Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Première séance du vendredi 21 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de M. Sylvain Waserman
1.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (suite)
Article 1er
(suite)
Amendements nos 23976
, 42301
(sous-amendement) , 41889
(sous-amendement) , 41891,
41896, 41900 (sous-amendements)
M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Suspension
et reprise de la séance
Amendements nos 23966
, 41812
(sous-amendement) , 41815
(sous-amendement) , 41821
(sous-amendement) , 41818
(sous-amendement) , 42109
(sous-amendement)
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
Rappel
au règlement
M. Éric
Woerth
Article 1er
(suite)
M. Jacques
Maire
Amendements nos 23855
, 41803
(sous-amendement) , 41811
(sous-amendement) , 42324
(sous-amendement) , 41806
(sous-amendement) , 42325
(sous-amendement) , 23967
, 41842
(sous-amendement) , 41845
(sous-amendement) , 42326
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
M. Bruno
Fuchs
Fait
personnel
M. François
Ruffin
Article 1er
(suite)
Amendements nos 41848
(sous-amendement) , 42329
(sous-amendement) , 41851
(sous-amendement) , 42327
(sous-amendement)
Rappels
au règlement
M. Bruno
Fuchs
M. Adrien
Quatennens
Article 1er
(suite)
Amendements nos 41852
(sous-amendement) , 41854
, 42328
(sous-amendement) , 42176
(sous-amendement)
Rappels
au règlement
M. Patrick
Loiseau
M. François
Ruffin
Article 1er
(suite)
Amendements nos 23856
, 42333
(sous-amendement) , 41789
(sous-amendement) , 42330
(sous-amendement) , 41793
(sous-amendement) , 42334
(sous-amendement) , 41796
(sous-amendement) , 41798
(sous-amendement) , 42331
(sous-amendement) , 42178
(sous-amendement) , 42332
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
M. Julien
Aubert
M. le
président
Article 1er
(suite)
Rappel
au règlement
Mme Olivia
Gregoire
M. le
président
Article 1er
(suite)
Suspension
et reprise de la séance
Rappel
au règlement
M. Bruno
Fuchs
Article 1er
(suite)
Rappels
au règlement
M. Sébastien
Jumel
M. le
président
M. François
Ruffin
M. le
président
M. Olivier
Damaisin
M. le
président
Fait
personnel
M. Frédéric
Petit
Article 1er
(suite)
M. le
président
Amendements nos 1548,
1549, 1552, 1554, 1555, 1558, 1560, 1561, 1564, 1565, 1566, 1567, 1570, 1572,
1574, 1580, 1581 , 3926
, 1582,
1583, 1585, 1587, 1588, 1589, 1590, 1592, 1594, 1595, 1597, 1605, 1606, 1608,
1610, 1611, 1612 , 3939
, 2
, 24634
, 6
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
M. Sylvain Waserman
vice-président
M. le
président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le
président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite
(nos 2623 rectifié, 2683).
Discussion des articles (suite)
M. le
président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles
du projet de loi, s’arrêtant au sous-amendement no 42301 à
l’amendement no 23976 à
l’article 1er.
Article 1er (suite)
M. le
président. Nous reprenons donc l’examen des sous-amendements à
l’amendement no 23976.
La parole est à M. François
Ruffin, pour soutenir le sous-amendement no 42301 à l’amendement
no 23976.
M. François
Ruffin. Il vise à défendre une retraite spéciale pour des hommes
spéciaux : les sportifs de haut niveau. La moitié des sportifs français vit
actuellement sous le seuil de pauvreté. Pourquoi ? Parce que le sport est
pour eux une passion à laquelle ils se consacrent pleinement : bien
souvent, ils ne travaillent pas, pour pouvoir s’entraîner deux fois par jour. Le
champion de décathlon Gaël Quérin déclarait ne pas avoir de quoi se payer
lui-même une paire de baskets.
Un régime spécial a donc été instauré pour
les sportifs de haut niveau, qui consiste à compenser, en leur attribuant des
trimestres, la période durant laquelle ils ont été considérés comme tels. Nous
pensons que ce dispositif doit être maintenu et amélioré.
En parlant de
sport, je demande encore une fois à la majorité pourquoi nous sommes contraints
à ce sprint législatif : pourquoi nous a-t-on fixé les élections
municipales comme ligne d’arrivée à ne pas dépasser ? Nous aimerions une
réponse. La porte de sortie la plus raisonnable a été proposée par Éric
Poulliat, député La République en marche de Gironde, qui déclarait :
« C’est le Gouvernement qui a fait le choix de déposer le texte à ce
moment-là, juste avant les municipales. Quelle urgence y avait-il, alors qu’il
faut se donner le temps sur une réforme aussi
essentielle ? »
Donnons-nous le temps. Remettez-nous une étude
d’impact que le Conseil d’État ne jugera pas insuffisante, sans projections
financières lacunaires et sans flou sur l’âge de départ à la retraite et sur le
taux d’emploi.
M. Gilles
Le Gendre. Redite !
M. François
Ruffin. Renoncez à la procédure accélérée et, sur ces bases saines, un
autre dialogue s’engagera avec les oppositions.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Avec vous, certainement pas !
M. François
Ruffin. Nous demandons au Gouvernement de se positionner.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41889.
M. Pierre
Dharréville. Ayant déjà exposé hier soir nos préoccupations relatives
aux sportifs de haut niveau, qui font l’objet de l’amendement de nos collègues
socialistes, je souhaiterais résumer, en ce début de journée, où nous en
sommes.
Hier soir, nous avons terminé la séance en constatant que vous
n’aviez pas beaucoup de réponses à nous apporter. Une fois rentré, j’ai vu que
la majorité avait tenu, dans la journée, une conférence de presse assez
savoureuse dans laquelle elle se plaignait que l’opposition fasse son travail,
c’est-à-dire qu’elle anime le débat en posant des questions de fond. C’est
effectivement ce que nous faisons depuis le début de la discussion : nous
essayons d’obtenir des réponses.
Pour ceux qui seraient tentés de prendre
vos déclarations au pied de la lettre, je vais apporter un décryptage :
nous décortiquons le projet de loi car c’est le travail qui nous est confié,
afin de montrer pied à pied que, d’une part, nous ne sommes pas informés de ses
implications réelles et, d’autre part, que ce projet est nocif. Voilà le travail
que l’Assemblée nationale fait depuis quatre jours.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. En restant à
l’article 1er, vous ne faites rien du
tout !
M. le
président. Les sous-amendements no 41891 de
M. Pierre Dharréville, no 41896 de M. Sébastien Jumel
et no 41900 de M. Pierre Dharréville sont défendus.
Sur
l’amendement no 23976, je suis saisi par le groupe La France
insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Sur l’amendement
no 42304, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
Sur l’amendement no 41889, je suis
saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur
général de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission
spéciale. Vous nous interpellez sur la situation des sportifs de haut
niveau, dont les revenus sont faibles et à qui nous devons des dispositifs de
soutien et de solidarité. Je comprends votre préoccupation, mais cette
problématique ne relève pas de l’article 1er : elle est
traitée à l’article 47, qui institue une attribution de points équivalente
à un demi-SMIC, financée par le Fonds de solidarité vieillesse universel. Nous
pourrons également revenir avec précision sur le sujet à l’article 8, qui
porte sur la manière dont tous les assurés entrent dans le nouveau système
universel.
J’aimerais à mon tour faire le point sur l’avancement de nos
travaux.
M.
Jean-Paul Lecoq. Ah !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je n’ai pas le
sentiment que ces amendements servent à décortiquer le texte.
M. Pierre
Dharréville. Si !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Ils nous permettent
de commenter des témoignages importants, certes, mais pas de décortiquer
l’ensemble des articles. En réalité, après vingt-quatre heures d’échanges, nous
sommes toujours à l’article 1er, entre le 1o et
le 2o. J’aimerais relire devant vous le premier alinéa :
« Le livre Ier du code de la sécurité sociale est ainsi
modifié : […] ».
M. Pierre
Dharréville. C’est important !
M.
Jean-Paul Lecoq. C’est l’enjeu principal !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Bien sûr, mais il est
logique qu’une réforme des retraites modifie le code de la sécurité sociale.
M.
Jean-Paul Lecoq. C’est ce que nous ne voulons pas !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je relis également le
deuxième alinéa : « Après l’article L. 111-2-1, il est inséré un
article L. 111-2-1-1 ainsi rédigé […] ».
M.
Jean-Paul Lecoq. C’est celui qui nous pose problème !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. En réalité, pour le
moment, nous n’avançons pas. J’espère que nous pourrons réellement examiner
l’article 1er aujourd’hui – le décortiquer –, puis
l’ensemble des articles, qui nous intéressent autant qu’ils intéressent nos
concitoyens. J’émets donc un avis défavorable à l’ensemble des sous-amendements
et à l’amendement lui-même. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Hier soir,
en fin de séance, nous avons pu entendre M. Juanico, qui connaît bien le
sport et fait souvent référence sur le sujet. Je porte à la connaissance de
l’Assemblée nationale la réponse que j’ai eu l’occasion de lui donner : le
dispositif actuel évoqué par M. Ruffin, qui consiste en une majoration de la
durée d’assurance, n’a pas de sens dans un système par points. Nous le
transformerons donc en une majoration de points équivalente qui permettra aux
sportifs de préparer, comme aujourd’hui, leur retraite dans des conditions
compatibles avec la pratique du sport à haut niveau, qui est une préoccupation
importante pour notre pays, particulièrement à l’approche des Jeux olympiques.
Défavorable.
M. le
président. J’autoriserai trois prises de parole : M. Girardin,
M. Woerth et M. Quatennens. (Protestations sur les bancs du groupe
GDR.) Je ne peux pas laisser parler tous les groupes à chaque fois, nous
avons déjà débattu de ce sujet. (Nouvelles protestations sur les bancs du
groupe GDR.)
M. Pierre
Dharréville. Nous n’avons pas débattu de cela hier !
M. le
président. Le règlement prévoit deux prises de parole…
M. Alain
Bruneel. Pourquoi changez-vous la règle ?
M. le
président. Je ne change pas la règle. Nous avons déjà débattu du sujet
hier, trois prises de parole suffiront. (Applaudissements sur plusieurs bancs
du groupe LaREM.)
La parole est à M. Éric Girardin.
M. Éric
Girardin. Il se trouve que j’ai présidé à la destinée d’un club de
basket professionnel pendant dix-huit ans. Je connais donc bien la question, qui
est d’ailleurs plus liée à la reconversion des sportifs de haut niveau qu’à un
véritable problème de préparation de la retraite, même si ce point est
fondamental. En effet, certains sportifs de haut niveau ne gagnent pas beaucoup
d’argent au cours de leur carrière, y compris pour les sports dits indoor
comme le basket et le handball.
Notre collègue Aude Amadou, ancienne
handballeuse professionnelle, a fait une reconversion par la formation. C’est
pour moi un bel exemple de parcours d’un sportif de haut niveau et nous pouvons
l’applaudir. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM
et UDI-Agir.)
M. Pierre Dharréville et
Mme Elsa Faucillon. Devenir député, ce n’est pas une
reconversion !
M. Éric
Girardin. Son exemple offre à la représentation nationale un bel aperçu
de la progression de carrière que peuvent envisager les sportifs de haut niveau,
qui possèdent un atout fondamental : celui d’avoir, à travers leur pratique
sportive professionnelle, accumulé des compétences et une image qui leur offrent
une belle possibilité de rebond dans le monde professionnel.
Mme Elsa
Faucillon. Oui, député, c’est souvent un rebond…
M. Éric
Girardin. Bien sûr, il faut accompagner leur entrée dans le monde du
travail pour amortir le passage de la pratique sportive de haut niveau à une
autre activité. C’est ce qui est prévu à l’article 47, comme l’ont fait
remarquer M. le rapporteur général et M. le secrétaire d’État.
M.
Jean-Paul Lecoq. Vous brûlez les étapes : l’article 47, on y
viendra dans un mois et demi !
M. Éric
Girardin. Si nous arrivons jusque-là, vous verrez que nous avons prévu
de déployer un arsenal pour accompagner les sportifs professionnels. (Mêmes
mouvements.)
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. J’abonde dans le sens de mon collègue. Nous ne pouvons pas
résoudre tous les problèmes par le biais de la retraite : ce serait trop
simple.
M. Pierre
Dharréville. C’est vrai.
M. Éric
Woerth. C’est au cours de la carrière qu’il faut remédier à l’inégalité,
à l’injustice ou à la pénibilité. Les sportifs de haut niveau savent qu’ils ne
le resteront pas éternellement. Il n’y a aucune surprise à cet égard, et, en
conséquence, des dispositifs permettent d’accumuler des trimestres
– demain, des points – supplémentaires.
La vraie question est
celle de la reconversion. Le sport de haut niveau n’appelle pas la prise en
considération d’une pénibilité, mais un meilleur accompagnement de la
transformation de la vie professionnelle. Cela se prépare. C’est de cela qu’il
faut parler pour ce type de profession, plus que de retraite.
(M. Éric Girardin applaudit.)
Plusieurs députés des groupes
MODEM et UDI-Agir. Tout à fait !
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. En général, dans l’imaginaire collectif, les sportifs de
haut niveau sont associés à l’idée de hauts revenus. À tort puisque, longtemps,
les sportifs ont été contraints à l’amateurisme, car participer aux jeux et
compétitions les empêchait de travailler, donc de cotiser. La question qui se
pose aujourd’hui est donc de savoir si nous considérons le sportif comme un
professionnel à part entière. En 2012, l’État a choisi de pallier le problème à
travers un dispositif malheureusement non rétroactif, en instaurant une
majoration de cotisation de seize trimestres.
La question qu’il faut se
poser à ce sujet à l’heure de la réforme des retraites est la suivante :
combien de sportifs de haut niveau sont laissés sur le carreau ? Qu’en
est-il de celles et ceux qui ne figurent pas sur la liste officielle des
sportifs de haut niveau ? La question est un peu la même que celle que je
vous posais hier soir sur les pompiers, monsieur le secrétaire d’État :
comment convertir en points des dispositifs en annuités – ici, les seize
trimestres accordés aux sportifs de haut niveau ?
Enfin, je
m’associe à l’émotion de mes collègues. J’ai vu hier que tous les procédés
étaient permis pour surjouer l’indignation en vue de la préparation de
l’utilisation de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution,…
M. Jimmy
Pahun. Oh !
Mme Cendra
Motin. Vous ramez !
M. Adrien
Quatennens. …notamment celui auquel a eu recours M. Florian
Bachelier, qui s’est offusqué du fait qu’« une journée d’obstruction
parlementaire coûte 1,5 million d’euros ». Je lui propose de pousser
son raisonnement jusqu’au bout : pourquoi ne pas fermer l’Assemblée
nationale ? Ce serait moins cher.
Mme Elsa
Faucillon. Pour les questeurs, peut-être !
M. Adrien
Quatennens. Nous sommes, quant à nous, partisans de la solution la moins
onéreuse et la plus conforme à l’opinion majoritaire du pays : le retrait
de la réforme ! (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR. –
Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. Deux autres personnes, dont au moins un sportif de haut
niveau, ont demandé la parole : M. Bruneel d’abord – je ne sais
pas s’il l’est –, puis M. Pahun. Le sujet sera traité à
l’article 57 du texte, mais je les laisse exceptionnellement intervenir
avant que nous passions au vote.
M. Bruno
Fuchs. Très bien !
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel.
M. Alain
Bruneel. Je suis rugbyman, monsieur le président : troisième ligne,
trois-quarts aile ! (Applaudissements sur plusieurs
bancs.)
Contrairement à ce que dit M. le rapporteur général, le
débat est important. Parmi les grands principes du projet de nouveau système de
retraite, on trouve l’universalité ; or l’on s’aperçoit, en parlant des
avocats, du personnel hospitalier ou des sportifs de haut niveau, qu’il y a des
spécificités dans l’universalité. C’est un aspect important que nous tentons
d’exprimer, car il ressort de nos rencontres et des témoignages poignants que
nous recevons et dont nous nous faisons le relais à l’Assemblée nationale. Ne
nous dites pas que nous n’avons pas le droit de nous exprimer : nous avons
le droit d’être en désaccord avec vous, cela fait partie du débat.
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. On a passé une journée à débattre du
titre !
M. Alain
Bruneel. Si vous ne voulez pas que l’on débatte, délibérez entre vous et
dites clairement : « Nous n’avons pas besoin de l’avis de
l’opposition, elle n’a pas à s’exprimer. » Cela vaudra mieux pour tout le
monde, y compris pour vous. Nous nous exprimons, car nous avons le droit de dire
ce que nous pensons, comme vous avez le droit de dire ce que vous pensez. Et
nous ne sommes pas favorables à cette réforme car, je le rappelle encore une
fois, nous sommes dans un rapport de lutte des classes : vous êtes pour les
riches, nous sommes pour les salariés ! (Applaudissements sur les bancs
du groupe FI. – M. Jean-Paul Lecoq applaudit également. –
Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M.
Jean-Charles Colas-Roy. On est dans l’hémicycle, ici !
M. le
président. La parole est à M. Jimmy Pahun.
M. Jimmy
Pahun. Il faut parler non de « sportifs de haut niveau » mais
d’« athlètes de haut niveau » : il s’agit de trimestres accordés
– quatre seulement – aux sportifs figurant uniquement sur les listes
olympiques en classement élite ; très peu de personnes sont donc
concernées. J’ai le souvenir d’un équipage de voile constitué d’un professeur de
sport détaché et d’un sportif indépendant qui, lui, n’a jamais réussi à
percevoir une retraite équivalente.
M.
Jean-Paul Lecoq. C’était vous, et vous êtes devenu député : c’est
pas mal !
M. Jimmy
Pahun. Non, je n’ai jamais été champion olympique !
(Sourires.)
Pourquoi faire toute une histoire d’une toute petite
niche qui a été accordée il y a quelques années ? Depuis, les choses ont
encore évolué : ces athlètes de haut niveau ont toujours, plus ou moins,
signé des contrats sportifs avec la douane ou la marine, notamment, qui leur
permettent de vivoter de la pratique de leur sport. Un beau projet de loi sur le
sport est sur le point de nous être présenté : nous nous efforcerons de les
aider encore davantage pour que la France rapporte beaucoup de médailles en
2024 ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
(Les sous-amendements nos 41877, 41880 et
41882, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42304.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 52
Nombre
de suffrages
exprimés 49
Majorité
absolue 25
Pour
l’adoption 7
Contre 42
(Le sous-amendement no 42304 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 42300, 41887 et
42301, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41889.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 52
Nombre
de suffrages
exprimés 50
Majorité
absolue 26
Pour
l’adoption 8
Contre 42
(Le sous-amendement no 41889 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 41891, 41896 et
41900, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 23976.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 53
Nombre
de suffrages
exprimés 53
Majorité
absolue 27
Pour
l’adoption 10
Contre 43
(L’amendement no 23976 n’est pas
adopté.)
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures vingt, est reprise à neuf heures
vingt-cinq.)
M. le
président. La séance est reprise.
Je suis saisi d’un amendement
no 23966 qui fait l’objet de plusieurs
sous-amendements.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir
l’amendement.
M. Boris
Vallaud. Il vise à inscrire dans le texte un principe général, puisque
tel est l’objet de l’article 1er : établir un cadre
structurant. Le Gouvernement et la majorité revendiquent ce texte comme une
grande réforme de progrès : eh bien, nous les prenons au mot en plaidant
pour l’inscription d’un principe général de non-régression des droits au sein du
code de la sécurité sociale.
Ce serait une marque de prudence, parce que
le taux de remplacement – le taux de rendement, pour employer les mots du
secrétaire d’État – n’est pas garanti dans le temps : si le taux de
5,5 % est aujourd’hui évoqué, tout dépendra de l’évolution de l’indexation,
d’autant que, jusqu’en 2045, la valeur d’achat et la valeur de service du point
ne seront pas liées. Le niveau de remplacement des pensions suscite
naturellement des inquiétudes, avec la crainte, notamment, d’un décrochage du
niveau de vie des retraités par rapport aux actifs, une crainte qui se nourrit
du durcissement des règles applicables aux chômeurs et de l’allongement de la
durée de vie au travail, qui pénalisera au premier chef les carrières hachées et
celles qui ont commencé tôt, en particulier celles des femmes.
M. Pierre
Dharréville et M. Jean-Paul Lecoq. Très bien !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41812.
M. Pierre
Dharréville. Vous connaissez notre attachement au principe de
non-régression sociale : nous avons même proposé qu’il soit inscrit dans
les textes européens, afin de favoriser une véritable dynamique sociale au sein
de toute l’Europe.
Ce sous-amendement, dont l’objet est de renforcer
encore la rédaction de l’amendement, vise à inscrire
« solennellement » ce principe dans le texte. Il conviendra également
d’inscrire clairement la résorption des inégalités entre les femmes et les
hommes dans le texte – ce sera l’objet d’un prochain
sous-amendement.
Mes chers collègues, vous avez expliqué que ce texte
permettra de lutter contre les inégalités. Nous en doutons, mais si telle est
réellement votre intention, il ne coûte rien de le préciser à
l’article 1er, dont la fonction est d’établir les grands
principes du texte.
M. le
président. Le sous-amendement no 41815 de M. Pierre
Dharréville est défendu.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour
soutenir le sous-amendement no 41821.
Mme Elsa
Faucillon. Si nous nous montrons aussi prudents en demandant
l’inscription, à l’article 1er, de fortes garanties s’agissant
notamment du principe de non-régression, c’est parce que le niveau des pensions,
dans les pays qui ont choisi le régime de retraite par points, a subi de graves
régressions. Nous avons déjà évoqué cet exemple : la valeur du point a été
abaissée en Suède à trois reprises depuis 2001, ce qui a accru le nombre des
retraités pauvres.
Nous contestons le fond de la réforme ; mais si
vous la jugez si formidable, à défaut de la soumettre au verdict du peuple par
la voie du référendum, comme nous vous l’avons demandé, vous pourriez tout au
moins accepter d’inscrire à l’article 1er la garantie solennelle
du principe de non-régression.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir le
sous-amendement no 41818.
M.
Jean-Paul Lecoq. Votre conviction que le produit intérieur brut est
appelé à progresser amène à poser la question de la régression sociale, et, plus
particulièrement, celle de la baisse du niveau des pensions. Vous n’êtes pas
sans savoir, en effet, que la France a signé les accords de Paris, qui remettent
en cause l’organisation actuelle de l’économie mondiale.
Cette remise en
cause ne saurait évidemment garantir la croissance du PIB au niveau où vous le
prétendez, où l’OSCE – Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe – le prétend, car tous ceux qui arguent d’une telle perspective ne
prennent pas en considération l’évolution de l’économie et oublient qu’il
faudra, en raison de cette évolution même, à un moment donné, consacrer une part
plus importante des richesses aux retraites.
Vous en êtes restés aux
principes économiques de l’ancien monde ; nous vous invitons à passer aux
nouveaux principes économiques et, donc, à considérer que le point devra être
calculé d’une manière différente de celle que vous proposez.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir le
sous-amendement no 42109.
M. Pierre
Vatin. Notre inquiétude concerne la situation des mères de famille, qui
bénéficient actuellement de huit trimestres par enfant dans le calcul de leur
retraite. Qu’adviendra-t-il de leur situation dans le nouveau régime ? Nous
ne sommes pas rassurés sur une éventuelle équivalence en points de ces
trimestres.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la
commission spéciale pour le titre Ier, pour donner l’avis de la
commission sur l’amendement et les sous-amendements.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Il me semblait
avoir déjà examiné cet amendement : avant-hier, en effet, nous avons
examiné l’amendement no 23978 de Mme Biémouret. Certes, la
rédaction en est différente : celui-ci propose que les réformes de notre
système de retraite « contribuent à la résorption des inégalités »,
quand celui de Mme Biémouret proposait que ces mêmes réformes
« résorbent les inégalités ». C’est la démonstration…
M. Boris
Vallaud. Celui de Mme Biémouret a-t-il été adopté, ou
pas ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Bien sûr que non !
M. Boris
Vallaud. Ce nouvel amendement se justifie donc !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. C’est le même !
M.
Jean-Paul Lecoq. Vous n’êtes pas président, vous êtes rapporteur !
Donnez votre argumentaire !
M. le
président. S’il vous plaît, laissons précisément parler le
rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. C’est la preuve que nous ne débattons pas
du fond du texte. Chacun a ses soutiens. Je reçois des messages : un grand
nombre de personnes s’interrogent sur la progression de nos débats, puisque nous
en sommes toujours après le 1o de
l’article 1er et, loin d’avancer, nous examinons des
amendements dont la rédaction est à peine modifiée. Le président de notre groupe
les a appelés des « amendements point-virgule »,…
M.
Jean-Paul Lecoq. Eh bien, parlons du fond : expliquez-nous comment
vous envisagez la croissance du PIB, comment l’OSCE l’a calculé !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …qui ne permettent pas de faire avancer le
débat.
M.
Jean-Paul Lecoq. Eh bien, répondez sur le fond !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Avis simplement défavorable, puisqu’il n’y
a pas besoin d’argumenter sur un amendement et des sous-amendements strictement
similaires à ceux dont nous avons déjà débattu. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe
UDI-Agir.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous avons bien entendu
l’inquiétude de Boris Vallaud. Il s’interroge sur la place qui sera donnée à la
lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes dans le nouveau
système de retraite. Sur ce point, j’ai bien entendu également qu’Éric Woerth,
et je ne crois pas que ce soit balayer la question d’un revers de main que de
dire que, pour réduire ces inégalités, le premier travail est à mener au sein
même des entreprises et de la société, par des actions concrètes. À cet égard,
j’ai déjà eu l’occasion de parler de l’index de l’égalité professionnelle entre
les femmes et les hommes défendu par Mme Muriel Pénicaud et diffusé par le
ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du
dialogue social.
Cela étant, monsieur Vallaud, vous avez souligné un
point important : le système actuel amplifie les inégalités,…
M. Boris
Vallaud. Ce n’est pas vrai !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …puisque d’un écart de salaire
de 20 % résulte un écart de pension de 42 %.
Cela tient à ce
que ce système ne permet pas que la pension reflète strictement la
carrière : c’est l’une de ses limites. Comme vous avez pu le lire dans
l’étude d’impact – même si vous en avez contesté la pertinence à plusieurs
endroits, je sais que vous en avez reconnu l’intérêt à d’autres –, grâce à
la réforme, la pension moyenne des futures retraitées progressera de 6 % à
13 % pour les générations 1980 et 1990, alors que celle des hommes sera
inchangée pour la génération 1980 et progressera de seulement 6 % pour la
génération 1990. La dynamique sera donc très positive pour les pensions des
futures retraitées.
