Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Première séance du jeudi 20 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de Mme Annie Genevard
1.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (suite)
Rappels
au règlement
Mme Valérie
Rabault
M. André
Chassaigne
Mme la
présidente
M. Gilles
Le Gendre
M. Boris
Vallaud
Mme Emmanuelle
Ménard
Mme la
présidente
M. Patrick
Mignola
Article 1er
(suite)
Amendements nos 23977
, 41934
(sous-amendement) , 41940
(sous-amendement) , 41938
(sous-amendement) , 41941
(sous-amendement) , 41943
(sous-amendement) , 41978
(sous-amendement) , 41984
(sous-amendement) , 41988
(sous-amendement) , 41991
(sous-amendement) , 42071
(sous-amendement)
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Amendements nos 23973
, 41849
(sous-amendement) , 41853
(sous-amendement) , 41857
(sous-amendement) , 41859
(sous-amendement) , 41861
(sous-amendement) , 41865
(sous-amendement) , 41866
(sous-amendement) , 41870
(sous-amendement) , 41987
(sous-amendement) , 41872
(sous-amendement) , 41874
(sous-amendement) , 42072
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
M. Éric
Coquerel
Mme la
présidente
Article 1er
(suite)
Fait
personnel
Mme Clémentine
Autain
Article 1er
(suite)
Suspension
et reprise de la séance
Rappels
au règlement
M. Boris
Vallaud
Mme Valérie
Rabault
M. Bastien
Lachaud
Mme la
présidente
Article 1er
(suite)
Amendements nos 23971
, 41855
(sous-amendement) , 42229
(sous-amendement) , 41860
(sous-amendement) , 41858
(sous-amendement) , 42206
(sous-amendement)
Faits
personnels
M. Meyer
Habib
Mme Clémentine
Autain
Mme Marie-George
Buffet
M. Adrien
Quatennens
Rappels
au règlement
M. Julien
Aubert
M. Éric
Woerth
Suspension
et reprise de la séance
Article 1er
(suite)
Amendements nos 41863
(sous-amendement) , 41869
(sous-amendement) , 41864
(sous-amendement) , 41867
(sous-amendement) , 41873
(sous-amendement) , 42246
(sous-amendement) , 41876
(sous-amendement) , 41879
(sous-amendement) , 41883
(sous-amendement) , 42198
(sous-amendement) , 41885
(sous-amendement) , 41886
(sous-amendement) , 42203
(sous-amendement) , 42164
(sous-amendement) , 41888
(sous-amendement) , 41893
(sous-amendement) , 41897
(sous-amendement) , 41901
(sous-amendement) , 42193
(sous-amendement) , 42073
(sous-amendement)
Mme la
présidente
Rappels
au règlement
M. Éric
Coquerel
Mme la
présidente
M. Boris
Vallaud
Article 1er
(suite)
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
Mme Annie Genevard
vice-présidente
Mme la
présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la
présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite
(nos 2623 rectifié, 2683).
Discussion des articles (suite)
Mme la
présidente. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des
articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 23977 à
l’article 1er.
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour un rappel au
règlement.
Mme Valérie
Rabault. Au titre de l’article 100, madame la présidente.
Je
souhaite en effet revenir sur les informations transmises, hier soir, par la
présidence de l’Assemblée nationale.
La conférence des présidents a acté
le fait que des amendements identiques peuvent être exclus du débat s’ils sont
rejetés une première fois, même s’ils ont été déposés sur d’autres articles. Le
président Ferrand ayant indiqué que cette jurisprudence est constante, nous
avons demandé des exemples.
Le service de la séance nous en a fourni
quatre : nous les avons étudiés durant la nuit, laquelle, chacun le sait,
porte conseil. Or il ressort de ces quatre exemples que la jurisprudence n’est
pas constante : ces exemples n’illustrent en rien, en effet, le rejet des
amendements supposés identiques du groupe communiste.
(« Ah ! » sur les
bancs du groupe GDR.)
Je prendrai un premier exemple, qui se situe au
cours de la troisième séance du 19 novembre 1998. Le député Renaud
Donnedieu de Vabres avait présenté trois amendements avant
l’article 1er, relatifs aux élections législatives, alors que le
texte examiné portait sur le mode d’élection des conseillers régionaux et des
conseillers à l’Assemblée de Corse et sur le fonctionnement des conseils
régionaux. Ces amendements ont été rejetés. C’est pourquoi son amendement,
visant à modifier le titre du projet de loi pour faire référence « aux
modes d’élection des députés », est tombé : il s’agissait d’un
amendement de conséquence, absolument pas d’un amendement identique.
M. Pierre
Dharréville. Alors !
Mme Valérie
Rabault. Je n’évoque que ce premier exemple, madame la présidente, qui
nous inquiète, d’autant que les trois autres – nous y reviendrons –
semblent de la même eau. Le président Ferrand a convoqué pour quatorze heures
trente la conférence des présidents : je demanderai la réintégration des
amendements du groupe communiste dans le débat (Applaudissements sur les
bancs du groupe GDR), puisque la jurisprudence sur laquelle la présidence
s’appuie n’est pas illustrée par les quatre exemples qu’elle nous a fournis hier
soir.
Mme la
présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au
règlement.
M. André
Chassaigne. Au titre de l’article 100, madame la
présidente.
Le plus grave, chers collègues – je l’ai déjà souligné
hier mais je le répète avec gravité ce matin –, est que notre groupe est
traité différemment des autres. J’ai la preuve – que j’ai présentée hier
sans obtenir de réponse – que des amendements similaires déposés par des
députés du groupe Les Républicains – je n’ai rien contre eux ! –
ne figurent pas dans la liste des amendements exclus du débat qui nous a été
fournie hier, alors que, je le répète, il s’agit d’amendements qui prévoient des
dispositions exactement du même type que les nôtres !
Lorsque ces
amendements ont été rejetés avant-hier soir, le président de l’Assemblée a
annoncé qu’il appliquerait la décision prise au cours de la conférence des
présidents, à savoir que ces amendements seront considérés par la suite comme
tombés et ne seront donc pas étudiés : or, ceux d’autres groupes, qui sont
exactement les mêmes que les nôtres, n’ont pas été frappés par cette mesure qui,
je le répète, est une mesure d’ostracisme d’une extrême gravité contre un groupe
de cette assemblée.
J’ignore ce qu’on veut nous faire payer, mais il est
inacceptable qu’un groupe, en l’occurrence celui des députés communistes, soit
aujourd’hui traité différemment des autres puisque, encore une fois, leurs
amendements sont exclus du débat contrairement à d’autres, pourtant similaires,
mais déposés par d’autres groupes.
M. Alain
Bruneel. Bravo !
Mme la
présidente. Comme l’a rappelé Mme Rabault, la conférence des
présidents se réunit cet après-midi : vous y assisterez en votre qualité de
président de groupe. Cette question y sera naturellement évoquée.
La
parole est à M. Gilles Le Gendre, pour un rappel au règlement.
M. Gilles
Le Gendre. Sur le fondement de l’article 100.
Madame la
présidente, vous avez rappelé l’essentiel : ne faisons pas traîner
indéfiniment une polémique qui n’a pas lieu d’être !
M. André
Chassaigne. Une polémique qui n’a pas lieu d’être, alors que nos
amendements sont rejetés de façon scandaleuse ? C’est une honte !
C’est inconcevable ! Vos propos sont inacceptables !
M. Gilles
Le Gendre. Non, président Chassaigne. Puis-je parler ?
(Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M. André
Chassaigne. Ce n’est pas une polémique, c’est un constat !
Mme la
présidente. Seul M. Le Gendre a la parole.
M. Gilles
Le Gendre. Vous avez réclamé hier à cor et à cri la réunion de la
conférence des présidents : elle est convoquée. Nous n’avons donc plus
qu’une chose à faire, tous, sans ostraciser personne…
M. André
Chassaigne. C’est la réalité !
M. Gilles
Le Gendre. …– cela n’est en tout cas pas dans l’intention du groupe
que j’ai l’honneur de présider : nous mettre au travail. Nous voulons ce
débat :…
M. André
Chassaigne. C’est tout le contraire !
M. Gilles
Le Gendre. …il doit avoir lieu.
M. André
Chassaigne. Mettez-nous en prison, comme à certaines périodes de notre
histoire ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Gilles
Le Gendre. Président Chassaigne, vous nous avez habitués à
mieux !
M. André
Chassaigne. Mes propos sont durs parce que vous avez un comportement de
voyous !
Mme la
présidente. La parole est à M. Boris Vallaud, pour un rappel au
règlement.
M. Boris
Vallaud. Sur le fondement de l’article 100, madame la
présidente.
Il était loisible au président de l’Assemblée nationale de
convoquer hier, séance tenante, la conférence des présidents : cela nous
aurait évité de perdre trois heures.
Je souhaite évoquer un deuxième
exemple sur les quatre qui nous ont été fournis : il se situe au cours de
la séance du 29 septembre 2009, consacrée à l’examen du projet de loi
organique et du projet de loi relatifs à l’application du cinquième alinéa de
l’article 13 de la Constitution. L’amendement concerné visait à faire du
Président de la République l’autorité de nomination du président de l’Agence de
biomédecine. Cet amendement a été rejeté. C’est pourquoi, l’amendement suivant,
qui visait à faire en sorte que les commissions permanentes compétentes en
matière de santé à l’Assemblée nationale et au Sénat valident la nomination par
le Président de la République du président de l’Agence de biomédecine, est
tombé. De nouveau, nous ne sommes pas dans le cas d’espèce évoqué par le
président de l’Assemblée nationale.
J’entends que M. Le Gendre
en appelle à la sérénité de nos débats et souhaite un examen du texte sur le
fond : que le président de l’Assemblée nationale commence par respecter son
institution, en l’occurrence, le droit d’amendement, garanti par la
Constitution, qui est un droit de déposer et de débattre. On ne saurait accepter
une présidence prédictive, préjugeant du vote des députés, cinq articles plus
loin, d’un amendement dont il considère qu’il est identique.
(Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour un rappel
au règlement.
Mme
Emmanuelle Ménard. Sur le fondement de l’article 53, madame la
présidente.
Vous avez évoqué, à la suite de Mme Rabault, la réunion
de la conférence des présidents à quatorze heures trente aujourd’hui. Je tiens à
rappeler que les députés non inscrits n’y participeront évidemment pas.
Serait-il possible de les informer des résultats de cette conférence, car nous
ne sommes jamais au courant de ce qui s’y passe ? De plus, de nombreux
députés non inscrits ont vu, eux aussi, leurs amendements tomber sans recevoir
aucune explication – qu’il s’agisse de l’article 40 ou de tout autre
motif : plus de 2 000, depuis hier ! Cela commence à faire
beaucoup ! Nous aimerions recevoir des explications.
Mme la
présidente. Madame la députée, des amendements ont été déclarés
irrecevables au titre de l’article 40 : le président de la commission
des finances a donné, hier, une explication globale.
Mme
Emmanuelle Ménard. Tous ne sont pas concernés.
Mme la
présidente. S’ils ne sont pas tombés au titre de l’article 40,
peut-être est-ce au titre de la disposition qui vient d’être contestée :
elle sera évoquée lors de la conférence des présidents de cet
après-midi.
L’information sera naturellement portée à la connaissance des
députés non inscrits comme à celle de l’ensemble des députés, puisqu’elle
éclairera la méthode de nos débats.
La parole est à M. Patrick
Mignola.
M. Patrick
Mignola. Sur le fondement de l’article 100, relatif au droit
d’amendement.
Il est bon que, dès ce matin, nous puissions réaffirmer des
règles simples : monsieur le président Chassaigne, comme l’a déjà dit
Gilles Le Gendre, en aucun cas il n’est question d’accepter quelque
différence que ce soit dans le traitement du groupe communiste.
M. Fabien
Roussel. C’est pourtant le cas !
M. Patrick
Mignola. Je le réaffirme très solennellement : il n’est question ni
d’empêcher, ni de bâillonner, voire d’emprisonner, comme vous l’avez évoqué à
l’instant ! Le débat a eu lieu : il serait très intéressant, du reste,
de comparer les temps de parole, cette nuit, de chaque groupe dans le débat. Il
me semble que celui-ci était inversement proportionnel au nombre des députés
représentant chaque groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. André
Chassaigne. Est-ce votre conception du Parlement ?
M. Patrick
Mignola. La conférence des présidents se réunira cet après-midi. Je
tiens simplement à souligner que, si la Constitution garantit le droit
d’amendement, elle ne garantit pas le droit d’empêcher le débat.
M. Alain
Bruneel. Il n’y a pas de débat !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. Nous en revenons à la discussion du projet de loi.
Je
suis saisie d’un amendement no 23977 qui fait l’objet d’une
série de sous-amendements.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret,
pour soutenir l’amendement.
Mme Gisèle
Biémouret. Me fondant toujours sur le principe général de non-régression
des droits à la retraite des assurés, je continue l’inventaire, comme l’a
souligné le rapporteur spécial hier soir.
Le texte ne prend pas vraiment
en considération la situation des travailleurs handicapés, leur spécificité et
l’impact du handicap sur les droits à la retraite, ainsi que la nécessité de
mieux sécuriser des parcours professionnels souvent hachés.
Les personnes
en situation de handicap sont particulièrement touchées par le chômage : à
titre d’exemple, la fin de la prise en compte des périodes de chômage non
indemnisées dans le calcul des périodes ouvrant droit à la retraite entraînera
une précarisation. Les demandeurs d’emploi en situation de handicap sont plus
âgés que la moyenne de la population : 50 % ont 50 ans et plus.
Le handicap intervient en moyenne à 46 ans, l’espérance de vie peut
atteindre quinze à vingt ans de moins.
Les critères demeurent injustes
pour les personnes en affection de longue durée et les personnes séropositives.
Enfin, il n’y a rien pour les travailleurs en ESAT – établissement et
service d’aide par le travail.
Mme la
présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir le
sous-amendement no 41934.
M. André
Chassaigne. Cette série de sous-amendements vise à montrer qu’en dépit
de l’ostracisme qui nous frappe – 1184 amendements déposés par notre
groupe éjectés du débat : nous sommes les seuls à subir une telle
situation, je tiens à le répéter, contrairement à d’autres groupes présentant
des amendements similaires – (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM)…
Je vous prie de m’écouter : nous nous sommes mis au
travail.
Si nous avons présenté ces sous-amendements, c’est afin
d’améliorer votre texte. La langue française, qui est si riche, exige de la
précision. Nous avons travaillé une bonne partie de la nuit pour rechercher ce
que j’appellerais la bonne expression, ce que Boileau appelait « le mot
juste ».
M. Gilles
Le Gendre et Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.
Félicitations !
M. André
Chassaigne. Tel est précisément l’objet de ces sous-amendements :
trouver le mot juste, afin d’améliorer votre projet de loi, qui est le fruit
d’un travail très rapide, marqué par une grande imprécision.
Lorsqu’on
« garantit » une chose, il ne faut pas la garantir pour la
garantir : il faut le faire solennellement. Tel est l’objet de ce
sous-amendement.
Mme la
présidente. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 41940.
M. Alain
Bruneel. À ce moment de l’examen de l’article 1er, je
voudrais revenir sur les déclarations des présidents Le Gendre et Mignola.
Vous souhaitez avoir un véritable débat – nous le voulons aussi. Néanmoins,
nous voudrions que nos 1 184 amendements reviennent en séance afin de
pouvoir mieux nous exprimer : c’est aussi cela, la démocratie. Je vous
invite donc à demander au président de l’Assemblée que nos
1 184 amendements soient rétablis, et nous pourrons tomber d’accord
sur le débat.
M. Patrick
Mignola. Soyez sérieux !
M. Alain
Bruneel. Quant au sous-amendement no 41940, il vise, comme
celui précédemment défendu par M. Chassaigne, la précision dans le choix
des mots, parce que les mots sont importants.
Le système universel est
supposé être au cœur de votre projet de réforme – j’ai compté huit occurrences
de l’expression rien qu’à l’article 1er. Laissez-nous donc
évoquer ce qu’il en est véritablement.
Nous sommes placés pour ce débat
dans un rapport de lutte de classes,…
M. Fabien
Roussel. Tout à fait !
M. Alain
Bruneel. …qui nous amène à dénoncer votre affirmation selon laquelle le
système de retraites reposant sur la sécurité sociale ne serait plus valide
parce qu’il serait vieillot : à l’inverse de votre système, le nôtre a fait
ses preuves ! Il existe dans la réalité !
Pourquoi gommer ce
système qui fonctionne bien, plutôt que de discuter sur les moyens de
l’améliorer ? Vous avancez le chiffre de 1 000 euros pour le
minimum de retraite ; quand mon collègue Chassaigne avait réclamé 85 %
du SMIC pour les agriculteurs, vous avez refusé de l’entendre – aujourd’hui
on y revient ! C’est avec les deux pieds bien ancrés dans le sol que nous
vous affirmons notre intention de débattre sur le fond !
Mme la
présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir le
sous-amendement no 41938.
M. André
Chassaigne. Il vise également à améliorer le texte, puisque vous avez
refusé, de façon sectaire, 1 184 amendements déposés par notre
groupe.
L’amendement de Mme Biémouret tend à insérer la
phrase : « la Nation garantit que les réformes relatives aux retraites
ne conduiront pas à une régression des droits des assurés. » Il serait
évidemment préférable d’écrire : « la Nation garantit que les réformes
relatives aux retraites ne contribuent pas à une régression des droits des
assurés. » Cette formulation offrirait une garantie supplémentaire ;
« conduire » n’est pas suffisant en cela qu’on ne sait aucunement
jusqu’où la réforme peut nous amener : votre texte est extrêmement vague,
il manque de précision, ce qui justifie notre obsession de chercher le mot
juste, celui qui servira plus efficacement les priorités que vous affirmez
défendre.
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir le
sous-amendement no 41941.
M. Fabien
Roussel. Il fait partie des sous-amendements que nous avons dû
introduire pour contrer l’ostracisme dont vous nous poursuivez :
1 184 amendements déposés par les députés communistes ont été refusés
et nous sommes le seul groupe à subir cette forme de maccarthysme de la
présidence de l’Assemblée nationale et de votre majorité. Nous résisterons
jusqu’au bout, en déposant des amendements et des sous-amendements de précision,
dans le but d’intervenir sur le texte et de révéler ses implications.
Les
précisions sont nécessaires : vous demandez que le débat ait lieu, après
deux ans et demi de débat dans le pays. Nous préférons le mot de
« négociation » : le débat se fait dans un seul sens ; à
aucun moment vous n’avez ouvert de négociations, en particulier avec les
organisations syndicales, pour améliorer notre système de retraite.
On
entend parfois dire que l’Assemblée nationale est composée de députés coupés du
peuple, hors sol. Nous avons déjà vécu cette situation en 2005, lors du
référendum sur le traité établissant une constitution pour l’Europe :
92 % des députés ont voté en faveur du traité, alors que 54 % des
Français l’ont rejeté par référendum.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Vous êtes obligé de crier ?
M. Fabien
Roussel. Dans cette Assemblée, seuls les députés communistes avaient
voté contre, comme 54 % de nos concitoyens. Parfois, la voix du peuple se
fait entendre par le truchement d’un groupe de députés,…
M.
Jean-Charles Colas-Roy. On l’entend dans les élections, la voix du
peuple !
M. Fabien
Roussel. …minoritaires dans l’hémicycle, mais dont le raisonnement
s’avère concorder avec celui du peuple, quand on donne la parole à celui-ci.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 41943.
M. Alain
Bruneel. Il vise à faire réfléchir l’Assemblée aux conséquences de la
réforme proposée ; comme le disait hier après-midi M. le rapporteur
pour le titre Ier, nous devons être attentifs à notre image, en
particulier devant la jeunesse, et garantir l’équité et la solidarité. Vous
n’avez pas le monopole de la solidarité ni de l’équité, et vous n’avez pas le
monopole de la jeunesse ! Nous non plus me direz-vous ; mais nous,
nous avançons des propositions qui vont dans le sens de l’équité et de la
solidarité, qui respectent les êtres humains et leur dignité !
Pour
ce qui concerne la jeunesse, croyez-vous vraiment que nous allons envoyer nos
jeunes – je pense ici à mes enfants, à mes petits-enfants – au
casse-pipe ? Je défends aussi leur avenir, leur retraite ! Je suis
avec eux ! Vous n’avez pas ces monopoles, laissez-nous nous exprimer dans
ce débat !
Un député du groupe
LaREM. Vous monopolisez la parole !
Mme la
présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir le
sous-amendement no 41978, à l’amendement
no 23977.
M. André
Chassaigne. Il est intéressant d’observer le sens des mots. « Ces
réformes prennent en considération, dans un esprit de justice sociale, les
spécificités des métiers, de leur pénibilité et de l’espérance de vie des
assurés concernés. » Que signifie « prendre en
considération ? »
M. Julien
Aubert. Ça ne veut rien dire !
M. André
Chassaigne. Quand on observe la considération dont vous faites preuve
envers la justice sociale, envers la spécificité des métiers – vous voulez
tout aligner ! –, envers la pénibilité – vous évacuez tout un tas
de critères de pénibilité ! – et envers l’espérance de vie des
assurés, on s’aperçoit que c’est tout le contraire : vous leur exprimez un
manque de considération ! Nous proposons d’écrire, avec le mot juste :
« ces réformes prennent en compte » : ce sera davantage conforme
à vos intentions !
M. Julien
Aubert. Les bons comptes font les bons amis !
M.
Jean-Paul Mattei. C’est incroyable ! Je vous rappelle que c’est le
texte de l’amendement que vous voulez modifier, pas celui du projet de
loi !
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41984.
M. Pierre
Dharréville. Il vise à préciser la référence faite dans l’amendement à
l’espérance de vie, en ajoutant « en bonne santé ». Celle-ci atteint
aujourd’hui 63 ou 64 ans, or votre réforme a pour objectif de reculer l’âge
de départ à la retraite au-delà. Selon nous, c’est indéfendable : nous
voulons réintroduire cette exigence de choisir la santé comme référence pour
déterminer l’âge du départ à la retraite, afin que les gens puissent partir dans
des conditions correctes et qu’ils aient le droit de vivre une nouvelle étape de
leur existence. Il faut prendre cet indicateur très au sérieux, or ce n’est pas
votre cas. J’insiste sur ce point parce que cet indicateur a été souvent et très
injustement critiqué au cours des débats, pour son absence de fiabilité ;
nous estimons au contraire qu’il doit être envisagé
sérieusement.
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir le
sous-amendement no 41988.
M. Fabien
Roussel. Merci, madame la présidente, de nous permettre de défendre ce
sous-amendement et donc de prendre la parole, malgré la suppression des
1 184 amendements déposés par les députés communistes que vous avez
décidé de ne pas soumettre à l’examen en séance.
Nous avons déposé ces
sous-amendements de précision pour éclairer le contenu du projet de loi. Nous
proposons par exemple de remplacer le mot « régression » par celui de
« baisse ». Votre texte comporte tellement de trous qu’il est dépourvu
de matière. Avec vous, plus on avance, plus on recule – comme dans le
cha-cha-cha, deux pas en avant et trois pas en arrière.
Actuellement, on
connaît le montant de la pension que l’on touchera après 43 ans de
cotisations : il s’élève à 75 % du salaire moyen des six derniers mois
dans le secteur public ; dans le secteur privé, le même taux est appliqué
au salaire moyen des vingt-cinq dernières années.
Avec votre système par
points, vous proposez de prendre en compte les pires années d’une carrière
– qu’elles soient au début ou au milieu – : les pensions vont
baisser et personne ne peut véritablement savoir ce qu’il percevra à la fin.
Vous comprenez bien que nous demandions des précisions, à la faveur de
sous-amendements qui proposent d’étudier les mots pour mieux savoir ce que
contient votre texte.
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41991.
M. Pierre
Dharréville. Ces sous-amendements nous permettent en effet de mener le
débat et d’obtenir des explications – je ne suis pas sûr que vous ayez
gagné au change. Le no 41991 vise à graver dans le marbre le
caractère universel de votre projet, puisqu’il tend à préciser que les retraites
de l’ensemble des assurés seront garanties. Si j’en crois vos propos, c’est
conforme à vos objectifs – quoique nous émettions des doutes à leur
sujet – ; nous vous offrons l’occasion d’aller plus loin dans
l’affirmation de l’universalité.
