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Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Deuxième séance du vendredi 21 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de M. David Habib
1.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (suite)
Rappel
au règlement
M. Boris
Vallaud
Article 1er
(suite)
Amendements nos 25519,
25520, 25521, 25522, 25523, 25524, 25525, 25526, 25527, 25528, 25530, 25531,
25532, 25533, 25534, 25599 , 42230
(sous-amendement) , 42377
(sous-amendement) , 42266
(sous-amendement) , 42170
(sous-amendement)
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Rappel
au règlement
Mme Valérie
Rabault
Article
1er (suite)
Rappel
au règlement
Mme Caroline
Fiat
Article 1er
(suite)
Amendements nos 25510,
25511, 25512, 25513, 25514, 25515, 25516, 25517, 25518, 25598, 25788, 25789,
25790, 25791, 25792, 25793 , 42165
(sous-amendement) , 42268
(sous-amendement) , 1681
, 11251
, 24914
, 41995
(sous-amendement) , 42395
(sous-amendement) , 41997
(sous-amendement) , 41998
(sous-amendement) , 42182
(sous-amendement) , 42390
(sous-amendement) , 42393
(sous-amendement) , 42379
(sous-amendement)
M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général
Suspension
et reprise de la séance
Rappels
au règlement
M. Sébastien
Jumel
M. Gilles
Le Gendre
M. Jean-Luc
Mélenchon
M. Julien
Aubert
Mme Valérie
Rabault
M. Patrick
Mignola
M. le
président
Article 1er
(suite)
Amendements nos 24915
, 41936
(sous-amendement) , 42413
(sous-amendement) , 41933
(sous-amendement) , 42384
(sous-amendement) , 41979
(sous-amendement) , 41939
(sous-amendement) , 41942
(sous-amendement) , 42186
(sous-amendement) , 22695
, 42368
(sous-amendement) , 42399
(sous-amendement) , 10907
, 210
, 3945
, 11254
, 11255
, 25550,
25551, 25552, 25553, 25554, 25555, 25556, 25557, 25558, 25559, 25560, 25561,
25562, 25563, 25564, 25597 , 42166
(sous-amendement) , 42420
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
Mme Clémentine
Autain
Article 1er
(suite)
Rappels
au règlement
M. Bruno
Fuchs
M. Olivier
Faure
M. Stéphane
Viry
Amendements nos 25535,
25536, 25537, 25538, 25539, 25540, 25541, 25542, 25543, 25544, 25545, 25546,
25547, 25548, 25549, 25595 , 42167
(sous-amendement) , 42205
(sous-amendement) , 42434
(sous-amendement) , 3953
Rappels
au règlement
M. Sébastien
Jumel
M. Nicolas
Dupont-Aignan
M. Stéphane
Viry
M. Jean-Luc
Mélenchon
M. Patrick
Mignola
M. Julien
Aubert
M. Nicolas
Turquois, rapporteur
Mme Caroline
Fiat
Article 1er
(suite)
Suspension
et reprise de la séance
M. le
président
Amendements nos 23849
, 41925
(sous-amendement) , 42365
(sous-amendement) , 41928
(sous-amendement) , 42131
(sous-amendement) , 42459
(sous-amendement) , 38084
Rappel
au règlement
M. Jean-Luc
Mélenchon
M. le
président
Article 1er
(suite)
Rappels
au règlement
M. Frédéric
Petit
M. Florian
Bachelier
M. le
président
M. Olivier
Faure
M. le
président
Article 1er
(suite)
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
M. David Habib
vice-président
M. le
président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le
président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623
rectifié, 2683).
Discussion des articles (suite)
M. le
président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles
du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 25519, au sein de
la discussion commune qui regroupe les amendements nos 2, 24634, 6 et
25519 ainsi que quinze autres amendements identiques à l’amendement
no 25519 déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour un rappel au
règlement.
M. Boris
Vallaud. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 100,
alinéa 5. Je comprends la ligne de communication de la majorité : nous
serions en train de nous amuser.
Je me réjouis de voir arriver M. le
premier questeur dans l’hémicycle, car certains prétendent que le coût de
l’obstruction parlementaire s’élèverait à 1,5 million par jour.
M. Florian
Bachelier. Et même un peu plus !
M. Boris
Vallaud. Quel est ce mensonge ? Le budget de l’Assemblée nationale
a été de 568 millions d’euros en 2019, ce qui, divisé par le nombre de
jours, correspond à 1,5 million d’euros – que nous siégions ou
non.
Souhaitez-vous que nous accélérions la procédure, voire que nous
l’escamotions en recourant à l’article 49, alinéa 3, afin qu’après
avoir fait des économies sur le dos des retraités, vous puissiez en réaliser
aussi au détriment de la démocratie ? (M. Stéphane
Viry applaudit.)
Je ne conseille à personne de faire le jeu de
l’antiparlementarisme.
Mme
Constance Le Grip. Très bien !
M. Boris
Vallaud. Laissons cela aux boulangistes, aux ligards, aux poujadistes et
à l’extrême droite. Ici, nous essayons d’avoir des débats sérieux. Nous avons
évoqué le cas de certaines professions particulières. Nous avons posé des
questions sur les taux de remplacement, les taux de rendement et la lisibilité
de la réforme.
M. Pierre
Dharréville. Beaucoup de questions, bien peu de réponses !
M. Boris
Vallaud. Chacun fait des efforts. Je demande qu’on mette un terme à ces
mensonges sur ce qui se passe dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les
bancs des groupes SOC et GDR.– Mme Jeanine Dubié applaudit
également.)
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Et à l’obstruction ?
Article 1er (suite)
M. le
président. Dans la suite de la discussion commune, la parole est à
M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 25519
et les quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la
Gauche démocrate et républicaine.
Ils font l’objet de quatre
sous-amendements, nos 42230, 42377, 42266 et 42170.
M. Pierre
Dharréville. Il me semble utile de continuer à discuter de ce texte, de
vos intentions, des mesures que vous proposez, et surtout de continuer à vous
demander des réponses que nous avons le plus grand mal à obtenir. Nous sommes
d’ailleurs en train de dresser la liste des questions que nous posons en vain,
preuve que le Parlement n’est pas suffisamment informé.
Je conviens que
mon amendement est un peu taquin, puisqu’il vise à vous mettre en face de vos
véritables intentions. Vous prétendez que le projet de loi tend à instaurer un
système universel par répartition, option à laquelle chacun pourrait souscrire.
Le problème est que les mesures concrètes que vous proposez ne correspondent pas
à ce principe. À nos yeux, l’alinéa 3 est un cache-misère, qui n’a pas
d’autre fonction que le camouflage. Je ne voudrais pas, monsieur le secrétaire
d’État, que vous vous fassiez choper par la répression des fraudes pour
publicité mensongère…
M. Bruno
Millienne. Oh là là !
M. Pierre
Dharréville. Depuis le début du débat, nous avons montré que, quoi que
vous prétendiez, l’universalité ne sera pas au rendez-vous. Le rapporteur en est
convenu du bout des lèvres, mardi soir, en reconnaissant que le nouveau système
ne serait « pas parfaitement universel », puisque vous avez décidé de
sortir du régime les revenus compris en 3 et 8 PASS – plafond annuel
de la sécurité sociale. Par ailleurs, vous ne nous avez toujours pas expliqué
comment vous financerez cette mesure. Enfin, où iront les sommes qui ne seront
pas appelées pendant des années ? Autant de questions portant sur ce que
l’Observatoire français des conjonctures économiques – OFCE –
considère comme des cadeaux aux très riches.
M. le
président. Nous en venons à l’examen des sous-amendements.
La
parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir le sous-amendement
no 42230.
M. Boris
Vallaud. Ce sous-amendement me donne l’occasion de vous interroger sur
un point : peut-on nous expliquer ce que serait, dans le nouveau système,
une carrière complète ?
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le
sous-amendement no 42377.
Mme
Mathilde Panot. Nous remercions nos collègues communistes de l’effort
qu’ils fournissent pour introduire, par leur amendement, un peu de clarté et de
vérité dans ce débat. Notre sous-amendement porte sur la question de la fuite
des cotisations qui s’organise dans notre pays.
En 2018, il y avait en
France 500 000 travailleurs détachés déclarés, auxquels on peut
ajouter 1 million de personnes travaillant dans le transport, qui sont
comptabilisées séparément. Si l’on multiplie par 1 million de travailleurs
détachés les 320 euros de cotisation retraite correspondant à un salaire
brut de 1 800 euros, on constate que 3 280 euros de
cotisations disparaissent chaque année, ce qui représente une perte annuelle de
3,3 milliards pour les caisses de retraite.
Nous nous sommes souvent
battus contre le statut de travailleur détaché, au nom du principe « à
travail égal, cotisations égales et droits égaux ». En permettant le
travail détaché, on vide les caisses de manière aussi injuste que
scandaleuse.
M. le
président. Sur le sous-amendement no 42170, qui sera
appelé dans un instant, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour
soutenir le sous-amendement no 42266.
Mme Valérie
Rabault. Ce sous-amendement vise à interpeller le Gouvernement sur la
nécessité d’affirmer un principe général de non-régression, applicable aux
réformes des retraites. Nous y avons insisté à plusieurs reprises. À cette fin,
nous proposons de substituer au mot « dégradation » le mot
« diminution ».
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42170.
Mme
Caroline Fiat. Permettez-moi de commencer mon intervention par un clin
d’œil. Afin d’éviter qu’il y ait la moindre jalousie entre un président et une
présidente, je salue en vous, monsieur le président, un roi de l’Assemblée, qui
nous éclaire par son élégance. (Sourires et exclamations.) En effet, je
ne vois pas pourquoi ce type d’hommage serait réservé aux femmes.
M. le
président. Je vous remercie ! (Sourires.)
Mme
Caroline Fiat. Nous approuvons l’objectif visé par l’amendement du
groupe GDR. Il est juste de rappeler que, dans son avis sur le projet de loi, le
Conseil d’État a demandé au Gouvernement de revoir sa copie afin que son texte
réponde aux exigences générales d’objectivité et de sincérité des travaux. Le
groupe GDR a décidé de vous aider en proposant une rédaction plus conforme à la
réalité de votre réforme. Nos collègues souhaitent par exemple indiquer au
troisième alinéa que la retraite touchée par les pensionnés sera bien inférieure
aux revenus qu’ils ont perçus pendant la vie active.