Madame Faucillon, pour être honnête, votre propos
revenait sur un sujet déjà abordé.
Mme Elsa
Faucillon. Je sais, je vous signale que je suis présente depuis
lundi.
M. Pierre
Dharréville. On est là !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il n’y a aucune taquinerie dans
mon propos. Je prendrai d’ailleurs quelques minutes pour vous répondre. Vous
avez évoqué le modèle suédois. À ce sujet, je vous invite à lire la très bonne
synthèse du Sénat, auquel on ne peut pas reprocher d’être aligné sur la position
politique de l’actuelle majorité – et quand bien même : cela ne
l’empêcherait pas d’être objectif.
Mme Elsa
Faucillon. Les bons camarades de droite !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je ne doute pas que vous lirez
avec intérêt et objectivité ce rapport accessible sur le site internet du Sénat,
et qui explique bien le fonctionnement du système suédois : il s’agit d’un
régime par comptes notionnels incluant une part de capitalisation.
Le
rapporteur Nicolas Turquois a déjà expliqué dans le détail les raisons pour
lesquelles les deux systèmes sont absolument incomparables. Nous avons fait un
choix politique : nous ne voulons pas d’un système par comptes notionnels
avec une part de capitalisation. Nous sommes pour la répartition, pour une
répartition la plus large possible – c’est pour cela que nous avons décidé
de porter à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale, le PASS,
l’assiette des cotisations retraite du nouveau système.
Je vous laisse
prendre connaissance, si vous le souhaitez, de ce rapport : il contient les
réponses à certaines de vos questions.
Mme Elsa
Faucillon. Arrêtez cette arrogance ! Franchement, ça
suffit !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Avis
défavorable.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth, pour un rappel au
règlement.
M. Éric
Woerth. Je fonde mon rappel sur l’article 100 du
règlement.
J’ai l’impression que les règles du jeu ont changé.
(« Oui ! » sur les
bancs du groupe GDR.) Je sais bien que l’on a déjà beaucoup parlé de
l’article 1er, qui fait l’objet de nombreux amendements et
sous-amendements, et vous pouvez considérer que ce que nous en disons est
redondant. Mais, étant donné ce nombre élevé d’amendements et de
sous-amendements, ceux qui n’ont pas pour politique d’en déposer beaucoup ne
peuvent plus prendre la parole, ou alors seulement une fois toutes les heures et
demie lorsque deux ou trois orateurs du groupe sont présents. Cette situation
n’est évidemment pas tenable.
Si les amendements et sous-amendements
n’avaient aucun intérêt, le secrétaire d’État n’apporterait pas de réponses
aussi longues et justifiées – tout à fait intéressantes, d’ailleurs. Je ne
vois donc pas pourquoi, tout d’un coup, un député ne pourrait pas disposer de
deux minutes pour s’exprimer sur un amendement alors que le ministre en prend
dix pour répondre.
De plus, le Gouvernement a souhaité que
l’article 1er soit général, global, et qu’y figurent tous les
principes. Il est donc logique que l’on en débatte ! Ou alors on n’examine
pas l’article 1er, on passe directement aux suivants et, comme
l’a suggéré le rapporteur général, on travaillera plus en détail, à mesure de
l’examen du projet, les différentes notions qui le structurent.
Mme
Emmanuelle Ménard. Il a raison.
Article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. Jacques Maire.
M. Jacques
Maire. Nos collègues posent des questions importantes, mais qui,
peut-être, induisent une certaine confusion. On ne peut pas vouloir à la fois
réduire les inégalités et conserver intégralement les acquis aujourd’hui, demain
et pour l’avenir :…
M. Pierre
Dharréville. Ah si ! C’est très important !
M. Jacques
Maire. …c’est contradictoire. Maintenir les droits acquis est très
important : les articles 35, 36, 37, 38 et 39 du projet de loi sont là
pour maintenir les droits acquis par les personnes, à titre individuel, au cours
de l’ensemble de leur carrière. Ces articles feront l’objet de discussions très
importantes et nourries, notamment s’agissant des régimes spéciaux et des
catégories actives.
Concernant la réduction des inégalités, telle que
vous la souhaitez, elle signifie faire plus pour certains, et donc faire moins
pour d’autres.
M. Boris
Vallaud. Mais qui paiera ? Ce n’est pas écrit !
M. Jacques
Maire. En réalité, on retrouve dans votre amendement notre engagement de
redistribution et de justice sociale ; seulement, vous vous
contredisez…
M. Boris
Vallaud. Non !
M. Jacques
Maire. …en indiquant qu’il faut à la fois conserver les acquis de tout
le monde – y compris, a priori, les plus avantageux – et
redistribuer.
Nous assumons calmement notre choix de redistribution…
M. Boris
Vallaud. Ce n’est pas vrai.
M. Jacques
Maire. …en particulier, comme vous le souhaitez, des hommes vers les
femmes et de certains déciles vers d’autres.
M. Boris Vallaud.
C’est faux !
M. Jacques
Maire. Telle est notre philosophie.
M.
Jean-Paul Lecoq. Cela mérite que l’on en débatte !
M. Jacques
Maire. Je pense qu’il était bon de préciser les termes : si je me
trompe, précisez donc vous-même votre pensée qui, pour l’instant, est confuse.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M.
Jean-Paul Lecoq. Eh bien, le débat va permettre de la
clarifier !
M. le
président. Sensible à votre argument, monsieur Woerth, je vais autoriser
une prise de parole par groupe.
La parole est à Mme Cendra
Motin.
Mme Cendra
Motin. La valeur du point ne baissera pas : c’est écrit à
l’article 9 du projet de loi.
M. Boris
Vallaud. J’ai parlé du taux de rendement : cela n’a rien à
voir !
Mme Cendra
Motin. Grâce à un amendement du rapporteur du projet de loi organique
devenu ministre des solidarités et de la santé, c’est également inscrit à
l’article 1er du projet de loi organique. Une autre chose est
aussi écrite dans le projet de loi organique, que nous avons réussi à adopter en
commission – je le rappelle, car ce n’était pas gagné d’avance : le
niveau des pensions ne baisseront pas, elles non plus.
S’agissant de la
réduction des inégalités, le geste que nous faisons envers les femmes, nous le
faisons aussi pour tout un tas de gens qui exercent le même métier sans pour
autant avoir le même statut. Je tiens à rappeler, car c’est important,
qu’aujourd’hui, si des infirmières font un travail remarquable dans les
hôpitaux, d’autres, indépendantes, font un travail tout aussi remarquable dans
nos campagnes. Pourtant, elles n’ont pas les mêmes conditions de départ à la
retraite. Il en va de même des comptables, qui font un travail remarquable, que
ce soit à l’opéra de Paris,…
M. Boris
Vallaud. Nous en parlerons tout à l’heure, de l’Opéra !
Mme Cendra
Motin. …à la SNCF, dans les ministères ou dans des entreprises :
eux non plus ne partent pas tous dans les mêmes conditions.
Aujourd’hui,
dans notre société, tout le monde a le droit d’être traité justement,
équitablement – sachant que l’équité n’est pas forcément
l’égalité –,…
M. Pierre
Dharréville. Écoutons les experts en progrès social !
Mme Cendra
Motin. …et c’est ce que nous cherchons à permettre grâce au nouveau
système universel de retraite. Nous ne pourrons pas gommer toutes les injustices
du passé, mais nous pouvons au moins essayer de faire en sorte que l’avenir soit
meilleur pour chacun et chacune. (Applaudissements sur de nombreux
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Un député du groupe
MODEM. Ayez confiance !
M. le
président. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine
Rubin. Je souscris à l’idée que la réforme des retraites ne peut pas
résoudre tous les problèmes d’inéquité et d’injustice qui existent, notamment
dans le monde du travail. C’est d’ailleurs pour cela qu’au-delà des retraites,
nous faisons référence à une politique globale.
Je regrette donc que nos
propositions pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, par
exemple, aient été refusées. Je me souviens d’avoir défendu un amendement qui
visait à sanctionner les entreprises qui ne respectaient pas l’égalité de
salaire entre les hommes et les femmes. On me dit que l’index de l’égalité
professionnelle y suffit : non, l’index n’y suffit décidément
pas.
Si l’égalité salariale entre les hommes et les femmes existait
actuellement dans les entreprises, elle serait l’un des éléments – certes,
pas le seul – permettant de soutenir le système de retraites actuel. Nous
ne pouvons donc pas penser la retraite indépendamment de toute autre
considération, notamment sans parler d’égalité : cela empêche de prendre en
considération des solutions qui existent déjà et permettant d’atteindre
réellement l’égalité que vous visez dans le texte.
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Soyons précis dans nos formulations. Madame Motin, il est
effectivement écrit dans le texte que la valeur du point ne baissera pas.
Mme Cendra
Motin. Exactement !
M. Boris
Vallaud. Je n’ai jamais dit le contraire. Mais cela ne signifie pas que
le taux de rendement des cotisations, lui, ne baissera pas !
(Approbation sur les bancs des groupes GDR et FI.) C’est même tout
l’inverse, et cela change radicalement les choses : le taux de rendement
pourra baisser.
M. Pierre
Dharréville. Eh oui ! Il faut tout dire !
M. Boris
Vallaud. Il ne sera pas de 5,5 % jusqu’en 2045, car, jusqu’à cette
date, les indexations de la valeur de service et de la valeur d’achat ne sont
pas liées. Elles ne le seront qu’à partir de 2045 – et encore, sous réserve
de l’équilibre financier du système, car votre règle d’or ne porte sur aucun des
droits sociaux, mais sur l’équilibre financier du système.
Mme Cendra
Motin. Mais non ! Vous mélangez les choux et les
carottes !
M. Boris
Vallaud. Je vous mets au défi de garantir ce taux de 5,5 % pour
toute la vie, car il n’est pas inscrit dans la loi ! De plus, il s’agit du
taux de rendement brut, et non du taux de rendement réel qui, lui, est
inférieur : il est plutôt de l’ordre de 5 %, voire inférieur pour les
indépendants. Le secrétaire d’État pourra le confirmer.
Vous dites
également que le niveau des pensions ne baissera pas.
Mme Cendra
Motin. C’est le cas !
M. Boris
Vallaud. Il ne baissera certes pas en valeur nominale, mais en pouvoir
d’achat ? Peut-être ne progressera-t-il pas, car il pourrait être indexé
sur l’inflation. Que se passera-t-il alors ? La part du PIB consacrée aux
retraites va diminuer – c’est inscrit dans l’étude d’impact –, le
nombre de retraités va augmenter : le taux de remplacement va donc bien
baisser !
M. Pierre
Dharréville. Oui, et il faut le dire !
Mme Cendra
Motin. Les salaires augmentent, monsieur Vallaud.
M. Boris
Vallaud. De fait, le niveau de vie des retraités baissera par rapport à
celui des actifs : personne ne peut dire le contraire, c’est une
réalité ! Aujourd’hui, le niveau de vie des retraités représente 106 %
de celui de l’ensemble de la population ; dans quarante ans, il sera de
75 %. Nous aurons gommé quarante ans d’alignement des retraités sur les
actifs !
Mme Cendra
Motin. Mais non : les salaires augmentent !
M. Boris
Vallaud. Ce n’est pas vrai ! Faites-moi la démonstration que nous
aurons le même taux de rendement ou de remplacement ! Vous en êtes
incapables, car ce n’est pas vrai.
M.
Jean-Paul Lecoq. Exactement !
M. Boris
Vallaud. C’est même l’inverse qui est inscrit dans le texte. À partir de
2040, même les dépenses de solidarité vont diminuer par rapport à la
trajectoire. Tout ce que vous dites est bidon ! (Applaudissements sur
les bancs du groupe FI.)
Vous dites que le système actuel aggrave les
inégalités : ce n’est pas vrai ! Vous comparez un flux à un
stock : il existe un stock de retraités au sein duquel des écarts existent,
certaines femmes ayant été sur le marché du travail jusqu’à quarante ans avant
d’autres ; vous ne pouvez pas comparer les salaires d’aujourd’hui avec ceux
d’il y a quarante ans !
M. le
président. Il faut conclure, monsieur Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Je termine. Deux choses encore : tout d’abord, en sortant
du système les 1 % de Français les plus riches, vous réduisez de manière
certaine l’écart interdéciles.
MM. Pierre Dharréville et
David Habib. Eh oui !
M. Boris
Vallaud. Et en mettant 40 % des femmes au minimum contributif, qui,
vingt ans après leur retraite, ne vaudra plus que 70 % du SMIC, vous
réduisez évidemment les écarts. Mais tout cela n’est que de la poudre aux
yeux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
M. Pierre
Dharréville. Bravo !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Nous discutons bien de l’amendement de M. Vallaud
– et des sous-amendements afférents – aux termes duquel « les
réformes relatives aux retraites ne conduiront pas à une régression des droits
des assurés ».
À nouveau, je reprends le texte du projet de loi
– on me reprochera peut-être de faire une fixette, mais il me semble que
c’est bien pour travailler sur un texte de loi que nous sommes ici, et non pour
avoir des discussions générales à l’infini : « Un objectif de
solidarité, au sein de chaque génération, notamment par la résorption des écarts
de retraites entre les femmes et les hommes ».
M. Boris
Vallaud. Cela existe déjà aujourd’hui.
M.
Jean-Paul Mattei. Je suis désolé, mais je trouve cela beaucoup mieux
écrit que dans votre amendement, monsieur Vallaud, que nous ne soutiendrons donc
évidemment pas.
Vous êtes désormais arrivé, mais nous avions constaté
qu’en votre absence, les sous-amendements tombaient plus rapidement !
M. Pierre
Dharréville. Vous vous égarez.
M.
Jean-Paul Mattei. Bien joué ! Suspensions de séance et autres… Ce
petit jeu est très fatigant, mais nous irons jusqu’au bout et nous ne lâcherons
pas ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
M. Boris
Vallaud. Merci pour cette intervention vraiment très utile…
M. le
président. La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa
Faucillon. M. le rapporteur Maire nous a expliqué qu’avec le futur
système, certains allaient y perdre : le débat commence à avoir un peu de
piquant… Je demande donc évidemment à M. Maire de bien vouloir, au fur et à
mesure des interventions, égrener la liste de celles et ceux qui vont
effectivement y perdre. C’est important pour éclairer le débat.
Pour
notre part, nous disons que si l’on sort d’un système de solidarité et que l’on
individualise les retraites, tout le monde y perd, à l’exception de ceux ayant
les plus hauts revenus – d’ailleurs, vous les sortez du
jeu !
Le secrétaire d’État m’ayant invité à des lectures, je vais
faire de même. Parmi les nombreux documents qui traitent des inégalités entre
les hommes et les femmes, il y en a un que vous avez déjà dû étudier il y a deux
ans, à l’occasion d’une niche parlementaire du groupe GDR : il s’agit d’une
proposition de loi visant à lutter contre la précarité professionnelle des
femmes et qui traitait du temps partiel subi. Comme vous devez le savoir,
aujourd’hui, les principales inégalités entre les hommes et les femmes ne sont
pas celles constatées à poste égal ou au sein d’une même entreprise – qui
n’en sont pas moins scandaleuses –, mais celles résultant du fait que les
femmes pâtissent plus que les hommes du temps partiel subi.
Pour réduire
ces inégalités, vous auriez pu, d’une part, voter cette proposition de loi
– que nous pourrions d’ailleurs vous soumettre de nouveau. D’autre part
– c’est un sujet que vous écartez des débats –, l’augmentation des
salaires des femmes permettrait d’abonder les cotisations salariales à hauteur
de 6,5 milliards d’euros par an, selon les estimations, et ainsi de combler
le déficit dont l’annonce justifie votre catastrophisme – même si nous
dénonçons les avertissements alarmistes à ce sujet du Conseil d’orientation des
retraites, le COR. Peut-être pourrions-nous vous entendre au sujet de ces
propositions, monsieur le secrétaire d’État.
M. le
président. Sur l’amendement no 23966, je suis saisi par
le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole
est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Il convient de regarder la réalité en face : en matière de
retraites comme dans d’autres domaines, on ne peut pas affirmer, ou écrire,
qu’un système ne sera pas régressif quoi qu’on fasse. La loi peut en effet tout
changer. Évidemment, je ne souhaite pas, moi non plus, que notre société
régresse. Mais le système est bien plutôt évolutif, comme celui qu’il entend
remplacer,…
M. Boris
Vallaud. C’est que la majorité prétend être progressiste !
M. Éric
Woerth. …et il évolue en fonction de notre capacité à garantir son
financement. À défaut de pouvoir le financer, nous serons contraints de le
changer et nous en reviendrons au même débat. Le financement peut se faire de
nombreuses façons. Mais aucun droit n’est inscrit définitivement dans le
marbre.
De ce point de vue, le Gouvernement – tout comme Cendra
Motin – a tort d’affirmer qu’il garantira la valeur du point. C’est la
valeur absolue du point qui est garantie, mais tout dépend des évolutions de
plusieurs paramètres : elle n’est absolument pas garantie en valeur
relative, par rapport à la richesse de la société française. Rien n’est
garanti !
Ce qu’il convient de garantir, c’est que les Français
bénéficient toujours, dans le cadre du régime par répartition, d’un haut niveau
de pension par rapport à d’autres pays. Ce niveau doit à la fois refléter la
carrière et compenser les grandes inégalités qui n’ont pas pu l’être durant
cette carrière. C’est la seule garantie que nous puissions offrir aujourd’hui,
et elle requiert l’équilibre financier du système. Nous en revenons donc à nos
débats originels : nous sommes incapables, aujourd’hui, de garantir cet
équilibre car le Gouvernement ne nous informe pas de la façon dont il veut y
aboutir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Boris
Vallaud. Parce qu’il n’en sait rien !
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je voudrais apporter une précision sur un
propos de M. Vallaud qui m’a surpris, selon lequel notre réforme aboutirait
à ce que les revenus perçus par les retraités passent de 106 % à 75 %
du revenu moyen.
M. Boris
Vallaud. Je n’ai pas parlé de revenu moyen, mais de taux de
remplacement.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. N’ayant pas ce chiffre à l’esprit, j’ai
fait quelques recherches. Selon un tableau présenté par le COR en juin 2019, il
est indiqué qu’en l’absence de réforme, si l’on maintenait l’indexation sur
l’inflation, on aboutirait à cette situation en 2070.
M. Boris
Vallaud. Même avec la réforme !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il faut donc cesser de faire peur aux
gens ! Je confirme mon avis défavorable. (Applaudissements sur plusieurs
bancs du groupe LaREM.)
M. Boris
Vallaud. Monsieur le président, je demande la parole !
M. le
président. Non, nous allons passer au vote. (Protestations sur les
bancs du groupe SOC.)
M. David
Habib. M. Vallaud a été mis en cause personnellement ; il
devrait pouvoir s’exprimer !
M. le
président. Chaque groupe qui l’a souhaité s’est exprimé. Nous ne pouvons
pas jouer au ping-pong en multipliant les réponses aux réponses ! Il reste
32 000 amendements à étudier, ce qui vous laissera le temps de vous
exprimer.
(Les sous-amendements nos 41812, 41815,
41821, 41818 et 42109, successivement mis aux voix, ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 23966.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 71
Nombre
de suffrages
exprimés 64
Majorité
absolue 33
Pour
l’adoption 12
Contre 52
(L’amendement no 23966 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 23855 qui
fait l’objet de plusieurs sous-amendements, nos 41803, 41811,
42324, 41806 et 42325.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour
soutenir l’amendement.
M. Boris
Vallaud. Sachant que j’allais prendre la parole immédiatement après le
vote, j’ai renoncé à intervenir à l’instant, mais je vais répondre au
rapporteur. Les perspectives du COR sont bien conformes à ce qu’il vient de
dire ; je n’ai jamais dit l’inverse ; j’en ai même parlé hier. Mais
votre réforme va-t-elle modifier cette situation ? En rien ! Elle va
même l’aggraver, puisque la part du PIB consacrée aux recettes va diminuer. Vous
ne pouvez pas faire la démonstration du contraire, à moins d’être un magicien
– mais dans ce cas, plutôt dans le genre de Garcimore. (Sourires.)
Telle sera ma défense.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41803.
M. Pierre
Dharréville. M. Maire comme Mme Motin ont soulevé des
questions importantes.
M. Maire estime qu’il faudrait choisir entre
le maintien des droits et la résorption des inégalités. Puisque notre système de
retraite a été dégradé, nous proposons au contraire de garantir le niveau des
droits tout en résorbant des inégalités inacceptables du système actuel. La
prétendue opposition entre les deux ne tient pas ! Il faut être plus
dialectique ; c’est ce que nous vous reprochons de ne pas faire. Vous
refusez d’accroître la part globale des richesses produites consacrée aux
retraites, ce qui vous contraint à la contradiction que vous soulignez. Nous
avons là un sujet de débat qu’il faut reconnaître ; discutons-en dans cette
enceinte.
Quant aux garanties prétendument formidables annoncées par le
texte, elles n’existent pas ! Vos annonces ne sont que du trompe-l’œil, du
faux-semblant et des slogans. M. Vallaud comme M. Woerth l’ont
montré.
Mme Cendra
Motin. M. Vallaud n’a rien montré, il s’est contenté
d’affirmer.
M. Pierre
Dharréville. Il faut clarifier les choses et arrêter d’user de
faux-semblants et de slogans qui trompent les Françaises et les Français. Ce
texte ne comporte d’autre garantie que la règle d’or, c’est-à-dire le respect
d’équilibres macro-économiques que vous avez prédéterminés, dont la variable
d’ajustement sera le niveau des pensions individuelles distribuées et l’âge de
départ, de plus en plus tardif. Telle est la logique profonde de votre système.
Le reste n’est qu’arguties trompeuses. (Mme Elsa Faucillon
applaudit.)
M. le
président. Le sous-amendement no 41811 de M. Pierre
Dharréville est défendu.
La parole est à M. Adrien Quatennens, pour
soutenir le sous-amendement no 42324.
M. Adrien
Quatennens. Il a souvent été affirmé que les femmes seraient les grandes
gagnantes de cette réforme. Visiblement, elles n’en sont pas tout à fait
conscientes puisqu’elles sont nombreuses à la refuser et se mobilisent pour cela
jusqu’aux portes de l’Assemblée nationale. (Protestations sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
Pourquoi les femmes ne seront-elles pas les
grandes gagnantes mais plutôt les grandes perdantes de la réforme ? D’abord
du seul fait de la modification du calcul des pensions : les femmes seront
les premières à pâtir du passage d’un calcul fondé sur les vingt-cinq meilleures
années dans le privé, et sur les six derniers mois dans le public, à un calcul
fondé sur l’ensemble de la carrière.
M. Jean-Luc
Fugit. Mais non !
M. Adrien
Quatennens. En effet, les femmes représentent une proportion
considérable des titulaires de contrat de travail précaires ; 80 % des
postes à temps partiel, notamment, sont occupés par des femmes. Par ailleurs,
les femmes gagnent en moyenne 25,7 % de moins que les hommes. Nous avons eu
l’occasion de vous répéter à plusieurs reprises que notre souhait n’est pas
d’instaurer un âge d’équilibre financier, comme vous le faites, mais un âge
d’équilibre personnel, qui permette de partir en retraite à un âge décent
– 60 ans –, avec un bon niveau de pension. Or figurez-vous, chers
collègues, qu’à court terme, le financement de la retraite à 60 ans pour
toutes et tous passe par l’égalité salariale entre les femmes et les hommes,
grâce aux cotisations sociales supplémentaires induites.
Lorsqu’il s’agit
de faire des cadeaux à quelques-uns, les plus riches, vous êtes toujours très
généreux, mais quand il s’agit d’en faire au bas peuple, et pourquoi pas aux
femmes, vous l’êtes beaucoup moins !
Mme Cendra
Motin. Vous qualifiez les femmes de bas peuple !
M. Adrien
Quatennens. Prenons l’exemple de la majoration de pension pour les
enfants : vous vantez votre réforme en soulignant qu’il ne sera plus
nécessaire d’avoir trois enfants pour en bénéficier, et que cette majoration
sera attribuée dès le premier. Certes, mais la majoration de 10 % passe à
5 % et pourra être, à la discrétion du couple, attribuée à l’homme ou à la
femme. (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme Cendra
Motin. Le système de majoration actuel est moins favorable !
M. Adrien
Quatennens. Mais, dans la mesure où les hommes perçoivent en général des
rémunérations supérieures, dans les couples hétérosexuels, il existe de grands
risques que les femmes ne soient en réalité pénalisées !
M. le
président. Le sous-amendement no 41806 de
M. Sébastien Jumel est défendu.
La parole est à M. Adrien
Quatennens, pour soutenir le sous-amendement no 42325.
M. Adrien
Quatennens. Je saisis l’occasion de m’exprimer de nouveau pour
développer mon raisonnement, car deux minutes n’y suffisent pas. J’en viens à la
valeur du point, en réponse notamment à notre collègue Motin, et je
prendrai à témoin les Français qui suivent nos débats.
Depuis que nous
avons affirmé – ce que je confirme – que votre réforme provoquera une
baisse généralisée du niveau des pensions ou un décalage de l’âge d’équilibre,
ce qui revient au même, un nouvel élément de langage a été mis en avant par les
députés du groupe La République en marche : la valeur du point serait
garantie. Mais le texte, mes collègues l’ont souligné avec raison, ne contient
pas de garantie ; et, quoi qu’il soit, la valeur du point n’offre aucune
garantie quant au niveau des pensions.
Il existe en effet deux valeurs,
celle d’acquisition et celle de service, entre lesquelles se fera l’ajustement
de l’âge d’équilibre et du coefficient de conversion. Il est clair que vous
visez l’équilibre financier sans consacrer une part plus importante de richesses
aux retraites. Il n’existe donc qu’une seule variable possible, le niveau des
pensions, à moins de compter sur une croissance incroyable – qui ne serait
pas responsable au vu du changement climatique. Cette réforme prépare donc bien
la baisse généralisée du niveau des pensions et toutes ces arguties sur la
valeur du point ne sont pas nécessaires : elle n’offre aucune garantie
quant au niveau des pensions.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et sur les
sous-amendements ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Des garanties sont
bien prévues, à l’article 55 du projet de loi ordinaire et à
l’article 1er du projet de loi organique : les pensions ne
peuvent pas baisser, la valeur du point sera fixée sur l’évolution des revenus
d’activité – qui ne pourra pas être inférieure à l’inflation – et la
gouvernance du système sera confiée aux partenaires sociaux.