L’amendement de Mme Biémouret
évoque les personnes en situation de handicap – il s’agit d’un sujet
majeur. Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais connaître précisément le
résultat des discussions que vous avez menées avec les organisations et les
associations qui représentent les personnes handicapées et leur famille, comme
avec les institutions où s’expriment leurs problèmes, leurs revendications,
leurs attentes et les propositions qu’ils et elles peuvent avancer pour
surmonter leurs difficultés quotidiennes, y compris s’agissant de leurs droits à
la retraite. J’aimerais savoir précisément comment ils et elles ont été plus
spécifiquement associés aux réflexions sur ces droits : je détiens encore
peu d’informations sur le sujet.
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le
sous-amendement no 42071.
M. Marc Le
Fur. Je suis surpris de constater que ce sous-amendement ne figure pas
sur l’écran !
Mme la
présidente. Il l’est sur le mien.
M. Marc Le
Fur. Je souhaiterais qu’un tel incident ne se renouvelle pas.
(Sourires.)
Monsieur le secrétaire d’État chargé des retraites,
notre groupe veut que le débat soit le plus concret possible, ce qui signifie
l’examen de cas singuliers – et non individuels. Il s’agit de discuter de
situations qui concernent des centaines de milliers de gens, notamment ceux qui
se sentent oubliés et se posent des questions.
Je voudrais que vous
apportiez des réponses claires au sujet des aidants et de leurs droits à la
retraite. Le plus souvent, ce sont des aidantes,…
M. Thierry
Benoit. Tout à fait !
M. Marc Le
Fur. …qui s’occupent de leur conjoint, de leurs parents ou de leurs
enfants. Elles sacrifient la carrière professionnelle qu’elles auraient pu mener
– je vois que vous en convenez, monsieur le secrétaire d’État – et
elles concourent aux économies budgétaires, puisqu’elles assurent un
accompagnement qui aurait pu relever des compétences d’un service social,
évitant un recours à la contribution collective.
Je formulerai des
demandes similaires pour d’autres catégories, à l’occasion d’autres amendements
– nous allons entrer dans le fond des choses : nous en avons assez de
la multiplication des obstacles aux prises de parole. Nous voulons des réponses
précises.
M. Hervé
Saulignac. Nous aussi !
M. Marc Le
Fur. Expliquez-nous clairement ce qui va arriver aux aidants, dans
quelle mesure ils perdront ou gagneront à la réforme et quelles sont leurs
perspectives.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la
commission spéciale pour le titre Ier, pour donner l’avis de la
commission sur l’amendement et les sous-amendements.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Je commencerai
par les sous-amendements. M. Chassaigne a prétendu que son groupe serait
frappé d’ostracisme, au motif que des amendements tendant à remplacer le mot
« universel » par « inéquitable » ne figurent pas sur la
liste des amendements exclus du débat.
En commission, chers collègues du
groupe GDR, nous avons longuement débattu avec vous. Quand vos amendements
étaient déposés plusieurs fois, nous les avons toujours examinés, tout en
regrettant leur caractère répétitif. Lorsque, en revanche, les échanges
portaient sur le fond, nous avons accordé beaucoup de place à la discussion,
notamment avec M. Dharréville et M. Jumel, même si nous ne partageons
pas leur analyse. N’est-ce pas la preuve que votre groupe n’est victime d’aucune
forme d’ostracisme ? Je vous engage donc à continuer à travailler sur le
fond, ce qui nous permettra peut-être de faire converger, par le dialogue, nos
points de vue.
Encore faut-il être précis. M. Roussel a affirmé que
le taux de remplacement était quasiment identique dans le régime général et dans
le secteur public. Or le premier est de 50 % et le second de 75 %.
C’est une des iniquités auxquelles nous devons nous attaquer.
M. Fabien
Roussel. Je parlais du montant des pensions !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je souscris volontiers au souhait de
M. Le Fur de travailler sur le fond et partage sa préoccupation de la
situation des aidants. La commission a d’ailleurs adopté des amendements de
M. Vallaud et M. Bazin visant à mentionner les aidants dans
l’alinéa 6 de cet article 1er, qui précise certains aspects
généraux. Ces amendements seront doute défendus en séance. Je précise que les
aidants, dont la situation sera plus longuement évoquée à l’article 43, se
verront attribuer des points, compte tenu de l’utilité de leur engagement non
seulement pour les personnes aidées mais pour toute la société.
Mme
Emmanuelle Anthoine. Nous voulons plus de détails !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Venons-en à l’amendement. Madame Biémouret,
je partage votre intérêt pour le droit des assurés, particulièrement de ceux qui
souffrent d’un handicap. Le sujet sera évoqué à l’alinéa 6, concernant les
solidarités, et développé au titre III, dont la rapporteure est
Mme Vignon. L’amendement étant mal placé, je vous suggère de le retirer. À
défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites.
M. Chassaigne, qui a quitté l’hémicycle,…
M. Alain
Bruneel. Il est en commission !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …a appelé Nicolas Boileau à la
rescousse en nous invitant à utiliser le mot juste. S’il est vrai que celui-ci
« aiguise la pensée », comme le dit l’écrivain Michel Bouthot, il est
plus utile d’entrer dans le fond du débat que d’ergoter sur des conjugaisons.
Tel est du moins d’état d’esprit dans lequel M. Wulfranc et
M. Dharréville paraissaient être hier soir. Restons sur cette dynamique,
qu’a défendue à l’instant M. Bruneel.
Monsieur Le Fur, la
commission a adopté un amendement concernant la situation des aidants. Si la
précision qu’il tendait à apporter ne figure pas dans la rédaction que nous
examinons, c’est uniquement parce que nous n’avons pas pu achever l’examen du
texte en commission. Fidèle à ma position, j’émettrai un avis favorable lorsque
l’amendement no 9740, portant sur cette question, sera examiné
en séance. De même, je maintiendrai dans l’hémicycle l’avis favorable que j’ai
pu émettre en commission sur des amendements des autres groupes.
Loin de
moi l’idée d’éluder le débat sur les aidants, qui est essentiel. Nous y
reviendrons, car nous prévoyons des avancées concrètes. Vous souhaiteriez, je le
comprends, les entendre ce matin. Mieux vaut attendre cependant – même si
M. Bazin souhaite travailler sur ces sujets – que nous examinions
l’article 43. Vous saviez que le projet de loi comportera de nouveaux
droits pour les aidants, dont vous êtes nombreux à vous soucier. Nous en
reparlerons.
Madame Biémouret, je salue votre volonté, sensible dans
l’amendement plusieurs fois sous-amendé, que le handicap soit mentionné dans le
texte. Mais c’est déjà le cas. Quand nous aborderons – bientôt, je
l’espère – l’article 29, nous soutiendrons, comme je l’ai indiqué dans
les médias, la position d’un de vos collègues, qui a été largement soutenue et
fera probablement consensus, relative à la retraite progressive des travailleurs
handicapés, laquelle sera possible dès 55 ans. Venons-en donc à la
discussion, au lieu de nous attarder sur des questions rédactionnelles, voire
incantatoires – qui, je le sais, ne reflètent pas votre état d’esprit.
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Monsieur le secrétaire d’État, il est normal que l’on aborde
tous les sujets lors de l’examen de l’article 1er, puisque
celui-ci, portant sur des principes généraux, traite justement de tout !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.–
M. Pierre Dharréville et M. François
Ruffin applaudissent aussi.) Je comprends que vous ne puissiez pas répondre
à toutes les questions qu’il pose, mais ce serait conforme à l’exercice que vous
avez souhaité.
Je ne partage pas la position de M. Dharréville sur
l’espérance de vie en bonne santé, formule purement déclarative. L’espérance de
vie est très longue. On passe désormais vingt-cinq ans en moyenne à la retraite.
Les dernières années sont souvent compliquées, mais cela reste une avancée
considérable. L’espérance de vie en bonne santé n’est donc pas un bon indicateur
pour les retraites.
M.
Jean-Paul Mattei. C’est un principe !
M. Éric
Woerth. Concernant les vingt-cinq ans, vous avez évoqué hier l’inflation
sur le salaire porté au compte, mais il y a aussi l’inflation sur le système
d’acquisition des points. Peut-être passerez-vous un jour à autre chose, mais
tout cela me semble comparable.
Quant aux masses financières réservées
aux droits familiaux, l’étude d’impact indique qu’elles seront moins importantes
après la réforme qu’avant, ce que confirme un graphique figurant page 811.
À ce sujet, M. Le Fur a posé la question des aidants, notamment de
l’AVPF – assurance vieillesse des parents au foyer.
Ce point, qui peut
sembler technique, concerne la vie quotidienne de beaucoup de gens. L’AVPF
permet aujourd’hui aux aidants de valider des trimestres pour la retraite. Quel
sera son avenir ? Combien de points les parents au foyer se verront-ils
attribuer ? Comment fonctionnera le système ? Pour ces personnes, la
solution que vous projetez – pour autant qu’on puisse la comprendre –
paraît moins favorable que le dispositif actuel. (Applaudissements sur les
bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Jean Lassalle.
M. Jean
Lassalle. L’attribution de points aux aidants, prévue par
l’article 43, me semble une bonne initiative, à ceci près qu’on ne sait ni
qui attribuera les points ni quand l’aidant est auprès de la personne aidée et
quand il n’y est pas. Je reviendrai plus longuement sur le sujet une autre fois,
car, pour l’heure, je suis en stage.
Oui, j’ai effectué trois mandats
sans appartenir à aucun groupe. Je ne suis donc pas organisé ni structuré comme
mes collègues de la République en marche. Je ne dispose ni de la force de
travail considérable de M. Chassaigne ni du savoir-faire de
M. Mélenchon…
M. François
Ruffin. Mais si, voyons !
M. Jean
Lassalle. …ni de la technique des vieilles troupes – ou des nouvelles
recrues – des Républicains (Exclamations sur les bancs du groupe LR) ni
même l’imagination primesautière de l’UDI. Il ne faut donc pas m’en
vouloir : je dois suivre une formation accélérée pour apprendre à devenir
un député de groupe.
Je suis très content du président de notre groupe,
parce qu’il est bon.
M. François
Ruffin. Fayot !
M. Jean
Lassalle. De mon côté, je n’ai pas été mauvais en commission et, dans
l’ensemble, je ne me suis pas mal comporté. Voilà ce que je voulais dire. Vous
voyez que c’est important. (Sourires et applaudissements sur les bancs du
groupe LT et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Quant à vous,
madame la présidente, vous demeurez la reine de cette assemblée, car votre
charme nous éclaire tous – ainsi que votre compétence. (Rires et
applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Bruno Millienne.
M. Bruno
Millienne. Je remercie M. Dharréville et M. Le Fur, qui
se sont exprimés sur les personnes handicapées et les aidants. Les autres
sous-amendements n’ont pas grand-chose à voir avec l’amendement de
Mme Biémouret, ce qui contribue à l’enlisement du débat et nous fait perdre
du temps.
Dans le système que nous souhaitons mettre en place, des
points, en plus de ceux acquis annuellement, pourront être attribués aux aidants
lors de la liquidation de la retraite – je voulais le porter à votre
connaissance – et les travailleurs handicapés bénéficieront d’une
majoration de la retraite anticipée.
Comme l’a rappelé M. le
secrétaire d’État, d’excellents amendements ont été adoptés par notre
commission. Si, en raison de l’inachèvement de ses travaux, ils n’ont pas été
incorporés au projet de loi, je compte sur nos collègues pour les défendre en
séance.
Ces propositions, qui méritent un consensus, ont recueilli notre
complet accord. Il serait cependant plus intéressant de débattre de ces
problèmes quand nous aborderons l’article qui leur est dédié.
(Mme Nadia Essayan applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. M. le secrétaire d’État l’a rappelé :
M. Chassaigne a proposé d’employer le mot juste, ce qui justifie à ses yeux
le dépôt de certains sous-amendements rédactionnels. Pourquoi en effet le
législateur ne donnerait-il pas l’exemple, en suivant le conseil de Jules Renard
de n’utiliser que le mot juste ?
Dès lors que
l’article 1er est principiel, les préoccupations concernant les
travailleurs handicapés y ont leur place. Je soutiens donc l’amendement. En ce
qui concerne les sous-amendements, j’aimerais être certain que leur rejet
– au motif que d’autres propositions similaires ont été adoptées en
commission sur un autre article – ne fera pas tomber ces dernières, en
vertu de la jurisprudence Ferrand, lorsque nous examinerons ledit
article.
J’ajoute que nous pouvons tous soutenir le sous-amendement
no 41984 de M. Dharréville, relatif à l’espérance de vie en
bonne santé, y compris la majorité. En effet, en 2013, MM. Véran et
Ferrand, entre autres, avaient suggéré de prendre en compte ce critère,…
M.
Christian Hutin. Ils étaient du bon côté de la barricade, alors !
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Boris
Vallaud. …considérant qu’il était pertinent d’apprécier le nombre
d’années durant lesquelles on profite réellement de sa retraite.
Il faut,
je crois, satisfaire au désir ardent qui fut celui de ces députés, dont l’un est
devenu président de l’Assemblée nationale et l’autre ministre de la santé, en
adoptant ce sous-amendement.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Annie Vidal.
Mme Annie
Vidal. Certes, les aidants sont majoritairement des femmes, à 57 %,
mais n’oublions pas les 43 % d’hommes concernés : quatre sur dix, ce
n’est pas négligeable !
M. Boris
Vallaud. Tout à fait !
Mme Annie
Vidal. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de revenir sur la question lors
de l’examen de l’article 43.
Lorsque nous avons lancé la stratégie
de mobilisation et de soutien des proches aidants, nous avons marqué notre
volonté de leur ouvrir de nouveaux droits, ce que nous avons fait dans le
dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, en permettant
l’indemnisation du congé de proche aidant.
Nous continuons sur cette
lancée avec le présent projet de loi : les périodes d’aidance permettront
d’acquérir des points de solidarité, qu’elles aient été indemnisées grâce au
dispositif prévu dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ou
non. Dans ce dernier cas, seuls les congés de proche aidant, tels que définis
dans la loi de 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement
– ASV – seraient concernés.
Notre stratégie consiste aussi à
aider les aidants à mieux articuler vie professionnelle et vie privée, puisque
les points de solidarité pourront être acquis pendant les périodes de temps
partiel. En l’état actuel, ainsi, le texte permet de réelles avancées pour les
proches aidants. Je fais le vœu que, pendant la discussion de l’article 43,
nous puissions défendre des amendements afin d’aller plus loin en la matière.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. –
M. Patrick Mignola applaudit également.)
Mme la
présidente. La parole est à M. François Ruffin.
M. François
Ruffin. Nous soutiendrons bien sûr l’amendement
no 23977, qui vise à inscrire dans la loi l’interdiction de
faire régresser les droits des assurés.
Avec le présent projet de loi,
cette régression est garantie. La situation est simple à comprendre, pour les
Français : vous allez passer des heures et des heures à nous expliquer
le texte, mais ce sera un jeu de bonneteau.
Actuellement, 14 % du
PIB est consacré aux retraites. Vous annoncez que vous porterez cette part à
12,8 % du PIB – alors que le pays comptera des centaines de milliers
de retraités supplémentaires –, sans pour autant diminuer le montant des
retraites. C’est la quadrature du cercle ! Il vous faudra d’intenses
efforts pour expliquer aux Français comment c’est
possible !
Évidemment, vous mentez. On le comprend quand on lit les
publicités des assureurs. J’ai cité la publicité d’Axa : elle annonce bien
une « baisse programmée des futures pensions », avec votre réforme. Si
cette publicité et les félicitations de BlackRock ne suffisaient pas
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM)…
Vous pouvez
vous exclamer – mais comment se fait-il que BlackRock se soit installé à
l’Élysée ? Que vous lui en ayez donné les clés ? (Mêmes
mouvements.)
M.
Christian Hutin. Comment se fait-il que BlackRock ait financé la
campagne de Macron ?
M. Fabien
Roussel. Comment se fait-il que le président de BlackRock France ait été
élevé au rang d’officier de la Légion d’honneur ?
Un député du groupe
LaREM. Arrêtez, avec ça !
M. François
Ruffin. Je n’arrêterai pas ! Comment se fait-il que le salon Murat,
à l’Élysée, où se tient le Conseil des ministres ait été privatisé au profit de
BlackRock ? Si vous avez donné les clés à ce groupe, évidemment, vous
n’avez jamais invité la Fondation Abbé Pierre ni l’Association des paralysés de
France à y organiser des congrès. Pourquoi ?
BlackRock vous a
adressé ses félicitations.
M.
Jean-Jacques Bridey. Je ne vois pas en quoi cela concerne le texte et
l’amendement !
M. François
Ruffin. Évidemment, vous n’alliez pas faire directement référence à
BlackRock dans le texte ! Si vous l’aviez fait, ç’aurait été un peu trop
gros ! Vous préférez cacher ça sous le tapis, sous les mots de
« justice sociale », d’« universalité » et
d’« équité ». Voilà où est BlackRock ! (Exclamations sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Vous êtes ridicule, mon pauvre ami !
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Monsieur le rapporteur, nous avions pu échanger sur ces
questions en commission ; je regrette qu’il ne soit pas possible de
continuer dans le même esprit en séance publique.
Concernant votre
réponse à Fabien Roussel, je note que celui-ci, en réalité, n’a fait que
reprendre des informations données page 149 de l’étude d’impact, une des
rares pages intéressantes du document. Je la cite – profitez-en, cela
n’arrivera pas souvent – : « les taux de remplacement, soit la
différence entre le dernier revenu d’activité et la retraite des agents publics
sont équivalents à ceux des salariés malgré ses règles différentes ». Voilà
qui tord le cou à l’idée que les agents publics bénéficient de privilèges – vous
l’indiquez vous-même dans l’étude d’impact.
Concernant les aidants, je
rappelle que, à plusieurs occasions, Paul Christophe et moi-même avons défendu
l’idée de prendre en considération leur situation, afin de leur donner des
droits supplémentaires à la retraite. Ce serait tout à fait possible au sein du
système actuel ; nul besoin de passer par la machine à baisser les pensions
qu’est ce projet de loi.
Il est heureux que la situation des aidants soit
prise en considération ; j’étudierai avec beaucoup d’attention ce que
recouvrent réellement les mesures proposées en la matière dans le texte –
quoique j’espère qu’il sera retiré avant leur examen.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Ne prenez pas vos désirs pour des
réalités !
M. Pierre
Dharréville. En tout cas, il faut progresser, concernant les
aidants.
J’aurai d’autres remarques, s’agissant du débat – important
selon moi – que M. Éric Woerth a bien voulu engager avec moi.
(Les sous-amendements nos 41934, 41940,
41938, 41941, 41943, 41978, 41984, 41988, 41991 et 42071, successivement mis aux
voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 23977 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Nous en venons à l’amendement no 2397, qui
fait l’objet d’une série de sous-amendements.
Sur cet amendement, je suis
saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de
scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Sur les sous-amendements nos 41857,
41865 et 41866 à l’amendement no 23973, je suis également
saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de
scrutin public.
Les scrutins publics sont annoncés dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Alain David, pour soutenir
l’amendement no 23973.
M. Alain
David. Par cet amendement, nous voulons poser le principe de
non-régression des droits des assurés en matière de retraites.
Vous avez
décidé de modifier le système existant, bien que son équilibre financier soit
assuré jusqu’en 2025, et alors qu’il ne posera a priori pas de problèmes
jusqu’à la fin de la législature.
Nous voulons garantir aux assurés le
respect de leur sécurité matérielle. Vous n’êtes actuellement pas en mesure de
le faire, puisque vous ne pouvez préciser les durées de cotisation ni la valeur
du point.
Il est essentiel qu’avec cette réforme, vous ne compromettiez
pas l’exercice de certaines professions. Je ne les citerai pas toutes, mais
votre réforme mettra en grande difficulté les travailleurs indépendants, en
particulier. Certains cabinets d’avocats seront fragilisés, aussi, ce qui
compromettra automatiquement la défense de certains justiciables, en particulier
les plus fragiles.
M.
Christian Hutin. Quarante pour cent des avocats vont
disparaître !
M. Alain
David. Vous ne pourrez pas tenir vos promesses auprès des enseignants
– comme on s’en aperçoit en étudiant le montant des enveloppes que vous
prévoyez.
Il est encore temps de retirer votre projet, contesté par deux
tiers des Français. Vous n’avez pas l’air d’entendre la rue. Vous restez sourds
aux manifestations. (M. François Ruffin applaudit.)
Vous allez mettre la France en danger.
Mme la
présidente. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 41849.
M. Alain
Bruneel. Il vise à compléter le verbe « garantir » par le mot
« solennellement ». La question, en effet, demande une certaine
solennité : c’est celle de la vie des gens, de l’humain, des valeurs de
solidarité.
Si le projet de réforme se veut « universel », les
opinions ne le sont pas ; elles ne sont pas uniques. Permettez-nous donc
d’affirmer dans ce débat les valeurs de solidarité et de vie
humaine.
Enfin, vous n’avez toujours pas répondu à nos questions :
Combien coûte votre réforme ? Quelle est la durée d’une « carrière
longue » ?
Vous formulez de grands principes, vantez vos bonnes
idées, mais dès que l’on gratte un peu, on s’aperçoit que le texte regorge
d’inconnues. J’aimerais bien qu’elles soient levées : combien ça
coûte ? Quelle est la durée de ce que vous appelez « carrière
longue » ? Nous voulons savoir.
M. Fabien
Roussel. Bravo !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir le
sous-amendement no 41853.
Mme Elsa
Faucillon. Au sein du groupe de la Gauche démocrate et républicaine,
nous considérons que la meilleure façon de prendre la pénibilité en compte
consiste à étendre au secteur privé les critères de départ anticipé en vigueur
dans le secteur public.
Je sais que le Président de la République n’est
pas à l’aise avec le mot « pénible », tout comme le patron du MEDEF.
Pourtant, la pénibilité affecte bien les corps. Plus de 70 % des ouvriers
du bâtiment sont exposés à au moins un critère de pénibilité ; 36 %
sont exposés à au moins trois critères. Si nous ne pouvons pas réellement
compenser les morts précoces de ces ouvriers, des dispositifs existent, qui leur
permettent de partir plus tôt à la retraite ; il faut les
étendre.
On ne peut pas nier que les accidents de travail mortels sont
bien plus fréquents pour les ouvriers du bâtiment que pour les policiers et les
gendarmes, auxquels vous avez pourtant donné la possibilité de partir à la
retraite de manière anticipée. Nous réclamons que ce soit le cas pour toutes
celles et ceux qui vivent ces critères de pénibilité jusque dans leur corps.
(M. Pierre Dharréville applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41857.
M. Pierre
Dharréville. Le sous-amendement vise à préciser le principe de
non-régression figurant dans l’amendement de Boris Vallaud. Il me semble que ce
principe devrait être inscrit dans la loi ; je n’ai pas entendu pour
l’instant d’arguments valables s’y opposant. Un refus signifierait que votre
système entraînerait des régressions par rapport à la situation actuelle. Je
propose donc de graver le principe de non-régression dans la loi, en particulier
pour les professions indépendantes qui ont beaucoup manifesté et que vous avez
peu écoutées.
Ce principe devrait d’ailleurs s’appliquer plus
généralement à nos droits sociaux. De plus en plus, des logiques de destruction
de ces droits sont à l’œuvre ; nous en avons eu de trop nombreux exemples
depuis 2017. Nous considérons au contraire qu’il faut passer la marche avant du
progrès social.
Il est absolument nécessaire de modifier notre système de
retraite et nous avons déposé une proposition de loi en ce sens ; nous
l’avions déjà fait en novembre 2018. Pour faire progresser le droit à la
retraite, il faut intégrer les droits acquis plutôt que les
détruire.
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir le
sous-amendement no 41859.
M. Fabien
Roussel. L’amendement de Boris Vallaud permet d’ouvrir le débat sur la
prise en considération de la pénibilité et des personnes atteintes de handicap,
auquel le sous-amendement contribue. Cette contribution est d’autant plus
nécessaire que vous avez décidé, mesdames et messieurs les députés de la
majorité, de supprimer spécifiquement 1 184 amendements déposés par
les députés communistes. (Exclamations sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
Le 3 octobre 2019, le Président de la République
– votre président – a prononcé la phrase suivante : « Moi j’adore pas
le mot de pénibilité parce que ça donne le sentiment que le travail serait
pénible. » Comme s’il n’y avait pas de métiers pénibles dans notre
pays ! Comme vient de le rappeler Elsa Faucillon, une étude du ministère du
travail indique que 70 % des ouvriers sont quotidiennement exposés à au
moins un facteur de pénibilité physique. Pire encore, 26 % des ouvriers
cumulent au moins trois facteurs de pénibilité. L’écart moyen d’espérance de vie
à 35 ans entre un ouvrier et un cadre est encore aujourd’hui de
6,4 ans.