Nous proposons de
compléter ce travail de clarification en précisant que les pensions vont baisser
par rapport à la situation actuelle – qui est déjà loin d’être parfait et qu’il
serait souhaitable d’améliorer. L’étude d’impact truquée que vous nous avez
fournie risque en effet d’induire les Françaises et les Français en erreur sur
ce point important.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la
commission spéciale pour le titre Ier, pour donner l’avis de la
commission sur ces amendements et ces sous-amendements.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Avant de revenir
sur les arguments développés en fin de matinée ou à l’instant, je me tourne vers
M. Vallaud, qui nous a appelés à ne pas faire le jeu de
l’antiparlementarisme. Je pense pour ma part qu’on fait le jeu de
l’antiparlementarisme quand on n’aborde pas les sujets au moment idoine,
c’est-à-dire lorsque l’on discute des passages du texte qui en
traitent.
Quant à l’amendement du groupe GDR, vu la façon dont il est
rédigé, je n’ai pas à y répondre !
J’ai fait mon travail de
rapporteur : j’ai essayé de maîtriser le projet de loi afin de répondre à
vos questions.
M. Boris
Vallaud. Alors répondez-nous !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Je le ferai quand
nous examinerons le passage traitant des sujets sur lesquels vous m’avez
interrogé.
En fin de matinée, M. Woerth et M. Viry sont tous
deux intervenus. Le groupe LR a présenté des solutions alternatives, qu’il a
largement évoquées en commission ; en particulier, vous proposez un système
assez largement universel plafonné à 1 PASS. Je salue à cet égard la
cohérence de votre projet. Vous prévoyez également l’ajout de quelques régimes
complémentaires autonomes.
Ces solutions présentent de grandes
similitudes avec les nôtres, en particulier sur le système universel par
répartition et l’extinction des régimes spéciaux, même si vous prévoyez celle-ci
à court terme, alors que nous préférons une transition plus douce. Vous vous
êtes préoccupés, comme nous, de garantir la pérennité financière de l’ensemble.
Nous partageons donc certains objectifs, même si nous ne tombons pas d’accord
sur les moyens. Je m’étonne cependant que vous ayez repris des formulations
issues de la loi Touraine de 2014, alors que vous vous étiez opposés à ce texte
à l’automne 2013.
En ce qui concerne la pénibilité, j’ai plus de mal à
vous suivre : vous optez pour une couverture universelle de l’exposition à
la pénibilité, comme nous le faisons en élargissant le compte personnel de
prévention – C2P – aux agents publics. Toutefois, des députés de votre
groupe ont déposé en commission des amendements visant à réintroduire les quatre
critères que vous avez, à d’autres moments, considérés comme inapplicables. Pour
le coup, vous semblez manquer de cohérence.
Certains éléments que
vous proposez sont intégrés à notre projet. Sur d’autres, comme le plafonnement,
nous n’avons pas retenu les mêmes options. Avis défavorable aux amendements et
aux sous-amendements.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Même avis
défavorable. Je ne répéterai pas les explications du rapporteur, dont je partage
l’analyse. Cependant, madame Dubois, je vais revenir un instant sur l’amendement
no 2, que vous aviez défendu en fin de matinée.
Votre
proposition, que j’ai relue, me semble très proche de la rédaction actuelle de
l’article L.111-2-1 du code de la sécurité sociale. Comme l’a rappelé le
rapporteur, nous ne nous faisons pas la même idée de ce que pourrait être un
régime universel, en raison d’une divergence d’appréciation politique. Vous
envisagez un système à 1 PASS, avec une évolution de l’âge légal ;
nous avons imaginé un système plus universel, auquel M. Woerth reproche de
ne pas être assez clair. Ce système s’applique jusqu’à 3 PASS et doit
permettre, comme le dispositif que vous suggérez, d’actionner certains principes
de solidarité, tels que la prise en compte de la pénibilité.
Notre
différend politique sur ce point est très clair. Vous comprendrez donc que je ne
sois pas favorable à votre amendement – mais je vous remercie de l’avoir
défendu avec élégance et conviction.
J’en viens aux nombreux
sous-amendements. Monsieur Vallaud, vous êtes très assidu, mais peut-être ne
pouvez-vous pas vous souvenir d’absolument tout. Je ne vous fais donc pas grief
d’avoir posé la même question qu’un de vos collègues, il y a quelques jours, sur
les carrières complètes.
Je répondrai à nouveau – quoique s’il fallait
répondre à la question autant de fois qu’il y a de députés, ceux qui nous
suivent se lasseraient.
M. Boris
Vallaud. Ne vous inquiétez pas de ça !
Mme Valérie
Rabault. La politique, c’est l’art de la répétition !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Une carrière est complète quand
516 mois ont été travaillés ; il faut cotiser au moins 50 heures
au SMIC pour valider un mois. Dès 2037, ceux qui rempliront ces conditions
auront accès au minimum de pension, d’un montant équivalent à 85 % du
SMIC.
Monsieur Dharréville, soyez précis – même si je sais qu’après
le repos du déjeuner, la reprise n’est pas évidente. Vous venez d’affirmer que
le projet de loi excluait du système de retraite les Français dont les revenus
sont supérieurs à 3 PASS. C’est profondément inexact – ce qui me
surprend, puisque vous êtes généralement très précis.
En réalité, dans le
projet du Gouvernement – auquel vous pouvez évidemment vous opposer –,
tous les Français seront concernés par le système universel, mais la part des
revenus supérieure à 3 PASS ne sera pas prise en compte.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Dharréville est exigeant, ses propos sont très précis. Je
m’inquiète un peu quand l’un des députés les plus rigoureux de l’opposition fait
un raccourci – cela n’augure pas bien de la suite du débat.
Nous ne
sommes pas d’accord sur ce plafonnement ; dont acte. Toutefois, je rappelle
qu’avec la réforme, nous conserverons un des niveaux de cotisation les plus
importants parmi les pays industrialisés, et parmi ceux qui ont choisi un
système par répartition.
M. le
président. Je me réjouis de voir que nos travaux commencent bien ;
M. le secrétaire d’État souhaite le meilleur à M. Dharréville, comme
Mme Fiat me l’a souhaité. Continuons ainsi, essayons de bien nous entendre,
de nous parler calmement, avec respect, et d’avancer. La parole est à
M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Je rappelle qu’il s’agit des premiers amendements que le groupe
Les Républicains défend – on ne peut donc accuser notre groupe de
contribuer au ralentissement de l’examen du texte.
Comment pensez-vous
améliorer la justice du système de retraite avec votre réforme, alors que les
sommes qui le financeront seront moindres que dans le système
actuel ?
Pouvez-vous détailler les conséquences financières pour
l’État de l’ensemble des mesures directes et indirectes que contient votre
réforme ?
Comment comptez-vous expliquer concrètement aux Français,
au-delà de l’augmentation du minimum garanti, les avantages qu’ils tireront de
cette réforme, pendant les phases de transition et après ?
Comment
expliquer aux salariés du privé que l’État paiera les cotisations sociales
salariales des fonctionnaires sur les primes de ces derniers, à leur
place ?
Plus l’on progresse dans le débat, plus les questions
s’accumulent. Il faut laisser le débat vivre. Comme je l’ai déjà dit tout à
l’heure, un texte confus amène un débat confus, si bien que le besoin de
clarification est immense. Le groupe Les Républicains demande donc au
Gouvernement de ne pas interrompre brutalement les débats et de réorganiser le
calendrier de travail de l’Assemblée nationale (Applaudissements sur les
bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Monsieur Vallaud, le point frustrant, pour bon nombre de mes
collègues et moi-même, n’est pas que vous engagiez le débat, mais que vous
utilisiez des amendements rédactionnels au deuxième alinéa de
l’article 1er pour traiter de dispositions inscrites aux
articles 8, 9 ou 10 du texte, que nous examinerons après avoir voté sur
quelque 15 000 amendements.
M. Boris
Vallaud. Nous pourrons donc revenir sur ces questions !
M. Frédéric
Petit. Vous voulez bien sûr y revenir ! Si vous êtes accusés de
bloquer l’examen du texte,…
Mme Valérie
Rabault. Notre groupe a déposé autant d’amendements que le
vôtre !
M. Frédéric
Petit. …c’est justement parce que vous empêchez d’en arriver à ces
articles.
M. Vallaud, un parlementaire en désaccord avec une disposition
devrait déposer son amendement à l’article où elle est inscrite ! Ainsi, si
vous souhaitez empêcher que le plafonnement des cotisations de retraite soit
abaissé de 8 à 3 PASS, déposez des amendements aux articles 8, 9
ou 10 de ce texte, et pas ailleurs.
M. Pierre
Dharréville. Mais c’est impossible !
Mme Valérie
Rabault. Les amendements à ces articles seraient déclarés irrecevables
en vertu de l’article 40 de la Constitution !
M. le
président. S’il vous plaît, laissez M. Petit poursuivre ; lui seul
a la parole.
M. Frédéric
Petit. Vous ne pouvez pas décider d’introduire ces débats et ces
amendements à n’importe quel point du texte.
Mme Valérie
Rabault. C’est à cause de l’article 40 !
M. Pierre
Dharréville. On dirait qu’il découvre la procédure
parlementaire !
Mme
Constance Le Grip. C’est exactement ça, il a l’air de découvrir
l’irrecevabilité en vertu de l’article 40 !
M. Frédéric
Petit. L’amendement en débat vise à définir notre système de retraite
comme « inéquitable ». Abandonnons cette pratique du droit
d’amendement, et discutons des articles soumis à notre
examen !
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour un rappel au
règlement.
Mme Valérie
Rabault. Il se fonde sur le cinquième alinéa de l’article 100. Vos
propos me chagrinent, mon cher collègue. Évidemment que nous souhaiterions
porter le plafond prévu dans le texte à 8 PASS ! Malheureusement,
l’article 40 de la Constitution rend irrecevables les amendements qui
auraient cet objectif.
Nous respectons la Constitution ; elle
dispose que les amendements des parlementaires ne sont pas recevables lorsque
leur adoption aurait pour conséquence « l’aggravation des charges
publiques ». (Mme Caroline Fiat applaudit.)
M. Frédéric
Petit. Passer à 8 PASS, ce n’est pas une charge publique !
Mme Valérie
Rabault. Vous pouvez ne pas être d’accord, et souffler, ça n’y changera
rien. Les amendements que vous nous invitez à déposer aux prochains articles
seraient irrecevables au titre de l’article 40 – le président de la
commission des finances, ici présent, est chargé de juger de ces
questions ; il me contredira si j’ai tort.
Article 1er (suite)
M. le
président. La parole est toujours à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie
Rabault. J’en reviens au fond.
