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Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Deuxième séance du jeudi 20 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de M. Richard Ferrand
1.
Attentats de Hanau
2.
Système universel de retraite
M. le
président
Rappels
au règlement
M. Pierre
Dharréville
M. le
président
M. Boris
Vallaud
M. Damien
Abad
M. le
président
M. Sébastien
Jumel
M. Bastien
Lachaud
Discussion
des articles (suite)
Article 1er
(suite)
M. le
président
Présidence
de M. Sylvain Waserman
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Amendements nos 23972
, 41945
(sous-amendement) , 42226
(sous-amendement) , 41946
(sous-amendement) , 41947
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
M. Bastien
Lachaud
Article 1er
(suite)
Amendements nos 41948
(sous-amendement) , 42267
(sous-amendement) , 41949
(sous-amendement) , 41951
(sous-amendement) , (sous-amendement)
, 42228
(sous-amendement) , 41953
(sous-amendement) , 42245
(sous-amendement) , 42247
(sous-amendement) , 42249
(sous-amendement) , 42251
(sous-amendement) , 42261
(sous-amendement) , 42262
(sous-amendement) , 42263
(sous-amendement) , 42255
(sous-amendement) , 42264
(sous-amendement) , 42258
(sous-amendement) , 41954
(sous-amendement) , 41955
(sous-amendement) , 42279
(sous-amendement) , 42281
(sous-amendement) , 42077,
42078, 42079, 42080, 42081, 42082, 42083, 42084 (sous-amendements) , 42129
(sous-amendement) , 42280
(sous-amendement) , 42248
(sous-amendement)
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
Rappels
au règlement
M. Marc
Le Fur
M. Sébastien
Jumel
Mme Caroline
Fiat
M. Boris
Vallaud
M. Patrick
Hetzel
M. Patrick
Mignola
M. François
Ruffin
M. Éric
Woerth
M. Thierry
Benoit
M. Adrien
Quatennens
M. Bruno
Fuchs
Mme Brigitte
Bourguignon, présidente de la commission spéciale
Article 1er
(suite)
Suspension
et reprise de la séance
Amendements nos 23970
, 41823
(sous-amendement) , 42253
(sous-amendement) , 42259
(sous-amendement) , 42260
(sous-amendement) , 41825
(sous-amendement) , 42254
(sous-amendement) , 41827
(sous-amendement) , 41829
(sous-amendement) , 42256
(sous-amendement) , 41833
(sous-amendement) , 41835
(sous-amendement) , 41837,
41840 (sous-amendements) , 42257
(sous-amendement) , 41843
(sous-amendement) , 41846
(sous-amendement) , 42273
(sous-amendement) , 42042
(sous-amendement) , 23860
, 41830
(sous-amendement) , 41832
(sous-amendement) , 41839
(sous-amendement) , 42043
(sous-amendement) , 41841
(sous-amendement) , 41924,
41844, 41847 (sous-amendements) , 41850
(sous-amendement) , 41856
(sous-amendement) , 42274
(sous-amendement) , 42311
(sous-amendement) , 42276
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
M. Jean-Paul
Mattei
Suspension
et reprise de la séance
Rappel
au règlement
Mme Caroline
Fiat
Article 1er
(suite)
Amendement no 42272
(sous-amendement)
M. le
président
Amendement no 42278
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
M. François
Ruffin
M. Nicolas
Turquois, rapporteur
Article 1er
(suite)
Amendements nos 23859
, 41802
(sous-amendement) , 41804
(sous-amendement) , 42292
(sous-amendement) , 41808
(sous-amendement) , 42288
(sous-amendement) , 41810
(sous-amendement) , 42291
(sous-amendement) , 41814
(sous-amendement) , 42289
(sous-amendement) , 41816
(sous-amendement) , 42290
(sous-amendement) , 42295
(sous-amendement) , 42296
(sous-amendement)
3.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
M. Richard Ferrand
M. le
président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
Attentats de Hanau
M. le
président. Nous avons pris connaissance avec consternation des
fusillades meurtrières qui se sont produites en Allemagne. Au nom de la
représentation nationale, j’exprime notre émotion et notre compassion face à
cette tragédie. Je fais part de toutes nos condoléances aux familles des
victimes.
En cette circonstance terrible, j’ai adressé un message de
solidarité en notre nom à tous à mon homologue allemand, M. Wolfgang
Schäuble.
2
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le
président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623
rectifié, 2683).
J’ai souhaité réunir, voilà quelques minutes, la
conférence des présidents, pour faire le point sur l’état d’avancement de la
discussion de ce texte.
S’agissant tout d’abord des temps de parole, nous
avions, à l’ouverture de la séance de ce matin, consacré douze heures et
quarante-quatre minutes à l’examen des articles et amendements, dont trois
heures et quarante minutes en suspensions de séance ou rappels au règlement
– avec dix-sept suspensions de séance et soixante et onze rappels au
règlement. Hors discussion générale et rappels au règlement, les groupes Les
Républicains, La France insoumise et Gauche démocrate et républicaine ont chacun
parlé pendant 20 % du temps. Le groupe socialiste a quant à lui parlé
pendant 9,5 % du temps.
M. David
Habib. Cela nous semble correct !
M. le
président. Il ne me semble donc pas que l’opposition ait été bâillonnée,
puisque, d’une manière générale, les temps de parole sont inversement
proportionnels à la taille des groupes.
M. Patrick
Hetzel. Sauf pour nous…
M. le
président. Pour ce qui est des amendements, 36 476 étaient encore
en discussion ce matin à neuf heures, le rythme d’examen s’établissant à
22,2 amendements par heure. À cette vitesse, 1 643 heures de
séance seront nécessaires pour terminer l’examen de la seule loi ordinaire, soit
– si l’Assemblée siège du lundi au dimanche soir en respectant les horaires
réglementaires – 150 jours de séance.
M. Alain
Bruneel. C’est très bien !
M.
Sébastien Jumel. Oui, ça va ! (Sourires.)
M. le
président. Nous avons examiné 283 amendements, dont 205 identiques
à d’autres. En outre, 409 sous-amendements ont été déposés, ce qui
signifie, en réalité, que le nombre d’amendements à examiner augmente en cours
de débat.
M.
Sébastien Jumel. Eh oui !
M. le
président. Je relève que certains de ces sous-amendements sont purement
rédactionnels…
M. Alain
Bruneel. Non…
M. le
président. …et n’ajoutent rien de substantiel au fond du texte de
l’amendement concerné. Ils substituent par exemple le mot « jamais »
au mot « pas », le mot « aucune » aux mots « pas
une » (Sourires), ou les mots « tous les » au mot
« des ».
Globalement, 41 396 amendements, dont
30 544 identiques à d’autres, ont été déposés sur le texte. Le groupe GDR
en a déposé 13 031, sous la forme de 715 séries d’amendements
identiques et de 3 suites d’amendements sériels représentant
1 584 amendements – par exemple, 656 amendements déposés en
41 séries déclinent l’entrée en vigueur de dispositifs année après année,
de 2023 à 2082. Le groupe La France insoumise a déposé
23 147 amendements sous forme de 1 360 séries d’amendements
identiques.
Enfin, vous aurez noté le nombre très élevé de scrutins
publics – à l’ouverture de la séance ce matin, il y en avait déjà eu
trente.
M.
Christian Hutin. C’est bien, c’est la démocratie !
M. le
président. Au vu du déroulement du débat, j’ai décidé de réunir la
conférence des présidents aujourd’hui à quatorze heures trente. J’ai rappelé que
la pratique consistant à considérer que les amendements ayant le même objet
qu’un amendement déjà rejeté tombent, bien que contestée par certains groupes, a
déjà été appliquée à plusieurs reprises – Mme Genevard en a donné
quelques illustrations hier soir. Mardi matin, la proposition consistant à
appliquer cette disposition n’avait suscité aucune remarque ni opposition et a
de facto recueilli l’assentiment de la conférence des présidents.
J’ai eu
l’occasion de rappeler à de nombreuses reprises, pendant les débats, que cette
pratique est destinée à garantir la cohérence des votes de notre assemblée.
Quand un amendement proposant de remplacer un mot par un autre ou bien d’ajouter
un adjectif épithète après un nom a été rejeté, un amendement proposant la même
substitution et ayant la même portée juridique – j’insiste sur ce
point – tombe logiquement. Plusieurs collègues ont, par exemple, prétendu
que le rejet d’un amendement prévoyant la prise d’un décret en Conseil d’État
ferait tomber tous les amendements prévoyant la même formalité. C’est évidemment
faux : de tels amendements n’ont naturellement pas la même portée. Ces
prises de décrets intervenant dans des domaines différents, il n’y aura bien
entendu pas de chute d’amendements du fait du rejet de l’un d’entre
eux.
En revanche, lorsque vous souhaitez modifier, à plus de soixante-dix
reprises, l’intitulé du système universel de retraite, la logique est toute
autre : les votes sur chacun de ces amendements ayant le même objet et la
même portée sont liés. L’Assemblée ne pourrait pas voter positivement sur
certains et en rejeter d’autres sans se contredire. Or l’objet même de la
procédure parlementaire est d’éviter que l’Assemblée, par ses votes, se
contredise. Il y va de l’intelligibilité de la loi, dans le strict respect des
exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire rappelées par le
Conseil constitutionnel, qui n’a jamais rien trouvé à redire à cette
pratique.
Toutefois, constatant que certains présidents de groupe sont
dans l’incapacité de faire appliquer cette règle, à laquelle ils ne se sont
pourtant pas opposés ; et estimant qu’il convient – nous en sommes
tous d’accord – qu’aucun prétexte d’obstruction ne subsiste ni ne porte
atteinte à la dignité des débats, dont les présidents de séance sont les
garants, j’ai proposé à la conférence des présidents que cette règle ne soit pas
appliquée.
Mme
Mathilde Panot. Bravo !
M. le
président. S’agissant des 35 amendements – sur les 41 396
déposés – qui sont tombés en application de ladite règle, soit
3 amendements du groupe Les Républicains, 16 amendements du groupe GDR
et 16 amendements du groupe La France insoumise, ils portaient sur la
partie du texte précédant l’article 1er. Il n’est donc pas
possible de revenir en arrière. En revanche, ces amendements pourront faire
l’objet d’une seconde délibération, une fois que tous les articles du projet de
loi ordinaire auront été examinés. (Sourires sur les bancs des groupes SOC,
GDR et LT.)
M.
Christian Hutin. Personne n’a rien compris, là !
M. le
président. Néanmoins, et afin que personne ici ne soit dupe, la
présidence de séance sera attentive à ce que ne se multiplient pas les prétextes
en vue de ralentir les débats en usant de manœuvres dilatoires – un de ces
prétextes vient en tout cas de disparaître. Sur la question très importante que
constitue l’avenir de notre système de retraites, les Français attendent de nous
des débats sérieux et dignes. (Applaudissements sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
M. Jérôme
Lambert. Mais nous sommes très sérieux !
M.
Christian Hutin. Eh bien, ce n’était pas brillant !
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour un rappel au
règlement. (« Ça faisait
longtemps ! » sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Pierre
Dharréville. Vous avez pris, monsieur le président, une décision que
nous appelions de nos vœux depuis quelques heures et qui nous semble normale,
puisque la règle à laquelle vous faisiez référence ne nous paraissait pas devoir
ni pouvoir s’appliquer – sans compter qu’elle finissait par concerner quasi
exclusivement le groupe GDR et que la dimension discriminatoire de la mesure
s’ajoutait donc à son caractère discutable. Il est, par conséquent, de bon aloi
que vous reveniez sur votre décision, d’autant que de telles conditions d’examen
du texte aurait pu nourrir des procès en inconstitutionnalité. Nous en prenons
acte et nous vous en remercions.
Vous vous êtes par ailleurs livré à
l’analyse qualitative de certains des amendements déposés par notre groupe.
M. le
président. Non, quantitative !
M. Pierre
Dharréville. Or cette qualité, dont l’appréciation nous appartient, est
aussi la manifestation des difficultés auxquelles nous nous heurtons pour
formuler des propositions – notamment à cause de l’article 40 de la
Constitution, mais également du fait du durcissement récent du règlement de
l’Assemblée nationale, qui contraint encore davantage notre temps de parole et
notre droit d’amendement. Vous avez d’ailleurs ajouté à ces difficultés,
monsieur le président, en choisissant de repousser les demandes de rapports à la
toute fin des débats, ce qui nous semble constituer un problème
supplémentaire.
Je voulais apporter ces quelques précisions, en vous
assurant que nous sommes attachés à mener un débat de fond,…
M. Bruno
Millienne. Ce n’est pas gagné !
M. Pierre
Dharréville. …qui nous paraît nécessaire pour lever le voile sur la
réalité de cette réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe
GDR.)
M. le
président. Pour être précis, monsieur le député, c’est la conférence des
présidents qui a pris la décision à laquelle vous faites référence, sur la base
de ma proposition – comme elle l’avait fait en sens inverse le mardi
précédent.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour un autre rappel au
règlement.
M. Boris
Vallaud. Il se fonde sur l’alinéa 5 de l’article 100. Nous
prenons nous aussi acte de la décision que vous venez d’annoncer, mais je ne
voudrais que vous laissiez entendre que revenir sur la règle que vous aviez
fixée de façon unilatérale hier constituerait une indulgence de votre part.
M. le
président. Encore une fois, ce n’est pas moi qui avais pris cette
décision.
M.
Christian Hutin. Bien sûr que si ! C’était une décision
personnelle !
M. Boris
Vallaud. La conférence des présidents ne pouvait pas prendre cette
décision hier, pas plus qu’elle ne pouvait prendre la décision inverse
aujourd’hui. En réalité, il s’agit simplement d’appliquer l’obligation
constitutionnelle qui vous incombe de respecter le droit d’amendement – ni
plus, ni moins.
M. Patrick
Hetzel. Très bien !
M. Boris
Vallaud. J’ai bien compris, à travers vos énumérations statistiques et
qualitatives, le contre-feu que vous prépariez en anticipation d’un recours
devant le Conseil constitutionnel. Personne n’est dupe. Que vous appliquiez le
droit, rien que le droit, tout le droit, nous ne pouvons que nous en féliciter,
et vous en remercier. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR, FI
et GDR.)
M. le
président. La parole est à M. Damien Abad, pour un rappel au
règlement.
M. Damien
Abad. Je me fonde sur l’article 100, alinéa 5, du règlement,
et m’inscris dans la continuité des propos de M. Vallaud. Il est très bon
que la règle de droit s’applique aujourd’hui. Avec cette sage décision, vous
avez tout simplement évité une censure du Conseil constitutionnel.
(M. Patrick Hetzel applaudit.) Nous
en sommes satisfaits, mais peut-être aurions-nous pu éviter hier ce psychodrame,
cette attente et cette lenteur des débats.
Le groupe Les Républicains
souhaite désormais pouvoir en revenir au fond, car nous avons déposé des
amendements sur l’ensemble du texte et il est grand temps de débattre
sereinement. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. le
président. Je précise que je n’ai pas formulé une analyse qualitative,
mais strictement quantitative.
M. Boris
Vallaud. Non ! Elle était aussi qualitative. Ne jouez pas sur les
mots !
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au
règlement.
M.
Sébastien Jumel. Comme mes collègues, je me fonde sur
l’article 100, alinéa 5, du règlement. Il est rassurant que le droit
l’emporte sur la raison du plus fort et que le droit constitutionnel s’applique
dans cette enceinte, qui est en quelque sorte le cœur de la démocratie. Il ne
faisait pour moi aucun doute que nous finirions par emporter la conviction de la
conférence des présidents et c’est la raison pour laquelle nous avons demandé à
plusieurs reprises qu’elle se réunisse, avant de l’obtenir. Il n’y a donc pas là
de cadeau de votre part ; nous prenons acte de cette décision.
M. le
président. Vous détournez les règles, alors que vous en demandez
l’application ! Quelle est la nature de votre rappel au règlement ? Ce
n’en est pas un !
M.
Sébastien Jumel. Si, bien sûr !
M.
Christian Hutin. Il peut bien parler, tout de même !
M. le
président. Et vous, vous pouvez ne pas crier !
Monsieur
Jumel, veuillez fonder votre rappel au règlement !
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le président, ne confondez pas vitesse et
précipitation !
M. le
président. Avec vous, je ne risque pas !
M.
Christian Hutin. Quand vous n’êtes pas content, vous empêchez les autres
de parler !
M.
Sébastien Jumel. Nous venons d’être convoqués en commission spéciale au
titre de l’article 91 du règlement pour examiner, au titre de
l’article 88, une série de soixante-quatorze amendements dont nous n’avons
pas connaissance ; nous apprenons qu’un avis favorable a été formulé par le
rapporteur sur ces amendements, inconnus de nous, sans que nous soit communiquée
non plus la motivation de cet avis, et donc sans que la commission spéciale ait
pu se forger un avis. C’est inacceptable !
En effet, soit la
commission spéciale ne sert à rien, et il faut alors la dissoudre sans attendre,
soit son avis est inutile, et il faut alors démettre la palanquée de rapporteurs
qui ont été désignés, soit encore, au moment où vous reconnaissez que la
Constitution n’a pas été respectée et où vous nous donnez raison à ce titre,
vous ne pouvez pas enfreindre cette autre règle qui commande d’informer les
membres de la commission spéciale et de leur donner les éléments dont ils ont
besoin pour être suffisamment éclairés.
Nous avons donc ici une liste de
soixante-quatorze amendements, sans le texte de ces derniers, ainsi qu’un avis
dont nous ne connaissons pas le fondement et une convocation qui contredit celle
que nous avons reçue.
M. le
président. Merci, monsieur Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le président, le groupe GDR demande, comme
l’ensemble des autres groupes, que la commission spéciale puisse examiner ces
amendements.
M. le
président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour un rappel au
règlement.
M. Bastien
Lachaud. Il se fonde sur l’article 52, alinéa 1er,
du règlement. Nous prenons acte du fait que l’Assemblée respectera la
Constitution et le droit d’amendement. Cependant, monsieur le président, vous
avez émis, dans votre propos liminaire, un jugement sur la qualité des
amendements, et non pas seulement sur leur quantité. Ce n’est pas à vous que
j’apprendrai la richesse de la langue française : les expressions
« toutes les » et « des » n’ont évidemment pas la même
signification ni le même sens juridique. Si donc nous voulons que les débats
puissent se dérouler correctement, et avancer, chacun doit se garder de juger de
la qualité des amendements des autres, et répondre sur le
fond.
Discussion des articles (suite)
Article 1er (suite)
M. le
président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles
du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 23972 à
l’article 1er.
Monsieur le secrétaire d’État, à la levée
de la séance de ce matin, vous avez indiqué que vous souhaiteriez apporter des
éléments de réponse complémentaire sur le débat qui s’était engagé en fin de
matinée. Je vous donne donc la parole.
(À quinze heures vingt, M. Sylvain Waserman remplace
M. Richard Ferrand au fauteuil de la présidence.)
Présidence de
M. Sylvain Waserman
vice-président
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Bien que
M. Éric Coquerel m’ait indiqué qu’il ne pourrait pas être présent cet
après-midi, je répondrai à la question qu’il a posée hier soir en fin de
séance sans qu’il soit possible de lui répondre, et qui portait sur le calcul de
la pension sur les vingt-cinq meilleures années, par rapport au calcul sur la
carrière complète.
J’avais, sur ce point, expliqué hier en fin de journée
qu’il fallait être très prudent en comparant les deux situations et éviter les
analogies faciles relevant du niveau de mathématiques de l’école primaire. En
effet, le calcul actuel de la pension est bien plus compliqué que ne l’ont dit
les orateurs qui se sont exprimés à ce propos.
J’ai donc rappelé trois
choses. Premièrement, dans le système actuel, pour les salariés du privé, la
pension servie par le régime de base est calculée sur les vingt-cinq meilleures
années mais elle est plafonnée à 1 PASS – plafond annuel de la
sécurité sociale –, ce qu’ont étrangement oublié tous les intervenants.
Deuxièmement, la pension se calcule sur la base des salaires portés au compte,
eux-mêmes indexés sur l’inflation depuis 1993, ce qui se traduit par une perte
très significative en valeur de capital, de l’ordre de 1 % par an, et
minore donc le montant des pensions. Troisièmement – car les choses ne sont
pas si simples –, on applique, lors de l’addition des pensions, un taux de
50 %, ce qui revient à dire qu’on prend en considération la moitié
seulement des salaires portés au compte.
M. Coquerel a réagi à cette
explication et je lui ai proposé, pour compléter cet échange, de se reporter aux
travaux du Conseil d’orientation des retraites – COR –, dont le
septième rapport, publié en 2010, explique que la règle des vingt-cinq
meilleures années ne bénéficie pas aux petites pensions, et même pas du tout aux
très petites, comme cela figure du reste à la page 117 de l’étude
d’impact.
Nous montrons bien que le système que nous voulons mettre en
place et que nous proposerons au vote de l’Assemblée nationale est très
redistributif, comme l’avait déjà signalé le COR en 2010 et comme le confirme
l’étude d’impact. Au-delà de leur aspect technique, ces éléments me semblent
pouvoir éclairer la représentation nationale, et particulièrement
M. Coquerel.
M. Boris
Vallaud. Ce n’est pas ce que dit Antoine Bozio !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Madame Pires Beaune, vous
m’avez interrogé sur la situation plus particulière des infirmiers, des
infirmières et des aides-soignantes à l’hôpital ; c’est une bonne question,
à laquelle je n’ai pas pu répondre hier soir.
Sans doute avez-vous suivi,
madame la députée, la réunion multilatérale qui a eu lieu jeudi dernier et au
cours de laquelle le Premier ministre a apporté des éclairages sur l’avancement
des concertations et sur les engagements du Gouvernement en matière de fins de
carrière à l’hôpital. Ces négociations avaient été menées par Agnès Buzyn et
j’ajouterai quelques éléments à ce propos.
Je rappelle tout d’abord que,
s’il est vrai que les catégories actives à l’hôpital peuvent partir à la
retraite dès 57 ans, dans la réalité, compte tenu de la durée d’activité
dans la mission, l’âge réel de départ est de 59,7 ans.
Je tiens par
ailleurs à souligner que nous allons ouvrir la reconnaissance de la pénibilité à
l’hôpital, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui,…
M. Pierre
Dharréville et M. Boris Vallaud. Si ! Ce sont les catégories
actives !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …ni du reste pour l’ensemble
des régimes spéciaux. Tous les fonctionnaires hospitaliers auront donc accès au
compte professionnel de prévention, ce qui leur permettra de partir jusqu’à deux
ans plus tôt.
Le projet de loi que nous soumettons à votre examen est
également attentif aux seuils applicables en matière de pénibilité, en
particulier à ceux, importants pour les métiers d’aide-soignant, aide-soignante,
infirmier et infirmière à l’hôpital, qui s’appliquent au travail de nuit et aux
horaires tournants, qui concernent particulièrement ces professions. Il existe
donc une dynamique réelle entre la baisse des seuils, qui permet de cumuler des
points, et la possibilité de partir plus tôt.
Je conclurai en rappelant
les mesures principales qui ont été portées jeudi dernier à la connaissance des
partenaires sociaux et des Français. Il s’agit d’abord de l’ouverture de la
retraite progressive dès 60 ans à l’ensemble des fonctionnaires, ce qui est
important, car ce dispositif permet de liquider une partie de sa retraite tout
en restant en activité avec des horaires et un temps de travail plus adaptés. Il
a également été proposé aux partenaires sociaux de créer un compte épargne temps
qui permettrait de liquider les heures supplémentaires, nombreuses à
l’hôpital,…
M.
Christian Hutin. Non payées !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …voire les journées à
récupérer,…
M. Alain
Bruneel. Non récupérées !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …de partir plus tôt et, au bout
du compte, d’avoir une répartition différente du temps de travail en fin de
carrière.
M. Pierre
Dharréville. Il faut surtout embaucher à l’hôpital !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Voilà, madame la députée, les
éléments que je voulais porter à votre connaissance.
Quant à
M. Coquerel, qui m’avait prévenu qu’il ne serait pas présent, je sais que
les réponses à ses questions lui seront transmises.
M. le
président. Merci, monsieur Hutin.
Je suis saisi d’un amendement
no 23972 qui fait l’objet de très nombreux
sous-amendements.
La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir
l’amendement.
M. Hervé
Saulignac. J’ai bien entendu les souhaits qui se sont exprimés pour que
nous puissions aller au fond du débat. C’est ce que je vais m’employer à faire
et j’espère que cela nous permettra d’obtenir des réponses plus précises que
celles que nous venons d’obtenir du secrétaire d’État.
Toujours au titre
du principe de non-régression, nous souhaitons appeler votre attention sur de
grands perdants de cette réforme, une profession libérale dont on parle assez
peu, même si M. Dharréville l’a évoquée tout à l’heure : il s’agit des
orthophonistes. Certes, 24 000 praticiens, ce n’est peut-être pas
beaucoup, c’est beaucoup moins que les enseignants ; mais ils méritent tout
de même qu’on s’y attarde un moment, car ce sont à 97 % des femmes, avec
des carrières hachées, qui ont fait au moins cinq ans d’études et dont les
salaires sont aujourd’hui très modestes, ne dépassant parfois guère le
SMIC.
C’est aussi, et surtout, une profession dont notre pays a grand
besoin : nous manquons d’orthophonistes pour des enfants qui doivent être
accompagnés par ces praticiens, ou pour des personnes plus âgées ou victimes
d’accidents vasculaires cérébraux. On parle beaucoup des avocats et des médecins
– et c’est légitime –, mais beaucoup moins des orthophonistes, alors
que le bond que vous allez imposer à leurs cotisations, qui atteindront
28 %, les mettra dans des situations terribles. Je les ai rencontrés et
écoutés : certains fermeront leur cabinet, tandis que d’autres songent au
déconventionnement, qui entraînera inévitablement des hausses de tarifs et
laissera sur le bord de la route une partie de leur patientèle.
Enfin, il
est incontestable que cette hausse des cotisations représente un appauvrissement
de la profession, et la nouvelle assiette de cotisations que vous proposez, vous
le savez, n’y changera rien.
Monsieur le secrétaire d’État, que
répondez-vous aux orthophonistes ?
M. Bertrand
Bouyx. Vous êtes des prédicateurs d’apocalypse !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41945.
M. Pierre
Dharréville. Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pouvons pas nous
satisfaire de voir des personnels hospitaliers accumuler autant d’heures
supplémentaires non payées, alors qu’il faut accroître leurs effectifs
– c’est la première revendication de ces personnels. Il ne faut donc pas
fonder des prévisions à long terme sur une continuation de la situation actuelle
à l’hôpital et je ne comprends donc pas bien le sens de vos propos.
Je
saisis cette occasion de dire que, si les infirmières et les personnels de
l’hôpital sont aujourd’hui très en colère et manifestent à la fois pour leurs
conditions de travail et pour leur retraite, c’est aussi le cas des infirmières
libérales, profession que je n’ai pas eu l’occasion de citer tout à l’heure,
mais dont j’ai rencontré des membres et qui exprime également son refus de se
voir appliquer les mesures que vous proposez.
Enfin, j’ai déjà exprimé
notre sentiment à l’égard des orthophonistes, qui font l’objet de l’amendement
de M. Saulignac : il faut répondre à leur demande autrement qu’avec le
système par points que vous proposez, qui n’apporte aucune véritable solution à
leur situation.
M. le
président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le
sous-amendement no 42226.
M. Bastien
Lachaud. Ici encore, nous souhaitons que soit inscrit dans la loi que
celle-ci a pour objectif d’être un progrès social, et non pas une grande
régression. Or, au terme des débats en commission, vous n’avez pas réussi à nous
démontrer comment vous pourrez financer les retraites en bloquant à 13 % le
taux de richesse du pays qui leur sera consacré, alors que le nombre de
retraités augmentera – c’est-à-dire comment nous réussirions, avec moins
d’argent, à payer des pensions au moins équivalentes à un plus grand nombre de
personnes.
M. Bruno
Millienne. C’est vous qui ne comprenez pas ce qu’on vous dit !
M. Bastien
Lachaud. Tant que vous n’aurez pas répondu à cette question simple
– mais à laquelle, j’en ai peur, il est impossible de répondre –, nous
ne pourrons pas soutenir un tel projet de régression sociale.
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41946.
M.
Sébastien Jumel. À la faveur d’un rapport de commission d’enquête que
j’ai rédigé sur l’inclusion des enfants en situation de handicap, j’ai souligné
le rôle déterminant des orthophonistes et la nécessité d’augmenter les
dépistages précoces, notamment des troubles dys. D’ailleurs, lorsque le
Président de la République s’est exprimé sur la question du handicap il y a
quelques jours, il a été amené à proposer que le dépistage soit étendu aux
enfants de douze ans, comme je l’avais préconisé dans mon rapport.
Or
nous savons qu’il y a un problème de démographie… (Il s’interrompt.)
Monsieur le président, il y a trop de bruit, c’est le bordel, je ne m’entends
pas parler !