Hier, nous avons beaucoup parlé des cadres qui
bénéficieront, avec votre réforme, d’un régime spécial. Aujourd’hui, ce serait
bien que nous parlions un peu plus des ouvriers, qui subissent une pénibilité
excessive. Je me souviens de ce soudeur rencontré récemment à Outinord, qui
passe sept heures par jour, cinq jours par semaine, courbé sur les rails qu’il
soude, tout en respirant des produits chimiques et en supportant un équipement
pesant plusieurs kilogrammes. Il a 23 ans et son salaire est de
1 500 euros nets. Et il serait appelé à faire ça pendant plus de
43 ans ? Vous allez proposer quoi, une charte ? Allez-vous
renvoyer ce jeune homme à des discussions de branche ? Lui demander de
faire du tutorat d’ici à une quinzaine d’années ?
M.
Christian Hutin. S’il n’est pas victime de l’amiante !
M. Fabien
Roussel. C’est impossible ! Il faut que cet homme puisse partir à
la retraite dès 55 ans, comme tous les soudeurs et tous les ouvriers
exerçant des métiers pénibles, dont les corps sont cassés ou qui sont atteints
de maladies professionnelles.
M.
Christian Hutin. Très bien !
Mme la
présidente. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 41861.
M. Alain
Bruneel. Il propose d’insérer, après le mot « esprit », celui
d’« équité », qui figure dans les grands principes de
l’article 1er. L’équité est une notion de justice, consistant à
attribuer à chacun ce qui lui est dû. Comment, dans cette réforme, pouvez-vous
parler d’équité sans examiner la spécificité de chaque métier ? Je pense en
particulier aux personnels soignants, qui sont très mobilisés : le
14 février 2020, ils ont demandé aux Français de déclarer leur amour pour
l’hôpital public. Selon votre proposition de réforme, ils devront travailler
jusqu’à 67 ans et plus, puisqu’ils n’ont pas de dérogation. Ils devront
soigner des malades alors qu’ils sont déjà épuisés et éreintés ;
aujourd’hui, les patients et les soignants sont mis en danger.
Que
signifie l’équité dans votre réforme, puisqu’elle ne tient pas compte de la
spécificité de chaque métier ? L’équité, c’est la justice : chacun
compte pour un, mais en fonction de son métier et de ses souffrances. J’ai fait
des calculs : certains soignants devront travailler un demi-siècle pour
avoir une retraite complète ! Parmi vous, certains ne savent pas ce que
c’est que de commencer à travailler à l’âge de 14 ans. Moi, j’ai travaillé
dès 14 ans (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR)…
M.
Christian Hutin. Voilà !
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Moi aussi j’ai commencé à travailler à
14 ans !
M. Alain
Bruneel. …et je sais ce que c’est que la pénibilité du travail !
Vous, vous ne le savez pas et vous voulez intervenir sur une situation que vous
ne connaissez pas. (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41865.
M. Pierre
Dharréville. Le sous-amendement me donne l’occasion de revenir sur le
débat engagé sur l’espérance de vie en bonne santé. Depuis quelques semaines, je
constate une tentative forcenée et je l’espère, désespérée, de discréditer cet
indicateur : il ne serait ni fiable ni robuste, parce qu’il est déclaratif.
Il résulte pourtant d’une enquête très sérieuse, dans laquelle on demande aux
gens s’ils ont des problèmes de santé, s’ils trouvent leur santé dégradée, etc.
Je ne vois pas quel intérêt ils auraient à mentir. Cet indicateur parvient à
identifier un âge à partir duquel les gens commencent à ressentir la
fragilisation de leur santé ; il pourrait être complété par d’autres
études. Quoi qu’il en soit, nous devons prendre en considération la réalité
exprimée au travers de cet indicateur. Symboliquement, repousser l’âge de départ
à la retraite au-delà de l’espérance de vie en bonne santé est d’une violence
inouïe.
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Je me suis trompé tout à l’heure : je pensais que nous
parlions de la pénibilité, mais l’amendement concerne les indépendants. Je
répéterai plus tard mes propos concernant les ouvriers.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Ah non, pitié !
M. Fabien
Roussel. Vous dites prendre en compte dans cette réforme toutes les
professions et mettre tout le monde au même niveau au sein d’un régime
universel. Nous considérons qu’il n’est pas possible d’avoir le même régime de
retraite pour tous ; les mêmes droits, oui, mais ne pas tenir compte de la
spécificité des métiers, non.
Les avocats manifestent bruyamment pour
dénoncer ce hold-up, ce racket organisé…
M.
Christian Hutin. Parfaitement !
M. Fabien
Roussel. …concernant leur caisse autonome. Non seulement leurs
cotisations seront plus élevées, ce qui mettra en péril les cabinets qui
s’installent, mais surtout, l’indépendance de leur profession sera remise en
cause. Demain, en piquant les réserves de leur caisse autonome, vous pousserez
ces cabinets à se lier les mains avec des fonds de pension et des assurances
privées. Vous renvoyez cette profession, dont le fonctionnement était
indépendant, vers les Black Blocks, Axa et compagnie.
M. Bruno
Millienne. Black Blocks, c’est un nouveau fonds de pension ?
(Sourires.)
M. Fabien
Roussel. Comment voulez-vous qu’un avocat puisse défendre, de manière
indépendante et autonome, un ouvrier dont le patron serait un actionnaire d’Axa,
assureur de son cabinet ? L’indépendance de la profession serait ainsi
affectée. Pour cette simple raison, au nom de l’indépendance de la justice, il
faut garantir l’indépendance des caisses autonomes des professions qui en
bénéficiaient jusqu’à maintenant.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir le
sous-amendement no 41866.
Mme Elsa
Faucillon. Je voudrais alerter nos collègues sur les conséquences,
parfois notables, des décisions politiques que nous prenons. S’agissant de la
pénibilité, les répercussions sur les corps et sur l’espérance de vie sont
particulièrement importantes. Une pièce de théâtre, adaptée du livre d’Édouard
Louis Qui a tué mon père se joue actuellement en région parisienne. Je
vais vous en lire un passage, puisque la littérature peut être politique.
L’auteur s’y adresse à son père : « Chez ceux qui ont tout, je n’ai
jamais vu de famille aller voir la mer pour fêter une décision politique, parce
que pour eux la politique ne change presque rien. Je m’en suis rendu compte,
quand je suis allé vivre à Paris, loin de toi : les dominants peuvent se
plaindre d’un gouvernement de droite, mais un gouvernement ne leur cause jamais
de problèmes de digestion, un gouvernement ne leur broie jamais le dos, un
gouvernement ne les pousse jamais vers la mer. La politique ne change pas leur
vie, ou si peu. Ça aussi c’est étrange, c’est eux qui font la politique alors
que la politique n’a presque aucun effet sur leur vie. Pour les dominants, la
politique est une question esthétique : une manière de se penser, une
manière de voir le monde, de construire sa personne. Pour nous, c’était vivre ou
mourir. » Voilà ce que les décisions politiques que vous allez prendre
aujourd’hui sur la pénibilité auront comme conséquences sur les corps et sur les
vies. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. Rémy
Rebeyrotte. Elle m’a donné envie de relire L’archipel du
Goulag.
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41870.
M. Pierre
Dharréville. Je voudrais évoquer les travailleurs des plates-formes.
L’ubérisation de l’économie, c’est-à-dire la précarisation à outrance et le
retour au travail journalier, est en cours dans plusieurs secteurs. Cela n’a
rien de novateur en réalité : dans Les cloches de Bâle
d’Aragon,…
M. Marc Le
Fur. Je préfère La Semaine sainte !
M. Pierre
Dharréville. …deux ou trois pages racontent presque exactement la
situation actuelle, alors qu’elles détaillent celle des taxis parisiens en 1911
et 1912.
Les conditions de travail dans ces secteurs ont été fortement
dégradées ; le recours au contrat de travail lui-même n’existe plus pour de
nombreux travailleurs. Par la force des choses, ces derniers deviennent des
travailleurs indépendants, des autoentrepreneurs ou des micro-entrepreneurs.
Vous avez trouvé comme subterfuge la création d’une charte qui n’engage pas à
grand-chose et qui donne bonne conscience aux promoteurs de ces plates-formes.
Cependant, elle ne résout pas la situation sociale de ces travailleurs qui, pour
beaucoup, se retrouvent avec très peu de droits. Vous ne répondez pas à la
question de leur droit à la retraite.
Plusieurs professions médicales
vont également se trouver en difficulté parce qu’elles exercent dans une
structure économique très différente de celle d’autres entreprises – leurs
ressources propres servent en effet à les rémunérer ou à réinvestir dans leurs
cabinets. Ce sont des réalités dont il faut tenir compte davantage, ce que ne
fait pas le projet de loi en l’état. Nous voulons le réaffirmer dans les
principes généraux que vous avez souhaité établir – généraux et généreux,
quoique ce dernier adjectif soit discutable, car la notion de niveau de vie
« satisfaisant » ne me semble ni défendable ni, surtout, normative, et
j’ignore ce que vous entendez par là.
Quoi qu’il en soit, nous pensons
qu’il faut inscrire parmi les principes généraux le principe de non-régression,
qui doit valoir pour toutes et tous, d’où la défense de ce
sous-amendement.
Mme la
présidente. La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le
sous-amendement no 41987.
M. François
Ruffin. Le sous-amendement no 41987 vise à ne pas
oublier les travailleurs détachés. J’en reviens à ma démonstration sur ce qui
semble absurde, incompréhensible et illisible pour les Français : comment
ferez-vous pour réduire de 14 % à 12,8 % la part des retraites dans le
PIB tout en jurant vos grands dieux que malgré l’augmentation de plusieurs
centaines de milliers du nombre des retraités, vous parviendrez à maintenir le
niveau des retraites ? C’est la quadrature du cercle, un engagement
impossible à tenir !
Il nous faut donc nous plonger dans la
littérature des assureurs et des financiers pour cerner la réalité de votre
projet. Je l’ai dit avec Axa, je l’ai dit avec BlackRock.
M. Bruno
Millienne. BlackRock ou Black Blocks ?
M. François
Ruffin. Et voici ANPERE, la première association d’assurés en matière de
retraites, liée au groupe Axa. Que nous dit son président, Jean-Sébastien
Antoniotti ? La retraite a occupé le devant de la scène médiatique ces
derniers mois avec la loi, dite PACTE, relative à la croissance et à la
transformation des entreprises – qui n’est jamais oubliée – et avec le projet de
réforme des retraites, les deux allant évidemment de pair pour faire passer une
part de la répartition en capitalisation. Une chose est sûre, poursuit-il :
se constituer à titre individuel un complément de retraite en vue de ses vieux
jours va devenir inévitable – inévitable ! – pour compenser la baisse
annoncée des pensions de retraite.
Assumez ce fait devant les
Français ! Assumez-le comme Axa, assumez-le comme BlackRock, assumez-le
comme ANPERE !
M. Rémy
Rebeyrotte. Oh, les méchants !
M. Bruno
Millienne. Le disque est rayé…
M. François
Ruffin. Dites aux Français que leur niveau de pension baissera et qu’ils
doivent se préparer à capitaliser !
Ce qui m’embête dans votre
attitude, ce n’est pas seulement ce que vous faites mais la manière dont vous le
faites – ce déguisement, cette sournoiserie.
M. Bruno
Millienne. Et moi, ce qui m’embête dans la vôtre, c’est votre capacité à
répéter tout le temps la même chose !
M. François
Ruffin. Il s’est déjà produit en France des tentatives de capitaliser au
motif que la cotisation ne suffirait plus et qu’il faudrait payer davantage pour
les retraites. Ces tentatives étaient parfois non déguisées. Ici, vous avancez
déguisés ! Vous préparez une étape ultérieure. Voilà ce qui me gêne le plus
dans votre manière de faire, et qui gêne le plus les Français !
M. Bruno
Millienne. Non, vous !
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir le
sous-amendement no 41872.
M. Erwan
Balanant. À force de prendre votre temps pour gagner le micro, vous
recevrez bientôt un carton jaune, monsieur Roussel !
M. Alain
Bruneel. Il fait ce qu’il veut !
M. Fabien
Roussel. Par le sous-amendement no 41872 et les autres
sous-amendements de cette série, nous entendons préciser l’excellent amendement
de M. Vallaud concernant les travailleurs indépendants.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. À sa
place, je le prendrais mal…
M. Fabien
Roussel. Ils nous permettent d’argumenter, puisque vous avez supprimé
1 184 amendements déposés par les députés communistes – ce que nous
aurons le loisir de répéter à chaque fois que nous prendrons la parole, jusqu’à
ce que nous obtenions des explications sur cette injustice et ce déni de
démocratie dont nous subissons les effets dans l’hémicycle.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Aucun problème !
M. Fabien
Roussel. Parmi les travailleurs indépendants se trouvent ceux des
plateformes. Je vous entends répéter sur les ondes que 500 000 emplois
auraient été créés depuis votre arrivée au Gouvernement il y a deux ans et demi,
mais j’aime à rappeler qu’il y a eu 200 000 installations en tant
qu’auto-entrepreneurs, soit près de la moitié, en particulier dans le cadre des
plateformes Deliveroo et Uber. Voilà la réalité ! Avec votre projet de
société à la start-up, les emplois créés sont des emplois Deliveroo et Uber –
bref, il s’agit des travailleurs à la tâche du XXIe siècle.
(M. Jean Lassalle applaudit.) Quels
droits leur garantissez-vous ? Jusqu’à présent, vous leur avez proposé une
charte. Une charte : voilà ce à quoi ils ont droit face à ces monstres
capitalistiques dont les sièges ne sont même pas situés en France. En clair, ils
n’ont aucun droit ! Leur seul droit est celui d’être payés au coup de
pédale et à la sueur. Aucun congé, aucun droit en cas de maladie, et encore
moins de droit à la retraite !
Vous essayez de leur proposer les
mêmes droits que nous sans tenir compte du droit du travail – qui ne s’applique
pas à eux. Vous proposez également de leur ménager le droit à la retraite à
soixante-cinq ans – même à eux ! Si travailler au coup de pédale n’est pas
un travail pénible, alors qu’est-ce qu’un travail pénible ? (Mme Elsa
Faucillon applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le
sous-amendement no 42072.
M. Marc Le
Fur. Je fais remarquer, madame la présidente, que le dérouleur
électronique ne fait pas apparaître tous les sous-amendements sur les écrans de
l’hémicycle, ce qui est un peu pénible pour les collègues qui ont passé toute la
journée d’hier et dont bon nombre travailleront tout le week-end ; mieux
vaudrait que nous disposions des moyens nécessaires pour exercer notre
activité.
Le sous-amendement no 42072 est l’occasion
d’insister sur la situation tout à fait singulière des salariés de particuliers
employeurs, que l’on oublie tout le temps – en particulier les assistantes
maternelles.
M. Alain
Bruneel. C’est vrai !
M. Marc Le
Fur. Il se trouve que je suis cette profession depuis des années et
qu’elle mérite tout notre respect. Il y a en France
340 000 assistantes maternelles qui rendent des services considérables
aux familles. (M. Jean Lassalle applaudit.) Oui, nous
pouvons les applaudir sur tous les bancs, afin qu’elles sachent le respect que
nous leur portons ! (Applaudissements sur tous les bancs.)
M.
Christian Hutin. Surtout sur les bancs de ceux qui les défendent…
M. Marc Le
Fur. Les assistantes maternelles sont dans une situation
particulière : en règle générale, un employeur a plusieurs salariés mais,
au contraire, chaque assistante maternelle a plusieurs employeurs, puisqu’il y a
autant d’employeurs que de familles. Il en résulte de multiples
difficultés : les assistantes maternelles exercent une activité erratique.
Lorsqu’arrive un enfant, un autre, devenu trop grand, s’en va, y compris au sein
d’une même fratrie. Il s’agit donc d’une activité cyclique par nature. Il faut
tenir explicitement compte de la singularité de cette profession, qui connaît
des difficultés.
Le drame de la France, en effet, ce ne sont pas les
retraites, mais la baisse des naissances. Voilà la difficulté fondamentale qui
menace tous les systèmes par répartition. Chaque année, le nombre de naissances
diminue de 15 000 environ : c’est considérable ! Il faut
tenir compte de cet état de fait qui renforce la singularité de la profession
d’assistante maternelle, puisque ce sont autant d’employeurs qui
disparaissent !
Puisque tout le monde a applaudi, je suppose que
tout le monde approuvera ma proposition : je souhaite que la situation des
particuliers employeurs, notamment celle des assistantes maternelles, soit prise
en compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme
Emmanuelle Anthoine. Il a raison !
Mme la
présidente. Aux scrutins publics déjà annoncés, j’ajoute que je suis
saisie de demandes de scrutin public sur le sous-amendement
no 41987 par le groupe La France insoumise, sur le
sous-amendement no 41874 par le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine, et sur le sous-amendement no 42072 par le groupe Les
Républicains.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
M. Marc Le
Fur. Le dérouleur électronique ne les fait pas tous
apparaître !
Mme la
présidente. En effet, les écrans ne sont pas assez grands pour faire
apparaître l’amendement de M. Vallaud et tous les sous-amendements dont il
fait l’objet.
Mme
Brigitte Bourguignon, Présidente. En somme, les écrans ne sont
pas assez grands pour les amendements du groupe GDR !
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Sans user de qualificatifs royaux comme
M. Lassalle, je vous remercie, madame la présidente, de me donner la
parole. Je vois, monsieur Le Fur, que vous êtes équipé d’une
tablette : le dérouleur qui apparaît dans la colonne de droite vous permet
de suivre facilement l’ensemble des amendements. (Sourires et
exclamations.)
M.
Christian Hutin. Vous prenez M. Le Fur pour un
imbécile !
M. Fabien
Di Filippo. Avez-vous un dérouleur affichant les réponses aux questions,
monsieur le rapporteur ?
Mme la
présidente. Chers collègues, je vous en prie ; M. Le Fur
étant un geek accompli, il consultera son dérouleur sans problème.
(Rires.) Poursuivez, monsieur le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je retiens plusieurs éléments intéressants
soulevés par les différents orateurs. En effet, ce projet de réforme des
retraites est lié à de nombreuses autres politiques publiques :
M. Le Fur a évoqué les assistantes maternelles, MM. Dharréville
et Roussel ont parlé des travailleurs des plateformes –…
M. Fabien
Roussel. Tout à fait !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …un sujet auquel je suis sensible et que
nous avons longuement évoqué en commission spéciale. Comme d’autres, ce sont des
métiers dans lesquels on ne cotise pas, d’où une retraite très faible. Il faudra
donc apporter à cette question une attention particulière.
(« Ah ! » sur les
bancs du groupe GDR.)
Précisons cependant que l’amendement
no 23973 portait sur les droits acquis des travailleurs
indépendants. D’une part, la garantie des droits acquis, notamment pour les
travailleurs indépendants, est abordée à l’article 61. D’autre part,
l’article 4 prévoit d’intégrer les travailleurs indépendants dans le
système de retraite universel. Enfin, l’article 55 du projet de loi
organique précise que la valeur du point ne baissera pas. En clair, les projets
de loi garantissent déjà que les droits des travailleurs indépendants seront
acquis ; de ce fait, je considère que l’amendement de M. Vallaud est
satisfait sur le fond et j’en demande le retrait ; à défaut, avis
défavorable.
L’une des interventions a porté sur les avocats.
M. Fabien
Roussel. En effet !
M.
Christian Hutin. Et il y en aura d’autres !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Vous avez laissé entendre que s’ils
devaient souscrire des retraites par capitalisation auprès d’organismes quels
qu’ils soient, leur indépendance s’en trouverait limitée.
M.
Christian Hutin. Ils deviendraient hyperdépendants !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Affirmer cela, c’est remettre en question
leur professionnalisme.
M. Fabien
Roussel. Ce n’est pas ce qu’ils disent !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. C’est le métier même d’avocat que de
défendre successivement des intérêts contraires.
M.
Christian Hutin. C’est la plus mauvaise réponse que vous pouviez
faire !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Permettez-moi de poursuivre, monsieur
Hutin. La situation de la caisse de retraite des avocats est sans doute liée à
leur bonne gestion…
Mme
Emmanuelle Anthoine. Eh oui !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …mais le premier facteur d’explication
tient au rapport démographique entre cotisants et pensionnés.
Mme
Emmanuelle Anthoine. Non, c’est faux !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous devons mutualiser, car le rapport
démographique est favorable pour certaines professions, mais défavorable pour
beaucoup d’autres. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Le système
de 1946 avait sa logique, mais je vous invite, les uns et les autres, à
réfléchir à l’exemple suivant, que j’ai cité en commission spéciale : si
les informaticiens voulaient aujourd’hui leur propre caisse de retraite,
celle-ci accumulerait rapidement des réserves, car ils sont nombreux à être en
activité, peu nombreux en retraite et mieux payés que la moyenne.
(M. Jean-René Cazeneuve applaudit. –
Exclamations sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
M.
Christian Hutin. Informaticiens et avocats n’ont rien à voir !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. J’aimerais finir mon propos.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. On ne peut pas laisser des métiers en
souffrance, car leur démographie est déclinante, quand d’autres accumuleraient
des réserves. Il faut mutualiser, c’est le sens premier de cette réforme.
(Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR et SOC.)
Mme Valérie
Rabault. Cela s’appelle siphonner les réserves d’une caisse !
M. Pierre
Vatin. Ils participent déjà à la solidarité nationale !
M. Marc Le
Fur. On l’interroge sur les assistantes maternelles, et il répond sur
les informaticiens !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. J’aimerais pouvoir m’exprimer posément.
(Mêmes mouvements.)
Mme la
présidente. S’il vous plaît, chers collègues !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission des affaires
sociales. On ne peut pas parler ici !
M. Fabien
Roussel. Vous avez vu ? Ce n’est pas nous qui crions, mais nos
collègues des groupes Socialistes et apparentés et Les Républicains !
Mme la
présidente. Poursuivez, monsieur le rapporteur !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. L’exemple des avocats illustre la nécessité
de mutualiser, parce que nos enfants, qu’ils deviennent avocats, agriculteurs ou
informaticiens, doivent avoir le droit de percevoir une bonne pension de
retraite.
M.
Jean-René Cazeneuve. Excellent !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Mon avis est défavorable aux
sous-amendements, ainsi qu’à l’amendement.
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je commencerai par évoquer les
très nombreux sous-amendements, même si l’amendement présenté par le député
Alain David constitue le cœur de la discussion. Au passage, monsieur Bruneel, il
est contradictoire de nous inviter à nous exprimer sur le fond alors que ce sont
justement ces nombreux sous-amendements qui nous en empêchent.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M.
Christian Hutin. C’est tout l’inverse !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je connais votre rigueur
intellectuelle et votre volonté de débattre, et j’ai bien vu que vous-même
compreniez les limites de cet exercice purement formel.
Monsieur
Dharréville, vous vous êtes interrogé sur les taux de remplacement. Lorsque vous
m’aviez invité, avec Stéphane Viry et Boris Vallaud, à débattre au cours d’une
manifestation qui vous est chère, la fête de L’Humanité, nous avions
rapidement convenu – même si d’une façon générale les avis divergeaient entre
nous quatre – que les taux de remplacement entre le public et le privé étaient
en réalité relativement proches. On constate ce résultat de manière empirique,
même si on ne sait pas l’expliquer par la structuration du calcul des
pensions.
La réforme ne vise pas à ostraciser qui que ce soit. Je vous
l’avais dit lors de cette réunion publique et je n’ai pas changé d’avis depuis
un an et demi, il ne s’agit pas de pointer du doigt les uns ou les autres. Il y
a des différences entre le public et le privé, d’ailleurs pas toujours
favorables au secteur public.
M. Pierre
Dharréville. C’est vrai.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Ainsi, s’agissant des droits
familiaux, les fameuses majorations de durée d’assurance pour les enfants sont
plus élevées dans le privé, où elles représentent huit trimestres, que dans le
public, où elles ne dépassent pas deux trimestres. Le haut-commissaire Jean-Paul
Delevoye a plusieurs fois mis en évidence qu’une carrière commencée dans le
privé et achevée dans le public donnait lieu à une pension inférieure à une
carrière entamée dans le public et terminée dans le privé, à durée de cotisation
et niveau de rémunération égaux. Cela est inexplicable ! Ce sont tous ces
sujets auxquels s’attelle le projet de réforme, sans stigmatiser ou pointer du
doigt qui que ce soit.
S’agissant des aidants, je n’ai pas reproché à
M. Le Fur de vouloir évoquer leur situation, mais seulement souligné
qu’un amendement à ce sujet, auquel j’ai d’ores et déjà donné un avis favorable,
serait examiné à l’article 1er – très bientôt, donc. C’est
en tout état de cause une préoccupation que nous partageons.