S’y ajoutent
la hausse du minimum contributif de pension à 1 000 euros puis à
85 % du SMIC dès 2025 ; la garantie des droits acquis dès la première
heure ; la suppression de l’âge de décote ; l’ouverture de nouveaux
droits sociaux ; le déplafonnement des points pour les travailleurs
poly-exposés ; les pensions de réversion proratisées pour les personnes
divorcées, etc. J’espère que nous pourrons en venir le plus rapidement possible
au fond des articles pour pouvoir discuter de l’ensemble des garanties que le
système universel de retraite offrira.
J’émets un avis défavorable sur
l’amendement et les sous-amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du
groupe LaREM.)
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il est également
défavorable.
Monsieur Woerth, monsieur Vallaud, le nouveau système
garantit bien la solidarité. Nous l’avons écrit et pourrons discuter, lors de
l’examen du titre III, de dispositions concrètes en ce sens. Notre
discussion très longue sur les principes généraux ne favorise pas l’étude de
fond des sujets. Or, s’agissant de la solidarité, qu’y a-t-il de mieux que de
parler des droits familiaux, de la reconversion, des droits conjugaux, de la
possibilité de partir plus tôt à la retraite dans le cadre des mesures liées à
la pénibilité, ou encore de la retraite progressive ? Parlons de la vie
concrète des Français ! C’est ce qui est attendu de nous.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Mais oui !
M. le
président. La parole est à Mme Nathalie Elimas.
Mme
Nathalie Elimas. J’aimerais réagir à ce qui a été dit des droits
familiaux et de l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Vous avez
raison, chers collègues, de souligner l’existence d’une inégalité salariale
– qui s’établit à environ 23 % à l’heure actuelle. N’oublions pas,
toutefois, que notre majorité a déjà formulé des propositions à ce sujet. En
témoigne notamment la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel,
qui inclut des mesures destinées aux entreprises : un indicateur, un délai
de trois ans imparti aux entreprises atteignent l’égalité salariale,
l’obligation de dédier au rattrapage salarial une enveloppe dont l’emploi sera
soumis à un contrôle. Il est donc faux de prétendre que rien n’a été
fait.
S’agissant des droits familiaux, votre raisonnement n’est pas le
bon. Vous dites que nous prétendons faire mieux pour les femmes, mais qu’en
réalité nous faisons moins bien. Pas du tout ! Je vous rappelle que le
projet de loi prévoit une bonification de 5 % dès le premier enfant, puis à
nouveau au deuxième enfant, et encore une majoration au troisième enfant.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Mme Olivia
Gregoire. Eh oui !
Mme
Nathalie Elimas. Il est vrai que pour le troisième enfant, on peut se
poser des questions. C’est pourquoi nous espérons arriver rapidement à
l’article 44 du projet de loi (Applaudissements sur les bancs des
groupes MODEM, LaREM et UDI-Agir), afin d’en discuter avec vous, monsieur le
secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général. En effet, sur le troisième
enfant, notre groupe a des propositions à formuler – nous en avons déjà
discuté. Il faudrait aussi faire davantage dès le deuxième enfant, car le taux
de natalité est bien trop faible dans notre pays, ce qui est un problème.
M. Philippe
Vigier. Très bien !
Mme
Nathalie Elimas. Notre politique familiale doit être dynamique et
ambitieuse : c’est pourquoi nous proposerons qu’une bonification
supplémentaire s’applique aux femmes à partir du deuxième enfant.
Je ne
peux pas vous laisser dire que nous faisons moins bien. Au contraire, nous
faisons beaucoup mieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.) Nous accompagnons les femmes dès leur premier enfant et prenons en
charge intégralement leur maternité. Oui, monsieur Quatennens, cette réforme est
favorable aux femmes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes
MODEM, LaREM et UDI-Agir.)
M. le
président. Sur l’amendement no 23855 et les
sous-amendements nos 41803 et 41811, je suis saisi par le groupe
de la Gauche démocrate et républicaine de demandes de scrutins
publics.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. David Habib.
M. David
Habib. Monsieur le rapporteur général, vous avez parfaitement mesuré
l’importance de notre amendement concernant les garanties inscrites dans la loi.
Si nous vous demandons aujourd’hui des garanties, c’est parce que personne ne
vous croit dans le pays (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe
LaREM), ni au Conseil d’État, ni parmi les plus grands observateurs qui
analysent votre projet de loi. Personne ne vous croit non plus dans le monde
syndical.
Mme Olivia
Gregoire. Quelles conclusions hâtives !
M. David
Habib. Nous avons également demandé la création d’une commission
d’enquête permettant de vérifier la qualité de l’étude d’impact produite à
l’appui de ce texte. Je veux appeler votre attention sur ce point, monsieur le
président, car vous avez participé à la conférence des présidents, comme moi et
comme le président Vigier, qui se trouve également dans l’hémicycle. Vous avez
donc entendu la réponse du président Ferrand, qui nous a dit qu’il avait saisi
Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Cendra
Motin. C’est la procédure !
M. David
Habib. Je crois que Boris Vallaud a interrogé Mme la garde des
sceaux,…
M. Boris
Vallaud. Exactement ! Je l’ai fait hier midi : elle n’avait
toujours rien reçu.
M. David
Habib. Mme la garde des sceaux lui a répondu qu’elle attendait
d’être saisie par le président de l’Assemblée nationale.
M. Boris
Vallaud. C’est cela !
M. David
Habib. Nous voudrions donc savoir qui dit vrai. Un courrier a-t-il été
adressé à la garde des sceaux ? Cette dernière dissimule-t-elle une réponse
afin que nos débats se tiennent, selon elle, dans les meilleures
conditions ? Qu’en est-il exactement ? Puisque c’est vous qui présidez
nos débats ce matin, monsieur le président, je vous demande de bien vouloir
saisir le président Ferrand et de nous faire savoir où en sont les choses. Nous
avons besoin de créer cette commission d’enquête pour y voir clair. Les Français
l’attendent, nous l’attendons.
M. Alain
Bruneel. Bravo !
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Il n’y a que vous qui
l’attendez !
M. le
président. Je me ferai l’écho de votre requête auprès du président de
l’Assemblée nationale. Il me semble d’ailleurs que cette demande a déjà été
formulée en conférence des présidents.
La parole est à M. Pierre
Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Permettez-moi d’insister sur la demande que vient de
formuler notre collègue David Habib. Nous avons besoin d’une
réponse !
J’aimerais repréciser le fonctionnement de votre système.
Dans le cockpit, vous aurez cinq leviers pour ajuster le niveau des pensions et
les dépenses relatives aux retraites : la valeur d’achat du point, que vous
pourrez faire fluctuer au moins jusqu’en 2045 ; la valeur de service du
point, dont la différence par rapport à la valeur d’achat déterminera le taux de
rendement de la cotisation ; l’âge de départ à la retraite, qui reculera au
fur et à mesure des générations ; la décote, que vous avez fixée
initialement à 5 % par année avant l’âge de départ à taux plein mais qui
pourra évoluer au fil du temps ; l’indexation des pensions, garantie pour
le moment au niveau de l’inflation, selon les intentions que vous avez
affichées, et non au niveau de l’évolution du salaire moyen.
Il faut
repréciser ce dernier point, car nous entendons des choses assez approximatives
à ce sujet. Dans le projet de loi, vous vous offrez même la possibilité de
déroger à l’indexation des pensions sur l’inflation. C’est d’ailleurs ce que
vous avez fait à plusieurs reprises depuis que vous êtes arrivés au pouvoir en
2017 – ce sont les premières mesures que vous avez prises en matière de
retraites, ce qui nous donne une indication quant à vos intentions futures. Ne
venez donc pas nous raconter des histoires sur les garanties existantes !
Vous êtes incapable, monsieur le secrétaire d’État, de vous engager sur un taux
de remplacement dans le cadre du système que vous nous proposez.
M. David
Habib. Exactement !
M. Pierre
Dharréville. C’est pourtant l’essentiel. Engagez-vous sur un taux de
remplacement ! Donnez-nous des tableaux précisant le taux de remplacement
génération par génération !
M. Éric
Woerth. Nous pourrions aussi parler du taux de remplacement des
ministres ! (Sourires.)
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. À l’appui de l’amendement et des sous-amendements, j’abonde
dans le sens des propos de M. Dharréville. Monsieur le secrétaire d’État,
si vous ne pouvez pas garantir un taux de remplacement, c’est à cause du cadre
que vous fixez, à savoir l’équilibre financier à condition ne pas consacrer une
part de richesse plus importante aux retraites, dans un contexte démographique
qui verra augmenter la part des seniors dans la population. On comprend donc
pourquoi vous ne pouvez pas vous engager sur un taux de remplacement : ce
dernier sera précisément, pour vous, une variable d’ajustement.
Je veux
répondre à Mme Elimas sur la question des femmes. Si les femmes sont les
grandes gagnantes de ce texte, comme vous le répétez sans cesse, elles ne l’ont
toujours pas compris. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Mme
Nathalie Elimas. Si, elles l’ont parfaitement compris ! C’est vous
qui ne comprenez pas !
M. Adrien
Quatennens. Soyons clairs ! Ce matin, dans notre hémicycle,
Mme Elimas adresse à toutes les femmes qui se mobilisent depuis des mois à
l’extérieur le message suivant : « Vous n’avez pas compris la réforme,
il faut que nous fassions plus de pédagogie. » (Mêmes
mouvements.)
Mme
Nathalie Elimas. C’est à vous que je le dis !
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Il n’y a que les femmes de la France
insoumise qui ne l’ont pas comprise !
M. Adrien
Quatennens. Les femmes ont bien compris pourquoi elles seraient les
grandes perdantes de la réforme.
Mme Nathalie
Elimas et Mme Isabelle Florennes. Vous n’avez décidément rien
compris !
M. Adrien
Quatennens. Si la situation va se dégrader, c’est parce que vous faites
le pari d’une contraction de la part de la richesse nationale consacrée aux
retraites. En réalité, le fait de s’en remettre à la seule accélération de la
croissance pour augmenter la part des richesses consacrée aux retraites pose
deux problèmes. Tout d’abord, toutes les projections économiques indiquent qu’il
est assez peu probable que la croissance augmente suffisamment pour absorber la
hausse de la part des seniors dans la population de notre pays. Et quand bien
même, vous qui en appelez régulièrement à la responsabilité vis-à-vis des
générations futures – le sujet de l’équilibre financier vous inquiète et
vous dites souvent que vous ne voulez pas laisser de dettes à vos
enfants –, que faites-vous de la dette écologique ?
Mme
Isabelle Florennes. Cela n’a rien à voir !
M. Adrien
Quatennens. Croyez-vous véritablement qu’un modèle encore fondé sur le
pari d’une croissance infinie permettant de soutenir le financement des
retraites soit raisonnable pour les générations futures ? Évidemment, il ne
l’est pas ! (M. François Ruffin applaudit.)
Mme
Isabelle Florennes. Vous dites tout le temps la même
chose !
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. Nous discutons d’un sujet essentiel, qui est peut-être l’une des
seules grilles de lecture pertinentes de ce texte. Un système de retraite doit
permettre d’assurer le paiement des pensions de manière lisible pour les
décennies à venir. Dès lors que l’on change totalement la donne, dans le cadre
d’une réforme systémique, il est nécessaire de s’intéresser de près à cette
question.
En matière de financement et de versement des pensions, la
seule garantie que nous ayons est la règle d’or qui figure dans le projet de loi
organique.
M. Pierre
Dharréville. Eh oui !
M. Stéphane
Viry. Cette règle d’or est certes posée, mais sans aucune modalité
d’application, sans aucune contrainte. Vous conviendrez que cette garantie est
trop mince pour nous permettre de délibérer et de légiférer avec certitude. Pour
le reste, nous n’entendons que des intentions ou des déclarations. Ce qui me
perturbe, c’est l’absence de réponses concrètes sur des projections de vie ou
sur un taux de remplacement. La retraite n’est que l’aboutissement d’une
carrière professionnelle, et une femme ou un homme a besoin de connaître les
modalités de cet atterrissage. Or, après deux ans de travail d’un
haut-commissaire, vous êtes incapables de nous indiquer ce qu’il en est
concrètement.
Je vais reprendre les propos de notre collègue Nathalie
Elimas : la politique familiale est essentielle, les droits familiaux sont
essentiels car la France dévisse dans ce domaine.
Mme
Nathalie Elimas. Très bien !
M. Stéphane
Viry. Depuis trop d’années, la France régresse en matière de politique
familiale. Si nous voulons avoir une démographie dynamique, si nous voulons
renforcer la natalité, nous devons savoir où nous allons.
(Mme Nathalie Elimas applaudit.) Il faut que les
couples puissent se positionner. Or, sur ce sujet, nous n’avons absolument
aucune garantie.
Mme
Nathalie Elimas. Si !
M. Stéphane
Viry. Chaque jour, nous recevons des courriers d’associations qui
veulent nous mobiliser parce qu’elles estiment que ce texte est régressif.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41803.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 83
Nombre
de suffrages
exprimés 75
Majorité
absolue 38
Pour
l’adoption 16
Contre 59
(Le sous-amendement no 41803 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41811.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 80
Nombre
de suffrages
exprimés 73
Majorité
absolue 37
Pour
l’adoption 15
Contre 58
(Le sous-amendement no 41811 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 42324, 41806 et
42325, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 23855.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 84
Nombre
de suffrages
exprimés 84
Majorité
absolue 43
Pour
l’adoption 26
Contre 58
(L’amendement no 23855 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 23967, qui
fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. Boris
Vallaud, pour soutenir l’amendement.
M. Boris
Vallaud. Il vise à insérer dans le code de la sécurité sociale l’article
suivant : « La Nation garantit, pour tous les assurés, la clarté et la
prévisibilité de toute réforme relative aux retraites. »
Au vu de
l’appréciation rendue par le Conseil d’État sur la clarté, qui est pourtant l’un
des objectifs de cette réforme affichés par le Gouvernement, nous pouvons
nourrir de gros doutes à cet égard. En réalité, le niveau des pensions dépendra
essentiellement de la règle d’or, de la règle d’équilibre, qui n’est pas
seulement une règle financière, mais également une règle qui s’imposera à
n’importe lequel des droits sociaux consacrés. Il nous paraît donc utile de
plaider en faveur de la clarté et de la prévisibilité, qui ne sont pas du tout
au rendez-vous de la réforme actuelle.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41842.
M. Pierre
Dharréville. L’un des principaux arguments employés pour disqualifier,
discréditer ou dénigrer le système actuel a été son imprévisibilité : il
serait trop difficile d’y voir clair. Au contraire, vous nous vantez les
mérites, du point de vue de la prévisibilité, du nouveau système par points que
vous nous proposez. Or vous êtes incapables de faire quelque prévision que ce
soit, de nous dire précisément à quoi va aboutir, en matière de droits et de
taux de remplacement, la proposition que vous nous faites. Tout cela confirme
que votre projet de loi est une vaste entourloupe, une arnaque. Le système que
vous proposez est encore moins prévisible et moins lisible que celui qui existe
aujourd’hui.
J’ajoute, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez
annoncé un simulateur, qui sera mis à disposition une fois que nous aurons voté
votre texte. Il s’appuiera sur une base de données déjà constituée, qui
fonctionne déjà aujourd’hui pour le système actuel. C’est cela, la vérité des
prix !
M. Boris
Vallaud. Eh oui !
M. Pierre
Dharréville. Aujourd’hui, nous pouvons savoir ce qui nous attend.
Évidemment, les carrières sont complexes, ce qui nécessite un certain nombre de
calculs pour savoir exactement quels seront nos droits, mais nous pouvons dès
aujourd’hui nous renseigner sur la pension à laquelle nous pourrons prétendre si
notre carrière se déroule comme nous l’imaginons.
Ainsi, la base de
données existe déjà, et c’est sur cette base que vous allez vous appuyer pour
construire prochainement votre simulateur. Vous êtes donc en train de nous mener
en bateau. Vous nous donnez des explications qui servent à justifier votre
mauvaise mesure, mais qui ne permettent même pas de masquer l’illisibilité et
l’imprévisibilité du nouveau système. Demain, nous saurons encore moins
qu’aujourd’hui quel sera le niveau de nos pensions.
M. Alain
Bruneel. Bravo !
M. le
président. Les sous-amendements nos 41845 et 42326 sont
identiques.
La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir le
sous-amendement no 41845.
Mme Elsa
Faucillon. Le problème est double : non seulement votre projet de
loi n’offre pas de garanties, mais, en outre, seules 93 des
1 024 pages que compte votre prétendue étude d’impact méritent ce nom.
En outre, même les cas-types qui y sont étudiés ne prouvent pas la réalité des
slogans qui font des femmes les grandes gagnantes de la réforme, les femmes en
étant quasiment absentes, excepté une infime minorité d’entre elles.
Le
problème est tel que même Antoine Bozio, l’économiste qui a inspiré votre projet
de réforme, dit que l’étude d’impact pas plus que le projet de loi n’apporte de
réponses à des questions aussi essentielles que les effets redistributifs de
votre contre-réforme. Autrement dit, et puisque M. Maire vient de nous expliquer
que certains allaient y perdre, qui va être privilégié, les bas salaires ou les
hauts salaires ? Notre conviction est que tout le monde va y perdre, et
surtout les bas salaires.
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le
sous-amendement no 42326.
M. François
Ruffin. Clarté et prévisibilité : c’est en effet ce que l’on serait
en droit d’attendre. C’est tout le problème du texte que nous examinons
aujourd’hui. Si le Conseil d’État avait jugé que tout roulait, nous n’en serions
pas à essayer de construire un système de retraite sur un socle qui paraît bien
miné. Mais quand l’avis du Conseil d’État critique des projections financières
lacunaires, une étude d’impact insuffisante, le flou entourant l’âge de départ à
la retraite, le taux d’emploi des seniors ou les dépenses de l’assurance
chômage, la discussion est pour le moins mal engagée. De même, quand le Haut
Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes dit qu’on ne sait pas ce que
cela va donner à la sortie, on voit qu’il y a un problème.
Par quel jeu
de bonneteau prétendez-vous garantir que le niveau des pensions sera stable
alors que la part des retraites doit passer de 14 % du PIB à 12,8 %
pour des centaines de milliers de retraités supplémentaires ? Comment
faites-vous ?
M. Frédéric
Petit. C’est une règle de trois !
M. François
Ruffin. Si c’est une règle de trois, elle est incompréhensible, sauf
pour Axa ou l’ANPERE, l’association nationale pour la prévoyance, l’épargne et
la retraite. (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Un
conseiller Axa me l’a confirmé au téléphone :…
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Combien ils vous paient, chez
Axa ?
M. François
Ruffin. …selon lui, l’instauration de la retraite par points se
traduirait nécessairement par une baisse du niveau des pensions, et pas
seulement des fonctionnaires. Même si c’étaient eux qui supportaient tout le
poids politique de la réforme, ce serait aussi vrai pour les salariés du privé.
Et de vouloir me vendre dans la foulée un contrat d’épargne retraite, qui était,
me dit-il, la solution la plus simple depuis la loi PACTE, avec en outre une
petite déduction d’impôt – c’est toujours bon à prendre !
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
On voit qu’Axa,
l’ANPERE et BlackRock ont bien compris que votre réforme conduirait à une baisse
du niveau des pensions de retraite…
M. le
président. Monsieur Ruffin, je vous remercie…
M. François
Ruffin. …qu’ils vous proposent de compenser par la souscription d’une
assurance privée et de la capitalisation.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Bruno Fuchs, pour un rappel au
règlement.
M. Bruno
Fuchs. Il se fonde sur l’article 58 du règlement.
Cela fait
plusieurs jours que nous entendons M. Ruffin faire une promotion éhontée d’Axa
et de BlackRock. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et
LaREM.) J’en appelle donc au déontologue : je pense qu’il y a un accord
particulier entre M. Ruffin et Axa. (Applaudissements sur les bancs des
groupes MODEM et LaREM. – Vives protestations sur les bancs des groupes FI et
GDR.)
M. Pierre
Dharréville. Ne jouez pas à ça, ou vous allez avoir des
problèmes !
Mme Elsa
Faucillon. Ce n’est pas malin !
M. Pierre
Dharréville. Attention à l’effet boomerang !
Fait personnel
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin, pour un fait
personnel.
M. François
Ruffin. Sur le fondement de l’article 58 du règlement, monsieur le
président. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
Vous ne pouvez pas porter d’accusations d’une telle nature
alors qu’on ne peut trouver trace du moindre lien entre moi et Axa – ce qui
n’est pas vrai de tous les membres de cette assemblée, notamment parmi les
rapporteurs ! Si vous voulez aller sur ce terrain-là, on peut y aller plus
directement ! Moi, je n’ai aucune action chez Axa ! Je n’ai jamais
travaillé chez Axa ! Une telle mise en cause est totalement déplacée venant
de vos bancs ! (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Deuxièmement, qui a donné les clés de l’Élysée à BlackRock,
sinon vous ? (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. Monsieur Ruffin,…
M. François
Ruffin. Non, je n’ai pas terminé !
M. le
président. …vous êtes censé protester contre un fait personnel, pas
lancer de nouvelles accusations à la volée ! Finissez sur le fait
personnel.
M. François
Ruffin. Que l’on démontre donc qu’il y a un quelconque lien entre moi et
Axa, BlackRock, l’ANPERE et compagnie !
Article 1er (suite)
M. le
président. Les sous-amendements nos 41848 et 42329 sont
identiques.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour
soutenir le sous-amendement no 41848.
M. Pierre
Dharréville. Je confirme que M. Fuchs ne devrait pas s’amuser à jouer à
ce jeu : gare à l’effet boomerang !
Cela étant dit, je voudrais
revenir à la question de la prévisibilité, de la clarté et de la lisibilité du
système. J’ai déjà expliqué que les indicateurs existent déjà. En outre, la
promesse de lisibilité que vous affichez est contredite par l’instabilité du
niveau des pensions de retraite et de l’âge de départ que vous organisez :
tout cela va fluctuer en permanence, de sorte que l’on ne saura à quoi on aura
droit qu’au moment de liquider sa retraite. C’est ce qui est indiqué dans votre
projet de loi : on pourra reculer à tout moment l’âge de départ à la
retraite, ainsi que faire varier la valeur d’acquisition et de service du point.
La décote elle-même pourra évoluer. On n’est même pas certain de l’évolution des
pensions une fois qu’elles auront été servies – vous me direz que c’est
déjà le cas depuis que vous les avez indexées à deux ou trois reprises.
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM. – M. Julien
Aubert s’exclame.)
Je vous suggère donc de remettre dans votre poche
l’argument de la lisibilité, qui n’est que du marketing.
M. le
président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le
sous-amendement no 42329.
M. Bastien
Lachaud. Nous avons eu hier un échange intéressant avec le rapporteur et
le secrétaire d’État sur l’opportunité de limiter à 13 % la part des
retraites dans le PIB. On m’a opposé, pour justifier ce choix, que le PIB
croissant sans interruption depuis quarante ans, excepté en 1993, il n’y avait
pas de raison que cela ne continue pas. J’entends l’argument ; mais, pour
moi, ce qui est arrivé dans le passé n’est pas la garantie de ce qui arrivera.
Par ailleurs, on est incapable aujourd’hui de prévoir ce que sera la croissance
dans un an, comme le montrent clairement la surestimation constante des
hypothèses de croissance sur lesquelles se fonde le vote du budget et la
nécessité systématique d’un rattrapage.
Surtout, l’hypothèse d’une
croissance infinie dans un monde fini est en elle-même problématique, comme le
souligne dans une tribune publiée aujourd’hui par un millier de scientifiques
– océanographes, biologistes, climatologues, sociologues, astrophysiciens,
agronomes, etc. Ce qu’ils y disent est très intéressant : « Notre
gouvernement se rend complice de cette situation en négligeant le principe de
précaution et en ne reconnaissant pas qu’une croissance infinie sur une planète
aux ressources finies est tout simplement une impasse. [Ses] objectifs de
croissance sont en contradiction totale avec le changement radical de modèle
économique et productif qu’il est indispensable d’engager sans délai. » Et
de dénoncer « l’inconséquence et l’hypocrisie de politiques qui voudraient
d’un côté imposer la sobriété aux citoyens tout en promouvant de l’autre un
consumérisme débridé et un libéralisme économique inégalitaire et
prédateur ».
Alors que 1 000 experts du climat nous
expliquent qu’il faut changer le paradigme de notre société, vous reconnaissez
qu’une réforme des retraites appelée à s’appliquer sur des générations repose
sur l’hypothèse d’une croissance infinie. Nous aurons donc le choix entre la
baisse du niveau de nos pensions et la destruction de l’humanité. Belle
alternative ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
M. le
président. Les sous-amendements nos 41851 et 42327 sont
identiques.
Le sous-amendement no 41851 de
M. Sébastien Jumel est défendu.
La parole est à M. Adrien
Quatennens, pour soutenir le sous-amendement no 42327.
M. Adrien
Quatennens. Nous sommes en train de discuter, à l’initiative de nos
collègues socialistes, des garanties offertes par le projet de loi.
Tout
ce que celui-ci garantit, en réalité, c’est que le niveau des pensions baissera
et qu’il faudra travailler toujours plus longtemps. C’est ce qui justifie
l’interpellation répétée de mon collègue Ruffin : en effet, les seuls qui
se réjouissent de cette réforme des retraites, trop bruyamment à mon avis, ce
sont les assureurs, les banques et les fonds de pension, qui vont récupérer une
part du magot de 300 milliards aux dépens de la sécurité
sociale.
Pas un matin ne se passe sans que nous soyons bombardés de
publicités pour les retraites par capitalisation. Si, suspendant la séance, nous
appelions ensemble un conseiller de chez AXA ou autre (Exclamations sur les
bancs du groupe LaREM) – on pourrait faire la publicité de tous
les autres aussi ! –, il nous recommanderait de saisir l’opportunité
qu’offre votre réforme de passer à des systèmes par capitalisation.
Je
profite de l’occasion pour réclamer des excuses pour les mises en cause
personnelles auxquelles nous avons assisté. Il vaudrait mieux que vous cessiez
de jouer à ce petit jeu : certains de ceux qui ont joué un rôle important
dans l’élaboration de cette réforme des retraites n’ont pas, contrairement à
M. Delevoye, oublié de déclarer les intérêts qui les lient à des assureurs
et à des banques qui en font la promotion, de sorte que ces liens sont de
notoriété publique.
Un député du groupe
LaREM. Des noms !
M. Adrien
Quatennens. Si vous tenez à vous engager sur un terrain aussi glissant,
allez-y, mais nous vous aurons prévenu qu’il valait mieux ne pas le faire, dans
votre propre intérêt !