M. le
président. Chers collègues, nous avons la chance de discuter en ce
moment du fond du sujet. Je vous demanderai donc toute votre attention et vous
prie d’écouter M. Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Je vous remercie, monsieur le président.
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Marc Le
Fur. La majorité est dissipée !
M.
Sébastien Jumel. La question de la démographie médicale des
orthophonistes, dont le rôle est pourtant reconnu, a été soulevée dans nos
territoires de vie. Or, ces professionnels, qui ont suivi cinq ans d’études et
passé des concours souvent difficiles, et qui sont à 97 % des femmes,
seront doublement pénalisés. Ceux qui font partie de la fonction publique
subiront la remise en cause de la règle des six derniers mois. Aux salaires peu
élevés, s’ajoute donc une retraite rognée. Ceux qui exercent en libéral verront,
eux, leur taux de cotisation passer de 16 % à 28 % : il leur sera
plus difficile d’ouvrir un cabinet.
D’un côté, le Président de la
République explique, sous la pression des associations qui œuvrent dans le champ
du handicap, et en s’appuyant sur le rapport de la commission d’enquête, qu’il
faut renforcer la présence des orthophonistes auprès des enfants dans les
écoles. De l’autre, la réforme pénalise ces praticiens en dégradant leurs
conditions d’installation et en réduisant l’attractivité de ce beau métier. Nous
proposons donc ce sous-amendement pour vous demander d’accorder une attention
particulière à la profession d’orthophoniste. C’est une ardente
obligation !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41947.
M. Pierre
Dharréville. Au moment où nous entamons la discussion, je veux saluer
les manifestations qui se déroulent aujourd’hui dans notre pays, en écho à nos
débats. Comme vous le savez, la rue ne désemplit pas. Plusieurs dizaines de
milliers de personnes défilaient ce matin dans les rues de Marseille,…
M. Jacques
Marilossian. Dites des centaines de milliers, carrément !
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Les sardines vont boucher le
Vieux-Port !
M. Pierre
Dharréville. …on en compte au moins autant dans celles de Paris. Vous
devriez ouvrir les yeux sur la réalité de la contestation, qui est profonde dans
l’ensemble du pays. C’est le signe que votre réforme ne passe pas, même si vous
avez passé deux ans à tenter, en vain, de préparer le terrain et l’opinion. Les
160 réunions que vous avez tenues ne suffisent pas à vous permettre
d’affirmer que les gens sont d’accord avec vous et vous soutiennent. Ça n’est
pas sérieux, toutes les enquêtes d’opinion montrent le contraire. Je vous invite
à essayer d’écouter ce qui se passe en dehors de cet hémicycle et dont nous
essayons de nous faire l’écho en nous heurtant, je dois le dire, à une fermeture
problématique.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour un rappel au
règlement.
M. Bastien
Lachaud. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 52,
alinéa 1. M. Jumel a raison : le bruit et les invectives en
permanence, c’est insupportable.
M. le
président. Monsieur Lachaud, je vous remercie.
M. Bastien
Lachaud. Je vous propose donc une solution simple : ouvrez
davantage le débat en autorisant un plus grand nombre de députés de La
République en marche à prendre la parole. Ils s’exprimeront ainsi dans le micro
plutôt que par des invectives. (Exclamations sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. Je vous remercie pour ces conseils, monsieur Lachaud. Chers
collègues, continuons nos débats dans le calme.
Article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 41948.
M. Alain
Bruneel. L’amendement proposé par nos collègues socialistes évoque la
spécificité et la pénibilité de certains métiers. Je voudrais ici témoigner de
la situation de milliers de travailleurs confrontés à un métier pénible. Je
parle de ceux qui nettoient vos rues, enlèvent vos poubelles. Alors que vous
dormez encore, ils courent après le camion en respirant les poussières des
déchets, la Ventoline dans la poche, car beaucoup d’entre eux souffrent d’asthme
ou d’autres maladies respiratoires. Toute la journée, qu’il pleuve, qu’il vente
ou en pleine canicule, ils accomplissent les mêmes gestes difficiles et
répétitifs. Il faut pousser et soulever des charges lourdes à une cadence
rythmée par la pression des klaxons. Ce marathon quotidien usant est le prix à
payer pour remplir une mission essentielle au service de la population. Les
problèmes de dos et de genou accentuent déjà les risques de vivre en mauvaise
santé au moment de la retraite, les troubles musculo-squelettiques font partie
du métier, le tout pour un salaire de base de 1 300 euros dans le
meilleur des cas, avec une espérance de vie réduite de sept ans par rapport à la
moyenne nationale. C’est le travail jusqu’à la mort qui les attend si ce mauvais
projet de loi est adopté. De nombreux éboueurs sont mobilisés, en grève, ils
veulent que la pénibilité soit reconnue et refusent votre réforme. Ils
manifestent encore aujourd’hui.
M. le
président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir le
sous-amendement no 42267.
M. Julien
Aubert. L’amendement vise à éviter une régression des droits des
assurés ; je propose avec ce sous-amendement d’affirmer le principe selon
lequel on ne doit pas baisser le montant des pensions. Il faut certes
s’intéresser à ce qui arrive aux assurés d’aujourd’hui mais ces derniers sont
évidemment aussi les retraités de demain. La conférence de financement prévoit
très clairement une augmentation des cotisations, un allongement de la durée de
celles-ci mais aucune baisse des pensions actuelles. Cette dernière disposition
doit s’appliquer aussi aux pensions de demain, d’autant plus que l’INSEE,
l’Institut national des statistiques et des études économiques, n’a toujours pas
été saisi de la question de ce fameux indicateur inconnu de tous, qui reste à
créer, sur lequel la valeur du point sera indexée.
En outre, le
Gouvernement n’a pas précisé si cet indicateur prendrait en compte les revenus
de tous les Français ou seulement ceux des Français en activité, ce qui serait
évidemment différent. Pour moi, cette réforme des retraites ne doit pas
entraîner de rupture d’égalité entre les assurés en activité et les pensionnés.
Tout le monde doit être traité de la même manière et se voir garantir une
stabilité des montants des pensions afin d’éviter qu’à l’arrivée la population
soit coupée en deux : d’un côté, ceux qui auront une retraite à points et de
l’autre ceux qui n’auront point de retraite.
M. le
président. La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir le
sous-amendement no 41949.
Mme Elsa
Faucillon. Si nous nous permettons de nous appesantir sur le problème
des orthophonistes, c’est parce que ces derniers ont eux-mêmes insisté pour être
reçus ; afin d’être mieux entendus, ils ont formulé vingt propositions.
Nous sommes inquiets parce que nous constatons dans nos circonscriptions que les
personnes qui souhaitent prendre rendez-vous chez un orthophoniste se retrouvent
souvent sur une longue liste d’attente alors même que nous savons à quel point
le délai de prise en charge peut jouer un rôle décisif, notamment pour les tout
jeunes enfants.
Nous remarquons aussi que la question du changement de
système de retraite vient s’ajouter à d’autres inquiétudes : la pénurie de
professionnels, le manque d’attractivité de certains métiers. Lors de l’examen
des alinéas 14 et 15 de cet article, nous discuterons de la situation des
personnels de l’éducation nationale. Si celle-ci souffre déjà, comme on le sait,
d’un manque d’attractivité lié à une baisse du pouvoir d’achat, ce problème va
s’accentuer en raison du nouveau système de retraite par points. Ces deux
situations ne sont pas les mêmes, et les orthophonistes, qui doivent être
entendus, formulent des demandes spécifiques. Mais cette réforme aggravera les
problèmes d’attractivité qui touchent de très nombreux métiers
sous-valorisés.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41951.
M. Pierre
Dharréville. Je veux vous faire part du témoignage d’étudiantes en
orthophonie. « Nous faisons cinq ans d’études, parfois plus, car le
concours d’entrée est très difficile ; et nous sommes pourtant payés à un
niveau bac+3, c’est-à-dire à peine plus que le SMIC. Avec la retraite à points,
nous perdrions le bénéfice du calcul effectué sur les six derniers mois en
vigueur dans la fonction publique. Nos salaires évoluent très lentement. Nous
serions de grands perdants », explique par exemple Lucie. Elle
poursuit : « C’est une profession qui compte 97 % de femmes, dont
beaucoup de carrières hachées, de reconversion. Là encore, nous sommes
perdantes ». Pauline confie de son côté : « Sur l’exercice
libéral, c’est pareil : les cotisations passeraient de 16 % à
28 % alors que nos tarifs conventionnés n’évoluent pas. Cela conduirait
nombre d’entre nous à se déconventionner. »
J’ai dans les mains un
communiqué de presse de la Fédération nationale des orthophonistes qui vous
avait interpellés afin que vous preniez en considération la spécificité de leur
métier même si, comme l’a justement souligné Elsa Faucillon, bien d’autres
spécificités professionnelles sont à prendre en considération, ce que votre
système ne permet pas puisqu’il fait table rase. J’aimerais savoir quelles
réponses vous pouvez leur apporter.
M. le
président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques,
nos 41952 et 42228.
La parole est à M. Sébastien
Jumel, pour soutenir le sous-amendement no 41952.
M.
Sébastien Jumel. Cet amendement vise à faire entrer la notion de dignité
sociale dans le projet de loi. Par les temps qui courent, alors que trop de nos
concitoyens ont le sentiment d’être maltraités, broyés, humiliés, méprisés, il
me semble d’une impérieuse nécessité que le législateur se fixe comme objectif
la dignité sociale. Je le dis en ayant à l’esprit le témoignage de Peggy,
opératrice dans une usine de cosmétiques. Chaque port de charge se fait
au-dessus du cœur. S’ajoutent le bruit, l’exposition au plastique, le roulement
en cinq-huit. Autant de facteurs de pénibilité qui rendent insupportable la
soustraction prévue par le projet de réforme des retraites.
J’aurais pu
évidemment – et ce sera probablement l’objet de ma prochaine
intervention – vous parler de cette infirmière de nuit, de Christian, qui
manœuvre le dernier pont Eiffel en fonctionnement à Dieppe, d’Arnaud, contrôleur
d’une machine-outil ou de tous ceux qui, en définitive, nous rappellent que
notre rôle est de défendre dans cet hémicycle la dignité des travailleurs, des
salariés pour tenter de vous convaincre qu’elle mériterait d’être respectée.
M. le
président. Je vous remercie, monsieur Jumel. Vous aurez apprécié le
calme qui a régné pendant votre intervention.
M.
Sébastien Jumel. C’est vrai, monsieur le président,
merci !
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le
sous-amendement no 42228.
Mme
Mathilde Panot. Ce sous-amendement vise à prendre en compte l’espérance
de vie en bonne santé. Cette précision est importante car un ancien ministre a
dit, à propos de l’espérance de vie, qu’il fallait avoir « un QI de
bulot » pour ne pas comprendre qu’il faut travailler plus longtemps puisque
nous vivons plus longtemps.
Nous sommes totalement en désaccord avec
cette formule, non pas parce que nous aurions un QI de bulot mais parce que, si
on consulte les chiffres incontestables de l’INSEE, on constate que c’est parce
que nous travaillons moins longtemps que nous vivons plus longtemps. Toujours
d’après les chiffres de l’INSEE, aujourd’hui, en 2020, une personne pauvre sur
quatre meurt avant 62 ans, l’âge légal de départ à la retraite, et ne
touche donc pas un centime de retraite. Parmi les 30 % d’hommes qui vivent
avec 900 à 1 200 euros par mois – des revenus extrêmement
modestes –, un sur cinq meurt avant l’âge de la retraite. Lorsque vous
parlez d’une réforme universelle, vous ne tenez donc aucunement compte de
l’extrême diversité des situations et des fortes inégalités dont témoignent ces
chiffres.
Pour vous montrer à quel point cette injustice perdure et à
quel point vous allez l’aggraver, j’ajoute que, selon l’INSEE, à 62 ans,
les hommes les plus riches sont 95 % à être encore en vie contre 76 %
pour les plus pauvres. Concrètement, la conséquence de votre fameux âge pivot,
ou âge d’équilibre, étant de repousser encore l’âge de départ à la retraite, les
plus pauvres de notre pays mourront au travail sans avoir perçu un centime de
leur retraite. C’est contre cela que nous nous battons. Tel est l’objet de notre
amendement. La démonstration serait identique pour les femmes, avec un léger
décalage des âges.
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 41953.
M. Alain
Bruneel. Toujours à propos de la spécificité et de la pénibilité de
certains métiers, j’ai eu l’occasion de rencontrer des salariés de Renault qui
m’ont expliqué à quoi ressemblait une journée de travail et quelles étaient les
cadences qu’ils subissaient.
Ils commencent à sept heures du matin et
s’arrêtent à quatorze heures cinquante-trois, avec une pause de dix minutes
toutes les deux heures et une pause de vingt minutes le midi. Ils travaillent
bien souvent à la chaîne et n’ont donc pas forcément le temps de boire un petit
café ou de prendre leur pause. Durant cette journée de labeur, ils portent des
chaussures de sécurité bas de gamme, parfois trop grandes, des gants
dépareillés ; il manque souvent des bouchons d’oreilles. Pour Renault, il
n’y a pas de petite économie… Je voudrais simplement vous alerter concernant le
sort de ces salariés. D’après ce qu’ils m’ont rapporté, trois absences, même
médicales, leur valent une convocation par l’encadrement. Le droit à se soigner
est remis en cause, le profit passe avant tout.
Pourtant, à Douai, on
compte plus de 700 salariés suivis par la maison départementale des
personnes handicapées pour des troubles musculo-squelettiques. Ces derniers se
développent dès l’âge de 30 ans – dès lors, imaginez ce qu’il en est à
64 ou 65 ans. Le voudriez-vous pour vos enfants ?
Notre
industrie, ce n’est pas que des actions ou des dividendes, c’est surtout des
vies humaines à respecter, des hommes et des femmes à considérer, et qui ont
droit à une seconde vie après le travail.
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42245.
Mme
Caroline Fiat. Nous souhaitons améliorer l’amendement déjà quasi parfait
(Sourires) présenté par notre collègue Saulignac, qui porte sur les
orthophonistes, en insérant, après le mot « concernés », les mots
« à leur garantir un départ à la retraite suffisamment tôt pour leur
permettre de s’épanouir dans cette nouvelle partie de la vie que représentent
les retraites ». En effet, en commission, nous avons longuement évoqué la
transmission professionnelle, le fait qu’il fallait peut-être partir plus tard à
la retraite pour former de nouvelles personnes. Je vous ai alors opposé la
transmission familiale.
Hier, pendant nos débats, j’ai reçu une belle
photo de mon fils en vacances chez ses grands-parents, qui lui apprennent à
jouer à la pétanque. Il faut permettre aux gens de partir à un âge décent à la
retraite pour qu’ils profitent de leur famille, de leurs petits-enfants. Si je
n’avais pas pu passer mes vacances chez mes grands-parents, je n’aurais pas
cette culture communiste que vous m’enviez tous (Sourires et exclamations sur
les bancs du groupe LR ainsi que sur de nombreux autres bancs) et je
n’aurais pas pu profiter de toutes ces belles choses qu’on m’a apprises. La
transmission familiale est donc importante. (Mêmes mouvements.) Vous
pouvez continuer à crier, ça ne me dérange pas.
Garantir aux gens un
départ à la retraite suffisamment tôt pour leur permettre de s’épanouir au cours
de cette nouvelle partie de la vie, c’est quelque chose d’important. Partir à la
retraite, ce n’est pas un fardeau, c’est un plaisir, c’est une joie. D’ailleurs,
généralement, on fête son départ à la retraite avec ses amis. Donc, non, je le
répète, ce n’est pas un fardeau et, oui, nous avons le droit de partir jeune à
la retraite, à 60 ans, pour pouvoir profiter des joies de la vie.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
– Mme Elsa Faucillon applaudit
également.)
M. le
président. Je vous remercie, chers collègues, de ne pas multiplier les
conversations particulières, le brouhaha contribuant à l’excitation générale,
afin que nous puissions écouter M. Lachaud qui soutient le sous-amendement
no 42247.
M. Bastien
Lachaud. Le présent sous-amendement vise à réaffirmer que cette réforme
doit avoir pour but d’améliorer le niveau de vie des retraités. Aujourd’hui, le
taux de pauvreté des retraités oscille, selon les estimations, entre 7,5 %
et 10 % ; c’est déjà beaucoup trop, mais nous craignons que cette
réforme ne fasse qu’empirer la situation. Et cette crainte ne vient pas de nulle
part ! Elle ne vient pas seulement de votre absence de réponse à la
question de savoir comment, avec moins d’argent et plus de retraités, vous allez
maintenir le taux de pension. Elle vient simplement de l’exemple
allemand.
En Allemagne, on a lancé une réforme similaire à la vôtre,
instauré un système universel à points, fixé un taux de décote qui augmente tous
les six mois si l’on part avant l’âge d’équilibre – un taux pouvant
atteindre 14 % en cas de départ anticipé. Ce système prévoyait que si l’on
cotisait pendant quarante-cinq ans et qu’on partait à l’âge légal, on pouvait
espérer disposer d’une pension brute d’environ 1 487 euros par mois,
soit 1 327 euros nets. Voilà ce qui était vendu aux Allemands. Or la
réalité, ce sont des pensions moyennes de 864 euros mensuels avec une très
forte disparité : 1 130 euros pour les hommes et 647 euros
pour les femmes.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur,
pouvez-vous nous garantir que ce qui s’est passé en Allemagne avec le même
système que celui que vous voulez instaurer n’aura pas lieu en
France ?
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le
sous-amendement no 42249.
Mme
Mathilde Panot. Nous entendons inscrire dans la loi un principe qui nous
semble essentiel : la réforme doit « garantir un niveau de vie
au-dessus du seuil de pauvreté à tous les retraités ». La France a l’un des
taux de retraités pauvres les plus bas en Europe – et Bastien Lachaud vient
d’évoquer des systèmes étrangers de retraite par capitalisation et de retraite à
points, où le taux de retraités pauvres est deux à trois fois supérieur à celui
de la France.
En France, septième pays le plus riche au monde, il est
absolument honteux que 7,5 % des retraités vivent sous le seuil de
pauvreté. Nous l’affirmons et nous le répéterons tant qu’il faudra : nous
sommes persuadés qu’avec votre réforme, le taux de retraités pauvres va
augmenter. Il en ira ainsi des orthophonistes, qui sont à 97 % des femmes,
les femmes étant les grandes perdantes de cette réforme puisqu’elles ont les
carrières plus hachées, des salaires plus bas et sont plus touchées par le
travail précaire que les hommes – elles vous le disent
régulièrement.
Nous ne sommes pas d’accord pour que le septième pays le
plus riche au monde compte des retraités dont la pension est inférieure au seuil
de pauvreté. C’est pourquoi nous proposons le présent sous-amendement, qui
reprend un objectif fixé par notre contre-projet. Celui-ci démontre qu’il est
tout à fait possible de fixer l’âge du départ à la retraite à 60 ans, avec
un taux plein pour une carrière complète, sans qu’aucune pension ne soit
inférieure au seuil de pauvreté.
M. Bruno
Millienne. Les réformes que vous préconisez ne sont pas financées!
Mme
Mathilde Panot. D’ailleurs, qu’aucune carrière complète au SMIC ne donne
lieu à une pension inférieure au SMIC, ce serait cela, respecter la dignité des
Françaises et des Français. Il est en effet intolérable qu’une personne qui a
travaillé toute sa vie, parfois en rencontrant des difficultés, ne puisse avoir
un niveau de vie digne, c’est-à-dire, encore une fois, au-dessus du seuil de
pauvreté.
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42251.
Mme
Caroline Fiat. Nous proposons de compléter l’alinéa 5 par la phrase
suivante : « Ces réformes veillent à garantir un départ anticipé pour
les personnes ayant exercé des métiers pénibles. » Monsieur le secrétaire
d’État, je vous ai écouté attentivement ; vous avez parlé du compte
professionnel de prévention. Or depuis que nous avons entamé l’examen du texte,
je n’ai pas vu que nous en ayons traité. Nous souhaitons donc savoir où il en
est question dans le projet de loi afin que nous puissions avancer et discuter
sur le fond. Ce n’est pas que je ne veux pas vous faire confiance mais, dès que
nous évoquons la pénibilité, on nous parle d’un compte professionnel de
prévention sans qu’aucun élément à son sujet ne nous soit parvenu. Nous sommes
députés et nous ne disposons pas des textes nécessaires pour
avancer !
Vous êtes revenu, tout à l’heure, sur les annonces par le
Premier ministre, jeudi dernier, concernant les catégories actives, la
reconnaissance de la pénibilité et de la possibilité qui serait offerte de
partir à la retraite deux ans plus tôt ; et vous avez également évoqué les
seuils concernant le travail de nuit et le travail tournant – qui
concernent en particulier les hôpitaux. Or, afin que nous puissions, j’y
insiste, travailler sur le fond, pour savoir où mène ce projet de loi, est-il
possible de connaître ces seuils ? (Mme Mathilde
Panot applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir le
sous-amendement no 42261.
M. Adrien
Quatennens. Pardonnez mon retard, monsieur le président, mais je suis
allé prendre l’air auprès des manifestants toujours mobilisés contre ce projet
de réforme des retraites (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes
LaREM et MODEM) et je vous avoue que ça fait du bien…
M. Bruno
Millienne. Ça a dû vous faire du bien, en effet.
M. Adrien
Quatennens. …car on peut y observer que nos débats sont très suivis, que
le pays s’intéresse de près aux travaux de l’Assemblée, et surtout que la
démarche de la France insoumise est tout à fait soutenue. Je tenais à le
souligner, c’est important, car voilà qui redonne de l’énergie.
Nous
examinons l’alinéa 5, qu’on pourrait qualifier d’alinéa-slogan de ce projet
de réforme des retraites : un euro cotisé offrirait les mêmes droits !
Voilà pourtant un slogan que le Conseil d’État s’est chargé de faire tomber,
comme l’essentiel, finalement, des éléments de langage du texte.
Pour
nous, s’il y a bien une certitude, c’est qu’avec votre projet, c’est la baisse
du niveau des pensions qui est annoncée. Vous fixez en effet deux cadres très
contraints : l’équilibre financier, mais sans consacrer plus de richesses
aux retraites. Or, même si le texte est très complexe, très technique,
s’agissant des retraites, il n’y a en fait jamais beaucoup de paramètres à
discuter. En effet, veut-on une mesure d’âge, comme le propose la droite,
veut-on augmenter la durée de cotisation ou veut-on, tout simplement, consacrer
une part plus importante de la richesse produite aux retraites ?
Et
c’est bien là le cœur de l’affaire. En effet, pour prolonger l’intervention de
Mathilde Panot, oui, il est possible de financer la retraite à 60 ans, avec
un bon niveau de pension. Nous vous l’avons dit : nous avons besoin pour
cela de consacrer aux retraites seulement deux points de plus de la richesse
nationale, c’est-à-dire de passer de 14 % 16 % du produit intérieur
brut – PIB – consacrés aux retraites d’ici à 2040. Admettez
franchement que ce n’est rien, comparé à la part des richesses passée, ces
dernières années, des poches du travail à celles du capital. Oui, financer les
retraites, c’est aussi et – en réalité – surtout mieux répartir la
richesse produite par le seul fruit du travail.
(M. François Ruffin applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le
sous-amendement no 42262.
M. Bastien
Lachaud. Je reprendrai l’exemple allemand. Il est assez intéressant de
constater qu’en 2018, les Allemands partent en moyenne avec une retraite de
750 euros – 928 pour les hommes, 675 pour les femmes –,
conséquence de l’instauration d’un système similaire à celui que vous appelez de
vos vœux.
M. Erwan
Balanant. Mais non !
M. Bastien
Lachaud. Un des effets du système allemand concerne le taux de pauvreté
des retraités. En 2018, alors qu’il est, en France, de 7 % à 10 %, il
atteint 19 % des Allemands de plus de 65 ans, taux en augmentation de
trois points par rapport à 2009 et qui pourrait, dans les années à venir,
dépasser 20 %.
On constate donc bien que l’exemple allemand montre
la fragilité de plusieurs de vos arguments sur la retraite par points, notamment
en ce qui concerne l’indexation de la valeur d’acquisition du point sur les
salaires moyens, indexation qui n’offre aucune garantie dès lors que le marché
du travail est flexibilisé et que la priorité est donnée à l’équilibre
financier. Or c’est exactement la politique que vous appliquez.
Vous vous
félicitez du fait que le nombre de chômeurs ait baissé de 200 000 depuis
l’élection présidentielle ; mais c’est la conséquence de la précarisation,
et de l’augmentation du nombre d’auto-entrepreneurs. Vous flexibilisez, vous
précarisez le marché du travail, ce qui va fragiliser le système par points dont
vous nous assurez qu’il sera fiable et pérenne. Donc, de fait, la totalité de la
politique économique et sociale du Gouvernement augmentera la précarité pour les
salariés et, en fin de compte, la pauvreté pour les retraités.
(M. Adrien Quatennens applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le
sous-amendement no 42263.
M. François
Ruffin. Il s’agit d’inscrire dans la loi que les réformes prévues
garantissent un départ à la retraite « à un âge raisonnable ».
(Brouhaha.) Un peu d’attention, s’il vous plaît, chers collègues.
(Rumeurs sur de nombreux bancs du groupe LaREM.) Monsieur le
président…
M. le
président. Monsieur Ruffin, l’hémicycle est serein ; je vous prie
de défendre votre sous-amendement. Mes chers collègues, s’il vous plaît.
M. François
Ruffin. Bien. Que peut-on considérer comme un âge raisonnable ?
L’espérance de vie en bonne santé. Il faut au minimum que quand les gens
prennent leur retraite, ils puissent un peu en profiter en étant en bonne santé.
Cette espérance de vie en bonne santé est d’environ 63 ans – ce serait
la référence pour fixer l’âge raisonnable pour un départ à la
retraite.
Un rapport de la Cour des comptes indique que le nombre de
personnes de plus de 60 ans qui perçoivent aujourd’hui le revenu de
solidarité active – RSA – a augmenté de 157 % en dix ans !
Leur nombre a donc plus que doublé. Cela pour une raison simple : ces
personnes n’arrivent pas jusqu’à l’âge de la retraite en travaillant ; du
coup, à la place, que font-elles ? Elles perçoivent le RSA. Ainsi, plus on
recule l’âge de la retraite, plus on passe d’une retraite méritée à une
allocation de pauvreté. C’est en train de se produire, notamment pour les
classes populaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
Il y a une autre raison : on sait que c’est en 1982 que
l’âge de départ à la retraite est passé de 65 à 60 ans. Ce fut un
moment décisif, le moment où bien des personnes des classes populaires ont cessé
de mourir avant d’atteindre l’âge de la retraite.
Aujourd’hui s’opère le
mouvement inverse : l’âge de la retraite recule, recul, recule, et quand
les Français l’atteignent, ils sont de plus en plus nombreux à être soit en très
mauvaise santé soit déjà décédés.
Il est nécessaire de garantir un départ
à la retraite à un âge raisonnable, afin que les gens bénéficient de leur
retraite en bonne santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
M. Patrick
Mignola. Monsieur Ruffin vient d’inventer la retraite par
contumace !
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le
sous-amendement no 42255.
Mme
Mathilde Panot. Il vise à traduire dans la loi l’une de nos
propositions, car, contrairement à ce que vous dites, nous ne nous contentons
pas de nous opposer à votre texte : nous faisons des propositions inspirées
par une vision du monde totalement différente de la vôtre.
Le
sous-amendement tend à intégrer les trimestres pendant lesquels le RSA a été
perçu au calcul de la retraite. François Ruffin vient de le rappeler : le
nombre des personnes de plus de 60 ans au RSA a explosé – il a
augmenté de 157 % en dix ans. Vous devez vous interroger sur un tel
phénomène. Nous parlions des 400 000 personnes tombées sous le seuil
de pauvreté en 2018 : cela montre qu’Emmanuel Macron n’est pas seulement le
Président des riches, il est aussi une machine à fabriquer de la
pauvreté.
Avec votre réforme, qui prend en compte l’ensemble de la
carrière – au lieu des vingt-cinq meilleures années pour le privé, et des
six derniers mois pour le public – et qui se fonde sur un système à points
créant une sorte de retraite tombola, on ne sait ni combien on touchera, ni à
quel âge on partira – ce sont tout de même des questions fondamentales.
Dans tous les pays qui ont mis en place une retraite à points, la pauvreté a
augmenté, et il y a eu une ouverture à la capitalisation – qui est en soi
une façon d’appauvrir les gens.
Si vous reconnaissez que les précaires ne
sont pas responsables de la pauvreté, que les chômeurs ne sont pas responsables
du chômage, et qu’il est de la responsabilité de l’État de garantir le droit à
un emploi de chacun et chacune – le fait que les chômeurs soient sans
emploi relève de sa responsabilité –, alors il faut intégrer les périodes
de RSA dans le calcul de la retraite. Sans cela, ceux qui le perçoivent seront
victimes d’une double peine, sachant qu’aujourd’hui les plus pauvres sont ceux
qui partent le plus tard à la retraite. Il ne faut pas prolonger cette dynamique
et permettre que les choses empirent. (Applaudissements sur les bancs du
groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le
sous-amendement no 42264.