L’assurance
vieillesse des parents au foyer, sur laquelle m’interrogeait M. Woerth,
sera transposée à l’identique dans le système universel. La CAF cotisera à
hauteur de 60 % pour les parents au foyer jusqu’au troisième anniversaire
du dernier enfant ; aujourd’hui, elle ne cotise que sur le régime de base,
mais demain, elle cotisera sur l’ensemble du régime, y compris la part
complémentaire. En outre, de nouveaux droits seront ouverts pour les parents
accompagnant des enfants en situation de handicap.
Monsieur Le Fur,
vous avez eu raison de citer l’exemple des assistantes maternelles, qui ont en
effet des carrières souvent hachées : elles connaissent, entre deux enfants
à accueillir, des moments sans travail. En outre, leur situation n’est pas la
même selon qu’elles vivent en zone urbaine, où la démographie est dynamique, ou
en milieu rural. Quoi qu’il en soit, elles seront les grandes bénéficiaires du
système universel, lequel est profondément redistributif, notamment pour les
personnes qui perçoivent des revenus proches du SMIC, ce qui est le cas de la
grande majorité des assistantes maternelles. Le système leur sera favorable car
il leur garantira une pension équivalant à 1 000 euros dès 2022 et à
85 % du SMIC dès 2025 pour une carrière complète. Voilà qui répond à vos
préoccupations.
M. Woerth m’a interrogé sur la solidarité : je
vous renvoie à la page 120 de l’étude d’impact, qui montre que la part des
dépenses de solidarité restera à son niveau actuel, à hauteur de 25 % des
pensions versées.
M. Boris
Vallaud. Après 2040 !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Quelque chose m’a peut-être
échappé dans votre propos, mais je réaffirme la volonté du Gouvernement de
maintenir l’actuel niveau de solidarité.
Je terminerai mon intervention
en évoquant l’amendement – si vous en êtes d’accord, madame la présidente, car
je sens votre regard peser sur moi.
M. Erwan
Balanant. Un regard bienveillant !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Certes, mais cela n’empêche pas
de vouloir que la discussion avance !
Monsieur David, vous avez
défendu l’amendement, dont le premier signataire est Boris Vallaud et qui a été
signé par plusieurs députés de votre groupe.
M.
Christian Hutin. Chez nous, nous sommes solidaires !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je partage votre volonté de
vous assurer de la viabilité économique des sociétés créées par des travailleurs
indépendants. Sur cet enjeu important, le projet de loi contient deux points
essentiels.
Tout d’abord, nous proposons – et ce ne serait que justice –
qu’au-delà du plafond de la sécurité sociale – PASS –, le niveau de
cotisations des travailleurs indépendants corresponde à celui des salariés. Vous
le savez, ils cotisent aujourd’hui à la fois comme employeur et comme salarié.
Les discussions avec leurs représentants – notamment l’Union nationale des
professions libérales et son président Michel Picon, et l’U2P, l’Union des
entreprises de proximité, mais je ne peux pas tous les citer – ont été
longues, car nous avons mené un travail de fond destiné à nous assurer de la
viabilité économique de leurs entreprises, très importantes pour l’emploi. Vous
connaissez notre volonté de favoriser la création d’emplois dans les TPE et les
PME ; nous ne souhaitons évidemment pas les mettre en difficulté en
réformant le système de retraite.
Ensuite, l’assiette de la CSG va
évoluer : nous avons travaillé ce point en commission spéciale et nous y
reviendrons ; le rapporteur Nicolas Turquois, qui a l’habitude de remplir
ce type de déclaration dans le cadre de son activité, a d’ailleurs été brillant
sur le sujet. J’adresse un clin d’œil au président Vigier, même s’il est
plongé dans la lecture d’un journal important…
M.
Christian Hutin. L’Humanité ?
M. Pierre
Dharréville. Très bon journal !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je ne suis pas sûr que ce soit
celui-là… Quoi qu’il en soit, la disposition assurant les professions libérales
indépendantes d’un abattement de 30 % sur l’assiette de la CSG a été
insérée dans le projet de loi à la suite de l’adoption, en commission spéciale,
d’un amendement que j’ai présenté, et non renvoyée à une ordonnance comme le
projet de loi initial le prévoyait. Le Gouvernement déposera à nouveau cet
amendement en séance publique.
J’ai essayé d’être clair sur les garanties
qu’offre la réforme. J’ai également souhaité vous apporter une réponse
consistante, notamment pour ne pas passer plus de temps à examiner les
sous-amendements que les amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs
des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement
s’exprime aussi longtemps qu’il le souhaite.
M. Patrick
Mignola. C’est important d’être exhaustif !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine
Rubin. L’amendement en appelle à un esprit de justice sociale. Comment
ne pas l’accepter, dès lors qu’il répond à l’exigence d’équité posée par
l’alinéa 5 de l’article ? Et dès lors que l’on souhaite satisfaire
cette exigence – M. le secrétaire d’État vient de nous assurer que tout
serait mis en œuvre dans ce but –, comment ne pas prendre en considération la
spécificité des métiers, leur éventuel caractère pénible et l’espérance de vie
de ceux qui les exercent ?
L’écart d’espérance de vie est de six ans
entre un cadre et un ouvrier, et de treize ans entre les personnes appartenant
aux 5 % les plus riches de la population et celles faisant partie des
5 % les plus pauvres. C’est donc bien la justice sociale qui permettra
d’atteindre l’équité que vous souhaitez ! Quel est donc le danger à adopter
cet amendement ? Je ne comprendrais pas qu’il soit rejeté.
Mme la
présidente. La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Notre débat est assez extraordinaire.
L’espérance
de vie en bonne santé, sans incapacité, est de 59 ans chez les ouvriers et
de 67 ans chez les cadres.
M. Régis
Juanico. Tout à fait !
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Cette différence peut découler de la pénibilité du
travail, mais résulte également du bon comportement en matière de santé.
M. Pierre
Dharréville. C’est donc de leur faute s’ils meurent tôt !
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Nous voulons réparer cette injustice, ce qui est une
bonne chose, notamment en prévoyant un âge de départ en retraite différencié et
une majoration des droits à la retraite. Toutefois, ne vaudrait-il pas mieux la
supprimer en nous attaquant à sa racine, pour le bien-être de nos concitoyens et
la bonne tenue des comptes de la nation ?
Tout cela m’amène à mon
sujet de prédilection et de préoccupation : la prévention en santé,
notamment par l’amélioration des conditions de travail et la promotion des bons
comportements en matière de santé au travail. Au sein de notre société, les deux
inégalités les plus criantes résident dans l’accès à l’éducation et à la santé.
En France, nous détenons deux records : celui de l’espérance de vie, que
nous partageons avec les Japonais, et celui de l’espérance de vie en mauvaise
santé.
L’important retard que nous accusons s’agissant de la prévention
en santé explique pourquoi notre pays compte 20 millions de malades
chroniques, qui eux-mêmes aident à comprendre l’augmentation des dépenses de
soins et l’inégalité en matière d’espérance de vie. La réforme du système de
retraite dont nous débattons présente l’intérêt de se dérouler sur vingt ans.
Nous devrions profiter de ce délai pour investir massivement dans la prévention
et les bons comportements en santé.
M.
Jean-Paul Mattei. Excellent !
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Certains pays ont consenti cet effort massif, à hauteur
de 1 % de leur PIB, ce qui leur a permis de faire converger l’espérance de
vie des différentes catégories de leur population. Nous devrons consentir un
effort du même ordre lors de l’examen du prochain projet de loi de financement
de la sécurité sociale. La convergence de l’espérance de vie, parmi les salariés
et les retraités, est la condition sine qua non d’une juste réforme des
retraites.
M. Sylvain
Maillard. Excellent !
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Dès lors que le Gouvernement soutient que la réforme du système
de retraite ne constituera pas une régression sociale, nous attendons des
garanties s’agissant du maintien d’un taux élevé de remplacement des retraites,
qui est de l’ordre de 75 %, et du niveau de vie des retraités relativement
à celui des actifs, dont il représente environ 106 %. Sur ce point
également, nous devons obtenir des garanties, monsieur le secrétaire d’État,
même si nous en avons abondamment débattu en commission spéciale. Enfin, je
rappelle que le taux de pauvreté, parmi les retraités, est d’environ 7 %,
ce qui est faible.
Si l’on se penche sur les chiffres, on constate que
l’âge moyen de liquidation des droits à la retraite est de 63,5 ans dans le
secteur privé. Si l’on tient compte du secteur public, donc de l’ensemble de la
population active, on parvient à un âge moyen d’environ 62 ans.
Par
ailleurs, l’espérance de vie en bonne santé – ou en santé, ou sans incapacité,
ce qui est exactement pareil – constitue un indicateur précieux. Elle s’élève à
64 ans, soit un an de moins que l’âge pivot, dont l’entrée en vigueur
pleine et entière est prévue pour 2037, et qui évoluera par la suite. Nous
nourrissons donc de fortes inquiétudes, craignant que le nouveau système ne
produise des retraités pauvres, ou dont l’état de santé sera dégradé.
Je
suis très inquiet de la remise en cause de la notion d’espérance de vie en bonne
santé. Cet indicateur statistique a été élaboré par la direction de la
recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques – DREES – du
ministère des solidarités et de la santé, et consolidé à l’échelon européen par
EUROSTAT. Il mesure le nombre d’années que l’on peut espérer vivre sans devoir
limiter ses activités quotidiennes, et se fonde sur le dépouillement des
réponses à un questionnaire.
Mme Cendra
Motin. J’aimerais savoir comment il est élaboré !
M. Régis
Juanico. Par exemple, il indique un écart de dix ans entre notre pays et
la Suède. M. Isaac-Sibille vient de rappeler que l’écart entre un ouvrier
et un cadre supérieur, en la matière, est de l’ordre de dix ans et peut même
atteindre quinze ans. Il faut consolider cet indicateur.
Monsieur le
secrétaire d’État, soit vous le remettez en cause, soit vous l’améliorez, ce qui
suppose de donner davantage de moyens financiers aux statisticiens, qui
affirment qu’il est robuste et solide. Ils pourront alors mener une enquête sur
un échantillon accru. Si vous remettez en cause les enquêtes menées par les
services publics chargés des études statistiques au sein d’échantillons
représentatifs, il est à craindre que vous viserez également les enquêtes sur la
situation de l’emploi.
M. Pierre
Dharréville. Bravo !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais
revenir sur les observations que vous avez formulées, en réponse à Éric Woerth,
au sujet du financement de l’AVPF. Elles ne correspondent absolument pas au
graphique figurant à la page 811 de l’étude d’impact, présentant les masses
financières consacrées aux droits familiaux, AVPF comprise. En la matière, la
situation sera pire après qu’avant, même si Mme Fabre affirmait le
contraire hier soir en toute fin de séance.
En réalité, dès lors que vous
refusez d’assumer une mesure d’âge, plusieurs choix s’offraient à vous pour
réformer le système de retraite. Le premier consistait à augmenter les
cotisations, ce qui aurait présenté le risque de mettre en danger notre
compétitivité, mais peut-être y viendra-t-on à l’issue de la conférence de
financement !
Le deuxième consistait à exproprier les caisses de
retraite excédentaires de leurs réserves financières. Dans une large mesure,
vous le faites, en affirmant que vous procédez non à une expropriation mais à
une mutualisation, ce qui n’en est pas moins contraire au droit de propriété. En
tout état de cause, cela ne sera pas suffisant. M. le rapporteur rappelait
tout à l’heure que certaines professions présentent un rapport démographique
favorable, ce qui explique pourquoi vous leur faites les poches !
M. Sylvain
Maillard. C’est faux !
M. Rémy
Rebeyrotte. Quelle démagogie !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Enfin, le dernier choix qui s’offrait à vous, et
pour lequel vous avez opté, consiste à diminuer le niveau des pensions, ce qui
est profondément injuste pour les Français. Je comprends les inquiétudes
qu’expriment les sous-amendements dont nous débattons, et dont l’adoption
permettrait de le maintenir. Il ne suffit pas de dire « Ne vous inquiétez
pas, braves gens, tout ira mieux après ! ». Chacun a compris que la
valeur réelle des pensions subira une baisse généralisée, sous la forme de
super-décotes.
M. Julien
Borowczyk. C’est totalement faux !
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel, pour un rappel au
règlement.
M. Éric
Coquerel. Il se fonde sur l’article 70, alinéa 3 du règlement,
relatif à la mise en cause personnelle d’un membre de notre assemblée par un
autre. En l’espèce, il ne s’agit pas de moi, mais de François
Ruffin.
Madame la présidente, j’aimerais connaître votre position au
sujet des photos prises par nos collègues dans l’hémicycle. J’aimerais que vous
rappeliez notamment qu’elles ne peuvent servir à illustrer des mises en cause
sur Twitter.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. C’est
un connaisseur qui parle !
M. Éric
Coquerel. Il me semble qu’une telle disposition figure dans le
règlement. Or Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas s’est livrée à une telle
publication à l’encontre de notre collègue François Ruffin, ce matin à 10 heures
35.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Et
les vidéos que vous diffusez ?
M. Éric
Coquerel. Elle est pourtant membre d’un groupe dont les membres donnent
des leçons à tout le monde au sujet des publications sur les réseaux sociaux. Il
serait de bon aloi, me semble-t-il, de ne pas nous lancer des injures, ni au
sein de l’Assemblée – nous en avons entendu hier soir –, ni sur les réseaux
sociaux, ce qui est pire. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI, LR,
SOC et GDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir. –
M .M’jid El Guerrab applaudit
également.)
M. Rémy Rebeyrotte.
C’est l’hôpital qui se moque de la charité !
M. Patrick
Mignola. Nous allons appeler Juan Branco !
Mme la
présidente. Chers collègues, permettez-moi de formuler une remarque
d’ordre personnel. Lorsque nous avons révisé le règlement, j’étais favorable à
l’interdiction de prendre des photos dans l’hémicycle.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Bien
sûr !
Mme la
présidente. Telle n’a pas été l’orientation retenue par la majorité du
bureau de l’Assemblée.
M. Alexis
Corbière. En êtes-vous sûre ? Quand nous en prenons, les huissiers
nous disent de ne pas le faire !
Mme la
présidente. Une telle interdiction éviterait pourtant ce genre
d’incidents en effet déplaisants.
M. Philippe
Gosselin. Très bien !
M. Erwan
Balanant. Il faut laisser aux photographes le soin de prendre des
photos !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.
M. Jean
Lassalle. Monsieur le secrétaire d’État, je suis impressionné par le
travail que vous avez accompli, sous toutes ses formes, ne serait-ce que
l’inventaire des professions et des métiers à l’échelle de notre pays. Le
problème est qu’il n’est pas possible, me semble-t-il, d’engager une réforme
d’une telle ampleur en l’état actuel de nos finances publiques, état qui n’a
rien de nouveau.
Cette affaire a quelque chose de dramatique. Au fond, il
y a bien des problèmes sur lesquels nous pourrions nous entendre, car leur
solution tombe sous le coup du bon sens. Le problème, c’est que la confiance a
été rompue.
Monsieur le secrétaire d’État, vous qui êtes tout neuf, car
vous venez d’arriver au Gouvernement – auparavant, vous étiez sur ces bancs,
vous êtes donc en forme –, j’aimerais que vous indiquiez au Président de la
République que, si nous ne menons pas à bien la réforme des retraites dans
l’immédiat, au fond, ce n’est pas si grave. J’ai vu plus d’un président de la
République et plus d’un premier ministre renoncer, au moins momentanément.
M.
Christian Hutin. J’en ai connu aussi !
M. Jean
Lassalle. Pour l’heure, nous perdons notre temps. J’ai vu jadis
Mme Christine Boutin lire des versets de la Bible à la tribune pendant une
demi-heure (Murmures sur divers bancs) et Mme Roselyne Bachelot
raconter la cène. C’est dire que M. Mélenchon et M. Chassaigne, sans
parler de M. Ruffin, n’ont rien inventé !
Le problème est que
le contexte, depuis lors, a changé. Le pays était alors plus structuré qu’il ne
l’est à l’heure actuelle, et les partis y jouaient un rôle plus important. Pour
avoir participé à presque toutes les manifestations, …
Mme la
présidente. Cher collègue, votre temps de parole est de deux minutes.
Elles sont largement écoulées.
M. Marc Le
Fur. Ce que dit notre collègue est intéressant, madame la
présidente !
M. Jean
Lassalle. Je conclus et quitte l’hémicycle, madame la présidente. J’ai
le sentiment – je tiens à le dire solennellement – que le contexte dans lequel
se trouve ce pays est dangereux. (Applaudissements sur quelques bancs du
groupe LT.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Nous devrions nous ranger à la sagesse de Jean Lassalle et
renoncer au texte.
M. Bruno
Millienne. Ils sont prêts à tout !
M. Pierre
Dharréville. J’aimerais évoquer deux sujets. Le premier, la pénibilité
professionnelle, a été abordé tout à l’heure par M. Isaac-Sibille. Relevant
des différences en matière d’espérance de vie en fonction des catégories
socio-professionnelles, il a suggéré qu’elles pouvaient s’expliquer par des
carences en matière d’hygiène de vie, et par le fait que des gens ne prennent
pas assez soin d’eux-mêmes.
Il me semble nécessaire, au contraire, de
bien prendre la mesure du fait que les différences entre catégories
socio-professionnelles s’expliquent par les différences entre les métiers. Il
faut donc agir – notre collègue a raison sur ce point – en renforçant la
prévention en santé bien plus vigoureusement que nous ne le faisons à l’heure
actuelle.
Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une réalité à laquelle, pour
l’heure, nous n’échappons pas. Elle doit donc donner lieu à des droits
supplémentaires et à des compensations. Cela me semble tout à fait
essentiel.
J’aimerais évoquer également le taux de remplacement, au sujet
duquel nous avons un débat avec M. le secrétaire d’État. Il a pris le temps
de nous répondre, ce qui me semble nécessaire, car il existe de nombreuses
interrogations, de nombreuses zones de flou, de nombreuses zones d’ombre dans le
texte de loi. Ses réponses sont absolument indispensables pour faire en sorte
que le Parlement soit pleinement éclairé – nous en sommes encore très
loin.
Contrairement à ce que vous affirmez, monsieur le secrétaire
d’État, l’objectif de votre texte n’est absolument pas de résorber les
inégalités en la matière. Son objectif est tout autre : il vise, comme vous
l’avez rappelé au demeurant, à faire travailler plus longtemps les seniors, afin
qu’ils soient plus nombreux à occuper un emploi – ou à être au chômage, comme
certains le seront inévitablement, ce qui diminuera le niveau de leur pension.
Tel est l’objectif que vous poursuivez.
Je vous interroge donc au sujet
de votre objectif en matière de taux de remplacement. Pouvez-vous l’indiquer
clairement ? Vous n’avez rien dit à ce sujet. J’irai même plus loin :
quels sont vos engagements en la matière ? Nous devons le savoir.
En
effet, le cœur de votre système consiste justement à ne prendre aucun
engagement, à ne donner aucune garantie de droit. Offrez des garanties à ce
sujet ! Il n’est pas possible que nous décidions de l’avenir de nos
retraites sans connaître le taux de remplacement et les objectifs du
Gouvernement en la matière.
Fait personnel
Mme la
présidente. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour un fait
personnel.
Mme
Clémentine Autain. Je précise à M. Lassalle – peut-être sa langue
a-t-elle fourché – que je ne suis jamais montée à la tribune pour lire des
versets de la Bible.
M. Fabien
Di Filippo. On aimerait bien !
Mme
Clémentine Autain. Il s’agissait sans doute de Mme Christine
Boutin, chacun et chacune l’aura compris.
Plusieurs députés du groupe
LT. C’est bien ce qu’il a dit !
Mme
Clémentine Autain. Par ailleurs, s’agissant des insultes proférées par
le biais de Twitter, notamment des insultes et des remarques à caractère
sexiste, et compte tenu de la sensibilité aiguë – que je partage, vous
l’imaginez bien, chers collègues – dont fait preuve cette assemblée à ce sujet,
j’indique que l’un de nos collègues, Meyer Habib, a traité l’une de nos
collègues et moi-même de « petites connes », sous le hashtag
#ACauseDesPetitesConnes.
Nous avons tous à cœur, me semble-t-il, de faire
en sorte que ce genre de propos sexiste et injurieux, tant dans l’hémicycle que
par le biais de Twitter, ne soient plus tenus. (Applaudissements sur les
bancs du groupe FI et sur divers bancs des groupes LaREM et
LT.)
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Fadila Khattabi.
Mme Fadila
Khattabi. S’agissant des indépendants, nous souhaitons qu’ils intègrent
le système universel. Pour ce faire, les membres des professions indépendantes
cotiseront tous à un taux identique. C’est cela, l’équité ! C’est cela, la
justice sociale ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
Toutefois, nous prévoyons – car nous ne sommes pas favorables
à une application brutale de la réforme, contrairement à ce que l’on entend dire
–…
M. Marc Le
Fur. Dit par une députée de la majorité, cela ne signifie
rien !
Mme Fadila
Khattabi. …une période de transition de vingt ans, afin de prendre en
compte les spécificités des diverses catégories professionnelles.
M. Fabien
Roussel. La régression sociale est étalée dans le temps !
Mme Fadila
Khattabi. Ainsi, l’Union des entreprises de proximité a validé le projet
de loi à l’issue d’une concertation de ses membres. Elle salue notamment
l’institution du minimum contributif, tout comme les agriculteurs.
Je me
suis récemment entretenue avec une esthéticienne qui travaille à son compte
depuis douze ans et se verse une rémunération de 900 euros par mois
seulement. Elle compte évidemment sur nous pour mener à bien cette réforme qui
lui permettra, demain, de bénéficier d’une pension décente. C’est cela, la
justice sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
(Les sous-amendements nos 41849 et 41853,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41857.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 149
Nombre
de suffrages
exprimés 139
Majorité
absolue 70
Pour
l’adoption 34
Contre 105
(Le sous-amendement no 41857 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 41859 et 41861,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41865.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 148
Nombre
de suffrages
exprimés 142
Majorité
absolue 72
Pour
l’adoption 38
Contre 104
(Le sous-amendement no 41865 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41866.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 142
Nombre
de suffrages
exprimés 132
Majorité
absolue 67
Pour
l’adoption 31
Contre 101
(Le sous-amendement no 41866 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 41870 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41987.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 148
Nombre
de suffrages
exprimés 137
Majorité
absolue 69
Pour
l’adoption 33
Contre 104
(Le sous-amendement no 41987 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 41872 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41874.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 153
Nombre
de suffrages
exprimés 141
Majorité
absolue 71
Pour
l’adoption 35
Contre 106
(Le sous-amendement no 41874 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42072.
M. Marc Le
Fur. Sur les assistantes maternelles !
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 149
Nombre
de suffrages
exprimés 147
Majorité
absolue 74
Pour
l’adoption 49
Contre 98
(Le sous-amendement no 42072 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix l’amendement no 23973.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 152
Nombre
de suffrages
exprimés 147
Majorité
absolue 74
Pour
l’adoption 44
Contre 103
(L’amendement no 23973 n’est pas
adopté.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la
présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinq, est reprise à onze heures
vingt-cinq.)
Mme la
présidente. La séance est reprise.
Sur l’amendement
no 23971, je suis saisie par le groupe Socialistes et apparentés
et par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Rappels au règlement
Mme la
présidente. Avant de défendre cet amendement, monsieur Vallaud, vous
avez la parole pour un rappel au règlement.
M. Boris
Vallaud. Mon rappel au règlement, madame la présidente, se fonde sur
l’article 100, alinéa 5.
Il s’agit, en quelque sorte, d’un
droit de suite par rapport à nos précédentes interventions, car vous savez à
quel point nous sommes soucieux du respect des droits du Parlement, et en
particulier du droit d’amendement. C’est pour cette raison que nous avons
interrogé M. Ferrand sur la règle qu’il a inventée, selon laquelle nous
devons rejeter un amendement dont l’objet est le même qu’un amendement
précédemment rejeté, et qui porte sur un autre article.
Nous disposons de
plusieurs exemples qui montrent que cette pratique n’est pas constante. Celle-ci
n’a, en effet, pas été utilisée lors de l’examen du texte en commission
spéciale, pas plus qu’elle ne l’a été à propos des amendements déposés par le
groupe de la Gauche démocrate et républicaine en 2013 lors de l’examen du
précédent projet de loi sur les retraites.
