une duperie.
Vous
parlez de soutenabilité économique et d’équilibre financier, mais
lesquels ? Voilà des heures que nous vous posons une question, simple,
concernant l’exonération de 4 milliards d’euros de cotisations pour les
1 % de Français les plus riches.
Qui croire ? Certainement pas
vous ! La seule chose certaine, c’est votre règle d’or, qui sera la règle
de plomb des retraités pour lesquels tout pliera : la valeur du point,
l’âge de départ à la retraite, la lisibilité… Sur ces points, personne ne vous
croit.
Mme la
présidente. Merci, cher collègue.
M. Boris
Vallaud. Je termine, madame la présidente.
Mme Cendra
Motin. Oui, terminez !
M. Boris
Vallaud. Nous aurons l’occasion de revenir en détail sur le mensonge
concernant la rémunération des enseignants. (Applaudissements sur quelques
bancs du groupe SOC.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry
Benoit. Je répéterai ce que j’ai dit en commission. Il est important que
l’article 1er réaffirme le principe du système de retraite par
répartition. Les droits acquis sont actuellement fonction des trimestres
accumulés. Or, grâce au projet de loi, les droits seront acquis en fonction des
points cotisés. Et, dès le premier point, les bénéficiaires auront des droits
– c’est précieux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
M. Sylvain
Maillard. C’est exact.
M. Thierry
Benoit. Il est également précieux de rappeler que, quel que soit le
statut du cotisant, quel que soit le statut du bénéficiaire, la valeur du point
cotisé comme la valeur du point octroyé sera la même, ce qui est
naturel.
Ce qui m’importe, à ce stade, c’est que le texte amorce
l’extinction des régimes dits spéciaux (« Mais
non ! »,sur plusieurs bancs du groupe
LR), une extinction demandée par une grande majorité de nos concitoyens
depuis plusieurs dizaines d’années. Je dis bien « amorce », car
supprimer tous ces régimes du jour au lendemain, chacun sait que ce serait très
difficile.
Autre intérêt du projet de loi et qui figure parmi les grands
principes énumérés à l’article 1er : la volonté de faire
converger le secteur public et le secteur privé. Il s’agit en effet d’éviter
l’existence de deux sphères juxtaposées. Cela aussi, c’est précieux.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir, ainsi que sur de
nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. André
Chassaigne. Rappel au règlement !
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au
règlement. Sur quel fondement le formulez-vous, cher collègue ?
M. André
Chassaigne. Mon intervention se fonde sur l’article 100,
alinéa 5. Je tiens à revenir solennellement, et avec une forme de colère,
sur les propos tenus tout à l’heure par le président de l’Assemblée. Il nous a
communiqué une liste exhaustive des amendements qui ne seront pas discutés
puisque reprenant des termes d’un amendement préalablement rejeté.
Hier,
les amendements nos 25, 248 et 12014, présentés par des députés
du groupe Les Républicains – veuillez m’excuser, chers collègues de ce
groupe –, allaient dans le même sens que les nôtres. Or le président avait
annoncé que les amendements similaires en cours de discussion tomberaient. Je
prendrai en outre l’exemple de l’amendement no 22695 à
l’article 1er, lequel présente exactement le même dispositif que
l’amendement des députés communistes. Or l’amendement no 22695
n’apparaît pas dans la liste qui nous a été communiquée. J’ai donc ici la preuve
– et ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres – que les députés
communistes sont victime d’ostracisme. (Protestations sur de nombreux bancs
du groupe LaREM.)
Un député du groupe
LaREM. Calimero !
M. André
Chassaigne. Si, si ! C’est la réalité.
M. Philippe
Gosselin. Le Conseil constitutionnel tranchera.
M. André
Chassaigne. Je pourrais mentionner des cas précis d’amendements du même
genre, qui seront admis ou non selon qu’ils émanent de tel ou tel groupe, les
nôtres étant systématiquement éliminés. C’est absolument inacceptable !
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
M. Fabien
Roussel. Pourquoi seuls les amendements communistes sont-ils
écartés ?
Mme la
présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour un autre
rappel au règlement.
Mme
Emmanuelle Ménard. Mon rappel au règlement se fonde sur
l’article 54, alinéa 5, du règlement, qui dispose que « dans
l’intérêt du débat, le président peut autoriser à s’exprimer un nombre
d’orateurs supérieur à celui fixé par le présent règlement ». Or nous
sommes deux députés non inscrits à avoir demandé la parole, madame la
présidente, pour nous exprimer sur l’article 1er. Nous avons
fait cette demande en même temps et, du fait de notre disposition dans
l’hémicycle, vous avez vu M. Dupont-Aignan avant moi. Je demande donc que
vous fassiez valoir cette disposition du règlement afin que, dans l’intérêt du
débat, je puisse m’exprimer sur cet article, d’autant que je n’ai pas encore
pris la parole depuis le début de l’examen du texte.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Je n’y vois pour ma part aucun inconvénient.
Mme la
présidente. M. Dupont-Aignan, de façon très courtoise, y
consent.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Nous allons donc nous exprimer tous les deux ?
Mme la
présidente. Non… Vous vous êtes déjà exprimé, monsieur Dupont-Aignan, et
vous aurez l’occasion de prendre à nouveau la parole. Aussi, acceptez-vous que
Mme Ménard le fasse à votre place ?
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Oui, madame la présidente.
Mme la
présidente. Je vous en remercie.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. Nous en revenons, en attendant, aux inscrits sur
l’article 1er.
La parole est à M. Charles
de Courson.
M. Charles de
Courson. L’article 1er traite des principes généraux qui
fondent le système universel de retraite. Cet article est-il utile ?
Non : il n’est en rien normatif dans sa première partie et il est
inconstitutionnel dans sa seconde partie. (Exclamations et rires sur les
bancs du groupe LR.)
M. Philippe
Gosselin. Voilà la majorité rhabillée pour le printemps !
M. Charles de
Courson. En effet, prévoir une loi de programmation pour réévaluer les
salaires des enseignants et des chercheurs n’est pas conforme à la Constitution
– ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est le Conseil d’État. D’ailleurs, en
commission, nous avions fait sauter ce dispositif pour éviter que le Conseil
constitutionnel ne le censure.
En outre, monsieur le secrétaire d’État,
le problème des enseignants n’est pas spécifique puisque c’est celui de tous les
fonctionnaires territoriaux, hospitaliers ou d’État qui perçoivent peu ou ne
perçoivent pas de primes.
M. Pierre
Dharréville. Eh oui !
M. Philippe
Gosselin. Allons, c’est seulement l’affaire de quelques millions de
personnes…
M. Charles de
Courson. Vous ne pouvez donc pas prévoir un dispositif ne concernant que
les enseignants et les chercheurs.
M. Alain
Bruneel. Exact !
M. Charles de
Courson. D’après les chiffres qui nous ont été communiqués, le coût de
cette mesure pour les seuls enseignants et chercheurs est de 10 milliards
d’euros. Si vous y ajoutez une dizaine de milliards pour les fonctionnaires
hospitaliers et territoriaux, expliquez-nous comment vous allez le financer,
même sur quinze ou vingt ans. Vous voyez bien qu’il s’agit d’une bombe
budgétaire !