Les deux questions fondamentales que les
Français se posent à propos des retraites sont relativement simples : à
quel âge pourrai-je partir et avec quel niveau de pension ? Vous êtes
incapables d’y répondre. À la première question, vous répondez que ce sera
64 ans pour le taux plein, alors qu’en réalité cet âge sera toujours
susceptible d’être repoussé. Quant au niveau de pension, il servira de variable
d’ajustement.
Nous, nous proposons des réponses claires. À quel âge je
pars ? Dès soixante ans. Pour quel niveau de pension ? Jamais
au-dessous du SMIC pour une carrière complète. Le financement de nos
propositions ne coûtera que deux petits points de PIB supplémentaires d’ici à
2040. Ce n’est rien comparativement à la part des richesses produites qui est
allée dans les poches du capital au détriment des travailleurs. Voilà le seul
débat de fond que nous devrions avoir sur cette réforme : celui du partage
des fruits de la production !
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Bruno Fuchs, pour un rappel au
règlement.
M.
Jean-Paul Lecoq. Encore ?
M. Alain
Bruneel. Obstruction !
M. Bruno
Fuchs. Si votre intervention est une menace, monsieur Quatennens, je
vous demande de bien vouloir la retirer. Quant à M. Ruffin, si je l’ai heurté,
je le prie sincèrement de m’en excuser : ce n’était pas le sens de mon
intervention. Je m’interrogeais simplement sur le fait que vous étiez les seuls
dans cet hémicycle à faire la promotion des fonds de pension et à parler
toujours des mêmes sociétés. Je vous demande simplement de nous dire la raison
de cette attitude.
J’aimerais bien que vous me répondiez sur la question
de la menace,…
Mme Sylvie
Tolmont. Et la vôtre ?
M. Bruno
Fuchs. …car je ne pense pas que ce soit le type d’attitude à avoir dans
cet hémicycle.
M. le
président. Vous n’allez pas entamer une partie de ping-pong.
M. Bruno
Fuchs. Je vous répondrai ensuite sur le fond, notamment sur l’indigence
de votre projet.
M. le
président. Mais pas maintenant.
M. Adrien
Quatennens. Je demande la parole, monsieur le président !
M. le
président. Pour quelle raison, monsieur Quatennens ?
M. Adrien
Quatennens. Pour apaiser nos débats et répondre à la question de M.
Fuchs !
M. le
président. Si c’est pour apaiser nos débats, je veux bien vous laisser
la parole…
M. Adrien
Quatennens. Monsieur Fuchs, vous m’avez demandé si c’était une
menace : c’est une mise en garde. Cela vous va, comme réponse ?
(Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. Je ne suis pas certain que cela soit de nature à apaiser le
débat, mais je vous remercie pour votre rappel au règlement…
M. Adrien
Quatennens. Loin de nous l’intention de faire la promotion de quelque
organisme que ce soit ; il se trouve que ces organismes font la promotion
de votre réforme des retraites.
M. le
président. Monsieur Fuchs, monsieur Quatennens, nous avons eu des
excuses d’une part, des clarifications de l’autre : je vous propose d’en
rester là.
M.
Sébastien Huyghe. Qu’ils aillent prendre un verre ensemble !
M. le
président. Vous pouvez en effet aller échanger à la buvette, comme notre
collègue le propose !
M. Julien
Aubert. À l’ancienne !
Article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 41852.
M. Alain
Bruneel. Le débat est important : il y va de la vision que vous
nous proposez de l’avenir du système universel de retraite. Or, une fois
invoqués les grands principes de solidarité, d’équité et de respect des
citoyens, vous nous laissez dans le flou le plus complet. Ce système ne comporte
aucun des nombreux repères qu’offre le système actuel, alors même que le Conseil
d’État vous a exhorté à être beaucoup plus précis sur divers points.
Deuxièmement, en prévoyant vingt-neuf ordonnances, vous interdisez à l’Assemblée
nationale de discuter de questions essentielles.
Votre texte ne précise
pas non plus ce qu’est une carrière entière, combien de mois, combien d’années
cela représente, notamment pour les personnes précaires. S’il s’agit de partir à
la retraite à 65 ou à 67 ans, voire plus tard, nous ne pouvons pas être
d’accord. Vous prétendez qu’il va manquer, sinon, 12 milliards en 2025,
mais il existe d’autres solutions pour remplir les caisses, comme l’égalité des
salaires entre les hommes et les femmes, qui rapporterait 6,5 milliards par
an, l’augmentation des salaires ou la taxation du grand
capital.
M. le
président. Les sous-amendements nos 41854 et 42328 sont
identiques.
L’amendement no 41854 de M. Sébastien
Jumel est défendu.
La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir
le sous-amendement no 42328.
Mme Sabine
Rubin. L’étude d’impact indique, en page 309, que « la formule
de calcul d’une retraite du système universel sera donc : nombre total de
points x valeur de service x coefficient d’ajustement ». Mais
comment cette formule permettrait-elle de prévoir sa retraite quand
l’article 8 du projet de loi suggère que les points de solidarité seront
attribués au petit bonheur la chance ? L’article 9 révèle quant à lui
que la valeur de service est inconnue et intègre un indicateur restant à
construire, et l’article 10 précise que le coefficient d’ajustement n’est
pas encore connu et sera fixé par décret. C’est une équation à trois
inconnues ! En matière de prévisibilité, on fait mieux !
Le
brouillard s’épaissit plus encore quand on sait, comme l’a rappelé mon collègue
Bastien Lachaud, que ce calcul est subordonné à la fameuse règle d’or, elle-même
subordonnée au taux de croissance. Comment avoir une visibilité à quarante ans,
dès lors qu’elle fait défaut à un an ?
L’amendement de nos collègues
socialistes a le mérite de vous pousser dans vos retranchements : il
démontre que votre recette est illisible. Dans votre bouche, la prévisibilité a,
comme souvent, un goût de novlangue !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir le
sous-amendement no 42176.
M. Pierre
Vatin. Il traite du financement des retraites. La conférence de
financement se déroule comme elle peut, et certains ont déjà quitté la table des
discussions.
M. Jacques
Maire. Mais non !
M. Pierre
Vatin. On peut donc se demander comment l’on parviendra à des solutions
qui rassemblent vraiment – car c’est là l’enjeu essentiel. Malheureusement,
votre réforme des retraites ne suscite aucun rassemblement. Quelle sera la
situation financière du nouveau régime universel et des régimes spécifiques que
vous inventez ? Quelles conséquences aura le nouveau système sur le budget
de l’État et sur le déficit budgétaire ? Nous ne disposons d’aucun élément
en la matière.
M. le
président. Sur les sous-amendements identiques nos 41845
et 42326, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de
scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Sur les sous-amendements identiques nos 41848
et 42329, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de
scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Sur les sous-amendements identiques nos 41851
et 42327, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de
scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et sur les
sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. M. Bastien Lachaud nous a interrogés
sur les hypothèses de croissance et de partage du PIB qui sous-tendent les
calculs. Comme lui, je reconnais qu’une croissance infinie dans un monde fini ne
peut causer que des problèmes majeurs, notamment écologiques – nous en
voyons déjà les conséquences. Toute simulation se fonde sur des hypothèses de
croissance, partant d’une situation donnée. En l’occurrence, la simulation a
repris les hypothèses utilisées par le COR. Néanmoins, la majorité actuelle et
celles qui lui succéderont devront prendre toujours davantage en considération
les conditions environnementales de notre activité. J’invite les uns et les
autres à transformer le modèle de croissance pour le rendre plus économe dans
l’usage d’hydrocarbures et de matières premières, et plus protecteur de
l’environnement.
Quant à M. Quatennens – qui s’est absenté…
Mme Elsa
Faucillon. Ces sous-entendus sont insupportables, ça suffit ! Je
rappelle que le rapporteur a droit à un verre d’eau dans l’hémicycle,
contrairement à nous : nous pouvons bien sortir un instant !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ce n’était pas
méchant !
M. Quatennens, donc, a affirmé que, d’ici à 2040,
deux points de PIB permettraient de financer un système conjuguant un départ à
60 ans et des pensions d’un haut niveau. Mais, à PIB constant, si l’on
transfère deux points de PIB vers les retraites, cela obligera à couper dans
d’autres dépenses sociales ; c’est une question de cohérence.
M. François Ruffin.
Non, on peut agir sur les recettes !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. J’en viens à l’amendement proprement dit.
Puisque vous en appelez à une plus grande clarté du système de retraite et des
informations qui vous sont communiquées, permettez-moi de vous apporter quatre
précisions.
Tout d’abord, l’article 12 du projet de loi dispose que
chaque citoyen disposera en permanence d’un droit d’accès au nombre de points
qu’il a acquis et à des simulations propres à sa situation. Ce sera un élément
de clarté pour les futurs pensionnés. Du reste, il faut reconnaître que les
régimes actuels développent déjà des pratiques convergentes en ce sens, mais le
droit à l’information en matière de retraite sera simplifié.
Ensuite, la
simplification du calcul contribuera à une plus grande clarté. Un système
fonctionnant par points, quel que soit le métier exercé, est plus facile à
comprendre qu’un système mélangeant des points – comme certains régimes
actuels – et des trimestres – comme d’autres régimes –, sachant
que les systèmes de trimestres et de points diffèrent parfois d’un régime à
l’autre !
La gouvernance sera également simplifiée, et par
conséquent clarifiée. Elle sera unique, comparable à celle que pratique
aujourd’hui l’AGIRC-ARRCO, la caisse de retraite complémentaire des salariés du
privé. Elle sera donc bien plus lisible pour les pensionnés et pour l’opinion
publique que les quarante-deux gouvernances actuelles.
M.
Jean-Paul Lecoq. Tout ça pour masquer les baisses !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Enfin, le financement du dispositif sera
simplifié. D’une part, la contribution assurera les droits liés aux activités
professionnelles. Comme aujourd’hui, elle représentera 325 milliards
d’euros, soit trois quarts des dépenses totales de retraite – hypothèse
retenue par le rapport Delevoye. D’autre part, la solidarité reposera sur
l’impôt et relèvera du Fonds de solidarité vieillesse universel.
Les
outils et la gouvernance sont donc bien définis, et les droits seront plus
lisibles. Ce système sera plus facile à appréhender que le mélange de points et
de trimestres qui existe actuellement.
M.
Jean-Paul Lecoq. Et à la fin, ça fait combien par retraité ? La
clarté ne signifie pas une bonne retraite !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Mon avis est donc défavorable à cet
amendement et ses sous-amendements.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Défavorable.
Monsieur
Dharréville, vous avez mentionné le simulateur de retraite que le Gouvernement
mettra à la disposition de nos concitoyens – et je vous remercie d’en faire
la publicité.
M. Pierre
Dharréville. Il n’a rien de nouveau !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Comme vous l’avez précisé, il
reposera sur la base de données M@rel – ma retraite en ligne –
existante, mais sera beaucoup plus complet. Chacun de nos concitoyens pourra
effectuer une simulation intégrant son parcours personnel et les perspectives de
carrière qu’il envisage. Il connaîtra ainsi son niveau de retraite estimé,
intégrant l’ensemble des nouvelles dispositions que, je l’espère, vous voterez
dans le cadre de ce projet de loi.
Madame Rubin, vous avez salué
l’amendement de M. Boris Vallaud qui, selon vos termes, nous pousse dans
nos retranchements. Mais si c’est vraiment ce que vous voulez faire, il faudrait
que nous en venions au débat sur les aspects concrets du projet, même si
l’espèce de discussion générale qui a cours depuis quatre jours et demi sur le
titre Ier et sur les tout premiers alinéas du chapitre
Ier n’est pas sans intérêt intellectuel. (Applaudissements sur
quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Pierre
Dharréville. C’est vous qui avez écrit le texte, pas nous !
M.
Jean-Paul Lecoq. On a encore deux ans à passer ensemble !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’en viens aux questions de
financement soulevées par M. Vatin – dont je vois qu’il est assis à
côté du président de la commission des finances, Éric Woerth, ce qui évoque une
capillarité d’intérêts au sein du groupe Les Républicains… (Sourires.)
Nous avons annoncé d’emblée que nous travaillerions à enveloppe constante
– M. Jean-Paul Delevoye l’avait d’ailleurs rappelé. Il ne s’agissait
pas de susciter l’inquiétude, mais de montrer que nous visons une cohérence
budgétaire qui nous permettra de maîtriser nos actions et nos choix politiques.
À cet égard, nous assumons la redistribution vers les futurs retraités les plus
modestes et l’évolution significative des droits familiaux et des pensions des
femmes. Cette logique n’est pas inflationniste : nous garantissons
l’équilibre global de nos choix par un âge d’équilibre qui évoluera en fonction
de l’espérance de vie, sur le fondement des dispositions votées par votre
assemblée en 2003.
Nous respectons toujours cette exigence de cohérence
budgétaire et étudions les trajectoires décrites par le COR, déclinées en trois
options – je n’entrerai pas dans la technique, mais vous connaissez bien le
sujet, monsieur Vatin. Si le système actuel est maintenu en l’état, les dépenses
de retraite représenteront quelque 13 % du PIB, contre 12,9 % dans le
nouveau système à l’horizon 2050 : la part des retraites dans le PIB reste
quasiment la même.
Enfin, M. Bastien Lachaud m’a questionné au sujet
de la dynamique de croissance et des leviers permettant de la rendre plus
respectueuse de l’environnement et soucieuse des générations futures
– préoccupations que le rapporteur a dit partager. Je crois que nous
pouvons avoir une croissance utile et respectueuse. Dès à présent, la croissance
actuelle, qui est raisonnée, permet d’offrir de plus en plus d’emplois à un
nombre de plus en plus élevé de nos concitoyens.
M. Bastien
Lachaud. Oh non, pas ça !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous pouvons donc élaborer des
solutions efficaces, capables de redonner de l’espoir à nos concitoyens privés
d’emploi depuis trop longtemps.
En toute logique, un effondrement du PIB
ferait progresser mécaniquement la part des dépenses de retraite dans le PIB. Le
voilà, le jeu de bonneteau : vous pourriez alors dire, si vous étiez au
pouvoir, que vous avez tenu votre engagement d’accroître la part du PIB
consacrée aux retraites ! Je préfère défendre une vision plus positive et
dynamique de notre société (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM), une croissance raisonnée et respectueuse, de sorte que la richesse
produite reste grande et que la part des retraites dans le PIB puisse rester
d’environ 13 %. Peut-être saurons-nous nous accorder sur une vision
raisonnée de la croissance conjuguée à des perspectives économiques
dynamiques.
La gouvernance a été évoquée à plusieurs reprises, notamment
par MM. Boris Vallaud et Pierre Dharréville. On ne peut pas tout à fois
louer le fonctionnement de l’AGIRC-ARRCO,…
M. Pierre
Dharréville. Qui a dit cela ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …et décrier le modèle de
gouvernance que nous proposons, qui se rapproche justement de celui de
l’AGIRC-ARRCO !
M. Boris
Vallaud. Rien à voir !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Quand vous échangez avec les
partenaires sociaux, n’oubliez pas de leur dire tout le mal que vous pensez de
la gestion de l’AGIRC-ARRCO ! Il se trouve que je les rencontre, et vous ne
leur tenez apparemment pas ce discours.
M. Boris
Vallaud. Vous étiez à la première réunion de la conférence de
financement, oui ou non ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il faut avoir une vision
politique cohérente. J’en ai une : je défends la démocratie sociale. Ce que
font les partenaires sociaux au sein de l’AGIRC-ARRCO est raisonné et
raisonnable, soucieux de l’environnement, soucieux de l’avenir, soucieux des
générations futures. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM
et MODEM.) C’est une très bonne démarche, à préserver et à développer dans
le cadre de la gouvernance de demain.
M. le
président. La parole est à M. Julien Aubert.
M. Julien
Aubert. La question de la prévisibilité mérite d’être posée, car les
arguments défendus jusqu’ici ne sont pas pleinement convaincants. Au départ,
nous avons un problème d’équilibre du régime, un problème de 12 à
18 milliards d’euros. Vous l’avez transformé en une gigantesque réforme de
350 milliards d’euros. Qui plus est, d’après vos premières annonces, vous
voulez diminuer les recettes en débouclant de la solidarité nationale les
salaires les plus élevés, et augmenter les dépenses en accroissant les petites
retraites. Je suis très heureux de cette dernière mesure, mais il n’en reste pas
moins que vous voulez commencer à régler un problème de solde en augmentant le
déficit.
Vous nous avez expliqué que le débouclage des plus hauts
salaires était une bonne chose pour la répartition. Faites appel aux
mathématiques tant que vous le voulez : plus vous sortirez les plus riches
du système, plus vous serez obligés de répartir la pénurie entre ceux qui
restent, c’est-à-dire les moins riches.
M. Jacques
Maire. Il n’a rien compris !
M. Julien
Aubert. Ensuite, vous nous dites qu’il y aura une seule gouvernance. Au
fil du temps, on s’aperçoit que ce ne sera pas le cas, puisque vous avez par
exemple proposé aux avocats de conserver une espèce de statut sui generis au
sein du système. Vous m’aviez d’ailleurs expliqué, monsieur le secrétaire
d’État, que ce serait un grand système universel, mais recouvrant des
sous-enveloppes. En admettant qu’une gouvernance unique était possible, c’est
plutôt l’inverse qui se dessine aujourd’hui.
Enfin, nous n’avons même pas
de visibilité à court terme, puisque nous ne savons pas si vous allez recourir à
l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Lorsque je constate la
longueur des réponses du secrétaire d’État à propos des sous-amendements que
vous dénoncez par ailleurs, je me dis que si nous nous acheminons aussi
lentement vers le terme du débat, c’est peut-être parce que vous aussi laissez
filer le chronomètre. (M. Jean-Jacques Bridey
proteste.)
M. le
président. La parole est à M. Thierry Michels.
M. Thierry
Michels. On parle beaucoup de clarté et de lisibilité ; en effet,
il est important que les Français qui nous regardent soient rassurés concernant
l’apport de cette réforme.
Le premier point, c’est que chacun, grâce à un
compte personnel de points, pourra savoir à tout moment de quelle retraite il
disposera. Les salariés du privé, dont je faisais partie, connaissent bien la
question : l’AGIRC-ARRCO, qui assure aujourd’hui 40 % de leur
retraite, leur envoie chaque année un relevé de points permettant de voir
exactement où l’on en est. C’est vraiment très important de pouvoir ainsi se
projeter dans sa carrière, faire des choix professionnels et personnels, se
construire la retraite que l’on souhaite.
Le second point, dont nous
avons déjà parlé et sur lequel nous reviendrons lors de l’examen du
titre IV, c’est la gouvernance. Dans un système par répartition, le sort
des retraités est lié à celui des actifs. Il est important que les citoyens, les
partenaires sociaux, l’État, le Parlement soient associés au pilotage du
système. Celui-ci obéit à des règles d’or, des règles d’équilibre : il ne
s’agit pas de léguer aux générations futures les déficits que nous-mêmes
n’aurions pas réussi à gérer. La règle doit aussi être que la valeur de service
du point ne peut pas baisser. Qui peut prévoir ce qui se passera dans quarante
ans ? Il faut donc un système qui nous permette d’assurer cette
responsabilité collective, de garantir à nos aînés la retraite à laquelle ils
ont droit, et aux actifs celle à laquelle ils auront droit le moment venu.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Pierre
Dharréville. Alors il faut conserver le système actuel au lieu de le
casser !
M. le
président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Je profite de ce moment où l’on parle beaucoup des retraites des
femmes, d’une part, et de la confiance en la réforme, d’autre part. À la
page 93 du tome II de l’étude d’impact, vous expliquez fort bien que,
pour avoir une retraite à taux plein, une femme doit partir à 67 ans ou
avoir cotisé quarante-trois ans ; que 15 % des nouveaux retraités
doivent satisfaire à ces critères ; et que ces derniers concernent deux
fois plus de femmes que d’hommes.
Monsieur le secrétaire d’État, je
voudrais que nous réfléchissions une seconde à l’idée d’une carrière ascendante
pour une femme. Dans le privé, le calcul de la retraite se fait à l’heure
actuelle sur les vingt-cinq meilleures années, demain sur quarante ans. Quand on
a la chance de connaître une carrière ascendante, en prenant les vingt-cinq
meilleures années, vous supprimez les trous de la raquette – une femme qui
accueille un enfant au sein de son couple perd en général 5 % de salaire.
Est-on sûr que prendre en compte quarante années aboutira à un niveau de
retraite plus élevé ?
Par ailleurs, vous parlez d’un taux plein à
l’âge d’équilibre, 64 ou 65 ans. Très bien ; mais il faut rapporter ce
taux plein au niveau de réversion. Vous devez donc nous rassurer sur le fait que
ce taux plein à 64 ou 65 ans ne sera pas plombé par un taux de remplacement
plus faible que celui que nous connaissons. Merci de nous éclairer sur ces deux
points : ce sera le gage de notre confiance.
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Je voudrais d’abord rappeler à mes collègues que grâce à la
réforme constitutionnelle qui a redonné du pouvoir au Parlement et à ses
oppositions, la commission d’enquête, c’est vous qui la dirigerez.
(MM. Paul Christophe et Richard Ramos
applaudissent.)
M. Pierre
Dharréville. Merci, vous êtes trop bon !
M. Frédéric
Petit. Pour en revenir à la règle de trois, on nous répète qu’il y a un
blocage à 13 % du PIB. Mais n’importe quel élève de CE1 saurait que, si une
quantité double, 13 % de cette quantité double aussi. Ce qu’il faut
regarder, c’est le rapport entre l’augmentation du PIB et celle du nombre de
retraités, qui sera en gros de 40 %, passant donc de 16 % à 23 ou
24 % du total. Quand on veut faire des choses durables, il faut prendre en
compte tous les paramètres. Quelles que soient notre croissance, l’évolution de
notre société, de notre démographie, les projections actuelles garantissent que
le nombre de retraités augmentera beaucoup moins que le PIB.
M. Adrien
Quatennens. Vous pensez que la croissance va augmenter ? Mais vous
êtes fou !
M. Frédéric
Petit. Rester à 13 % reviendra donc à être moins nombreux pour se
partager un plus gros gâteau.
M.
Jean-Paul Lecoq. Qu’est-ce que vous en savez ?
M. Frédéric
Petit. Enfin, contrairement à ce que j’ai entendu dire à la gauche de
l’hémicycle, ce n’est pas en ce moment que le débat est important : il le
deviendra dans quelques milliers d’amendements, quand vous nous laisserez
aborder les articles 8, 9 et 10. (Applaudissements sur plusieurs bancs
des groupes MODEM et LaREM.)
M. Richard
Ramos. Excellent !
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. La commission d’enquête relève en effet de notre initiative, de
notre droit de tirage ; mais nous serons deux parlementaires socialistes
et, je crois, dix-sept du groupe La République en marche. Au terme d’un
débat démocratique, la décision sera prise de voter pour ou contre le
rapport ; nous ne demandons qu’un peu de diligence dans la création de la
commission d’enquête.
Par ailleurs, le Conseil d’État, conseil du
Gouvernement, estime dans son impartialité et sa grande compétence que le
nouveau système « retire aux assurés une forme de visibilité sur le taux de
remplacement prévisible qui leur sera appliqué, dans la mesure où la pension
n’est plus exprimée à raison d’un taux rapporté à un revenu de référence mais à
une valeur de service du point définie de manière à garantir l’équilibre
financier global du système ». Tout est dit.
Je voudrais donc poser
au secrétaire d’État deux questions complémentaires. Dans votre nouveau système,
qu’est-ce qu’une carrière complète, et qu’est-ce qu’un taux plein ? Est-il
indiqué quelque part que ce sera un taux réel de 5,5 % pendant toute la
durée de vie de cette réforme ? Rien de tout cela n’est garanti. Quant au
rapport entre l’augmentation du PIB et celle du nombre de retraités, il n’en
reste pas moins qu’il y aura un décrochage du niveau de vie relatif des
retraités, si bien que l’écart avec celui des actifs redeviendra ce qu’il était
dans les années 1980.
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État,
vous avez les deux pieds dans la vase.
M. Jimmy
Pahun. Ça commence fort !
Plusieurs députés du groupe
MODEM. On va pêcher le goujon !
M.
Sébastien Jumel. Vous êtes enfermés dans une extrême et bruyante
solitude, incapables que vous êtes d’offrir au Parlement quelque chose de
lisible. Il n’y a aucune lisibilité concernant la manière dont la conférence de
financement va trouver 12 milliards d’euros ; ce n’est pas moi qui le
dis, mais l’ensemble des organisations syndicales présentes à cette conférence,
y compris le MEDEF. Vous êtes d’ailleurs tellement attachés au dialogue social
qu’aucun des deux ministres concernés ne s’y trouvait.
Mme
Isabelle Florennes. C’est la démocratie sociale, monsieur
Jumel !
M.
Sébastien Jumel. Vous êtes incapables d’offrir de la lisibilité en
matière de taux de remplacement. Vous êtes incapables d’offrir de la lisibilité
s’agissant de la garantie du niveau des points. J’ai posé une question hier, je
n’ai pas reçu de réponse : vous êtes dans l’incapacité de nous fournir des
éléments d’analyse concernant le transfert d’un point de PIB du système des
fonctionnaires vers celui des salariés du privé, à la faveur de leur fusion. Le
mode de fonctionnement de La République en marche consiste à diviser la
France au lieu de la réconcilier ; vous avez donc tenté d’opposer les
régimes spéciaux et les autres, le public et le privé, en oubliant de dire que
vous alliez faire les poches des salariés du privé à la faveur des économies que
l’État entend réaliser sur le financement des retraites des
fonctionnaires.
Boris Vallaud a eu raison de citer le Conseil d’État, car
on finirait par oublier que cette juridiction suprême a caractérisé ce projet
par son illisibilité et par son insécurité juridique. Enfin, les débats que nous
avons eus en commission spéciale et ceux, intéressants, que nous avons depuis le
début de la semaine confirment votre incapacité à nous dire comment vous allez
financer les nombreuses périodes de transition que prévoit votre projet de
loi.
Je vais vous raconter la suite du scénario : vous avez décidé
de passer en force. Depuis le début, vous avez en tête d’utiliser
l’article 49, alinéa 3. (Protestations sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
M. le
président. Merci, monsieur Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Votre problème, c’est que l’opinion publique s’oppose à
ces dispositifs autoritaires comme à votre mauvais projet.
Un député du groupe
LaREM. Ça s’appelle un syllogisme !