À ces deux premiers exemples,
attestant du caractère infondé de la règle énoncée par le président Ferrand,
j’en ajoute un troisième : celui de la première séance du 30 mars
2009. Quel était le contexte ? L’Assemblée nationale examinait le projet de
loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet et un
amendement de Martine Billard visant à ce qu’un représentant de la CNIL
– Commission nationale de l’informatique et des libertés – siège au
sein du collège de la HADOPI – Haute autorité pour la diffusion des œuvres
et la protection des droits sur internet – avait été rejeté. En
conséquence, un second amendement de Mme Billard, qui visait à modifier le
nombre de membres du collège de la HADOPI afin d’intégrer un membre de la CNIL,
avait été rejeté. Il y avait donc une certaine logique, qui ne correspond en
rien à la règle évoquée par M. Ferrand.
Je demande donc à nouveau
que l’on ne puisse revendiquer cette règle qui n’existe pas et que les
amendements de nos collègues communistes, comme tous ceux qui pourraient être
supprimés sur ce fondement, soient réintégrés. Je souhaite qu’il soit pris acte
de cela lors de la conférence des présidents et que le président de l’Assemblée
nationale nous dise qu’il s’agissait manifestement d’une mésinterprétation du
règlement de sa part, car je ne veux pas croire qu’il ait été animé par le désir
obscur de brider le débat parlementaire et le droit d’amendement.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour un autre
rappel au règlement.
Mme Valérie
Rabault. Il se fonde également, madame la présidente, sur
l’article 100, alinéa 5 de notre règlement.
Je souhaite
compléter le rappel au règlement précédent en évoquant un quatrième cas, que
vous nous avez transmis hier par l’intermédiaire du service de la séance. Ce cas
est plus récent, étant donné qu’il remonte au 30 janvier 2019 et qu’il
concerne donc cette législature. Notre collègue Laure de La Raudière
avait, en commission, déposé un amendement à l’article 1er de la
proposition de loi portant création d’une agence nationale de la cohésion des
territoires. Cet amendement, qui visait à renommer cette agence en l’intitulant
« agence des territoires », avait été rejeté, faisant tomber un autre
amendement qui devait être discuté ultérieurement, lequel visait à modifier le
titre de la proposition de loi. Il s’agissait donc bien d’une conséquence du
rejet de l’amendement initial, et non d’un amendement qui lui était
identique.
Nous souhaitions évoquer ces précisions au sein de
l’hémicycle, même si, comme vous l’avez très justement rappelé, madame la
présidente, j’imagine que nous aurons l’occasion de les présenter au président
Richard Ferrand en conférence des présidents à quatorze heures trente.
Mme la
présidente. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour un rappel au
règlement. Sur quel fondement le formulez-vous, mon cher collègue ?
M. Bastien
Lachaud. Sur celui de l’article 100, alinéa 5, du règlement,
madame la présidente. En vertu de cette disposition, lorsque des amendements
identiques sont issus d’un même groupe, le président de séance peut
effectivement donner la parole à un seul orateur de ce groupe. Seulement,
l’application de cette règle doit respecter un certain nombre de conditions. La
décision no 2019-785 DC du Conseil constitutionnel a bien
précisé que le président de séance « ne saurait recourir à cette limitation
que pour prévenir les usages abusifs ».
Très clairement, il convient
de prendre en considération non pas un seul critère, mais plusieurs critères
cumulatifs. La seule circonstance que les exposés sommaires des amendements
identiques soient les mêmes et que nous ayons une volonté, même délibérée,
d’obstruction…
M. Rémy
Rebeyrotte. C’est un aveu ?
M. Bastien
Lachaud. …ne suffit pas. Le président doit démontrer que les
présentations orales des orateurs de notre groupe sont identiques – ce qui
n’est pas le cas – et qu’elles nuisent à la clarté et à la sincérité des
débats.
Or, au contraire, la multiplication des amendements en commission
spéciale a permis de mettre en lumière les lacunes du texte et l’incompétence du
Gouvernement et des rapporteurs, qui n’ont pas été en mesure d’apporter des
explications concernant les différents points que nous avons
relevés.
J’irai même plus loin : l’article 18 de la loi
organique no 2009-403 impose que les règlements des assemblées
garantissent le droit d’expression des groupes d’opposition, également garanti
par l’article 44 de la Constitution.
L’interprétation que le
président donne de l’article 100, alinéa 5, est donc contraire à
l’article 44 de la Constitution combiné à l’article 18 de la loi
organique, tels qu’interprétés par le Conseil constitutionnel dans ses décisions
nos 2009-579 DC et 2019-785 DC.
La restriction du
temps de parole des membres de notre groupe ne peut intervenir qu’à la condition
que l’on démontre que nos interventions orales sont identiques et répétitives.
Dans le cas contraire, il s’agit d’une atteinte intolérable au droit
d’expression inhérent au droit d’amendement. De plus, cette atteinte est
manifestement discriminatoire, dans la mesure où d’autres groupes ont procédé à
la même manœuvre…
M. Rémy
Rebeyrotte. Quel aveu !
M. Bastien
Lachaud. …et n’ont pas été privés de parole pour défendre leurs
amendements.
Ce raisonnement vaut tout autant pour les amendements
déposés en commission, l’article 44 de la Constitution indiquant que le
droit d’amendement « s’exerce en séance ou en commission ». Or
l’impossibilité faite à notre groupe de soutenir ses amendements en commission a
empêché nos différents orateurs de s’exprimer, ce qui impose, dès lors,…
Mme la
présidente. Merci, monsieur Lachaud…
M. Bastien
Lachaud. …que l’on nous accorde un temps suffisant pour les défendre en
séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Mme la
présidente. La question des séries d’amendements identiques a été, je
crois, tranchée hier…
M. Bastien
Lachaud et M. Fabien Roussel. Non, non !
Mme la
présidente. …et n’a plus fait débat depuis lors. En cas de dépôt massif
et simultané d’amendements dont l’exposé sommaire est identique, le président
peut donner la parole à un seul orateur. Cela a été admis par l’ensemble des
groupes.
Quant à la question des amendements identiques déposés en
plusieurs endroits du texte, elle est effectivement très débattue depuis
hier.
M. Fabien
Roussel. Voilà !
Mme la
présidente. Elle fera l’objet, je le suppose, de la réunion de la
conférence des présidents qui se tiendra aujourd’hui à quatorze heures
trente.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. Je suis saisie d’un amendement no 23971, qui
fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à
M. Christian Hutin, pour soutenir l’amendement.
M.
Christian Hutin. Premièrement, madame la présidente, je vous remercie
pour la qualité de votre présidence.
Mme la
présidente. Merci.
M.
Christian Hutin. Vous avez ramené de la sérénité dans nos débats :
nous sommes unanimes sur ce point, et je tiens à vous en féliciter.
(Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI, GDR et LR ainsi que
parmi les députés non inscrits.)
M. Rémy
Rebeyrotte. Votre intervention est saluée par l’extrême-droite !
Bravo !
M.
Christian Hutin. Deuxièmement, disons les choses clairement, c’est la
première fois depuis très longtemps que, lorsque cinq présidents de groupe
demandent une réunion d’urgence de la conférence des présidents, celle-ci n’est
convoquée qu’à quatorze heures trente, à l’heure du digestif. Peut-être
aurait-on pu faire davantage diligence.
Troisièmement, je suis très
heureux d’être du même côté de la barricade que mes amis des groupes FI et
GDR : nous sommes très fiers qu’ils proposent de sous-amender nos
amendements. Ils ont ainsi trouvé une solution qui leur permet d’exister, malgré
l’obstruction que vous pratiquez à leur encontre.
M. Vincent
Bru. L’« obstruction », dites-vous…
M. Rémy
Rebeyrotte. C’est une plaisanterie !
M.
Christian Hutin. Comment ?
M. Rémy
Rebeyrotte. C’est une plaisanterie…
Mme la
présidente. Mes chers collègues, je vous prie d’éviter les dialogues
entre vous.
M.
Christian Hutin. Quatrièmement, mon amendement concerne des professions
menacées, parmi lesquelles, tout particulièrement, celle des avocats, pilier de
notre République.
M. Roland
Lescure. S’il y a une profession menacée aujourd’hui, c’est celle des
députés !
M.
Christian Hutin. Il ne s’agit pas d’intérêts catégoriels ; nous
parlons des avocats qui ne gagnent pas beaucoup d’argent, voire pas un sou, et
qui interviennent dans le cadre de l’aide juridictionnelle,…
M. Vincent
Descoeur. Leur nombre va diminuer dans certains territoires ! Il a
raison !
M.
Christian Hutin. …pour défendre non pas tant des voyous que les parties
civiles ou les femmes battues, dans des affaires graves.
M.
Jean-René Cazeneuve. Pour défendre Cahuzac ?
M.
Christian Hutin. Cette réforme des retraites, dans son ensemble, va les
abattre. Après la fin des tribunaux de proximité, ce sera celle de la justice
des pauvres. (M. Boris Vallaud applaudit.) Je ne sais
pas si le président est celui des riches, mais ce sera, j’en suis certain, la
fin de la justice des pauvres.
Des cabinets vont disparaître, car les
avocats ne pourront plus payer leur retraite.
M.
Jean-René Cazeneuve. Arrêtez !
M. Fabien
Roussel. C’est la réalité !
M. Boris
Vallaud. Il a raison !
M. Alain
Bruneel. Assumez cette réalité !
M.
Christian Hutin. C’est un point essentiel. Les avocats sont l’une des
bases de notre République, et vous êtes en train de la saper.
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC, GDR et FI.)
M. Roland
Lescure. Vous jouez sur les peurs !
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41855.
M.
Sébastien Jumel. Il faut reconnaître aux libéraux que vous êtes une
certaine cohérence. Les lois se suivent, se ressemblent et se complètent en
poursuivant toujours le même objectif : accélérer le détricotage du modèle
social français et le déménagement de nos territoires.
La loi de
programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a éloigné cette fonction
régalienne de l’État de nos territoires de vie.
M. Erwan
Balanant. Quel est le rapport ?
M.
Sébastien Jumel. Elle l’a déshumanisée en faisant reculer l’accès au
droit pour nos concitoyens, notamment les plus fragiles et ceux qui vivent dans
les territoires les plus éloignés des métropoles.
En faisant entrer, au
chausse-pied, d’une manière brutale, unilatérale et non concertée, le régime des
avocats dans votre mauvais système non universel de retraite, ce qui aura une
incidence sur leur taux de cotisation, vous portez un coup à la profession.
Notre collègue Hutin a raison de dire que vous portez un coup supplémentaire à
la capacité de nos concitoyens à faire valoir leurs droits en faisant appel à
des avocats de proximité, lesquels ne roulent pas tous sur l’or.
J’ai
réalisé une étude d’impact dans mon territoire à l’époque où Rachida Dati
voulait déménager le tribunal de Dieppe. Nous l’avons actualisée à l’occasion de
votre réforme de la justice. Si vous affaiblissez les cabinets d’avocats situés
dans les villes moyennes ou en diminuez le nombre, cela aura un impact profond
sur l’économie réelle et sur les emplois directs liés à la présence de la
justice.
M.
Christian Hutin. Très juste !
M.
Sébastien Jumel. C’est pourquoi nous soutenons avec force l’amendement
no 23971, qui vise à préserver les professions en
question.
Mme la
présidente. Le sous-amendement no 42229 de
Mme Clémentine Autain est défendu.
La parole est à M. Fabien
Roussel, pour soutenir le sous-amendement no 41860.
M. Erwan
Balanant. Il y a un micro ici !
M. Fabien
Roussel. Je n’irai pas de vôtre côté de l’hémicycle, on serait capable
de me faire un croche-pied ! (Sourires.)
Il s’agit d’un
sous-amendement de précision, qui vise à remplacer les termes « ne
conduisent » par « n’aboutissent », afin d’améliorer la rédaction
de l’excellent amendement de nos collègues socialistes, relatif aux
indépendants.
En préambule, je rappelle que, si nous proposons de
sous-amender de cette manière, c’est parce que le président Ferrand a
délibérément décidé de supprimer 1 184 amendements déposés par les
députés communistes, ce qui est une première sous la
Ve République.
M.
Christian Hutin. Nous sommes du même côté de la barricade !
M. Fabien
Roussel. Nous pensions que les procédés de ce genre à l’égard des
communistes n’existaient plus dans notre pays. Malheureusement, ils sont à
nouveau mis en œuvre, et nous espérons obtenir tous les éclaircissements
nécessaires pour réparer cette ignominie, cette injustice à l’égard de notre
formation politique. (Exclamations sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
M. Roland
Lescure. Ce sont les communistes qui vont bientôt ne plus
exister !
Mme la
présidente. Mes chers collègues, s’il vous plaît !
M. Fabien
Roussel. Le présent sous-amendement porte sur les indépendants, et nous
en utiliserons autant qu’il le faudra pour éclairer nos concitoyens sur la
réalité de votre projet loi, qui fera du mal comme jamais. Vous allez, avez-vous
dit, lisser la hausse des cotisations pour les indépendants en prévoyant un
régime transitoire qui s’étalera sur une vingtaine d’années. Car la régression
sociale, ça s’étale, quand ça fait mal ! Voilà ce que vous êtes obligés de
faire.
Cette régression sociale, vous allez l’imposer aussi aux centaines
de milliers de jeunes titulaires d’un contrat Uber ou Deliveroo – car ce
sont des indépendants –, à ceux qui travaillent à coups de pédale. J’ai
donné quelques chiffres tout à l’heure, mais mes collaborateurs ont tenu à me
rappeler la réalité du phénomène. Le nombre de créations d’entreprise en France
est passé de 691 000 en 2018 à 815 000 en 2019, soit une augmentation
de 17,9 %. Cependant, 386 326 de ces 815 000 entreprises,
c’est-à-dire près d’une sur deux, sont des micro-entreprises.
Mme la
présidente. Merci, mon cher collègue…
M. Fabien
Roussel. C’est à tous ces pauvres jeunes hommes et jeunes femmes sous
contrat Uber que vous allez demander de travailler jusqu’à 65 ans.
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et FI.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41858.
M. Pierre
Dharréville. Nous continuons à défendre, avec la même constance, le
principe de non-régression sociale ; nous voulons l’inscrire dans la loi.
Pour que ce texte soit effectivement conforme aux magnifiques, mirifiques et
mirobolantes intentions que vous lui attribuez, il faudrait au moins lui
assigner clairement cet objectif de non-régression sociale.
Je vous ai
posé des questions à ce sujet tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, et
je n’ai pas le sentiment que vous m’ayez répondu à ce stade, mais je ne
désespère pas. J’en ajoute d’ailleurs une autre, relative aux professions
libérales.
Parmi ces professions, nous avons évoqué, à juste titre, celle
des avocats, dont la mobilisation est elle aussi massive – vous l’avez
constaté – et se poursuit, à tel point que Mme la garde des sceaux,
ministre la justice, a été obligée de leur écrire, en reconnaissant que cela
posait un problème au système de justice.
M.
Christian Hutin. La réforme est menaçante pour les avocats !
M. Pierre
Dharréville. C’est le principe même de la grève : quand les gens
cessent de travailler, le travail n’est plus fait, ce qui pose des problèmes.
S’ils le font, c’est parce qu’ils estiment que le contrat dans le cadre duquel
ils se sont engagés est rompu ou menacé ou parce qu’ils souhaitent légitimement
l’améliorer. En l’espèce, ils considèrent qu’il y a une rupture par rapport à ce
qui était initialement prévu.
Monsieur le secrétaire d’État, avez-vous
une idée de la manière dont évoluera, avec votre réforme, le taux de rendement
de la cotisation des professions libérales, notamment celui de la cotisation des
avocats ?
M. Fabien
Di Filippo. C’est une bonne question !
M. Pierre
Dharréville. Si vous n’avez pas d’idée à ce sujet, il faut, selon moi,
retirer la réforme. Je sais bien que cela ne fait pas partie de vos
préoccupations, puisque les pensions seront la variable d’ajustement permanente,
avec l’âge de départ. Toutefois, vous ne pouvez pas aller au bout de cette
réforme sans prendre des engagements sur ce point, sans, au minimum, donner une
trajectoire qui ne figure pas dans votre étude d’impact.
M. Fabien
Di Filippo. Le secrétaire d’État a forcément des simulations ! Ou
alors, c’est un amateur !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir le
sous-amendement no 42206.
Mme
Clémentine Autain. Ce sous-amendement à l’excellent amendement de nos
collègues socialistes vise, au fond, à interroger le Gouvernement sur le
caractère régressif de son projet de loi.
En commission spéciale,
M. le rapporteur s’en souvient sans doute, nous avons débattu de la notion
de progrès social. Un progrès social correspond à une amélioration de la
situation. Or de très nombreux secteurs se mobilisent contre la réforme parce
qu’ils ont bien compris qu’elle allait mener à une grande régression, à un
moins-disant pour eux.
La réforme aura en effet des conséquences très
préoccupantes pour certaines catégories de la population.
Pour les
fonctionnaires, je l’ai dit et le répète, le taux de remplacement chutera de
30 %, en raison d’un calcul sur l’ensemble de la carrière et non plus sur
les six derniers mois.
Si les avocats sont particulièrement mobilisés,
c’est parce qu’ils voient bien que leur profession sera en très grande
difficulté à cause du supplément de cotisation que vous allez leur demander de
prendre en charge. Et ce ne sont pas les grands avocats qui vont en payer le
prix ; ce sont ceux qui sont au plus près des populations les plus
modestes. C’est le droit et l’accès à la justice qui s’en trouvent
menacés.
Par cet amendement et ces sous-amendements, nous voulons tout
simplement vous interpeller, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues de
la majorité, afin que vous évaluiez bien les répercussions des mesures que vous
allez prendre pour des catégories professionnelles importantes de notre société.
Ces mesures vont conduire non pas à un progrès social, mais à une immense
régression sociale. Je crois qu’il y a, avec la Macronie, un petit problème…
M. Fabien
Di Filippo. Un gros problème !
Mme
Clémentine Autain. …dans la façon de penser l’enjeu du progrès
social.
Faits personnels
Mme la
présidente. La parole est à M. Meyer Habib, pour un fait
personnel.
M. Meyer
Habib. J’ai été mis en cause personnellement par Mme Autain. Il me
semble que, comme le veut le règlement de l’Assemblée nationale, un rappel à
l’ordre, au minimum, aurait dû lui être adressé.
De quoi s’agit-il ?
Des députés et sénateurs de trois partis politiques – des Insoumis, des
communistes et des écologistes –, ceints de leur écharpe tricolore, ont
piétiné, devant l’Assemblée nationale, dans une parodie de lynchage, une
marionnette représentant le Président de la République.
Je crois, madame
la présidente, que toutes les limites ont été franchies – et je le dis bien
que je fasse partie de l’opposition ! (Applaudissements sur de nombreux
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Il y quelques semaines, lors des
manifestations à Paris, la tête du Président de la République a été présentée au
bout d’une pique : des limites ont été dépassées, dans un silence
assourdissant. J’ai en mémoire la scène et la prise de parole de Robert
Badinter, qui s’exprime si rarement : dans une parole magnifique, il a
rappelé que derrière le symbole, il y a la pulsion. (Conciliabules sur les
bancs du groupe FI.)
C’est évidemment pour cette raison que j’ai
tweeté, comme j’en ai le droit, à propos de cette danse sur l’air de « À
cause des garçons », en inscrivant le hashtag « À cause des petites
connes ». (Vives protestations sur les bancs des groupes FI et
GDR.)
M. Fabien
Roussel. Mais on est où, là ?
Mme
Clémentine Autain. Rappel au règlement !
M. Meyer
Habib. C’est bien le minimum que nous puissions…
Mme la
présidente. S’il vous plaît, monsieur le député…
M. Meyer
Habib. Ah, c’est marrant ? Ce que vous faites est scandaleux !
(Mêmes mouvements.) Vous attisez la haine ! (Plusieurs députés du
groupe GDR se lèvent et protestent vivement.)
M. Fabien
Roussel. C’est honteux ! Et il s’affiche avec le Président de la
République !
M. Meyer
Habib. Vous attisez la haine !
M. Rémy
Rebeyrotte. Vous dépassez les limites !
M. Damien
Abad. Ce qui se passe est assez marrant… (Sourires)
Mme la
présidente. Je rappelle les règles d’intervention au titre d’un rappel
au règlement. (Les protestations, vives, se poursuivent sur les bancs des
groupes FI et GDR.)
M. Meyer
Habib. C’est moi que vous traitez de connard ?
Islamo-gauchistes !
Mme la
présidente. Mes chers collègues, s’il vous plaît : madame Autain,
monsieur Roussel, je vais vous donner la parole, mais avant je voudrais
simplement rappeler que vous devez indiquer le fondement de vos rappels au
règlement. Si c’est en raison d’une mise en cause personnelle, c’est au titre de
l’article 58, et il faut le dire.
M. Meyer
Habib. C’est exactement ça.
Mme la
présidente. Ensuite, je souhaiterais qu’aucune injure ne soit proférée
dans l’hémicycle.
Madame Autain, sur quel fondement demandez-vous un
rappel au règlement ?
Mme
Clémentine Autain. L’article 58, pour mise en cause
personnelle.
M.
Christophe Naegelen. Mais il ne vous a pas citée !
Mme
Clémentine Autain. Nous savons tous ici que M. Meyer Habib ne
connaît pas l’humour et pratique la caricature et l’insulte en permanence. Je
maintiens mes propos : traiter des parlementaires de « petites
connes » sur les réseaux sociaux est à la fois sexiste et
insultant.
Quant à ce que nous avons fait, monsieur Habib…
M. Meyer
Habib. C’est quoi ça ? Une menace ?
Mme
Clémentine Autain. Calmez-vous, monsieur Habib. Prenez un petit peu de
camomille, cela vous fera du bien… (M. Meyer Habib se
lève.) Quant à ce que ma collègue Elsa Faucillon et moi avons fait,…
M. Meyer
Habib. C’est moi que vous menacez ?
Mme la
présidente. Monsieur Habib !
Mme
Clémentine Autain. … nous pourrions en effet le refaire : nous
avons chanté, nous avons dansé, nous avons parodié, nous avons contesté. Ce sont
des droits démocratiques fondamentaux,…
M. Meyer
Habib. Avec votre écharpe tricolore ?
Mme
Clémentine Autain. …que peuvent exercer les citoyennes, les citoyens et
les élus dans leurs fonctions : parce que oui, notre fonction est de
défendre ici nos idées et, s’il le faut, de manifester pour dire nos
convictions. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.) Et
nous pouvons contester dans la joie et la bonne humeur, et avec un esprit
critique qui me semble utile : c’est l’un des éléments phares de toute
démocratie qui se respecte !
(« Bravo ! » sur les
bancs des groupes FI et GDR. – Protestations sur plusieurs
bancs du groupe MODEM.)
Je regrette donc que M. Meyer Habib ne
trouve rien d’autre à faire que de m’insulter une nouvelle fois.
Monsieur
Meyer Habib, j’aimerais bien qu’un jour, vous soyez là pour débattre du fond,
sans injure, sans insulte et sans sexisme ! Mais je pense que cela vous
demanderait un effort hors de votre portée. (Mme Sabine
Rubin applaudit.)
M. Fabien
Roussel. Des excuses, monsieur Habib !
M.
Christian Hutin. On sort un peu du débat, là…
Mme la
présidente. Avant de donner la parole à Mme Marie-George Buffet, je
voudrais simplement vous signaler que, de faits personnels en autres faits
personnels pour y répondre, les prises de parole peuvent continuer de
s’enchaîner longtemps…
Madame Buffet, quel est le fondement de votre
rappel au règlement ?
Mme
Marie-George Buffet. J’interviens au titre de l’article 58,
alinéa 1.
Cher collègue, vos propos font honte à la République.
Plusieurs députés du groupe
GDR. Exactement !
M. Meyer
Habib. Moi ? C’est vous qui piétinez la marionnette du Président de
la République !
Mme
Marie-George Buffet. Vous n’acceptez pas que des mobilisations existent
et se déroulent près de l’Assemblée, dans la joie et la bonne humeur. Vous
n’acceptez pas que des femmes se lèvent pour dire ce qu’elles pensent ; par
vos propos sexistes et vulgaires, vous les rabaissez ! Votre comportement
donne aussi à voir votre pensée politique : elle n’est pas bien
grande ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et
SOC.)
M. Meyer
Habib. Magnifique…
M. Alain
Bruneel. C’est honteux ! Des excuses !