M. Damien
Abad. Ils ne sont pas à ça près… Demain, on rase gratis !
M. Charles de
Courson. En ce qui concerne la première partie de l’article, à savoir
les six grands objectifs assignés au système universel de retraite, je souhaite
faire quelques commentaires. Cette partie n’a aucune portée juridique puisque
s’apparentant à un préambule. Je prends l’exemple de la lisibilité. Oser évoquer
un objectif de lisibilité alors même que le Gouvernement reconnaît qu’il est
incapable de proposer un outil permettant à chaque Français de savoir comment
vont évoluer ses droits, franchement, c’est tout à fait excessif !
M. Boris
Vallaud. Eh oui !
M. Charles de
Courson. Pour ce qui est de l’objectif de soutenabilité économique et
d’équilibre financier, je n’ai jamais vu cela. Nous attendons toujours les
simulations devant nous permettre de comprendre non seulement comment vous allez
équilibrer le système, monsieur le secrétaire d’État, mais aussi comment vous
allez financer les bombes budgétaires que vous avez amorcées avec ce
dispositif.
Mme la
présidente. Cher collègue, je vais devoir vous interrompre.
M. Charles de
Courson. Je voulais commenter les quatre autres grands objectifs, mais
c’est notre collègue Philippe Vigier qui s’en chargera.
M. Philippe
Vigier. Allons donc ! (Sourires.)
M. Charles de
Courson. Alors, chers collègues, surtout, votons la suppression de
l’article 1er et ainsi nous serons tranquilles : le Conseil
constitutionnel n’aura pas à le censurer.
M. Philippe
Gosselin. Très bien !
Mme
Caroline Fiat. Rappel au règlement !
Rappel au règlement
Mme la
présidente. Sur quel fondement souhaitez-vous faire un rappel au
règlement, madame Fiat ?
Mme
Caroline Fiat. Sur le fondement de l’article 52, alinéa 1,
madame la présidente, relatif au fait que vous dirigez les délibérations
– ce que vous faites très bien, d’ailleurs. Depuis trois jours que
j’assiste à l’examen du texte, je n’ai pas encore pris la parole. Je suis assez
choquée d’entendre certains se plaindre d’insultes qui pourraient venir de
l’opposition alors que les insultes fusent aussi depuis les bancs de la
majorité. (« Ah ! Vous avez
dit :
"aussi" !… » sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.) Si l’on veut être respecté, il faut aussi
respecter les autres, chers collègues – que ce soit dit.
M.
Jean-Yves Bony. Tout à fait, c’est une question de principe !
Mme
Caroline Fiat. Ensuite, pour ce qui est du rappel au règlement du
président Chassaigne, il serait bon d’expliquer pourquoi seul le groupe GDR a
subi les conséquences de la décision du président Ferrand.
Mme la
présidente. Madame Fiat, je vous ferai la même remarque qu’à
Mme Essayan tout à l’heure.
Nous allons reprendre le cours de
l’examen des amendements.
M. André
Chassaigne. Sans avoir de réponse !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. L’article 1er fixe des grands
principes, et s’il en est bien un que vous suivez, c’est celui de la règle d’or,
celui de l’austérité budgétaire, principe à partir duquel est pensé l’ensemble
de votre projet de retraite par points.
Cet article aligne des poncifs
dans une forme de novlangue consistant à désigner les choses par le nom de leur
contraire.
Vous affirmez d’abord que votre système est universel.
Pourtant, hier soir, M. Turquois, le rapporteur, nous disait lui-même qu’il
n’était « pas parfaitement universel ». Il ne peut effectivement pas
l’être puisque l’âge d’équilibre sera différent selon les générations, et
puisque vous avez vous-même institué des régimes spécifiques.
Vous parlez
ensuite d’équité, renonçant ainsi à l’égalité. La nuance n’est pas mince, car
elle suppose que la pension sera proportionnelle au travail fourni, ce qui ne
correspond pas à un principe d’égalité véritable.
Quant à la solidarité
que vous mettez en avant, elle est totalement mise à mal par le projet de loi,
en particulier par votre promesse d’un minimum contributif à
1 000 euros déjà prévu par la loi Fillon, et par celle d’une égalité
entre les hommes et les femmes qui est un véritable trompe-l’œil, car ces
dernières seront les premières perdantes d’une réforme qui touche d’abord celles
et ceux qui ont eu des bas salaires et des carrières hachées.
Vous mettez
en avant l’objectif d’un « niveau de vie satisfaisant ». Évidemment,
il n’en sera rien. Le taux de remplacement pour les fonctionnaires, par exemple,
chutera en moyenne de 32 %.
Vous osez aussi nous parler de liberté
de choix – mais quel choix auront demain les retraités lorsqu’ils devront
soit travailler plus longtemps, c’est-à-dire perdre en qualité de vie, soit se
résigner à une pension de misère ? Voilà votre conception de la
liberté ; c’est en réalité une liberté contrainte par le libéralisme
économique.
Enfin, l’objectif de soutenabilité économique relève vraiment
du blabla, car nous savons tous que le texte ne comporte aucun cadrage
financier. Ce qui concerne la revalorisation des rémunérations des personnels
enseignants est probablement contraire à la Constitution, comme l’a dit le
Conseil d’État. Selon Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’éducation nationale
et de la jeunesse, cette revalorisation s’élèverait à 90 euros mensuels, ce
qui ne comble même pas les effets du gel du point d’indice.
Mme la
présidente. Merci, madame la députée. Votre temps de parole est
écoulé.
Mme
Clémentine Autain. C’est l’ère du chacun pour soi. Voilà la réalité des
grands…
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Votre système n’est ni juste, ni solidaire, ni
redistributif, ni universel. Il n’est même pas constitutionnel, comme vient de
le rappeler brillamment M. de Courson.
Lorsqu’on prend le soin
de supprimer la référence aux vingt-cinq dernières années de carrière, on
pénalise les retraites du privé ; lorsqu’on prend le soin, pour la fonction
publique, de supprimer la référence aux six derniers mois, on prépare une baisse
de la pension des fonctionnaires. Lorsqu’on décide d’exonérer de cotisations les
revenus supérieurs à 10 000 euros mensuels, on prend le risque de
nourrir la boîte à Smarties de la capitalisation. Enfin, lorsqu’on transfère un
point de PIB du public vers les salariés du privé, on tire un trait sur la
soutenabilité du système.
L’État cotise aujourd’hui 72,28 % de la
rémunération hors primes des fonctionnaires d’État. Si l’on y ajoute les
5 milliards d’euros de la Caisse nationale de retraite des agents de
collectivités locales, les 5 milliards d’euros de la fonction publique
hospitalière et les régimes spéciaux, on a plus de 36 milliards d’euros qui
vont aller vers le privé, soit un point de PIB.
En baissant ainsi sa
contribution au financement du système de retraite, l’État pourra mettre à tout
moment le régime universel en déficit. Comment envisagez-vous de compenser ce
jeu de bonneteau qui profitera aux caisses d’une assurance retraite
« universelle », telle que vous prétendez la construire ? Dans
quel délai et comment s’effectuera la transition ?