M. Frédéric
Petit. Relisez votre amendement !
M.
Sébastien Jumel. Je ne défendais pas un amendement, je m’exprimais sur
l’amendement et les sous-amendements !
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin.
M. François
Ruffin. Nous réclamons de la clarté face au grand flou que dénonce le
Conseil d’État lui-même. Il nous est répondu que l’on va certes diminuer la part
des retraites dans le PIB, qu’il y aura certes, dans le même temps, des
centaines de milliers de retraités supplémentaires, mais que tout cela sera
résolu par le miracle de la croissance. On nous dit que le PIB va doubler.
D’abord, depuis que je suis né, je n’entends que cela : croissance,
croissance, croissance ! J’étais encore dans le ventre de ma mère qu’on me
la promettait déjà. (M. Frédéric Petit proteste.)
Ensuite, la question n’est pas de faire grossir le gâteau, mais de le répartir
et de faire en sorte qu’il soit moins avarié.
Nous voudrions être
éclairés au sujet de ceux qui vont gagner. Ceux qui vont gagner, c’est Axa,
c’est ANPERE, c’est Blackrock ! (Exclamations sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.) Vous protestez, mais j’aimerais que vous dénonciez la
publicité d’Axa, que vous envoyiez un message à toutes les agences Axa du pays.
Répondez qu’il n’y aura pas de baisse programmée des pensions de retraite, et
qu’affirmer le contraire pour vendre des plans d’épargne retraite est une
fraude. Adressez-vous à vos amis d’Axa, à vos amis de BlackRock, et dites-leur
cela !
M. le
président. Merci, cher collègue.
M. François
Ruffin. Mes deux minutes ne sont pas achevées !
M. le
président. Soit, allez-y.
M. François
Ruffin. Nous pensons que le loup se déguise et que vous êtes ses
complices. On a mis en cause ma probité en évoquant mes liens supposés avec Axa,
mais nous avons ici un rapporteur qui possède chez Axa 13 836 parts,
représentant 358 935 euros et plus de 7 000 euros de
dividendes par an ! Est-ce que ce n’est pas un conflit d’intérêts ?
Est-ce nous, ou bien vous, qui avons des liens avec les assureurs du secteur
privé ? (Mêmes mouvements.
– M. Adrien Quatennens applaudit.)
M.
Jean-René Cazeneuve. Scandaleux !
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Patrick Loiseau, pour un rappel au
règlement.
M. Patrick
Loiseau. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58. Je ne
comprends pas comment M. Ruffin peut ressasser cette affaire d’Axa,…
M. François
Ruffin. Répondez, dans ce cas !
M. Patrick
Loiseau. …qui n’a rien à voir avec le texte dont nous débattons.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. François
Ruffin. Cela a tout à voir, au contraire !
M. Patrick
Loiseau. C’est un véritable harcèlement. Il est incroyable que l’on en
soit encore là, alors que, mes collègues l’ont rappelé avec raison, nous n’avons
pas encore commencé à examiner le fond du sujet : les retraites.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin.
M. François
Ruffin. Vous m’accusez de harcèlement alors qu’il n’en est rien.
M. Laurent
Saint-Martin. Bien sûr que si !
M. François
Ruffin. Simplement, nous mettons en évidence le lien entre la baisse
programmée des pensions de retraite induite par ce texte, la loi PACTE
– relative à la croissance et la transformation des entreprises – et
les profits qu’en tireront Axa, BlackRock et compagnie. Je n’ai pas peur de le
répéter : certaines personnes ici ont des intérêts chez Axa, et ces liens
posent problème lorsqu’on est aux responsabilités !
Article 1er (suite)
(Le sous-amendement no 41842 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques
nos 41845 et 42326.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 91
Nombre
de suffrages
exprimés 79
Majorité
absolue 40
Pour
l’adoption 14
Contre 65
(Les sous-amendements identiques nos 41845
et 42326 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques
nos 41848 et 42329.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 91
Nombre
de suffrages
exprimés 79
Majorité
absolue 40
Pour
l’adoption 13
Contre 66
(Les sous-amendements identiques nos 41848
et 42329 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques
nos 41851 et 42327.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 92
Nombre
de suffrages
exprimés 80
Majorité
absolue 41
Pour
l’adoption 12
Contre 68
(Les sous-amendements identiques nos 41851
et 42327 ne sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement no 41852 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements identiques nos 41854
et 42328 ne sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement no 42176 n’est pas
adopté.)
(L’amendement no 23967 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 23856, qui
fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à M. David
Habib, pour soutenir l’amendement.
M. David
Habib. Poursuivons notre démonstration : votre projet de loi est
illisible, il sera source d’insécurité juridique pour tous les Français et
personne n’est capable de savoir ce qui se passera à l’issue de l’examen de ce
texte si, par malheur, il venait à être adopté. Le Conseil d’État, du reste, a
fourni nombre d’arguments : étude d’impact tronquée, nombreuses
incertitudes, en partie liées au recours à vingt-neuf ordonnances,
méconnaissance totale des règles de financement. Bref, vous nous présentez un
texte à trous. Cette expression a son importance car elle illustre les lacunes
de ce projet dont nous ferons état pour livrer nos arguments au Conseil
constitutionnel. En tout cas, les conditions ne sont pas réunies pour garantir
la clarté, la lisibilité et la sérénité du débat parlementaire.
M. Boris
Vallaud. Il a raison.
M. David
Habib. Cet amendement tend par conséquent à renforcer la sécurité
juridique de ce texte.
J’en profite pour vous demander à nouveau,
monsieur le président, où en est la commission d’enquête que le groupe
Socialistes et apparentés a demandée sur l’étude d’impact. C’est la deuxième
fois que je pose cette question et il me semble raisonnable d’attendre une
réponse.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Oh,
ça va !
M. David
Habib. J’apprendrai par ailleurs à notre collègue qui a évoqué cette
commission d’enquête que le changement induit par la réforme du règlement tient,
non pas à la possibilité offerte à notre groupe de demander la constitution
d’une commission d’enquête, mais à celle de la présider ou d’en devenir le
rapporteur.
M. Frédéric
Petit. C’est vous qui l’avez demandée ! Ce n’est pas
neutre !
M. David
Habib. En tout état de cause, nous sommes en droit de demander la
création de cette commission d’enquête. Le président Ferrand nous a informés
qu’il avait saisi la garde des sceaux et nous souhaitons savoir où cela en est.
Tout ne peut pas être incertain : le sort des pensionnés et le droit des
parlementaires à la visibilité et à l’information, en vertu duquel ils doivent
pouvoir s’assurer que vous n’avez pas tronqué les données de l’étude d’impact
pour fausser le débat parlementaire.
M. Boris
Vallaud. Bravo !
M. le
président. La parole est à M. Bruno Fuchs, pour soutenir le
sous-amendement no 42333.
M. Bruno
Fuchs. Le président Chassaigne nous invitait hier, avec beaucoup de
subtilité, à améliorer la rédaction du texte. Or, cher collègue Habib, vous
proposez là de renforcer la lisibilité du texte sans pour autant employer ce
terme dans votre amendement. C’est pourquoi j’interviens.
M. David
Habib. Sous-amendez !
M. Bruno
Fuchs. C’est ce que je fais : si vous lisiez mon amendement, vous
verriez qu’il tend à substituer au mot « clarté » le mot
« lisibilité ».
J’ai lu en diagonale le programme de La France
insoumise, réduit à onze pages indigentes alors que l’étude d’impact, tant
décriée, atteint presque les 1 000 pages. Il prévoit d’abord de
siphonner les réserves – en cas de coup dur, on sera bien armé pour faire
face… Il préconise ensuite de maintenir les régimes spéciaux : toutes les
inégalités actuelles seraient préservées, sanctuarisées. Quant au mot
« croissance », il n’est cité qu’une seule fois en onze pages :
le projet ne s’appuie sur aucune hypothèse de croissance économique, sur aucun
chiffre, rien. Cela traduit une déconnexion complète par rapport à la réalité,
conformément à l’idéologie dont les députés du groupe FI donnent des marques
depuis trois jours. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Mme
Caroline Fiat. Pas du tout ! Ne vous inquiétez pas pour
nous !
M. Bruno
Fuchs. La réalité est la suivante : le produit intérieur brut,
depuis quinze ans, a augmenté bien plus rapidement que le montant des pensions
versées, et c’est dans cette logique que s’inscrit notre politique :
accroître le volume des richesses. La baisse du chômage, la hausse de
l’attractivité du territoire, la création d’emplois industriels, la relance
inédite de l’apprentissage, la création d’entreprises à un niveau inégalé en
2019 conduisent en toute logique à la hausse du PIB. La part des retraites
n’évoluera certes pas, mais il y a aura de la croissance dans le pays.
M. le
président. Je vous demande de conclure, cher collègue.
M. Bruno
Fuchs. Je reprendrai à mon compte un élément de rhétorique dont vous
êtes friands : lorsque les salaires d’un foyer augmentent sans que le loyer
évolue, la proportion de celui-ci dans le budget du ménage baisse.
(Mme Hélène Zannier applaudit.)
M. le
président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques,
nos 41789 et 42330.
La parole est à M. Pierre
Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 41789.
M. Pierre
Dharréville. S’agissant de la lisibilité du système, vous jouez sur
l’ambiguïté des points : il sera possible de cumuler un certain nombre de
points, certes, mais nous ne connaissons ni leur valeur ni la façon dont ils
seront convertis ; le Conseil d’État a lui-même souligné que le taux de
remplacement n’était pas connu, alors que cette donnée est
essentielle.
Nous considérons que la retraite est un nouvel âge de la vie
et la pension, une forme de continuité du salaire. En proposant une telle
formule, vous rompez avec la philosophie même de la retraite. Si l’on s’inscrit
dans la logique d’une continuité du salaire, il faut garantir un taux de
remplacement suffisant, une forme de parité entre le niveau de vie au cours de
la vie active et celui durant la retraite. Or, en l’espèce, vous ne prenez aucun
engagement. Cela pose un problème majeur car l’exigence, la garantie, l’objectif
d’un taux de remplacement suffisant devraient être au cœur de tout projet de
réforme des retraites. Au contraire, vous évacuez ce sujet – vous ne
l’évoquez même pas – et, en toute logique, vous ne nous fournissez aucune
donnée objective concernant l’évolution programmée du taux de
rendement.
En outre, quel est le sort réservé à tous ceux qui sont nés
entre 1975 et 2004 ? Votre projet est encore plus illisible pour eux que
pour les autres. Je continue par conséquent à vous interroger, monsieur le
secrétaire d’État, sur le déroulement de la transition entre les deux régimes.
Là encore, vous n’avez donné aucune précision sérieuse, ce qui révèle, une
nouvelle fois, l’impréparation de votre projet et votre incapacité à en
anticiper les effets.
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir le
sous-amendement no 42330.
M. Éric
Coquerel. Je reviens à l’intérêt que représente un tel projet de loi
pour des entreprises comme Axa ou BlackRock. Certains de nos collègues ne voient
pas le rapport. Aussi, pour leur rafraîchir la mémoire, leur lirai-je l’exposé
des motifs du projet de loi concernant l’article 65, au chapitre II du
titre V – ce qu’il prévoit est d’ailleurs si limpide que la majorité,
si j’ai bien compris, devrait déposer un amendement pour le supprimer et
reporter la mesure à une loi ultérieure. Écoutez plutôt : « Le secteur
de l’assurance [c’est-à-dire la retraite par capitalisation] est appelé à se
mobiliser, afin que le recours à ces véhicules se généralise et que l’économie
française puisse ainsi bénéficier pleinement du dynamisme de l’épargne retraite
généré par la loi PACTE. » Plus loin, il explique que l’objectif et de
« renforcer l’attractivité de l’épargne retraite afin d’offrir aux
épargnants des produits d’épargne plus performants. D’autre part, le
développement de cette épargne de long terme procurera aux entreprises davantage
de financements en fonds propres pour accompagner leur croissance et financer
l’innovation. ». Puis il fait à nouveau référence à la loi PACTE, que vous
avez fait adopter il y a plusieurs moins et dont nous savons qu’elle avantage la
retraite par capitalisation, notamment par le biais des mesures d’exonération.
C’est écrit noir sur blanc !
S’il y a bien une chose prévisible dans
ce texte, ce n’est pas le financement du système de retraite par répartition,
pour lequel le recours aux ordonnances permet d’entretenir le flou autour des
trous que vous laissez aux comptes sociaux, mais l’incitation à s’orienter vers
un système de retraite par capitalisation. Là est le véritable objectif que vous
poursuivez, c’est écrit noir sur blanc. Alors cessez d’affirmer qu’Axa et les
autres ne trouvent aucun intérêt à cette réforme !
(Mme Caroline Fiat
applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir
l’amendement no 41793.
M.
Sébastien Jumel. On ne peut pas laisser dire que M. Ruffin fait de
la publicité pour Axa et BlackRock. (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Un député du groupe
LaREM. La preuve que si !
M.
Sébastien Jumel. Ce ne serait pas crédible mais, surtout, la ministre
avait annoncé la couleur sur les Smarties, dont le paquet grossit de jour en
jour. De quoi s’agit-il ? L’encours de l’épargne retraite s’élève à
230 milliards d’euros en France, c’est vrai, vous n’avez pas inventé le
concept. Mais l’épargne populaire des Français dépasserait les
5 000 milliards d’euros. Quand, par de mauvaises mesures, vous
dégradez le livret A ou que vous diminuez le taux de cotisation des cadres
gagnant plus de 10 000 euros par mois, vous ne poursuivez pas d’autre
objectif que de faire passer, par le jeu des vases communicants, les
5 000 milliards d’épargne populaire vers Axa, BlackRock et compagnie.
Vous avez inoculé le virus de la capitalisation dans le système de retraite par
répartition, que vous accusez de la rage pour accélérer le mouvement. Le voilà,
votre projet libéral : nous vous avons démasqués. Je comprends que vous
n’aimiez pas qu’on le rappelle, mais nous sommes là pour ça.
M. Jacques
Marilossian. Fantasme !
M.
Sébastien Jumel. C’est le vôtre, peut-être. En tout cas, votre propos
est déplacé, cher collègue.
M. le
président. Poursuivez, monsieur Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Nous devons réaffirmer l’attachement des Français au
modèle social par répartition, que vous avez décidé de démonter.
M. le
président. « Smarties » est une marque, monsieur Jumel.
J’espère que vous n’avez pas d’intérêts particuliers dans l’entreprise…
(Sourires.)
M.
Sébastien Jumel. Ils me livrent tous les jours !
(Sourires.)
M. le
président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques,
nos 42334 et 41796.
La parole est à M. Adrien
Quatennens, pour soutenir le sous-amendement no 42334.
M. Adrien
Quatennens. Je me propose, si vous le permettez, de défendre, à travers
ce sous-amendement, le contre-projet proposé par La France insoumise, car il est
tout à fait sérieux.
(« Ah ! » sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.) Il comprend, je vous le confirme, onze
pages de propositions, qui font suite à une dizaine d’autres pages décryptant
votre projet de réforme. Avant cela, j’effectuerai un petit rappel historique
sur le fonctionnement du système actuel et la façon dont les précédentes
réformes des retraites l’ont affaibli.
Il va sans dire que nous avons,
comme vous, le souci de l’équilibre financier, même si ce n’est pas le Graal
absolu, puisqu’à nos yeux, l’âge d’équilibre que vous prétendez instaurer est
personnel. Pour répondre aux deux questions que se posent les Français sur les
retraites, nous fixons, contrairement à vous, un âge de départ
– 60 ans – et un niveau de pension respectant les deux conditions
suivantes : aucun niveau de pension inférieur au SMIC pour une carrière
complète et personne sous le seuil de pauvreté, en dessous duquel on ne vit
pas.
Vient alors systématiquement la question fabuleuse à laquelle nous
sommes très à l’aise pour répondre : comment finance-t-on ? Avant de
le dire,…
Mme Cendra
Motin. Non, non, répondez maintenant !
M. Adrien
Quatennens. …je commencerai par vous interroger : considérez-vous
qu’il est souhaitable de partir à un âge décent, avec un bon niveau de
pension ?
Comment finance-t-on ? Précisément en faisant
l’inverse de ce que vous proposez !
M.
Jean-René Cazeneuve. En augmentant les cotisations !
M. Adrien
Quatennens. Parlons-en, justement : notre projet préconise
l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. Car quand nous évoquons les
127 milliards d’euros de réserves, c’est avant tout, monsieur Fuchs, pour
relativiser le poids du déficit : nous ne les mobiliserons pas – pas
plus que les 42 milliards d’euros d’encours bancaire dont dispose le régime
des retraites chapeau ni que tout le reste. Comment financerons-nous notre
réforme des retraites ? Je l’ai dit : nous consacrerons 2 points
de PIB supplémentaires aux retraites d’ici à 2040 ; cela passera d’abord
par l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, mais aussi, c’est vrai,
par l’augmentation des salaires et du taux de cotisation.
Mme Cendra
Motin. Et voilà ! Il n’y a guère que cela que vous pouvez
proposer !
M. Adrien
Quatennens. Évidemment ! Toutes les projections économiques
– y compris les plus sérieuses, celles du Conseil d’orientation des
retraites – montrent, madame Motin, que l’on peut augmenter à la fois le
salaire net et les cotisations,…
M.
Jean-René Cazeneuve. Non !
M. Adrien
Quatennens. …en proportion, pour permettre aux travailleurs de partir
avec un bon niveau de pension.
M. le
président. Je vous remercie, monsieur Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. C’est tout à fait possible : les Français produisent
beaucoup de richesses, madame Motin ! (Mme Caroline
Fiat applaudit.)
M. Jacques
Marilossian. Et sur qui pèsera l’augmentation des
salaires ?
M. le
président. La parole est à Mme Elsa Faucillon, pour soutenir le
sous-amendement no 41796.
Mme Elsa
Faucillon. Je remarque, de la part de la majorité, un procédé assez
récurrent et simpliste consistant, d’une certaine manière, à reporter sa
stratégie sur l’adversaire.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Une
stratégie communiste…
Mme Elsa
Faucillon. Cette façon de faire était déjà visible à travers les
tentatives de passage en force : on accuse l’opposition d’être dans
l’obstruction. En revanche, un nouvel aspect de cette stratégie émerge, auquel
je ne m’attendais pas : tenter d’attribuer la volonté de promouvoir un
système de retraites par capitalisation à l’opposition, particulièrement à
l’opposition de gauche, laquelle, au nom d’intérêts propres, ferait de la
publicité pour Axa, BlackRock ou d’autres.
Admettez que le procédé
apparaît assez risible – en tout cas peu convaincant –, quand le
Président de la République, que vous soutenez, annonçait, en
novembre 2015 : « Il faut développer une forme de fonds de
pensions à la française et adapter le cadre fiscal à ce changement ».
(Murmures sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Il l’a bien
dit !
Le même Président a ensuite, il y a quelques mois, fait
adopter grâce à vous la loi PACTE. Vous n’avez pas lésiné, à travers ce texte,
sur les avantages fiscaux pour tenter de faire basculer l’épargne française vers
l’épargne retraite – mon collègue Éric Coquerel vient de citer les passages
de l’exposé des motifs du projet de loi qui le montrent.
Vous pouvez donc
bien tenter ce type de stratagèmes, mais celles et ceux qui nous écoutent ne
croient pas plus à votre stratégie consistant à faire peser sur nous
l’accusation d’obstruction et de passage en force…
Mme
Catherine Kamowski. Si, ils ont bien compris !
Mme Elsa
Faucillon. …qu’ils ne peuvent croire que nous aurions pour objectif de
faire advenir un système de retraite par capitalisation. Assumez donc ce que
vous faites : vous passez en force, vous individualisez les retraites et
vous faites régresser les droits ! (Mme Caroline Fiat
applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je crois que votre problème réside dans le fait que, comme
nous l’avons démontré…
Mme Cendra
Motin. Non, justement, vous ne démontrez rien !
M. Pierre
Dharréville. …depuis le début des travaux de la commission spéciale, la
réforme que vous présentez n’est ni bouclée ni ficelée. Pire encore, elle est
nocive : elle est néfaste pour la société et nos pensions de retraite. Vous
avez tenté de la décorer, de l’habiller mais, pour autant, elle ne convainc pas,
elle ne convient pas.
Parmi les effets d’habillage figure l’argument de
la lisibilité. François Hommeril, le président de la CFE-CGC, qualifiait il y a
quelques jours la réforme de « machine à réduire les pensions ».
Convenons que, si le projet reste assez flou et ne permet pas à chacun de savoir
quel sera le niveau de sa pension ni son taux de remplacement, c’est au moins
ceci qui apparaît clairement : il s’agit d’une machine à réduire des
pensions – c’est le président de la CFE-CGC qui le dit.
Tout à
l’heure, monsieur le secrétaire d’État, vous avez vanté la qualité des relations
sociales et du dialogue qui ont présidé à l’élaboration du projet. Or François
Hommeril – encore lui – confiait, voilà quelques jours, son sentiment
d’avoir été humilié par la manière dont vous avez conduit votre réforme. Plus
largement, divers reproches vous sont faits. Voilà pourtant deux ans et demi que
vous travaillez sur le texte, auquel vous avez consacré toute une équipe
– dont un haut-commissaire aux retraites –, pour en arriver là :
une réforme inaboutie assortie de vingt-neuf ordonnances – sans compter les
deux que vous avez rajoutées dernièrement –, un texte à trous, un mécanisme
qui ne tourne pas et dont on voit bien, à chaque étape de notre discussion, à
quel point le contenu ne convient pas.
Vous nous reprochez de discuter
des principes généraux.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Absolument pas !
M. Pierre
Dharréville. Pas vous, monsieur le secrétaire d’État, c’est vrai. Mais
ce reproche nous est bien adressé. Débattre des principes présentés dans
l’article 1er est pourtant une nécessité absolue. Vous avez
choisi de commencer le texte par un article déclaratif. Discutons donc des
intentions !
M. le
président. Merci de conclure.
M. Pierre
Dharréville. Nous le faisons,…
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Depuis quatre jours…
M. Pierre
Dharréville. …parce qu’il y existe un décalage abyssal entre les
intentions affichées et la réalité.
M. le
président. La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien
Lachaud. Je profiterai de l’occasion pour poursuivre notre échange
concernant le PIB. M. le rapporteur a indiqué être sensible à la
préoccupation écologique que j’ai exprimée, tout en considérant qu’il restait
possible de continuer à faire augmenter le PIB. Il percevait par ailleurs une
contradiction entre notre remise en cause du modèle de croissance actuel et
notre projet de faire augmenter de 2 points la part du PIB consacrée aux
retraites pour financer la retraite à 60 ans après quarante annuités de
cotisation pour tous. M. le secrétaire d’État a fait la même
réponse.
Il existe pourtant une manière simple de récupérer ces deux
points de PIB. Nous ne sommes pas obligés d’augmenter le PIB : il suffit de
modifier la répartition à l’intérieur de ce dernier. Rappelons quelques
chiffres. Depuis les années 1980, la part des dividendes versés aux actionnaires
a triplé : en 1983, un salarié travaillait en moyenne deux semaines par an
pour les actionnaires, contre plus de six semaines aujourd’hui. Là est l’argent,
en quantités massives ! Les actionnaires s’approprient désormais plus de
150 milliards d’euros, qui devraient revenir aux salariés, soit
8 points de PIB. Si l’on y ajoute la fraude fiscale, qui s’élève à
100 milliards d’euros par an, on arrive à 14 points du PIB. En
comptabilisant également les 80 milliards à 100 milliards d’euros
d’optimisation fiscale, on aboutit à près de 20 points de PIB.
Il
suffirait de récupérer 10 % de cette somme pour financer la retraite à
60 ans avec quarante annuités de cotisation pour toutes et tous. Voilà la
bonne manière de faire.
Mme Cendra
Motin. Et qu’arrêtez-vous de financer, en contrepartie ?
M. Bastien
Lachaud. Il suffit de modifier la répartition des richesses – ce
qui, il est vrai, reste compliqué à concevoir pour vous.
M. le
président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques,
nos 41798 et 42331.
La parole est à M. Alain
Bruneel, pour soutenir le sous-amendement no 41798.
M. Alain
Bruneel. Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé qu’une gouvernance
unique garantirait une plus grande simplicité de calcul que les quarante-deux
gouvernances actuelles. Toutefois, ces dernières permettent notamment de mettre
en lumière les spécificités ainsi que la pénibilité des métiers.
Vous
avez également dit que le système universel de retraite permettrait une
redistribution des pensions vers les plus modestes. Cette affirmation
m’interroge fortement : la France compte 9 millions de personnes
vivant sous le seuil de pauvreté, ce qui signifie que le système de retraite que
vous défendez ne prévoit pas une qualité de vie ni un pouvoir d’achat suffisant
pour l’ensemble des personnes. Ce constat pose question : on ne peut pas
aller vers un régime de retraite universel sans garantir un pouvoir d’achat
décent à l’ensemble des citoyens.
M. le
président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour soutenir le
sous-amendement no 42331.
M. Bastien
Lachaud. Pour revenir à la question du financement, si vous ne souhaitez
pas vous en prendre aux actionnaires ou aux fraudeurs du fisc – nous ne
sommes pas d’accord, mais cela pourrait être votre opinion –, on pourrait
trouver une autre manière de financer, par exemple en augmentant le taux de
cotisation…
Mme Cendra
Motin. Et voilà !
M. Bastien
Lachaud. …de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs
salariés : ce taux a doublé depuis 1967, passant de 8,5 à
17,75 % ; on pourrait le porter à 19 %,…
Mme Olivia
Gregoire. Mais oui !
M. Bastien
Lachaud. …soit une hausse de 1,25 point, qui permettrait de faire
passer les cotisations de 6 milliards à 7 milliards d’euros.
Mme Olivia
Gregoire. Tapons les actifs !
M. Bastien
Lachaud. Si, dans le même temps, on augmentait les salaires de
2 %,…
M. Jacques
Marilossian. Et qui en déciderait ?
M. Bastien
Lachaud. …cela se traduirait par une augmentation de cotisation de
38 % et une augmentation de salaire net de 15 % : tout le monde
serait gagnant.
M. Jacques
Marilossian. Et qui déciderait d’augmenter les salaires ?
M. Bastien
Lachaud. Il est assez facile de dire qu’on ne peut rien faire et qu’on
s’en remet à la main invisible du marché. Il suffit pourtant d’accroître le SMIC
et de construire une échelle progressive des salaires.
(Mme Caroline Fiat applaudit.)
M. Jacques
Marilossian. Ce n’est pas vous qui décidez !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir le
sous-amendement no 42178.