Mme la
présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Avant de demander une suspension de séance, je voudrais dire
à notre collègue Habib qu’il vient d’inventer, en quelque sorte, le délit de
lynchage symbolique. Collègue, la satire, la caricature, ça existe. Et c’est
parce que, contrairement à vous, nous sommes des républicains convaincus et
conséquents, nous sommes opposés à la violence en politique. (Rires et
exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Oui, nous l’avons
toujours été et nous l’avons toujours dit. (Brouhaha.) Danser autour
d’une marionnette ou faire une chorégraphie a avant tout une portée
symbolique ; en revanche, traiter des parlementaires de « petites
connes » n’est plus symbolique : c’est une insulte et c’est
intolérable !
M. Rémy
Rebeyrotte. Quelle honte !
M. Adrien
Quatennens. C’est vous qui faites honte à la République ! Je
demande une suspension de séance, jusqu’à ce que le collègue Habib présente des
excuses pour avoir insulté des parlementaires. (Applaudissements sur les
bancs des groupes FI et GDR.)
Mme la
présidente. Cette suspension est de droit et je vous l’accorderai donc,
mais après avoir donné la parole à MM. Julien Aubert et Eric Woerth, pour
deux rappels au règlement.
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Julien Aubert.
M. Julien
Aubert. Mon rappel se fonde sur l’article 70 de notre règlement,
dont le troisième alinéa dispose qu’on ne doit pas interpeller ou injurier un
autre député dans l’enceinte de l’Assemblée ; le cinquième alinéa, lui,
précise qu’un député ne doit pas se rendre coupable d’injures, de provocations
ou de menaces envers le Président de la République. Ces deux infractions ont été
commises l’une sur Twitter, l’autre sur le parvis de l’Assemblée nationale.
J’aimerais que le fonctionnement de cette assemblée ne soit pas immobilisé par
une partie de ping-pong qui pourrait tout à fait se régler en dehors de
l’hémicycle.
Mme Émilie
Bonnivard. Exactement.
M. Julien
Aubert. À un moment donné, madame la présidente, il faut tirer les
conséquences de ces interventions sur le blocage de nos travaux : si ça
continue comme ça, on peut y passer la nuit ou du moins la journée…
Mme
Brigitte Bourguignon. Oui, allez régler ça ailleurs !
M. Julien
Aubert. Nous devons discuter d’éléments de fond, et beaucoup de Français
attendent ce débat sur la réforme des retraites. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LR, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Mme la
présidente. C’est précisément ce que je viens de dire, monsieur
Aubert.
La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Sur la base des articles 70 et 100 du règlement, je
voudrais ajouter aux propos de mon collègue Julien Aubert qu’on ne peut pas
aller de tweet en tweet : à un moment donné, ça suffit ! D’ailleurs,
les tweets sont en train de prendre le pas sur les articles, ce qui pose tout de
même un problème.
Je pense également que nous n’avons pas à être pris en
otage…
Mme
Marie-George Buffet. Et pendant le mariage pour tous, alors ?
M. Éric
Woerth. …entre les insoumis, qui en rajoutent tout le temps, et un
député qui s’estime insulté : ce n’est pas notre histoire, et cela ne
concerne pas la réforme des retraites !
M. Damien
Abad. C’est infernal.
M. Éric
Woerth. Nous devons parler du fond, car Dieu sait qu’il y a à
dire : nous avons des centaines et des centaines d’amendements à examiner.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LR et LaREM, ainsi que sur
plusieurs bancs du groupe MODEM.)
Alors sortez de l’hémicycle,
discutez ensemble, réglez cela devant la presse, mais pas dans
l’hémicycle !
Mme la
présidente. Les points de vue se sont exprimés, les rappels au règlement
ont été faits : je suspends la séance pour quelques minutes, et nous
reprendrons ensuite l’examen des sous-amendements.
Suspension et reprise de la séance
Mme la
présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à douze
heures.)
Mme la
présidente. La séance est reprise.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Sabine Rubin sur le sous-amendement
no 42206.
Mme Sabine
Rubin. Vous vous félicitez que votre projet de loi assure une pension
minimale de 85 % du SMIC pour tous, ce que j’appelle pour ma part une
obole. Mais ce minimum concernera un nombre croissant de personnes, notamment
les indépendants, à l’image du monde que vous préparez : un monde
d’indépendants et de précarité, de chauffeurs Uber et d’autoentrepreneurs. Votre
réforme, avec ses minima et ses oboles, est donc à l’image du monde de travail
que vous organisez. En ce sens, on ne peut pas affirmer qu’il s’agit d’un
progrès social. De la même façon, vous qualifiez de « progrès social »
le fait de travailler jusqu’à 65 ans, alors qu’il s’agit pour nous d’une
régression de plus d’un siècle. J’aimerais vraiment comprendre en quoi consiste
le progrès social dont vous vous félicitez tant au sujet de cette réforme.
(M. Bastien Lachaud applaudit.)
M. Erwan
Balanant. Je vais vous expliquer !
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41863.
M.
Sébastien Jumel. Chaque jour qui passe, monsieur le secrétaire
d’État, je me demande qui soutient votre réforme.
M. Pierre
Dharréville et M. Boris Vallaud. Personne !
M.
Sébastien Jumel. Il ne se trouve plus personne pour soutenir votre
réforme ! (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
Un député du groupe
LaREM. Ce n’est pas vrai !
M.
Sébastien Jumel. Le MEDEF appelle à son retrait ; l’ensemble des
organisations syndicales est vent debout ; M. Delevoye s’est envolé et
trie ses papiers ; et chaque jour, l’ensemble des professions dénonce les
turpitudes de votre mauvais projet.
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Pas les agriculteurs !
M. Marc Le
Fur. Vous ne connaissez pas les agriculteurs !
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Je les connais, car mon grand-père
l’était !
M.
Sébastien Jumel. Devant la fronde des professions libérales, vous avez
présenté en commission spéciale un système permettant aux régimes d’affiliation
de décider s’ils souhaitent utiliser leurs réserves financières afin de
faciliter la convergence vers le barème de cotisations du système universel.
Autrement dit, vous envisagez que les indépendants utilisent leurs réserves,
cotisent davantage et voient leurs pensions dégradées. Avec votre système, un
indépendant cotisant à hauteur de 1 500 euros par an percevra la même
retraite que celui qui cotise 6 200 euros.
Ce système, vous le
savez, sera aussi une trappe pour le travail dissimulé car un travailleur
indépendant qui souhaite s’installer à son compte voudra forcément échapper aux
cotisations prohibitives que vous allez instaurer. C’est donc la triple peine
pour ces professions, et vous êtes dans l’incapacité d’apporter…
M. Erwan
Balanant. Vous avez l’air de bien les connaître !
M.
Sébastien Jumel. Balanant, si tu veux parler, tu prends le micro, tu
fais comme nous, tu essaies de trouver des arguments…
Mme la
présidente. Pas d’interpellations entre vous, mes chers collègues.
M.
Sébastien Jumel. Au-delà de vos vociférations, vous peinez à trouver des
arguments étayés et solides pour nous répondre.
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41869.
M. Pierre
Dharréville. J’ai entre les mains un communiqué publié le
12 février 2020 par les différentes caisses autonomes des professions
libérales. Monsieur le secrétaire d’État, il me semble que le Parlement
doit être informé des modalités précises que vous prévoyez les concernant et de
l’état d’avancement des discussions. À défaut, nous légiférerions sans être
informés et réellement éclairés – je crains d’ailleurs que ce ne soit le
cas sur de nombreux sujets.
Ces caisses de retraite se sont toutes
réunies, avec celle des avocats, et ont fait réaliser leur propre étude
d’impact. Or elles contestent les chiffres que vous avancez. J’aimerais donc
savoir si les doutes concernant les chiffres ont pu être levés – sinon,
notre défaut d’information serait manifeste. Les caisses demandent également que
plusieurs engagements que vous avez pris soient inscrits dans le projet de loi.
J’aimerais connaître, monsieur le secrétaire d’État, vos intentions précises à
ce sujet.
M. Erwan
Balanant. Ces informations figurent à l’article 21 ! Je ne
peux m’exprimer au micro, puisque je ne sous-amende
pas…(Sourires.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 41864.
M. Alain
Bruneel. Je voudrais évoquer la promesse, annoncée avec votre réforme,
d’une plus grande liberté de choix quant au départ en retraite. Je
m’interroge : savez-vous comment cela se passe, dans la vraie vie des
travailleurs ? Je pense aux salariés des verreries, dont mon collègue
Sébastien Jumel a déjà évoqué la pénibilité du travail. Il reste dans ma
circonscription deux entreprises dans la ville d’Aniche, qui fut autrefois la
capitale du verre. Je veux évoquer ici les gestes répétitifs, les piétinements
permanents, les postures difficiles et les régimes horaires éreintants, qui
changent sans cesse : 3x8, 4x8, 5x8…
Je peux décrire les ateliers
dans lesquels les températures explosent avec la chaleur des fours, la poussière
qui s’incruste partout et la manipulation de produits toxiques pour la santé.
Ces travailleurs me parlent souvent de l’augmentation des rendements, qui vise à
produire toujours plus vite pour faire gagner un maximum d’argent à
l’entreprise. Pensez-vous vraiment que les verriers sont libres de choisir de
travailler jusqu’à 64 ou 65 ans, avec le corps brisé, le dos cassé et la
santé abîmée ? Peut-être croyez-vous qu’ils sont réellement libres de
partir en retraite avant l’âge d’équilibre avec des décotes de pension
intolérables, pour des retraites de misère ?
M. Boris
Vallaud. Eh non !
M. Alain
Bruneel. La vie, ce n’est pas un monde des bisounours où l’on est libre
de travailler en mauvaise santé. (M. Sébastien Jumel
applaudit.) « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre,
entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui
affranchit. » C’est la raison pour laquelle nous continuons à demander une
retraite à taux plein à 60 ans. Notre pays est bien assez riche pour la
financer, à condition de mettre fin au régime spécial de la finance !
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
– M. Chistian Hutin applaudit
également.)
M.
Sébastien Jumel. Bravo !
M. Patrick
Mignola. Ces phrases ont été écrites pour justifier l’existence de
Dieu !
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41867.
M.
Sébastien Jumel. Je veux évoquer le secteur du flaconnage de luxe, qui
produit donc les flacons utilisés pour les parfums que portent ceux d’entre nous
qui en ont les moyens. Sur un flacon de parfum vendu 100 euros, le coût du
travail – ou plutôt, le coût de la rémunération des verriers que vient
d’évoquer Alain Bruneel – ne s’élève qu’à 1 euro, alors que c’est la
valeur ajoutée de ce travail qui permet aux flaconniers de luxe de vendre le
flacon au prix que je viens d’indiquer.
C’est la raison pour laquelle
nous voulons vous alerter sur la pénibilité que subissent les salariés verriers
de la vallée de la Bresle, dans mon département : la Glass Vallée, ce sont
73 entreprises et 13 000 verriers. Je vous invite à la visiter et
à venir voir le bouchot, la fabrication de bouteilles, au pied du four. Il y
fait quatre-vingts degrés ! Imaginez ce qu’est une journée, une vie de
labeur au bouchot, comme celle des trieuses de verre – car ce sont
essentiellement des femmes – qui trient les flacons de parfum au bout de la
chaîne. Proposer à ces gens de travailler jusqu’à 65, 66 ou 67 ans sans
prendre en compte la pénibilité de leur travail – auxquels ils attachent de
la fierté – est une insulte, une humiliation, une méconnaissance de
l’espérance de vie en bonne santé, qui n’est pas la même en fonction des
métiers ! Nous souhaitons que cette réalité soit prise en compte dans le
débat sur ce projet de loi. Vous souhaitiez que l’on évoque le fond. Voilà un
beau sujet de fond que mon collègue Alain Bruneel et moi livrons à votre
réflexion. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. Alain
Bruneel. Bravo !
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41873.
M. Pierre
Dharréville. Je me permets de répéter une question que j’avais posée
précédemment, au sujet des travailleurs des plateformes. Dans notre économie
ubérisée, celles-ci cherchent à se développer partout sans entraves et, de fait,
à s’affranchir des droits des travailleurs et de la part du salaire dédiée au
financement de la sécurité sociale et à la protection – ce que l’on appelle
le salaire pour la vie. C’est en effet le principe de l’ubérisation de
l’économie et de la diminution à outrance de ce que certains – mais pas
nous – appellent le coût du travail. Voilà la réalité économique.
Or
le droit à la retraite est un sujet sensible, fortement concerné par le
développement de ces modes de relations de travail. Nous pensons que celles-ci
doivent donc être sérieusement remises en cause. Au fur à mesure que ces
travailleurs arriveront à l’âge de la retraite, il faudra tenir compte de cette
situation – néanmoins, je ne suis pas certain que vous ayez suffisamment
travaillé en ce sens. Mais il faudra aussi s’attaquer à la source du problème.
Nous demandons pour notre part que ces contrats soient le plus souvent
requalifiés en contrats de travail lorsque la relation de subordination est
établie. Monsieur le secrétaire d’État, qu’envisagez-vous pour garantir aux
travailleurs des plateformes un véritable un droit à la retraite, mais aussi une
vie digne au travail ? (Mme Elsa Faucillon et
Mme Caroline Fiat applaudissent.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir le
sous-amendement no 42246.
M. Adrien
Quatennens. On se souvient que le nouveau ministre des solidarités et de
la santé, M. Véran, avait souhaité que l’expression de « sécurité
sociale » soit supprimée de la Constitution pour être remplacée par celle
de « protection sociale », laquelle recouvre une réalité différente.
Comme nous l’évoquions hier, la sécurité sociale revient à ce que chacun cotise
selon ses moyens et reçoive selon ses besoins. La protection sociale, qui inclut
les assurances privées, les complémentaires, les mutuelles, ne répond pas à la
même logique. Or le même mouvement s’opère avec cette réforme des retraites, qui
entraîne donc bien une régression des droits.
Vous souhaitez en réalité
qu’une part considérable des 300 milliards d’euros qui se trouvent
aujourd’hui dans les caisses de la sécurité sociale pour les retraites fuie vers
les retraites par capitalisation. Vous le faites de plusieurs façons, mais en
premier lieu par l’abaissement du niveau de vie et de pension des retraités. En
effet, les deux contraintes que vous imposez – le respect d’un équilibre
financier sans que davantage de richesse ne soit consacré aux pension –
conduira inéluctablement à ce que le niveau des pensions, par conséquent revu à
la baisse, devienne la variable d’ajustement.
Je répète, et je répéterai
autant de fois que nécessaire, que l’augmentation de l’âge effectif de départ
par le report de l’âge d’équilibre – l’âge pivot qui, à force d’être
repoussé, s’apparentera davantage à un âge caveau (M. Ugo
Bernalicis applaudit) – aboutit au même résultat que la baisse du
niveau des pensions. C’est donc bien un affaiblissement et une régression. C’est
la raison pour laquelle nous présentons ce sous-amendement à l’amendement de nos
collègues socialistes. (Mme Caroline Fiat
applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41876.
M. Pierre
Dharréville. Il s’agit également d’un amendement de précision au sujet
des travailleurs indépendants. Il me permet de m’exprimer brièvement sur la
philosophie du système que vous proposez. Celui-ci s’inscrit dans une logique
d’individualisation et de mise en concurrence, une concurrence que vous avez
déjà mise en œuvre dans le monde du travail et de la vie active, et qui se
poursuivra à la retraite.
On connaît l’idée défendue à l’époque par
Nicolas Sarkozy – travailler plus pour gagner plus –, alors qu’il est
de plus en plus difficile de gagner sa vie, même en travaillant toujours plus.
Ce principe s’est installé dans notre société et touche particulièrement les
petits artisans, commerçants et indépendants, eux aussi soumis à cette réalité.
Le système par points que vous instaurez renforcera l’obligation qu’ils ont de
courir après l’activité, au mépris de leur propre existence et parfois de leur
santé, pour s’assurer, in fine, un vrai droit à la retraite.
J’ai perçu,
dans les propos de M. le secrétaire d’État et de M. le rapporteur, la
volonté de la majorité de mieux prendre en compte la réalité des indépendants,
petits artisans et commerçants dont on connaît aujourd’hui la situation de
faiblesse dans le système actuel de protection sociale ; mais je ne suis
pas certain que le système que vous proposez, avec la philosophie qui est la
sienne, permette d’y répondre convenablement.
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41879.
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le secrétaire d’État, à chaque heure qui
passe, à chaque minute même, j’ai l’impression que votre tête s’enfonce dans vos
épaules et que vous vous répétez « Jusqu’ici, tout va bien… », alors
qu’en réalité, il n’y a plus grand chose qui va.
(Mme Clémentine Autain applaudit.) Geoffroy
Roux de Bézieux, président du MEDEF…
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Votre référence !
M.
Sébastien Jumel. Non, la vôtre ! À la sortie de la conférence de
financement, M. Roux de Bézieux, disais-je, a
déclaré :« Sans équilibre financier, je m’opposerai à la réforme des
retraites. » Cela figure dans le journal Les Échos d’hier. Il
réaffirme aussi que, face au Gouvernement qui « tortille », la réforme
ne pourra se faire sans réponse aux questions de financement et
– dit-il – sans mesure d’âge. Il envoie même un pavé dans la
marre ; votre soutien vous envoie un explosif aux pieds, ainsi qu’au visage
des salariés. Il dit en effet qu’il accepte de travailler sur la pénibilité et
d’augmenter le nombre de départs anticipés, à condition de réduire le nombre de
départs au titre des carrières longues.
Autrement dit, la conférence de
financement est mort-née. Toute discussion sur la pénibilité est enterrée par le
président du MEDEF. Les leurres que vous avez inventés pour faire avaler la
pilule de votre mauvaise réforme sont en train de tomber les uns après les
autres.
Par ailleurs, s’agissant de la baisse des cotisations pour les
cadres supérieurs, le président du MEDEF vous met en garde contre le risque de
fragiliser ceux qui sont, à ses yeux, la sève du dynamisme des plus grandes
entreprises : ils seront amenés à se vautrer dans les retraites par
capitalisation et finiront par se retourner contre les entreprises, auxquelles
ils demanderont de financer leurs cotisations en faisant monter les
enchères.
Monsieur le secrétaire d’État, je comprends pourquoi, à la
faveur de ces bonnes nouvelles, chaque heure et même chaque minute qui passe
voit votre tête s’enfoncer un peu plus dans vos épaules. (Exclamations sur
quelques bancs du groupe LaREM.)
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Bel argument !
Mme la
présidente. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 41883.
M. Alain
Bruneel. Mon collègue Sébastien Jumel a brillamment démontré que cette
réforme ne présentait pas seulement des trous dans la raquette, mais aussi des
trous dans le gruyère. Il n’y a même plus de gruyère ni de raquette car on ne
sait pas où l’on va. C’est important ! Vous nous appelez à discuter du
fond, mais de quel fond devons-nous discuter ? Là, le fond, nous sommes en
train de le toucher.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Oh là là !
M. Bruno
Questel. Et vous, vous touchez le tréfonds !
M. Alain
Bruneel. Dans son amendement, M. Vallaud nous invite à nous pencher
sur des professions spécifiques pour lesquelles le travail est pénible. Notre
collègue Marc Le Fur nous a notamment alertés sur la situation des
assistantes maternelles,…
M. Philippe
Gosselin. Il a raison !
M. Alain
Bruneel. …et j’ai tout de suite pensé aussi aux aides à domicile,…
M. Philippe
Gosselin. C’est la même chose !
M. Alain
Bruneel. …qui exercent une profession difficile, avec des horaires
décalés. Ce sont souvent des femmes qui se rendent chez des personnes âgées pour
faire leur toilette, faire le ménage, leur préparer à manger, les rassurer.
M. Philippe
Gosselin. En plus, elles sont très mal payées !
M. Alain
Bruneel. Chaque matin, elles doivent rendre visite à plusieurs patients,
qui les attendent avec impatience parce qu’elles leur apportent du réconfort, de
l’aide, de l’écoute. Ces professions travaillent deux ou trois heures le matin,
une heure l’après-midi, une heure à midi, une heure le soir.
M. Marc Le
Fur. Très bien ! C’est du concret !
M. Alain
Bruneel. Elles travaillent souvent à mi-temps pour mettre un peu de
beurre dans les épinards, comme on dit chez moi, parce que leur mari ne gagne
pas un salaire mirobolant. Cette profession, très pénible, qui subit des
horaires très décalés, doit être reconnue dans notre système de retraite ;
or, dans celui que vous proposez, on ne sent pas vraiment que cette profession
est considérée. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR, FI,
SOC et LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir le
sous-amendement no 42198.
M. Alexis
Corbière. L’amendement de M. Vallaud, qui introduit par écrit, à
l’article 1er, la prise en compte de la pénibilité dans le
système de retraite, est effectivement important.
Permettez-moi
d’apporter ce conseil à nos collègues du groupe La République en marche :
il me semble que nous aurions gagné à redéfinir clairement les critères de
pénibilité avant même d’entamer le débat sur cette réforme des retraites. Vous
connaissez notre position sur ce sujet. Nous nous souvenons tous que la majorité
a souhaité supprimer quatre critères de pénibilité qui avaient été définis par
le gouvernement précédent, au motif que les employeurs s’y perdaient et que ces
critères n’étaient pas très clairs. Nous aurions gagné à retravailler sur ce
sujet, en considérant que certains métiers se caractérisent par une grande
pénibilité, indiscutable, qui dégrade les corps des femmes et des hommes qui
travaillent. M. le Président de la République a déclaré qu’il n’aimait pas
le mot « pénibilité », parce qu’il donnerait l’impression que le
travail est parfois pénible. Avouons qu’il l’est souvent et qu’il use les
corps ! (Exclamations sur divers bancs.)
M. Julien
Aubert. Il n’y a pas que le travail qui use les corps !
M. Alexis
Corbière. Nous aurions donc dû retravailler sur ce sujet, mais nous ne
l’avons pas fait. Il en résulte une suspicion généralisée à l’égard du présent
projet de loi. Nous avons développé beaucoup d’arguments sur cette question,
dans l’hémicycle ou ailleurs : nos collègues de la majorité nous répondent
souvent que la pénibilité sera prise en compte, mais nous ne savons toujours pas
dans quelle mesure. C’est pourquoi il me semble nécessaire d’adopter
l’amendement de M. Vallaud et de bien préciser ces choses-là, faute de quoi
l’ensemble des débats qui vont suivre risquent d’être assez confus, marqués par
des promesses verbales mais sans aucune définition précise des critères de
pénibilité dans la loi.
Nous devons retravailler là-dessus : l’usure
des corps est quelque chose de central, la dureté du travail est une réalité que
nul ne peut nier. Nous devons donc apporter des précisions sur les critères de
pénibilité dans ce projet de loi, dans la législation sociale et dans le code du
travail.
M. Erwan
Balanant. Ce n’est pas le sujet !
M. Alexis
Corbière. L’absence de précision est une tache supplémentaire sur le
projet de loi que vous nous présentez. (Applaudissements sur les bancs du
groupe FI.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41885.
M. Pierre
Dharréville. Ce sous-amendement porte toujours sur la question des
indépendants. Il n’aura échappé à personne que les indépendants peuvent être
soumis à un certain nombre de statuts différents, dans la mesure où ils exercent
des activités elles-mêmes différentes. Certains sont obligés de travailler
beaucoup plus de trente-cinq heures par semaine. Ils n’ont pas tous les mêmes
conditions de travail au quotidien. Un régime de retraite doit tenir compte de
ces spécificités, de ces différences entre les indépendants. Or il s’avère que
l’unification des régimes que vous proposez entraînera le doublement du montant
de cotisation d’un certain nombre d’indépendants, donc une réduction singulière
du taux de rendement de ces cotisations. En d’autres termes, un libéral devra
cotiser deux fois plus qu’aujourd’hui pour percevoir une pension de retraite
revue à la baisse. Monsieur le secrétaire d’État, comment envisagez-vous de
surmonter cette difficulté inhérente au système de retraite prétendument
universel que vous voulez instituer ?
Nous avons beaucoup parlé des
avocats. Pour mémoire, pour un revenu annuel excédant 40 000 euros, le
taux de cotisation passerait à 12,94 % ; or les avocats ne sont pas
nombreux à percevoir un revenu supérieur à 50 000 euros. Il convient
de prendre en compte la situation des nombreux avocats aux revenus modestes.
M.
Christian Hutin. Ils gagnent 2 000 balles par
mois !
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41886.
M.
Sébastien Jumel. Depuis plusieurs mois, en commission des affaires
économiques, avec mon copain Ruffin, nous développons l’idée que, dans notre
société des biens, les métiers du lien sont souvent la variable d’ajustement des
libéraux.