Mme la
présidente. La parole est à Mme Célia de Lavergne.
Mme Célia
de Lavergne. Nous sommes réunis pour débattre du fond de cette réforme,
mais aussi pour parler aux Français. Or l’article 1er nous
parle, comme il parlera aux Français.
En effet, comme nous, ils sont
attachés à ce que, grâce à une Caisse nationale de retraite universelle, une
solidarité nationale dépasse, sans les renier, les quarante-deux régimes de
solidarité actuels.
Ils sont attachés au système par répartition,
c’est-à-dire à une solidarité entre les générations, réaffirmée solennellement
par l’article 1er.
M. Hervé
Saulignac. Réaffirmer, cela n’engage pas à grand-chose !
Mme Célia
de Lavergne. Cette solidarité est l’honneur de la France. Elle permet
aux actifs d’aujourd’hui de cotiser pour payer en temps réel les pensions de nos
retraités.
L’article 1er fixe six principes essentiels
que d’autres veulent supprimer, mais auxquels les Français sont attachés et que
nous réaffirmons haut et fort : l’équité, la solidarité entre les assurés,
la lisibilité, l’équilibre financier,…
M. Nicolas
Dupont-Aignan. C’est complètement faux !
Mme Célia
de Lavergne. …la dignité, avec une garantie de revenus et des pensions
qui ne baisseront pas, enfin la liberté de choisir sa date de départ en
retraite.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Quelle hypocrisie !
Mme Célia
de Lavergne. Nous sommes attachés à ces six principes ; nous les
réaffirmons. C’est pour cela que le groupe majoritaire veut aujourd’hui débattre
du fond du texte et ensuite des modalités de sa mise en œuvre.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du
groupe MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Damien Abad.
M. Damien
Abad. Chère collègue, aucun de ces six principes n’est respecté dans le
projet de loi. Votre réforme est, au contraire, injuste, coûteuse et trop
complexe.
Elle est injuste, parce qu’elle modifie le mode de calcul des
pensions de retraite. Celles-ci seront désormais calculées sur la base de toute
la carrière, et non plus sur les seules vingt-cinq meilleures années. Cela se
traduira concrètement par la baisse des pensions de millions de retraités. Cela
concernera en particulier celles et ceux qui ont connu de mauvaises années, et
aussi celles et ceux qui ont commencé au bas de l’échelle et qui se sont élevés
par leur travail et leur mérite. C’est injuste pour les aides-soignantes
devenues infirmières, injuste pour les ouvriers devenus contremaîtres ou
cadres : ils seront rattrapés à leur retraite par leur début de carrière
modeste.
Votre réforme est injuste, aussi, parce qu’elle va augmenter les
cotisations des indépendants et des professions libérales. C’est injuste pour
les avocats, pour les artisans, pour les commerçants, ou encore pour les kinés.
La liste des perdants de votre réforme est – hélas ! – beaucoup
plus longue ; il faudrait en particulier y ajouter les mères de
famille
Votre réforme est injuste, enfin, parce que, quoi que vous en
disiez, vous ne pourrez jamais totalement garantir la valeur du point
– vous le savez très bien.
Votre réforme sera en outre très
coûteuse, parce qu’elle n’est absolument pas financée. Elle ne comporte aucune
mesure d’âge. Votre fameuse conférence de financement est déjà mort-née. Entre
le déficit de notre système de retraite, le coût de votre réforme et vos
promesses pour satisfaire les grévistes, vous allez devoir trouver plus de
20 milliards d’euros par an à partir de 2025. En vous obstinant à refuser
de reculer l’âge légal de départ à la retraite, vous ne pourrez pas combler ce
trou de 20 milliards d’euros sans baisser les pensions ou sans augmenter
les impôts des Français – ou, malheureusement, sans faire les deux à la
fois.
Enfin, votre réforme est tellement complexe que personne n’y
comprend plus rien, à commencer par vous. Rendez-vous compte que vous allez
faire cohabiter trois systèmes, selon que l’on sera né avant 1975, après 2004 ou
entre les deux, tout en multipliant les dérogations et les
exceptions !
Vous êtes incapables de répondre aux deux questions
très simples que se posent les Français : quand pourrai-je partir à la
retraite et quel sera le montant de ma pension ? (Applaudissements sur
les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès
Firmin Le Bodo. Tout comme mon collègue Thierry Benoit, je veux rappeler
les priorités du groupe UDI, Agir et indépendants.
Nous croyons en la
démocratie représentative – aujourd’hui, disons en tout cas que nous
essayons d’y croire. Nous avons donc concentré nos efforts sur des propositions
d’amélioration. Les voir noyées dans la masse des 40 000 amendements
déposés sur ce texte est à nos yeux une perte non seulement pour le débat
parlementaire, mais aussi pour ceux que nous représentons. Nos propositions
proviennent en effet d’expériences humaines vécues sur le terrain ; elles
n’ont d’autre but que de répondre à des situations concrètes.
Nous
souhaitons un système équitable, dans lequel les salariés du public et du privé
ne seraient pas opposés et dans lequel les régimes spéciaux qui pourraient
subsister ne seraient spéciaux que par absolue nécessité et non en raison du
maintien de situations acquises.
Nous voulons un système juste, qui
garantisse une meilleure retraite à ceux qui ont moins, et qui sont pourtant le
poumon de notre pays. Je pense en particulier aux agriculteurs et aux
indépendants. De la même manière, ce système doit tenir compte de la situation
des travailleurs les plus exposés à la pénibilité, au sens large. Il doit aussi
se construire sans utiliser les réserves des régimes autonomes.
C’est un
système solidaire et porteur de valeurs fondé sur l’inclusion des personnes
handicapées, le soutien aux aidants et une politique familiale ambitieuse.
L’utilisation des points est une formidable opportunité pour valoriser ceux qui
aident un parent dépendant, pour compenser les aléas de la vie et soutenir le
renouvellement des générations.
Tâchons de faire émerger de cette
discussion des priorités qui donneront davantage de sens au modèle que nous
devons construire aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs du
groupe UDI-Agir et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme
Emmanuelle Ménard. L’examen de la réforme des retraites a commencé lundi
dans l’hémicycle dans des conditions parfaitement ubuesques, qui sont, à mon
avis, indignes de l’examen d’un texte de cette importance, car ce projet de loi
aura des conséquences pour tous les Français, et il hypothèque l’avenir même de
nos enfants.
Je tiens à évoquer quatre points majeurs.
Premier
point : on demande aux députés de voter une réforme alors qu’ils ne
disposent d’aucun élément d’information relatif à son financement. Ces éléments
nous seront communiqués au mois d’avril, lorsque la conférence de financement
aura rendu ses travaux, ce qui reste totalement hypothétique puisque la CGT a
quitté la table des négociations…
M. Fabien
Roussel. Mais non ! Attendez de voir…
Mme
Emmanuelle Ménard. …et que le président du MEDEF a confié son inquiétude
quant à l’avancement et l’évolution de la réforme des retraites en ces
termes : « Chaque semaine, on découvre de nouveaux problèmes ».
Malgré tout cela, on nous demande de nous prononcer en février. Pourquoi une
telle urgence ?