M. Pierre
Vatin. Pour poursuivre la discussion sur la question du pouvoir d’achat
des retraités, si j’apprécie beaucoup les projections à l’horizon 2050, je
me souviens que, quand j’étais au collège, les prévisions présentées avançaient,
pour la période actuelle, des chiffres qui apparaissent aujourd’hui totalement
ubuesques. Pouvez-vous nous préciser comment vous comptez garantir la pertinence
des projections sur lesquelles vous vous appuyez ?
M. le
président. La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir le
sous-amendement no 42332.
Mme Sabine
Rubin. M. le secrétaire d’État et notre collègue Frédéric Petit ont
indiqué que c’est en progressant dans l’examen du projet de loi qu’on y verrait
plus clair. Précisément, pour avoir un peu lu le reste de la loi tout à l’heure,
je constate au contraire que, plus on avance, moins on y voit clair.
L’article 8 prévoit bien que…
M. Frédéric
Petit. Ce n’est pas l’objet de la présente discussion ! Nous en
sommes à l’article 1er !
M. Bastien
Lachaud. Il faudrait savoir ! Tout à l’heure vous vouliez parler de
l’article 8, maintenant vous considérez qu’il est hors sujet !
Mme Sabine
Rubin. Je connais l’article 8 : les modalités d’attribution
des points et la façon dont la solidarité nationale jouera y restent floues, on
ne les connaît pas.
M. Frédéric
Petit. Alors amendez l’article 8, au lieu de vouloir sous-amender
un amendement à l’article 1er !
Mme Sabine
Rubin. De ce fait, il est difficile de savoir combien de points on
obtiendra in fine. On apprend même, à l’article 9, que la valeur de service
du point sera fondée sur un indicateur – le revenu moyen par tête –
qui n’est pas encore défini. Il en va de même pour l’article 10 et les
suivants – sans compter les vingt-neuf ordonnances.
En vérité, plus
on avance dans la loi,…
Mme Michèle Peyron.
Mais on n’avance pas !
Mme Sabine
Rubin. …plus le brouillard s’épaissit !
Et puis, chers
collègues, si le futur système est si clair et lisible que vous le prétendez,
pourquoi ne pas adopter l’amendement no 23856 en inscrivant les
mots « clarté » et « lisibilité » dans la loi ?
(Mme Caroline Fiat applaudit.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Chiche !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission spéciale sur l’amendement et
les sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Revenons sur le texte de l’amendement
lui-même. Il est proposé d’insérer, après l’alinéa 1er, la
phrase suivante : « La Nation garantit la clarté et la prévisibilité
de toute réforme relative aux retraites. »
Il me semble d’abord que
garantir la clarté du projet de réforme supposerait de pouvoir examiner le texte
et les articles afférents. Cela apporterait un premier
éclairage.
S’agissant de la prévisibilité, je ne peux m’empêcher de
rappeler que l’amendement précédent, déposé lui aussi par le groupe SOC,
proposait d’introduire, au même endroit du texte, la phrase suivante :
« La Nation garantit, pour tous les assurés, la clarté et la prévisibilité
de toute réforme relative aux retraites. » C’est donc le groupe SOC qui
fait preuve d’une prévisibilité sans faille, puisqu’il présente le même
amendement – amputé de quatre mots –, ce qui nous conduit à traiter à
nouveau les mêmes sujets. Il faut être sérieux et aborder le fond pour mettre en
lumière les mots évoqués.
Pour en revenir à la notion de clarté, je
rappelle que nous proposons un système par répartition, qui couvrira tous nos
concitoyens jusqu’à 120 000 euros de revenus, c’est-à-dire, pour
99 % d’entre eux, l’intégralité de leurs salaires. C’est-à-dire une
meilleure répartition qu’actuellement. On peut nous objecter qu’1 % des
personnes concernées se situeront au-dessus de 120 000 euros, mais la
proportion des revenus actuellement concernés par la répartition n’est pas la
même.
Il s’agit d’un système par répartition et aussi par points. Le
point se voit attribuer une valeur d’acquisition et une valeur de service, avec
un âge d’équilibre et un niveau de pension : il y aura quatre critères pour
un seul régime, alors qu’il y a aujourd’hui de nombreux critères pour
quarante-deux régimes. La gouvernance sera ainsi beaucoup plus simple et plus
lisible. Lors des précédentes réformes, en effet, les gouvernements se
heurtaient à la difficulté de transmettre à ces quarante-deux régimes les
différentes modifications prévues par la loi. Le nouveau dispositif apporte une
grande clarté.
Monsieur Vatin, vous avez évoqué la prévisibilité en
disant que les chiffres ont changé entre l’époque où vous étiez au collège et
aujourd’hui. Il me semble que nous avons dû fréquenter le collège vers la même
époque, laquelle commence à dater un peu… (Sourires.) L’important est
d’être conscient que la prévisibilité à dix ans est limitée, qu’elle est très
compliquée à vingt ans…
Mme
Constance Le Grip. Hasardeuse !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …et qu’elle relève du fantasme à cinquante
ans. La réforme se limite à donner des outils clairement définis pour permettre
à ce gouvernement, à celui qui lui succédera et à ceux qui suivront de
gouverner, d’affiner et de piloter au mieux. C’est la définition même de toute
politique publique. Nous nous fondons, en effet, sur des hypothèses, mais il est
plus que vraisemblable que celles-ci devront être revisitées en fonction des
événements et des évolutions, de même que la trajectoire.
Monsieur
Vigier, vous avez évoqué tout à l’heure la carrière ascendante. Votre remarque
portait sur un amendement précédent, mais puisqu’il avait le même objet que
celui dont nous débattons maintenant, je peux apporter une précision. Pour ce
qui est, d’abord, de la prise en compte des vingt-cinq meilleures années,
j’entends votre argumentation. La différence majeure avec le système futur est
qu’actuellement, le calcul de la retraite retient les vingt-cinq meilleures
années, revalorisées suivant l’inflation, avec application d’un coefficient de
service de 50 %. Or, sur les vingt-cinq dernières années, l’écart entre
l’inflation et l’évolution des revenus représente une perte de 30 %. La
réforme permet donc déjà de lisser la pente que vous évoquez. L’enjeu n’est pas
de raisonner sur une carrière ascendante déjà connue, en me demandant par
exemple ce qu’il en serait, dans le système futur, pour ma propre carrière
ascendante dans les vingt-cinq prochaines années, mais bien plutôt d’adapter le
système futur aux carrières professionnelles que connaîtront nos futurs citoyens
et à la fin de ces carrières. Or force est de constater que les carrières
ascendantes linéaires sont de plus en plus rares, car on change souvent de
métier et une carrière peut connaître divers accidents, positifs ou négatifs,
dont il faut tenir compte. En 2018, on liquide en moyenne plus de trois régimes
de pension, situation qui sera mieux prise en considération dans le système
futur que dans le système actuel, où les grandes différences entre les règles
des régimes se traduisent parfois par des sous-indexations de fait. Le nouveau
régime s’adapte donc plutôt mieux à l’évolution du marché du travail et de nos
sociétés.
Je suis donc défavorable à cet amendement et à ces
sous-amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Comme l’a dit le rapporteur,
cet amendement est très proche du précédent, et ils induisent des discussions
assez larges voire un peu récurrentes. Je vais toutefois m’efforcer d’apporter
des éclairages sur les questions qui m’ont été posées.
Monsieur Vallaud,
monsieur Dharréville, vous dites que tout bougera tout le temps, qu’on ne sait
pas comment les choses fonctionneront et qu’on ne connaît ni les règles
d’équilibre ni le niveau des cotisations. En pragmatique que je suis, j’ai
regardé comment cela fonctionnait. En 1990, voilà donc trente ans – ce
n’est pas si loin –, ce que l’on me promettait au moment où j’entrais, à
20 ans, sur le marché du travail, était un âge minimum de départ fixé à
62 ans et une durée de cotisation de trente-sept ans et demi. À cette
époque, comme pendant trente ans après cela, au cours desquelles je ne faisais
pas de politique,…
Mme Sylvie
Tolmont. Ça se voit !
M. Julien
Aubert. D’ailleurs, vous n’en faites toujours pas !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …je suppose que les décisions
prises par des décideurs politiques l’ont été en conscience pour faire évoluer
les choses. Le calcul portait alors sur les dix meilleures années et la pension
était indexée sur le salaire moyen, sans surcote ni décote, et sans garantie. Le
dispositif a été adapté et a évolué, tout comme les conditions démographiques et
le marché du travail. On peut jouer à se faire peur en se disant que demain sera
pire qu’aujourd’hui, mais on peut aussi essayer d’être pragmatique et réaliste
pour construire un système qui maintiendra un haut niveau de solidarité et
créera des droits nouveaux, avec un minimum de pension de retraite à
1 000 euros et bientôt, en 2025, à 85 % du SMIC, plus un accès à
la retraite progressive dès 60 ans.
Mme Sylvie
Tolmont. C’est de la communication ! De la réclame !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous pouvons créer tout cela
ensemble, et c’est ce que le Gouvernement vous propose, mesdames, messieurs les
députés.
Monsieur Coquerel, j’ai été attentif à vos propos et je ne
voudrais pas que vous pensiez encore que je ne suis pas soucieux de vous
répondre. Vous avez évoqué la capitalisation, comme Adrien Quatennens, votre
collègue du groupe La France soumise, et Elsa Faucillon, faisant suite en cela
au débat lancé tout à l’heure par François Ruffin. Pour ma part, j’observe les
choses et je reste pragmatique. En France, 2 % des prestations retraite ont
un lien avec la capitalisation. Ce système existe donc bien : il s’agit des
contrats Madelin pour les indépendants, des plans d’épargne retraite populaire
dans les entreprises couvertes par des accords pour les salariés, qui
représentent 70 % des actifs, et des dispositifs relevant des
articles 39 et 83 du code général des impôts. Dans la réalité, la
capitalisation existe donc, mais elle est très minoritaire, et l’idée que nous
puissions demain être envahis par une dynamique de capitalisation est battue en
brèche par le projet que nous portons. C’est du reste pour cela que nous avons
fixé un plafond aussi élevé – il est, avec un niveau de 3 PASS, ou
plafond annuel de la sécurité sociale, le plus élevé des pays industrialisés
possédant des systèmes de retraite par répartition. C’est parce que nous ne
voulons pas que se produise une perte affectant la répartition au profit de la
capitalisation que nous avons construit ce dispositif et le proposons au débat
et à votre vote. Il faut, en la matière, raison garder – le rapporteur a
même évoqué à plusieurs reprises, au cours des nombreuses journées que nous
passons ensemble, le PREFON, système de capitalisation en vigueur pour la
fonction publique.
Il faut dire ce qui est et ne pas chercher à se faire
peur. Il faut regarder la situation et construire un modèle qui sécurise les
dimensions de solidarité et de répartition, autour desquelles nous pouvons nous
retrouver tout en restant attentifs au fait que le monde évolue – de fait,
nous serions bien en peine de dire qu’il n’a pas évolué entre 1990 et 2020.
Constatons donc les évolutions et créons les conditions qui permettront à notre
système de retraite de s’adapter à celles du monde de demain tout en conservant
ses qualités et son ADN, auxquels nous sommes attachés : la répartition et
la solidarité entre les générations, le fait que ce soient les plus jeunes, ceux
qui sont au travail, qui paient, par leurs cotisations, les pensions de nos
aînés. C’est ce qui assure le fondement de notre démocratie et de notre
vivre-ensemble ; comme vous le savez, je crois beaucoup à cette
dimension.
Monsieur Vatin, le rapporteur vous a répondu, mais vous m’avez
sollicité à nouveau à propos des aspects budgétaires. Je vois ainsi que la
proximité avec vos voisins reste très forte et que votre conviction en la
matière n’a pas bougé. J’aurais bien voulu vous convaincre, non pas tant pour le
principe que parce que ce que je dis est conforme à la réalité. Vous m’objectez
que les projections ne sont pas forcément prédictives, et vous avez raison. Du
reste, comme l’a dit le rapporteur, il ne s’agit pas de prédictions : plus
les projections concernent des termes éloignés, moins elles sont prédictives et
plus elles relèvent d’un élément d’information intégrant divers indicateurs et
diverses constantes. Il faut donc les regarder pour ce qu’elles sont : plus
les échéances sont lointaines, plus il faut être prudent. C’est le boulot des
statisticiens, qui les font d’ailleurs assez bien. Le COR utilise ces données de
manière pragmatique, ce qui explique que le Premier ministre lui ait demandé un
rapport, rendu en novembre, sur la réalité du déficit à
l’horizon 2025-2027. C’est là une réalité que nous pouvons matérialiser,
car il s’agit d’échéances de court terme. C’est aussi ce qui permet la tenue de
la conférence de financement, qui a par ailleurs fait l’objet de plusieurs
interventions, notamment de la part de Boris Vallaud et de Pierre Dharréville.
Ils se sont inquiétés de la présence du Gouvernement au milieu des partenaires
sociaux, mais je suis très à l’aise pour leur répondre : avec le Premier
ministre, Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et
des comptes publics, et Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités de la
santé, nous étions tous là, représentant le Gouvernement, pour installer cette
commission et partager avec Jean-Jacques Marette les objectifs des partenaires
sociaux.
M. Boris
Vallaud. Y étiez-vous mardi ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Vallaud, il faut
laisser vivre le dialogue social et la démocratie sociale.
Mme Sylvie
Tolmont. Vous venez de le découvrir ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Est-ce ici que cette démocratie
sociale se fait ? Lui laissons-nous de la place ? J’ai compris tout à
l’heure que vous n’étiez pas très favorables à ce que faisaient les partenaires
sociaux dans l’AGIRC-ARRCO – Association générale des institutions de
retraite complémentaire des cadres et Association pour le régime de retraite
complémentaire des salariés. J’entends maintenant que vous n’êtes pas très
favorable au fait qu’ils puissent se réunir tout seuls et que vous souhaiteriez
la présence de membres du Gouvernement. Vous avez raison de dire que nous avons
une vision assez différente de ce que doit être le dialogue social.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Pour
conclure, je confirme mon avis défavorable sur l’amendement et les
sous-amendements.
M. le
président. Sur les sous-amendements nos 41789 et
identiques, 41796 et identiques, 41798 et identiques et 42332, je suis saisi par
le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin
est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Julien Aubert, pour un rappel au
règlement.
M. Julien
Aubert. Il se fonde sur l’article 100, alinéa 3, du règlement
et sur l’article 11 de l’instruction du bureau.
J’ai raté tout à
l’heure un sous-amendement à cause d’un défaut de synchronisation des écrans.
C’est bien de tout faire par voie électronique, mais, lorsqu’il nous arrive de
sortir brièvement de l’hémicycle, ce ne serait pas mal non plus que les
informations s’affichent.
J’ajoute que le système de suivi des
amendements mouline un peu au moment des scrutins et qu’il est assez difficile
de savoir sur quoi nous votons. Il faudrait donc vérifier que tout est bien
indiqué, afin que nous puissions mieux suivre les débats.
M. le
président. Monsieur Aubert, je vous remercie pour ces remarques. Les
informations figurent bien sur les écrans mais, les sous-amendements étant très
nombreux, on ne voit pas forcément tout. Toujours est-il qu’au moment du vote,
j’indique le nom du premier signataire, afin d’éviter les confusions – pour
le cas où vous douteriez du bouton sur lequel vous devez
appuyer.
Article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Monsieur le secrétaire d’État, si vous aviez 20 ans voilà
trente ans, l’âge de départ en retraite n’était pas de 62 ans, mais de
60 ans, ce qui est très différent. L’âge de 62 ans a été fixé un peu
plus tard.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. C’est vrai.
M. Éric
Woerth. Si le Parlement peut être bavard, la loi, elle, ne peut pas
l’être. On peut certes parler de clarté, mais cela ne change pas grand-chose,
M. Vallaud le sait parfaitement. C’est cependant une bonne intention et un
bon thème de débat.
Ce qui m’importe, c’est la clarté maintenant, car il
est difficile d’assurer qu’elle sera là dans trente ans – ça l’est déjà
assez pour lundi prochain… La question est donc celle de la clarté du texte que
nous examinons. Or on voit bien qu’elle n’est pas suffisante.
D’abord, ce
texte prévoit de nombreuses ordonnances, autant de boîtes noires que l’on
entrouvre sans trop savoir ce qu’elles contiennent. Sur la valeur du point non
plus, les choses ne sont pas très claires, selon que l’on se situe avant ou
après 2045, et pas davantage pour ce qui concerne la décorrélation entre les
revalorisations de la valeur de service et de la valeur d’acquisition. La durée
interminable des phases de transmission n’est pas non plus source de clarté. On
ne peut pas dire qu’il soit clair de greffer trente-neuf sujets sur dix-huit
dates. Personne ne s’y retrouve.
La lisibilité d’une loi assure aussi sa
constitutionnalité et le fait qu’une loi soit incompréhensible pour les Français
pose problème. Peut-être l’objectif du Gouvernement est-il louable, mais le
résultat est impossible à comprendre.
Le financement pour 2027 et pour
l’ensemble du système n’est évidemment pas clair non plus. En réalité, rien
n’est garanti.
Cet amendement d’appel et ces sous-amendements sont
extrêmement importants parce que le système de retraite exige de la clarté. Il
est parfois préférable d’être un peu moins universel et beaucoup plus clair.
Vous avez choisi une grande universalité et une petite clarté ; vous auriez
dû opter pour le contraire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LR.)
M. Julien
Aubert. Pour une clarté universelle !
M. le
président. La parole est à M. Olivier Damaisin.
M. Olivier
Damaisin. Je profite de cet amendement générique pour parler des oubliés
que sont les exploitants agricoles, oubliés par l’histoire et par les majorités
précédentes.
Mme Sylvie
Tolmont. Ah non ! Il faut que vous regardiez ce qui a été fait par
les majorités précédentes !
M. Olivier
Damaisin. Ce public est même oublié dans certains contre-projets
élaborés dans cette assemblée, le mot « agriculteurs » ne figurant
même pas dans leurs propositions. La réforme des retraites est pourtant attendue
de longue date par les retraités agricoles, qui font partie de ceux qui touchent
le moins.
M. Pierre
Dharréville. Et ça va continuer !
M. Olivier
Damaisin. La retraite d’un chef d’exploitation n’excède pas
760 euros par mois alors qu’elle est de 1 380 euros en moyenne
pour l’ensemble des Français. Les avancées de ce projet de loi sont donc saluées
par le monde agricole. L’instauration d’un système par points et d’un montant
minimum de pension fixé à 85 % du SMIC net pour l’ensemble des Français
était une revendication ancienne des syndicats agricoles.
Je voudrais
enfin apporter quelques précisions au sujet des retraités agricoles actuels. Sur
30 000 agriculteurs qui partent à la retraite, 20 000 touchent
une pension inférieure à 1 000 euros par mois et 10 000, une
pension supérieure à 1 000 euros : les deux tiers des retraités
reçoivent actuellement une pension qui se situe en dessous du niveau de la
retraite universelle. Pour remédier à cette injustice, nous souhaitons
également, après avoir participé à de nombreuses réunions et à de longues
négociations, que chaque agriculteur puisse demander l’ASPA – l’allocation
de solidarité aux personnes âgées, ou minimum vieillesse –, sans que cela
ait de conséquence sur son patrimoine. Grâce à cette grande avancée, le niveau
de revenus atteindrait immédiatement les 85 % du SMIC.
M.
Sébastien Jumel. Ce n’est pas dans la loi !
M. Olivier
Damaisin. Les femmes d’exploitants agricoles étaient jusqu’à présent les
grandes oubliées.
M.
Sébastien Jumel. Ce n’est pas dans la loi !
M. Olivier
Damaisin. Voilà, chers collègues, quelles sont les propositions
concrètes que nous avons mises sur la table. (Applaudissements sur quelques
bancs du groupe LaREM.)
M.
Sébastien Jumel. Ce n’est pas dans la loi !
(« Si ! » sur
quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Olivier
Damaisin. Nous abordons ce sujet de façon globale dans le cadre d’une
réforme systémique car il renvoie à la question du financement de la retraite de
tous les Français qui entreront dans le système universel, au-delà du cas des
agriculteurs. Je sais d’ailleurs que de nombreux collègues se rendront au salon
international de l’agriculture. Le SIA, il n’y a rien que ça !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Patrick
Mignola. En voilà, un défenseur du monde agricole !
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. J’ai entendu les réponses du secrétaire d’État et du
rapporteur.
Monsieur Pietraszewski parlant de démocratie sociale à propos
d’un Gouvernement dont une des premières lois visait à réduire la
représentativité des salariés, ça ne manque pas de sel !
Monsieur le
rapporteur, vous parlez de clarté et de prévisibilité tout en employant une fois
de plus l’expression « régime universel ». Or je vous rappelle que,
dans son rapport, le Conseil d’État note que « le projet de loi ne crée pas
un "régime universel de retraite" » mais « un "système universel par
points" » et qu’« à l’intérieur de ce "système" existent cinq
"régimes". Puis il est indiqué : « À l’intérieur de chacun de ces
régimes créés ou maintenus, des règles dérogatoires à celles du système
universel sont définies pour les professions concernées. » À votre place,
je cesserais donc de parler de « régime universel » puisque même le
Conseil d’État vous contredit.
Concernant la prévisibilité, on ignore
toujours quelle sera la valeur du point, comment il sera calculé. Le simulateur
ne sera prêt que dans six mois, après le vote de la loi – si toutefois la
loi est votée, ce que je ne souhaite pas. D’autre part, nous savons que le point
de sortie, autrement dit l’année où ce point acquis aura atteint toute sa
valeur, dépendra de différents critères, si bien qu’au moment où une personne
commencera à travailler, elle ne saura pas à partir de quand elle pourra
bénéficier des points acquis.
Le financement a fait l’objet d’un vif
débat. Monsieur Pietraszewski, vous êtes très fort : vous expliquez que le
fait d’avoir fixé le plafond de cotisations à trois fois le PASS constituait un
progrès parce qu’il s’agirait du niveau le plus élevé d’Europe. Or vous l’avez
abaissé de 8 fois le PASS à 3 fois le PASS !
M. Frédéric
Petit. Non ! Nous l’avons fait passer de 1 fois à
3 fois !
M. Éric
Coquerel. Comme sophisme, on ne fait pas mieux ! En outre, vous
avez renvoyé à une ordonnance le soin de déterminer la manière dont on trouvera
les 4 milliards d’euros de cotisations qui manqueront chaque année. Il en
va de même, comme le rapporteur l’a d’ailleurs admis, pour les 42 milliards
qui manqueront chaque année en raison de la baisse du taux de cotisation de
l’État employeur et des collectivités territoriales, qui tombera de 74 %,
pour le premier, et 33 %, pour les secondes, à 17 %. Vous-même avez
assuré que ce manque serait compensé mais vous ne pouvez vous engager à la place
des futures majorités. Votre loi ne permet pas de prévoir quoi que ce soit, sauf
le fait que l’âge de départ à la retraite dans ce pays reculera considérablement
et que, à âge de départ égal, les pensions diminueront. Ça, c’est prévisible.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Je veux tout d’abord préciser à mes collègues que je n’ai pas le
sentiment d’être un « adversaire », terme qui vient d’être employé par
un collègue pour nous qualifier. Nous sommes ici pour construire la loi
ensemble. Je sais que vous n’avez pas envie de travailler avec nous, mais vous
n’êtes pas des adversaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes
MODEM et LaREM.)
Je tiens à faire une deuxième remarque : j’ai
59 ans, et personne ne peut me dire quel sera le montant de ma pension ni
quand je la toucherai – j’ai essayé cette semaine encore de le savoir.
(Mêmes mouvements.)
J’aimerais insister sur la question du
plafond. Chers collègues de l’opposition, sur tous les bancs, vous revenez
régulièrement sur le fait que, pour 1 % de nos compatriotes, le plafond a
été baissé de huit à trois PASS. Or je vous rappelle que, entre un et huit PASS,
on ne se situe pas dans le cadre du régime universel mais dans celui des régimes
complémentaires. Le passage de huit à trois ne doit donc pas masquer une autre
réalité : la décision de faire passer le plafond d’un à trois PASS en
restant à l’intérieur du régime général. (Applaudissements sur quelques bancs
des groupes MODEM. et LaREM.)
M. Laurent
Saint-Martin. Eh oui !
M. Frédéric
Petit. J’aimerais qu’on me démontre mathématiquement où se trouve
l’injustice dans le fait que les dizaines de milliards d’euros issus des revenus
des plus riches se retrouvent dans le panier unique du régime général. Les
120 000 euros de revenus que touche une seule personne équivalent à
trois minimums retraite. Désormais cette somme intégrera le panier commun. Vous
ne pouvez pas dire que c’est injuste ! Comme l’a très bien expliqué mon
collègue Fuchs mercredi, en s’appuyant sur les études de M. Piketty, nous
sommes bien obligés de fixer le plafond quelque part. Que nous ayons décidé de
le fixer à trois PASS, c’est une autre question.
M. le
président. Cher collègue, je vous demande de conclure.
M. Frédéric
Petit. Concernant les 4 milliards, vous l’avez dit, monsieur
Coquerel : l’épargne populaire représente 5 000 milliards
d’euros. Dans un marché qui brasse plusieurs fois 5 000 milliards
d’euros, et alors que nous faisons revenir des dizaines de milliards d’euros
dans le régime général, vous vous offusquez que ces 4 milliards profitent à
certains, cela prouve que vous ne connaissez pas les vrais chiffres.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à Mme Olivia Gregoire, pour un rappel au
règlement.
Mme Olivia
Gregoire. Il se fonde sur l’article 100. Pour le bon déroulement
des débats, je souhaite apporter deux précisions.
Monsieur le président
Woerth, vous avez mentionné les ordonnances – et vous n’avez pas été le
seul. Je veux rappeler quelques chiffres car il est toujours intéressant
d’étayer son propos par des chiffres. (Exclamations sur les bancs des groupes
LR, SOC, FI et GDR.)
M. le
président. S’il vous plaît !
Mme Olivia
Gregoire. Avec tout le respect que je dois aux membres du groupe Les
Républicains, 282 ordonnances ont été publiées sous le mandat de Jacques
Chirac, 274 – chers amis socialistes – sous celui de M. Hollande
et 171 sous celui de M. Sarkozy. (Applaudissements sur plusieurs bancs
du groupe LaREM.)
M. Boris
Vallaud. Ça n’a pas de rapport avec l’article 100 !
M. Pierre
Dharréville. Non, aucun !
M.
Sébastien Jumel. Le rappel au règlement n’est pas fondé !