Parmi ces métiers, je veux citer les accompagnants d’élèves en
situation de handicap – AESH –, qui prennent soin des enfants en
situation de handicap. Le rapport d’enquête sur l’inclusion des élèves
handicapés dans l’école et l’université de la République quatorze ans après la
loi du 11 février 2005, que j’ai eu l’honneur de rédiger, démontre que plus
de 80 % des AESH se voient proposer des contrats de travail à durée
déterminée, à temps partiel et à horaires modulés. Comment, en appliquant votre
système universel de retraite, allez-vous offrir une retraite à ces plus de
80 000 AESH ?
Parmi ces métiers du lien, les agents
territoriaux spécialisés des écoles maternelles – ATSEM – voient leur
carrière amputée par votre volonté de ne plus faire référence aux six derniers
mois dans la fonction publique territoriale.
Parmi ces métiers du lien,
on compte aussi les assistantes maternelles…
M. Marc Le
Fur. Très juste !
M.
Sébastien Jumel. …qui, nous le savons, ont des horaires de travail très
faibles et connaissent d’importantes variations dans leur volume de travail en
fonction des enfants qui naissent et des parents qui font appel à elles. Comment
allez-vous offrir à ces femmes qui font un travail extraordinaire – prendre
soin de nos enfants – une retraite convenable, digne, après une vie de
travail ?
Parmi ces métiers du lien, on compte également les aides à
domicile. Vous avez flingué les départements, l’allocation personnalisée
d’autonomie – APA – n’est pas financée (Protestations sur plusieurs
bancs du groupe LaREM)…
M. Bruno
Questel. Pas nous ! Ce sont vos copains socialistes !
M.
Sébastien Jumel. Oui, vous avez flingué les départements et, d’ailleurs,
la réforme fiscale va aggraver cette situation ! (Mêmes mouvements.)
L’APA étant insuffisante, les aides à domicile sont aujourd’hui profondément
fragilisées. Souvent employées en contrat de travail à durée déterminée et à
horaires modulables, elles connaissent des situations extrêmement précaires.
Quelles perspectives de retraite allez-vous offrir aux aides à domicile de notre
pays ?
Je ne veux plus vous entendre dire que les femmes seront les
grandes gagnantes de votre mauvaise réforme.
M. Rémy
Rebeyrotte. Pourtant, nous allons le dire et le redire !
M.
Sébastien Jumel. Je ne veux plus vous entendre dire que votre réforme
est juste, solidaire et redistributive. (Exclamations sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.) Je veux vous entendre répondre à nos questions…
Mme la
présidente. Merci, monsieur le député.
M.
Sébastien Jumel. …qui démontrent que les femmes seront les grandes
perdantes de votre réforme à points. En réalité, vous donnez des coups de poing
dans la retraite de ceux qui (Exclamations persistantes sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM)…
Mme la
présidente. Merci, monsieur le député. Votre temps de parole est
écoulé.
La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir le
sous-amendement no 42203.
M. Éric
Coquerel. Nous voulons parler d’espérance de vie…
M. Erwan
Balanant. C’est toujours le même discours ! C’est lassant, à la
fin !
M.
Sébastien Jumel. Que voulez-vous dire, monsieur Balanant ? Allez-y,
prenez le micro !
M. Éric
Coquerel. Je vais attendre un petit peu…
Mme la
présidente. Monsieur Jumel, nous reconnaissons vos qualités de chauffeur
de salle, qui sont incontestables, mais la parole est à présent à
M. Coquerel. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM
et MODEM.)
M. Philippe
Gosselin. Bien envoyé !
Mme la
présidente. Mes chers collègues, M. Coquerel a demandé la
parole : respectons-le !
M. Éric
Coquerel. Ce n’était pas M. Jumel qui me gênait, madame la
présidente, mais plutôt les cris qui fusent très souvent du côté des députés de
la majorité. Comme ils sont présents en nombre, c’est beaucoup plus gênant pour
tout le monde…
M. François
Cormier-Bouligeon. C’est la démocratie ! Nous avons été élus pour
être en nombre !
M. Éric
Coquerel. C’est cela, vous avez été élus pour vociférer dans l’Assemblée
nationale… (Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Je dis
« vociférer » car c’est le terme qu’a employé hier le président de
l’Assemblée nationale en parlant des opposants.
M. Rémy
Rebeyrotte. Arcueil, monsieur Coquerel !
Mme la
présidente. S’il vous plaît, monsieur Rebeyrotte !
M.
Christian Hutin. Que M. Rebeyrotte se taise ! Il ne prend
jamais le micro mais il est toujours là, en train de hurler !
Mme Sylvie
Tolmont. C’est pénible ! Nous devons l’entendre toute la
journée !
M. Éric
Coquerel. Je veux donc évoquer le sujet de l’espérance de vie, que nous
voulons mettre en avant dans ce sous-amendement. La seule donnée intéressante
pour évaluer notre temps de vie à partir de l’âge de la retraite est l’espérance
de vie à 60 ans. Depuis dix ans, cet indicateur stagne, pendant que
l’espérance de vie en bonne santé a carrément reculé. Il est difficile de ne pas
faire le lien entre cette évolution et le fait que, dans le même temps, l’âge
moyen de départ à la retraite à taux plein n’a cessé d’augmenter
– 61 ans en 2007, 62 ans en 2011, 63 ans en 2019. Or vous
prévoyez d’augmenter considérablement cet âge dans les années à venir :
65 ans prochainement, 68 ans en 2070, 69 ans à la fin du siècle
– et encore, dans le meilleur des cas. Il y a évidemment un lien entre
l’âge auquel on part à la retraite, autrement dit le moment où l’on arrête de
travailler, et la durée de vie que l’on peut espérer une fois à la retraite. Je
ne crois pas que l’on puisse bien vieillir au travail.
Aussi, votre
projet représente non seulement un recul civilisationnel, mais aussi un recul
pour la santé publique alors même que les progrès de la médecine permettraient
d’allonger l’espérance de vie.
Mme la
présidente. Merci, monsieur Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Pour notre part, nous ne pensons pas qu’un allongement de
l’espérance de vie doive forcément entraîner une augmentation de la durée du
travail. Nous pourrions en profiter dans le repos et les activités de la
retraite. (M. Adrien Quatennens applaudit.)
M. Alexis
Corbière. Rappel au règlement !
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le
sous-amendement no 42164.
M. Marc Le
Fur. Nos travaux sont très observés : je vous invite donc à
observer l’attitude la plus sérieuse qui soit. C’est aussi un bon point car les
gens nous écrivent : ils nous adressent des mails et des courriers. J’ai
reçu, pour ma part, un courrier de Marielle, qui a commencé son itinéraire
professionnel…
M.
Christian Hutin. Au MODEM ! (Sourires.)
M. Marc Le
Fur. …en faisant des années aux TUC, les travaux d’utilité collective.
Il s’agissait des premières mesures de traitement social du chômage, à l’époque
de Mitterrand. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Il y
en a eu d’autres et, même si cela se ralentit du fait de la situation
économique, il y en a encore. Tous ceux qui ont connu plusieurs années de
traitement social du chômage se demandent donc comment ils vont être traités en
matière de retraite.
Monsieur le secrétaire d’État, je veux que vous
soyez très précis. Nous avons bien compris qu’il y avait les générations avant
1975, les générations entre 1975 et 2004 et les générations après 2004.
J’aimerais que vous nous transmettiez un tableau à double entrée, en quelque
sorte, qui croiserait les différents systèmes de traitement social du chômage
avec les générations. Je veux savoir, dans chaque cas, combien de points et
combien de trimestres pourront être gagnés. Je veux comparer l’ancien système,
par trimestres – que, généralement, les bénéficiaires de ces contrats
arrivaient quand même à valider –, et le nouveau système par points.
Admettons que les personnes concernées, qui ont validé leurs trimestres, aient
ensuite un itinéraire de salariés ordinaires. Lorsque les vingt-cinq meilleures
années étaient prises en compte, leur passage aux TUC ou dans les différents
systèmes de traitement social du chômage ne les pénalisait pas. Or, maintenant,
nos concitoyens seront nécessairement pénalisés puisque leurs trimestres validés
dans le cadre de ces contrats ne le seront qu’à la marge. Combien de points cela
vaudra-t-il ?
Ma question est précise et j’attends de votre part,
monsieur le secrétaire d’État, une réponse précise, qui prenne en compte tous
les cas de figure en fonction des générations. Vous avez bien compris ma demande
de tableau à double entrée, mais je ne doute pas que Mme la présidente vous
accordera un paperboard si c’est nécessaire. (Sourires.
– Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir le
sous-amendement no 41888.
Mme Elsa
Faucillon. Si l’examen de cet article nous amène évidemment à évoquer
souvent les critères de pénibilité, on touche aussi là à votre conception de la
liberté. La liberté à laquelle tend ce projet de loi est celle des plus riches
de s’enrichir indéfiniment, tandis que tous les autres sont acculés à donner
tout de leur vie pour tenter de la gagner. C’est particulièrement vrai de
certains indépendants comme les Uber. Selon votre conception de la liberté, être
flexible ou travailler pour une plateforme telle qu’Uber, ce serait ça, la
modernité. Or cette modernité se traduit par l’abaissement de l’être humain,
dans un monde où l’emploi se transforme chaque jour un peu plus en marchandise,
où les savoir-faire sont méprisés.
Mon collègue Bruneel a évoqué le cas
des aides à domicile, ces femmes qui travaillent quelques heures par jour de
manière fragmentée, avec des temps de déplacement qui peuvent être très longs,
souvent en transports en commun, et qui ne leur sont pas comptés. La plupart du
temps elles doivent partir très tôt de chez elles et revenir très tard, et il
est souvent compliqué pour elles de s’occuper de leurs enfants – c’est vrai
également pour les hommes, et nous aspirons à ce qu’ils s’en occupent plus. On
voit en tout cas à quel point leur vie est façonnée par l’objectif de
rentabilité et combien celui-ci pompe leur énergie vitale.
Avez-vous une
autre promesse à leur faire que celle qui consiste à leur expliquer que l’État
ne leur apportera aucune garantie, qu’il n’interviendra jamais pour elles et
pour eux, qu’il n’est là que pour garantir des droits aux plus
riches ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41893.
M. Pierre
Dharréville. Je voudrais à nouveau remercier notre collègue Boris
Vallaud pour cet amendement qui défend le principe de non-régression en matière
sociale.
Je voudrais aussi préciser ma pensée sur la logique de
productivité humaine qui anime votre texte comme il animait un certain nombre
des projets que vous nous avez présentés et qui visent tous à toujours plus de
productivité. Dans ce texte, il s’agit de faire travailler les seniors plus
longtemps, et en l’espèce les indépendants.
Je citerai l’exemple des
orthophonistes, dont la mobilisation contre votre projet de réforme ne faiblit
pas. J’en profite pour vous dire qu’elles manifestent en ce moment dans les rues
de Marseille et qu’elles doivent manifester cet après-midi à Paris. Je souhaite
vous lire plus particulièrement le témoignage de Delphine : « Je
voudrais m’installer dans mon propre cabinet dans les prochaines années, mais
avec la réforme je me pose pas mal de questions. Si le taux de cotisation aux
régimes de retraite passe à 28 % au lieu de 14, cela me ferait
7 000 euros de charges en plus par an, alors que je paie aussi
500 euros par mois à l’URSSAF. » (Exclamations sur les bancs du
groupe LaREM.)
M.
Jean-René Cazeneuve. En 2040 !
M. Pierre
Dharréville. Mais ça ne se limite pas aux orthophonistes, qui sont une
profession en souffrance et qui sont d’ailleurs, faute de crédits suffisants,
trop absentes de l’hôpital, alors que les patients ont besoin d’elles.
Mme
Caroline Fiat. Il a raison !
M. Pierre
Dharréville. Je voudrais également vous citer François,
kinésithérapeute : « C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
Est-ce que je pourrai toujours consacrer une demi-heure à chaque patient ou
faudra-t-il que je prenne plus de patients en même temps ou que je leur consacre
seulement une quinzaine de minutes ? Une autre manière de réduire les coûts
serait d’investir moins dans le matériel ou de faire du dépassement
d’honoraires » regrette-t-il. Karine, podologue-pédicure, envisage
« soit de changer de métier, soit de quitter la France ». ( Mêmes
mouvements.)
M.
Jean-Jacques Bridey. Oh, arrêtez !
M. Pierre
Dharréville. On voit bien que ce que vous nous dites ne répond pas aux
questions que les indépendants se posent et que vous aggravez la situation d’un
certain nombre d’entre eux.
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41897.
M.
Sébastien Jumel. Je n’ai pas vocation à chauffer la salle, madame la
présidente (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM), mais quand
j’entends des insultes aussi valorisantes pour les membres de la majorité, ma
culture ne me conduit pas à tendre l’autre joue.
Mme la
présidente. Ne surjouez pas l’offensé monsieur Jumel…
(Sourires.)
M.
Sébastien Jumel. Vous prétendez dialoguer, consulter mais en réalité
vous faites des ronds dans l’eau sans aboutir à rien et, pendant ce temps, les
discriminations syndicales se multiplient. Des électriciens-gaziers ont reçu des
lettres de mise en demeure les menaçant d’entretiens préalables avant sanctions
disciplinaires pour avoir eu l’outrecuidance de résister à votre mauvais projet.
Dans de nombreuses PME et PMI, des salariés, dépourvus d’organisations
représentatives, se voient convoquer pour avoir eu la faiblesse d’exercer leur
droit constitutionnel à manifester. C’est dire, monsieur le secrétaire d’État,
combien vos discours sur le dialogue social, sur la nécessité du respect, sur
votre volonté de consulter la nation sont dépourvus de réalité dans la vie de
ceux que nous rencontrons.
Si vous voulez que l’examen de ce projet de
loi se poursuive de façon sereine, je vous demande de nous dire comment le
Gouvernement compte garantir, dans les boîtes, dans les services publics,
l’exercice de la liberté constitutionnelle de manifester et de s’opposer à un
projet de réforme. Cela nous semble élémentaire en démocratie et j’aimerais vous
entendre sur cette question.
Mme la
présidente. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 41901.
M. Alain
Bruneel. Quand mon collègue Pierre Dharréville nous a lu des courriers
exprimant les craintes et les interrogations des kinésithérapeutes ou des
infirmiers, j’ai entendu une rumeur s’élever dans l’hémicycle. Vous nous
demandez de débattre sur le fond, et quand nous exprimons les interrogations et
les craintes de personnes qui se demandent si elles pourront continuer à exercer
leur profession dans ce pays, c’est le tollé ! Si on veut travailler sur le
fond, il faut aussi savoir écouter ce que disent nos concitoyens dont nous
relayons la parole dans cet hémicycle.
Je voudrais par ailleurs évoquer
les manifestations importantes qui ont lieu aujourd’hui encore contre la réforme
que vous proposez. Dans ce pays, les atteintes aux libertés sont nombreuses.
Ainsi, la SNCF a attribué des primes au mérite à ceux qui ne font pas grève et,
dans les entreprises, ceux qui veulent faire grève subissent des pressions
énormes.
M.
Sébastien Jumel. Eh oui !
M. Alain
Bruneel. Il est intolérable que dans un pays qui se prétend le pays des
droits de l’homme on tente ainsi de brider la liberté d’expression.
Heureusement, il y a toujours des gens qui manifestent pour dire qu’ils
s’opposeront jusqu’au bout et qu’ils veulent être respectés !
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
M. Boris
Vallaud. Bravo !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42193.
Mme
Caroline Fiat. Nous souhaitons par ce sous-amendement compléter
l’amendement de M. Vallaud en ce qui concerne les professions libérales du
soin, qu’il ne faudrait pas oublier. Quand mon collègue a évoqué le risque que
certains de ces professionnels partent exercer à l’étranger, on en a
effectivement entendu certains jouer les étonnés. Pourtant en Lorraine, où
j’habite, ce n’est un secret pour personne que certains libéraux comme les
orthophonistes, les libéraux, les podologues sont déjà partis en Belgique ou au
Luxembourg. Si vos circonscriptions ne sont pas encore affectées par ce
phénomène, cela ne saurait tarder grâce à votre projet de loi !
Vous
feriez donc mieux de tenir compte de ce que nous disons quand nous cherchons à
vous alerter sur des phénomènes très inquiétants. Cela fait onze mois que les
soignants sont en grève sans qu’on en entende beaucoup parler en raison du
principe de la continuité des soins, qui est garantie par la loi dans notre
pays. Il faut pourtant entendre leur inquiétude. On parle souvent des déserts
médicaux dans cet hémicycle. Eh bien votre projet de loi ne fera que les
aggraver.
Vous m’avez souvent demandé, en commission spéciale, de faire
confiance aux partenaires sociaux, monsieur le secrétaire d’État, prétendant que
des discussions étaient engagées avec eux. Nous les avons rencontrés et ils nous
ont dit ne pas savoir avec qui vous discutiez. Il ne s’agit pas pour moi de
mettre votre parole en doute mais de me faire l’écho de leur inquiétude.
Pourrions-nous en savoir plus sur ces discussions ? Avec qui ont-elles
lieu ? Cela nous intéresse vraiment. (Applaudissements sur les bancs du
groupe FI.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le
sous-amendement no 42073.
M. Marc Le
Fur. J’en profite pour vous demander, monsieur le secrétaire d’État, une
précision sur le cas des assistantes maternelles, qui peut valoir pour d’autres
professions.
Vous nous avez expliqué que ces personnes bénéficieraient de
85 % du SMIC pour une carrière complète quel que soit leur parcours
professionnel ; mais sera-ce le cas de celles qui auront exercé à temps
partiel ? Si vous me le confirmez, je m’en réjouis, mais cela me
surprendrait un peu.
M. Vincent
Descoeur. Rien n’est moins sûr !
M. Marc Le
Fur. Il est possible, monsieur le secrétaire d’Etat, que vous nous ayez
raconté des choses pas tout à fait convenables, cela dit en restant extrêmement
poli. C’est compréhensible, avec la fatigue et toutes les fiches qu’il vous faut
consulter… Nous ne vous en voulons pas, mais il s’agit maintenant de nous dire
très concrètement si une assistante maternelle qui n’a pas toujours eu la charge
des trois ou quatre enfants ouvrant droit au taux plein aura droit au terme de
son existence professionnelle droit à 85 % du SMIC. Je vous remercie de
bien vouloir répondre précisément à cette question que je crois
précise.
Mme la
présidente. Sur le sous-amendement no 42206, je suis
saisie par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Sur le sous-amendement no 41869, je suis
saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de
scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Sur le sous-amendement no 41886, je suis
saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de
scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Sur le sous-amendement no 42203, je suis
saisie par le groupe La France insoumise et le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Sur le sous-amendement
no 42164, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Sur le sous-amendement
no 41888, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Sur le sous-amendement
no 42193, je suis saisie par le groupe La France insoumise d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement
et l’ensemble des sous-amendements en discussion ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Plusieurs députés nous ont appelés à
travailler sur le fond, et c’est ce que je vous invite à faire les uns et les
autres. Pour moi, cela signifie travailler sur le texte des amendements, en
l’occurrence celui défendu par M. Vallaud et ses collègues.
Lors de
l’examen de l’amendement précédent, qui portait sur le cas des indépendants, le
groupe GDR a parlé des avocats, qui sont des libéraux, et là, alors que
l’amendement porte sur les libéraux, vous nous parlez des indépendants, et même
des verriers, qui sont soit des indépendants soit des salariés.
M.
Sébastien Jumel. On fait ce qu’on veut !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les aides à domicile ne sont pas des
libéraux non plus, pas plus que les AESH ou les ATSEM. Pourrions-nous nous
concentrer sur le cas des libéraux, qui méritent une attention toute
particulière, et débattre du fond ?
Les professions libérales sont
réparties en dix sections professionnelles au sein de la CNAPVL, la Caisse
nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, qui gère leur
couverture de base et leur couverture complémentaire, toutes deux calculées
selon un système par points. Quant aux avocats, qui ne relèvent pas de la
CNAPVL, leur couverture de base est un système par trimestre et leur couverture
complémentaire est un système par points. Je rappelle que les caisses qui gèrent
actuellement la retraite des professions libérales continueront à le faire
demain et qu’un conseil de la protection sociale des professions libérales sera
créé pour défendre leurs intérêts spécifiques au sein de la CNRU, la Caisse
nationale de retraite universelle. Ces éléments me semblaient devoir être
précisés.
Par ailleurs, la réforme entraînera une baisse de 8,8 %
des cotisations des orthophonistes par rapport à l’affiliation à la CARPIMKO, la
Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers,
masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et
orthoptistes. Il y aura donc également une phase de transition, entraînant des
progressions pour certains et des diminutions pour d’autres, dans le but
d’atteindre un régime commun.
Quant aux assistantes maternelles
– qui ne sont d’ailleurs pas concernées par cet amendement, puisqu’elles
n’ont pas un statut libéral –, elles doivent avoir cotisé sur la base de
six cents heures rémunérées au SMIC – l’équivalent d’un tiers temps –
pour avoir droit au minimum contributif à 85 %. En général, cette condition
est parfaitement compatible avec leur activité.
M. Marc Le
Fur. Combien d’heures donne un enfant ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Un tiers temps représente cinquante heures
par mois, soit six cents heures annuelles.
Enfin, le sujet que soulève
l’amendement de fond de M. Boris Vallaud et de ses collègues sera abordé à
l’article 4. Je demande donc son retrait, ainsi que des sous-amendements
correspondants ; à défaut, mon avis serait défavorable.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe MODEM.)
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’entends consacrer du temps à
cet amendement, qui fait l’objet de moult sous-amendements soulevant moult
sujets. Il a d’abord retenu mon intérêt car il évoque un sujet que je juge
d’importance, les professions libérales. Mais à y voir de plus près, il y est
question de tout autre chose. Ceux qui, il y a à peine une heure, se disaient
éminemment intéressés par les professions libérales, traitent en fait d’un tout
autre sujet dans cet amendement apparemment consacré à ces professions.
Peut-être ai-je perdu le fil de nos débats en cette fin de matinée, mais il est
plus probable que d’autres n’aient pas été suffisamment attentifs…
M.
Christian Hutin. Quand on est ministre, on ne dit pas cela !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Dharréville, vous avez
déposé une multitude de sous-amendements – je ne les ai pas
comptés –,…
M. Erwan
Balanant. Il y en a vingt-cinq !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …et chaque fois que vous
soutenez un sous-amendement, vous m’interrogez sur un sujet qui n’y figure pas.
Cela me donne le sentiment d’assister aux questions au Gouvernement, à la nuance
près que vous avez déplafonné – comme pour le compte
pénibilité ! – le nombre de questions auxquelles vous avez droit.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Je m’efforcerai de
vous répondre, mais comprenez qu’il me sera difficile d’être exhaustif tant vos
prises de parole sont nombreuses – et de qualité. Il me faut y consacrer le
temps nécessaire.
M.
Christian Hutin. Il faut sortir de la piscine monsieur le secrétaire
d’État ! Il faut émerger !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. L’une de vos questions
concernait le taux de rendement. Sur ce point, le rapport Delevoye signalait
déjà que le taux de rendement brut des cotisations se montait à
5,5 % ; cela est bien connu.
M. Boris
Vallaud. Est-ce que c’est écrit ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Comment ce taux de rendement
est-il garanti ? Comme le précise le projet de loi, les valeurs d’achat et
de service du point sont indexées de la même façon, ce qui sécurise le taux de
rendement.
M. Boris
Vallaud. Ce n’est pas vrai !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. La commission spéciale a
débattu de la base sur laquelle devaient être indexées ces valeurs d’achat et de
service, et l’Autorité de la statistique publique a confirmé qu’il était
parfaitement possible d’élaborer, en toute indépendance, un indice de revenu
moyen par tête. J’imagine que ces propos vous ont rassuré.
M. Boris
Vallaud. Non !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’en viens aux questions
relatives aux réserves. Je ne me lasse pas de répéter que les réserves sont et
resteront la propriété de ceux qui les ont constituées. Ce principe ne peut
faire l’objet d’aucun débat. Mme Marie-Christine Dalloz, qui connaît le
droit, l’avait d’ailleurs précisé.
M. Ugo
Bernalicis. Arnaque, monsieur le secrétaire d’État !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il m’a été rappelé qu’en
commission spéciale, j’avais présenté un amendement du Gouvernement relatif aux
caisses. Je vous remercie incidemment d’avoir évoqué les travaux intéressants
menés par la commission spéciale, qui auraient certes mérité d’être plus
ramassés afin qu’un texte en découle. Ledit amendement explicitait la situation
des réserves et ouvrait la possibilité aux caisses qui le décideraient de
couvrir partiellement ou totalement les éventuelles progressions de charges.
M.