(« Ah » sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
Pour vendre sa réforme, le Gouvernement a insisté sur sa
simplicité : le montant des pensions serait déterminé en multipliant le
nombre de points par la valeur du point, et en soustrayant le
malus.
Pourtant, avec le minimum de retraite, disposition ajoutée
tardivement au texte, vous introduisez une autre notion, celle de durée de
cotisation minimale. En effet, pour bénéficier d’une retraite de
1 000 euros, il faudra avoir cotisé pendant 43 ans – avec au
minimum 150 heures travaillées par trimestre au niveau du
SMIC.
Comment articulerez-vous les deux systèmes ? D’un côté, on a
un système qui fonctionne par addition de points, dont le nombre dépend du poste
occupé, et qui sont liquidés lors du départ à la retraite. De l’autre, vous
ajoutez un système qui repose sur la durée de cotisation, et ne vaut que pour le
minimum de retraite. J’aimerais être éclairée sur l’articulation entre les deux,
monsieur le secrétaire d’État. Tout à l’heure, le rapporteur a donné une
indication, mais son propos reste à mon avis incomplet.
Pourquoi ne
faites-vous pas comme sous le précédent quinquennat ? Nous avions choisi
d’octroyer des points gratuits à certains ; cela avait permis d’augmenter
la retraite complémentaire des agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs
du groupe SOC.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Monsieur le secrétaire d’État, merci de m’avoir permis de
préciser ma pensée. Soyez rassuré, j’ai très bien compris le dispositif proposé.
Tout à l’heure, je souhaitais bien critiquer l’absence de prise en compte de la
part des revenus supérieure à 3 PASS, et donc le caractère non universel de
la logique de répartition.
Votre réponse, de ce point de vue, laissait à
désirer. J’attends donc de nouvelles précisions.
Enfin, pour nous, le
système envisagé ne se caractérise pas par son universalité – il
apparaît de moins en moins universel au fur et à mesure qu’on analyse le texte,
et que vous ajoutez des exceptions – mais par son individualisme. En effet,
le texte individualise le rapport aux droits ; si vous l’assumiez, vous
pourriez fournir des réponses plus précises.
M. le
président. La parole est à Mme Catherine Fabre.
Mme
Catherine Fabre. Alors que nous examinons le texte en séance depuis cinq
jours, nous n’avons toujours pas dépassé la troisième ligne du premier article.
Face à cette situation, je souhaite ramener le débat sur les grands principes
formulés à l’article 1er.
Premièrement, notre projet renforce
la solidarité entre les assurés, en donnant des droits à la retraite pendant les
périodes de chômage et à l’arrivée d’un enfant. Il prend en compte le handicap
ou la pénibilité du travail pour renforcer les droits à la retraite. Il
permettra de revaloriser de 30 % les retraites les plus
faibles.
Deuxièmement, notre projet vise à garantir l’équilibre
financier. Nous y tenons autant que nos collègues du groupe Les
Républicains ; nous voulons graver une règle d’or dans le marbre de la loi
sur ce point.
C’est une différence majeure avec d’autres députés
– notamment ceux des groupes La France insoumise et Gauche démocrate et
républicaine : dans leurs prétendus projets, ils rasent gratis, avec des
propositions démagogiques, absolument pas financées, qui menaceraient les
retraites de nos enfants et des générations futures. (Exclamations sur
plusieurs bancs du groupe FI.)
Mme
Caroline Fiat. Lisez notre projet, au moins ! Il est tout à fait
sérieux !
Mme
Catherine Fabre. Troisièmement, je veux insister sur la lisibilité, qui
sera bien plus grande qu’aujourd’hui. Avec le système envisagé, à tout moment,
les Français pourront tout simplement consulter leur compte pour connaître le
nombre de points qu’ils ont acquis.
Notre projet est à la fois sérieux et
ambitieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Un député du groupe LR.
On retarde les débats !
Mme Jeanine
Dubié. Je commencerai par répondre à un reproche fréquent du secrétaire
d’État, et de quelques collègues de la majorité : oui, bien sûr, nous
souhaiterions discuter des dispositions lors de l’examen des articles où elles
sont inscrites.
Malheureusement, les amendements que nous avons
déposés à ces articles, tant en commission qu’en séance publique, ont été
déclarés irrecevables. Comment s’étonner alors que nous utilisions des
artifices, afin de pouvoir débattre dans l’hémicycle ?
Monsieur le
secrétaire d’État, vous avez indiqué que pour bénéficier du minimum de retraite,
il faudra avoir fait une carrière complète, c’est-à-dire avoir travaillé
516 mois, au moins 50 heures par mois, avec un salaire au niveau du
SMIC.
En somme, ce n’est rien d’autre que la règle actuelle en matière de
durée de cotisation – quarante-trois ans, avec 150 heures par
trimestre minimum. Est-ce à dire que dans le système que vous proposez, pour les
carrières complètes, vous allez maintenir cette règle ? Je ne comprends pas
comment vous articulerez cela avec l’âge-pivot du système à point. C’est pour
moi un mystère – merci de l’éclaircir.
Mme Valérie
Rabault. Très bonne question !
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour un rappel au
règlement.
Mme
Caroline Fiat. Il se fonde sur l’article 100. Il nous est souvent
reproché de nous écarter du règlement ou des débats ; or, depuis plusieurs
jours, nos collègues de la majorité mentionnent notre contre-projet – il
est fort intéressant, effectivement. S’ils souhaitent en débattre et l’amender,
je les invite à l’inscrire à l’ordre du jour.
Un député du groupe
LaREM. Moi, je vous invite à gagner les élections !
Mme
Caroline Fiat. L’ordre du jour, aujourd’hui, c’est actuellement votre
projet.
Article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Comme en commission, au fur et à mesure que nous
avançons dans le texte, votre prétendu projet apparaît de plus en plus
embrouillé.
Un député du groupe
LaREM. À qui la faute ? Quelque 700 000 sous-amendements ont
été déposés par votre groupe hier, non ?
Mme
Clémentine Autain. C’est très embrouillé, oui ! Quand l’on compare
les dispositions effectivement présentes dans le texte avec vos déclarations au
sein de l’hémicycle, en commission ou à la télévision, on ne comprend vraiment
pas tout.
Je suis d’accord avec la remarque de ma collègue Jeanine
Dubié : vous réintroduisez la règle actuelle en matière de durée de
cotisation, dans un système qui reposera sur un âge d’équilibre. Ce système ne
tourne pas rond ! Quid de celles et ceux qui n’auront pas fait ce que vous
appelez une « carrière complète » de
516 mois ?
Va-t-on calculer leur minimum contributif
– MICO – sur la base des heures travaillées ? Comment va-t-on
calculer cette carrière complète ? Comment cela s’articule-t-il avec l’âge
d’équilibre ? Rien de tout cela n’est clair et n’est pas davantage éclairci
par les déclarations qui contredisent ce qui figure dans votre texte, monsieur
le secrétaire d’État.
J’aimerais vraiment que nous ayons des éclairages
sur les sujets suivants : qu’est-ce qu’une carrière complète dans un régime
à points ? Les 1 000 euros que vous promettez et qui figurent
dans la loi Fillon seront-ils grignotés pour celles et ceux qui n’auraient pas
atteint ces 516 mois ? Je ne sais pas si vous m’avez écoutée, mais
j’aimerais enfin avoir des réponses précises à ces questions.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
(Les amendements nos 2, 24634
et 6, successivement mis aux voix, ne sont pas
adoptés.)
(Les sous-amendements nos 42230, 42377 et
42266, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement no 42170,
qui fait l’objet d’un scrutin public.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 82
Nombre
de suffrages
exprimés 71
Majorité
absolue 36
Pour
l’adoption 12
Contre 59
(Le sous-amendement no 42170 n’est pas
adopté.)
(Les amendements
nos 25519 et identiques ne
sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir
l’amendement no 25510 et les quinze amendements identiques
suivants déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
Ces amendements font l’objet de deux sous-amendements.
M. Alain
Bruneel. Ils sont défendus.
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir le
sous-amendement no 42165.
Mme
Clémentine Autain. À ce stade du débat, j’aimerais vraiment avoir des
réponses précises de la part du secrétaire d’État. Le trouble s’installe
concernant le fameux minimum contributif de 1 000 euros : à quoi
correspond-il ? S’il correspond à une carrière complète, il nous faut
savoir ce qu’est une carrière complète dans un régime à points. Contrairement à
ce que vous venez de dire, l’article 40 ne précise pas de nombre d’heures.
Est-il possible d’obtenir des réponses à ces questions
précises ?
M. le
président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir le
sous-amendement no 42268.
Mme Valérie
Rabault. Il est en effet très important que nous puissions définir ce
qu’est une carrière complète. Dans ce système que vous avez présenté comme
lisible, on accumule des points, mais vous avez aussi réintroduit la notion de
carrière complète qui ne figurait pas initialement dans votre projet ; elle
ne s’applique qu’à la pension minimale de 1 000 euros – et
peut-être un ou deux autres cas, mais on ne sait pas bien lesquels. Il faudrait
que vous définissiez précisément ce qu’est une carrière complète, à qui elle
s’applique et qui doit en remplir les conditions.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je le dis à nouveau : on ne fait pas
un travail parlementaire de qualité en n’abordant pas les sujets au bon endroit.
Néanmoins, je vais vous apporter quelques explications.
Madame Rabault,
vous avez dit – à dessein – que la retraite à l’âge d’équilibre serait
égale à la valeur du point multipliée par le nombre de points, moins un
malus.
Mme Valérie
Rabault. C’est une description honnête !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Actuellement, si je suis votre
raisonnement, elle est égale au nombre de trimestres multiplié par la valeur
portée au compte, moins un double malus. En réalité, à l’âge d’équilibre, la
retraite sera égale à la valeur du point multipliée par le nombre de
points ; à celui ou celle qui partira plus tôt s’appliquera un malus, et à
celui ou celle qui partira plus tard, un bonus.
La carrière complète est
définie à l’article 40 – page 552 du rapport – comme un
total de 516 mois, sur la base de 50 heures mensuelles rémunérées au
SMIC. Ce dispositif serait déclenché pour ceux dont le cumul des points
produirait une pension de retraite inférieure à 1 000 euros en valeur
de 2020. Les mois peuvent être validés par année, sur la base de 600 heures
au SMIC. En valeur de 2020, la base de cotisation est égale à
6 000 euros, soit 600 heures multipliées par 10 euros. Il
s’agit donc de valider des mois ; si votre année est complète, douze mois
sont validés. En revanche, si elle est incomplète, par exemple, si vous n’avez
travaillé que 500 heures au SMIC, vous validez l’équivalent de dix mois.