Deuxième point : on demande aux députés de
voter un texte dans lequel la plupart des dispositions importantes ne sont pas
précisées, mais sont renvoyées à des ordonnances gouvernementales. En clair, on
nous demande d’accorder un blanc-seing au Gouvernement. La question est :
peut-on lui faire confiance ? Les conditions d’examen de ce texte tendent à
démontrer que non. Les nombreuses professions descendues dans la rue – je
pense tout particulièrement aux avocats – prouvent plutôt que nous aurions
tort de le faire.
Troisième point : on nous parle de bâtir, avec
cette réforme, un grand régime universel, mais, depuis plusieurs semaines, les
négociations ne font que renforcer les régimes spéciaux du public. Le
Gouvernement nous explique que, depuis deux ans, il bâtit un même régime pour
tous ; c’est faux. Cette réforme instaure en réalité plusieurs régimes,
comme le souligne le Conseil d’État, qui en a comptabilisé cinq différents
– au bout du compte, il devrait y en avoir encore plus. Et tous ceux qui
relèvent de ces régimes ne seront pas soumis aux mêmes règles : certains
salariés des régimes spéciaux continueront à partir à la retraite à un âge moins
avancé que les autres ; d’autres continueront à bénéficier de leur régime
complémentaire. Bref, nous aboutissons au parfait contraire de l’universalité
revendiquée.
Mme la
présidente. Il faut conclure, chère collègue.
Mme
Emmanuelle Ménard. Quatrième point : pour financer ces régimes
toujours plus spéciaux, on prévoit de piller littéralement les caisses du privé,
qui, elles, sont excédentaires. Le fait de permettre à l’État de capter les
réserves des régimes complémentaires du privé n’est pas souhaitable ; c’est
même intolérable. (Mme Marie-France Lorho
applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Les enseignants et les chercheurs seront les grands perdants de
votre système universel de retraite. Vous le reconnaissez dès
l’article 1er, qui prévoit une loi de programmation comportant
un mécanisme à même de garantir aux personnels enseignants ayant la qualité de
fonctionnaire une revalorisation de leur rémunération leur assurant le versement
d’une retraite d’un montant équivalent à celle perçue par les fonctionnaires
appartenant à des corps comparables de la fonction publique d’État.
En
commission spéciale, vous avez supprimé cet alinéa, puis vous l’avez réintroduit
par un amendement portant article additionnel. Cependant, dans son avis, le
Conseil d’État a écarté ces dispositions, qui renvoient à une loi de
programmation, en raison de leur imprécision, du fait qu’elles étaient
dépourvues de toute valeur normative et parce qu’elles constituaient une
injonction au Gouvernement en l’obligeant à déposer un projet de loi de
programmation. Ces dispositions sont ainsi contraires à la Constitution, et
votre engagement est donc caduc.
M.
Alexandre Freschi. Pas du tout !
M. Régis
Juanico. Pendant ce temps, Jean-Michel Blanquer propose un marché de
dupes aux enseignants et chercheurs. En effet, pour compenser la baisse
significative du montant des pensions dans votre nouveau système, il faudrait
une augmentation des traitements des enseignants de l’ordre de 1 000 à
1 500 euros par mois, soit 10 milliards à 12 milliards de
masse salariale supplémentaire, alors qu’à ce stade, le ministre de l’éducation
nationale et de la jeunesse propose aux organisations syndicales de débloquer
500 millions d’euros pour le budget pour 2021, dont 200 millions
d’euros sous forme de prime d’attractivité !
M.
Guillaume Garot. C’est vrai !
M.
Alexandre Freschi. Pas du tout !
M. Régis
Juanico. Cela revient donc à proposer une prime d’un montant moyen de
90 euros mensuel pour les dix premières années de la carrière. Le reste,
soit 300 millions d’euros, seront distribués sous forme de primes au
mérite, liées à des contreparties : des formations obligatoires pendant les
congés scolaires, des remplacements rémunérés par des heures supplémentaires,
l’encadrement des jeunes volontaires du service national universel… C’est
surréaliste ! Il y aura des tâches et des missions nouvelles rémunérées,
mais pas de revalorisation des grilles salariales ou du point d’indice de la
fonction publique.
Mme la
présidente. Merci, cher collègue.
M. Régis
Juanico. Votre impréparation, votre précipitation, votre dissimulation,
c’est de la poudre aux yeux pour les enseignants ! (Applaudissements sur
les bancs du groupe SOC.)
M. Ugo
Bernalicis. De la poudre de Perlimpinpin !
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. M. de Courson s’est déjà exprimé au nom du groupe
Libertés et territoires, mais il m’a laissé un certain nombre de choses à
dire.
Lorsque je suis intervenu au cours de la discussion générale, je
crois avoir prononcé quatorze fois le mot « confiance ». Monsieur le
secrétaire d’État, il est normal que l’on vous pose des questions auxquelles,
pour l’instant, nous n’avons pas de réponse. Je souhaite que vous puissiez nous
éclairer : il n’est pas nécessaire d’attendre les conclusions de la
conférence de financement pour disposer de ces informations.
Le premier
point sur lequel vous devez nous donner des éclaircissements porte sur le fait
que 1 euro cotisé ouvrirait les mêmes droits à chacun. Vous m’accorderez
qu’à partir du moment où le fameux système universel tolérera des dérogations
qui permettront à certains de partir plus tôt, chaque euro cotisé ne saurait
donner les mêmes droits à tous les salariés.
Le deuxième point vise le
troisième objectif affirmé par l’article 1er – celui de
« garantie d’un niveau de vie satisfaisant aux retraités » : quel
est, selon vous, ce niveau de vie satisfaisant ?
M. Boris
Vallaud. Ils n’en savent rien : ce sont des mots !
M. Philippe
Vigier. Troisième point : le texte fixe, en 4o,
« un objectif de liberté de choix pour les assurés […] sous réserve d’un
âge minimum ». Que recouvre l’expression « âge minimum » ?
J’ai bien compris que vous ne touchiez pas à l’âge légal. S’agit-il d’un âge
d’équilibre, d’un âge pivot, différent selon les métiers ? Vous devez
également nous apporter des précisions sur ce point.
Enfin
– quatrième point –, qu’en est-il de la soutenabilité
financière ? Le Gouvernement a déposé cinquante-huit amendements, dont
plusieurs concernent les notaires, afin de prévoir des conditions transitoires
permettant d’absorber l’augmentation du taux de cotisation. Des discussions sont
en cours avec l’ensemble des indépendants : nous devons être informés de
leur teneur, parce que nous sommes interrogés sur le sujet. Nous devons pouvoir
apporter des réponses.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, qu’en
sera-t-il des trois fonds de réserve ? Entendez-vous toucher au Fonds de
réserve pour les retraites, au fonds des indépendants et à celui de
l’AGIRC-ARRCO – l’Association générale des institutions
de retraite des cadres et l’Association pour le régime
de retraite complémentaire des salariés ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Je vais essayer, à mon tour, de faire preuve de pédagogie et
de diminuer les décibels. (Sourires.)