M. Bastien
Lachaud. Il vise à ce que les gens puissent partir à la retraite avec
« une pension à taux plein à l’issue d’un nombre d’annuités
raisonnable ». Ce n’est absolument pas ce qui est proposé par le projet de
loi. La merveilleuse étude d’impact a beau nous expliquer que l’âge d’équilibre
fixé à 65 ans n’augmentera jamais, c’est totalement faux et cela ne
correspond pas à l’esprit de cet outil. L’âge d’équilibre ira crescendo jusqu’à
66 ou 67 ans. On imagine le nombre d’années de cotisations de ceux qui
auront commencé à travailler à 16 ans et qui voudront bénéficier d’une
retraite à taux plein sans décote ! Cet âge pivot est le symbole de la
régression totale qu’implique le système par points : il crée une inégalité
entre ceux qui auront commencé à travailler tôt et les autres.
Il y a
quelque chose de profondément vicié dans le projet de loi. Il est nécessaire de
revenir sur l’âge pivot et de s’en tenir à l’idée d’un nombre d’années
raisonnable de cotisation. Ce pourrait être quarante années en prenant en compte
les années d’études. En tout cas, il faut garantir qu’à 60 ans les Français
pourront partir à la retraite avec une pension à taux plein.
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le
sous-amendement no 42258.
M. François
Ruffin. Il vise à « assurer une prise en compte des enfants dans le
calcul des retraites ». Aujourd’hui, les femmes sont malheureusement
pénalisées par la maternité qui contribue souvent à hacher leur carrière et, en
conséquence, à diminuer leur retraite.
M. Damien
Pichereau. Donc vous voulez que rien ne change !
M. Philippe
Gosselin. On peut changer pour faire mieux, mais ce n’est pas ce que
vous proposez !
M. François
Ruffin. Nous ne disons pas qu’il ne faut rien changer, au
contraire ! Nous vous demandons d’inscrire dans la loi que les enfants sont
pris en compte dans le calcul de la retraite.
L’alternative consisterait
à mettre en place un véritable congé parental, tel que l’avait proposé la
députée européenne Maria Arena. Elle avait interpellé le Président de la
République sur la position de la France concernant l’initiative de la Commission
européenne relative à l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle et aux
congés parentaux. Ces congés, qui doivent enfin permettre aux pères et aux mères
d’assumer leur vie professionnelle en même temps que leur vie familiale,
garantiraient l’épanouissement maximal des enfants européens. Aujourd’hui, un
travailleur qui choisit le congé parental perçoit un tiers du SMIC. On voit bien
que ce n’est pas viable.
Sur ce sujet, Maria Arena a non seulement reçu
une réponse positive de la part des ONG et des syndicats, mais elle a aussi
recueilli le soutien de la Commission européenne qui a endossé son projet
considérant qu’il s’agissait d’une excellente idée, également utile dans le
cadre de la lutte contre le chômage.
Malheureusement, le Président de la
République française lui a répondu qu’il « en approuvait totalement le
principe » – sur le principe, on peut toujours dire qu’il n’y a pas de
problème –, cependant, parce qu’il faut tout de même être un peu sérieux,
il n’en est pas resté là, précisant « mais les congés parentaux payés au
niveau de l’indemnité maladie journalière, c’est une belle idée qui peut coûter
très cher et finir par être insoutenable », avant d’ajouter que « les
modalités ainsi décrites, telles qu’elles sont analysées sur le système
français, ont un coût qui est potentiellement explosif ».
M. le
président. Veuillez conclure, monsieur le député !
M. François
Ruffin. C’est le choix de la régression alors qu’il s’agit d’une
proposition de la Commission européenne. La France s’est opposée à une mesure
d’élévation du niveau de l’accompagnement social en Europe…
M. le
président. Le sous-amendement no 41954 de M. Pierre
Dharréville est défendu.
Le sous-amendement no 41955 de
M. Sébastien Jumel l’est également.
La parole est à M. Julien
Aubert, pour soutenir le sous-amendement no 42279.
M. Julien
Aubert. L’amendement no 23972 évoque les orthophonistes.
Il me semble que c’est l’occasion d’y ajouter d’autres catégories
professionnelles que la réforme en cours inquiète très sérieusement
– inquiétude qui a, à mon sens, des raisons réelles et
objectives.
Mon sous-amendement permettrait de citer les avocats, qui
sont depuis de longues semaines dans la rue. Leur mobilisation, qui bloque
complètement les tribunaux, n’a pas d’équivalent dans l’histoire de la
profession. Les avocats ressentent un véritable sentiment d’abandon, conjugué à
l’impression que le Gouvernement ne les écoute pas assez. Inscrire, dès
l’article 1er, qu’ils ne seront pas les perdants de la réforme
m’apparaît comme une étape nécessaire.
Je rappelle que leurs réserves
risquent d’être subtilisées pour compenser la hausse de leurs cotisations. Ceux
dont les revenus se situent sous le revenu médian de la profession
– c’est-à-dire ceux qui font vivre l’aide juridictionnelle – subiront
une hausse des cotisations. Par ailleurs le maintien de leur caisse autonome
n’est pas garanti dans le cadre global de la réforme.
L’adoption de mon
sous-amendement montrerait que les avocats ne sont poursuivis par aucune
vindicte et que des lignes rouges seront respectées.
M. le
président. La parole reste à M. Julien Aubert, pour soutenir le
sous-amendement no 42281, qui est de même nature…
M. Julien
Aubert. De même nature, mais néanmoins différent puisqu’il est relatif
aux agriculteurs et non plus aux avocats. Les agriculteurs ont souvent des
carrières hachées, et il ne faut pas oublier le statut particulier des aidants
familiaux agricoles. Ils relèvent d’un régime ayant une forte identité, celui de
la MSA – Mutualité sociale agricole. Ils sont assez inquiets et craignent
que les règles futures se retournent contre eux du fait de la nature
particulière de leur activité.
En les citant expressément avec les
orthophonistes et les avocats, nous montrerions notre attachement à cette
profession dans un contexte difficile – M. Le Fur pourrait nous
parler de l’agribashing qui se répand. L’adoption de ce sous-amendement aurait
du sens pour les agriculteurs et pour leur régime particulier, car, que nous le
voulions ou non, les spécificités de l’activité saisonnière justifient qu’ils
soient traités différemment malgré votre volonté de grande
homogénéisation.
M. le
président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le
sous-amendement no 42077.
M. Marc Le
Fur. Pour vous être agréable, monsieur le président, car chacun,
président compris, a su faire des efforts, je me propose de défendre en même
temps mes huit amendements successifs nos 42077 à 42084 relatifs à
des professions de santé : les infirmières et les infirmiers libéraux, les
kinésithérapeutes, les psychomotriciens, les ostéopathes, les
pédicures-podologues, les orthoptistes, les diététiciens et les
ergothérapeutes.
Ces professions relèvent pour la retraite d’une caisse
spécifique, la CARPIMKO – caisse autonome de retraite et de prévoyance des
infirmiers, pédicures-podologues, masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes et
orthoptistes – qui dispose de réserves. Alors que l’ensemble de ces
professions libérales cotisent aujourd’hui au taux de 15 %, elles devraient
demain, dans le cadre de la réforme, cotiser au taux de 28,12 %. Comment
passer d’un taux à l’autre ?
Ces professionnels pourront-ils
répercuter la hausse de cotisation sur leur patientèle ? Ce n’est pas du
tout évident, car les taux de remboursement sont très différents. La sécurité
sociale remboursera-t-elle la hausse éventuellement répercutée ? Quelles
seront les conséquences sur les comptes de la sécurité sociale de vos mesures
relatives aux retraites de ces professions ? Vous avez voulu faire du
systémique, il faut en tirer toutes les conséquences !
M.
Jean-Pierre Vigier. Eh oui !
M. Philippe
Gosselin. C’est toute la question !
M. Boris
Vallaud. Absolument !
M. Marc Le
Fur. Ces conséquences concernent les professionnels de santé, leur
patientèle, et le budget de la sécurité sociale. Nous ne pouvons pas voter un
dispositif aussi important sans avoir une vision claire des choses. Je note
qu’une fois de plus, l’étude d’impact est totalement défaillante sur le sujet.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Philippe
Gosselin. La démonstration est magnifique et le plaidoyer
magistral !
M. le
président. La parole reste à M. Marc Le Fur, pour soutenir le
sous-amendement no 42129.
M. Marc Le
Fur. Il concerne les patrons-pêcheurs et le monde des marins. Ils
connaissent une situation très particulière en matière de retraite. Cette fois,
mes chers collègues, ce n’est pas à la Libération qu’il faut chercher les
origines de ce régime : il faut remonter à Louis XIV qui a créé le
système de protection des marins.
M.
Sébastien Jumel. À Colbert !
M. Marc Le
Fur. En effet, Colbert était le ministre de Louis XIV. Il est vrai
que l’instruction publique a davantage insisté sur Colbert ; c’est de bonne
guerre. Le système est en tout cas très ancien. Il a des particularités
auxquelles les marins tiennent, comme le départ à 55 ans ou le calcul des
pensions fondé sur le salaire forfaitaire et non sur le revenu
réel.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite qu’à un moment donné de
nos travaux – le plus rapidement sera le mieux –, vous nous disiez
très clairement que vous maintenez ces spécificités. Elles se justifient
concernant un métier très particulier : vous embarquez pour plusieurs
jours, vous partez au petit matin dans des conditions d’incertitude et
d’insécurité pour aller pêcher dans les eaux britanniques – même si, avec
le Brexit, ce ne sera bientôt plus possible – à partir des ports
bretons…
M. Philippe
Gosselin. Ou normands !
M.
Sébastien Jumel. Il ne faut pas nous oublier !
M. Marc Le
Fur. Je rectifie bien sûr par amitié pour mes excellents collègues
Gosselin et Jumel : à partir des ports bretons et normands.
Toutes
ces contraintes ont été prises en compte sous l’Ancien Régime. Nous n’avons pas
le droit de rompre comme cela avec une logique aussi ancienne sous prétexte
qu’il y aurait une réforme générale, et de faire passer ces particularités par
pertes et profits.
Monsieur le secrétaire d’État, nous devons rassurer
ces professions et leur dire que la logique de leur organisation en matière de
retraite, associée à des contraintes très singulières, sera préservée et
maintenue. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. le
président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir le
sous-amendement no 42280.
M. Marc Le
Fur. L’Assemblée a donné le nom de Colbert, dont nous parlions, à l’une
de ses plus belles salles. Malheureusement, elle est affectée au groupe
majoritaire !
M. le
président. Nous vous remercions pour ces précisions, monsieur
Le Fur, mais la parole est à M. Aubert.
M. Julien
Aubert. Je me joins à l’éloge du grand Colbert que vient de prononcer
M. Le Fur. L’héritage de Colbert est fort riche et, malheureusement,
nous avons oublié quelques-uns de ses préceptes.
M. Le Fur
vient de présenter des sous-amendements relatifs à diverses professions
médicales. Je propose que nous ajoutions les médecins à la liste. Ils sont
inquiets de l’avenir des 7 milliards d’euros de leur réserve – ils
partagent avec les avocats cette préoccupation relative aux réserves.
Les
médecins s’inquiètent également du fait que le futur régime universel ira
jusqu’à trois PASS ; ils préféreraient qu’il se limite à un seul PASS.
Enfin, ils s’inquiètent aussi du flou qui perdure quant à l’avenir des aides de
solidarité destinées aux membres de la profession en difficulté et assurées
aujourd’hui par leur caisse autonome.
En réalité, toutes les professions
libérales se sentent mal à l’aise à l’idée d’intégrer un régime universel qui a
été pensé principalement pour un monde de salariés. Mentionner les médecins à
côté des autres professions médicales et paramédicales qu’a citées avec talent
Marc Le Fur permettra de leur envoyer un message fort : le passage au
système universel ne se traduira pas par la vidange des réserves qu’ils ont
accumulées ni par la remise en cause des droits qui y étaient
attachés.
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le
sous-amendement no 42248.
Mme
Mathilde Panot. Le présent sous-amendement demande la prise en compte de
la pénibilité de certains métiers, notamment de celui des assistantes
maternelles. Dans le système actuel, la prise en compte de la pénibilité n’est
pas satisfaisante. Ainsi, les assistantes maternelles portent chaque jour des
charges cumulées importantes et sont exposées a du bruit et à des virus, ce qui
a des conséquences sur leur santé. Ces particularités devraient leur permettre
de partir à la retraite plus tôt.
Nous allons revenir sur la question de
la pénibilité à de multiples reprises car il s’agit d’un vrai problème dans
votre projet de loi. Ce n’est pas étonnant lorsque l’on sait que cette majorité
et ce gouvernement ont commencé le quinquennat en supprimant quatre critères de
pénibilité, notamment le port de charges lourdes.
Pour les assistantes
maternelles, la pénibilité représente un vrai enjeu. Elles s’étaient fortement
mobilisées l’année dernière sur la question des conditions de travail, notamment
en faisant grève. Elles gagnent en moyenne à peine 3,38 euros de l’heure
hors frais d’entretien et de repas, et connaissent donc une précarisation forte.
Le métier est dévalorisé, alors qu’il rend difficile la conciliation entre
travail et vie privée puisque c’est à leur domicile que les assistantes
maternelles travaillent. Enfin, l’activité des assistantes maternelles est
réduite à certains moments.
Puisque vous menez une réforme des retraites,
voici un élément qui devrait vous intéresser : aujourd’hui, sept enfants
sur dix sont gardés par leurs grands-parents les mercredis, en vacances
scolaires et dans le cadre des sorties scolaires – ma collègue Caroline
Fiat en parlait tout à l’heure. Faire travailler les gens plus longtemps aura
aussi un impact fort sur la garde des enfants et sur les temps familiaux, dont
on connaît l’importance.
M. le
président. Je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public. Le
groupe de la Gauche démocrate et républicaine demande un scrutin sur les
sous-amendements nos 41946, 41947, 41948 et 41949 ; le
groupe de la France insoumise, sur les sous-amendements
nos 42264, 42258 et 42248 ; le groupe Les Républicains, sur
le sous-amendement no 42129.
Les scrutins sont annoncés
dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale pour le
titre Ier, pour donner l’avis de la commission sur l’ensemble
des sous-amendements à l’amendement no 23972 et sur l’amendement
lui-même.
M.
Christian Hutin. Voilà qui va être intéressant !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Vu le nombre de
sujets abordés, je ne sais pas par où commencer mon propos. Si j’étais membre du
groupe Socialistes et apparentés, je serais quelque peu vexé de voir mon
amendement faire l’objet de trente-sept sous-amendements – la preuve qu’il
ne devait pas être très bien rédigé ! (Protestations sur les bancs du
groupe FI.)
M. François
Ruffin. Au contraire, nous allons dans le même sens !
Mme
Mathilde Panot. Nous nous intéressons à leur travail !
M.
Christian Hutin. Je demande un droit de réponse à cette
insulte !
M. le
président. S’il vous plaît, mes chers collègues. Monsieur Hutin, vous
aurez la parole après l’avis du secrétaire d’État.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. L’amendement et les sous-amendements
reflètent la volonté manifeste de bloquer le fonctionnement de l’Assemblée et
d’abîmer le rôle des parlementaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du
groupe LaREM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe MODEM.
– Protestations sur les bancs du groupe LR.) Cet
après-midi, M. Mélenchon a déclaré : « Nous allons tenir la
tranchée. » Pour ma part, je ne suis pas en guerre en venant à l’Assemblée.
J’ai envie de travailler, de faire des constats, d’analyser, d’essayer des
choses. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme
Mathilde Panot. Nous avons donné des arguments !
M. Patrick
Hetzel. Renouvelez vos éléments de langage !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ici aussi, certains cherchent peut-être, en
parlant au micro, à profiter d’un moment de gloire ; mais ce faisant, ils
abîment profondément notre fonction.
Mme
Caroline Fiat. Pardon ?
M.
Christian Hutin. Tu veux la paix ou la guerre ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je vais citer les éléments évoqués dans les
sous-amendements. Alors que l’amendement no 23972 était consacré
aux professions libérales et particulièrement aux orthophonistes,
M. Bruneel, qui est parti aussitôt après son intervention… (Très vives
protestations sur les bancs des groupe SOC, FI et GDR.)
M.
Christian Hutin. Ce procédé est indigne !
M.
Sébastien Jumel. Mais à quel jeu joue-t-il ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …nous a parlé des éboueurs ! (Très
vives protestations sur les bancs des groupe SOC, FI et GDR.
– Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. Mes chers collègues, s’il vous plaît…
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Madame Fiat, au sous-amendement
no 42251, vous avez ajouté la notion de pénibilité… (Vives
exclamations sur de nombreux bancs.)
M.
Christian Hutin. Où est M. Véran ?
M. Brahim
Hammouche. Laissez parler le rapporteur !
M. le
président. Mes chers collègues, s’il vous plaît, un peu de
silence ! Monsieur Jumel, vous aurez la parole tout à l’heure. Vous avez
demandé le calme pendant votre intervention ; je comprends que vous ayez
envie de réagir, mais vous aurez l’occasion de le faire. M. le rapporteur
va finir son propos, puis nous entendrons M. le secrétaire d’État, et
ensuite je laisserai s’exprimer un orateur par groupe.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Lachaud, vous nous avez interrogés
sur la façon dont on pouvait financer les pensions d’un nombre croissant de
retraités par une part plus faible du PIB. Vous aviez déjà fait cette remarque
hier ; nous avons déjà apporté une réponse, mais je vais la redonner. Un de
vos collègues a dit à plusieurs reprises que depuis les années 1970, la
valeur produite par les salariés a été multipliée par quatre et le PIB a
fortement augmenté : c’est cela qui permet d’assurer une hausse des
pensions malgré l’augmentation du nombre de retraités.
Vous avez comparé
le système proposé avec le système allemand. L’Allemagne possède un régime de
base similaire au nôtre, mais également un régime complémentaire d’entreprise,
ce qui n’est en aucun cas ce que nous proposons. On ne peut pas comparer des
choses incomparables !
Madame Fiat, vous proposez d’ajouter, à
l’alinéa 5, la notion de pénibilité, alors que l’amendement du groupe
Socialistes et apparentés la mentionne déjà à l’alinéa 4.
Madame
Panot, vous avez parlé des assistantes maternelles, alors qu’il est question de
professions libérales.
Monsieur Le Fur, vous avez ajouté dans les
professions libérales les patrons pêcheurs. J’en suis surpris : c’est jeter
le filet très large !
Je reviens sur le fond de l’amendement.
(Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)
M. Hervé
Saulignac. Enfin !
M. Boris
Vallaud. Je croyais qu’il était mal rédigé !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il portait sur les orthophonistes. Ceux-ci
relèvent de la CARPIMKO. Un rapport sur l’évolution du ratio entre cotisants et
retraités, rédigé à la demande de cette caisse, indique que pour conserver
l’équilibre malgré le retournement du ratio démographique, il faudra augmenter
la valeur d’achat du point actuelle – car c’est un système à points –
de 4 %. Cela exige d’amener progressivement le taux de cotisation
– actuellement de 17 % – à 21 % d’ici
à 2040.
Nous proposons effectivement, à l’issue de la phase de
transition, un taux de cotisation de 28 %. Toutefois, non seulement
l’assurance maladie maintiendra sa participation financière, mais encore faut-il
tenir compte de l’abattement de 30 % de l’assiette de CSG et de
cotisations. Si on applique cet abattement aux 28 %, on arrive précisément
à 21 %, soit le chiffre indiqué dans l’étude de la CARPIMKO. Le match est
donc nul en matière d’évolution des cotisations.
Avis absolument
défavorable sur l’amendement no 23972 et les trente-sept
sous-amendements dont il fait l’objet.
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au
règlement.
M. Marc Le
Fur. Je me fonde sur l’article 100, alinéa 7 du règlement.
Nous déposons des amendements, nous les défendons ; le rapporteur est censé
nous répondre sur le fond !
Mme
Mathilde Panot. Mais bien sûr !
M. Marc Le
Fur. Nous commencions à bien travailler et à progresser, chacun faisait
des efforts. Moi-même, comme vous avez pu le constater, je n’ai pas défendu tous
mes sous-amendements, les regroupant pour nous permettre de gagner du temps.
Mais le rapporteur, au lieu d’en prendre acte et d’essayer de répondre sur le
fond, que fait-il ?
Un député du groupe LR.
De la provocation !
M. Marc Le
Fur. Ma question sur les patrons pêcheurs – une catégorie tout à
fait digne de notre intérêt, monsieur le rapporteur ! – n’a reçu
aucune réponse. Je sais que le secrétaire d’État répondra, car il est sérieux.
(Exclamations sur les bancs du groupe MODEM.) Monsieur le rapporteur,
votre tâche est, certes, délicate et difficile, mais vous devez l’assumer
pleinement en répondant aux auteurs d’amendements sur le fond.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un nouveau
rappel au règlement.
M.
Sébastien Jumel. J’interviens en vertu de l’article 100,
alinéa 5 – et peut-être même alinéa 7.
Peut-être est-ce dû
à votre charisme, monsieur le président, mais j’avais le sentiment que les
débats s’étaient tranquillisés et que nous pouvions sereinement défendre notre
point de vue. Et voilà que le rapporteur vient avec son briquet pour allumer des
mèches en se montrant inutilement désobligeant et arrogant. (Applaudissements
sur les bancs des groupes GDR, LR et FI.)
M. Patrick
Hetzel. Il a raison ! Bravo !
M.
Sébastien Jumel. Il prétend ainsi interdire à l’un de mes collègues,
présent depuis le début de nos débats, d’aller prendre l’air trois minutes. Ce
n’est respectueux ni de l’opposition ni du Parlement ; ce n’est pas à la
hauteur de la mission qu’on vous a confiée. Si vous voulez rallumer la mèche, si
la mission qu’on vous a donnée est de créer un bordel généralisé, alors
faites-le, mais ne faites pas porter à l’opposition le poids de vos propres
turpitudes !
M. Patrick
Hetzel. Voilà, c’est cela qu’il faut faire !
M.
Sébastien Jumel. Vous êtes, depuis le début, responsable de ce qui se
passe mal, incapable de mener les débats sur le texte correctement. Assez !
Cela suffit maintenant.
M. Marc Le
Fur. Très bien !
Mme Cendra
Motin. Assumez, au moins !
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour un autre rappel
au règlement.
Mme
Caroline Fiat. Je me fonde sur l’article 100, alinéa 7. Nous
avons déposé des sous-amendements, que nous avons expliqués et défendus ;
nous attendons des réponses de la part de M. le
rapporteur.
Puisqu’il m’a citée, je vais lui répondre. J’ai posé des
questions claires à M. le secrétaire d’État. J’ai écouté très sérieusement
les débats depuis trois jours, j’ai pris note des avancées et des réponses qui
ont été apportées, et c’est là-dessus que je rebondis. C’est vous, monsieur le
rapporteur, qui mettez le bazar dans cette assemblée, c’est vous qui allumez la
mèche ! (Protestations sur quelques bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M.
Christian Hutin. C’est sa grande qualité !
Mme
Caroline Fiat. On ne peut pas nous demander de parler du fond si c’est
pour nous le reprocher ensuite ! Par ailleurs, il est pénible de s’exprimer
dans un brouhaha constant ; vous allez encore dire que c’est l’opposition
qui le crée, mais depuis quinze heures, le brouhaha, c’est vous !
Mme
Mathilde Panot. C’est vrai !
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud, également pour un
rappel au règlement.
M. Boris
Vallaud. J’interviens sur le fondement de l’article 100,
alinéa 7. Je voudrais appuyer ce qui vient d’être dit. Nous avons été
patients, nous avons défendu notre amendement et écouté avec beaucoup d’intérêt
la présentation des sous-amendements ; ceux-ci soulèvent des questions qui
méritent des réponses. Mais que rencontrons-nous en face ? De la morgue et
du mépris ! (Protestations sur les bancs du groupe MODEM.)
M. Bruno
Millienne. En cette matière, tu n’es pas le dernier !
M. Boris
Vallaud. Ce n’est pas possible. Vous réclamez avec insistance qu’on se
concentre sur le fond ; dans ce cas, quand des questions de fond sont
abordées, apportez-y des réponses de fond ! (Applaudissements sur les
bancs des groupes LR, SOC, GDR et FI. – Protestations sur les
bancs du groupe LaREM.) Ou alors, s’il n’a rien d’intéressant à dire, que le
rapporteur garde le silence !
M. le
président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour un rappel au
règlement.
M. Patrick
Hetzel. J’interviens également sur le fondement de l’article 100.
Nous avons un vrai problème dans les débats, et la manière dont on traite les
choses doit être examinée. Je parle bien du fond. Nous sommes nombreux à avoir
déposé des amendements réclamant des rapports, et nous les avons évidemment
placés à différents endroits du texte, pour que le débat reste
cohérent.
Or le service de la séance a décidé, de manière unilatérale,
que tous les amendements relatifs à des demandes de rapport seraient examinés
après l’article 65, à un moment où cela n’aura plus de sens.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Cela
n’a rien à voir avec le sujet !
M. Patrick
Hetzel. Vous prenez une lourde responsabilité : vous voudriez
prouver que nos propositions n’ont pas de sens que vous ne vous y prendriez pas
autrement, alors qu’elles ont un véritable sens.
M. Boris
Vallaud. Exactement !
M. Patrick
Hetzel. Pour abonder dans le sens de M. Vallaud, je dirai que nous
avons l’impression que c’est la majorité qui est en train de saboter
l’intégralité de ce débat parlementaire. (Applaudissements sur plusieurs
bancs des groupes LR, SOC, GDR et FI.)
Mme Cendra
Motin. N’importe quoi !
M. le
président. La parole est à M. Patrick Mignola.
M. Patrick
Mignola. Mon rappel au règlement se fonde également sur
l’article 100, alinéa 7 du règlement. Je suis très gêné de voir que,
depuis quelques jours, les provocations se multiplient. Si je suis prêt à
entendre que la majorité peut parfois y prendre sa part, je ne peux en aucun cas
accepter les cris d’orfraie, les contestations venues à l’instant de la gauche
et de la droite de l’hémicycle pour expliquer que ce serait la majorité qui
ferait preuve de mépris et de morgue.
Mme
Brigitte Kuster. Et sur Twitter ?
M. Patrick
Hetzel. Vous faites tout pour ça !
M. Patrick
Mignola. À aucun moment, je n’ai vu le rapporteur manifester une
quelconque morgue. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM,MODEM et
UDI-Agir.) Je l’ai entendu répondre sur le fond. (Mêmes mouvements.)
Cela fait trois semaines qu’il répond sur le fond ! Cela fait
trois semaines que vous essayez d’échapper au débat et que nous, nous voulons
dire ce que nous voulons apporter aux Français ! Vous voulez réduire le
rapporteur au silence ! Vous voulez nous réduire au silence, mais nous ne
vous laisserons pas faire, car nous sommes ici par la volonté des
électeurs ! (De nombreux députés des groupes MODEM, LaREM et UDI-Agir se
lèvent et applaudissent.)
M.
Sébastien Jumel. Que c’est drôle ! Quel comédien !
M. Alain
Bruneel. Salut l’artiste !
M. le
président. S’il vous plaît, essayons de retrouver le fil de nos débats.
La parole est à M. François Ruffin.
M. François
Ruffin. Mon intervention se fonde sur l’article 100, alinéas 5
et 7 du règlement.
Le blocage, c’est vous ! (Exclamations sur
plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) Le blocage, c’est vous !
Écoutez l’un des élus de vos bancs, M. Éric Poulliat, qui se dit
extrêmement opposé par principe à l’application de l’article 49,
alinéa 3, de la Constitution. Cet élu du groupe LaREM déclare ceci :
« C’est le Gouvernement qui avait le choix de déposer le texte à ce
moment-là, juste avant les municipales. Quelle urgence y avait-il, alors qu’il
faut se donner le temps sur une réforme aussi essentielle ? Je comprends
que l’on oblige l’exécutif à recourir à une forme d’autorité, mais je ne
cautionne pas plus l’agenda contraint que l’on nous impose que l’obstruction de
l’opposition. »
M. Erwan
Balanant. Cela prouve que nous ne sommes pas des Playmobil !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Quel
rapport avec le sujet ?
M. François
Ruffin. Moi, je voudrais faire une proposition, monsieur le
président.
M. le
président. Allez-y, monsieur Ruffin.
M. François
Ruffin. Nous sommes dans une ornière : c’est évident ! Moi, je
voudrais faire une proposition à la majorité. Ce texte concerne des millions de
retraités et futurs retraités – à peu près tous les Français.
M. Bruno
Millienne. Eh oui !