Sébastien Jumel. Vous siphonnez les réserves !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. C’est une option offerte aux
caisses, ni plus ni moins. Les caisses étant propriétaires de leurs réserves, la
décision leur reviendra. Faisons-leur confiance pour en juger, sans préjuger de
leurs intentions.
M.
Christian Hutin. Vous siphonnez les réserves ! Vous ouvrez les
vannes !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Dharréville et madame
Faucillon, vous vous êtes inquiétés à plusieurs reprises du statut des
auto-entrepreneurs. Je ne vous ai pas répondu après chacune de vos nombreuses
interventions – étant respectueux du fonctionnement de cette institution,
j’attendais que la présidente me donne la parole (Applaudissements sur
quelques bancs du groupe LaREM) –, mais je prends maintenant le temps
de le faire ; ne me reprochez donc pas de vous laisser sans réponse. Je ne
vous renverrai pas non plus à l’article 22 qui traite des
auto-entrepreneurs, car je sais combien vous et les membres de votre groupe ont
hâte de m’entendre à ce sujet.
Les auto-entrepreneurs auront la
possibilité de cotiser à hauteur de six cents heures rémunérées au SMIC, ce qui
leur donnera accès à un minimum de pension équivalant à 85 % du SMIC. Cette
disposition figure dans l’article 22. Nous retrouvons là le principe que
M. Nicolas Turquois a exposé au sujet des assistantes maternelles, en
réponse à M. Marc Le Fur – mais celui-ci ne nous écoute pas,
absorbé qu’il est par une autre réflexion… (Protestations sur les bancs du
groupe LR.) Je ne voulais pas vous taquiner, monsieur Le Fur, mais je
tenais à ce que vous entendiez mes explications, car la situation des
assistantes maternelles et celle des auto-entrepreneurs se rejoignent.
M. Marc Le
Fur. À tout pécheur, miséricorde !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Tout comme les
auto-entrepreneurs, les assistantes maternelles pourront donc accéder à un
minimum de pension correspondant à 85 % du SMIC. La plupart du temps, en
effet, elles atteignent cinquante heures rémunérées au SMIC par mois, soit le
tiers d’un temps complet au SMIC.
M. Boris
Vallaud. Et après, c’est proratisé ?
M.
Sébastien Jumel. À quel âge, et comment ça se passe ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Dharréville, même les
questions au Gouvernement sont régies par un certain formalisme : on y
prend la parole les uns après les autres. J’essaie de vous répondre de façon
circonstanciée et étayée ; pardonnez-moi d’ordonner ma pensée !
M.
Christian Hutin. « Ordonner » ? Alors là !…
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. L’une de vos nombreuses
interventions, monsieur Dharréville – mais nombreuses, je ne dis pas
qu’elles le soient trop –, avait trait à l’espérance de vie. MM. Éric
Woerth et Cyrille Isaac-Sibille ont pour leur part abordé l’espérance de vie en
bonne santé, précisant qu’en la matière, les données déclaratives devaient être
employées avec précaution tant il était difficile de les rapporter à des
critères objectifs. Prenons justement des données objectives : l’INSEE
– Institut national de la statistique et des études économiques – nous
apprend que depuis 1940, l’espérance de vie a progressé de plusieurs années,
dans des proportions certes plus importantes pour les hommes que pour les
femmes. Quant à l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans
– indicateur objectif tenant à la décision d’un médecin de prononcer une
incapacité, et non à la qualité, plus subjective, des relations entre employeurs
et salariés –, elle a progressé, dernièrement, de un an et deux mois pour
les hommes et de un an et cinq mois pour les femmes.
J’entends que vous
vous préoccupiez des conditions d’exercice de certains postes et de leur
pénibilité, mais concentrons-nous sur des éléments objectifs et mesurables. À ce
propos d’ailleurs, M. Sébastien Jumel – qui connaît bien son
territoire et nous rend régulièrement compte des rencontres qu’il y fait –
a soulevé le cas des verriers soumis à des hautes températures au pied des
fours. Tous les députés dont le territoire a compté ou compte encore des
activités sidérurgiques ou minières sont conscients de la difficulté de ces
emplois. En l’occurrence, l’exposition à des températures élevées est prise en
compte dans l’appréciation de la pénibilité ; vous pourrez le vérifier dans
le compte professionnel de prévention. Ainsi, un salarié régulièrement soumis à
des températures importantes bénéficiera de points de pénibilité et pourra
prendra sa retraite jusqu’à deux ans plus tôt. Il ne partira donc pas à
67 ans, comme vous en avez fait l’hypothèse.
Je vous remercie
également pour le suivi médiatique assidu que vous assurez de la conférence de
financement. Je lis moi aussi les journaux, mais vous avez l’avantage du
nombre ! J’y vois le signe positif que la démocratique politique, que vous
représentez, s’intéresse au fonctionnement de la démocratie sociale. Toutefois,
si l’ensemble des députés que vous êtes représentent la démocratie politique,
peut-être faut-il laisser à la démocratie sociale le temps de construire des
solutions, et accepter qu’elle prenne des positions – de même que, dans cet
hémicycle, s’expriment des prises de position voire des prises de bec !
M. Ugo
Bernalicis. Suspendez les travaux ici, alors !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’espère que cette démocratie
sociale saura mener une concertation et construire un compromis de qualité. Je
ferai tout pour qu’elle réussisse.
Divers sous-amendements traitaient des
orthophonistes. Malgré l’inquiétude de M. Marc Le Fur quant à ma
capacité à suivre les débats à une heure proche du repas, je me suis fait la
réflexion que le prochain amendement portait précisément sur ce sujet. Je
propose donc que nous en parlions au moment opportun. Pour toutes ces raisons,
mon avis est défavorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
Mme la
présidente. L’heure de la clôture étant proche, je vous propose de
terminer l’examen de cette série d’amendements. Je donnerai la parole à
M. Éric Coquerel pour un rappel au règlement, mais j’incite les orateurs
suivants à être synthétiques.
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel, pour un rappel au
règlement. Sur quel fondement ?
M. Éric
Coquerel. Sur le fondement de l’article 100, alinéa 5 de notre
règlement, relatif à la clarté et à la sincérité des débats. Hier et
aujourd’hui, nos camarades communistes ont déploré, à juste titre, que la
présidence de l’Assemblée fasse subir un traitement particulier à leurs
amendements. Pour notre part, nous estimons subir un traitement particulier de
la part du secrétaire d’État : depuis hier, il n’a pas apporté une seule
réponse à nos questions.
M. Hervé
Saulignac. Aucune !
M. Éric
Coquerel. À titre d’exemple, j’ai posé hier une question précise
concernant le salaire porté au compte à 50 %. Aujourd’hui, plusieurs de nos
amendements portent sur l’espérance de vie, et jamais M. Laurent
Pietraszewski n’y a répondu.
M. Rémy
Rebeyrotte. C’est faux !
M. Éric
Coquerel. J’ignore si c’est une stratégie visant à laisser croire que La
France insoumise se contente de paralyser le débat, alors que tous nos
amendements sont argumentés et soulèvent des questions précises. Quoi qu’il en
soit, il serait bon que cette discrimination cesse. (Applaudissements sur les
bancs du groupe FI. – Mme Elsa Faucillon
applaudit aussi.)
Mme la
présidente. Monsieur le député, il n’appartient pas à la présidence de
dicter ses propos au secrétaire d’État.
M. Ugo
Bernalicis. C’est bien dommage !
Mme la
présidente. Votre intervention incitera sans doute celui-ci à revenir
sur les questions que vous avez évoquées.
La parole est à M. Boris
Vallaud, pour un rappel au règlement.
M. Boris
Vallaud. Qui se fonde sur l’article 100 du règlement.
M. Erwan
Balanant. Arrêtez avec ça, ce n’est pas possible !
Un député du groupe
LaREM. Il va pouvoir retirer son amendement !
M. Boris
Vallaud. Je voudrais abonder dans le sens de ceux qui rappellent les
exigences de qualité du débat démocratique. En ordonnant sa pensée, le
secrétaire d’État pourrait s’astreindre à donner des réponses précises à des
questions qui le sont aussi, et qui sont continuellement posées depuis plus de
deux jours. L’exécutif a l’obligation constitutionnelle d’éclairer la
représentation nationale : ici, nous sommes plutôt en éclairage basse
tension !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Chacun cherche à garantir quelque chose, par exemple la pension
ou l’âge de départ. C’est très difficile dans le système actuel ; cela le
sera tout autant dans le système à venir. C’est une quête de l’impossible. Vous
nous dites qu’il existe des garanties, mais elles sont dans les mots et non dans
les faits, où il y a beaucoup de variables d’ajustement.
J’ajouterai une
remarque au sujet des caisses autonomes, notamment celle des avocats. Vous dites
que, leur démographie étant à présent favorable, ils doivent contribuer à la
solidarité ; d’ailleurs, ils le font déjà. Mais si vous voulez intégrer
leur régime au régime universel, prenez-le dans son ensemble, y compris en
tenant compte du fait que les avocats partent en retraite deux ans plus tard que
la moyenne des Français.
Ma troisième observation porte sur le PASS, le
plafond annuel de la sécurité sociale. En 2018, les cotisations étaient plus
élevées que les pensions : le solde était positif. En 2050, ce sera
également le cas, selon toutes les prévisions, dans le périmètre de
l’AGIRC-ARRCO. On peut donc se demander pourquoi vous rendez impossible de
cotiser au-delà de trois PASS, alors qu’entre trois et huit PASS le niveau des
pensions est inférieur à celui des cotisations. Il est assez curieux d’agir de
la sorte.
Mme Marie-Christine
Dalloz et M. Vincent Descoeur. Très bien !
Mme la
présidente. La parole est à M. Erwan Balanant. Je rappelle que
j’invite les orateurs à la concision – cela ne s’adresse pas à vous en
particulier, monsieur Balanant. (Sourires.)
M. Erwan
Balanant. M. Jumel, qui n’ignore pas que je l’aime beaucoup, m’a
interpellé pour me dire de prendre la parole. Je l’avais demandée à dix heures,
et il est treize heures quinze ! Ce n’est pas vous qui êtes en cause,
madame la présidente, mais l’enchaînement des sous-amendements.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM, LaREM et UDI-Agir.
– Exclamations sur les bancs des groupes GDR et
FI.)
Je ne critique pas la règle du jeu, je la constate. Seulement,
ne venez pas nous dire que l’opposition est bâillonnée quand, en ce moment,
c’est la majorité qui ne peut pas s’exprimer. (Mêmes mouvements.)
M. Ugo
Bernalicis. Parce que vous n’avez rien à dire !
M. Erwan
Balanant. Après la forme, venons-en au fond. Nous avons longuement parlé
des indépendants et des professionnels libéraux, mais je ne suis pas sûr que
tout le monde connaisse la réalité du travail et de la situation d’un
indépendant.
Un député du groupe LR.
Expliquez-nous !
M. Erwan
Balanant. Avant de devenir député, j’ai été indépendant quasiment toute
ma vie. Politiquement, je le suis toujours, n’en déplaise à M. Coquerel.
Qu’est-ce qu’un indépendant ? (Brouhaha sur divers bancs.) Quelqu’un
qui prend des risques, qui crée parfois des entreprises, souvent de l’emploi…
S’il vous plaît, monsieur Jumel, vous m’écoutez ?
M.
Sébastien Jumel. Fait personnel ! (Sourires.)
M. Erwan
Balanant. Un indépendant, dans notre modèle, n’a aucune protection. Il
doit être protégé, je suis d’accord avec vous sur ce constat ;
l’ubérisation est un vrai sujet. Le modèle que nous allons instaurer, dans une
durée extrêmement longue, va permettre à une multitude de personnes qui créent
du travail, de la production, de la valeur matérielle ou intellectuelle, parfois
du service aux autres, d’être protégées. Aujourd’hui, soit ces gens galèrent et
atterrissent dans la pauvreté, soit ils réussissent et, n’étant pas protégés par
la solidarité nationale, ils capitalisent dans des bas de laine ou des
assurances-vie. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Nous sommes en train de faire de la solidarité nationale le soutien
des indépendants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
C’est un point fondamental de ce texte, traité aux articles 21 et
61 : je souhaitais le rappeler à M. Vallaud.
Enfin, je
conclurai cette intervention en rendant hommage à Lawrence Gordon Tesler, décédé
lundi. Il était, monsieur Jumel, l’inventeur du copier-coller.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo
Bernalicis. Avant d’en venir au fond, je ferai remarquer que
l’intervention de Caroline Fiat n’a pas reçu de réponse. Concernant les
soignants, nous sommes bien en peine de savoir quels représentants des caisses
autonomes le secrétaire d’État a rencontrés, avec qui il a discuté, sur quoi ils
ont pu tomber d’accord, puisqu’eux aussi sont dans la rue : ils ont monté
un collectif commun avec les avocats.
S’agissant des avocats, justement,
nous entendons dans cet hémicycle un certain nombre d’inepties et de
contre-vérités. On nous dit : « Ne vous inquiétez pas, on ne touchera
pas aux réserves qu’ils ont faites parce que leur démographie leur était
favorable. » Quelques minutes plus tard, le secrétaire d’État déclare en
substance : « Nous n’empêcherons pas les caisses autonomes de
mobiliser leurs réserves pour lisser l’effort que leur demandera notre réforme
pourrie. » (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
Vous dites que les avocats mettront plusieurs années à passer
de 14 % à 28 %. Ce sera le cas parce que vous les obligerez
– vous préférez dire que vous le leur « proposerez » – à
utiliser leur argent pour lisser les effets de votre réforme pourrie !
M.
Christian Hutin. Soit 1 600 euros par an et par
avocat !
M. Ugo
Bernalicis. C’est cela, la situation concrète dans laquelle on se
trouve ! Voilà pourquoi les avocats poursuivent leur mobilisation, leur
grève dure, dans le pays tout entier. Ils le font d’ailleurs en assemblées
générales extraordinaires, ce qui est une très bonne chose pour l’exercice de la
démocratie au sein de la profession. Mais il faut arrêter de prétendre que votre
réforme s’appliquera progressivement parce que vous le voulez ainsi : vous
le ferez en fait avec l’argent des intéressés. C’est d’autant plus inadmissible
que les avocats participent déjà à la solidarité nationale, comme Éric Woerth
l’a fait observer tout à l’heure. Pour 2020, il est prévu qu’ils versent
100 millions d’euros au régime général ! Qu’est-ce que vous nous
racontez donc comme balivernes ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Julien Borowczyk.
M. Julien
Borowczyk. Vous constaterez que la majorité peut s’exprimer
– rarement, hélas ! Je voulais revenir sur deux points. Le premier,
développé par le secrétaire d’État, est celui de l’espérance de vie en bonne
santé. Il serait important de le préciser. Nous l’avons dit et nous le répétons,
il s’agit d’un critère relativement subjectif, comme l’est celui, par exemple,
de l’échelle de la douleur. Certains, qui pratiquent l’obstruction parlementaire
permanente, présentent une très faible résistance à la douleur causée par nos
arguments ; ils ont la démocratie douillette ! (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Fabrice Brun
proteste.)
Le deuxième point est celui de la pénibilité. Mes chers
collègues, je vous trouve particulièrement résignés : lorsqu’on a un métier
pénible, la seule solution serait donc de partir plus tôt ? On ne se
préoccupe pas de la prévention, ni des conditions de travail.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) D’une part, nous
souhaitons un système universel ; par conséquent, nous développons la prise
en compte de la pénibilité pour tous les travailleurs. (Exclamations sur les
bancs du groupe SOC.)
M. Ugo
Bernalicis. Bravo ! Super ! Tartuffe !
M. Julien
Borowczyk. D’autre part, par l’intermédiaire de la branche AT/MP
– accidents du travail et maladies professionnelles – de la sécurité
sociale, nous mettons en place une évaluation des conditions de travail à
55 ans, afin de les réviser et de favoriser la prévention. Je vais vous
dire une chose : je préfère être un Playmobil du
XXIe siècle plutôt qu’un soldat de plomb du
XIXe ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM
et MODEM.)
M. Alain
Bruneel. La majorité a un chauffeur de salle !
Mme la
présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry
Benoit. Au nom des députés du groupe UDI, Agir et indépendants, je
souhaite exprimer notre désapprobation de l’amendement no 23971
et des sous-amendements.
L’amendement propose d’inscrire dans le
texte : « La Nation garantit que les réformes relatives aux retraites
ne conduisent pas à une régression des droits des assurés. » Je souhaite
que dans ce nouveau projet de réforme des retraites, ceux des Français qui
disposent de bons revenus, notamment de revenus plusieurs fois supérieurs au
PASS, ceux des Français qui bénéficient de retraites chapeaux, fassent un effort
en faveur des Français de condition modeste.
M. Boris
Vallaud. Ce n’est donc pas le cas, nous sommes bien d’accord !
Plusieurs députés du groupe
SOC. Chiche !
M. Thierry
Benoit. J’ignore si, pour eux, cela constituerait une régression ;
mais je souhaite qu’ils le fassent. C’était le premier point. Le deuxième point
concerne la pénibilité, au sujet de laquelle plusieurs députés se sont exprimés,
à juste titre. Certains métiers de l’industrie ou de l’agroalimentaire, certains
métiers du soin, du bâtiment, des travaux publics, de la grande distribution,
sont difficiles. Le texte prévoit la prise en compte des postures pénibles, des
vibrations mécaniques, des charges lourdes et des risques chimiques. C’est
l’objet de l’article 32 : nous n’avons pu l’examiner en commission, et
je ne sais pas si nous pourrons le faire en séance.
Mme la
présidente. Merci, cher collègue.
M. Thierry
Benoit. Mais je voudrais qu’au moment d’aborder ce sujet, nous évoquions
aussi les horaires décalés, les horaires de nuit et les cadences imposées par
les robots sur les lignes de production. (Applaudissements sur les bancs des
groupes UDI-Agir et LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme
Christine Pires Beaune. Peut-être donnons-nous depuis bientôt trois
jours l’impression de débats brouillons, mais comment pourrait-il en être
autrement ? Ils sont à l’image du texte. (Applaudissements sur quelques
bancs du groupe SOC. – M. Ugo Bernalicis
applaudit également) En ces trois jours, monsieur le secrétaire d’État, je
ne suis intervenue qu’une seule fois, pour poser une question concernant la
retraite des aides-soignantes et des infirmières, qui peuvent aujourd’hui partir
à 57 ans, car faisant partie des carrières actives. Je n’ai pas reçu de
réponse. Or, pour moi, ces femmes auront demain une retraite
dégradée.
Question supplémentaire, monsieur le secrétaire d’État :
vous avez tout à l’heure évoqué les tiers temps, qui, dites-vous, ouvrent droit
au minimum contributif. Pouvez-vous nous préciser si celui-ci sera proratisé ou
non ?
De plus, étant donné que beaucoup d’entre nous se plaignent de
n’avoir pas de réponse à leurs questions, je vais vous en poser qui ne sont pas
les miennes : elles figurent dans un courrier au Premier ministre d’Émilie
Cariou et Laurent Saint-Martin, en date du 11 février. Elles sont en
rapport avec l’amendement de M. Vallaud, et comme elles n’émanent pas de
nous, peut-être aurez-vous les réponses : « Les indépendants et
libéraux seront soumis à de fortes hausses de cotisation. À l’initiative du
Gouvernement, la commission spéciale chargée de l’examen du projet de loi a
adopté un amendement précisant l’habilitation donnée au Gouvernement de
légiférer par ordonnance pour revoir l’assiette de cotisations des travailleurs
indépendants. Il prévoit un abattement de 30 % dans la limite d’un montant
tenant compte des cotisations sociales dues. Quels sont les montants annuels de
perte de cotisations et contributions sociales : 1 milliard
d’euros ?1,7 milliard ? Comment sera financée la réduction de ces
recettes ? Les autres branches de la sécurité sociale vont-elles voir leurs
ressources baisser ? Comment la transition va-t-elle se passer ?
Pouvez-vous chiffrer par exercice budgétaire les transferts de charges qui sont
envisagés ? »
Cela fait beaucoup de questions. Nous attendons
les réponses. (M. Christian Hutin
applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Permettez-moi de formuler trois remarques. Il est évident,
comme l’a souligné Mme Pires Beaune, que le débat prend cette tournure en
raison de la nature du texte et de la manière dont il est rédigé. Vous devez
l’assumer.
Premièrement, concernant les retraites chapeaux, évoquées par
notre collègue Thierry Benoit, nous sommes très favorables à leur intégration
dans le dispositif mais pour l’instant, à ma connaissance, ce n’est pas le cas.
C’est bien volontiers, en tout cas, que nous nous mettrions d’accord à ce
sujet.
Par ailleurs, notre collègue Julien Borowczyk a opposé assez
grossièrement la prévention et la réparation. La prévention est essentielle et
nous nous battrons pour que des mesures soient prises en ce sens. Il est très
bien placé pour savoir que je serai le premier à la défendre puisque nous avons
rendu un rapport ensemble dans ce domaine. Cependant, le besoin de réparation
est tout aussi crucial car, à ce stade, un certain nombre de femmes et d’hommes
souffrent de leur vie abîmée, de leur santé altérée. Il faut en tenir compte. Ce
n’est en aucun cas un renoncement, mais une juste mesure.
Troisième
remarque, monsieur le secrétaire d’État, nous vous avons interrogé à propos du
rendement des cotisations, mais votre réponse portait sur le rendement du point.
Ce n’est pas tout à fait la même chose. Vous prétendez par ailleurs que le taux
de 5,5 % pour le rendement du point serait garanti…
M. Boris
Vallaud. C’est faux.
M. Pierre
Dharréville. Je n’ai vu inscrite nulle part cette garantie dans le
texte. Quelques intentions se sont exprimées de-ci de-là mais, concrètement,
cette disposition n’est pas gravée dans votre texte. J’en profite pour vous
demander de nous le confirmer.
Vous affirmez encore, monsieur le
secrétaire d’État, que la valeur d’achat et la valeur de service du point
seraient indexées de la même façon. Je ne vois pas où cela est écrit.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC.)
Mme la
présidente. Monsieur le secrétaire d’État, nous devons lever la
séance avant treize heures trente pour ne pas devoir reporter l’heure de
reprise, ce que je ne souhaite pas.
Je vous invite à répondre brièvement
maintenant ou bien, à défaut, plus longuement lors de la reprise, car beaucoup
de questions vous ont été posées.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je suis d’accord pour répondre
à la reprise de la séance. J’adresserai simplement un petit accusé de
réception au député Éric Coquerel car j’avais préparé une réponse à la question
qu’il m’a posée hier soir. Il a raison de souligner que je n’ai pas pu le faire
encore. À ma décharge, si je puis me permettre, de nombreux orateurs se sont
exprimés hier soir et il était compliqué de s’y retrouver. Mais la réponse est
prête et nous en reparlerons tout à l’heure.
Mme la
présidente. Merci pour votre compréhension, monsieur le secrétaire
d’État.
(Les sous-amendements nos 41855, 42229,
41860, 41858, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42206.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 103
Nombre
de suffrages
exprimés 95
Majorité
absolue 48
Pour
l’adoption 15
Contre 80
(Le sous-amendement no 42206 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 41863 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41869.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 111
Nombre
de suffrages
exprimés 103
Majorité
absolue 52
Pour
l’adoption 19
Contre 84
(Le sous-amendement no 41869 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 41864, 41867,
41873, 42246, 41876, 41879, 41883, 42198, 41885, successivement
mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41886.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 108
Nombre
de suffrages
exprimés 101
Majorité
absolue 51
Pour
l’adoption 18
Contre 83
(Le sous-amendement no 41886 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42203.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 104
Nombre
de suffrages
exprimés 98
Majorité
absolue 50
Pour
l’adoption 15
Contre 83
(Le sous-amendement no 42203 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42164.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 111
Nombre
de suffrages
exprimés 110
Majorité
absolue 56
Pour
l’adoption 27
Contre 83
(Le sous-amendement no 42164 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41888.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 108
Nombre
de suffrages
exprimés 102
Majorité
absolue 52
Pour
l’adoption 19
Contre 83
(Le sous-amendement no 41888 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 41893, 41897,
41901, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42193.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 107
Nombre
de suffrages
exprimés 106
Majorité
absolue 54
Pour
l’adoption 23
Contre 83
(Le sous-amendement no 42193 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42073 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix l’amendement no 23971.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 109
Nombre
de suffrages
exprimés 107
Majorité
absolue 54
Pour
l’adoption 24
Contre 83
(L’amendement no 23971 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
2
Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la
présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze
heures :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un
système universel de retraite et du projet de loi organique relatif au système
universel de retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures vingt.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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