Je fais le pari qu’au sein
du groupe majoritaire, il y a ceux qui savent pertinemment ce qu’ils font et
ceux qui, parce que nous ne sommes pas tous des techniciens des retraites, ont
pu être atteints par les éléments de langage et ne saisissent pas complètement
la portée du texte.
Il ne s’agit pas de répéter que la réforme est juste,
simple, universelle, ou que la valeur du point sera garantie, pour que cela soit
vrai. En réalité, avec ce texte, vous fixez un cadre visant à garantir
l’équilibre financier du système – ce qui est plutôt louable –, mais
sans consacrer une part plus importante de la richesse nationale aux retraites,
ce qui est détestable, parce que la combinaison de ces deux objectifs annonce
une baisse du niveau des pensions. En effet la richesse produite est un stock,
qui est le fait des seuls travailleurs : or, en vertu du projet de loi, la
part de cette richesse qui sera consacrée aux retraites diminuera, alors que la
démographie nous annonce un nombre toujours plus élevé de seniors.
M. Ugo
Bernalicis. Eh oui !
M. Adrien
Quatennens. Certes, le secrétaire d’État nous répond que le PIB pourra
augmenter. Outre que je conteste l’idée que, compte tenu du changement
climatique, nous puissions faire le pari d’une augmentation exponentielle du
PIB, j’ai la certitude que, de toute façon, il n’augmentera jamais assez vite
pour combler le trou.
C’est pourquoi la seule façon de garantir
l’équilibre financier du système est de faire payer uniquement les travailleurs,
par une baisse effective du niveau de leurs pensions. Je le répète à mes
collègues de la majorité : il revient au même de décaler l’âge d’équilibre,
génération après génération, et d’assumer une baisse du niveau des pensions. Il
faudrait au contraire consacrer une part plus importante de la richesse que nous
produisons aux retraites, pour garantir un âge de départ digne et un niveau de
pension décent. (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
J’espère avoir fait avancer nos contradictions.
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. L’article 1er relève de la publicité
mensongère ; c’est une vague profession de foi. En le lisant vite, on se
croirait au pays des Bisounours, alors qu’il existe un abîme entre les
intentions affichées et la réalité des mesures proposées.
La philosophie
de cette réforme libérale repose sur l’individualisation. Au cœur du dispositif,
nous trouvons naturellement cette règle d’or que vous évoquez et qui est
l’austérité budgétaire : en impliquant un ajustement permanent, elle se
traduit par une incertitude généralisée. Aucun droit n’est garanti. Il en est de
même du taux de remplacement. Il s’agit d’un renversement radical.
Vous
voulez que les gens travaillent plus longtemps – vous l’avez dit,
d’ailleurs – et que leurs pensions baissent, puisque ce sera un des effets
de la réforme. Vous voulez plus de seniors au travail et plus de seniors au
chômage, alors qu’il convient au contraire de garantir leur droit à la retraite.
Vous savez également que votre texte entraînera un recours croissant à la
capitalisation.
Contrairement à ce que d’aucuns ont prétendu, vous rayez
d’un trait de plume des solidarités et des droits existants pour tout abaisser.
Les exceptions que vous êtes contraints de concéder à
l’article 1er sont l’aveu de votre incurie : vous voilà
obligés de bricoler des correctifs, tout en ne reconnaissant pas les
particularités de nombreuses fonctions sociales – je pense notamment aux
métiers de l’éducation nationale.
Du reste, les agents de l’éducation
nationale n’ont pas été convaincus par les propositions que Régis Juanico a
évoquées à l’instant. Le secrétaire général de la FSU – Fédération
syndicale unitaire –, que nous avons reçu, n’a pas été invité à participer
à la conférence de financement : vous avez choisi d’écarter le principal
syndicat représentatif des agents de l’éducation nationale, qui combat,
évidemment, ces propositions parce qu’elles ne conviennent pas.
Nous
proposons une autre réforme, qui améliore le système existant en le corrigeant,
à l’inverse du projet de régression sociale que vous nous présentez. Vous
devriez prendre au sérieux le rejet profond qui s’exprime dans le
pays.
Mme la
présidente. La parole est à M. Belkhir Belhaddad.
M. Belkhir
Belhaddad. L’injustice, voilà ce qui caractérise le système
actuel : injustice entre les Français, entre les régimes, entre ceux qui
comprennent et ceux qui subissent. Or nous opposons à cette injustice six
objectifs, qu’il faudrait, selon vos amendements, chers membres des oppositions,
supprimer, raboter, rogner, désosser, alors que ces six objectifs fixent et
structurent nos engagements : l’équité, la solidarité, un niveau de vie
satisfaisant pour les futurs retraités, la liberté de choisir sa date de départ,
la soutenabilité économique et la lisibilité des droits.
En face, les
oppositions nous assènent leurs vérités. Mesdames et messieurs de l’opposition,
vos vérités sont celles qui font perdre la confiance dans le système, qui font
croire aux jeunes qu’ils ne jouiront pas d’une retraite, qui poussent des
retraités à franchir le seuil de ma permanence parlementaire parce qu’ils ne
comprennent pas pourquoi tel trimestre ne leur est pas crédité. Vos vérités sont
celles qui se contentent de raboter le traitement des enseignants en prévision
d’une retraite plus généreuse. Vos vérités sont celles des régimes spéciaux
équilibrés chaque année par la solidarité nationale. Vos vérités sont celles
d’un système qui privilégie une minorité au détriment du plus grand
nombre.
On peut toujours examiner des milliers d’amendements, comme les
hamsters qui tournent leur roue sans savoir pourquoi. Des collègues déposent des
amendements qui ne veulent pas dire grand-chose : l’important est que la
roue tourne. En face, nous opposons la constance et la solidité de nos choix.
Ambroise Croizat, après la guerre, en a rêvé ; Éric Woerth, il y a dix ans,
en a causé ; aujourd’hui, fidèles à l’engagement du Président de la
République, nous le faisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Damien
Abad. C’est beau l’humilité ! Continuez !
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. L’article 1er est un geste littéraire :
c’est une série de principes généraux auxquels, je le pense du moins, chacun
doit être favorable. Ces principes n’en demeurent pas moins souvent éloignés de
la réalité. Je prendrai deux ou trois exemples.
Premier exemple : la
liberté de choisir son âge de départ. Non, le texte n’assurera pas la liberté de
choix. La vérité est que l’âge de départ, que vous avez transformé en âge pivot,
du moins si la conférence de financement aboutit – la décision ne nous
appartient pas –, conduira à une baisse des pensions. Les personnes qui
partent aujourd’hui à 62 ans avec un taux plein partiront avec une décote.
Vous prétendez améliorer les pensions des femmes, mais la plupart d’entre elles
partiront avec une pension amputée d’une superdécote – car il y aura une
superdécote. L’âge pivot rend irréaliste la liberté de l’âge de départ, puisque
ce choix se traduira obligatoirement par une baisse des
pensions.
Deuxième exemple : la pénibilité. C’est sûr, nous avons
plongé dans la pénibilité cet après-midi : nous avons vu ce qu’était un
débat pénible.