M. François
Ruffin. Comme le dit M. Poulliat, il faut se donner le temps. Voici
ma proposition : suspendons les débats jusqu’aux élections municipales
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LR. – M. Sébastien
Jumel applaudit également) et adressons au Conseil d’État une étude d’impact
qu’il n’estimera pas sommaire, mal faite…
M. le
président. Merci, monsieur Ruffin.
M. François
Ruffin. …et n’employons pas la procédure accélérée.
M. Erwan
Balanant. Quel rapport avec le règlement ?
M. François
Ruffin. Si le débat se déroule de cette manière, sur la base d’une étude
d’impact fiable, sans procédure accélérée, en donnant du temps au Parlement, je
suis convaincu que les oppositions sont prêtes à faire un travail tout à fait
constructif. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Sébastien
Jumel applaudit aussi.)
M. Bruno
Millienne. Pas du tout !
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Mon intervention se fonde sur l’article 100 du
règlement.
À texte chaotique, débat chaotique. (Exclamations sur
quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Patrick
Hetzel. Très bien !
M. Éric
Woerth. Ce texte étant très compliqué, le débat l’est aussi. Pour ma
part, je propose de calculer les points sur les vingt-cinq meilleures années. La
proposition oblige à faire un peu d’arithmétique, mais elle est assez simple et
pourrait constituer une solution. En tout cas, elle peut être soumise au débat.
Je demande donc un rapport sur ce sujet, car un amendement proposant ce mode de
calcul serait déclaré irrecevable en application de l’article 40 de la
Constitution.
Or ma proposition sera examinée en fin de débat, après
l’article 65, ce qui n’a aucun sens.
M.
Jean-Jacques Bridey. C’est ce que nous faisons pour tous les
textes !
M. Éric
Woerth. M. Hetzel a parfaitement raison : il faut examiner les
amendements demandant des rapports au moment où le sujet de fond auquel ils se
réfèrent est traité. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. le
président. La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry
Benoit. Je n’avais pas forcément prévu d’intervenir, mais je vais le
faire sur le fondement de l’article 100, comme nos collègues.
Je
participe aux travaux sur ces textes depuis maintenant trois semaines ;
deux semaines durant, j’ai suivi intégralement les débats en commission
spéciale : soixante-quinze heures sur le projet de loi ordinaire et six
heures sur le projet de loi organique.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Oui : nous, nous y sommes depuis trois semaines !
M. Thierry
Benoit. Nous débattons dans l’hémicycle depuis lundi. Je considère que
les membres du groupe UDI, Agir et indépendants n’ont pas abusé de leur droit de
parole. Nous appartenons à un petit groupe, mais nous sommes témoins de ce qui
se passe. Nous avons aussi quelques idées sur les différents sujets abordés dans
ce projet de loi, que nous avons traduites sous forme d’amendements. Nos
amendements passent à leur rythme, c’est-à-dire une fois tous les
1 000 amendements, puisque des dizaines de milliers d’amendements ont
été déposées.
Ceci étant posé, j’estime sincèrement que s’il est une
chose que l’on ne peut pas faire, c’est adresser des griefs aux rapporteurs
Nicolas Turquois et Jacques Maire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des
groupes UDI-Agir, LaREM et MODEM.)
Je le dis sincèrement, en
regardant des députés pour lesquels j’ai beaucoup d’affection, y compris un
député breton : s’il est un reproche que l’on ne peut pas adresser au
rapporteur, c’est bien celui de ne pas répondre.
Comme je l’ai dit dans
ma région, je trouve que le nombre d’amendements est déraisonnable et celui des
sous-amendements excessif. (Mêmes mouvements.) Cela permet à des groupes
qui comptent peu de députés de prendre la parole à tour de bras, pendant des
heures et des heures, obligeant leurs collègues d’autres groupes à attendre
trois heures avant de pouvoir s’exprimer. (Applaudissements sur les bancs des
groupes UDI-Agir, LaREM et MODEM.) Ceci est inqualifiable ! Je vise des
députés qui aspirent à prendre des responsabilités, y compris dans la région
dans laquelle je vis ! (De nombreux députés des groupes
UDI-Agir, LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent.)
M. le
président. Les rappels au règlement sont de droit, mais je peux y mettre
un terme s’ils sont trop répétitifs. Si c’est pour dire la même chose, cela ne
sert à rien de prendre la parole. La parole est à M. Adrien Quatennens, à
qui je demande d’être concis.
M. Adrien
Quatennens. Vous savez que je n’en abuse pas, monsieur le président, et
je vais essayer de faire au mieux. Mon intervention se fonde sur
l’article 100 de notre règlement.
Vous semblez beaucoup vous
inquiéter, à raison, de la manière dont nos débats sont observés à l’extérieur.
J’ai l’avantage d’avoir pris le temps de la pause pour aller à l’extérieur, dans
la manifestation (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM)…
M. Patrick
Loiseau. Vous nous l’avez déjà dit !
M. Bruno
Millienne. Venez-en au fait !
M. Adrien
Quatennens. …et je peux vous rassurer : nos débats sont très suivis
et, globalement, la manière dont ils se déroulent plaît beaucoup aux gens, elle
leur convient. (Mêmes mouvements.)
M. le
président. Monsieur Quatennens…
M. Adrien
Quatennens. J’essaie d’apaiser les débats, monsieur le président.
M. le
président. Non, ce n’est pas ce que vous faites.
M. Adrien
Quatennens. Bien sûr que si !
M. le
président. Je ne vais pas vous faire l’injure de relire
l’article 100 du règlement, mais je peux vous dire qu’il ne traite pas des
manifestations ou des reportages de télévision sur nos travaux.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Je vais vous
laisser finir votre intervention, en vous demandant d’être respectueux du
règlement et de cet hémicycle et de vous concentrer sur votre rappel au
règlement.
M. Adrien
Quatennens. Évidemment, mais mon rappel au règlement porte sur le bon
déroulement de nos débats et je veux rassurer nos collègues : à
l’extérieur, les gens sont majoritairement opposés aux projets de réforme et ils
sont contents de la manière dont les débats se passent. (Vives exclamations
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Ils sont 2 000 !
M. Adrien
Quatennens. Pourrais-je au moins terminer dans le calme, monsieur le
président ?
M. le
président. Rapidement, s’il vous plaît.
M. Adrien
Quatennens. Rappelant que M. Mélenchon avait utilisé l’expression
de guerre de tranchées, le rapporteur nous a dit : c’est la guerre. Il
s’agit d’une guerre démocratique, mais c’est vous qui l’avez déclarée parce que,
nous vous l’avons répété, votre programme annonce l’inverse de ce que vous
faites…
Mme Sophie
Beaudouin-Hubiere. Menteur !
M. le
président. Merci, monsieur Quatennens. Nous en resterons là concernant
votre rappel au règlement. Votre propos est clair mais il n’a pas de rapport
avec l’article 100 du règlement, que je vous incite à relire.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
La parole
est à M. Bruno Fuchs, que j’invite à rester dans le cadre d’un rappel au
règlement.
M. Bruno
Fuchs. J’interviens aussi au titre de l’article 100 du
règlement.
Mon collègue dit que les citoyens et spectateurs s’amusent et
apprécient les débats, mais il se trompe de chaîne : ici, nous sommes au
Parlement, un haut lieu de la démocratie. C’est bien de raconter des
contrevérités en permanence…
M. Patrick
Loiseau. Très bien !
M.
Christian Hutin. Pourquoi contrevérités ?
M.
Sébastien Jumel. Quel rapport avec le règlement ?
M. Bruno
Fuchs. …mais je voudrais que les personnes qui nous regardent sachent de
quoi l’on parle.
M. le
président. Restez sur le règlement, monsieur Fuchs.
M. Bruno
Fuchs. Ces sous-amendements proposent, par exemple, de remplacer
« contribuent» par « conduisent », ou « à
aucune » par « pas une », ou « jamais » par
« pas ». Voilà le type de sous-amendements qui sont proposés, et qui
n’ont rien à voir avec le fond !(Applaudissements sur les
bancs des groupes MODEM et LaREM.) Vous tournez en rond pour nous accuser
ensuite des choses que vous êtes vous-mêmes en train de
commettre !
M. le
président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, présidente de
la commission spéciale.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Je
voudrais rappeler chacun à ses responsabilités dans ce débat. M. Mélenchon
a eu l’occasion de saluer à plusieurs reprises les propos du rapporteur, qui
apportait les précisions nécessaires à chaque moment du débat.
M. Boris
Vallaud. C’est son travail !
Mme
Brigitte Bourguignon, Présidente. Vous pourrez consulter ses
déclarations dans le rapport, comme peuvent le faire les députés de toutes les
autres oppositions.
Le rapporteur n’est certes pas à l’abri d’un écart ou
d’un énervement, assez légitime quand on se trouve en présence de trente-sept
sous-amendements sur un amendement, qui demandent des précisions qui vont dans
tous les sens et qui visent toutes les catégories professionnelles. Il faudrait
qu’il réponde à la ligne près et au chiffre près !
M. Adrien
Quatennens. C’est bien normal !
Mme
Brigitte Bourguignon, Présidente. Dans le cadre d’un débat digne
de ce nom, deux choses doivent prévaloir : le débat a lieu à l’Assemblée
nationale, et non pas sur les réseaux sociaux ou à l’extérieur ; le respect
de chacun envers les autres. Quand cesseront les invectives et les noms
d’oiseaux, peut-être pourrons-nous enfin parler du texte !
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et
UDI-Agir.)
Article 1er (suite)
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement
no 23972 et les sous-amendements ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Les sous-amendements sont
nombreux, en effet, et ils abordent beaucoup de sujets. Je vais essayer d’en
traiter un maximum, en commençant par ceux de La France insoumise pour qu’Éric
Coquerel, qui suit certainement nos travaux cet après-midi, ne pense pas que je
les ai oubliés.
Monsieur Lachaud, vous m’avez interrogé à plusieurs
reprises sur la part du PIB consacrée aux pensions de retraite. Je pense
sincèrement vous avoir répondu à plusieurs reprises, sans éluder la question,
mais j’ai bien compris que je ne vous avais pas convaincu.
Remettons les
choses en perspective, en nous fondant sur les travaux du Conseil d’orientation
des retraites – COR. Si l’on garde le système actuel, les pensions de
retraite représenteront environ 13 % du PIB à l’horizon de 2050, soit un
pourcentage inférieur à ce qu’il est actuellement, même si la pension moyenne
continuera à progresser. Si l’on adopte la réforme, on se situera à 12,9 %.
Les pourcentages sont donc très proches, et la baisse est due à une forte
progression du PIB, ce qui devrait vous rassurer.
Madame Fiat, vous avez
été attentive à mon propos précédent, comme vous l’êtes à chaque fois, ce dont
je vous remercie. En plus des quelques éléments que je vais vous fournir sur les
seuils, nous vous communiquerons le dossier de presse sur la réunion
multilatérale qui s’est tenue jeudi dernier. Nous proposons d’abaisser de 120 à
110 nuits par an le seuil qui permet de bénéficier des points de
pénibilité. Quand au nombre de nuits en horaires tournants nécessaires, il
passera de 50 à 30 par an.
MM. Bernalicis et Vallaud – et
peut-être d’autres qui me pardonneront de ne pas les citer – s’inquiétaient
du temps que nous avions pu passer à échanger avec les représentants des
professions libérales lors de la préparation de cette réforme. Soyez
rassurés : depuis trois mois, le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye puis
moi-même avons vu à plusieurs reprises toutes les organisations professionnelles
majoritaires représentatives des professions libérales. J’ai moi-même rencontré
à plusieurs reprises les représentants des médecins, des notaires, des avocats…
Je ne vais pas vous faire une liste à la Prévert.
Il était normal que
nous le fassions, mais c’est une contrevérité de dire que nous ne l’avons pas
fait. Je ne prétends pas que tout le monde était d’accord en sortant des
réunions, mais nous pouvons au moins acter le fait qu’elles se sont tenues – et
qu’elles ont souvent été fructueuses, car nous nous sommes
compris.
Revenons à cet amendement no 23972. Il
s’intéresse aux orthophonistes, mais notre excellent rapporteur, Nicolas
Turquois, vient de nous donner des explications plus globales sur l’ensemble des
adhérents à la Carpimko, la caisse de ces auxiliaires médicaux.
Les
auxiliaires médicaux se sont inquiétés de l’évolution de leur taux de
cotisation. La cotisation vieillesse augmentera t-elle ? Si oui, les
pensions s’amélioreront-elles ? Ces questions sont légitimes. Nous avons
travaillé avec les représentants de ces professions et leur avons fourni des
simulations, dont certaines sont librement accessibles en ligne.
Toutes
les organisations professionnelles ont reçu de telles simulations. Les avocats
ont diligenté un audit à un cabinet extérieur pour examiner les données fournies
par le haut-commissaire aux retraites, et ce tiers indépendant a jugé qu’elles
étaient exactes. C’est dire la qualité des travaux préalables qui ont été
menés.
M.
Christian Hutin. Effectivement, ils ont l’air très contents !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. L’une de ces simulations, que
tout le monde peut consulter en ligne, concerne les infirmiers,
masseurs-kinésithérapeutes, orthophonistes et orthoptistes. On y apprend que la
pension mensuelle brute se monte à 1 337 euros dans le système actuel
et atteindra 1 899 euros dans le système universel, ou encore que le
taux moyen des cotisations de retraite passera de 18,3 % aujourd’hui à
28,12 % à l’issue de la transition – laquelle s’étendra sur plus de
quinze ans. Comme l’a excellemment expliqué Nicolas Turquois, la Carpimko avait
déjà prévu des hausses de cotisations. Les caisses sont en effet attentives à
leur équilibre, et la démographie de leurs assurés peut les conduire à augmenter
leurs cotisations. Par ailleurs, les auxiliaires médicaux ayant des revenus
relativement modestes, de l’ordre de 30 000 euros annuels, ne
connaîtront aucune hausse de leurs cotisations, du fait du changement d’assiette
de la CSG, mais bénéficieront d’une hausse de 42 % de leurs pensions de
retraite. Ceux dont le revenu annuel avoisine 40 000 euros ne verront
pas non plus leurs cotisations augmenter, mais leurs pensions croîtront de
45 %.
M. David
Habib. Il est quand même exceptionnel ! On n’y comprend
rien !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Quant aux auxiliaires médicaux
ayant des revenus très importants, de l’ordre de 80 000 euros, leurs
cotisations augmenteront d’un point et leurs pensions croîtront de
82 %.
M. David
Habib. Vraiment, 82 % d’augmentation des pensions ?
M.
Christian Hutin. On ne comprend rien !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Le travail a donc été fait en
amont, et bien fait. Je comprends que la représentation nationale nous
interpelle – vous-mêmes avez été interpellés, et il est normal que vous
vous en fassiez écho dans l’hémicycle. Il est donc légitime que je vous apporte
des explications de nature à vous rassurer.
Je partage l’attachement aux
métiers de la mer de M. Le Fur et d’autres députés qui en ont fait part en
commission spéciale. Nul besoin pour cela d’être un élu du littoral : tous
les Français sont attachés à la mer et à la préservation des activités de pêche
et de marine marchande.
Le statut des marins est assez large et ne
s’adresse pas aux seuls pêcheurs. Je parle ici au connaisseur qu’est M. Le
Fur : comme vous le savez, j’ai été sollicité à ce sujet, dans mes
fonctions précédentes, par un député d’Ille-et-Vilaine membre de la commission
des affaires sociales et de votre groupe parlementaire. Le 30 janvier
dernier, j’ai personnellement adressé un courrier à l’ensemble des partenaires
sociaux concernés par le régime des marins – régime dont l’antériorité, que
vous avez rappelée, monsieur Le Fur, prouve combien l’activité maritime est
ancrée en France. Nous devons actualiser ce régime et le faire évoluer, tout en
étant extrêmement attentifs aux réalités économiques. Gardons-nous de perturber
les équilibres économiques souvent fragiles de la marine marchande
– lorsqu’elle peut battre pavillon français – et de pêcheurs qui
s’inquiètent des conséquences du Brexit pour les zones de pêche. Nous devons
prendre le temps de mener un travail pointu dans ce domaine. C’est la raison
pour laquelle j’ai garanti à ces professionnels, noir sur blanc, l’ensemble des
dispositions qui les concernent, tout en leur expliquant qu’ils seraient
intégrés dans le système universel. Ce dernier traitera toutes leurs
spécificités.
M. Marc Le
Fur. Va-t-on l’écrire dans la loi ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Le Fur, je vous
propose de traiter plus longuement ce sujet lorsque nous aborderons
l’article 8. Je ne voulais toutefois pas l’éluder et souhaitais en donner
aujourd’hui un premier éclairage.
J’en viens à l’évolution des pensions
moyennes, au sujet de laquelle m’a interrogé M. Aubert. Comme l’indique
l’étude d’impact en page 176, « la réforme conduit, après 2037, à
augmenter les niveaux de pension tout en ralentissant la hausse de la durée
passée à la retraite ». La notion d’âge d’équilibre se double ainsi d’une
dynamique favorable des pensions. Cela traduit la volonté du Gouvernement de ne
pas imposer un allongement d’activité, tout en permettant à ceux qui le
souhaitent de travailler un peu plus longtemps afin de percevoir un niveau de
retraite plus important.
M. Hervé
Saulignac. Qui comprend ?
M. le
président. Ayant reçu de nombreuses demandes de prise de parole, j’en
accorderai une par groupe. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Ce débat est compliqué, car chaque étape nous conduit à aborder
de nombreux aspects. Je me concentrerai ici sur les professions libérales. En la
matière, votre proposition est d’une complexité inouïe, monsieur le secrétaire
d’État. À titre d’exemple, un abattement de 30 % sur l’assiette de la CSG
vient contrebalancer – pour autant qu’il soit constitutionnel – une
augmentation des cotisations : en d’autres termes, un trou vient en boucher
un autre ! Verrons-nous resurgir la TVA pour combler encore un autre
trou ? Tout cela me semble peu responsable. Votre tuyauterie est encore
plus complexe que celle qu’elle est censée remplacer !
M. Patrick
Hetzel. Très juste !
M. Éric
Woerth. Les députés de La France insoumise évoquent constamment la
souffrance au travail. Évidemment, le travail est difficile ; évidemment,
certains travaux sont plus difficiles que d’autres.
Mme
Caroline Fiat. Tout de même !
M. Éric
Woerth. Mais nous sommes en France ! Vous passez systématiquement
sous silence les mesures globales de prévention et de rattrapage qui existent
dans notre pays pour réduire la pénibilité – rémunération, jours de
récupération… Peut-être ces mesures sont-elles insuffisantes, mais vous ne
pouvez ni les nier, ni raisonner métier par métier.
Quant aux professions
libérales, il fallait leur laisser leur régime, monsieur le secrétaire
d’État.
M. Patrick
Hetzel. Évidemment !
M. Éric
Woerth. Il fallait maintenir un régime de base jusqu’à un certain
plafond de sécurité sociale et, pour le reste, laisser vivre les régimes
autonomes, précisément parce qu’ils sont autonomes. Jusqu’à présent, lorsqu’ils
voulaient rejoindre un régime plus universel, ils le faisaient, avec une soulte
le cas échéant. Cette approche était bien plus moderne et efficace.
(M. Patrick Hetzel applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Bruno Millienne.
M. Bruno
Millienne. Je souscris aux remarques de M. Woerth concernant la
difficulté de répondre à la multitude de sujets abordés par la myriade de
sous-amendements.
M. Hervé
Saulignac. Répondez au moins à l’amendement !
M. Bruno
Millienne. Je remercie M. Turquois et l’ensemble des rapporteurs
qui se livreront à cet exercice tout au long de l’examen du texte, comme je
remercie M. le secrétaire d’État, d’avoir la patience de répondre aussi
exhaustivement que possible aux innombrables sous-amendements. Je note
d’ailleurs que certains sont répétés presque systématiquement à tout bout de
champ, notamment à propos du PIB.
M.
Sébastien Jumel. Ça va, on a compris !
M. Bruno
Millienne. Monsieur Lachaud, est-il si difficile de comprendre que
le montant alloué aux retraites représente un pourcentage du PIB, mais n’est pas
un pourcentage du PIB ? L’allocation destinée aux retraites ne se définit
pas en proportion du PIB ; elle évolue avec le temps. Depuis 1947, le PIB
n’a cessé d’augmenter, hormis en 1993. Nous payons les retraites qui doivent
l’être ; or, comme le PIB croît plus vite que le montant destiné aux
retraites, la part représentée par les retraites dans le PIB baisse
mécaniquement. J’espère que vous l’aurez enfin compris, mais j’en doute. Vous
avez un problème avec les mathématiques, mais qu’importe, je vous répondrai
autant de fois qu’il le faudra ! (Exclamations sur les bancs du groupe
FI.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M.
Jean-René Cazeneuve. Les Français ne sont pas dupes de ce qui se passe
actuellement au Parlement.
M. Patrick
Hetzel. Vous avez raison !
M.
Jean-René Cazeneuve. Mes chers collègues, après avoir déposé
40 000 amendements, vous déposez autant de sous-amendements. Si chacun
donne lieu à deux minutes d’exposé, cela mobilisera le Parlement pendant vingt
ans, matin, midi et soir ! (M. Jean-René Cazeneuve
poursuit sous les applaudissements des députés du groupe LaREM.) Qui ne
respecte pas le Parlement ? Qui ne respecte pas les parlementaires ?
Qui ne respecte pas l’opposition ? Qui veut paralyser nos
institutions ? Vous, puisque nous ne pouvons répondre qu’aux amendements,
et non aux sous-amendements !
M.
Sébastien Jumel. Calmez-vous !
M.
Jean-René Cazeneuve. Lorsque vous prenez la parole pour soutenir un
sous-amendement, vous ne parlez jamais de l’amendement correspondant ! Vous
ne parlez pas de l’article ! C’est bien vous qui créez un climat de
chaos !
M. Patrick
Hetzel. Là, c’est la majorité qui veut créer un incident !
M.
Jean-René Cazeneuve. Vous entendez nous faire croire que le texte n’est
pas clair. Mais c’est vous qui créez de la confusion avec vos amendements et vos
sous-amendements ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
M. Patrick
Hetzel. Vous avez dépassé votre temps de parole !
M.
Jean-René Cazeneuve. Si vous le permettez, monsieur le président, et si
j’en ai le temps, je dirai quelques mots de l’article.
M. le
président. Il vous reste trente secondes.
M.
Jean-René Cazeneuve. Je peine à comprendre vos arguments, mes chers
collègues. Quand les régimes autonomes sont déficitaires, vous en appelez à la
solidarité nationale – et vous avez raison. En revanche, quand les régimes
autonomes sont bénéficiaires, vous estimez qu’ils doivent rester autonomes. Ce
n’est pas notre conception de la solidarité ! La solidarité n’est pas à
sens unique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Nous devons aussi tenir compte des évolutions démographiques et des
transformations des métiers : les régimes qui sont bénéficiaires
aujourd’hui ne le seront peut-être pas demain ! (Mêmes
mouvements.)
M. Erwan
Balanant. Exactement !
M. le
président. Merci, monsieur Cazeneuve.
La parole est à
M. Hervé Saulignac.
M. Hervé
Saulignac. Cet après-midi, en entrant dans l’hémicycle pour défendre la
cause des orthophonistes, je ne m’attendais pas à m’y trouver encore deux heures
plus tard.
M. Bruno
Millienne. Vous n’étiez pas au courant ? Arrêtez de mentir !
Quel cinéma !
M. Hervé
Saulignac. C’était sans compter sur notre collègue Nicolas Turquois qui,
je le dis très sincèrement, fut un excellent rapporteur dans le cadre de la
commission spéciale, car il a tenu la barre.
M. Patrick
Hetzel. Il l’est toujours !
M. Hervé
Saulignac. Je suis d’autant plus choqué par le dérapage et la
provocation qu’il a commis tout à l’heure, mais je les mets volontiers sur le
compte de la fatigue nerveuse ; c’est parfaitement compréhensible.
M. Patrick
Hetzel. Il est très nerveux !
M. Hervé
Saulignac. Je lui demande amicalement de se garder, à l’avenir, de
provocations de ce genre. Je m’étonne aussi que pour dénoncer ce qu’il
considérait comme une obstruction, il ait assimilé les sous-amendements à
l’amendement lui-même. Si vous pensez, monsieur le rapporteur, que défendre la
cause des orthophonistes équivaut à faire de l’obstruction, vous faites injure
aux inquiétudes et à la souffrance réelles et légitimes de ces
professionnels ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, ainsi
que sur quelques bancs du groupe GDR.)
M. Bruno
Millienne. Il a répondu au fond !
M. Hervé
Saulignac. Je reconnais, monsieur le rapporteur et monsieur le
secrétaire d’État, que vous avez tenté d’apporter une explication. Monsieur
Turquois, vous avez indiqué à juste titre que la démographie de cette profession
la conduirait à augmenter ses cotisations de retraite. Or vous les faites passer
de 16 % en moyenne à 28 % ! Ce bond est bien supérieur à celui
que la profession avait prévu, et il lui sera extrêmement difficile de le
supporter.
Quant à vous, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais que
vous me confirmiez par écrit ce que vous avez dit à la fin de votre
intervention, évoquant ces orthophonistes qui gagnent plus
80 000 euros – si vous en trouvez quelques centaines en France,
faites-le moi savoir !
M. le
président. Je vous remercie, monsieur Saulignac.
M. Hervé
Saulignac. Je termine, monsieur le président. (Exclamations sur les
bancs du groupe LaREM.) En plus, vous avez indiqué que ceux-ci
bénéficieraient d’un niveau de pension de 82 % supérieur à ce qu’ils
touchent aujourd’hui ! Écrivez-le !
M. le
président. Je vous rassure, nos débats font l’objet d’un compte rendu
écrit.
La parole est à M. Sébastien Jumel, puis à M. Adrien
Quatennens et à M. le rapporteur. Ensuite, nous passerons aux votes.
M.
Sébastien Jumel. Je confirme qu’en commission, le rapporteur Turquois a
été respectueux. J’espère qu’il n’a pas reçu de consignes pour changer de
posture en cours de route. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
M. Bruno
Millienne. C’est insupportable !
M.
Sébastien Jumel. Je confirme aussi que si les amendements de fond que
nous avions déposés ne s’étaient pas vu opposer l’irrecevabilité, nous n’aurions
pas été contraints, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues de la
majorité, de déposer ces sous-amendements pour vous obliger à parler du fond
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM), sans même parler des
amendements que vous avez cherché à mettre à la poubelle et que nous avons dû
récupérer de force.
J’en viens maintenant au fond, à savoir la question
des marins pêcheurs. Vous avez tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, en
réponse à l’intervention de notre excellent collègue Le Fur, fait une
déclaration d’amour aux marins pêcheurs et aux marins d’une manière générale, en
faisant l’impasse sur le fait que l’article 7 renvoie le règlement de cette
question à des ordonnances et que l’âge pivot à vocation, selon votre texte, à
s’appliquer aux marins alors même que ceux-ci, au regard de leurs conditions de
travail, de leur accidentologie et de la pénibilité de leur profession, ne
peuvent souffrir qu’on leur applique le mauvais régime que vous prévoyez. Vous
avez évoqué un courrier adressé aux organisations syndicales : j’aimerais
en avoir copie, monsieur le secrétaire d’État. J’espère que vous y proposez le
maintien de la disposition, supprimée de facto dans votre projet, qui ouvre la
possibilité aux marins de partir à 50 ans lorsqu’ils ont cotisé
25 ans, que ce courrier s’oppose à la mise en place de l’âge pivot pour
eux, qu’il prévoit une bonification de points, à l’instar des militaires, qu’il
exclut de l’assiette les cotisations forfaitaires sur la base des catégories,
qu’il maintient le mode de calcul de la pension de réversion pour le régime de
l’ENIM, l’Établissement national des invalides de la marine, soit 54 % pour
le conjoint survivant, et qu’il maintient le système de majoration des pensions
pour les enfants de marins – actuellement de 5 % pour deux enfants, de
10 % pour le troisième enfant et de 15 % pour le quatrième, prenant en
compte la spécificité et les difficultés de leur profession. J’ai été rapporteur
spécial pour la pêche, et j’insiste à ce titre sur un dernier point : le
métier de marin pêcheur souffre d’un déficit d’attractivité majeur – il y a
environ 200 000 pensionnés et 20 000 actifs. Or ce métier risque
d’être bousculé par le Brexit et fragilisé par les problématiques de
renouvellement de la flottille. Si à cela vous ajoutez une dégradation des
conditions d’accès aux droits à la retraite, vous allez planter un coup de
poignard mortel dans le dos de cette belle profession qui fait l’identité et la
sève de nos ports, et aussi l’économie réelle de notre littoral.
Monsieur
le secrétaire d’État, j’attends donc avec impatience une copie de votre courrier
et j’espère qu’il y est précisé ce qui ne l’est pas dans votre texte, car
l’article 7 n’est qu’un chèque en blanc qui renvoie à des ordonnances, sans
apporter aucune réponse aux différents points que je viens d’aborder. (M.