M. Julien
Aubert. C’est de la provocation !
M. le
président. Je suis désolé, madame Gregoire, mais…
Mme Olivia
Gregoire. Je reviens simplement sur les propos…
M. le
président. Revenez à votre rappel au règlement, s’il vous plaît.
Mme Olivia
Gregoire. Vous affirmez, chers députés insoumis, que nous sommes flous,
que nous manquons de précision. Je suis donc allée consulter votre programme.
(Exclamations sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)
M. le
président. Madame Gregoire, vous aurez la parole…
Mme Olivia
Gregoire. Les approximations ne sont pas du côté qu’on croit. Votre
programme n’en est pas avare. (Applaudissements sur plusieurs bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. Boris
Vallaud. Cela n’a rien à voir avec un rappel au règlement !
M. Patrick
Mignola. Il y a bien un problème de chiffres !
M. Pierre
Dharréville. Et l’article 100 du règlement dans tout ça ?
M. Julien
Aubert. C’est un naufrage !
Mme Sylvie
Tolmont. Soyez impartial, monsieur le président !
M. le
président. Madame Grégoire, j’ai écourté le rappel au règlement car je
tiens à ce qu’on s’en tienne au contenu du règlement.
Je vous informe que
plusieurs prises de parole sont prévues maintenant. Puis, à l’occasion de
l’examen d’amendements identiques, la discussion se poursuivra et nous
laisserons alors vivre le débat. Les prises de parole seront donc
possibles : ne craignez pas de voir votre temps de parole contraint.
M. Julien
Aubert. Vous présidez très bien !
Article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, car j’observe
que vous en avez rabattu s’agissant de vos certitudes et de vos promesses. Vos
hypothèses sont aléatoires, incertaines, sujettes à caution. Vous semblez
dire : « On verra. » Vos grands principes énoncés dans
l’article 1er me rappellent la jurisprudence du Conseil
constitutionnel de 2005 à propos de la loi Fillon sur l’école, dont
l’article 7 proclamait : « L’objectif de l’école est la réussite
de tous les élèves. » Le Conseil constitutionnel avait jugé qu’une telle
disposition, dépourvue de portée normative, n’avait pas sa place dans une loi,
et que par conséquent cet article était inconstitutionnel. Il est vraisemblable
que de nombreux principes sans portée normative que vous avez énoncés soient
soumis au même traitement.
Pourquoi dit-on que la loi est
incompréhensible ? En dehors de ce qu’a indiqué le Conseil d’État, et sur
lequel je ne reviendrai pas, elle l’est parce que l’article 1er
ne donne aucune garantie concernant le niveau des pensions relativement à celui
des salaires. Or l’ajustement devra s’opérer sur les pensions et non sur les
ressources. Le texte ne reprend pas le taux de rendement de 5,5 % qui
figurait dans le rapport Delevoye. Les règles d’indexation sont sujettes à
caution. Elles sont d’ailleurs différentes avant et après 2045. Avant cette
date, comme l’a rappelé M. Woerth – ce que j’avais également
fait –, les indexations de la valeur d’achat et de la valeur du point sont
dissociées. Évidemment, on imagine bien ce que ça peut produire, d’autant que
c’est le Gouvernement qui aura finalement la main sur l’évolution de ces
taux.
Le taux de rendement du point pourra baisser pendant vingt-trois
sans aucune garantie avant 2045, et il en sera d’ailleurs de même après cette
date puisque ce sera la règle d’or. Compte tenu du fait qu’aucune retraite ne
sera versée avant 2037, la valeur du point de 2022 aura très peu d’influence sur
l’équilibre cumulé de 2022 à 2061. Ce sera donc la porte ouverte à tous les
arbitrages et le Gouvernement sera tenté – comme il l’est souvent – de
faire des économies. On a bien compris qu’il était essentiellement l’exécuteur
de la réforme avortée de 1995, dont les objectifs étaient de repousser l’âge du
départ à la retraite et de supprimer les régimes spéciaux. Nous n’avons aucune
garantie concernant la stabilité de la part des pensions dans le PIB.
M. le
président. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès
Firmin Le Bodo. J’enfoncerai le clou après les propos de mon collègue
concernant les agriculteurs. Je n’avais pas prévu de m’exprimer maintenant à ce
sujet mais je le fais puisque nombre de nos amendements ont été jugés recevables
et que nous n’aurons pas forcément la chance de pouvoir défendre beaucoup de
ceux qui restent… Nous aimerions bien pouvoir parler sans devoir attendre nos
amendements car ils tardent à arriver… (Applaudissements sur les bancs du
groupe UDI-Agir et sur quelques bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
Comme notre collègue Damaisin, nous nous félicitons de la
revalorisation des pensions agricoles à 1 000 euros net pour une
carrière complète à compter de 2022 puis à 85 % du SMIC dès 2025. Mais,
bien sûr, nous nous inquiétons du sort des agriculteurs retraités d’aujourd’hui
et souhaiterions, comme beaucoup ici, que ceux-ci puissent bénéficier d’une
hausse de leur retraite qui est malheureusement, pour certains, largement en
dessous de la moyenne nationale. En effet, la retraite moyenne d’un chef
d’exploitation ne dépasse pas 750 euros. Nous aimerions donc que le
Gouvernement s’engage à faire, pour ces agriculteurs, un geste à la mesure des
espoirs suscités par l’annonce d’une pension de retraite à
1 000 euros.
Enfin, si le sous-amendement
no 42332 de Mme Rubin nous transportait dans le temps
jusqu’aux articles 8 et 9 – auxquels elle a fait référence lors de sa
présentation –, alors que nous n’en sommes qu’à
l’article 1er, je prendrais l’engagement de voter pour !
(Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur quelques bancs des
groupes MODEM et LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. On a parlé de prévisibilité. Qui aurait pu prévoir que
M. Delevoye allait quitter le navire en cours de route ? Qui aurait pu
prévoir que nous allions perdre la ministre chargée du dossier en cours de
route ?
M.
Jean-René Cazeneuve. La continuité est parfaite ! N’insultez pas
les hauts fonctionnaires qui sont restés !
M.
Sébastien Jumel. Qui aurait pu prévoir que la conférence de financement
serait une coquille vide, jugée inopérante par l’ensemble des organisations
syndicales ?
J’en viens aux agriculteurs. Ça suffit ! Nous
sommes à la veille de l’ouverture du salon international de l’agriculture. À
deux reprises, vous avez refusé, en ayant recours à tous les dispositifs de
blocage, la proposition de loi d’André Chassaigne permettant de gérer le stock,
d’accorder aux agriculteurs la retraite à 85 % du SMIC à laquelle ils ont
droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC ainsi que sur
quelques bancs du groupe FI.)
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Ce n’est pas vous qui allez le
faire ! Vous rêvez si vous vous imaginez qu’on va vous laisser le
faire !
M.
Jean-René Cazeneuve. C’est une solution de fond qu’il faut
trouver !
Un député du groupe
LaREM. Et quel est le rapport avec le débat ?
M.
Sébastien Jumel. Aujourd’hui vous amusez la galerie – ou plutôt
vous l’enfumez – en promettant de régler la situation pour les agriculteurs
de demain alors que vous êtes incapables de le faire pour les
300 000 agriculteurs qui vivent actuellement en dessous du seuil de
pauvreté. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et
FI.)
Mme Sylvie
Tolmont. Absolument !
M.
Sébastien Jumel. Vous dites que des amendements sont prévus. Mais ces
amendements ne font que préciser qu’il faudra procéder à un examen pour savoir
quand il sera possible, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité
sociale, de s’occuper de cette population. C’est du foutage de gueule !
(Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. S’il vous plaît, mon cher collègue !
Mme Olivia
Gregoire. Ce n’est pas possible de parler comme ça ! Nous ne sommes
pas dans une cour de récréation !
M.
Sébastien Jumel. Je vous le dis avec mes mots, des mots simples, ceux
qu’emploient les gens. (Protestations continues sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.) Je résume l’article 1er : demain il
fera beau, peut-être, s’il ne pleut pas. Autrement dit : aucune garantie,
aucune prévisibilité, aucune certitude pour les gens de savoir combien ils
gagneront quand ils partiront à la retraite.
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur général.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je souhaite seulement
répondre à l’auteur de l’amendement – momentanément absent –, qui
pointait le manque de clarté, de visibilité… (Brouhaha. –
Invectives.)
Mme Sylvie
Tolmont. On vient de porter des attaques très graves !
M.
Sébastien Jumel. Des menaces personnelles !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Monsieur le
président…
M. le
président. J’invite la majorité à cesser son brouhaha !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Les invectives fusent
des deux côtés…
M. le
président. Monsieur le rapporteur général, vous avez la parole et nous
vous écoutons.
Mme Sylvie
Tolmont. Il n’est pas admissible de s’entendre dire : « Si tu
viens me chercher, tu vas me trouver ! » (Exclamations sur les
bancs du groupe LaREM.)
M.
Sébastien Jumel. Et on m’a également dit : « Si tu veux
t’expliquer, tu sors ! »
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Peut-on en venir à
l’amendement ?
Mme Sylvie
Tolmont. Ça suffit ! La majorité nous invective à longueur de
temps ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Ne dialoguez pas, s’il vous plaît, madame Tolmont. (Les
invectives se poursuivent.)
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. Puisqu’il en est ainsi, je suspends la séance.
(La séance, suspendue à douze heures, est reprise à douze heures
dix.)
M. le
président. Puisque la sérénité semble revenue, nous pouvons reprendre
nos débats.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Bruno Fuchs, pour un rappel au
règlement.
M. Bruno
Fuchs. Je souhaite, monsieur le président, que l’expression employée par
M. Jumel figure bien au compte rendu. La conférence des présidents a en
effet donné des consignes sur le niveau de vocabulaire. Ainsi pourra-t-on en
tirer les conséquences nécessaires.
M. Éric
Coquerel. Il ne faudra pas non plus oublier de faire figurer le mot
« fantasme » qui a été employé contre nous !
Article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur général.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je reviens sur
l’amendement no 23856, plus précisément sur la clarté et la
prévisibilité du futur système universel de retraite. Nous ne sommes pas en
train d’examiner une réformette paramétrique : nous proposons en effet un
changement majeur de système, le futur dispositif gardant du reste le principe
de financement par répartition. Notre projet est bien construit, il est clair.
Le titre Ier définit précisément les grands critères et le
fonctionnement du système universel, de la future « maison commune »,
comme l’appelle souvent le rapporteur Nicolas Turquois. Le titre II fixe
précisément les règles de départ à la retraite et de prise en compte de la
pénibilité. Le titre III détermine les nouvelles solidarités, notamment les
nouveaux droits familiaux. Le titre IV prévoit la gouvernance du futur
système – avec la création de la Caisse nationale de retraite
universelle –, une gouvernance paritaire et associant le Parlement. Enfin,
le titre V fixe, là aussi clairement, les règles de transition.
Vous
avez par ailleurs évoqué la question des ordonnances. Il ne faut pas les
diaboliser : elles se justifient sur les questions très techniques. Notre
rôle est de définir le périmètre politique des ordonnances.
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au
règlement.
M.
Sébastien Jumel. Il semble que, pendant mon absence momentanée, mon nom
ait été cité pour que figure au compte rendu je ne sais quel propos que j’aurais
tenu. Je tiens à confirmer deux ou trois choses. J’ai dit ici qu’après avoir
bloqué la proposition de loi Chassaigne, votre attitude relève du « foutage
de gueule », et j’assume mes propos. Ce n’est d’ailleurs ni une attaque
personnelle ni une insulte.
En revanche, quand un collègue m’appelle à
sortir pour m’expliquer,…
M. Olivier
Damaisin. Je n’ai pas dit ça !
M. Alain
Bruneel. Si ! Devant témoins !
M.
Sébastien Jumel. …je considère que c’est une attaque personnelle, que
c’est porter atteinte à mon intégrité politique et à mon intégrité physique.
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Merci pour ce rappel au règlement.
M.
Sébastien Jumel. Si vous voulez que soient inscrits ces propos au compte
rendu, d’accord, mais je demande que la présidence de l’Assemblée garantisse la
liberté d’expression des députés de l’opposition et que les menaces physiques,
dans cet hémicycle, soient interdites. (Nouvelles protestations sur les bancs
du groupe LaREM.) Je n’ai pour ma part jamais menacé qui que ce soit.
M. Olivier
Damaisin. Moi non plus ! Je n’ai pas tenu les propos dont vous
m’accusez !
M.
Sébastien Jumel. J’assume en revanche de penser que, lorsque la majorité
ne respecte pas sa parole vis-à-vis des agriculteurs, cela relève du foutage de
gueule.
M. le
président. Ce n’est pas le moment d’évoquer les agriculteurs car vous
étiez censé formuler un rappel au règlement.
Premièrement, monsieur
Jumel, quand vous avez laissé entendre que la présidence de l’Assemblée ne
garantissait pas la liberté de parole des députés, j’espère que vous ne vous
adressiez pas à moi et à mes collègues vice-présidents pour nous reprocher notre
façon de diriger les débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes
LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
M. Boris
Vallaud. Ce n’est pas ce qu’il a dit !
M.
Sébastien Jumel. Absolument pas : ce n’était pas une attaque
personnelle, monsieur le président.
M. le
président. Je ne parlais pas que de moi ; la présidence est
une.
M.
Sébastien Jumel. Nous n’avons rien à reprocher aux présidents qui se
succèdent au perchoir.
M.
Jean-Paul Lecoq. Ça dépend lesquels…
M. le
président. Vous considérez donc que la liberté de parole de l’opposition
est garantie, c’est important.
M.
Sébastien Jumel. Je dis seulement que la police de l’Assemblée doit
garantir la sécurité physique des députés de l’opposition. (Protestations
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. Deuxièmement, monsieur Jumel, ne laissons pas entendre que
quiconque ait peur et se sente en insécurité physique quand il entre dans
l’hémicycle.
M.
Sébastien Jumel. Si ! Je suis en situation d’insécurité !
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Non, ce n’est pas le cas. Ne disons pas n’importe quoi :
à aucun moment les députés ne sont menacés, ni dans leur liberté d’expression ni
dans leur intégrité physique.
M.
Sébastien Jumel. Et quand on me demande de sortir de l’hémicycle pour
m’expliquer ?
M. le
président. Nous allons en rester là sur ce point.
La parole est à
M. François Ruffin pour un autre rappel au règlement.
M. François
Ruffin. M. Fuchs demande que les propos de M. Jumel figurent
bien au compte rendu. Comme je sais la qualité du travail fourni par le
personnel de l’Assemblée, je ne doute pas que les propos de M. Fuchs me
mettant en cause concernant des conflits d’intérêts soient également portés au
compte rendu. J’espère qu’il apportera les preuves de ses affirmations à la
présidence de l’Assemblée. Quant à moi, je vous le dis : plutôt que de
chercher la paille que vous ne trouverez pas dans mon œil, vous feriez mieux de
regarder la poutre des conflits d’intérêts qui se trouve dans celui des membres
de la majorité. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe MODEM
et sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Chers collègues, plusieurs d’entre vous souhaitent
intervenir, mais nous n’allons pas entendre 247 rappels au règlement sur le
même sujet ! Je vous rappelle que le président de séance peut clore une
série de rappels au règlement lorsqu’ils ont le même objet. Je prends encore un
intervenant avant que nous ne passions aux votes.
Monsieur Damaisin, vous
avez demandé la parole pour un rappel au règlement. Je vous demande d’être
précis sur son objet et de ne pas vous en écarter : vous ne vous adresserez
pas aux agriculteurs et vous n’évoquez ni une question de fond ni l’amendement
en cours d’examen. Vous avez la parole.
M. Olivier
Damaisin. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 100 du
règlement. Je souhaite répondre à notre collègue Jumel. Je ne vous ai pas menacé
physiquement mais j’ai dit : « Si vous me cherchez, vous allez me
trouver. » (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
M.
Sébastien Jumel. On y est !
M. Olivier
Damaisin. Je voulais dire : vous allez me trouver pour débattre.
Vous savez très bien que, depuis deux ans, je travaille avec André Chassaigne
sur ce sujet et que les choses avancent. Monsieur Jumel peut dormir tranquille,
je ne l’ai pas menacé : nous pouvons aller boire une coupe à la
buvette ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. Merci, monsieur Damaisin. La précision est donc
apportée : il n’y a pas eu de menaces.
Fait personnel
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit, pour un fait
personnel.
M. Frédéric
Petit. Il se fonde sur l’article 58, alinéa 3 du règlement. Je
veux alerter ceux qui nous accusent collectivement, par amalgame, en affirmant
que nous, élus de la majorité, formons une secte, sommes des Playmobil, des
suppôts des sociétés de banque, en situation de conflit d’intérêts.
M.
Jean-Paul Lecoq. Exactement !
M. Frédéric
Petit. Lorsque vous dites cela, vous visez chacun d’entre nous, et je le
supporte depuis deux ans. Compte tenu de ma vie et de mon parcours, je considère
qu’il s’agit d’attaques personnelles complètement injustifiées.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Article 1er (suite)
(Le sous-amendement no 42333 est
retiré.)
M. le
président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques
nos 41789 et 42330.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 93
Nombre
de suffrages
exprimés 82
Majorité
absolue 42
Pour
l’adoption 12
Contre 70
(Les sous-amendements identiques nos 41789
et 42330 ne sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement no 41793 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques
nos 41796 et 42334.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 92
Nombre
de suffrages
exprimés 80
Majorité
absolue 41
Pour
l’adoption 10
Contre 70
(Les sous-amendements identiques nos 41796
et 42334 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix les sous-amendements identiques
nos 41798 et 42331.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 92
Nombre
de suffrages
exprimés 80
Majorité
absolue 41
Pour
l’adoption 12
Contre 68
(Les sous-amendements identiques nos 41798
et 42331 ne sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement no 42178 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42332.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 93
Nombre
de suffrages
exprimés 81
Majorité
absolue 41
Pour
l’adoption 12
Contre 69
(Le sous-amendement no 42332 n’est pas
adopté.)
(L’amendement no 23856 n’est
pas adopté.)
M. le
président. Mes chers collègues, après trois jours de débats, je suis
très heureux de vous informer que nous attaquons l’alinéa 2 de
l’article 1er. (Vifs applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
Je suis saisi de dix-huit
amendements identiques, nos 1548 et identiques déposés par les
membres du groupe de la France insoumise, et no 3926.
La
parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l’amendement
nos 1548 et les seize amendements identiques déposés par les
membres du groupe de la France insoumise.
M. François
Ruffin. Ils visent à supprimer l’alinéa 2 de
l’article 1er.
Au-delà, on nous dit que les agriculteurs
seront les grands gagnants de la réforme.
Mme Hélène
Zannier. Pas seulement eux !
M. François
Ruffin. Un article paru ce matin traite de l’application aux
agriculteurs de la promesse d’une pension de retraite à 1 000 euros
nets minimum par mois pour quiconque aura fait toute sa carrière au SMIC. On
peut lire la réaction d’André Tissot de la Confédération paysanne :
« Quand on commence à creuser, c’est épouvantable. » L’article précise
que les agriculteurs n’étaient pas initialement défavorables à l’idée d’un
système universel en citant de nouveau André Tissot : « C’était trop
beau, on voulait y croire. On n’avait pas d’a priori contre cette réforme et
quand on a commencé à creuser, c’était la déception. » Il parle même de
« trahison ».
Pourquoi vos prétendus « grands
gagnants » de la réforme font-ils ce constat, poursuit l’article ?
Parce que, comme dans les contrats d’assurance d’Axa, derrière les
1 000 euros pour tous, il y a de nombreux astérisques. Il faudra par
exemple avoir fait une carrière complète de 43 ans et cotisé à hauteur du
SMIC. Autrement dit, on élimine les femmes de paysans, ceux qui ont eu une
carrière hachée, ceux qui ont connu des périodes d’incapacité ou
d’invalidité…
M. Laurent
Saint-Martin. Vous devriez comparer avec ce qui existe
aujourd’hui !
M. François
Ruffin. D’après André Tissot, « ces règles excluent 40 % du
monde agricole ». L’article constate aussi que, du côté de la Coordination
rurale, on n’est guère plus à l’aise avec la réforme. Armand Paquereau déclare
que la promesse d’une retraite à 1 000 euros pour tous les
agriculteurs n’est rien d’autre qu’une « fausse information ». Il
ajoute : « Quand on connaît le revenu d’une grande partie des
agriculteurs, on sait que beaucoup n’auront pas le droit à cette
pension. »
L’article rappelle que le groupe GDR de l’Assemblée avait
proposé une revalorisation des pensions à 85 % du SMIC. Depuis 2017, votre
majorité l’a constamment refusée, alors que la FNSEA la réclame de manière
urgente.
Vous prétendez que les grands gagnants seront les femmes et les
agriculteurs. Pourtant la présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les
femmes et les hommes constate que l’on ne sait pas ce que donnera le nouveau
système et qu’il comporte des dispositions qui défavoriseront les femmes, et
tous les syndicats agricoles vous expliquent que vos 1 000 euros pour
les agriculteurs sont une fausse information et en parlant même de
« trahison ».
M. le
président. La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir
l’amendement no 3926.
Mme
Marie-France Lorho. La réforme des retraites a d’abord été défendue en
avançant l’argument de la nécessité d’une plus grande équité : un régime
plutôt que quarante-deux pour que la promesse du Président Macron soit
effective ; à chaque euro cotisé, le même nombre de points pour tous. Mais,
si cela était exact, pourquoi autant de Français se retrouveraient-ils dans la
rue pour contester votre réforme ?
Si elle est à ce point contestée,
c’est qu’en réalité elle n’est pas équitable. Le Conseil d’État relève que
« l’objectif "chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous" reflète
imparfaitement la complexité et la diversité des règles de cotisation ou
d’ouverture de droits définies par le projet de loi ».
Chaque euro
cotisé n’ouvrira pas les mêmes droits pour tous car l’effort de cotisation ne
cesse d’augmenter sans que le revenu de retraite n’augmente. La conversion de
l’euro cotisé en pension de retraite ne sera pas la même pour tous. Décidément,
la plus grande équité est loin d’être défendue, et encore moins respectée.
(M. Nicolas Meizonnet applaudit.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission spéciale sur ces amendements
identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il est défavorable car les arguments qui
nous sont exposés n’ont rien à voir avec l’alinéa que ces amendements visent à
supprimer.
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Je regrette que nous ne saisissions pas l’occasion pour
débattre de la situation des agriculteurs. J’ai entendu des dénégations du côté
des bancs de la majorité lorsque mon collègue François Ruffin s’est exprimé. Je
souhaite donc compléter ses propos.
Je vous rappelle que, dans votre
réforme, seuls les chefs d’exploitation justifiant d’une carrière complète de
quarante-trois ans et ayant cotisé à hauteur du SMIC seront éligibles à la
pension minimale que vous avez définie. Exit donc les conjoints de paysans et
les agriculteurs aux carrières hachés en raison d’incapacité, d’invalidité ou de
toute autre cause. En d’autres termes, tous les plus fragiles sont exclus par
les règles que vous mettez en place.
En outre, alors qu’un agriculteur
touche en moyenne 855 euros de retraite, vous laissez penser qu’on
atteindrait un palier considérablement élevé si l’on portait les pensions à
1 000 euros – ce qui ne vaudrait, je l’ai dit, que pour certains.
Je trouve que vous portez peu de considération à ce que les agriculteurs
apportent, à leur travail et à leur situation. Leur nombre ne cesse pourtant de
diminuer, et je vous rappelle qu’un agriculteur se suicide chaque jour en
France.
Ce n’est pas votre réforme qui permettra qu’une partie des
agriculteurs perçoive une retraite minimale de 1 000 euros. En
revanche un texte a autrefois été adopté en ce sens, auquel vous vous êtes
opposés dès votre arrivée au pouvoir. Vous n’avez fait que ralentir
l’application de cette mesure, à laquelle vous vous ralliez aujourd’hui, mais ne
laissez pas penser qu’il y a le moindre rapport avec votre réforme et le système
par points. (M. François Ruffin applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Les amendements identiques que nous examinons visent à
supprimer l’alinéa 2 de l’article 1er, qui est ainsi
rédigé : « 1° Après l’article L. 111-2-1, il est inséré un
article L. 111-2-1-1 ainsi rédigé : ». Cela suffit à nous
montrer que ces amendements sont complètement décalés et ridicules.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Nous avons compris
que vous saisissez l’occasion d’organiser une nouvelle discussion générale, mais
franchement… Je demanderai peut-être à faire un rappel au règlement tout à
l’heure pour savoir si l’on ne peut pas se concentrer sur l’amendement sur
lequel on intervient.
M. Pierre
Dharréville. Vous nous aviez habitués à mieux, monsieur
Mattei.
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Nous avons la responsabilité d’apporter des réponses
aux questions que se posent nos concitoyens. À la veille du salon de
l’agriculture, les agricultures s’interrogent : sachant qu’un agriculteur
gagne en moyenne 780 euros et une agricultrice 750 euros,…
M. Frédéric
Petit. Quel rapport avec l’amendement ?
M.
Jean-Paul Mattei. Aucun rapport !
M.
Sébastien Jumel. …ils se demandent, si après une vie de labeur consacrée
à nourrir le pays, ils pourront prétendre à une retraite équivalente à 85 %
du SMIC, conformément aux promesses qu’on leur a faites. Ce n’est quand même pas
la mer à boire !
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. C’est pour cela que nous faisons la
réforme !
M.
Sébastien Jumel. Force est de constater que vous êtes incapables de
répondre à cette question et que le projet de loi n’apporte pas de réponses en
la matière. Même si vous préparez un amendement visant à demander qu’un rapport
soit publié dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la
sécurité sociale, vous n’apportez pas de réponse concrète à la gestion du stock
de ceux qui vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté. Alors que le
règlement de la situation des agriculteurs est agité comme un leurre depuis le
début du débat sur les retraites, force est de constater qu’Emmanuel Macron va
les laisser sur la paille à la faveur de ce projet de loi. (Applaudissements
sur les bancs du groupe GDR. – M. François Ruffin applaudit
également.)