Je tiens à mettre en garde le Gouvernement : qu’il
fasse attention à la définition de la pénibilité. Il est toujours possible
d’additionner les métiers, mais quelle étrange manière de travailler, puisque,
chaque jour, de nouveaux métiers apparaissent ! On est certain d’en
oublier ! Pourquoi ne pas non plus prendre en considération la durée du
trajet entre le domicile et le travail ? L’affaire n’a pas fini de se
compliquer, aboutissant, comme l’ont souligné plusieurs collègues, à la création
de nouveaux régimes spéciaux, pour un résultat toujours plus injuste. Faites
très attention : il faut vous fonder sur une définition objective et
objectivable de la pénibilité.
Troisième exemple : le financement.
Non seulement il n’y a pas de règle d’or sans contrainte, mais il y a aussi un
financement gigantesque à trouver pour 2025, année d’entrée dans le régime
universel : 15 à 20 milliards d’euros – je vous les détaillerai,
si vous le souhaitez, lors de l’examen des amendements. C’est une bombe à
retardement budgétaire, comme dirait, avec raison, Charles de Courson.
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. J’ai l’honneur d’être le dernier inscrit sur
l’article 1er, qui pose les principes généraux du futur régime :
l’équité, la justice sociale, la lisibilité… J’ai beaucoup travaillé avec de
nombreux collègues, dans le cadre de la commission spéciale, sur ce texte
– soixante-quinze heures de débat, dont dix-sept consacrées à l’expression
du seul groupe FI. Je peux donc affirmer en connaissance de cause, après l’avoir
travaillé, qu’il s’agit d’un très bon texte, qui répond à toutes les questions.
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Damien
Abad. On sent poindre le doute…
M.
Jean-Paul Mattei. Absolument pas !
M. Éric
Diard. Ça s’appelle la méthode Coué !
Mme la
présidente. Seul M. Mattei a la parole.
M.
Jean-Paul Mattei. Ainsi, l’article 9 fixe les modalités de
détermination de la valeur du point ; l’article 13, les modalités de
la cotisation au système universel.
M.
Sébastien Jumel. Quand sera fixée la valeur du point ?
M.
Jean-Paul Mattei. Avant la fin de 2021.
M. Damien
Abad. Il n’y aura personne pour la garantir !
M.
Jean-Paul Mattei. On aura les outils nécessaires – notamment la
Caisse nationale de retraite universelle. Le texte donne toutes les réponses.
Plongez-vous dedans !
M. Fabien
Roussel. Nous aurons les réponses après le vote du projet de
loi !
M.
Jean-Paul Mattei. J’ai hâte que nous débattions du fond. En fin de
compte, nous adopterons ce texte,…
M. Fabien
Roussel. Ah bon ? Inutile de continuer à discuter, donc !
M. Pierre
Dharréville. Voilà qui a le mérite d’être clair !
M.
Jean-Paul Mattei. …parce qu’il garantit l’équité et la justice sociale,
tout en assurant aux générations futures la lisibilité de leurs droits. Je suis
persuadé que si nous nous attachons au fond du texte, dans le cadre de nos
débats puis de la navette parlementaire, comme dans celui des ordonnances
– je le dis sans provocation, parce qu’elles sont nécessaires –, nous
saurons proposer un bon texte aux Français.
De toute façon, 2022 n’est
pas loin : nous verrons bien alors comment nous jugeront les électeurs,
puisque nous sommes responsables de ce texte.
M. Fabien
Roussel. Vous en êtes les responsables, il n’y a aucun doute
là-dessus !
M.
Jean-Paul Mattei. Il sera certainement au menu des prochaines campagnes
présidentielle et législatives. Nous l’assumons. (Applaudissements sur les
bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. Nous en avons terminé avec les inscrits sur l’article.
M. Pierre
Dharréville. Rappel au règlement !
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour un rappel
au règlement – sur quel fondement, je vous prie ?
M. Pierre
Dharréville. Sur le fondement des articles 98 et 100, madame la
présidente.
En l’espace de dix minutes, 400 amendements ont été
supprimés. Auraient-ils été déclarés irrecevables au titre de l’article 40
de la Constitution ? Cela m’étonne !
Je tiens à élever une
protestation, parce qu’une telle pratique nous interdit de discuter du fond du
texte comme de proposer d’autres mesures. Je souhaite recevoir des explications
sur cette suppression de 400 amendements en l’espace de dix minutes.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
Mme la
présidente. Monsieur le député, je ne suis pas en mesure de vous
répondre sur les motifs qui ont présidé à la suppression de ces
400 amendements. J’ai demandé au service de la séance de me fournir des
explications.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un autre
rappel au règlement.
M.
Sébastien Jumel. Rappel au règlement sur le même fondement que celui de
M. Dharréville.
L’irrecevabilité de ces amendements en rajoute sur
le sentiment que nous avons eu, en milieu d’après-midi, d’être muselés.
(Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Erwan
Balanant. On n’entend que lui et il prétend être muselé !
M.
Sébastien Jumel. Si ces amendements ont été déclarés irrecevables au
titre de l’article 40, je souhaite que la commission des finances nous
apporte les précisions nécessaires. Si tel n’est pas le cas, je propose alors
que la commission spéciale se réunisse pour nous expliquer à quel titre ils
l’ont été. En effet, la commission spéciale n’avait pas constaté que ces
amendements étaient irrecevables : c’est une atteinte supplémentaire, et
très grave, à notre droit de débattre du texte, de le modifier et de
l’enrichir.
Comme par hasard, ce sont encore une fois des amendements
« cocos » qui tombent ! Je ne suis pas paranoïaque de nature.
M. Boris
Vallaud. Il y a également des amendements du groupe Socialistes et
apparentés.
M.
Sébastien Jumel. Cela n’est pas fait pour me rassurer : ceux de
l’opposition tombent, semble-t-il, plus facilement que les autres.
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Woerth, président de la
commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric
Woerth, président de la commission des finances, de l’économie
générale et du contrôle budgétaire. J’ignore ce qu’il en est des
400 amendements que vous évoquez, mais je peux vous indiquer que 16 %
des amendements sur le texte ont été déclarés irrecevables. C’est une proportion
globalement équivalente à celle que l’on peut constater sur les autres
textes.
S’agissant de ce projet de loi, l’examen de la recevabilité est
particulièrement complexe, car il faut comparer le droit existant et celui qui
est créé par le texte. Or les systèmes sont si différents qu’il est très
difficile de déterminer une base de référence. Nous avons toujours essayé que le
doute profite aux parlementaires.
De nombreux parlementaires ont déposé
des amendements de suppression, qui sont évidemment recevables. En revanche, si
les amendements – à l’exception de ceux tendant à revenir au système
existant – créent des charges, ils sont déclarés irrecevables car, pas plus
que dans le cadre du projet de loi de finances ou du projet de loi de
financement de la sécurité sociale, vous ne pouvez gager ces charges. Cette
règle constitue le fondement même de l’article 40.
Je suis bien
entendu prêt à discuter de chaque amendement qui a été déclaré irrecevable, mais
il y a sans doute de très bonnes raisons à cela. La décision est prise de
manière totalement impartiale, sans même que nous regardions qui sont les
auteurs de l’amendement ; les administrateurs examinent les amendements
avec toute l’impartialité de leur déontologie, et j’arbitre certaines décisions,
non pas à la tête du client, mais au regard des jurisprudences établies, depuis
longtemps, par les présidents successifs de la commission des finances.