Marc Le Fur applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Monsieur le président, comme nos collègues de la majorité
ont profité de leurs interventions pour aborder des questions de forme, je vais
faire de même avant d’aborder le fond. On a connu dans cette auguste maison, en
des temps où, comme beaucoup d’entre vous, je n’étais pas député, des heures
d’obstruction, notamment lors de la privatisation de GDF, où plus de
130 000 amendements avaient été déposés.
M. Bruno
Millienne. Quelle conclusion en tirez-vous ?
M. Adrien
Quatennens. Je veux bien qu’on parle maintenant d’obstruction et de
montagnes d’amendements, mais nous en sommes tout de même très loin : nous
ne faisons que la grève du zèle !(Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Bruno
Millienne. Une guerre de tranchées !
M. Adrien
Quatennens. Chers collègues, économisez vos nerfs. Je serai clair :
le groupe La France insoumise n’a pas l’intention de coopérer avec vous.
M. Bruno
Millienne. Donc vous ne voulez pas coopérer avec le peuple, que nous
représentons nous aussi !
M. Adrien
Quatennens. Nous ne sommes pas là, contrairement à ce que vous dites à
satiété, pour coconstruire avec vous un texte, mais pour représenter deux mots
d’ordre majoritaires dans le pays selon les enquêtes d’opinion, à savoir le
retrait ou le référendum, et vous rappeler que vous n’avez pas de mandat pour
faire ce que vous faites, car votre projet de loi est en contradiction avec les
engagements du Président de la République. (Mme Mathilde Panot applaudit.
– Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. Chers collègues, seul l’orateur a la parole.
M. Bruno
Millienne. Monsieur le président, ce n’est pas possible d’entendre ça
sans réagir !
Mme
Mathilde Panot. Calmez-vous, monsieur Millienne !
M. Adrien
Quatennens. Par ailleurs, je tiens à rappeler que le président Ferrand
nous a donné raison en début de séance, estimant qu’il faudrait quelque
150 jours de travail pour terminer l’examen de tous les articles. Pour
notre part, nous y sommes prêts : nous avons tout le temps. Pourquoi s’en
tenir à trois semaines de débats ? Pour faire plaisir à
qui ?
J’en viens maintenant au fond, pour répondre notamment à la
question centrale du PIB. (Mouvements divers.) En effet, monsieur le
secrétaire d’État, vous posez deux conditions à votre texte : l’équilibre
financier et l’absence d’augmentation de la part de la richesse nationale
consacrée aux retraites. Vous instaurez donc un âge d’équilibre financier, qui
va se décaler génération après génération puisque le niveau des pensions
baissera tendanciellement. Nous, nous proposons un âge d’équilibre
personnel : 60 ans. Il s’agit d’offrir aux gens la possibilité de
partir à un âge décent, compte tenu de l’espérance de vie en bonne santé.
M. le
président. Je vous demande de conclure, monsieur Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Et vous savez bien, monsieur le secrétaire d’État, que l’on
peut financer cette mesure sans difficulté – nous avons déjà discuté ensemble
d’autres sources de financement possibles. Ce ne sont pas vos options, mais
c’est possible. (Mme Mathilde Panot
applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Quand on m’a confié la mission de
rapporteur sur le titre Ier, j’ai eu l’ambition de bien
comprendre quels étaient ses tenants et ses aboutissants pour pouvoir répondre
en éclairant au mieux les questions qui allaient m’être posées, sachant qu’il y
a des sujets très techniques et qu’il est évidemment impossible à chacun des 577
députés de les appréhender toutes. J’ai eu la chance d’avoir à mes côtés des
administrateurs qui ont fait un travail excellent pour m’expliquer et que je
puisse vous retranscrire ce qu’il en est. J’ai essayé de m’y impliquer au mieux
dans la phase du travail en commission.
Mais là, alors qu’il s’agit d’un
amendement déposé par les membres du groupe Socialistes et apparentés et qui
porte notamment sur le régime des orthophonistes, je dois donner un avis sur
trente-sept sous-amendements qui vont des marins pêcheurs aux agriculteurs – qui
ne sont pourtant pas des professions libérales –, en passant, après les
éboueurs, par des questions sur le PIB. (Exclamations sur les bancs du groupe
LR.)
M. Olivier
Marleix. Eh bien lisez-les ! C’est important !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il y a un moment donné où, je le redis, on
ne grandit pas le rôle du Parlement en fonctionnant de cette façon.
(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.) Il faut
structurer ses propos et argumenter. M. Saulignac a raison d’aborder dans
son amendement la question des orthophonistes,…
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. En effet !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …dont les appréhensions sont bien
compréhensibles, mais on répond au final presque à tout, sauf aux
orthophonistes…
M. Alain
Bruneel. C’est votre rôle !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …et c’est dommage. Je redis à
M. Saulignac que le passage du taux de cotisation de 16 %
– plutôt 17 % – à 28 % inscrit dans ce projet de loi se fera
selon une évolution prévue par la Carpimko elle-même et avec un abattement de
30 % de l’assiette de la CSG, ce qui revient au final à comparer le taux de
21 % prévu dans le système actuel avec le taux de 21 % du nouveau
système pour les orthophonistes dont la rémunération tourne autour d’une fois le
plafond annuel de la sécurité sociale. Pour ceux dont la rémunération est
moindre – car beaucoup d’orthophonistes peuvent avoir des difficultés à
gagner leur vie –, le gain sera encore meilleur parce que le système actuel
de la Carpimko prévoit à la base une cotisation forfaitaire, proportionnellement
plus importante par définition pour les bas revenus. Voilà l’explication de fond
que je souhaitais apporter en réponse à cet amendement. Je crois qu’on ne gagne
pas à aborder, par le biais de sous-amendements, l’ensemble des sujets soulevés
par ce projet de réforme à l’occasion de chaque amendement déposé. Telle est
l’attitude que je continuerai à adopter au cours de ces débats.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. Nous en venons aux votes.
(Les sous-amendements
nos 41945 et 42226,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41946.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 131
Nombre
de suffrages
exprimés 121
Majorité
absolue 61
Pour
l’adoption 23
Contre 98
(Le sous-amendement no 41946 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41947.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 125
Nombre
de suffrages
exprimés 121
Majorité
absolue 61
Pour
l’adoption 25
Contre 96
(Le sous-amendement no 41947 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41948.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 133
Nombre
de suffrages
exprimés 127
Majorité
absolue 64
Pour
l’adoption 27
Contre 100
(Le sous-amendement no 41948 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42267 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41949.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 135
Nombre
de suffrages
exprimés 127
Majorité
absolue 64
Pour
l’adoption 24
Contre 103
(Le sous-amendement no 41949 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 41951 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements identiques
nos 41952 et 42228
ne sont pas adoptés.)
(Les sous-amendements
nos 41953,
42245, 42247, 42249,
42251, 42261, 42262,
42263 et 42255, successivement mis aux voix, ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42264.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 134
Nombre
de suffrages
exprimés 121
Majorité
absolue 61
Pour
l’adoption 17
Contre 104
(Le sous-amendement no 42264 n’est pas
adopté.)
M. Bruno
Millienne. Ah ! Leur plus mauvais score !
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42258.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 132
Nombre
de suffrages
exprimés 120
Majorité
absolue 61
Pour
l’adoption 14
Contre 106
(Le sous-amendement no 42258 n’est pas
adopté.)
(« Ah ! »
sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)
(Les sous-amendements nos 41954,
41955, 42279, 42281, 42077, 42078, 42079, 42080, 42081, 42082,
42083 et 42084, successivement mis aux voix, ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42129.
M. Marc Le
Fur. « Homme libre, toujours tu chériras la mer ! »
(Sourires.)
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 130
Nombre
de suffrages
exprimés 128
Majorité
absolue 65
Pour
l’adoption 32
Contre 96
(Le sous-amendement no 42129 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42280 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42248.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 131
Nombre
de suffrages
exprimés 117
Majorité
absolue 59
Pour
l’adoption 15
Contre 102
(Le sous-amendement no 42248 n’est pas
adopté.)
(« Ah ! »
sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Nous passons maintenant au vote à main levée sur
l’amendement.
(L’amendement no 23972 n’est pas
adopté.)
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept
heures trente.)
M. le
président. La séance est reprise.
Je suis saisi d’un amendement
no 23970 qui fait l’objet de plusieurs
sous-amendements.
La parole est à M. Alain David, pour soutenir
l’amendement.
M. Alain
David. Cet amendement du groupe Socialistes et apparentés, dont
Mme Untermaier est la première signataire, vise à poser un principe général
de non-régression applicable aux réformes des retraites.
S’il est
loisible au législateur de modifier le système de retraite existant – vous
ne vous en privez pas –, il est essentiel de garantir aux assurés le
respect de leur sécurité matérielle. À l’occasion de telles réformes, il
importe que le législateur ne compromette pas l’exercice de certaines
professions.
Or la réforme portée par le présent projet de loi mettra en
difficulté de nombreux cabinets d’avocat, ce qui aura des conséquences négatives
en matière d’accès à la justice. En effet, elle conduira au doublement des
cotisations – de 14 à 28 % – pour la moitié de la profession,
celle qui gagne le moins. Le montant minimal des pensions sera ramené à
1 000 euros net par mois, contre 1 416 euros
actuellement.
La réforme des retraites pour les avocats, c’est la
fermeture de tous les petits cabinets qui ne pourront pas supporter
l’augmentation des cotisations ; c’est un plan social pour plus de
20 000 avocats ; c’est la remise en cause de leur
indépendance ; c’est un report des difficultés sur les justiciables les
plus fragiles ; c’est enfin un véritable hold-up sur la caisse de retraite
des avocats.
Les deux tiers de nos concitoyens contestent votre réforme,
les avocats sont en grève, les Français sont dans la rue. Retirez votre
réforme ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 41823.
M. Alain
Bruneel. Alain David vient d’évoquer la situation des avocats. Je
rappelle qu’ils ont jeté leurs robes ou les ont accrochées à des ponts, ont
interrompu des cérémonies de vœux de personnalités politiques, ont organisé des
concours d’éloquence, ont distribué des roses aux magistrats et greffiers à la
Saint-Valentin. Pourtant, ils ne sont toujours pas entendus.
Je vous
invite, mes chers collègues, à regarder la vidéo réalisée par les avocats
grévistes du barreau de Douai, disponible sur Twitter. En trois minutes chrono,
ils résument les raisons de leur colère face à cette réforme ; ils vous
expliquent que leur métier, qui est généralement une véritable passion, est sans
cesse malmené.
Autonome, le régime de retraite des avocats est financé
exclusivement par leurs cotisations. Il est en outre solidaire, puisqu’il
reverse chaque année près de 100 millions d’euros au régime général, au
titre de la solidarité nationale.
Le projet du Gouvernement prévoit un
doublement des cotisations pour les avocats, ce qui sera insupportable pour de
nombreux cabinets, qui devront mettre la clé sous la porte. Votre réforme n’a
plus rien d’universel. Laissez les avocats tranquilles ! Laissez-les
défendre les justiciables sereinement.
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42253.
Mme
Caroline Fiat. Il vise à garantir qu’aucune réforme, ni celle-ci ni
celles qui viendront, ne conduise à une régression des droits des assurés.
Personne ne doit perdre de droits au moment de prendre sa retraite.
Vous
ne cessez d’affirmer qu’il n’y aura pas de perdants et qu’il y aura des
gagnants, en particulier les femmes. Notre assemblée ne peut donc que voter ce
sous-amendement, qui ne fait qu’inscrire formellement dans la loi que personne
ne perdra par rapport à la situation actuelle. C’est un sous-amendement de bon
sens : vous dites sans arrêt que tel sera le cas ; nous, nous
l’écrivons.
M. le
président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le
sous-amendement no 42259.
M. Bastien
Lachaud. Il faut veiller à ce qu’aucune réforme, présente ou future, ne
constitue une régression. Tel est le sens de ce
sous-amendement.
S’agissant des avocats, force est de constater que la
réforme proposée entraînera une régression de leur statut. Aujourd’hui, un
avocat qui touche 1 800 euros par mois cotise à hauteur de
300 euros et est appelé à percevoir une retraite de 1 400 euros.
Dans votre système, il cotiserait à hauteur de 600 euros, soit le double,
pour une pension de 1 000 euros, inférieure au niveau
actuel.
Depuis le début du mouvement social, les avocats contestent
massivement le doublement du taux de cotisation. Mme Belloubet a d’ailleurs
reconnu le problème, puisqu’elle a annoncé une compensation jusqu’en 2029. S’il
y a besoin d’une compensation, c’est bien qu’il y a une
régression !
Dès lors, monsieur le rapporteur, monsieur le
secrétaire d’État, une question importante se pose : quel sera le système
après 2029 ? La compensation prendra-t-elle fin à cette date, auquel cas la
régression serait totale ? Ou bien les problèmes nés de votre réforme
seront-ils résolus par miracle ?
Les avocats en colère ont organisé
une vente de leurs robes sur Le Bon Coin, peut-être l’avez-vous vu. L’inquiétude
est grande au sein de la profession. Il faut de vraies
réponses.
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42260.
Mme
Caroline Fiat. Il va un peu plus loin que celui que j’ai défendu
précédemment : il vise à s’assurer non pas que les réformes ne conduiront
pas à une régression des droits des assurés, mais qu’elles conduiront à une
amélioration de ces droits.
La situation des avocats est assez
inquiétante. Vous avez réussi à mettre tous les barreaux du pays en grève, fait
assez impressionnant pour être souligné. Dès lors, plus aucun jugement ne peut
être rendu.
Vous ne voulez pas entendre raison, alors que la profession
vous explique par a + b qu’elle sera perdante avec votre réforme, que
vous serez responsables de la fermeture de centaines, voire de milliers de
cabinets. Nous évoquons souvent les déserts médicaux ; en l’espèce, vous
allez créer des déserts judiciaires, faute d’avocats.
Pour aller dans le
sens de ce que demandent les avocats, nous proposons de substituer, à
l’alinéa 3 de l’article 1er, les mots « conduisent à
une amélioration » aux mots « ne conduisent pas à une
régression ».
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41825.
M. Pierre
Dharréville. L’amendement vise à établir le principe de non-régression
sociale au cœur de votre projet de
réforme.
L’article 1er, faut-il le rappeler, évoque un
certain nombre de grands principes généraux. Vous auriez pu vous contenter de
les indiquer dans l’exposé des motifs, mais vous avez voulu les inscrire dans la
loi. Il est donc logique que nous débattions de ces principes généraux et de
leurs implications, et que nous vérifiions, le cas échéant, s’ils sont suivis
d’effet dans le texte. Certes, ce débat peut sembler parfois un peu
débridé,…
M. Sylvain
Maillard. Un peu débridé, c’est un euphémisme !
M. Bruno
Millienne. Oui !
M. Pierre
Dharréville. …mais il reflète la manière dont vous avez voulu rédiger le
texte.
J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer au sujet de la situation des
avocats. Nous constatons qu’il y a un fort mouvement de leur part, le Conseil
national des barreaux, qui représente les 70 000 avocats de notre
pays, étant lui-même mobilisé. Les avocats contestent votre réforme et ses
effets. Or ils n’ont toujours pas obtenu, selon moi, de réponse satisfaisante de
votre part.
Monsieur le secrétaire d’État, des discussions sont-elles en
cours avec les avocats ? Si tel est le cas, avancent-elles ?
Pouvez-vous nous apporter des éléments complémentaires concernant les mesures
particulières que vous envisagez éventuellement de prendre pour rattraper les
effets très négatifs et mal maîtrisés de votre dispositif, qui ne peut pas
s’appliquer uniformément à toutes les situations ? Ma question est très
claire. Nous souhaitons que les droits des avocats soient respectés.
Si
vous me permettez d’ajouter une phrase, monsieur le président,…
M. le
président. Il vous reste quinze secondes.
M. Pierre
Dharréville. …contrairement aux idées reçues, je l’ai souligné
précédemment, un certain nombre d’avocats se trouvent dans une situation
difficile. Et tout cela finit effectivement par peser sur la capacité de la
justice à faire son travail au service de tout un chacun.
M. le
président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le
sous-amendement no 42254.
M. Bastien
Lachaud. Je poursuis la discussion sur la régression des droits des
avocats.
Mme Belloubet a annoncé que l’État compenserait
l’augmentation de leur cotisation retraite par une baisse des autres cotisations
sociales. Autrement dit, on va prendre dans les autres caisses pour financer le
système de retraite, ce qui ne manquera pas de créer un trou. Tout cela est-il
bien sérieux ? Les annonces de Mme Belloubet ont-elles fait l’objet
d’une étude d’impact ? Ou bien a-t-elle réagi comme cela, sans que l’on ait
une idée de la manière dont ces mesures seront financées ? Il serait
pourtant intéressant pour nous de le savoir. De plus, où précisément
l’engagement pris par Mme Belloubet est-il retranscrit dans le texte qui
nous est soumis ?
Par ailleurs, l’exécutif a affirmé nettement que
les cotisations des avocats n’augmenteraient pas dans leur globalité, à
l’échelle de la profession. En application du plafonnement à partir de trois
fois le montant du PASS – plafond annuel de la sécurité sociale –, les
avocats et cabinets percevant de très hauts revenus verront leur cotisation
baisser. Vous dites, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État,
qu’une solidarité est nécessaire entre les cabinets et avocats qui gagnent
beaucoup et ceux qui gagnent peu. Nous aimerions donc savoir comment vous
comptez organiser cette solidarité entre les perdants de la réforme – les
avocats les plus modestes – et les gagnants – les grands cabinets qui
réalisent les bénéfices les plus élevés. (Mme Caroline
Fiat applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41827.
M.
Sébastien Jumel. L’article 1er ressemble à un bulletin
météorologique présenté par Alain Gillot-Pétré.
Mme Olivia
Gregoire. Paix à son âme !
M.
Sébastien Jumel. Demain, il fera beau, peut-être, s’il ne pleut
pas : voilà l’article 1er ! Aucune valeur normative,
aucune garantie inscrite dans la loi : des promesses qui n’engagent que
ceux qui les croient. Voilà pourquoi nous soutenons et sous-amendons tout
amendement visant à offrir un minimum de garanties. La première à offrir est
l’assurance que la réforme n’aboutira pas à une dégradation du montant des
pensions.
Ensuite, les avocats n’ont pas la réputation d’être incapables
de lire la loi. J’ai entendu sur certains bancs de la majorité que le sujet
était peut-être trop complexe pour les Français, voire que l’opposition était
sans doute trop conne pour comprendre la subtilité du texte.
Un député du groupe
LaREM. Mais arrêtez !
Mme
Brigitte Bourguignon, Présidente. Franchement, des sous-entendus
de cet ordre…
M.
Sébastien Jumel. Les avocats ne peuvent être soupçonnés d’un tel manque
d’intelligence ou de discernement. Le barreau de Dieppe par exemple, auquel je
suis profondément attaché, est presque unanimement, pour ne pas dire
unanimement, opposé à votre projet de réforme ; or, il se caractérise par
sa grande pluralité politique – on y trouve des soutiens de
M. Jacob –, qui reflète celle de notre hémicycle.
Je veux vous
poser une dernière question : comment peut-on demeurer droit dans ses
bottes tout en restant enfermé dans ses certitudes, quand tout le monde est
contre soi ?
Mme Valérie
Rabault. Ça, c’est un grand mystère !
M.
Sébastien Jumel. Comment peut-on laisser avancer le rouleau compresseur
comme si de rien n’était, alors qu’on a le MEDEF, l’ensemble des organisations
syndicales et l’ensemble des professions touchées par le projet en
opposition ?
Comment peut-on dérouler le tapis rouge à la finance
alors que cinq groupes de l’opposition, représentant une large pluralité
politique, expriment leur hostilité ?
M. Hervé
Saulignac. Bonne question !
M.
Sébastien Jumel. Répondre à cette question vous permettrait de sortir
par le haut de la situation inextricable dans laquelle vous vous
trouvez.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41829.
M. Pierre
Dharréville. Je voudrais ajouter un mot sur le sujet que j’évoquais tout
à l’heure. Les avocats, notamment ceux des petits cabinets, dont les revenus
sont parfois faibles, avertissent que l’application de votre réforme
provoquerait la disparition de certains cabinets et amoindrirait donc leur
capacité à défendre celles et ceux qui en ont besoin, en particulier ceux qui
ont le moins de moyens.
Nous devons garantir l’accès à la justice pour
tous, et ils sont nécessaires pour y parvenir. Leur préoccupation est certes
personnelle, ils s’inquiètent pour leurs fonctions et leur avenir, mais elle
concerne également les valeurs qu’ils représentent et le travail qu’ils
accomplissent, qui est profondément utile à la société et au bon fonctionnement
de la justice.
Il faut tenir compte de cette réalité et j’estime que la
lettre qui leur a été adressée pour leur taper sur les doigts et leur demander
de reprendre le travail n’apportera aucune réponse aux questions qu’ils se
posent. Comme Sébastien Jumel le disait à l’instant, ils ont lu la loi dans le
détail et parfaitement compris vos propositions.
Aujourd’hui encore, de
grandes manifestations se sont déroulées dans tout le pays pour s’opposer à la
réforme. Or, jusqu’à présent, je ne vous ai pas entendu prêter le moindre
intérêt aux objections qu’elles expriment, ni apporter la moindre réponse aux
questions posées. Cela soulève un problème grave : vous ne pouvez vous
contenter d’affirmer que les opposants n’ont pas bien compris et que vous leur
enverrez des éléments de langage. Le marketing ne suffira pas, ce n’est pas un
problème de communication : depuis des mois, vous ne parvenez pas à
convaincre les avocats – il faut vous rendre à l’évidence et discuter
sérieusement avec eux.
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le
sous-amendement no 42256.
M. François
Ruffin. Je me trouvais tout à l’heure à la manifestation, où défilaient
les avocats et le Syndicat des avocats de France, en compagnie des danseurs de
l’Opéra et de tous les autres syndicats. Je vous renouvelle donc ma proposition
de sortie. Éric Poulliat, du groupe La République en marche, le disait
lui-même : c’est le Gouvernement qui a choisi de faire examiner le texte
juste avant les élections municipales. Quelle urgence y avait-il ? Sur une
réforme aussi essentielle, il faut se donner le temps.
Voici donc ce que
je propose au Gouvernement : suspendez les débats jusqu’aux élections,
publiez une étude d’impact que le Conseil d’État ne jugera pas insuffisante, à
cause de projections financières lacunaires, et d’un flou concernant l’âge de
départ à la retraite, le taux d’emploi des seniors et le montant des dépenses
d’assurance chômage.
Renoncez à la procédure accélérée. Je suis convaincu
que, sur des fondements ainsi assainis, un débat à la hauteur de l’enjeu
s’engagera, sur les bancs de la majorité comme des oppositions.
M. Erwan
Balanant. Et sur les réseaux sociaux !
M. François
Ruffin. Les retraites méritent mieux que ce travail bâclé – que ce
soit durant les négociations, devant le Conseil d’État, ou à l’Assemblée. Comme
le Conseil d’État le souligne, la situation est d’autant plus regrettable qu’il
s’agit d’une réforme inédite depuis 1945 et destinée à transformer pour les
décennies à venir une des composantes majeures du contrat social.
M. Philippe
Vigier. Allez !
M. François
Ruffin. Suspendez jusqu’à la fin des élections municipales,…
M. Bruno
Millienne. C’est insupportable !
M. François
Ruffin. …pour qu’alors nous puissions débattre sereinement,…
Mme
Brigitte Bourguignon, Présidente. Pourrions-nous débattre sur le
texte, un peu ?
M. François
Ruffin. …en faisant participer les partenaires sociaux et les
parlementaires, quelles que soient les opinions qu’ils professent sur la
réforme, sans la pression d’un compte à rebours, qui agit comme un pistolet sur
la tempe. Acceptez cette voie de sortie !
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41833.
M.
Sébastien Jumel. Je souscris à l’appel lancé par mon copain Ruffin.
M. Bruno
Millienne. Copain ?
M.
Sébastien Jumel. Le calendrier de la conférence de financement prévoit
qu’elle finira début avril. Les discussions sur la pénibilité renvoient à des
accords de branches, rendant difficile sa définition. Il faudra apparemment
encore beaucoup de travail pour nous fournir quelque assurance qu’elle sera
prise en considération. Les projections financières sont pour le moins
lacunaires, le Conseil d’État l’a dit ; l’étude d’impact en
témoigne.
Vous êtes enlisés, pour ne pas dire embourbés, pour ne pas dire
enkystés, dans un débat parlementaire qui ne progresse pas. Pendant ce temps, le
mouvement social prospère,…
Mme
Brigitte Bourguignon, Présidente. Il ne prospère pas, il a
diminué !
M.
Sébastien Jumel. …le mécontentement gronde et vous ne savez pas comment
sortir de cette situation. Faites une pause ! Suspendez ! Laissez les
discussions se poursuivre, reprenez langue avec l’ensemble des groupes
parlementaires, tentez de renouer le dialogue avec les organisations syndicales
que vous avez humiliées à chaque étape de la non-concertation. Après ce moment
démocratique que constituent les élections municipales, nous ferons le
point.
Mme
Brigitte Bourguignon, Présidente. Pouvons-nous parler du
texte ?
M.
Sébastien Jumel. En prime, je pronostique que vous allez prendre une
claque sans précédent, monumentale, à Paris comme ailleurs.
(« Et alors ? » sur
les bancs du groupe LaREM.)
M. Bruno
Millienne. C’est de la provocation gratuite ! Vous êtes hors
sujet !
M. David
Habib. Monumentale !
M. Sylvain
Maillard. C’est faux !
M.
Sébastien Jumel. Cela devrait être de nature à vous faire réfléchir et à
réorienter votre politique.
En effet, vous avez débuté en affirmant que
vous aviez une jambe gauche et une jambe droite : vous avez désormais deux
jambes droites et vous vous faites des croche-pieds chaque jour plus nombreux.
Acceptez la proposition raisonnable de mon collègue Ruffin pour vous en sortir
par le haut – voire vous en sortir tout court.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41835.
M. Pierre
Dharréville. Comme ils partagent une même philosophie, je défendrai
également les sous-amendements nos 41837 et 41840.
Je le
répète : il n’est pas anodin que l’ensemble des professions, malgré leur
diversité, soient mobilisées contre ce projet – y compris les avocats,
auxquels vous n’avez toujours pas apporté de réponse convaincante. Je crois que
vous avec effectivement besoin de renouer avec le pays, et que vous en êtes très
loin.
Le choix de faire le gros dos en attendant que ça passe est de
mauvaise politique : il ne permet pas à vos idées et à votre projet de
faire des progrès dans l’opinion ; de plus, il engendre une défiance et
provoque des fractures qui mettent en péril votre avenir, mais également celui
de la République. Je le répète depuis plusieurs semaines : vous devriez
entendre raison et retirer ce projet, d’ailleurs inachevé, pour les avocats
comme pour les autres.
M. le
président. Les sous-amendements nos 41837 de
M. Sébastien Jumel et 41840 de M. Pierre Dharréville sont donc
défendus.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir le
sous-amendement no 42257.
M. Adrien
Quatennens. On observe en effet que la mobilisation des avocats demeure
forte : ils étaient encore nombreux tout à l’heure dans les cortèges de la
manifestation, et n’ont pas l’intention de s’arrêter. Ce ne sont pas des
nantis : ils sont chargés de défendre les gens ; lorsqu’ils vont
jusqu’à déposer leur robe – vous savez combien elle leur est chère –
aux pieds de leur ministre de tutelle, ils lancent au Gouvernement un message de
désespoir.
On ne comprend pas, en effet, pourquoi il faut absolument que
ce débat aille vite. Que vous vouliez une réforme des retraites, admettons
– même si, je le répéterai autant de fois que nécessaire, celle-ci est en
contradiction avec le programme grâce auquel vous avez gagné les
élections –, mais pourquoi avant les élections municipales ? Quel est
l’objectif ? À qui voulez-vous faire plaisir ?
M. Jacques
Marilossian. C’est gratuit !
M. Adrien
Quatennens. Tout à l’heure, le président Ferrand a dit qu’il nous
faudrait 150 jours pour terminer l’examen du texte. Prenons-les ! Nous
voyons bien que vous essayez de créer, à l’aide d’interruptions indignées à
répétition, un climat favorable à l’usage de ce LBD parlementaire qu’est
l’article 49, alinéa 3. C’est inacceptable.
Prenons le temps de
conduire ce débat, d’autant qu’il existe effectivement des portes de
sortie : suspendre les débats ou faire appel au référendum, pour offrir
l’occasion d’une campagne électorale éclairée, dans laquelle chacun défendrait
ses arguments ; vous seriez alors en mesure de vérifier si, oui ou non, le
peuple français approuve cette réforme des retraites – je répète que votre
programme annonçait l’inverse de ce que vous faites. C’est valable pour les
avocats comme pour toutes les professions encore mobilisées. Nous avons atteint
un point de blocage, et vous aggravez la situation en déclarant l’urgence.
Répondez au moins à cette question : pourquoi avant les municipales ?
Nous n’avons toujours pas compris !