M. le
président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai un cas d’école à vous
soumettre concernant le cumul emploi-retraite. M. Marc Fesneau, ministre
chargé des relations avec le Parlement, ici présent, connaît bien, lui aussi,
les agriculteurs. Je pense aux bi-actifs : ils travaillent pour une
entreprise et, à d’autres horaires, travaillent aussi dans une exploitation
agricole. Une fois à la retraite dans leur activité principale – qui
correspondait souvent à un mi-temps ou un gros mi-temps –, ils ne peuvent
pas bénéficier du cumul emploi-retraite qui leur permettrait de percevoir leur
pension en continuant de travailler dans une exploitation agricole. Comme nous
réorganisons profondément le système des retraites, il serait bien de rendre ce
cumul possible. Quand on considère les difficultés de transmission des
exploitations et leur concentration, quand on sait que la nouvelle PAC
supprimera les aides pour ceux qui n’exercent pas une activité unique, on
comprend que l’on pourrait toucher un segment de la population agricole de
personnes ayant 60 ou 62 ans qui veulent poursuivre leur activité mais qui
ne peuvent plus le faire. Au détour de la réforme, ce serait bien de ne pas
laisser passer l’occasion qui s’offre à nous de leur en donner la
possibilité.
(Les amendements nos 1548 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de dix-huit amendements identiques,
nos 1582 et identiques déposés par les membres du groupe La
France insoumise, et no 3939.
La parole est à
M. Éric Coquerel, pour soutenir l’amendement no 1582 et les
seize amendements identiques déposés par les membres du groupe La France
insoumise.
M. Éric
Coquerel. Ils visent à supprimer l’alinéa 3 de
l’article 1er, car nous estimons qu’il est le symbole du
déguisement sous lequel vous présentez votre réforme.
Vous annoncez un
« système universelle de retraite » exprimant « la solidarité
entre les générations unies dans un pacte social », mais, en réalité, vous
allez faire tout l’inverse. Or le système que vous proposez n’a rien d’universel
car en réalité, chaque génération sera traitée de manière différente, selon le
nombre de personnes qui partiront à la retraite en même temps. On l’a vu, la
valeur de sortie du point empêchera le système d’être le même pour tous. Le
Président de la République l’admet lui-même, lui qui explique qu’il y aura au
fond 66 millions d’âges pivots !
Vous parlez de solidarité
entre les générations, mais le système actuel, qui assurait cette solidarité, et
que vous démolissez, était financé par des cotisations sur les revenus du
travail. Vous allez étatiser le système de retraite, comme vous l’avez fait pour
la santé, avec les mêmes conséquences. Au lieu d’inscrire dans la loi l’âge de
départ à la retraite et la durée de cotisation puis de chercher les financements
nécessaires, vous allez faire l’inverse : fixer d’abord les financements
possibles – vous avez déjà décidé qu’ils seraient inférieurs à 13 % du
PIB – puis en déduire l’âge auquel nos concitoyens auront le droit de
partir à la retraite. Ce n’est plus de la solidarité entre les générations, mais
la subordination des individus à une politique d’austérité néolibérale. Voilà ce
que vous proposez !
M. le
président. Monsieur Petit, pour répondre à votre interrogation – je
vous ai vu prêt à brandir le règlement –, je vous rappelle la nouvelle
procédure. Nous sommes saisis de dix-huit amendements identiques du même groupe,
et, selon la nouvelle rédaction du règlement, un député défend l’ensemble
d’entre eux, au nom du groupe.
Mme
Caroline Fiat. On peut revenir sur cette règle, si vous
voulez !
M. Pierre
Dharréville. Ce n’est qu’une possibilité !
M. le
président. C’est une possibilité que la conférence des présidents a
formellement actée, et je ne fais qu’appliquer ses décisions.
M. Frédéric
Petit. Merci pour ces explications, monsieur le
président.
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 3939.
Mme
Emmanuelle Ménard. Il vise à supprimer l’alinéa 3 de
l’article 1er, qui laisse entendre que le projet de loi va
instaurer un système universel de retraite exprimant la solidarité entre les
générations.
Le but est louable mais, dans l’état actuel, votre projet de
loi ne permet pas d’assurer avec certitude le principe de solidarité entre les
générations, puisque le coût de la réforme n’est toujours pas connu avec
précision, en particulier à cause des très nombreuses concessions déjà accordées
aux bénéficiaires des régimes spéciaux. La conférence de financement est au
point mort – hier, on parlait de se servir dans le Fonds de réserve pour
les retraites. Bref, le coût comme le financement de la réforme restent
imprévisibles, voire illisibles.
Si ce coût n’était pas maîtrisé, il
s’agirait de nouveaux reports de dépenses que devront supporter les nouvelles
générations – qui vont déjà payer la dette publique et ses intérêts, sans
compter le futur plan dépendance. Difficile, dans ces conditions, de prétendre
que le présent projet de loi est fondé sur la solidarité entre les générations,
vous l’avouerez.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission spéciale sur ces amendements
identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je reprendrai mes propos précédents. Libre
à l’opposition de contester la pertinence des outils retenus dans le projet de
loi, mais l’amendement tend à supprimer l’alinéa 3, qui dispose :
« La Nation affirme solennellement son attachement à un système universel
de retraite qui, par son caractère obligatoire et le choix d’un financement par
répartition, exprime la solidarité entre les générations, unies dans un pacte
social. » Supprimer cela revient à nier le choix du caractère obligatoire
et du financement par répartition du système de retraite, qui exprime la
solidarité entre les générations. C’est ainsi que je lis votre amendement. En
conséquence, l’avis est évidemment défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Jacques Maire.
M. Jacques
Maire. L’intervention de Mme Ménard, et je l’en remercie, nous
donne l’occasion de faire une précision intéressante sur l’article 39 et la
question des régimes spéciaux. À l’entendre, on a l’impression que le devenir
des régimes spéciaux induira davantage de dépenses. En réalité, ce n’est pas le
cas : les régimes spéciaux sont mis en extinction, et la transition leur
fera faire des économies, année après année. L’article 39 prévoit bien la
conservation des droits acquis, pour autant que les durées d’activité soient
suffisantes, et renvoie l’organisation de l’extinction à une ordonnance. En tout
état de cause, année après année, le système universel fera des économies liées
à cette transition. Il n’y aura donc aucun coût supplémentaire. Je suis
défavorable à ces amendements identiques.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Défavorable.
S’il faut
éviter d’entrer en permanence dans des discussions qui enjambent les
amendements, je voudrais quand même répondre au président Vigier.
Dans
l’étude d’impact, pages 204 et 205, il trouvera les cas types qui montrent
bien qu’au-delà de 65 ans – âge du taux plein qui a été retenu pour la
comparaison avec le système actuel, en se basant sur l’hypothèse d’une entrée
dans la vie active à 22 ans et d’une durée d’activité de 43 ans,
conformément aux dispositions contractuelles actuelles –, le taux de
remplacement progresse significativement. Bien sûr, plus on travaille d’années
au-delà de cet âge, plus le taux est important, mais celui-ci progresse dès
l’âge du taux plein – lequel, je le rappelle, ne représente qu’une
hypothèse renvoyant au système actuel et ne présage en rien de ce que sera l’âge
d’équilibre, qui reste à définir.
Quant à votre deuxième question,
monsieur le président Vigier, relative au cumul entre emploi et retraite pour
les professions agricoles, le rapporteur aurait pu vous répondre car il connaît
bien le sujet, mais je vais le faire volontiers. Il s’agit d’une profession dont
j’ai rencontré à de nombreuses reprises les représentants en travaillant sur le
projet de loi, y compris avant d’arriver au Gouvernement. Ils nous ont demandé
d’encadrer le cumul emploi-retraite pour faciliter la transmission des
exploitations – un souhait fréquent et parfaitement légitime – et
éviter la concurrence implicite entre les dispositifs. Il sera bien sûr toujours
possible de travailler dans une exploitation agricole tout en étant en retraite,
mais dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui, c’est-à-dire sans constitution de
droit contributif.
Pour revenir à l’alinéa 3, étant curieux, je suis
allé voir la façon dont étaient rédigées les lois précédentes réformant le
système de retraite. Je voulais notamment savoir s’il était ou non d’usage de
soumettre à la représentation nationale des principes généraux – ces
principes dont on débat depuis cinq jours. Peut-être, me suis-je dit, ai-je été
trop présomptueux en incluant des principes généraux dans le texte, là où
d’autres, plus pragmatiques et plus efficaces que moi, ne l’avaient jamais fait.
Par curiosité, je suis donc allé voir ce qu’avait proposé la majorité socialiste
de l’époque dans sa loi de 2014 : je n’en ferai pas la lecture à
l’Assemblée nationale, mais vous aurez compris que les principes généraux y
figurent bien sûr au début.
M. Boris
Vallaud. Commentez votre loi, pas celles des autres !
M. David
Habib. Nous, nous n’avions pas eu besoin d’ordonnances pour être
clairs !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Pourtant – j’étais alors
un citoyen attentif à la politique – il ne me semble pas avoir vu les
oppositions bloquer le débat et obliger le Gouvernement à passer plus de cinq
jours sur deux alinéas !
M. David
Habib. Quand on pense qu’à l’époque, Macron était de
gauche !
M. le
président. La parole est à Mme Fadila Khattabi.
Mme Fadila
Khattabi. Mes chers collègues, franchement, dans quelle langue faut-il
vous le dire ? Vous avez l’art de la redondance, alors nous devons nous
aussi pratiquer l’art de la répétition. Vous ne voulez pas comprendre, vous ne
voulez pas entendre, non, parce que votre seul et unique objectif est de plomber
les débats. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Oui, nous
voulons créer un système universel.
Mme
Caroline Fiat. Non, il ne l’est pas !
Mme Fadila
Khattabi. Oui, la solidarité est au cœur de ce système. Oui, pour
réduire les inégalités qui affectent le système actuel, nous voulons mettre en
place le minimum contributif. D’ailleurs, c’est une si belle mesure que certains
d’entre vous demandent de la voir appliquée à tout le stock. Avançons donc dans
le texte pour l’adopter ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du
groupe LaREM.)
Contrairement à ce que vous dites, il s’agit bien d’un
système par répartition. Pourquoi ? Parce que ce sont les cotisations des
actifs qui assureront les pensions des retraités. Alors pourquoi dire le
contraire, sinon pour faire peur aux Français par vos discours anxiogènes ?
Sachez que les Français ne sont pas dupes de votre perfidie !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs
du groupe FI. –
« Référendum ! » sur
les bancs des groupes GDR.)
M. le
président. La parole est à Mme Laurence Vichnievsky.
Mme
Laurence Vichnievsky. Même si nous avons examiné des sujets, non pas de
détail, mais techniques et précis – presque des niches –, nous en
sommes toujours aux principes généraux. Alors rappelons-les. Lorsqu’à la fin du
processus législatif, le projet de loi sera adopté – ce dont, au fond,
personne ne doute, dans la majorité comme dans l’opposition –,…
M. Éric
Coquerel. Si ! Et vous allez voir !
Mme
Laurence Vichnievsky. …la France se sera dotée d’un système de retraite
plus juste, plus moderne et plus pérenne. (Applaudissements sur quelques
bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Mme
Caroline Fiat. Non !
M. François
Ruffin. Nous en doutons encore un peu ! (Sourires.)
Mme
Laurence Vichnievsky. Plus juste car il sera le même pour tous :
pour les agents du service public, les salariés du secteur privé, les
indépendants et les artisans, chaque point obtenu dans les mêmes conditions
procurera les mêmes droits.
M. Éric
Coquerel. Ce n’est pas forcément juste !
Mme
Laurence Vichnievsky. Plus adapté : qui aujourd’hui – pensez à
nos enfants ! – effectue l’ensemble de son parcours professionnel chez
un même employeur ? Presque personne.
Mme Maud
Petit. C’est vrai !
Mme
Caroline Fiat. Forcément, puisqu’on se fait virer !
Mme
Laurence Vichnievsky. Plus pérenne enfin, puisqu’une conférence de
financement doit fixer les conditions de l’équilibre en tenant compte d’une
double exigence : ne pas compromettre la compétitivité de nos entreprises
car, sans elle, il n’y a pas de croissance et, partant, pas de financement
possible ; garantir le pouvoir d’achat de nos aînés. Il est un fait
incontestable : l’espérance de vie progresse.
Mme
Caroline Fiat. Pas l’espérance de vie en bonne santé !
Mme
Laurence Vichnievsky. Tant mieux pour nous tous. Dans le demi-siècle à
venir, le nombre des plus de 75 ans aura plus que doublé. Il faudra donc
travailler plus pour ne pas compromettre les équilibres financiers, c’est une
évidence. Je suis certaine que, si nous ne faisons rien maintenant, nos
petits-enfants n’auront rien. Les réformes qui font gagner tout le monde sont
rares : si l’on veut être juste, certains doivent accepter de perdre un
peu…
Mme
Caroline Fiat. En l’occurrence, beaucoup !
Mme
Laurence Vichnievsky. …pour que certains autres gagnent plus.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM. –
Mme Patricia Lemoine applaudit également.)
M. Éric
Coquerel. Et ça, ce n’est pas anxiogène peut-être ?
M. le
président. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine
Rubin. Puisque l’article 1er énumère les grands
principes, parlons-en ! En supprimant l’alinéa 3, on ne nie pas notre
attachement à ces principes, on en dénonce la vacuité, le caractère novlangue.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Monsieur le
secrétaire d’État, vous avez dit que la réforme ne faisait que s’adapter aux
évolutions du monde, ce « monde de demain » que vous aimez évoquer.
Comme le dit une publicité – elle fait la promotion d’une banque, mais je
la trouve intéressante –, « Ce n’est pas le monde qui change, c’est
vous qui le faites changer ». Nous sommes là pour changer le monde, en
effet. Mais il existe une différence entre vous et nous : votre monde de
demain, celui que vous laissez filer depuis trente ans, est soumis à une logique
économique et financière qui ne profite qu’au capital, au détriment du travail
et de l’activité en général (M. François Ruffin
applaudit), et de manière de plus en plus nette.
C’est d’ailleurs
dans ce contexte que nous avons vu émerger les assurances complémentaires et les
produits d’épargne retraite que vous avez mentionnés, monsieur le secrétaire
d’État. C’est parce que vous voulez soumettre les gens à ce monde, présenté
comme inéluctable, obéissant à une loi naturelle, que vos propos sonnent faux
lorsque vous employez les mots solidarité, universalité, répartition.
(M. François Ruffin applaudit.)
Si vous voulez
vraiment faire de la solidarité et de la répartition, commencez par mieux
répartir les revenus du travail et du capital. (Applaudissements sur les
bancs du groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je ne suis pas dupe de la tactique de répétition employée
par les orateurs de la majorité, consistant à faire du commentaire sans jamais
entrer dans le cœur du débat que, pour notre part, nous essayons d’avoir dans
l’hémicycle. (Rires.) Cela se voit ; c’est dommage mais c’est
ainsi. (Sourires.)
M.
Jean-René Cazeneuve. Excellent ! Très drôle !
M. Jacques
Maire. C’est du grand comique !
M. Pierre
Dharréville. J’en reviens aux amendements. Moi qui suis attaché à la
sincérité de la loi, je pense qu’il y a une forme de duplicité dans ce
texte : les grands principes généreux et rassembleurs qui sont affichés ne
correspondent pas à la réalité que nous voyons transparaître.
J’admire la
foi qui s’exprime parfois sur certains bancs. Je viens d’ailleurs d’entendre une
remarque qui me semble être assez fondamentale concernant le texte : il
révèle une volonté de peser, de contraindre, de ne pas donner droit à la
rémunération du travail. Vous parlez de compétitivité, de coût du travail. Nous
connaissons ce discours, que vous appliquez là aux retraites.
A aussi été
évoqué le danger que court notre système actuel, la situation dans laquelle vont
se trouver nos enfants et petits-enfants si nous ne faisons rien. Le COR dit
exactement l’inverse.
M. Boris
Vallaud. Absolument !
M. Pierre
Dharréville. Vous ne pouvez pas justifier votre réforme par des
arguments de ce type ; ce n’est absolument pas sérieux.
Enfin, nous
dénonçons le fait que cette déclaration de principe ne soit pas conforme à votre
projet. La loi doit être cohérente et sincère ; or, en l’occurrence, ce
n’est pas le cas. Nous doutons de votre capacité à faire évoluer le texte car
nous constatons qu’au cours des débats vous n’entendez pas grand-chose, pour ne
pas dire rien.
Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet
alinéa.
M. le
président. Merci, monsieur Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Pour résumer, votre démarche, dans
l’article 1er, ressemble à du tuning.
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Commençons par les ordonnances prévues dans les réformes des
retraites : il n’y en avait pas dans la loi Fillon ; il y en avait
deux dans la loi Touraine, dont l’une était destinée à étendre les mesures aux
territoires d’outre-mer.
Le secrétaire d’État a renvoyé M. Vigier à
l’étude à l’étude d’impact, à laquelle je vais moi-même me référer pour apporter
quelques précisions. Page 117, un tableau illustre le fait que la prise en
compte de l’ensemble de la carrière indexée sur le salaire moyen est moins
favorable que celle des vingt-cinq meilleures années indexées sur l’inflation
pour les cas types à carrière ascendante ou très ascendante ; à l’inverse,
ce mode de calcul est plus favorable pour les personnes rémunérées au SMIC. Il
est ainsi estimé que la pension d’un non-cadre baissera de 4 % tandis que
celle d’un salarié au SMIC progressera de 5 %.
Cependant, les
auteurs de l’étude d’impact omettent de préciser que tous les cas types ont été
construits sur des hypothèses d’un départ à 65 ans, quelles que soient les
générations nées à partir de 1975, alors que cet âge pivot, on le sait, va
augmenter – c’est le but même de ce texte.
En outre, le taux de
rendement est constant à 5,5 % pendant toute la durée de la réforme, ce
qu’absolument rien ne garantit. En réalité, le nouveau système induira une
baisse du taux de remplacement : de 8 points pour un départ à
64 ans et de 18 points avec les décotes dans le cas d’un départ à
62 ans.
Autre oubli : les désavantages liés aux carrières
hachées – souvent associées à des bas salaires – sont gommés dans un
système qui prend en compte les vingt-cinq meilleures années, ce qui ne sera pas
le cas dans le nouveau système.
Du reste, vous omettez aussi de dire que
toutes vos règles d’indexation sont en mousse : elles ne sont garanties
– et encore très relativement – qu’à partir de 2045.
J’en
termine sur l’impatience de certains de nos collègues. C’est probablement la
plus grande réforme depuis des décennies, nous disent-ils. Nous sommes prêts à
la considérer comme telle, et c’est pourquoi nous nous émouvons des délais
d’examen qui nous sont imposés. Douze ans s’écoulèrent entre le rapport de Jules
Ferry sur l’école et la loi sur l’école : de 1870 à 1882.
M. le
président. Je vous remercie, monsieur Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Quant à l’amendement Wallon, grand amendement, son seul examen
nécessita trois heures cinquante de discussion. (Applaudissements sur les
bancs du groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Est-ce que le nouveau système sera plus juste ?
M. Pierre
Dharréville et Mme Caroline Fiat. Non !
M. Éric
Woerth. Honnêtement, je ne sais pas. Sera-t-il financièrement plus
équilibré ?
M. Sébastien Jumel.
Non !
M. Éric
Woerth. J’avoue que je ne sais pas non plus. Et même si s’expriment des
convictions personnelles parfois peu objectives, j’ai l’impression que personne
ne sait.
M. Boris
Vallaud. Exactement !
M. Éric
Woerth. C’est bien le problème de ce texte : rien ne permet de le
dire et personne n’aura ce ressenti. Or, c’est comme pour la température :
celle que l’on ressent est en général celle qui nous tue car c’est la
température réelle subie par notre corps.
Ce texte n’est pas clair, cela
a déjà été dit à plusieurs reprises. Je le regrette profondément. Je pense qu’on
aurait pu respecter la parole du Président de la République durant sa campagne
électorale, avec un texte clair, précis, net. C’est pour cela qu’il faut laisser
le débat se poursuivre. Le Gouvernement aurait tort de l’interrompre. Il a fallu
deux ans pour construire un texte qui n’est pas fini ; il me semblerait
normal d’avoir deux mois pour en discuter au Parlement.
M.
Sébastien Jumel. Bonne idée !
M. Éric
Woerth. Du débat naît un peu plus de clarté. Vous devez laisser les
débats se poursuivre. Vous devez réorganiser le calendrier du Parlement
– c’est le Gouvernement qui a la main en la matière. Vous devez déplacer
les autres textes éventuellement programmés.
M. Pierre
Dharréville. Voilà !
M. Éric
Woerth. Vous devez laisser le Parlement débattre tranquillement et
aboutir à l’adoption d’un texte, ce que nous n’avons pas su faire en commission,
alors qu’il aurait pu en être décidé autrement.
M. Pierre
Dharréville et Mme Caroline Fiat. C’est vrai !
M.
Sébastien Jumel. Tout à fait !
M. Éric
Woerth. Nous devons aller jusqu’au bout de ce texte, quitte à y
consacrer deux mois au Parlement. Ce texte engage la vie de tous les Français et
quelque 320 milliards d’euros sont en jeu : cela vaut bien deux mois
de débats à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du
groupe LR.)
(Les amendements nos 1582 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Nous allons commencer l’examen des amendements en discussion
commune suivants : j’appelle les amendements nos 2, 24634
et 6.
La parole est à Mme Marianne Dubois, pour soutenir
l’amendement no 2.
Mme
Marianne Dubois. Le groupe Les Républicains souhaite qu’une réforme des
retraites pérenne et profonde soit élaborée au cours de ce quinquennat. Nous
travaillons sur un véritable projet depuis 2019, afin d’apporter une brique
complémentaire pour consolider la loi Woerth.
Notre projet repose sur un
financement pérenne avec une redistribution juste et cohérente, ce qui implique
de disposer des ressources nécessaires. La pérennité financière du système ne
peut être garantie que par un ajustement des trois critères suivants :
hausse des cotisations, baisse des pensions ou relèvement de l’âge de départ à
la retraite.
Le socle du raisonnement d’une redistribution cohérente doit
viser certains objectifs : suppression de tous les régimes spéciaux en
douze ans ; protection des droits familiaux et conjugaux ; stabilité
des taux de protection. Face à l’allongement de l’espérance de vie, il nous
paraît obligatoire de faire reculer progressivement l’âge du départ à la
retraite jusqu’à 65 ans, en compensant cette mesure par un renforcement des
dispositifs de pénibilité, en fonction de l’évaluation de l’incapacité relative
à la situation personnelle de chacun.
Notre réforme est la seule qui soit
juste, responsable, lisible et qui maintienne le pouvoir d’achat des retraités
avec certitude. Tel est l’objet de cet amendement. (Applaudissements sur
quelques bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir
l’amendement no 24634.
Mme Agnès
Thill. Tout le monde souhaite une réforme profonde du système des
retraites pour que celui-ci soit pérenne : c’est absolument nécessaire. Or
le projet de réforme qui nous est proposé manque de clarté, alimente les procès
en défiance et en impréparation. Son financement est peu clair et inquiétant.
Par ailleurs, le Conseil d’État a pointé certains dysfonctionnements.
Y
avait-il réellement urgence à réformer les retraites ? Je pense que nos
débats auraient dû se prévoir et s’étaler sur un temps plus long. Ne
pouvons-nous pas, pendant nos débats, apporter tous notre pierre à
l’édifice ? Que le Gouvernement accepte les propositions réalistes et
raisonnables de groupes qui soumettent de vraies réflexions et n’adoptent pas la
solution extrême de l’obstruction et du refus catégorique de certains. Je pense
aux propos tenus concernant les avocats ou les enseignants : ce que dit
l’opposition n’est pas forcément sot.
La conférence de financement
semblait très conflictuelle sur trois leviers possibles : baisse des
pensions, hausse des cotisations, augmentation de l’âge du départ. On ne peut
retenir une baisse des pensions alors qu’il faut au contraire maintenir, voire
augmenter, le pouvoir d’achat des retraités. La hausse des cotisations
conduirait inévitablement à une hausse du coût du travail, déjà l’un des plus
élevés des pays développés et qu’il n’est pas raisonnable de faire supporter aux
entreprises.
En l’absence d’autre solution possible et sérieuse, pourquoi
ne pas proposer d’augmenter progressivement l’âge de départ à la retraite à
64 ans ? Cette mesure serait compensée par un renforcement des
dispositifs de pénibilité et de retraite progressive. Cette augmentation
programmée pourrait être envisagée sous la forme de deux mois par an, par
exemple, pour aboutir à 64 ans à l’horizon 2028-2030.
Le rôle de
chacun d’entre nous et de débattre, afin de trouver des consensus tous ensemble
et non pas, me semble-t-il, d’empêcher de faire ce travail que tous les Français
attendent de notre part.
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir
l’amendement no 6.
M. Stéphane
Viry. Je voudrais compléter les propos de ma collègue Marianne Dubois.
Que l’on s’entende et que l’on se comprenne bien : nous voulons que tous
les Français obtiennent une réponse forte, claire et lisible sur leur système de
retraite ; nous le demandons pour les générations actuelles et
futures.
Quelles que soient nos positions, nous sommes, me semble-t-il,
sur tous les bancs, pétris des mêmes intentions : nous voulons un système
juste, équitable et financé. En revanche, nous ne sommes pas d’accord sur le
périmètre et le mécanisme. Nous souhaitons réécrire le projet de loi du
Gouvernement afin de le rendre plus lisible. Nous proposons de créer un régime
universel de base afin de mettre fin aux disparités entre les Français, tout en
admettant des régimes spéciaux pour les militaires, les gendarmes, les policiers
et les pompiers. Les autres régimes spéciaux seraient supprimés dans un délai
raisonnable – douze ans – car il ne faut pas reporter la mesure aux
calendes grecques.
Pour ne pas écraser l’existant, nous préconisons un
régime universel avec un PASS incluant une grande partie des Français tout en
laissant vivre les systèmes de retraite afin de leur permettre de s’adapter à la
vraie vie de nos concitoyens.
Pour la pérennité financière, sujet
essentiel, il faut augmenter les cotisations, diminuer les pensions ou demander
aux gens de travailler un peu plus longtemps. Il faut le dire et l’admettre. À
défaut, le système ne tiendra pas, ce ne sera qu’une demi-mesure. Celle que vous
proposez, l’âge d’équilibre, nous paraît être une forme de d’hypocrisie ou de
lâcheté.
M. le
président. Je vous remercie, mon cher collègue.
M. Stéphane
Viry. Puisque l’espérance de vie en bonne santé augmente, il faut
admettre de travailler plus longtemps. C’est le sens du contre-projet de réforme
proposé par le groupe Les Républicains. La réforme que nous proposons est juste,
responsable et lisible. Tel est l’objet de cet amendement. (Applaudissements
sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
2
Ordre du jour de la prochaine séance
M. le
président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze
heures :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un
régime universel de retraite et du projet de loi organique relatif au système
universel de retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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