Lorsque vous totaliserez 516 mois cotisés, la retraite minimale se
déclenchera.
Les mêmes conditions s’appliquent au minimum contributif,
que l’on peut obtenir à partir de l’âge d’équilibre : celui qui a eu une
carrière longue pourra y prétendre plus tôt, celui qui a eu des conditions de
travail pénibles pourra prétendre recevoir ce MICO jusqu’à deux ans plus tôt, et
celui qui a une inaptitude au travail le percevra dès cette inaptitude reconnue.
Les points liés à la maladie, à la maternité ou au chômage seront pris en compte
pour valider des mois.
Encore une fois, je vous renvoie au rapport, qui
précise tout cela.
M. Bruno
Millienne. Bravo monsieur le rapporteur, c’est très
clair !
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Même avis. Je ne reviendrai pas
sur les propos du rapporteur, qui ont été clairs. J’espère que Mme Autain y
a trouvé les réponses à ses questions. La référence aux 516 mois, qui sera
plus favorable que celle aux trimestres, figure à l’alinéa 5 de
l’article 40 du projet de loi. Le rapporteur a apporté la précision
nécessaire concernant le nombre d’heures.
Les questions posées par
M. Woerth ont déjà été évoquées en commission. Tout d’abord, lors de
l’ouverture du système universel, la contribution de l’État sera
maintenue ; il ne s’agit pas d’un désengagement. Elle suivra ensuite
l’évolution de la trajectoire budgétaire, qui pourra être affectée par
différents éléments : des éléments démographiques, notamment le nombre de
fonctionnaires dont l’État doit assurer la retraite, mais aussi des éléments
relatifs à l’évolution des régimes spéciaux, ou encore les droits spécifiques au
départ anticipé pour les fonctionnaires qui assurent certaines activités
régaliennes. En tout état de cause, l’État tiendra ses engagements, y compris
les plus récents comme la prise en compte de la pénibilité dans la fonction
publique.
Les trois principales mesures qui débuteront pendant la
transition sont les suivantes : dès 2022, le minimum contributif sera égal
à 1 000 euros ; la retraite progressive sera étendue à la
fonction publique, dès 60 ans, sur la base de 160 trimestres
cotisés ; le cumul emploi-retraite permettra l’acquisition de droits
nouveaux dès 2022.
L’intégration des primes à l’assiette de cotisation et
la revalorisation progressive des droits, calculés non plus en fonction de
l’inflation, mais en fonction du revenu moyen d’activité – indicateur dont
tout le monde a maintenant bien compris qu’il sera élaboré par l’INSEE – se
fera à l’échéance de 2042, comme prévu dans le projet de loi, et malgré ce qu’en
dit M. Vallaud. La progressivité, qui sera a minima, permettra d’éviter les
effets de seuil dans la revalorisation et garantira dès la première année le
niveau du point par rapport à l’inflation.
Enfin, nous avons déposé un
amendement, no 38118, qui permettra de formaliser dans
l’article 18 les dispositions relatives aux cotisations salariales des
fonctionnaires. Peut-être souhaiterez-vous revenir sur ce sujet au moment de son
examen, monsieur Woerth.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je vois une qualité à nos discussions : elles permettent
de mieux comprendre le système – l’esprit d’escalier n’arrangera rien. Si
j’ai bien compris, il est maintenant clairement établi que le point repose sur
un calcul horaire. Ce qui détermine l’accès à un droit à la retraite, ce n’est
pas tant le nombre de points en lui-même, mais le nombre d’heures correspondant
à ces points. À l’alinéa 4 de l’article 40, page 112 du projet de
loi, il est écrit que des points seront attribués pour compenser les heures qui
manqueraient.
Et comment sera évalué ce don ? Par décret
– merci, messieurs-dames –, « en pourcentage du montant mensuel
du salaire minimum de croissance brut en vigueur au 1er janvier
de l’année civile au cours de laquelle l’assuré liquide sa retraite ». Ces
éléments jettent d’un seul coup une lumière crue sur vos propos, monsieur le
rapporteur ! (Sourires.)
Pardon, mais il nous semble sur ces
bancs que nous n’avons pas les moyens intellectuels de comprendre ce que cela
signifie.
M. Patrick
Loiseau. Suivez des formations !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Nous réclamons donc une explication nous permettant de
comprendre.
M. Frédéric
Petit. Il s’agit du minimum retraite !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Au bout du bout, un système fondé sur une évaluation par
trimestre fonctionnera dorénavant par heure, et ce sera là sa seule différence
avec la situation actuelle, puisque pour tout le reste, il ne sera ni universel,
ni juste ni égal pour tous. Avons-nous bien compris ?
M. Éric
Woerth. Oui !
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous parlons, monsieur le président
Mélenchon, du minimum retraite dont bénéficiera une personne ne disposant pas du
nombre de points nécessaire pour percevoir une retraite au moins équivalente à
85 % du SMIC. Dans ce cas précis, il sera tenu compte de la durée de
cotisation, afin de justifier de l’activité tout au long de la carrière et
d’écarter une personne ayant travaillé – j’exagère à dessein – à
partir de 55 ans, qui ne disposerait naturellement pas du nombre de points
nécessaire. C’est le seul cas qui se présenterait dans le cadre d’une retraite
minimale.
M. Éric
Woerth. Non, ce n’est pas le seul cas !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Autrement, le nombre de points correspond à
une proportion des cotisations versées ; voilà le système de base. Encore
une fois, dans le seul cas des personnes ayant accompli une carrière complète
mais percevant une retraite…
M. Alain
Bruneel. Incomplète !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …insuffisante, alors la durée serait prise
en compte. (Murmures sur divers bancs.) Je répète : les points
expriment une proportion des cotisations. Pour les personnes qui, à l’issue
d’une carrière complète, toucheraient une retraite inférieure à 85 % du
SMIC en valeur actuelle, alors et dans ce cas seulement, la notion de durée sera
réintroduite.
M. Éric
Woerth. Ce n’est pas le seul cas.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Mais qu’est-ce que c’est, une carrière complète ? On n’a
pas compris, rapporteur !
(Les sous-amendements nos 42165 et 42268,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements identiques
nos 25510 et suivants ne sont
pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements identiques,
nos 1681 et 11251.
La parole est à M. Dino Cinieri,
pour soutenir l’amendement no 1681.
M. Dino
Cinieri. Pour ne pas alourdir les débats, je me contenterai de dire
qu’il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Je précise, monsieur le rapporteur, que le cas que vous citez
n’est pas le seul dans lequel vous faites référence à la durée de
cotisation : au minimum garanti, il faut ajouter les carrières longues et
quelques autres dispositifs de cette nature. Pourquoi pas, mais je le
répète : vous complexifiez les choses. Vous dites procéder à une réforme
systémique, mais le nombre de paramètres augmente par rapport à la précédente
réforme : l’âge légal, l’âge pivot, la durée de cotisation et son
enregistrement dans les comptes individuels, à quoi s’ajoute le double système
de revalorisation du point – valeur d’acquisition et de service. Cela fait
beaucoup, et il en résulte une grande confusion.
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Le propos de M. Woerth est tout à fait intéressant.
Ajoutons, puisqu’il a évoqué les carrières longues, qu’il y aura un âge pivot
pour la décote et un autre âge pivot pour la surcote ; c’est une
singularité !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Non !
M. Boris
Vallaud. Si : 62 ans pour abaisser la décote et 64 ans pour
bénéficier de la surcote.
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Cette usine à gaz est exceptionnelle. Le rapporteur
nous dit qu’une carrière est complète à partir de 516 mois. Or je lis
l’article 40 – pardonnez-nous d’y faire référence alors que nous
n’examinons que l’article 1er, mais il serait problématique
d’adopter des objectifs ultérieurement contredits dans le même texte de loi.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. C’est
tout le problème : nous aimerions bien en être à
l’article 40 !
Mme
Clémentine Autain. On ne peut pas disséquer ce texte : vous
affichez des objectifs de solidarité et d’équité mais en fin de compte, il
s’agit bien d’une immense régression. Encore une fois, on ne saurait adopter des
objectifs contraires à ce qu’est la réalité du projet de loi. Tout se tient,
hélas, et nous devons dès l’examen des objectifs débattre du contenu de la
loi.
Je lis l’article 40, disais-je : il y est précisé que les
516 mois concerneront les générations nées avant 1975, et non après.
Qu’est-ce donc que cette histoire de durée de cotisation ? Je ne comprends
toujours pas comment elle est fixée. La durée de 516 mois est clairement
établie dans le projet de loi pour les générations nées avant 1975, mais qu’en
est-il des générations suivantes ?
D’autre part, voilà que les
1 000 euros du minimum contributif sont adossés au nombre d’heures,
lequel est lui-même variable en fonction de l’âge d’équilibre. Si ce nombre
d’heures n’est pas atteint, alors vous êtes en deçà de la loi Fillon, qui fixait
la règle d’une retraite à 85 % du SMIC en cas de carrière complète – dans
un système où l’on sait ce qu’est une carrière complète qui ne bouge pas !
(Mme Caroline Fiat applaudit.) Au contraire, la
carrière complète selon vous n’est pas figée dans le projet de loi et varie avec
l’âge d’équilibre ! Désolée, mais il y a là quelque chose qui s’éclaire ou
qui s’embrouille – je ne sais plus dans quel sens il faut le voir – et qui, en
tout état de cause, contredit les objectifs de progrès social et de solidarité,
ou je ne sais quelle novlangue qu’on ne retrouve pas dans votre loi !
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le
président. Je vous remercie. Après les interventions des trois autres
orateurs qui ont demandé la parole sur ces amendements, je vous proposerai que
nous passions au vote – dont je rappelle qu’il portera sur deux amendements de
précision rédactionnelle, qui ont suscité des prises de paroles étonnamment
nombreuses.
Je précise amicalement à M. le rapporteur et à
M. le ministre que j’ai noté les durées d’intervention, car, vous le
comprendrez, je ne souhaite pas qu’il soit dit que l’opposition fait de
l’obstruction. Or le temps d’intervention du rapporteur et du ministre est bien
supérieur à ce que l’on admet habituellement. Je leur demanderai donc, s’ils
l’acceptent, de synthétiser eux aussi leurs interventions afin que nous nous
conformions à la pratique ordinaire. (Exclamations sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
M. Patrick
Mignola. Peut-on connaître la durée de leurs interventions ?
Mme Sophie
Beaudouin-Hubiere. La présidence n’est-elle pas censée être neutre et
impartiale ?