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 41843.
M. Alain
Bruneel. Je défendrai en même temps le no 41846.
Il y
a quelques heures, le président Ferrand a expliqué qu’il nous faudrait
150 jours pour examiner tous les amendements. Nous sommes d’accord avec
l’idée de prendre le temps nécessaire pour discuter du système universel de
retraite : vous balayez un système qui existe depuis plus de soixante-dix
ans en disant qu’il ne convient pas, qu’il faut de la solidarité ; or,
selon nous, la solidarité ne passe pas par votre réforme.
M. Bruno
Fuchs. Mais ce ne sont pas des amendements !
M. Alain
Bruneel. Il y a un débat de société, un véritable débat de rapport de
classes, je le répète ; depuis que nous discutons en séance, nous nous
sommes efforcés d’apporter des exemples de pénibilité issus de nombreux métiers
– les infirmiers, les aides-soignants, les éboueurs, les salariés de chez
Renault –, et nous évoquons maintenant le cas des avocats.
J’avoue
ne pas comprendre : il existe déjà cinq dérogations à votre système
universel – tant mieux pour ceux qui sont concernés. Vous êtes confrontés
au sujet de la caisse des avocats. Elle est excédentaire, qui plus est solidaire
avec le régime général, auquel elle reverse 100 millions chaque
année.
Pourquoi voulez-vous supprimer cette caisse qui assure une
solidarité entre les avocats et qui les autorise à exprimer complètement leurs
opinions, en leur disant : c’est terminé, vous basculez dans le régime
universel ? Je ne comprends pas cette manière brutale de répondre aux
questions – en fait, vous n’y répondez même pas. Laissez-les faire !
Ce sont des avocats, ils savent quand même de quoi ils parlent ! Ils ont
étudié le texte de A jusqu’à Z ! S’ils disent qu’ils ne sont pas d’accord,
vous pouvez estimer que leur désaccord est fondé.
M.
Sébastien Jumel. Très bien !
M. le
président. Le sous-amendement no 41846 de
M. Sébastien Jumel est défendu.
La parole est à M. Bastien
Lachaud, pour soutenir le sous-amendement no 42273.
M. Bastien
Lachaud. Nous nous interrogeons sur les conséquences de la réforme pour
les avocats. Le Conseil national des barreaux a soumis à l’examen d’un célèbre
cabinet d’études le cas d’un avocat débutant sa carrière à
23 000 euros annuels, avec une rémunération en augmentation de
1,3 % par an.
Dans ce cas type, le montant de la pension versée au
titre du régime universel subirait une baisse de 14 % par rapport au
montant versé dans le régime actuel. En d’autres termes, cet avocat percevrait
1 633 euros par mois après la réforme contre 1 892
aujourd’hui.
Vos services, monsieur le secrétaire d’État, nous expliquent
que ce manque à gagner serait compensé par le futur minimum de retraite, qui
permettrait d’élever cette somme à 1 899 euros, soit le niveau du
montant actuel, afin que ledit avocat ne soit pas perdant.
C’est sans
compter le fait que celui-ci aura cotisé sur la base de 28 % au lieu de
14 %. Autant dire qu’il aura cotisé deux fois plus qu’aux termes du système
actuel pour toucher au mieux la même pension.
Votre cabinet s’est-il
trompé, monsieur le secrétaire d’État ? Pouvez-vous nous rassurer sur ce
cas type ? Ou le système de retraite que vous voulez mettre en place
intègre-t-il trop de variables pour que vous puissiez garantir le niveau de
pension des avocats ?
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42042.
Mme
Caroline Fiat. Certaine que vous êtes désormais convaincus de la
nécessité de voter l’amendement, et afin de gagner du temps, comme vous le
réclamez, je propose de compléter le dernier alinéa de l’amendement par les mots
« , les personnels de la Comédie française et de l’Opéra de Paris, les
égoutiers, les marins et le régime des ports autonomes de Bordeaux et de
Strasbourg ».
Nous vous avons déjà prouvé que ces professions
méritent de garder leur régime actuel, mais, si vous préférez que je développe
ce point, je le ferai bien volontiers.
M. le
président. Sur l’amendement no 23970, je suis saisi par
le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Sur les
sous-amendements nos 42259, 41835, 41837 et 42042, je
suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et les
sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. M. Ruffin a quitté
l’hémicycle.
Monsieur Jumel, au lieu de parler des élections
municipales et de discuter politique, travaillons plutôt sur le fond du
sujet !
Madame Fiat, à la différence de celui de Strasbourg, le port
autonome de Bordeaux ne possède plus de régime de retraite spécifique. En outre,
je vous rappelle que l’amendement porte sur les avocats. Je conviens que ceux-ci
s’interrogent légitimement sur l’avenir de leur système de retraite, et que,
notre réforme visant à intégrer tous nos concitoyens dans un système universel,
la discussion doit aborder les problèmes spécifiques à chaque profession. Mais,
sachant que l’on compte aujourd’hui 67 000 avocats en France, je comprends
mal que vous annonciez la fermeture de centaines de milliers de cabinets !
(M. Bruno Millienne et M. Erwan
Balanant applaudissent.)
Mme
Caroline Fiat. J’ai dit que des centaines, voire des milliers de
cabinets pourraient fermer !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Depuis dix ans, le nombre d’avocats a
fortement augmenté et la rentabilité de leur activité pose parfois problème. Si
les ténors du barreau gagnent bien leur vie, beaucoup d’avocats ont du mal à
boucler leur fin de mois. L’aide juridictionnelle, qui fait l’objet d’une
discussion avec la garde des sceaux, est probablement à revoir, mais ne
mélangeons pas le débat sur les retraites et d’autres interrogations, très
légitimes, inhérentes à cette profession.
Monsieur Lachaud, vous avez
évoqué la situation d’un avocat qui percevrait 23 000 euros par an. J’ai
travaillé sur un cas presque similaire : un avocat touchant 20 000
euros par an, soit un demi PASS, verse aujourd’hui 16,8 % de cotisation, et
un avocat percevant un PASS, 13 % de cotisation. Si le taux de cotisation
s’élevait demain à 28 %, le premier enregistrerait une augmentation de onze
points, le second, de quinze points.
M.
Christian Hutin. Ce serait insupportable !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ce serait effectivement insupportable, mais
il faut intégrer dans ce calcul l’abattement de 30 % sur l’assiette de
cotisation et sur la CSG, qui diminue de sept points…
M.
Christian Hutin. Les avocats ne sont pas d’accord ! Ils préfèrent
payer leurs impôts !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il faut considérer l’équilibre de
l’ensemble. Laissez-moi finir, monsieur Hutin ! Ceux qui perçoivent un demi
PASS enregistreront donc une baisse de cotisations de sept points.
Dans
le cas cité par M. Lachaud, la réforme se traduira par une augmentation de
cotisations de quatre points sur vingt ans, soit 200 euros par an. Il faut
remettre les choses à leur niveau et les considérer dans le temps.
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Julien
Aubert. Mais 4 % de 20 000 euros, cela ne fait pas
200 euros par mois !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. C’est parce que nous avons conscience des
changements à apporter qu’il faut se donner le temps de la transition. À
l’importance de la transformation correspond celle de la transition. Un délai de
vingt ans nous semble suffisant pour lisser les choses afin de les rendre le
plus indolores possible, tout en gardant en tête qu’une cotisation plus
importante ouvrira aussi des droits plus importants. Avis défavorable sur
l’amendement et les sous-amendements.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Le sujet a déjà été évoqué
plusieurs fois dans cet hémicycle depuis lundi, comme il l’avait été en
commission.
M.
Christian Hutin. Ainsi que dans la rue et les palais de
justice !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous l’avons aussi abordé lors
de la séance de questions au Gouvernement. Le débat concerne les avocats, mais
aussi les professions libérales, les indépendants, que chacun connaît plus ou
moins bien en fonction de son histoire. Leur situation, en termes de protection
vieillesse, est moins favorable qu’on ne le pense souvent.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Le régime de retraite des avocats est
excédentaire !
Mme
Constance Le Grip. Il dispose de 2 milliards de réserve !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Examinons quelques exemples. Si
l’on considère le revenu médian, le nouveau système induira une baisse de
cotisations des agents généraux pour un revenu de 80 000 ou 120 000
euros par an et une augmentation des prestations vieillesse de 9 % à
13 %. Les notaires ne devraient subir aucune augmentation de cotisations,
tandis que leurs prestations vieillesse augmenteront de 30 % à 40 %.
Les sages-femmes verront leurs cotisations augmenter de 0 % à 1 %, et
leurs prestations vieillesse de 39 % à 50 %. Je ne détaillerai pas le
cas de toutes les professions libérales, mais vous l’avez compris : pour
ces professions, l’augmentation des charges sera minime, sinon nulle.
Le
rapporteur en a très bien expliqué la raison. L’assiette de la CSG payée par ces
professions n’est pas comparable à celle qui s’applique aux salariés. En les
ramenant toutes deux au même niveau – et ce n’est que justice –, on absorbe la
quasi-totalité de l’augmentation des cotisations vieillesse. Le texte est très
clair sur ce point. Je vous renvoie à nos débats en commission sur
l’article 21.
Le rapporteur l’a expliqué : les seuls avocats
qui devront assumer un reliquat de charges après le changement d’assiette de la
CSG sont les plus modestes : ceux dont le revenu est de
30 000 euros. Ce reliquat sur les charges globales est de 5 %, à
lisser sur vingt ans, ce qui représente quelques dizaines d’euros par mois et
quelques centaines d’euros par an.
Nous poursuivons un échange avec la
profession, qui se pose à ce sujet des questions – moins dramatiques toutefois
que ne le prétend Mme Fiat. Il est normal que les avocats, surtout les plus
jeunes, s’interrogent sur la viabilité de leur cabinet. C’est pourquoi nous
continuons à discuter avec leurs représentants.
Ceux-ci s’inquiétaient
également sur leurs réserves. Nous les avons rassurés.
M. David
Habib. Il n’y a que vous pour le croire ! Partout, les avocats
expriment leur crainte.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il n’est pas question de
croire, mais d’être objectif !
M. David
Habib. Quel mépris !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Sur l’utilisation de ces
réserves, nous leur laissons le choix : il revient à ceux qui les ont
constituées de fixer leur utilisation. En revanche, nous devons continuer à
réfléchir avec la profession au moyen de lisser l’augmentation de charges qui
s’appliquera aux avocats aux revenus modestes. Plusieurs intervenants ont
suggéré qu’une péréquation pourrait être instaurée entre les gros cabinets,
capables de supporter une hausse éventuelle des charges, et les plus petits.
Mais je rappelle que l’augmentation ne correspond qu’à quelques dizaines d’euros
par mois. Nous sommes donc relativement sereins.
M.
Christian Hutin. Pourquoi s’attaquer à un système qui
fonctionne ?
M. David
Habib. Par dogmatisme ! Quand ils ont une idée en tête, ils foncent
dans le mur et ils klaxonnent !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je terminerai par un point
qu’ont relevé les représentants des avocats quand nous les avons consultés.
J’entends qu’il faut trouver une solution pour augmenter les charges de
5 % sur vingt ans, mais n’oublions pas de mettre dans la balance
l’augmentation significative des pensions. Celles-ci augmenteront de 13 %
pour un revenu annuel de 32 000 euros, de 24 % pour un revenu de
40 000 et de 11 % pour un revenu de 80 000.
Disons par
conséquent les choses tranquillement. Même si les charges subissent une hausse
de 5 %, une augmentation de 13 % des prestations est significative.
Continuons de travailler avec les représentants des avocats. Nous trouverons
avec eux une solution adaptée. (Applaudissements sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. L’augmentation de cotisations dont a parlé
M. le rapporteur est-elle de 4 % ou de quatre points, ce qui n ’est
pas la même chose ? D’autre part, comment aboutit-on au montant de
200 euros qu’il a cité ? Compte tenu de l’évolution de leur carrière,
les avocats verront nécessairement leur contribution augmenter.
Le régime
d’assurance vieillesse des avocats, actuellement régi par l’article
L. 651-1 du code de la sécurité sociale, est un régime spécifique. Ce
matin, M. Woerth a rappelé que les avocats partaient généralement à la
retraite à 65 ans, soit en moyenne deux ans plus tard que les membres des
autres professions.
Les avocats ne sont pas de simples prestataires de
services. Auxiliaires du service public de la justice, ils constituent l’unique
vecteur d’accès au juge pour les citoyens.
M.
Christian Hutin. Très bien !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Les avocats sont un rouage fondamental de l’État
de droit. Il convient de préserver l’accès à cette profession. Le surcoût causé
par votre système universel serait de nature à entraver l’accès à leur service,
et menace l’indépendance des avocats.
De plus, le changement que vous
proposez ne concerne pas les risques d’invalidité et de décès, pour lesquels
même les générations nées après 1975 continueront à être couvertes par le régime
actuel ; il concerne uniquement les retraites.
Les projections
financières que vous donnez ne sont pas suffisamment éclairantes.
Enfin,
il n’est pas juste de ponctionner les 2 milliards d’euros d’excédents de la
Caisse nationale des barreaux français pour faire financer la transition aux
avocats. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
– M. Hutin applaudit
également.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Élargissons le débat sur les cotisations à l’ensemble
des professions libérales et indépendantes. Je connais bien ces professions, qui
ont beaucoup évolué : elles peuvent être soumises au régime des bénéfices
non commerciaux – BNC – ou s’organiser en sociétés d’exercice libéral,
soumises à l’impôt sur les sociétés. De multiples règles, assez complexes,
permettent de faire évoluer leurs statuts.
Il est intéressant que le
texte prévoie une application pour partie progressive de la réforme, ce qui
permettra d’avoir davantage de recul et de s’adapter aux
circonstances.
La profession d’avocats a en outre besoin de retrouver son
domaine d’activité, qui a été entamé, avec de sérieuses conséquences pour le
chiffre d’affaires. Il faut s’intéresser à cette profession qui joue un rôle
majeur dans notre société, et la protéger.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Tout à fait d’accord !
M.
Jean-Paul Mattei. Il ne faut pas s’arrêter au problème des
retraites ; bien d’autres sont plus importants. Le domaine de compétence
des avocats, notamment, doit être préservé.
M.
Christian Hutin. C’est pour ça que vous vous attaquez aux
retraites !
M.
Jean-Paul Mattei. Parlons des statuts. De nombreuses professions
libérales ont mal cotisé, faute de statuts adéquats. Ce texte va assurer une
certaine sécurité.
M.
Christian Hutin. Vraiment ?
M.
Jean-Paul Mattei. Il instaure un compte, avec des points, donnant aux
membres des professions libérales une certaine visibilité. Quand on discute avec
eux, on s’aperçoit qu’ils ne comprennent pas forcément tous les enjeux et les
bénéfices, pourtant fondamentaux, associés à ce système de points acquis au
cours de la vie professionnelle, et à ce système par répartition. Nous
instaurons un nouvel outil ; il ne faut pas s’en méfier et je suis certain
qu’il peut fonctionner.
Enfin, nos débats, qui servent aussi à indiquer
l’intention du législateur, ont une valeur juridique. Il me semble donc
important de répéter que nous ne toucherons pas aux réserves de la Caisse
nationale des barreaux français. D’autres mouvements ont moins de scrupules, si
l’on en croit leurs programmes.
Il s’agit en vérité d’une bonne réforme,
qui va dans le bon sens et sera très utile à la profession d’avocat.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. le
président. La parole est à Mme Yaël Braun-Pivet.
Mme Yaël
Braun-Pivet. Pour reprendre les mots du président du tribunal judiciaire
de Paris lors de l’audience solennelle de rentrée, « la justice sans les
juges, c’est la barbarie ; la justice sans les avocats, c’est la
tyrannie ». Nous sommes tous d’accords dans cet hémicycle pour considérer
que les avocats sont indispensables à l’œuvre de justice. (Applaudissements
sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. David
Habib. Ça ne fait pas débat !
M.
Christian Hutin. Jusque-là nous sommes d’accord !
Mme Yaël
Braun-Pivet. Et je pense que nous serons d’accord encore longtemps.
Grâce à ce débat, chacun a rencontré le bâtonnier de sa circonscription. Ils ont
été élus à la tête d’ordres qui peuvent compter dix, vingt, ou deux mille
avocats. Nous avons tous conscience des difficultés que rencontre cette
profession, du faible chiffre d’affaires de certains cabinets, et de ses
inquiétudes.
Pour cette raison, nous rencontrons les avocats, discutons
avec eux, essayons de les convaincre – nous ne désespérons pas d’y
parvenir. Je sais que le Gouvernement, que la garde des sceaux – elle ne
cesse de les rencontrer –,…
M. Patrick
Hetzel. Vous parlez de la garde des sceaux qui est sur le
départ ?
Mme Yaël
Braun-Pivet. …le secrétaire d’État chargé des retraites, le Premier
ministre et les parlementaires sont à leur écoute.
Des propositions ont
été faites en faveur des avocats, afin que cette réforme soit soutenable pour
tous les cabinets. Le secrétaire d’État et le rapporteur vous les ont
rappelées.
Cette réforme sera favorable aux avocats et leur ouvrira de
nouveaux droits. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
M.
Christian Hutin. Mais alors pourquoi manifestent-ils toujours ?
M. Patrick
Hetzel. Ce n’est pas parce que vous le dites que c’est vrai !
Mme Yaël
Braun-Pivet. Actuellement, les jeunes avocates ne bénéficient pas de la
prise en compte des grossesses dans le calcul des retraites et, quand elles
quittent la profession – elles sont nombreuses à partir au bout de cinq ou
dix ans –, elles perdent tous leurs droits à la retraite. C’est donc aussi
pour elles qu’il faut intégrer les avocats au régime universel de retraite.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme
Constance Le Grip. Bizarrement, les avocats n’ont pas du tout le même
sentiment !
M. le
président. La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie
Rabault. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite aborder trois
points.
Premièrement, vous doublez les cotisations pour tous ceux dont
les revenus sont inférieurs ou égaux à 40 000 euros ; en
revanche, vous laissez tranquilles les avocats qui ont plus de
120 000 euros de revenus.
Un député du groupe
LaREM. Ce n’est pas vrai !
Mme Valérie
Rabault. Si, c’est la réalité ! Vous ne pouvez le nier ; lisez
le texte ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M.
Christian Hutin. La justice selon La République en marche : les
riches paient moins !
Mme Valérie
Rabault. Monsieur le secrétaire d’État, pourrez-vous préciser de nouveau
ce point, puisque, manifestement, la majorité n’a pas lu le texte. (Vives
exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
– Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LR.)
…et n’a pas ce chiffre en tête. (Mêmes mouvements.)
M. Patrick
Hetzel. Excellent !
M. le
président. S’il vous plaît, laissez Mme Rabault continuer.
Mme Valérie
Rabault. Sur 67 000 avocats, la moitié a des revenus
inférieurs à 40 000 euros et verra donc ses cotisations doubler. Pour
les rassurer, vous annoncez que ce sera compensé par un abattement de l’assiette
de la CSG ; cette mesure, pour l’instant, n’est inscrite nulle part.
(Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Marc Le
Fur. Mais écoutez, enfin !
Mme Valérie
Rabault. Laissez-moi finir ! Vous prétendez avoir raison, alors que
cet abattement n’est pas inscrit dans le texte. Vous pouvez râler, vous pouvez
hurler, ça ne changera rien à la réalité !
Peut-être la mesure
sera-t-elle examinée à l’occasion du prochain projet de loi de financement de la
sécurité sociale. Mais on connaît votre manière de procéder : une année
vous sous-indexez les pensions, une autre vous les désindexez complètement, une
autre encore vous augmentez la CSG pour les retraités. Vous pourriez faire de
même avec les avocats ; ils n’ont aucune raison de vous croire. En tout
cas, nous, nous ne vous croyons pas.
M. Patrick
Hetzel. Nous non plus !
Mme Valérie
Rabault. Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, sur les
40 000 avocats qui risquent de voir leurs cotisations doubler,
20 000 pourraient mettre la clé sous la porte.
Mme Sylvie
Tolmont. Et voilà !
Mme Valérie
Rabault. Vous serez responsables, Gouvernement et majorité, d’un plan
social qui coûtera leur emploi à 20 000 membres des professions
indépendantes. (Applaudissements sur les bancs des groupes PS, LR et GDR. –
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Le site du Conseil national des barreaux cite ce propos
d’un ancien bâtonnier : « Aucun avocat en France ne peut accepter que
le taux de cotisation à la retraite double pour une retraite plus faible. »
Voilà où en est votre prétendue discussion avec les avocats.
Alors que
nous examinons le texte en séance, il nous est demandé, à nous, députés, de
prendre des décisions. Nous ne pouvons le faire, tant que les discussions avec
les avocats ne sont pas parvenues à leur terme.
Monsieur le rapporteur,
vous nous demandiez tout à l’heure de ne pas confondre ce débat sur les
retraites avec d’autres débats. Or, pour trouver des solutions aux difficultés
que vous rencontrez, vous-mêmes annoncez d’autres textes que celui qui nous est
soumis. Ainsi, l’abattement de 30 % de l’assiette de la CSG que vous
promettez – si j’ai bien compris –, n’est pas inscrit dans le projet
de loi ; en outre, il ne satisfait pas vos interlocuteurs.
Voilà
bien un des arrangements dont vous avez le secret. C’est un véritable jeu de
bonneteau. À chaque examen du budget de l’État, à chaque examen du projet de loi
de financement de la sécurité sociale, vous prenez d’une main ce que vous avez
donné de l’autre. Au bout du compte, tout le monde comprend que c’est un
enfumage.
Votre proposition pose un problème de pérennité. Nous gravons
dans le marbre de la loi des dispositions qui auront des conséquences pour les
décennies à venir. Qu’est ce qui nous prouve que l’abattement que vous envisagez
sera tout aussi durable ?
Le tableau de financement de la réforme
pose problème. Vous annoncez une longue période de transition, afin de permettre
d’absorber le choc. C’est admettre qu’il y a un choc ! Vous dites, monsieur
le rapporteur, que la mesure coûtera 200 euros aux avocats concernés ;
c’est une somme non négligeable pour certains.
En conclusion, quand vous
déclarez « prendre le temps », quand vous évoquez une
« transition » pour absorber le choc, cela signifie que, au bout du
compte, c’est une régression sociale qui se prépare.
Votre système ne
fonctionne pas, pas plus pour les avocats que pour beaucoup d’autres
professions. (M. Alain Bruneel applaudit.)
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme
Mathilde Panot. Vous prétendez tenter de convaincre les avocats qui,
massivement mobilisés depuis un mois et demi, fustigent le mépris du
Gouvernement et un dialogue de sourds.(Exclamations sur plusieurs bancs du
groupe LaREM.)
Or plusieurs questions restent sans réponse.
Premièrement, vous avez promis que la hausse des cotisations serait compensée
par un abattement. Le Premier ministre s’y est engagé, madame Belloubet aussi.
Outre que vous déshabillez Paul pour habiller Pierre, où cette promesse est-elle
inscrite dans le projet de loi ?
Deuxièmement, l’abattement est
prévu pour ne durer que jusqu’en 2029. Que se passera-t-il
ensuite ?
Enfin, comme l’a indiqué tout à l’heure Valérie Rabault,
vous faites peser le poids de la hausse de cotisations sur les avocats les plus
modestes. La présidente du Conseil national des barreaux craint que le
Gouvernement ne « fasse porter l’effort sur ceux qui font de l’aide
juridictionnelle ».
En somme, les avocats ne défendent pas seulement
leurs revenus. La question n’est pas seulement de savoir combien de centaines,
de milliers ou de dizaines de milliers d’entre eux devront fermer boutique
– même si cet aspect est extrêmement grave.
M.
Christian Hutin. Absolument !
Mme
Mathilde Panot. La question est aussi celle de notre système de
justice : si les avocats n’ont plus les moyens de fournir d’aide
juridictionnelle à cause du doublement des cotisations, cela compromettra
l’accès à la justice pour les plus pauvres.
À toutes ces questions, vous
n’avez pas répondu. Vous avez parlé de droits nouveaux ; nous ne savons pas
en quoi ils consisteront. L’étude du cabinet Ernst & Young, traitant du cas
d’un avocat débutant sa carrière à 23 000 euros, indique qu’il lui faudra
cotiser plus pour un niveau de retraites égal ou plus faible.
(M. Christian Hutin applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je souhaite apporter quelques précisions
supplémentaires. Entre 2002 et 2012, le nombre d’avocats a augmenté de
42 % ; je ne pense pas que l’activité judiciaire ait cru d’autant.
Cela explique une partie de leurs difficultés. En 2013, ils étaient
5 actifs pour chaque pensionné ; ils ne sont plus que 4,1 ; ils
ont même dû prévoir une hausse des taux, pour financer leur caisse de
retraite.
Madame Dalloz, il s’agit d’une hausse de 4 points, et non
de 4 %. Vous avez évoqué les risques invalidité et décès : seuls ces
deux risques restent directement assurés par la Caisse nationale des barreaux
français ; pour le reste, les avocats ont été intégrés aux branches famille
et maladie du régime général.
Je voulais surtout revenir sur les propos
de Mme Rabault, qu’a repris M. Dharréville. Selon vous, madame, la majorité n’a
pas examiné le texte. Vous dites en outre que l’abattement de l’assiette n’est
inscrit nulle part. Or nous avons voté un amendement l’instituant en commission
spéciale – vous devriez le savoir, madame Rabault, puisque vous en étiez
membre, ainsi que M. Dharréville. (Applaudissements sur plusieurs bancs
du groupe LaREM.) L’amendement sera de nouveau défendu en séance
publique ; vous ne pouvez pas faire comme s’il n’avait pas été
voté.
Enfin, je reconnais que 200 euros, ce n’est pas rien, mais
l’augmentation est étalée sur vingt ans : l’augmentation annuelle est donc
d’environ 10 euros, en euros constants – on peut dire que la
transition est douce.
(Les sous-amendements nos 41823 et 42253,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42259.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 124
Nombre
de suffrages
exprimés 119
Majorité
absolue 60
Pour
l’adoption 25
Contre 94
(Le sous-amendement no 42259 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 42260, 41825,
42254, 41827, 41829, 42256 et 41833, successivement mis aux voix, ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41835.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 117
Nombre
de suffrages
exprimés 112
Majorité
absolue 57
Pour
l’adoption 23
Contre 89
(Le sous-amendement no 41835 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41837.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 110
Nombre
de suffrages
exprimés 104
Majorité
absolue 53
Pour
l’adoption 17
Contre 87
(Le sous-amendement no 41837 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 41840, 42257,
41843, 41846 et 42273, successivement mis aux voix, ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42042.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 117
Nombre
de suffrages
exprimés 111
Majorité
absolue 56
Pour
l’adoption 19
Contre 92
(Le sous-amendement no 42042 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 23970.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 125
Nombre
de suffrages
exprimés 120
Majorité
absolue 61
Pour
l’adoption 28
Contre 92
(L’amendement no 23970 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 23860 qui
fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. David
Habib, pour soutenir l’amendement.
M. David
Habib. Cet amendement fait suite à la discussion que nous venons d’avoir
sur le sort réservé aux avocats. La garde des sceaux les a assurés du maintien
de leur situation : nous attendons encore le début du commencement d’un
élément permettant d’y croire. Nous rappelons qu’il ne saurait y avoir de
régression concernant les pensions de retraite des avocats. Je demande la
suspension de nos travaux et de notre réflexion sur cette profession : il
est nécessaire d’engager avec elle une discussion qui ne soit pas celle que vous
avez évoquée, mais une discussion solide, permettant véritablement d’avancer. Le
respect de la Nation pour cette profession et pour son rôle social mériterait un
peu plus de sérieux…
M. Patrick
Hetzel. Très bien !
M. David
Habib. …et d’efficacité.
M.
Christian Hutin. Très bien !
M. David
Habib. Je souhaite ensuite m’adresser à mon ami Jean-Paul Mattei.
(Murmures sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.). Je n’ai aucun
problème à le dire, il est non seulement mon ami, mais aussi mon notaire.
(Sourires et exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Il y a quelques années, lorsqu’un ministre de l’économie
avait modifié le statut de leur profession, plusieurs notaires étaient venus me
voir – j’étais déjà député à l’époque – pour me mettre en garde :
il ne fallait pas abattre une profession dont le rôle en matière d’aménagement
du territoire était systématiquement rappelé. Cher Jean-Paul Mattei, vous
n’étiez pas le premier à me le dire, mais vous n’étiez pas non plus le
dernier !
M. Patrick
Hetzel. Excellent !
M. François
Cormier-Bouligeon. C’est une mise en cause personnelle !
M. David
Habib. À l’époque, de nombreuses études de notaires étaient venues me
voir. Aujourd’hui, je vous demande de faire confiance aux avocats, comme aux
notaires, s’agissant de leur rôle en matière d’aménagement du territoire.
M. Patrick
Hetzel. Bravo !
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41830.
M.