Certaines jurisprudences sont très solides, d’autres peuvent évoluer ;
lorsque c’est le cas, c’est généralement plutôt en faveur d’une liberté
supplémentaire accordée aux parlementaires. (Applaudissements sur plusieurs
bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Il s’agit d’un rappel au règlement sur le même fondement
que le précédent, afin de réagir à ce qui vient d’être dit.
Je voudrais
dire deux choses. La première, c’est qu’on ne peut pas à la fois critiquer la
totale illisibilité financière de la réforme proposée et expliquer que nos
amendements ont un effet certain et lisible sur un dispositif qui ne l’est pas.
Il me semble qu’il y a là une petite contradiction.
Ensuite, même si je
comprends les explications données par le président de la commission des
finances, les règles qu’il applique posent un problème majeur : en réalité,
nous ne pouvons donc pas discuter des paramètres du texte. Dans ce cas, de quoi
discutons-nous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Mme la
présidente. Ce débat relevant de la commission des finances, je propose
que nous en restions là.
Mme Cendra
Motin. Très bien !
M.
Sébastien Jumel. Ne pourrait-on pas la réunir ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier
Marleix. Pour la clarté du débat, je voudrais à nouveau souligner la
difficulté à laquelle sont confrontés l’ensemble des parlementaires. Tout à
l’heure, on nous a reproché d’avoir déposé des amendements trop répétitifs
– nous sommes plusieurs à l’avoir fait –, qui ne paraissaient pas
d’une grande intelligence. Or il ne s’agit jamais que d’amendements de
suppression ! Malheureusement, nous sommes plusieurs députés à avoir été
censurés au titre de l’article 40 : ce n’est pas propre au groupe
GDR.
Je ne conteste évidemment pas les décisions du président de la
commission des finances, et je comprends parfaitement la difficulté qui a été la
sienne pour savoir à l’aune de quelle référence l’aggravation des charges devait
être établie : est-ce par rapport au droit actuel ou au droit nouveau que
crée le texte ?
Dans ces conditions, il est extrêmement compliqué
pour les députés de déposer des amendements recevables, échappant au couperet de
l’article 40, et d’accomplir leur travail dans le cadre de l’examen de ce
texte.
M. Pierre
Dharréville. Oh que oui !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
S’agit-il d’un rappel au règlement, madame la présidente ?
M. Olivier
Marleix. Une fois encore, l’impératif de clarté du débat parlementaire
en prend un sale coup. Le Conseil d’État avait déjà émis des observations sur
les risques que l’examen d’un texte dans de telles conditions faisait peser sur
sa constitutionnalité.
M. Sylvain
Maillard. Madame la présidente ! Ce n’est pas un rappel au
règlement !
M. Olivier
Marleix. Malheureusement, le travail sur les amendements ne fait que
renforcer cette difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au
règlement – sur quel fondement, cher collègue ?
M. Ugo
Bernalicis. Sur le fondement de l’article 52, madame la présidente.
Puisque vous assurez le maintien de l’ordre et la police dans l’hémicycle, je
voudrais que vous constatiez une infraction avérée à l’article L. 121-1 du
code de la consommation, qui traite des pratiques commerciales
trompeuses.
Au cours des interventions portant sur
l’article 1er, nous avons entendu…
Mme la
présidente. Monsieur le député, ce n’est pas un rappel au
règlement !
M. Ugo
Bernalicis. Il y a des pratiques commerciales trompeuses !
Mme la
présidente. Votre intervention n’est pas fondée sur un élément du
règlement.
M. Ugo
Bernalicis. Je vous demande d’assurer la police dans l’hémicycle !
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Brahim
Hammouche. Un peu de respect !
Mme la
présidente. Monsieur le député…
M. Ugo
Bernalicis. Madame la présidente, l’infraction est constatée : il
faut que vous y donniez suite ! (Brouhaha.)
Mme la
présidente. Monsieur le député, je ne peux pas vous laisser poursuivre
dans ce sens.
M. Ugo
Bernalicis. Il y a une pratique commerciale trompeuse avérée concernant
le prix du point, le coefficient…
Mme la
présidente. Il suffit.
La parole est à M. Sébastien Jumel,
pour un rappel au règlement. Sur quel fondement le formulez-vous, cher
collègue ?
M.
Sébastien Jumel. Sur le fondement de l’article 58, alinéa 5,
madame la présidente.
Avec beaucoup de légitimité, le président Woerth
nous explique – et nous le respectons – que certains des amendements
que nous avons déposés, notamment ceux tendant à supprimer la référence à l’âge
d’équilibre, engendrent des charges. Il a également dit – et nous l’avons
écouté avec beaucoup de sérieux – qu’il était difficile d’avoir une
lisibilité financière de la réforme. Vous-même, madame la présidente, avez
indiqué que le débat sur la recevabilité des amendements relevait de la
commission des finances. Je demande donc que cette commission se réunisse pour
examiner la recevabilité des amendements ; à défaut, on ferait tomber des
amendements avant même d’avoir un avis éclairé de la commission compétente.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’ai écouté avec intérêt les
orateurs et, même si nous pourrons en débattre plus avant tout à l’heure, je
souhaite apporter d’ores et déjà quelques éclairages sur le projet du
Gouvernement. Je tiens à préciser que je ne répondrai pas forcément dans l’ordre
des intervenants : par exemple, je ne voudrais pas que M. Vallaud, qui
s’était exprimé en premier, me fasse grief de ne pas le citer en premier
– même si, de fait, je viens de le faire !
M. le président
Woerth m’a demandé à quel âge on pourrait partir à taux plein. Dans le système
actuel, et ce sera le cas jusqu’en 2035, c’est quant on a atteint quarante-trois
années de travail ; comme l’âge moyen d’entrée dans la vie active est de
22 ans – ce qui pourrait d’ailleurs évoluer d’ici à 2035 –, il ne
faut pas être un grand mathématicien pour en déduire que l’âge de départ à taux
plein est à 65 ans. Voilà la réponse à sa question – même si,
expérimenté qu’il est en la matière, il la connaissait déjà.
Il sait
aussi que les dispositifs – certains très courageux, d’autres peut-être
moins justes – mis en place par la majorité à laquelle il appartenait à
l’époque conduisent aujourd’hui certains de nos concitoyens, essentiellement les
femmes et les personnes à faibles revenus, à travailler jusqu’à 67 ans pour
annuler la décote. Telle est la réalité ! Si l’on peut faire grief au texte
d’un certain nombre de choses, on peut aussi énoncer des vérités objectives et
claires.
S’agissant de la pénibilité, monsieur le président Woerth, vous
nous mettez en garde de ne pas raisonner trop systématiquement en termes de
métier. Vous savez la place que nous souhaitons laisser aux partenaires sociaux,
afin qu’ils construisent une réponse qui soit cohérente à la fois avec la vie de
l’entreprise et avec l’évolution des métiers. Vous avez fait remarquer que les
situations en 2035 ne seraient certainement pas celles de 2020 : je suis
sensible à cet argument, et c’est la raison pour laquelle je défendrai plusieurs
aspects du texte qui y ont trait.