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Plus le débat avance, plus on s’aperçoit que vous ajoutez
des conditions complexes et impossibles à comprendre par le commun des mortels
afin d’atteindre les grands objectifs de solidarité que vous ne cessez de
brandir comme de grandes avancées sociales.
En clair, au-delà des défauts
propres au texte que, dans l’opposition, nous n’avons pas manqué de souligner,
les seuls avantages que vous proclamez deviennent impossibles à réaliser.
S’agissant notamment des carrières complètes, les conditions que vous instaurez
sont ahurissantes. Je mets au défi les salariés cotisants et futurs retraités,
dans le contrat de confiance qui doit les lier avec un système général censé
être plus simple, de comprendre le sort qui leur sera réservé à leur retraite –
à moins que l’objectif ne soit précisément de créer une anxiété générale qui les
pousse à se constituer des compléments de retraite. Sinon, je ne comprends pas
comment on peut proclamer la volonté de simplifier le système tout en créant une
usine à gaz évolutive en fonction des générations : c’est proprement
stupéfiant !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Suite aux explications qui ont été données, la situation me
paraît très claire et tout le monde comprend – donc tout va bien. Voici ce
que nous comprenons : avant 1975, vous venez d’établir un nombre d’heures
correspondant à un nombre de mois, qui donne droit à un nombre de points ;
après 1975, on ne sait pas. Je formule l’observation suivante : dorénavant,
on n’évalue plus ce qu’est une carrière par rapport à un nombre de trimestres
mais par rapport à un nombre d’heures. Cela peut vous paraître un détail, chers
collègues, mais comment s’évaluera une carrière complète pour les générations
nées après 1975 ? Personne ne peut nous le dire car, dans un système à
points, il n’existe pas de carrière complète. On ne déterminera donc qu’un
nombre de points qui correspondra à un nombre d’heures.
Autrement dit, à
l’avenir, ce n’est pas la durée du travail dans la vie qui sera allongée,
puisque c’est déjà prévu avec le mouvement de l’âge d’équilibre, mais c’est la
durée de travail dans la journée qui sera la condition de l’accès à la retraite.
Les gens achèteront des points en travaillant davantage dans une journée. Nous
en avons déjà entendu quelques pistes, puisque vous allez modifier l’heure à
laquelle est déclenchée la rémunération du travail de nuit ; certains
d’entre vous ont même imaginé que l’on pourra stocker leur temps de congés payés
sous forme de points pour la retraite !
Je vous accuse donc de
préparer le terrain à une intensification future de la durée horaire du travail
dans la journée, dans la semaine, dans le mois et dans toute la
vie !(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
– Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à Mme Célia de Lavergne.
Mme Célia
de Lavergne. La République en marche n’a jamais caché qu’elle accorde
une grande importance à la valeur travail. Le système de retraite dont nous
débattons doit permettre de valoriser le travail. Autrement dit, il est légitime
qu’une personne ayant travaillé toute sa vie, une personne qui a effectué une
carrière complète, perçoive une retraite digne.
Le système de calcul par
mois permettra d’embarquer davantage de personnes que le système précédent par
trimestres, tout d’abord parce qu’il y aura un calcul par mois et un calcul par
année. On intégrera donc davantage de personnes à temps partiel. Nous partons
d’un seuil de référence de 50 heures SMIC par mois ; un revenu un peu
supérieur au SMIC supposera un temps de travail moindre. On élargit ainsi la
base à des personnes qui travaillent régulièrement – en moyenne, sur une
année, un tiers-temps. C’est une véritable conquête sociale qui valorise le
travail.
Si le nombre de mois fixé n’est pas atteint, le calcul se fera
au prorata, et si ce prorata ne suffit pas à assurer une pension équivalente au
montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, alors les
personnes concernées pourront la demander. C’est l’honneur de la France et de
son modèle de protection sociale que chaque retraité perçoive une retraite digne
valorisant son travail ou, à défaut, un minimum social lui permettant de vivre
dignement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie
Rabault. J’ai suivi vos conseils, monsieur le rapporteur, et je me suis
reportée à l’article 40 du projet de loi. Pour la retraite minimale, vous
avez rappelé qu’une durée de cotisation de quarante-trois ans était nécessaire.
Cependant, vous avez ajouté dans votre réponse l’âge d’équilibre. Autrement dit,
pour percevoir la retraite minimale, il faudra non seulement cotiser pendant
quarante-trois ans mais aussi atteindre l’âge d’équilibre.
Vous indiquez
que l’alinéa 5 de l’article 40 s’appliquera aux générations nées après
1975. Prenons donc l’exemple d’une personne née en 1990, c’est-à-dire bien plus
tard, qui aurait commencé de travailler à l’âge de 20 ans. Elle devra
attendre l’âge de 66 ans et trois mois, soit quarante-six années de
cotisations, pour bénéficier des 1 000 euros de retraite minimale.
M. Boris
Vallaud. Bien sûr !
Mme Valérie
Rabault. C’est ce que précise l’alinéa 5 de l’article 40,
monsieur le rapporteur. Si j’insiste sur cette question, c’est parce que deux
systèmes vont s’emboîter l’un dans l’autre. Le système à points que vous
proposez d’instaurer devait faire disparaître le critère de la durée de
cotisation, mais vous l’ajoutez de nouveau concernant la retraite
minimale ; en somme, vous imposez deux contraintes. Si une personne touche
une retraite de 1 000 euros, c’est bien qu’elle n’a pas gagné assez
dans sa vie pour percevoir davantage. À ces personnes, vous imposez donc deux
contraintes. Il faut, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, que
vous nous éclairiez sur ce point, parce que c’est antisocial !
M. le
président. J’informe M. Questel que je vois s’agiter furieusement
que le groupe socialiste n’était pas encore intervenu. Il me semblait que sur
des amendements de précision, nous aurions pu en rester à l’intervention de
M. Woerth faisant suite à leur présentation, mais cela n’a pas été
possible ; ce n’est pas de mon fait. Je donnerai également la parole à
M. le rapporteur, et sans doute vous agiterez-vous aussi à ce moment-là,
monsieur le député.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.
M.
Jean-Paul Lecoq. En contact quotidien avec nos concitoyens en cette
période électorale, je peux vous assurer que beaucoup de gens s’inquiètent de
l’avenir et posent la question suivante : avec le nouveau mode de calcul de
la retraite, touchera-t-on la même pension qu’une personne n’ayant pas travaillé
lorsque l’on a travaillé toute sa vie avec acharnement, parfois à temps partiel
et en percevant de petits salaires comme le SMIC ?
M. Dino
Cinieri. Très bonne question !
M.
Jean-Paul Lecoq. Si vous saviez le nombre de fois où cette question nous
est posée par des gens qui s’intéressent au sujet dont nous débattons ! Ils
ne savent pas si, avec la réforme, cela vaudra le coup de travailler toute une
vie pour avoir une retraite digne ; ils disent qu’il serait normal
d’« avoir un peu plus » que quelqu’un qui n’aurait pas travaillé et
qui n’aurait pas souffert.
M. Frédéric
Petit. C’est ce que l’on fait !
M.
Jean-Paul Lecoq. Dans le travail de toute une vie, on perd une partie de
sa capacité physique.
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le
président, pour votre remarque sur mon temps de parole excessif, mais j’ai fait
l’effort, pour la première fois depuis ce matin, de répondre à un sujet
différent de celui de l’article. Je reprendrai donc ma ligne de conduite
consistant à ne parler que du sujet de l’article en discussion.
Vous avez
parlé, sur les bancs de l’opposition, des personnes nées avant 1975, alors que
l’article 40, comme l’ensemble du texte, ne s’appliquera qu’aux personnes
nées après cette date. Je suis désolé, j’ai voulu entrer dans le détail, car
vous m’aviez interpellé sur ce point. M. le président a raison de rappeler
que ce n’était pas le moment,…
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Le président commande !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …donc je n’ai pas à faire cet effort de
répondre techniquement à votre question. (Vifs applaudissements sur plusieurs
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. Je n’ai pas dit cela, monsieur le rapporteur, mais si
votre intervention pouvait nous permettre d’avancer, tout le monde en serait
d’accord, M. le secrétaire d’État le premier.
(Les amendements identiques nos 1681 et
11251 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir
l’amendement no 24914, qui fait l’objet de plusieurs
sous-amendements.
M. Boris
Vallaud. Il vise à préciser notre conception d’un régime de retraite
juste. Il s’agirait d’un régime obligatoire par répartition, qui garantisse à
chacun des conditions d’existence dignes et une protection contre les aléas de
la vie et de la vieillesse. Ce régime doit reposer sur la solidarité entre et au
sein de chaque génération, et tendre à la réduction des inégalités de
l’existence.
En complément des propos de Valérie Rabault, j’ajouterai que
le montant minimum de la pension lorsque l’on part en retraite à 62 ans
équivaut aujourd’hui à 75 % du SMIC ; avec votre réforme, il atteindra
85 % du SMIC pour un départ à 64 ans, puis à 67 ans à partir de
2037. Cela signifie une perte de 15,7 % du montant de la pension pour un
départ à 62 ans et un niveau stable pour un départ à
64 ans.
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41995.
M.
Sébastien Jumel. Le mi-Béarnais que je suis souhaite vous saluer très
chaleureusement et forme le vœu que les habitants de Mourenx en fassent de
même.
M. le
président. Merci, monsieur Jumel. (Rires.)
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le secrétaire d’État, je veux vous faire
part d’un sujet qui devrait vous préoccuper : les économistes libéraux
lâchent votre réforme ! Philippe Aghion, Antoine Bozio, Philippe Martin et
Jean Pisani-Ferry, promoteurs du projet de loi, affirment que les conditions ne
sont pas réunies pour mener à bien la réforme. Mathilde Larivière, maîtresse de
conférences au Conservatoire national des arts et métiers, indique – cela
doit vous faire mal au ventre et vous inciter à utiliser vos machines à
calculer – que « les six cas présentés pour les salariés du secteur
privé correspondent à des trajectoires typiquement masculines », ce qui les
rend inopérantes.
Tous les économistes dénoncent l’inanité du caractère
social de la réforme : Michaël Zemmour explique ainsi que, quel que soit
l’âge de départ en retraite, les cadres supérieurs gagnent avec la réforme,
alors que la situation est plus compliquée pour les autres. Dominique Méda
rappelle que 52 % des Français estiment ne pas pouvoir faire le même
travail qu’actuellement lorsqu’ils auront 60 ans.
Comment, monsieur
le secrétaire d’État, pouvez-vous continuer, alors que l’ensemble des
organisations syndicales, le MEDEF désormais, l’opinion publique et l’ensemble
des économistes sont contre vous ?