Sébastien Jumel. Il ne faut quand même pas être sorti de la cuisse de
Jupiter pour comprendre certaines choses simples. Quand, il y a quelques années,
il y avait un avocat pour quatre dossiers, il y a désormais quatre avocats pour
un dossier ; le modèle économique de la profession s’est profondément
dégradé. Par ailleurs, votre réforme pour une mauvaise justice a sorti plusieurs
contentieux du périmètre des avocats, les privant d’autant d’interventions et
dégradant là encore leur modèle économique. Vous parachevez cela en modifiant,
d’une manière unilatérale non concertée, le niveau de cotisation ; cela
fragilisera les avocats qui constituent la sève des villes moyennes. Ce faisant,
vous les conduirez à abandonner leurs missions d’intérêt général, telles que la
défense des plus modestes et des plus petits. Parmi ces missions d’intérêt
général figurent aussi les permanences qu’ils tiennent dans les points d’accès
au droit – PAD –, qui sont cofinancés par les conseils départementaux
d’accès au droit – CDAD. Ces dernières seront donc fragilisées :par
définition, un avocat qui ne fait plus de fric, qui est économiquement
fragilisé, recentrera sa force de frappe sur ce qui est lucratif et se
débarrassera des missions non lucratives. Votre mauvais projet a ainsi un
« double effet Kiss Cool » : il fragilise l’économie de ces
professionnels du droit, mais aussi l’accès au droit des populations les plus
modestes. C’est la raison pour laquelle les députés communistes n’ont aucune
difficulté à être aux côtés et au chevet des avocats.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41832.
M. Pierre
Dharréville. J’ai entendu la défense du rapporteur concernant
l’amendement adopté en commission spéciale. Quelle conception avez-vous de la
CSG et de l’architecture du financement de la protection sociale dans notre
pays ? Vous prévoyez un abattement de 30 % sur l’assiette de la CSG
pour les avocats, ce qui réduira d’autant le montant collecté par ce biais.
Quelle est la cohérence du système que vous proposez en matière de financement
de la protection sociale – et par conséquent de la retraite ?
Vous
connaissez mon avis sur la CSG : nous n’avons jamais défendu cette
fiscalisation du financement de la protection sociale ; celle-ci devrait
selon nous être financée par la cotisation. En un sens, nous allons dans la même
direction que vous. En tout état de cause, je voudrais connaître la cohérence,
la durabilité et la robustesse du dispositif global que vous
proposez.
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le
sous-amendement no 42043.
Mme
Mathilde Panot. Je n’ai toujours pas eu de réponse concernant l’aide
juridictionnelle. Si la mobilisation des avocats ces dernières semaines est
exemplaire, c’est parce qu’on ne devient pas avocat par hasard. On devient
avocat, nous disent beaucoup d’entre eux, parce qu’on est animé par une passion,
celle d’assister ceux qui n’ont plus personne pour les défendre. À Avignon, à La
Réunion, les avocats proposent des consultations gratuites, pour dire qu’ils
sont au service de la population et qu’ils sont là pour défendre toutes les
personnes qui en ont besoin. Outre la possibilité pour certains avocats
d’effectuer ce métier, la réforme remet également en cause l’accès à la justice
pour les plus pauvres. C’est ce que disent et répètent les avocats dans les
différentes mobilisations, de toutes les manières possibles : en faisant un
haka, en dansant, en offrant des consultations gratuites et en rappelant que la
justice est un bien commun. J’aimerais avoir une réponse concernant l’aide
juridictionnelle !
Une autre question est restée sans réponse :
monsieur le rapporteur, vous avez parlé de droits nouveaux parallèlement aux
cotisations supplémentaires. Quels sont ces droits nouveaux, lorsque l’on sait
que les avocats les plus modestes seront les grands perdants de cette
réforme ?
M. le
président. Le sous-amendement no 41841 de
M. Sébastien Jumel est défendu.
Les sous-amendements
nos 41924, 41844 et 41847 de M. Pierre Dharréville sont
également défendus.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir
le sous-amendement no 41850.
M. Alain
Bruneel. Je reviens sur la proposition de nos collègues socialistes de
suspendre la réflexion sur les avocats. Des rencontres ont eu lieu entre la
ministre de la justice et les avocats ; ils sont écoutés, mais peut-être
pas entendus, puisque rien n’en sort. Une très grande majorité des barreaux sont
en grève et les avocats continuent à maintenir la pression et à exprimer leur
désaccord. Les avocats ont la particularité d’étudier, d’analyser et de défendre
les dossiers pour le bon droit de tous. Dans votre proposition, ils ne trouvent
pas d’écho concernant leurs propres droits. Suspendez les projets les
concernant, allez au bout de la discussion en mettant noir sur blanc les
propositions de chaque partie et essayez de vous en sortir
ensemble !
M. le
président. Le sous-amendement no 41856 de
M. Sébastien Jumel est défendu.
La parole est à M. François
Ruffin, pour soutenir le sous-amendement no 42274.
M. François
Ruffin. Il y a deux semaines, le Président Macron vous recevait à
l’Élysée…
Mme Nadia
Hai. Vous n’étiez pas là !
M. François
Ruffin. …et citant Charles Maurras, penseur nationaliste d’extrême
droite…,
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Comme Clémentine Autain, je crois !
(Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Je ne parlais que de la
citation, chers collègues !
M. François
Ruffin. …il évoquait le divorce entre le pays légal – ici –,
où vous êtes en extrême majorité, et un pays réel où vous êtes en petite
minorité. (Protestations sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
M. François
Cormier-Bouligeon. Vous racontez n’importe quoi ! Il n’a pas dit
cela !
M. François
Ruffin. Je pense que cela devrait vous alerter : vous n’êtes plus
seulement fâchés avec les gilets jaunes…
Mme Nadia
Hai. Nous sommes fâchés avec vous, monsieur Ruffin !
M. François
Ruffin. …vous n’êtes pas seulement fâchés avec les cheminots, les
électriciens, les gaziers et les deux tiers des Français – au moins –
qui rejettent cette réforme…
M. François
Cormier-Bouligeon. Quel rapport avec le texte ?
M. François
Ruffin. Désormais, vous êtes même fâchés avec les avocats.
M. François
Cormier-Bouligeon. Vous, vous êtes fâché avec la réalité !
M. François
Ruffin. Ce divorce, y compris avec les avocats, ne vous alerte-t-il
pas ?
M. François
Cormier-Bouligeon. Cinéma !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Le
texte !
M. François
Ruffin. Quand un voyant rouge s’allumera t-il enfin pour vous signifier
que vous mettez trop le pays en tension ?
Mme Nicole
Trisse. De quel sous-amendement parlez-vous ?
M. François
Ruffin. Dans ma ville d’Amiens, la grève des avocats est repartie de
plus belle ! Ils ont rejoint les avocats des barreaux de Laon, entre
autres, pour entrer dans une grève dure suite aux propos de Mme Belloubet.
Quand réaliserez-vous enfin que vous mettez trop le pays en tension ?
Quand ?
M. Jacques
Marilossian. De quel sous-amendement
parlez-vous ?
M. le
président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir le
sous-amendement no 42311.
M. Julien
Aubert. Cet amendement relatif à la situation de l’ensemble des avocats
me donne l’occasion d’interroger le rapporteur sur la réponse qu’il vient de
faire, car je ne comprends pas le point suivant. Vous nous dites qu’avec la
réforme et après application de l’abattement de 30 % sur l’assiette des
cotisations des avocats, la hausse de ces cotisations se limitera à quatre
points. Or de mémoire, vous avez cité l’exemple d’un avocat gagnant
20 000 euros pour qui cette hausse serait de 200 euros. Comment
faites-vous ce calcul ? Pour moi, 4 % de 20 000 font
800 euros. En outre, cette hausse de quatre points ne s’entend pas brute
mais en tant que solde, c’est-à-dire à l’issue de la réforme. Comment
parvenez-vous à ce résultat ? Si je porte le taux de cotisations retraite
des avocats de 14 % à 28 % tout en appliquant une baisse de 30 %
du chiffre d’affaires, soit un revenu annuel de 17 000 euros,
j’aboutis plutôt à une hausse des cotisations de l’ordre de
1 000 euros sur l’année – ce qui est très différent.
Comme l’a
indiqué Mme Dalloz, on peut espérer qu’un avocat gagnant
20 000 euros en 2020 en gagne davantage en 2040, après vingt ans de
carrière, et qu’il aura déployé son activité pour percevoir le double ou plus.
La hausse de 200 euros que vous évoquez dans votre exemple vaut donc pour
2020 ; en 2040, cependant, la hausse des cotisations ne portera pas sur ce
montant mais sur le chiffre d’affaires de l’époque, qui aura augmenté. Pour
calculer le montant cumulé de cette hausse, il ne faut donc pas multiplier vingt
années par un montant de 200 euros mais par un montant qui augmentera
progressivement au cours de cette période pour devenir nettement supérieur. Pour
la clarté des débats, il me semble utile que nous disposions de la formule qui
permet d’aboutir au chiffre magique que vous nous donnez.
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le
sous-amendement no 42276.
Mme
Mathilde Panot. Ce sous-amendement qui plaira à nos collègues de la
majorité vise à répéter la question suivante : qu’en sera-t-il de la hausse
des cotisations de retraite des avocats après 2029 suite à la promesse de
Mme Belloubet ?
Plus globalement, nous parlons de négociations
avec les avocats, qui sont en grève depuis plus de six semaines. Comment faut-il
qu’ils vous disent qu’ils ne sont pas d’accord ? Ils vous l’ont dit en
faisant un haka, en sautant en parachute, en jetant leurs robes, en chantant.
Comment faut-il donc qu’ils vous disent qu’ils ne sont pas d’accord avec la
réforme que vous conduisez ? Vous ne les convainquez pas de ses effets. Ce
que vous répètent les avocats, notamment dans les manifestations, c’est que leur
métier consiste à défendre les gens. Or, en plus de forcer des avocats à mettre
la clé sous la porte et à abandonner leur métier en raison de problèmes
financiers dus à la hausse de cotisations que vous leur imposez, vous allez
concrètement les empêcher d’exercer de telle sorte que tout un chacun puisse
saisir la justice.
Il ne vous a d’ailleurs pas échappé que la culture du
recours à l’avocat n’existe pas chez les plus pauvres, qui s’adressent très
rarement à un avocat. Vous allez accentuer ce processus, en réduisant le nombre
de personnes impliquées dans l’aide juridictionnelle et les points d’accès au
droit, qu’évoquait tout à l’heure M. Jumel. En clair, vous remettez en
question jusqu’à la raison d’être de la profession d’avocat, qui consiste à
défendre les gens – c’est-à-dire tout le monde. Avec votre réforme, il n’y aura
plus d’avocats que pour les plus riches – et encore s’agira-t-il des avocats les
plus riches !
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei, pour un rappel au
règlement.
M.
Jean-Paul Mattei. Au titre de l’article 70, alinéa 3, puisque
j’ai été interpellé – certes gentiment – par M. David Habib. Permettez-moi
donc de préciser mes propos. Le groupe MODEM a déposé un amendement visant à ce
qu’un rapport soit établi sur la progressivité des charges sociales en fonction
des PASS, notamment pour les professions libérales.
Nous sommes bien
conscients que la question des cotisations pose problème, et il n’est pas
question de la balayer d’un revers de la main. Une réflexion est indispensable
en la matière. Il va de soi que les avocats jouent un rôle majeur en France. Il
faut préserver et élargir leur domaine de compétence, et travailler sur le fond
pour leur éviter des pertes de chiffre d’affaires.
M. David
Habib. C’est justement ce que nous demandons !
M.
Christian Hutin. Vous voulez savoir si M. Habib va changer de notaire,
c’est ça ?
M. le
président. Je vous remercie de bien vouloir cantonner les rappels au
règlement au seul règlement, et non au fond du texte.
La parole
est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie
Rabault. Je demande une suspension de séance, monsieur le
président.
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-neuf
heures cinq.)
M. le
président. La séance est reprise.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour un rappel au
règlement.
Mme
Caroline Fiat. Il se fonde sur l’article 100, alinéa 5. Nous
proposons à nouveau une porte de sortie. Le Gouvernement a choisi de déposer le
texte juste avant les élections municipales : quelle urgence y avait-il,
alors qu’il faut se donner le temps pour une réforme aussi essentielle ?
M. Éric Poulliat, député du groupe La République en marche, élu en Gironde,
pose la même question que nous.
M. le
président. Je suis désolé, madame Fiat, mais l’alinéa 5 de
l’article 100 a trait aux modalités d’examen des amendements. Je comprends
votre propos, mais il ne s’inscrit pas dans un rappel au règlement fondé sur
l’article 100, alinéa 5.
Mme
Caroline Fiat. Je termine, monsieur le président, car on nous
interroge beaucoup sur un bruit qui court prêtant à notre groupe le dépôt de
700 000 sous-amendements. Je sais que l’on pourrait faire peur, mais
cette rumeur est fausse. J’aimerais que les choses soient claires, d’autant que
nous proposons une porte de sortie à la situation présente.
Article 1er (suite)
M. le
président. Revenons aux sous-amendements à l’amendement
no 23860. La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir
le sous-amendement no 42272.
M. François
Ruffin. Il vise à préciser que les retraites des avocats ne pourront pas
être financées par les autres réserves de la protection sociale des
avocats.
Ma collègue Mathilde Panot a décrit toutes les modalités
utilisées par les avocats pour protester contre cette réforme, comme la vente de
robes ou le haka. Dans ma ville d’Amiens, les avocats se sont cadenassés aux
grilles du palais de justice. Dans un article récent du Courrier Picard,
on peut lire la phrase suivante : « Entre les avocats et la garde des
sceaux Nicole Belloubet, le divorce semble à ce point consommé qu’il a
suffi que la ministre de la justice, le 8 février, publie un communiqué
dans lequel elle en appelait « à la responsabilité de chaque avocat au sein
de son barreau pour mettre fin à un mouvement de grève qui dessert la profession
et le service public » pour que la protestation reprenne de plus
belle ». Le barreau d’Amiens, trois cents avocats, s’est remis en grève,
Jeunes Turcs comme aînés ; la justice se retrouve bloquée dans ma région,
et les conséquences se feront sentir jusqu’en 2021. Le blocage ne concerne donc
pas que cette assemblée : il touche le pays, notamment sa
justice.
J’aimerais avoir une réponse du Gouvernement : le bruit
d’un recours à l’article 49, alinéa 3 se fait de plus en plus fort.
Qu’en est-il ? Il existe une alternative entre des mois de débat et un
recours à cet article brutal :…
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Oui : cessez l’obstruction !
M. François
Ruffin. …demandée par votre collègue Éric Poulliat, député du groupe La
République en marche, elle consisterait à suspendre l’examen de cette réforme
jusqu’aux élections municipales. Le Gouvernement pourrait présenter une nouvelle
étude d’impact, dont le Conseil d’État n’aurait pas à relever le grand flou, les
lacunes et l’inexistence de projections financières. La majorité reviendrait
avec un texte reposant sur un socle sérieux pour réformer le système de
retraite, qui existe depuis 1945, soit plus de soixante-dix ans. Nous ne voyons
pas la nécessité d’examiner sous le régime de la procédure accélérée, en toute
urgence, une telle réforme. J’aimerais une réponse du Gouvernement sur ce point,
monsieur le président.
M. le
président. Je vous remercie, monsieur Ruffin. C’est la troisième
fois que vous nous proposez ce scénario : nous l’avons bien compris. Je
suggère de revenir à l’examen des amendements.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce
serait bien, oui !
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le
sous-amendement no 42277.
Mme
Mathilde Panot. La question des avocats est symptomatique de l’ensemble
de la réforme. Massivement mobilisés, ils soulèvent depuis des semaines des
problèmes très importants, mais ils ne reçoivent aucune réponse précise. À
quelle sauce seront-ils mangés et quel sera l’avenir de leur profession et celui
de la justice ?
Vous êtes plusieurs, dans la majorité, à dire que
vous êtes conscients des difficultés des avocats les plus précaires. C’est très
bien, mais quelles réponses précises allez-vous leur apporter ? Nous ne
pouvons pas délibérer en toute connaissance de cause sans ces réponses. La
poursuite de la mobilisation des avocats montre que le Gouvernement ne leur a
toujours pas répondu.
Dans La force d’une idée, Alain Supiot
souligne à quel point il est dangereux de mettre à mal un bien commun comme
celui de la justice. Je l’ai dit et le redirai, votre réforme, en remettant en
cause l’accès des plus pauvres à la justice, soulève une question de justice
sociale. Comme l’écrit Alain Supiot, « L’idée de faire disparaître la
question de la justice sociale de l’horizon politique est aussi vaine que
dangereuse. Lorsqu’elle est niée et bafouée, l’aspiration à la Justice ressurgit
sous des formes qui sont rarement raisonnées et policées ».
Écoutez
les alertes que vous envoient les avocats depuis maintenant plusieurs semaines
et répondez précisément à leurs questions sur le régime de transition,…
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. On fera ce qu’on veut !
Mme
Mathilde Panot. …parce que, jusqu’à maintenant, les réponses n’ont été
ni claires ni précises. Les problèmes que pointent les avocats, bien réels, se
posent toujours !
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le
sous-amendement no 42278.
M. François
Ruffin. Il s’agit de préciser dans le texte que le niveau des
cotisations des avocats doit être raisonnable, afin qu’il ne s’élève pas
excessivement.
Votre réforme bloque Amiens, mais j’imagine qu’il en va de
même dans vos villes. « À chaque fois, juges, procureurs et greffiers
préparent les dossiers « comme si de rien n’était » et le font pour
rien. Les dossiers renvoyés rejoignent ceux déjà programmés jusqu’à la fin de
l’année [alors que la justice est déjà engorgée]. On dit que les audiences
deviennent surnuméraires, ce qui signifie qu’il faudra les repousser, parfois
jusqu’en 2021 », lit-on, toujours dans Le Courrier picard.
M. François
Ruffin. Voilà l’état dans lequel la présente réforme, ajoutée à celle de
la justice, met notre justice. Elle la met à mal ! Au demeurant, le divorce
entre Mme Belloubet, ministre de la justice, et les avocats – ainsi que le
monde judiciaire en général – est tel qu’on entend dire qu’elle serait sur le
point de quitter le Gouvernement.
M. François
Ruffin. Monsieur le président, vous avez dit que je présentais mon
scénario pour la troisième fois. Je regrette : tant que je n’aurai pas
obtenu de réponse, je continuerai à le présenter – une quatrième fois, une
cinquième fois, une sixième fois, une dixième fois, une vingtième
fois !
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Aucun problème !
M. François
Ruffin. Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement a-t-il
l’intention de recourir à l’article 49, alinéa 3 ?
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Allons-nous débattre
pendant des mois ? Ou envisagez-vous d’emprunter la porte de sortie qui
vous est proposée, consistant à suspendre le débat afin de le reprendre après
les élections municipales, comme le propose notre collègue de la majorité Éric
Poulliat ?
M.
Jean-René Cazeneuve. Pas question !
M. François
Ruffin. Cela nous permettrait de disposer d’une étude d’impact fiable,
contrairement à celle que nous avons, …
M.
Jean-René Cazeneuve. Coupez !
M. François
Ruffin. … qui est jugée insincère par le Conseil d’État, et de
travailler sur un socle sain, afin d’avancer dans ce débat, s’agissant d’une
réforme qui concerne des millions de Français et qui est très ambitieuse, j’en
fais crédit au Gouvernement.
M. le
président. Sur les sous-amendements nos 42043, 42276,
42272 et 42277, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement
no 23860 et les différents sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je ne me permettrai pas de parler à la
place du Gouvernement, mais il me semble que la véritable alternative au
blocage… Je m’arrête là, car M. Ruffin ne m’écoute pas. Monsieur Ruffin,
vous nous interrogez, mais vous n’écoutez pas notre réponse : il y a là une
manifestation de votre mode de fonctionnement habituel. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. L’objectif est de débattre du fond du
texte, en examinant ses dispositions au fur et à mesure. Alors, nous avancerons
et sortirons du blocage. Il s’agit de la véritable solution pour sortir par le
haut de cette situation, bien préférable aux postures.
M.
Jean-René Cazeneuve. Bravo !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Madame Panot, vous avez évoqué les
difficultés soulevées par la situation des avocats. Nous les connaissons. Par
ailleurs, vous avez rappelé – nous sommes d’accord sur ce point – leur
importance dans le fonctionnement de la justice.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Toutes les professions qui ont été évoquées
au cours de ce débat ou qui le seront, dont on peut dresser la liste, y ont leur
place – tant les infirmières que les médecins, les agriculteurs, les ouvriers et
les ouvrières chers à M. Jumel, ainsi que les salariés de l’industrie du
verre. Chacune a sa place dans ce débat. Il importe de créer les meilleures
conditions pour que chacune et chacun bénéficie des conditions de départ en
retraite les plus honorables et les plus équitables possibles.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Aubert, vous m’avez interrogé sur
le mode de calcul de l’augmentation des cotisations des avocats. Vous avez
raison sur un point : pour un revenu de 20 000 euros, une hausse
de quatre points correspond à 800 euros.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. L’exemple retenu dans l’étude d’impact
prévoyait une hausse de 850 euros, mais l’abattement de CSG induit une
baisse de 660 euros, soit une augmentation d’environ 200 euros. Vous
pouvez vous reporter à la page 460 – de mémoire – de l’étude d’impact. Nous
aurons l’occasion de débattre précisément de ce sujet.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Telles sont les précisions que je
souhaitais apporter. Au reste, nous avons longuement débattu de la situation des
avocats. La commission est défavorable aux sous-amendements ainsi qu’à
l’amendement.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin, pour un rappel au
règlement.
M. François
Ruffin. Il se fonde sur l’article 58, alinéa 1, puisque je
demande la parole pour fait personnel. Je peux être dur, dans cet hémicycle, à
l’égard de la majorité, mais je le suis à l’encontre de sa dimension politique,
incarnée notamment par les 300 membres du groupe La République en
marche et par les quarante-six membres du groupe MODEM. Il ne m’arrive jamais
d’attaquer quiconque ad hominem. (Exclamations sur plusieurs bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. François
Ruffin. Je n’ai pas attaqué M. le rapporteur. Je trouve tout à fait
déplacé qu’il caractérise mon comportement alors que je n’ai fait
qu’échanger quelques mots avec mon collègue Adrien Quatennens. On peut être dur
à l’égard des groupes de la majorité comme de l’opposition, sans pour autant
recourir à des attaques ad hominem, d’autant que j’ai présenté une proposition
constructive. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs
bancs du groupe GDR.)
M. Bruno
Millienne. Nous saurons nous en souvenir, monsieur
Ruffin !
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Ruffin, j’aimerais formuler une
précision. Nous venons d’examiner une quinzaine de sous-amendements, après en
avoir examiné trente-sept sur l’amendement précédent. Je m’efforce de me
concentrer pour écouter chaque orateur. Si, en plus, je dois attendre pour
répondre que chacun soit présent et attentif, l’exercice s’avère
compliqué !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je conçois que vous dialoguiez avec vos
collègues. En tant que rapporteur, je dois – et c’est normal – me concentrer sur
les questions posées par les divers orateurs. En retour, ceux-ci doivent se
concentrer sur mes réponses. Il y a là, me semble-t-il, la base même du
dialogue. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Excellent !
M. François
Ruffin. Monsieur le président, je souhaite répondre à M. le
rapporteur. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Monsieur Ruffin, cette partie de ping-pong peut durer
indéfiniment. Nous avons compris votre rappel au règlement ; les propos de
M. le rapporteur n’appellent pas de réponse particulière. Le point est
clair.
Article 1er (suite)
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement
no 23860 et les sous-amendements dont il fait l’objet ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous avons longuement débattu
de la situation des avocats tout à l’heure. Je reviendrai sur un point : la
concertation qui a été menée avec eux, dont je rappellerai les étapes.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. L’année dernière, du mois de
janvier au mois de juin, six réunions préparatoires ont été organisées avec
leurs représentants. Nous en avons tenu trois autres au mois de septembre, en
présence des membres du Gouvernement concernés, Jean-Paul Delevoye puis
moi-même.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Plusieurs réunions techniques
se sont déroulées simultanément, dont certaines après que nous ayons retrouvé
les voies du dialogue avec les avocats. Ils ont souhaité – et c’est très bien
ainsi – avancer dans le cadre de réunions techniques, afin d’être véritablement
au clair au sujet des simulations que nous leur communiquions. Ces réunions
techniques ont été, me semble-t-il, de bon niveau.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous avons réexaminé tout à
l’heure les propositions concrètes qui ont été faites aux avocats, reprises dans
un premier courrier cosigné par Nicole Belloubet et moi-même, puis dans un
second signé par elle seule. Tous deux leur ont été adressés après que nous
ayons mené des concertations supplémentaires, sous l’égide de M. le Premier
ministre, au cours des dernières semaines.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je rappelle que la Caisse
nationale des barreaux français prévoit des augmentations de cotisations,
attentive qu’elle est à son équilibre financier et consciente du fait que les
perspectives démographiques des avocats ne seront pas toujours aussi favorables
qu’à l’heure actuelle, comme l’a expliqué précédemment M. le rapporteur.
Elle prévoit donc des augmentations de cotisations significatives jusqu’en
2029.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Le Gouvernement a proposé de ne
pas en ajouter d’autres au titre de la transition d’un régime à l’autre avant
cette date, ce qui en facilitera la mise en place. Nous avons rappelé que ce
lissage doit avoir lieu sur une durée très longue – M. le rapporteur l’a
bien expliqué tout à l’heure, je n’y reviens pas.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. S’ils le souhaitent – nous ne
leur imposons aucune obligation en la matière –, ils peuvent utiliser une partie
de leurs réserves financières. À ce sujet, il faut rappeler deux points très
importants.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Tout d’abord, comme nous
l’avons rappelé dans le courrier adressé aux représentants des avocats, le
dispositif de solidarité entre les petits et les hauts revenus sera maintenu
dans le nouveau système. Ensuite, la Caisse nationale des barreaux français, à
laquelle ils sont particulièrement attachés, pourrait être maintenue dans le
cadre d’une délégation de service public attribuée par la CNRU.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Sur ces points – cela devrait
rassurer la représentation nationale –, nous avons avancé. J’ai bon espoir que
nous trouvions in fine, avec les avocats, les voies d’un compromis. Ils ont
toute leur place dans le système universel de retraite. Nous trouverons avec eux
les moyens de faire vivre leurs spécificités, notamment en matière de solidarité
interprofessionnelle.
M. le
président. La parole est à M. Gilles Carrez.
M. Gilles
Carrez. Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes vraiment en droit de
nous demander comment s’est déroulée la concertation que vous évoquez.
J’aborderai non le cas des avocats, mais celui de la Caisse de retraite et de
prévoyance des clercs et employés de notaires, évoqué tout à l’heure par mon
collègue et ami David Habib.
M. David
Habib. Nous sommes tous deux béarnais !
M. Gilles
Carrez. Je parle sous le contrôle attentif de mon collègue – et
également ami – Jean-Paul Mattei, dont je m’empresse de préciser qu’il n’est pas
mon notaire…
M. David
Habib. Mais qui est aussi béarnais ! (Sourires.)
M. Gilles
Carrez. S’agissant des salariés du notariat – et non des notaires –, le
système de retraite est parfaitement équilibré. Il ne coûte pas un euro de
subventions à l’État et assure une péréquation par le biais d’une cotisation
assise sur le chiffre d’affaires des études.
M. Gilles
Carrez. Cela permet à ses bénéficiaires de partir en retraite dans des
conditions qui ne sont absolument pas injustes. Leur moyenne d’âge de départ en
retraite est légèrement supérieure à 63 ans, ce qui n’est pas comparable à
celle des salariés de la RATP ou de la SNCF. Leur système fonctionne
parfaitement.
M. Gilles
Carrez. Dans le cadre de la concertation menée par Jean-Paul Delevoye,
on leur a assuré que ces conditions seraient maintenues et que la cotisation
spécifique précitée, assise sur le chiffre d’affaires des études, le serait
également. Nous découvrons à présent, en examinant le projet de loi, qu’elle ne
l’est pas du tout : elle est affectée au régime général de la CNRU. Il y a
là un nouvel exemple de l’hyperconcentration, de l’étatisation et de la
bureaucratisation auxquelles mène la création du véritable monstre qu’est la
CNRU, à rebours de la concertation préalablement menée.
M. Gilles
Carrez. Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais que vous indiquiez
comment s’est déroulée la concertation, et pourquoi vous détruisez, de façon si
méthodique, des régimes de retraite qui n’ont rien demandé à personne et
fonctionnent parfaitement, en toute équité, sans aucune injustice par rapport
aux autres professions. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR,
SOC et GDR.– M. Adrien Quatennens applaudit
également.)
M. David
Habib. Exactement !
M. Alain
Bruneel. Bravo !
M. le
président. La parole est à Mme Agnès Thill.
Mme Agnès
Thill. J’aimerais revenir sur la mobilisation des avocats, qui aura au
moins eu le mérite de faire parler d’eux dans cet hémicycle. Qu’ils soient
unanimement vent debout contre la réforme m’intrigue.