Messieurs le président Vigier et
Charles de Courson, je pensais avoir déjà répondu en commission spéciale à
vos interrogations – c’est au moins le cas pour M. de Courson.
S’agissant des carrières des enseignants et des enseignants-chercheurs – et
je réponds là également à M. Juanico –, elles offrent de grandes
différences avec les carrières plates, notamment celles des fonctionnaires
territoriaux ou hospitaliers. Par exemple, l’étude d’impact montre bien que,
dans le cadre de la réforme, les agents territoriaux spécialisés des écoles
maternelles – ATSEM –, qui accompagnent les institutrices et
instituteurs des petites classes, bénéficieraient d’une dynamique plus
favorable.
La réforme est donc favorable aux carrières plates, pour
lesquelles la question de la prime ne revêt pas la même importance que pour
l’ensemble des enseignants, qui, eux, ont des carrières ascendantes, mais
démarrent très bas. C’est justement ce qu’il faut corriger. En effet, comme
Régis Juanico le soulignait dans la première partie de son propos, la dynamique
du nouveau système de retraites ne leur sera pas favorable. C’est pourquoi le
Gouvernement a fait le choix politique de s’engager auprès des
enseignants-chercheurs sur le montant de leurs pensions.
M. Boris
Vallaud. Ce n’est pas vrai !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous savons qu’il faut
reconstruire leur rémunération, car, par rapport à d’autres fonctionnaires de
catégorie A, ils sont effectivement lésés. C’est une réalité, et nous
assumons notre choix politique.
Je rappelle que même si les discussions
n’ont pas pu aboutir en commission spéciale, ce qui a pour conséquence que nous
discutons dans l’hémicycle du texte du Gouvernement, une large majorité de la
commission avait fait le choix politique de garantir aux enseignants,
dans le cadre d’un article 1er bis, le niveau de
leurs pensions. J’espère qu’il en ira de même lors du débat en
séance.
Monsieur Quatennens, je sais apprécier que vous me
challengiez,…
M. Ugo
Bernalicis. Pourriez-vous parler français ?
M. Philippe
Gosselin. « Challenger »… Franchement, quelle façon de
parler !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …que vous m’interpelliez sur
des sujets touchant au produit intérieur brut et à la richesse nationale.
Celle-ci évolue significativement ; je sais que vous partagez ce constat.
Elle évolue même de façon suffisamment importante pour que, malgré les
2 millions de retraités supplémentaires au cours des dix dernières années,
les pensions moyennes aient augmenté de 20 % sans que la part du PIB dédiée
aux retraites ne s’éloigne de 13,7 % : je vous l’ai déjà dit, et je
sais que cela ne suffit pas à vous convaincre, mais je ne résiste pas au
plaisir, non de vous le dire à nouveau, mais de partager avec l’ensemble de
l’hémicycle la réalité de la situation dans notre pays.
Cependant,
puisque je ne peux vous convaincre avec ce seul argument, je vais, si vous le
permettez, en développer un deuxième. Avec le système actuel, les perspectives à
2050 établies par le Conseil d’orientation des retraites fixent à 13 % la
part du PIB consacrée aux retraites. Avec le futur système universel, celui que
nous vous proposons d’adopter, cette part serait de 12,9 % – voilà qui
répondra peut-être aux questions sur le financement posées par le président
Woerth. Nous nous inscrivons donc dans la même épure, dans la même
structuration. Si, comme je l’espère, vous décidez d’adopter ce projet de loi,
ces perspectives sont extrêmement rassurantes ; nous consacrerons à nos
aînés la même part d’un PIB qui, par ailleurs, progresse.
M. Boris
Vallaud. Il y aura plus de retraités !
M. Frédéric
Petit. Mais avec deux systèmes !
M. Ugo
Bernalicis. C’est un article qui relève de la pratique commerciale
trompeuse !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Mme de Lavergne et
MM. Mattei et Belhaddad se sont réjouis des avancées figurant dans le texte
en matière de justice sociale, notamment les mesures visant les 40 % de
futurs retraités les plus vulnérables, les plus modestes, ceux qui percevront
moins de 1 400 euros de retraite. La dynamique du système permettra de
mieux protéger leurs pensions.
M. Belhaddad a souligné, tout comme
le président Philippe Vigier, un point important : la dynamique de
confiance entre les générations.
M. Boris
Vallaud. C’est quoi, ça ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous ne pouvons pas l’oublier
– mais redisons-le ensemble : la réalité de notre fonctionnement par
répartition, c’est que ce sont les plus jeunes qui, à travers leurs cotisations,
paient les pensions des aînés. C’est pour cela qu’il faut construire un système
solide, rassurant et durable pour ceux qui le font fonctionner, c’est-à-dire
ceux qui cotisent.
Madame Ménard, vous m’avez interpellé – fort
aimablement, c’est une interpellation au sens de l’Assemblée nationale – au
sujet du système et du régime universels. Peut-être n’en avons-nous pas encore
discuté dans l’hémicycle, et je ne vous en fais pas grief, mais le rapport du
Conseil d’État, qui a l’air de susciter beaucoup d’intérêt sur ces bancs, a fait
état de ses considérations. J’imagine que tous les mots y ont de l’intérêt, et
non pas uniquement ceux qui pourraient servir une lecture politique.
Or
le point douze, qui figure à la page 7, précise que le projet de loi crée
bien un système universel. Vous avez raison, madame Ménard : il
existera en son sein des spécificités, ainsi que plusieurs régimes. Le système
mis en place sera néanmoins universel ; il permettra que les mêmes efforts
octroient les mêmes droits.
Je m’excuse de la longueur de ma réponse,
mais de nombreux intervenants se sont exprimés et je ne voudrais pas que vous
pensiez que le Gouvernement ne souhaite pas prendre part au débat, alors que
nous entrons dans le fond de celui-ci.
Le sujet des réserves a été évoqué
par M. Philippe Vigier, et par d’autres aussi. Comme nous l’avons souligné,
toutes les réserves – qu’il s’agisse de celles de l’AGIRC-ARRCO ou de
celles des régimes dits autonomes ou spécifiques – appartiennent à ces
organismes et ne sauraient faire l’objet d’une captation par l’État. Cette
question ne fait pas débat : ce n’est tout simplement pas possible.
D’ailleurs, si l’un ou l’une d’entre vous avait identifié dans le projet de loi
un élément prouvant le contraire, vous nous auriez d’ores et déjà alertés sur le
sujet.
Quant au Fonds de réserve pour les retraites, nous l’avons
effectivement fléché vers le Fonds de réserves universel. Lors de la discussion
sur l’article 60, vous pourrez constater que nous avons défini des
objectifs clairs pour ce dernier – ce qui manquait au premier.
Mme la
présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
M. Pierre
Dharréville. Et à moi, on ne répond pas ?
2
Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la
présidente. Prochaine séance, à vingt et une heures
trente :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un
système universel de retraite et du projet de loi organique relatif au système
universel de retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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