M. Patrick
Mignola. Combien de manifestants, hier ?
M.
Sébastien Jumel. Comment pouvez-vous continuer à marcher seul, en vous
apprêtant, en plus, à utiliser la manière autoritaire ? Je préfère être à
ma place qu’à la vôtre pour répondre à cette question.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour soutenir le
sous-amendement no 42395.
M. Jean-Luc
Mélenchon. La défense de ce sous-amendement me donne l’occasion de
m’adresser à notre rapporteur, pour qui nous avons la plus vive estime. Il ne
doit pas s’emporter pour un rien ! Monsieur le rapporteur, nous suivrions
l’ordre du texte si nous avions la certitude d’aller jusqu’au bout de l’examen
du projet de loi. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Pardon, c’est un président de groupe qui vous parle. (Exclamations sur
plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Nous pouvons vous
expliquer ce que l’on fait – ce que l’on fait réellement et non, comme le
fait de manière absurde le journal Le Parisien, ce que l’on dit que nous
faisons, comme le soi-disant dépôt de 700 000 amendements. Nous
pensons, depuis le début, que la procédure accélérée, conduisant à consacrer au
texte dix jours d’examen en commission spéciale et quinze jours en séance
publique, ne permettrait pas au débat d’aller à son terme, même avec un nombre
raisonnable d’amendements. Nous en avons déduit, depuis le premier jour, que
vous interromprez les débats.
M. Éric
Girardin. À qui la faute ?
M. Jean-Luc
Mélenchon. C’est la raison pour laquelle, nous posons les questions que
soulèvent l’article 1er comme les principes généraux du texte.
Monsieur le secrétaire d’État, il vous suffit de vous lever et de dire
« Monsieur Mélenchon, vous vous alarmez pour rien, il n’y aura pas
d’utilisation de l’article 49, alinéa 3. Malgré la procédure
accélérée, nous continuerions l’examen du texte s’il n’était pas achevé à la
date des congés parlementaires ». Dans ce cas, nous serions moins
insistants sur l’article 1er ; mais aussi longtemps que
nous craindrons une interruption du débat,…
M. Laurent
Saint-Martin. C’est vous qui en parlez !
M. Jean-Luc
Mélenchon. …nous n’avons pas d’autre possibilité que d’intervenir au
début sur les questions touchant à la fin du texte. (Exclamations sur
quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme Célia de Lavergne vient
d’affirmer que la majorité défendait la valeur travail. Pardon, mais nous ne
parlons pas de la même valeur ! Nous ne parlons pas de celle qui sera prise
par la plus-value relative, mais de celle que le travailleur conservera sous la
forme de salaire. Si un groupe défend la valeur travail, c’est bien le
nôtre !
Le système que vous promouvez conduit à une évaluation du
temps de travail à l’heure, et non plus à la semaine, au mois et à l’année.
(M. Adrien Quatennens applaudit.)
M. le
président. Le sous-amendement no 41997 de M. Pierre
Dharréville est défendu.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour
soutenir le sous-amendement no 41998.
M.
Sébastien Jumel. Pour vous laisser une seconde chance de répondre à la
question de mon collègue Jean-Paul Lecoq, monsieur le secrétaire d’État, je
la réitère. Nous avons grandi, lui et moi, en recevant une éducation dans
laquelle la valeur travail et le travail bien fait avaient du sens. Nous avons
grandi avec l’idée que, pour revendiquer, il fallait être irréprochable au
travail. La valeur travail et la fierté de nourrir sa famille, ça cause aux
cocos !
Jean-Paul Lecoq vous a posé la question qui anime de
nombreuses personnes, qui ont bossé toute leur vie, qui ont perçu un salaire
modeste tout en effectuant un travail pénible, même si celui-ci pouvait être
épanouissant – au Havre et en Seine-Maritime, on sait ce qu’est la peine au
travail, avec l’amiante et les maladies professionnelles, entre autres –,
et qui se demandent si leur pension sera d’une dignité proportionnelle à leur
engagement au travail. Jean-Paul Lecoq vous pose une question simple, qui
appelle une réponse tout aussi simple : oui ou non, pouvez-vous les
rassurer et comment pouvons-nous les rassurer ?
M. le
président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le
sous-amendement no 42182.
M. Dino
Cinieri. L’amendement no 24914 énonce le principe selon
lequel le régime de retraite doit reposer sur « la solidarité entre et au
sein de chaque génération », et tendre à la réduction des « inégalités
de l’existence ». Le présent sous-amendement vise à préciser que ce système
doit « prendre en compte la diversité des parcours professionnels »,
et ne pas oublier les carrières hachées, la situation des mères de famille et
les métiers exposés aux facteurs de pénibilité.
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir le
sous-amendement no 42390.
Mme
Clémentine Autain. M. Turquois affirme que notre question est hors
sujet et M. le secrétaire d’État fait le dos rond en attendant que cela
passe, mais nous aimerions obtenir une explication claire. Si nous avons bien lu
– si ce n’est pas le cas, dites-le nous –, le minimum contributif est
garanti sur la base d’un nombre d’heures, alors que le régime à points ne repose
pas sur un nombre d’heures, mais de points.
Les 516 mois concernent,
pour l’instant, les générations nées avant 1975. La question du mode de calcul
se pose donc pour les personnes nées après cette date. Notre inquiétude, simple,
est que votre projet se situe en deçà de la loi Fillon de 2003, qui garantit
85 % du SMIC pour les personnes qui ont effectué une carrière complète,
celle-ci correspondant aujourd’hui à 516 mois pour les personnes nées avant
1975.
Si le projet de loi intègre l’âge d’équilibre dans le calcul des
pensions des futurs retraités nés après 1975, il constitue une régression par
rapport au droit existant. C’est assez simple ! Le credo du grand progrès
social apporté par cette réforme, que vous rabâchez partout, avec un minimum
contributif à 1 000 euros devient une fable, un conte pour enfants
n’ayant aucun rapport avec le contenu du texte. De grâce, répondez à cette
question, qui intéresse les Français les plus fragiles, celles et ceux qui
gagnent le moins, notamment les femmes, qui ont les carrières les plus hachées
et les moins complètes – même si je n’ai toujours pas compris ce qu’était
une carrière complète dans votre système. Il faut leur répondre aujourd’hui,
parce que le brouillard est total !
M. Éric
Girardin. C’est vous qui le créez !
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir
le sous-amendement no 42393.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Je propose d’ajouter une référence au Conseil national de
la Résistance. Pourquoi ? Plus de trois quarts de siècle après sa
naissance, nous connaissons une phase de régression politique et sociale. Au
lieu de se demander ce que l’on pourrait faire pour assurer la dignité des
retraités, nous débattons depuis des dizaines d’heures de la régression que
représente votre projet de loi, à savoir la décote et la baisse des
pensions.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Voilà !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Voici trois chiffres fondamentaux : l’espérance de
vie en bonne santé de nos concitoyens est de 63,4 ans pour les hommes et de
64,5 ans pour les femmes, et elle ne dépasse pas 60 ans pour un
ouvrier. On voit qu’il n’y a pas beaucoup d’ouvriers ou d’agriculteurs sur les
bancs de cette assemblée !
M. Richard
Ramos. Vous êtes ouvrier, vous ?
M. Nicolas
Dupont-Aignan. La faiblesse du taux d’emploi dans notre pays après
60 ans ne résulte pas d’un souhait, mais de l’usure d’une vie au travail.
Entre 60 et 64 ans, 31 % de la population est en activité : avec
votre réforme, nos concitoyens fatigués ou malades tomberont dans l’inactivité,
et leur pension sera considérablement réduite. Voilà la
réalité !
Vous me faites penser à une célèbre phrase de
Bismarck : voulant avoir l’air social et faire preuve d’humanité, il
demanda à son ministre quel était, en moyenne, l’âge auquel les ouvriers
décédaient en Allemagne ; on lui indiqua qu’il était de 65 ans, et il
répondit de fixer la retraite à cet âge-là.
Nous devrions plutôt
réfléchir aux moyens d’assurer une retraite digne à nos concitoyens, et nous
pourrions y parvenir si nous maintenions le montant consacré au paiement des
pensions de retraite à 14 % du PIB, au lieu de le réduire à 12,9 %
comme vous le souhaitez. Nous pourrions le faire si nous créions de l’emploi et
si nous faisions la chasse au gaspillage, notamment aux retraites payées à
l’étranger à des gens décédés.
M. le
président. Sur les sous-amendements nos 42395
et 42390, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de
scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir le
sous-amendement no 42379.
M. Julien
Aubert. Il vise à garantir l’autonomie financière des régimes
complémentaires de retraite.
Je suis conscient que le débat est haché, un
peu comme certaines carrières ; toutefois, je tiens à rappeler à la
majorité et au Gouvernement qu’ils ont une part de responsabilité dans cet état
de fait.
M. Pierre
Dharréville. Tout à fait !
M. Julien
Aubert. Chers collègues de la majorité, vous avez fait tomber des
amendements, avant de promettre une deuxième délibération ; et ce procédé a
provoqué une multiplication des sous-amendements… Et surtout, nous débattons
d’une réforme dont nous ignorons le financement. Si vous aviez voulu que notre
débat soit ordonné, il aurait fallu commencer par là.
S’agissant des
régimes complémentaires, la réforme signe leur arrêt de mort. La crainte est
grande que leurs réserves financières, qui s’élèvent à 127 milliards
d’euros – car ils ont été bien gérés –, ne soient absorbées dans le
régime général afin d’en éponger le déficit.
J’en veux pour preuve le
débat que nous avons eu au sujet des cotisations de solidarité qui seront
versées par les plus hauts cadres. Mais vous alourdissez la taxation des revenus
des 12,9 % des cadres dont la rémunération annuelle est comprise entre
40 000 et 120 000 euros. En effet, leur taux de cotisation
passera de 26,9 % à 28,1 %.
La réforme du système de retraite
dont nous débattons ne s’attaque donc pas aux cadres gagnant plus de
10 000 euros par mois, mais à ceux gagnant entre 40 000 et
120 000 euros par an, qui seront les grands perdants de la
réforme.
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Ce n’est pas vrai !
M. Julien
Aubert. Monsieur le secrétaire d’État, je m’interroge à ce sujet. Il ne
s’agit pas de ce que j’appelle une réforme de droite, pour deux raisons.
Premièrement, vous centralisez des régimes complémentaires qui fonctionnaient
bien, de façon un peu soviétique. Or je ne suis pas certain qu’une gestion
uniforme des régimes de retraite garantisse un excédent
financier.