Mme Agnès
Thill. Quand on demande à quelqu’un ce qu’il ne peut donner, c’est que
l’on se trompe. En l’espèce, il me semble qu’on leur demande – que vous leur
demandez, monsieur le secrétaire d’État – quelque chose qu’il ne peuvent
donner : leur accord. Il me semble donc que nous nous trompons.
Mme Agnès
Thill. Nous avons débattu de la durée de cotisation, de l’avenir de
l’aide juridictionnelle, du risque que les petits cabinets ferment et de
l’augmentation des cotisations. Je me demande quel est l’intérêt de changer ce
qui fonctionne bien, si c’est pour aboutir à un système fonctionnant moins bien
pour les premiers concernés.
Mme Agnès
Thill. Tandis que je m’efforçais de comprendre les raisons d’un tel
choix, l’un de nos collègues a argué de la solidarité. Certes, il faut
participer au pot commun. Toutefois, il me semble que les avocats contribuent
d’ores et déjà à la solidarité nationale, à hauteur de 100 millions
d’euros. Cet argument ne tient donc pas.
Mme Agnès
Thill. Enfin, je tiens fermement à l’indépendance de la justice. S’il
existe une profession dont les membres doivent rester indépendants, autonomes –
appelez cela comme vous voulez –, ce sont les avocats, qui sont, en France, les
piliers de la justice et de son indépendance.
M. Erwan
Balanant. N’exagérons rien !
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Je ne sais pas comment on peut être membre d’un groupe
appelé « En marche ! » et passer son temps à casser ce qui
marche. Quelque chose m’échappe : les membres du groupe La République
en marche s’évertuent à casser tout ce qui marche, sans rien réparer. Il y a là
un problème.
M. Bruno
Millienne. La baisse du chômage, ça vous parle ?
M.
Sébastien Jumel. Deuxième problème : monsieur le secrétaire d’État,
vous évoquez la concertation qui a été menée, et citez les nombreuses réunions
de travail organisées avec les organisations représentatives des avocats. Après
tant de réunions, comment se fait-il que l’on aboutisse à un tel point de
crispation, de blocage de la négociation et d’incompréhension réciproque, qui
nous occupe depuis plus de trois heures ?
M.
Sébastien Jumel. Comment expliquez-vous votre incapacité à
convaincre ? Comment pouvez-vous livrer à la représentation nationale les
points de blocage des avocats, résultant de leur refus de laisser détruire ce
qui marche, et contribue de surcroît à la solidarité nationale ainsi qu’à
l’équilibre de leur caisse autonome de retraite ? Tout cela est
préoccupant.
M.
Sébastien Jumel. Peut-être serait-il utile de permettre à des
observateurs extérieurs de participer à vos réunions de négociation, un peu
comme on fait appel à des organisations non gouvernementales dans les zones de
guerre, afin de déterminer si nous pouvons vous aider à élaborer des mécanismes
de réconciliation avec la France.
M.
Sébastien Jumel. Vous êtes fâchés avec tous ceux avec lesquels vous êtes
censés négocier. Même votre principal allié, le MEDEF, est en train de quitter
le navire des négociations.
M. Bruno
Millienne. Vous n’en voulez pas !
M.
Sébastien Jumel. Nous avons auditionné le secrétaire général de FO,
celui de la CGT, le président de la CFTC, le secrétaire général de la FSU ;
aucun de ces responsables syndicaux ne vous fait crédit de votre capacité à
négocier, ce qui est particulièrement préoccupant.
(Les sous-amendements nos 41830, 41832 et
41839, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42043.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 91
Nombre
de suffrages
exprimés 84
Majorité
absolue 43
Pour
l’adoption 12
Contre 72
(Le sous-amendement no 42043 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 41841, 41924,
41844, 41847, 41850, 41856, 42274 et 42311, successivement mis aux voix, ne sont
pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42276.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 89
Nombre
de suffrages
exprimés 83
Majorité
absolue 42
Pour
l’adoption 14
Contre 69
(Le sous-amendement no 42276 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42272.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 94
Nombre
de suffrages
exprimés 88
Majorité
absolue 45
Pour
l’adoption 19
Contre 69
(Le sous-amendement no 42272 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42277.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 96
Nombre
de suffrages
exprimés 90
Majorité
absolue 46
Pour
l’adoption 18
Contre 72
(Le sous-amendement no 42277 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42278 n’est pas
adopté.)
(L’amendement no 23860 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 23859 qui
fait l’objet de nombreux sous-amendements.
Sur cet amendement, je suis
saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir
l’amendement.
Mme Gisèle
Biémouret. Cet amendement vise à appliquer aux professionnels de santé
le même principe de non-régression des droits du fait de la réforme.
Pour
l’illustrer, je prendrai l’exemple des aides-soignants. L’extension aux
fonctionnaires du compte professionnel de prévention, que vous présentez comme
une avancée, vient compenser la suppression de la catégorie active, laquelle
permettait aux 500 000 aides-soignants qui en relevaient de partir à la
retraite à 57 ans. En utilisant le compte professionnel de prévention, ils
pourront partir non plus cinq ans avant l’âge mais deux ans avant l’âge
d’équilibre – soit à 63 ans si l’âge d’équilibre est fixé à 65
ans.
Pourtant, les conditions de travail sont difficiles ; les
postures et les rythmes de travail se caractérisent par une forte pénibilité, le
taux d’accidents du travail et de maladies professionnelles est trois fois plus
important que la moyenne ; comme les aides à domicile, les aides-soignants
sont confrontés à la manutention de charges lourdes et exposés à des risques
d’accidents sur les trajets qu’ils effectuent.
Myriam El Khomri, dans son
rapport « Plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des
métiers du grand âge 2020-2024 », recommandait de saisir l’occasion de la
réforme des retraites pour approfondir la réflexion en la matière. Ce n’est
malheureusement pas le cas.
Plus de 10 % des aides-soignants partent
à la retraite pour invalidité avant l’âge légal de 57 ans. Un aide-soignant
sur trois part en retraite avec une invalidité, soit trois fois plus que la
moyenne nationale.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41802.
M. Pierre
Dharréville. Il aurait été utile de poser le principe de non-régression
pour toutes les professions, mais nous voici réduits à examiner son application
profession par profession. Je comprends le sens de la démarche qui vise à
essayer de protéger le plus grand nombre de personnes des méfaits de votre
réforme.
L’amendement concerne les professions médicales et
paramédicales, celles et ceux qui exercent le métier du soin, essentiel dans
notre société. Une récente étude a montré que celui-ci est responsable d’une
souffrance au travail considérable, bien plus forte que dans d’autres
professions, dont témoigne un nombre d’arrêts maladie plus élevé.
Il faut
apporter des réponses à ce problème, en particulier à l’hôpital. Or les mesures
qui ont été annoncées ne sont pas satisfaisantes – les personnels des hôpitaux
restent mobilisés.
De manière plus générale, il faut prendre en compte la
situation des professionnels de santé à toutes les étapes de leur carrière et
prévoir les mesures de réparation qui s’imposent. Dans cet esprit, nous avons
déposé plusieurs sous-amendements afin de renforcer la disposition proposée et
d’y marquer notre attachement.
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41804.
M.
Sébastien Jumel. La crise hospitalière et le cri de colère qu’ont poussé
les soignants en EHPAD, mais aussi les familles, ont placé au cœur de
l’actualité la maltraitance institutionnelle dont sont victimes ceux qui
prennent soin des autres.
Ayant présidé le conseil de surveillance d’un
hôpital pendant une dizaine d’années et ayant eu la chance d’être maire, je sais
trop bien que ces métiers sont trop souvent la variable d’ajustement des
politiques publiques.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. La faute à la gauche sous le précédent
quinquennat !
M.
Sébastien Jumel. De par leur statut, les personnels, souvent à temps
partiel, sont soumis à des horaires modulables. En outre, la pression de la
tarification à l’activité à l’hôpital accentue la charge de travail.
Les
corps s’abîment plus vite que d’ordinaire. Lorsque l’on s’occupe des aînés dans
les EHPAD, la nuit et le jour, lorsqu’il faut les porter, faire leur toilette,
assurer le lien avec la famille, on s’use.
Comment faire en sorte que
votre mauvais projet ne renforce pas le mépris que ces personnels ressentent
quotidiennement ? Comment faire en sorte que la société, en manifestant de
la générosité, de la solidarité et de l’intérêt, rende à ces personnes ce
qu’elles donnent au quotidien aux nôtres au travers des soins qu’elles leur
prodiguent ? Tel est l’objet de l’amendement.
C’est ainsi que nous
parviendrons à réconcilier la France avec ses valeurs fondamentales, au premier
rang desquelles la solidarité.
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42292.
Mme
Caroline Fiat. Nous souhaitons soutenir l’amendement et souligner le
caractère très régressif des principes définis à l’article
1er.
Certaines activités professionnelles s’exercent dans des
conditions plus pénibles que d’autres et doivent, par conséquent, bénéficier
d’une compensation sous la forme de l’ouverture de droits
supplémentaires.
La pénibilité doit être prise en compte pour les
professionnels de santé, et ce dès l’article 1er, dès la déclinaison
des principes du nouveau système de retraite.
Je n’ai que trop souvent
rappelé les conditions de travail des soignants, ceux-là mêmes qui sont en grève
depuis onze mois pour réclamer non pas des augmentations de salaire – même s’il
est vrai qu’ils ne cracheraient pas dessus –, mais des moyens humains et
financiers pour traiter dignement leurs patients, leurs résidents et les
familles. Ils exigent les moyens de pouvoir faire correctement leur
métier.
Alors qu’une toilette protocolaire requiert vingt ou vingt-cinq
minutes, il leur est demandé de faire une toilette sur des corps meurtris en
seulement cinq minutes. Voilà la situation actuelle ! Les corps ne tiennent
plus,…
M. Bruno
Millienne. C’est Cosette !
Mme
Caroline Fiat. …et, au lieu de laisser les employés du secteur public
partir à 57 ans, comme ils pouvaient le faire jusqu’à présent, vous leur
demandez de partir à 62, 64 ou 66 ans. Comment peut-on accepter
cela ?
Avant de se porter candidate aux élections municipales, Mme
Buzyn a supprimé le concours d’aides-soignants au motif que les instituts de
formations d’aides-soignants – IFAS – étaient désertés. Ce n’est pas le concours
qui dissuade les candidats, c’est la pénibilité du
métier !
J’entendais ce matin un député souligner le travail réalisé
en matière de prévention. Mais, non, rien n’est fait. Voilà deux ans et demi que
je vous alerte sur les conditions de travail et rien n’est fait. Quant à la loi
sur le grand âge et l’autonomie qui devait être examinée prochainement, elle
n’est pas inscrite dans le budget – aucun crédit dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 41808.
M. Alain
Bruneel. Nous devons bien réfléchir au devenir des professionnels de la
santé. Au lieu de s’arrêter à 57 ans dans le secteur public ou 59 ans et
sept mois, ils devront, du fait de la réforme, poursuivre leur activité jusqu’à
65 ans. Or, ils sont déjà épuisés, ils n’en peuvent plus. Cela fait onze mois
qu’ils crient pour alerter le Gouvernement et réclamer des moyens.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Que faisait la gauche ?
M. Alain
Bruneel. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir m’écouter. Si vous
n’êtes pas d’accord, vous prendrez la parole et vous l’expliquerez. Nous sommes
dans un débat, j’ai tout de même le droit de m’exprimer. C’est
agaçant !
M. Jacques
Marilossian. Vous avez raison, c’est agaçant !
(Sourires.)
M. le
président. Continuez, monsieur Bruneel, vous avez la parole.
M. Alain
Bruneel. C’est une profession qui souffre et qui demande au Gouvernement
des moyens humains et matériels.
Lors du tour de France des hôpitaux que
le groupe GDR a effectué pour rencontrer les personnels, au terme duquel nous
avons déposé une proposition de loi coécrite avec eux, j’ai discuté avec une
infirmière âgée de 33 ans. Occupant un poste de nuit depuis dix ans, elle
m’a dit : « je n’en peux plus ! Je n’arriverai jamais
jusqu’à 57 ans ». C’est un témoignage poignant.
Il faut
vraiment s’intéresser à cette corporation. L’amour du métier, c’est important.
Les infirmières restaient au moins dix ans dans les hôpitaux ; maintenant,
elles s’en vont après trois ans, car elles n’en peuvent plus. Elles sont
pourtant un élément important du service public.
Comme pour les avocats,
il faut prendre le temps de discuter afin de faire reconnaître la pénibilité et
de permettre aux infirmières de partir en bonne santé.
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir le
sous-amendement no 42288.
M. Adrien
Quatennens. La crise de l’hôpital public vient s’ajouter à la réforme
des retraites. Le plan d’urgence pour l’hôpital, prévoyant 1,5 milliard
d’investissement sur trois ans pour l’ensemble des hôpitaux de France, n’est pas
en mesure d’éteindre la colère du personnel hospitalier, soignant et non
soignant. Ce montant correspond au budget annuel du seul centre hospitalier
universitaire de Lille. Qui peut croire que ces mesures résoudront le problème
pour l’ensemble des hôpitaux ?
Qui plus est, il faut pouvoir
soulager le personnel. Or l’une des inquiétudes majeures que fait naître votre
réforme des retraites concerne la fin du calcul sur les six derniers mois de
salaire pour les fonctionnaires. En effet, cette référence, comme les vingt-cinq
meilleures années dans le secteur privé, permet d’amortir les fluctuations de
carrière et d’aboutir à une pension plus favorable.
Ce sujet a donné lieu
en commission à une polémique avec le rapporteur, M. Turquois. J’avais pris
l’exemple d’un bulletin scolaire. Si l’on demandait à un enfant à l’école
primaire s’il préfère que soit pris en compte, pour calculer sa moyenne, son
dernier trimestre favorable ou l’ensemble de sa scolarité, il saurait dire ce
qui lui est le plus favorable.
Le rapporteur s’est laissé aller à une
réplique que j’ai trouvée un peu douteuse, pour ne pas dire fumeuse, dans
laquelle il soulignait la possibilité d’un divorce des parents.
Tout le monde comprend que la prise en compte de l’ensemble de la
carrière fera, pour l’essentiel, des perdants. S’il y avait des gagnants dans
l’affaire, ils ne seraient que très anecdotiques et temporaires.
Tout le
monde le comprend. Réfléchissez un instant : le calcul sur les six derniers
mois de la carrière des fonctionnaires qui sont graduelles est nécessairement
plus favorable que celui sur l’ensemble de la carrière. Cela va de soi, chers
collègues !
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41810. Vous souhaitez remplacer le mot
« régression » par le mot « baisse ».
M.
Sébastien Jumel. Je vous remercie pour votre aide, monsieur le
président, mais je connais mes amendements et sous-amendements par cœur.
(Sourires.)
Je souhaitais appeler votre attention sur le
fait que le plan de Mme Buzyn, avant qu’elle ne s’envole pour de mauvaises
aventures, est décliné par nos ARS – agence régionale de santé –
respectives. Le plan de réduction de déficit, tel qu’il a été annoncé
– vous savez que l’hôpital public est en banqueroute après des années de
libéralisme –, se traduit par un dialogue entrepris par les ARS et les
présidents de conseil d’administration et par une proposition simple :
« On vous aide à réduire votre déficit si vous signez un plan de retour à
l’équilibre. » Les experts des cabinets financiers qui siègent ici savent
ce que signifie un plan de retour à l’équilibre. Cela revient à demander de
présenter un plan d’économies sur le poste de dépense relatif au
personnel.
Nous parlons ici de la pénibilité du travail des soignants, de
la manière avec laquelle ils subissent une maltraitance institutionnelle
permanente. Or, dans le même temps, tranquilou, les ARS engagent un dialogue
avec les hôpitaux et leur disent : « On va encore vous serrer le kiki,
on va encore réduire les moyens humains, on va encore renforcer les objectifs de
productivité. »
M. Erwan
Balanant. Serrer le kiki ?
M.
Sébastien Jumel. Quand on parle comme les gens normaux, cela heurte
toujours ! Chez moi, on parle normalement, on n’est pas né de la cuisse de
Jupiter ; on parle simplement pour se faire comprendre. Pour ma part, je
n’oublie pas mes origines et je parle comme cela me vient.
M. Erwan
Balanant. L’expression m’a simplement fait rire.
M.
Sébastien Jumel. En définitive, on dit aux soignants : « On
vous aime, mais on continue de vous flinguer, on continue de vous pressurer,
car, dans le même temps, on va vous proposer de travailler plus
longtemps. » C’est cela qui nous tord le ventre et c’est pour cette raison
qu’il convient d’adopter ces amendements et sous-amendements.
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le
sous-amendement no 42291.
M. François
Ruffin. Ce sous-amendement vise à inscrire dans le texte de loi que nous
refusons résolument que les soignants subissent une baisse de leur pension,
qu’il s’agisse des aides-soignantes ou des infirmiers.
J’ai à ma
disposition une dépêche de l’AFP qui annonce que : « Comme les
enseignants, les aides-soignantes et infirmières ont beaucoup à perdre de la
réforme des retraites, qui mettra fin au départ anticipé à 57 ans à
l’hôpital public sans compensation dans la plupart des cas, malgré "l’attention
particulière" que le Gouvernement dit leur porter. » L’amour nécessite de
se traduire par des actes, par des preuves d’amour.
M. Alain
Bruneel. C’est vrai !
M. François
Ruffin. En l’espèce, on cherche à faire beaucoup de caresses aux
soignants, à leur dire qu’ils sont formidables, mais il faudrait qu’ils le
soient avec une crise endémique de l’hôpital, avec un mal-être dans les services
de soins et, maintenant, avec une diminution de leur pension, dont la baisse est
garantie et annoncée par une publicité d’Axa qui parle de la baisse programmée
des futures pensions.
(« Ah ! » sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Ça faisait longtemps !
M. François
Ruffin. Raillez, mais nous attendons une réponse sur ce
point !
Alors que l’ANPERE – Association nationale pour la
prévoyance, l’épargne et la retraite –, la principale association
d’assurés, déclare qu’avec la loi PACTE – loi relative à la croissance et
la transformation des entreprises – et le projet de réforme des retraites,
il est certain que « se constituer à titre individuel un complément de
retraite en vue de ses vieux jours va devenir inévitable pour compenser la
baisse annoncée des pensions de retraite », nous aimerions que M. le
secrétaire d’État et M. le rapporteur répondent aux députés de
l’opposition, viennent rassurer les adhérents de l’ANPERE et corriger la
publicité d’AXA.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41814.
M. Pierre
Dharréville. Je souhaiterais prolonger ces échanges relatifs aux
personnels soignants, car il s’agit d’un bon exemple des craintes que nous
nourrissons à l’égard des effets de cette réforme.
Nous avons d’abord
évoqué le calcul des droits à la retraite qui, pour la fonction publique, ne
sera plus fondé sur les six derniers mois d’activité, mais sur l’ensemble de la
carrière, avec les effets que nous connaissons. Ce mode de calcul était
structurellement adapté à la manière avec laquelle sont conçues les carrières de
ces personnels ; vous le reconnaissez d’ailleurs vous-mêmes à la
page 149 de l’étude d’impact, que j’ai déjà citée tout à l’heure.
Le
deuxième élément est qu’il existe une mauvaise reconnaissance, sur le plan
salarial, de ces personnels, qu’il s’agisse des infirmiers ou des
aides-soignantes, ce qui se traduit d’ores et déjà sur les montants des pensions
de retraite. Vous avez, en quelque sorte, admis qu’il existe un problème de
cette nature s’agissant des enseignants – ce problème demeure, nous l’avons
dit –, mais il existe également en ce qui concerne le personnel de
l’hôpital public, qui va, lui aussi, subir largement les désagréments liés à
l’instauration du système par points. Je ne crois pas que vous ayez apporté une
réponse forte à ces préoccupations, y compris dans le cadre du mauvais système
que vous proposez.
Or le personnel des hôpitaux publics est massivement
mobilisé au sein des manifestations – y compris celle d’aujourd’hui –,
à la fois pour ses conditions de travail, sa rémunération, sa reconnaissance,
l’embauche de nouveaux personnels et ses droits à la retraite.
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le
sous-amendement no 42289.
Mme
Mathilde Panot. Cela a été dit, depuis onze mois les soignants et les
soignantes de notre pays crient leur souffrance et demandent des moyens, des
lits supplémentaires, qui ne leur sont pas accordés. Élisabeth, infirmière au
CHU de Toulouse dit :…
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Ah, Toulouse !
Mme
Mathilde Panot. …« On traite les patients à la chaîne, voilà
comment je me sens, une ouvrière à la chaîne. ». Marthe, aide-soignante,
ajoute : « Au bout du compte, on devient maltraitant. Ce week-end, par
exemple, j’ai eu cinq fiches d’incidents. Je l’ai signalé à ma cadre. On devait
faire les toilettes au lit, très vite pour finir à midi, l’heure du repas. Je
n’ai fait aucun rasage ni aucun soin de bouche, je n’ai mis aucun patient en
fauteuil et je ne leur ai pas lavé les pieds non plus. Parce que je n’avais pas
le temps. Puis on a pris nos repas, en dix minutes au lieu des vingt prévues. On
a un travail technique, mais aussi relationnel : le patient veut vider son
sac, mais on lui dit qu’on n’a pas le temps et on ferme la porte. On le laisse
seul avec sa souffrance et puis c’est tout. »
Lorsque vous abordez
avec eux cette question des soins relationnels qu’ils n’ont plus le temps
d’accomplir, les soignants et les soignantes répètent qu’il est horrible de
laisser une personne âgée vivant en EHPAD pleurer parce qu’ils n’ont pas le
temps de s’occuper d’elle.
Or voilà que nous expliquons aux soignants que
ce n’est pas jusqu’à 57, 60 ou 62 ans qu’ils vont travailler, mais jusqu’à
64 ans, malgré la pénibilité liée à leur métier ! Pourtant, déjà,
40 % des aides-soignants ne vont pas au bout de leur carrière, en raison de
problèmes de santé liés à la dureté de leur travail. Écoutez donc la souffrance
qu’ils expriment, donnons-leur des moyens et ne les faisons pas travailler
jusqu’à ce qu’ils n’en puissent plus !
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 41816.
M. Alain
Bruneel. Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres
révélateurs : l’espérance de vie d’une infirmière s’élève à 78 ans,
contre 85 ans en moyenne pour les femmes en France, tandis que 30 %
des aides-soignantes et 20 % des infirmières accèdent à la retraite avec un
taux d’invalidité positif.
Il convient de prendre cette situation en
considération. Nous ne pouvons pas discuter d’une réforme universelle des
retraites sans parler des conditions de vie dans les établissements publics, que
ce soient des hôpitaux ou des EHPAD. Nous devons régler ce problème, mais pas
par le biais du projet de loi de financement de la sécurité sociale. On ne peut
pas toujours se serrer la ceinture : depuis 2017, l’ONDAM prévoit
3 milliards d’euros d’économies par an. Il faut donner davantage de moyens
aux hôpitaux pour qu’ils embauchent plus de personnels et rouvrent des lits. Si
nous ne faisons rien, nous mettons en difficulté les patients et les soignants.
Il est absolument nécessaire, avant de parler des retraites, de résoudre ces
problèmes.
M.
Sébastien Jumel. Bravo !
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42290.
Mme
Caroline Fiat. Ma question sera très simple. Avant, une aide-soignante
exerçant dans le secteur public accédait à la retraite à 57 ans et sa
pension était calculée à partir de ses six derniers mois de salaire, soit
environ 1 575 euros. Désormais, vous ferez la moyenne de la totalité
de ses salaires, c’est-à-dire 1 290 euros. Elle perdra donc plus de
250 euros et accédera cinq, six, voire sept ans plus tard à la retraite.
Étant donné que plus de 80 % des aides-soignants sont des femmes, où sont
les grandes gagnantes de votre réforme ?
Parmi tous les exemples que
vous avez cités, monsieur le secrétaire d’État, il y avait celui de Marie
– qui a disparu du site internet –, une infirmière ayant touché
2 500 euros par mois tout au long de sa carrière. M. Véran, alors
membre de la commission spéciale – il n’avait pas encore été nommé
ministre –, m’avait expliqué que Marie était une infirmière libérale. Sauf
que les infirmières libérales m’ont contactée : 2 500 euros par
mois tout au long de leur carrière, elles en rêvent, mais avec les cotisations,
les frais de cabinet ou d’essence, elles ne gagnent pas ce niveau de salaire.
Vous avez donc écrit qu’elles gagnaient 2 500 euros par mois tout au
long de leur carrière pour montrer qu’elles ne seraient pas perdantes avec votre
système de retraite.
Mes deux questions sont donc claires : pourquoi
avoir menti sur le salaire d’une infirmière, et comment justifier l’exemple de
l’aide-soignante exerçant dans le secteur public qui sera perdante s’agissant du
montant de sa pension tout en accédant six ans plus tard à la retraite,
considérant que vous n’aurez donné aucun moyen, à aucune des deux, pour traiter
ses patients dignement ?
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir le
sous-amendement no 42295.
M. Adrien
Quatennens. La question de l’espérance de vie inférieure des
infirmières, en raison de la pénibilité de leur métier, montre, une nouvelle
fois, que vous préparez une grande régression. Vous allez en effet abaisser le
niveau des pensions, et il ne peut en être autrement dès lors que votre objectif
est celui de l’équilibre financier sans que vous ne consacriez une part plus
importante des richesses aux retraites. La variable sera bien le niveau des
pensions et, comme vous ne l’assumez pas, vous préférez le cacher, le
masquer.
Caroline Fiat a donc raison de vous alerter sur les cas types
qui ont été présentés, notamment celui de l’infirmière : notez franchement
à quel point ils ont été manipulés ! L’étude d’impact a bel et bien été
truquée, ce qui témoigne d’un certain mépris pour le Parlement. Le présupposé de
tous vos cas types, c’est que chacun démarre sa carrière à 22 ans – il
s’agit certes de la moyenne, mais vous conviendrez qu’il s’agit d’une donnée
favorable – et voit quatre trimestres validés chaque année. C’est ainsi
qu’on a une infirmière rémunérée 2 500 euros par mois. En outre, vous
avez gelé l’âge d’équilibre, alors qu’il se décale dans votre projet de loi. Le
résultat est que les cas types présentés sont favorables, mais, dès qu’on leur
applique les véritables dispositions du projet de loi, ils ne le sont
plus !
J’attire votre attention sur le fait que ces manipulations
sont répétées. En atteste la rumeur colportée depuis quelques heures selon
laquelle La France insoumise aurait prévu de dégainer quelque
700 000 sous-amendements pour faire de l’obstruction
parlementaire.
M. Bruno
Millienne. On ne sait pas, on verra à la fin !
M. Adrien
Quatennens. Nous ne l’avons jamais dit et il s’agit d’une fausse
information émanant de députés de « la retraite en moins » en vue de
créer un climat favorable à l’utilisation de l’article 49, alinéa 3,
de la Constitution, que vous avez désormais l’intention de dégainer.
(Protestations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le
sous-amendement no 42296.
M. François
Ruffin. Dans votre étude d’impact figure en effet l’exemple d’une
infirmière touchant 2 500 euros par mois. Vous surévaluez légèrement ses
revenus, mais ce que vous ne mentionnez pas, c’est que les infirmières meurent
en moyenne sept ans plus tôt que le reste des Françaises. Trente pour cent des
aides-soignantes et 20 % des infirmières accèdent à la retraite en
invalidité ou ne finissent pas leur carrière au travail, mais en arrêt
maladie.
Telle est, déjà, la réalité. Or vous programmez d’une part la
baisse des pensions – pour l’ensemble des salariés, mais notamment pour les
aides-soignantes et les infirmières – et d’autre part le recul de l’âge de
la retraite. Car ce sera bien la double peine : on aura ceinture et
bretelles, on aura fromage et dessert, on aura les deux régressions en même
temps, aussi bien pour les infirmières que pour les
aides-soignantes.
Comment imaginer que cela ne conduira pas à augmenter
la part de ces travailleuses – qui prennent soin des personnes âgées, des
malades et de chacun de nous à l’hôpital – qui partiront en retraite avec
un taux d’invalidité ? Comment imaginer que cela ne constituera pas, pour
elles, un obstacle à une retraite heureuse ?
Mais il est vrai que ce
mot ne figure pas dans votre projet de loi… Le mot « financier » y
apparaît des dizaines et des dizaines de fois ; en revanche, les mots
« heureux » ou « bonheur » en sont totalement absents, alors
que tel devrait précisément être votre but : trouver comment assurer du
bonheur aux Français, y compris passés 60, 62, 63 ou 64 ans ! C’est le
bonheur qui devrait être au cœur de votre réflexion – et non pas des
objectifs conçus pour satisfaire les financiers ! (Applaudissements sur
les bancs du groupe FI.)
M. le
président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
3
Ordre du jour de la prochaine séance
M. le
président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures
trente :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un
système universel de retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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