Deuxièmement, dès lors que vous augmentez les dépenses avant
même d’avoir rétabli l’équilibre financier du système, les 127 milliards
d’euros d’économie budgétaire que vous réaliserez vous permettront tout juste de
faire vaguement illusion pendant dix ans, à l’issue desquels vous vous heurterez
de nouveau au problème de l’équilibre financier du système.
Le bon sens,
me semble-t-il, consisterait à élaborer un système universel de base avant d’y
intégrer les régimes complémentaires.
M. le
président. La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur
général de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission sur
l’amendement no 24914 ainsi que sur les sous-amendements dont il
fait l’objet.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je tiens à rassurer
notre collègue Dupont-Aignan : on trouve bel et bien des agriculteurs dans
cet hémicycle. Il y en a même un devant moi, au banc de la commission :
Nicolas Turquois, qui accomplit un travail remarquable. (Applaudissements sur
plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
En effet, il s’attache à
répéter ses observations, soucieux d’être parfaitement clair, notamment sur le
sujet peut-être un peu complexe du calcul de la durée de cotisation nécessaire
pour bénéficier du minimum contributif.
Au fond, le dispositif ne
changera que sur deux points, qu’il faut retenir. Premièrement, le minimum
contributif passera de 75 % à 85 % du SMIC.
M. Boris
Vallaud. À partir de quel âge ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Cette avancée était
prévue par la loi Fillon de 2003, mais n’a jamais été appliquée. Deuxièmement,
le nombre de ses bénéficiaires augmentera. À l’heure actuelle, environ
3,8 millions de personnes en bénéficient ; elles seront demain près de
5 millions.
S’agissant du mode de calcul de son montant, il ne
changera pas, sinon dans un sens plus favorable aux retraités, comme l’a
expliqué tout à l’heure Célia de Lavergne.
M. Boris
Vallaud. Non !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Monsieur Vallaud,
l’âge de 62 ans sur lequel vous vous fondez en la matière ne correspond pas
à la réalité, dès lors qu’il faut avoir cotisé pendant quarante-trois années
pour bénéficier du minimum contributif. Tel est le cas, pour la plupart des
assurés, non à 62 ans, mais plutôt à 67 ans.
M. Boris
Vallaud. Et demain ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Dans le futur système
universel, de nombreux assurés le percevront plus tôt. Telle est la réalité de
ce système. C’est pourquoi il est plus juste que celui qu’il remplacera.
M. Pierre
Dharréville. Supprimez la décote !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Avis défavorable à
l’amendement comme aux sous-amendements.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur le président, vous
aurez observé que je n’interviens qu’une fois pour donner l’avis du Gouvernement
lorsque nous examinons plusieurs amendements ou sous-amendements. Ce faisant,
j’espère ne pas être trop long et ne pas lasser la représentation nationale.
M. le
président. Monsieur le secrétaire d’État, ne me regardez pas comme vous
le faites, et ne vous adressez pas à moi ainsi. (Vives exclamations et
claquements de pupitres sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M.
Christian Hutin. M. le président a raison !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur le président, je me
contente de vous informer.
M. le
président. Je me suis adressé très courtoisement à M. le rapporteur
tout à l’heure, exprimant le souhait – ce qui est aussi dans l’intérêt du
Gouvernement – que nos débats soient synthétiques, tout en permettant à
chacun d’obtenir les réponses demandées dans le respect du temps de parole et du
règlement tel qu’il existe.
M.
Christian Hutin. On ne s’adresse pas ainsi au président de
séance !
M. Richard
Ramos. Nous avons un président de séance socialiste !
Mme
Véronique Riotton. Indécent !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je m’y emploie, monsieur le
président.
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le président, rappel au règlement !
M. le
président. Monsieur Jumel, j’ai donné la parole à M. le secrétaire
d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. S’agissant du minimum
contributif, la situation qui prévaut à l’heure actuelle est très complexe. Je
rappelle – notamment au président Woerth et à M. Dupont-Aignan – qu’il
existe un premier minimum contributif et un second, majoré. Tous deux sont
susceptibles d’être écrêtés en fonction du montant de la retraite
complémentaire. En outre, il est obligatoire d’avoir droit de bénéficier d’une
pension à taux plein pour en bénéficier, comme l’a rappelé M. le rapporteur
général de la commission.
Par conséquent, affirmer que la situation sera
plus complexe demain qu’elle ne l’est aujourd’hui, c’est méconnaître
profondément la réalité ! Aujourd’hui, nombre de nos concitoyens subissent
des retards du versement de leur pension en raison même de cette complexité.
C’est méconnaître que nous allons simplifier la vie des retraités, en remplaçant
par un unique niveau de pension le cumul d’un régime de base et d’un régime
complémentaire.
Sur le minimum contributif, il me semble que tout a été
dit. Toutefois, je tiens à préciser un point à l’attention de Clémentine
Autain.
L’article 40 du projet de loi prévoit bien une durée de
cotisation de 516 mois pour bénéficier de minimum contributif. Toutefois,
il s’applique aux générations nées après le
1er janvier 1975. Madame Autain, je vous invite à vous
référer au texte de l’article : vous avez évoqué les générations
antérieures à plusieurs reprises ; peut-être s’agit-il – cela peut arriver
et m’arrive parfois – d’un lapsus, à moins que vous n’ayez mal lu le
texte.
Il s’agit bien des générations nées après le
1er janvier 1975. Pour les autres, le calendrier dit
« Touraine » s’appliquera. Ces observations devraient également
susciter l’intérêt de Mme la présidente Rabault. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures
trente.)
M. le
président. La séance est reprise.
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au
règlement.
M.
Sébastien Jumel. Il se fonde sur l’article 100, alinéa 5.
Parmi les principes fondamentaux de la Ve République, il en est
certains auxquels nous sommes particulièrement attachés, notamment celui de la
séparation des pouvoirs, qui s’impose à tous. Il interdit à un membre du
Gouvernement de donner un ordre à un député, surtout si celui-ci préside une
séance publique à l’Assemblée nationale.
Monsieur le secrétaire d’État,
je ne vous en veux pas. Je mets cet écart sur le compte du fait que vous êtes
jeune en politique. J’imagine que vous connaissez mal les principes
irréfragables qui fondent notre République. (Protestations sur plusieurs
bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Monsieur Jumel, on va me reprocher de ne pas vous avoir
demandé sur quel article se fonde votre rappel au règlement.
M.
Jean-Paul Lecoq. Il l’a dit, monsieur le président !
M.
Sébastien Jumel. L’article 100, alinéa 5, monsieur le
président.
M. le
président. Monsieur Jumel, si nous voulons véritablement débattre dans
un climat apaisé – je le souhaite et M. le secrétaire d’État aussi,
j’en suis persuadé –, je vous propose que nous avancions.
M.
Sébastien Jumel. Notre débat sera d’autant plus apaisé que les
prérogatives du Parlement seront respectées. Avec le recours massif aux
ordonnances et la menace du recours à l’article 49, alinéa 3, nous
avons le sentiment que le Parlement est suffisamment affaibli pour qu’il soit
inutile d’en rajouter.
M. le
président. La parole est à M. Gilles Le Gendre, pour un rappel
au règlement.
M. Gilles
Le Gendre. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58,
alinéa 1.
Nous avons tous conscience de la lourdeur de la tâche qui
incombe au président de séance depuis le début de la discussion du texte.
M. Pierre
Dharréville. Que de sagesse !
M. Gilles
Le Gendre. Il est vrai que nous ne vous facilitons certainement pas la
tâche – je pense notamment aux groupes qui font en sorte d’empêcher les
débats de se dérouler dans la sérénité nécessaire.
Mme
Brigitte Kuster. Pas « les » groupes : « un »
groupe !
M. Gilles
Le Gendre. Néanmoins, je voudrais insister sur l’absolue nécessité
d’impartialité dans la conduite des débats (Protestations sur les bancs du
groupe SOC. – Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM)…
M. le
président. Arrêtez, monsieur Le Gendre !
M. Gilles
Le Gendre. …et de respect de la parole des rapporteurs et du secrétaire
d’État, dont il n’y a en aucun cas lieu à contrôler ni la durée, ni la teneur.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Je préfère oublier ce que vous venez de dire.
M. Gilles
Le Gendre. Pourquoi ?
M. le
président. Parce qu’il s’agit d’une mise en cause personnelle et je ne
l’accepte pas. J’essaie, monsieur Le Gendre, autant que possible, de
présider de la façon la plus objective. Et, je l’ai dit à plusieurs rapporteurs,
je suis de ceux qui souhaitent avancer.
Mme Laurence
Dumont. C’est scandaleux, monsieur Le Gendre !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour un rappel au
règlement.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je pense que Gilles Le Gendre le fait exprès de manière
à ce que les débats dégénèrent et à prouver ainsi qu’il règne ici une ambiance
infernale (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M.
Christian Hutin. Scandaleux !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je fonde mon rappel au règlement sur l’article 100.
Calmez-vous, chers collègues ! Paix aux chaumières…
Vous le faites
exprès, monsieur Le Gendre, disais-je, pour que ça dégénère pensant que dès
lors, l’opinion accepterait plus facilement l’interruption des travaux
consécutive au recours à l’article 49, alinéa 3.
M. Laurent
Saint-Martin. Nous ne faisons pas ce genre de calcul !
Mme Marie
Lebec. Nous voulons débattre !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je ne vois pas l’utilité d’une mise en cause de la présidence
de séance – elle l’est en permanence, et c’est bien normal. Le président de
séance est ici primus inter pares, il est notre égal, quel qu’il soit –
président, vice-président. Nous sommes dans un rapport d’égalité, nous avons le
droit de l’interpeller pour lui demander de respecter nos droits de
députés.
En revanche, conformément à l’esprit républicain, que nous
soyons dans la majorité ou dans l’opposition, nous sommes tous la représentation
nationale et nous ne sommes pas dans un rapport d’égalité avec le
Gouvernement.
Rappelez-vous que le Gouvernement est astreint au plus
strict respect à l’égard des députés. Je vous donne un exemple, monsieur
Le Gendre. Sous la IIIe République,…
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Et vous étiez déjà élu, à l’époque !
M. Jean-Luc
Mélenchon. …un ministre fut accusé de coup d’État car il avait applaudi
au cours des débats. (Exaspération sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
Mme
Véronique Riotton. Cela va durer encore longtemps ?
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ne criez pas, cela ne sert à rien, je n’entends pas ce que
vous dites. Cela ne peut pas me faire d’effet, cela fait seulement du bruit. En
outre, je suis malentendant.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce
n’est pas un rappel au règlement !
M. le
président. Laissez M. Mélenchon terminer.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, d’une part,
pouvez-vous me garantir que nos débats vont retrouver de la normalité en levant
la menace de l’article 49 alinéa 3 ? Si vous le dites clairement,
la nature des débats changera parce que nous nous sentirons moins sous la
menace.
Mme
Véronique Riotton. Est-ce vraiment un rappel au règlement ?
M. Jean-Luc
Mélenchon. D’autre part, bien sûr, je comprends et j’admets qu’on puisse
avoir une réaction vive, mais le fait d’interpeller un président de l’Assemblée
pose problème car vous représentez l’exécutif et vous n’êtes pas autorisé à le
faire : c’est anticonstitutionnel. Apprenez le texte de la
Constitution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
– M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit
également.)
M. le
président. La parole est à M. Julien Aubert, pour un rappel au
règlement.
M. Julien
Aubert. Je m’exprime sur le fondement de l’article 70 du règlement.
Hier, nous avons assisté à des interpellations entre députés dans un contexte
qui ne permet pas un bon déroulement de nos débats. Aujourd’hui, une étape
nouvelle est franchie avec la mise en cause de la présidence.
Monsieur le
président, lorsque je vous ai connu, vous étiez dans la majorité et moi dans
l’opposition. Aujourd’hui, vous êtes également dans l’opposition et la manière
dont vous gérez les débats me semble impartiale. (Applaudissements sur les
bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe
GDR.)
Contrairement à ce qui a été dit par M. Le Gendre, le
groupe Les Républicains n’a fait aucune obstruction parlementaire. Quand bien
même, celle-ci est un droit, le dernier droit, d’ailleurs, qui reste à
l’opposition lorsqu’elle cherche à se faire entendre.
Ensuite, le
Gouvernement est responsable devant le Parlement – ce n’est pas le
règlement mais la Constitution qui le dit – et doit le respect à la
présidence de l’Assemblée. Si nous commençons à mettre en cause la présidence,
nous ne parviendrons pas à achever l’examen du texte. Il faut donc revenir à la
lettre de notre règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
– M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit
également.)
M. le
président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour un rappel au
règlement.
Mme Valérie
Rabault. Mon rappel au règlement s’appuie également sur
l’article 70, alinéa 4, lequel évoque le respect dû à la présidence de
séance.
Je suis d’autant plus surprise, mon cher collègue Le Gendre,
que mardi, lors de la conférence des présidents à laquelle vous assistiez avec
M. Mélenchon et M. Mignola, a été explicitement rappelée, à la demande
de Mme Genevard, l’exigence de respect de la présidence de la part de
chacun des groupes. En d’autres termes, la présidence est souveraine pour mener
les débats dans l’hémicycle.
Vous avez alors acquiescé, ou à tout le
moins, vous n’avez pas fait part de votre désaccord avec cette affirmation. Si
vous admettez que la présidence doit être respectée…
M. Gilles
Le Gendre. Je suis favorable au respect !
Mme Valérie
Rabault. Je parle de respect de la présidence, mon cher collègue.
Autrement dit, le président de séance décide. Cette règle doit s’appliquer à
cette séance comme à toutes celles qui suivront.
(M. Christian Hutin applaudit.
– Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Bruno
Questel. Ce n’est pas la même règle avec le président
Ferrand !
M. le
président. La parole est à M. Patrick Mignola, pour un rappel au
règlement.
M. Patrick
Mignola. Sur le fondement de l’article 70 alinéa 4, mon rappel
au règlement s’inscrit dans la même tonalité et la même sérénité que celui de
Mme Rabault.
Je veux d’abord vous dire tout le respect que nous
avons pour votre présidence que nous ne remettons pas en question, y compris sur
la forme, qui correspond au caractère de chacun.
S’agissant de la défense
des droits des députés à laquelle M. Mélenchon faisait référence à
l’instant, il importe – n’y voyez aucune malice de ma part – que,
compte tenu du nombre de sous-amendements qui évoquent régulièrement des sujets
s’éloignant très largement de l’amendement lui-même, les rapporteurs et les
ministres puissent disposer d’un temps d’explication suffisant. Je comprends que
le rapporteur, au risque de prolonger son intervention, soit contraint de
prendre quelques minutes supplémentaires pour passer d’un sujet à
l’autre.
Loin de vous adresser quelque injonction, monsieur le président,
nous souhaitons, lorsque de multiples questions sont posées, qu’un temps
suffisant puisse être accordé pour répondre de manière groupée et exhaustive.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. le
président. M. Mignola est un sage. Chacun a bien compris qu’il
n’était pas dans mon intention d’interdire aux rapporteurs et au secrétaire
d’État de s’exprimer. Il s’agissait d’indiquer le temps écoulé pour chaque
intervention. M. le rapporteur et moi nous en sommes expliqués. Celui-ci
n’a pas, de sa place, connaissance du temps. Je pourrais, peut-être de façon
plus sympathique, lui transmettre l’information à l’avenir lorsqu’il
s’exprimera. (M. Jean-Jacques Bridey applaudit.)
Nous en revenons
à l’examen des amendements.
M. Pierre
Dharréville. Monsieur le président !
Article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry, puis nous procéderons
au vote. Monsieur Dharréville, vous me faites confiance, vous aurez l’occasion
de vous exprimer sur d’autres amendements.
M. Pierre
Dharréville. Vous êtes en train de me refuser la parole, monsieur le
président ! (Sourires.)
M. Stéphane
Viry. Les rappels au règlement s’imposent pour tenir l’audience, parfois
pour revenir au respect du texte et souvent pour retrouver de la
sérénité.
Monsieur Le Gendre, aux termes du nouveau règlement, il
n’est plus possible de fonder un rappel au règlement sur l’article 58
alinéa 1 ; c’est l’alinéa 2 qui le permet.
Quant aux
amendements, il est parfois nécessaire de s’écarter quelque peu de leur contenu
parce que le texte l’impose – il faut l’admettre. Ce n’est pas user de
manœuvres dilatoires ou faire de l’obstruction, c’est respecter l’esprit de
l’article 1er. Monsieur le rapporteur, vous avez qualifié hier
notre système de retraite de maison commune. L’amendement que nous examinons
concerne justement cette maison commune.
Nous aurons du mal à être
cohérents au sujet de notre système de retraite. Le texte comporte soixante-cinq
articles qui ont tous un objet, une raison d’être, sinon le Gouvernement se
serait abstenu.
Compte tenu de l’avancement de nos débats – nous
sommes vendredi après-midi et nous examinons l’article 1er –, il
est à craindre que nous n’ayons pas le temps d’évoquer les articles 40, 41
ou 63. Par conséquent, il est naturel qu’un député ait l’idée de raccrocher des
éléments postérieurs pour avoir l’occasion de s’exprimer sur le texte dans son
ensemble.
M. Jean-Luc
Mélenchon et M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est évident !
M. Stéphane
Viry. Il y a désormais deux hypothèses : soit un ajustement du
calendrier d’examen du texte est décidé, ce qui permet d’organiser la discussion
et de ramener de la sérénité.
M. Boris
Vallaud. Bien sûr !
M. Stéphane
Viry. Soit nous restons dans l’opacité en ce qui concerne la suite, et
nous risquons d’aller de difficulté en difficulté. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LR et FI. – M. Boris
Vallaud applaudit également.)
(Le sous-amendement no 41995 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42395.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 104
Nombre
de suffrages
exprimés 97
Majorité
absolue 49
Pour
l’adoption 16
Contre 81
(Le sous-amendement no 42395 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 41997, 41998 et
42182, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42390.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 104
Nombre
de suffrages
exprimés 97
Majorité
absolue 49
Pour
l’adoption 14
Contre 83
(Le sous-amendement no 42390 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 42393
et 42379, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 24914 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 24915, qui
fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
La parole est à
M. Christophe Bouillon, pour soutenir l’amendement.
M.
Christophe Bouillon. Cet amendement vise à préciser la conception du
groupe Socialistes d’un régime de retraite plus juste. Il s’agit d’un régime
obligatoire par répartition garantissant à chacun des conditions d’existence
dignes et lui assurant une protection contre les aléas de la vie et de la
vieillesse. Il paraît essentiel de rappeler ces fondements dans le débat qui
nous occupe depuis plusieurs jours et qui intéresse grandement les Français,
lesquels sont attachés à l’idée d’un régime de retraite qui repose sur la
solidarité entre et au sein de chaque génération et tende vers une réduction
assez forte des inégalités.
Certains éléments ne figurent pas dans
l’étude d’impact, qui est parfois lacunaire, mais figurent dans des documents du
Conseil d’orientation des retraites et de l’INSEE ; ils rappellent les
inégalités, notamment au regard de la notion de vie en bonne santé. On observe
aujourd’hui des différences frappantes entre les cadres et les ouvriers, qui
n’ont pas été estompées par le temps. Nous devons les avoir à l’esprit en
cherchant à bâtir un système de retraite.
La pension versée doit être
conforme aux revenus perçus dans la vie active tout en protégeant l’assuré
contre la pauvreté et la précarité. Malheureusement, là encore, les chiffres
montrent avec force les différences de situation dans nos
territoires.
Depuis que ce débat est sur la table, nous rencontrons, dans
nos permanences, nombre d’hommes et de femmes qui viennent témoigner de leur
parcours de vie et apporter des arguments qui doivent être ici explicités. Nous
avons ainsi l’occasion de les faire parler et de rappeler à quel point un débat
de cette nature doit poursuivre l’objectif d’instaurer davantage de justice et,
surtout, de répondre aux inquiétudes légitimes de nombre de Français.
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41936.
M.
Sébastien Jumel. Chez nous, en France, malgré la capacité à enjoliver ce
que les chiffres révèlent, le taux de précarité a doublé en trente-cinq ans. Les
précaires, aussi bien dans le privé que dans le public, sont, malheureusement,
trop souvent devenus la variable d’ajustement des politiques de l’emploi.
Quatre-vingt-cinq pour cent des embauches réalisées en 2017 se sont faites en
CDD. Un jeune sur deux intègre le marché du travail en emploi précaire. Si
j’évoque ce sujet c’est parce que nous avons le sentiment que la manière avec
laquelle votre mauvaise réforme des retraites appréhende cette réalité sociale
renforcera encore la précarité.
J’ai en tête l’exemple des AESH
– accompagnants des élèves en situation de handicap –, sur lesquels
j’ai commis un rapport : 90 % d’entre eux ont eu des propositions de
contrat de travail de moins d’un an, et ce à horaires modulables et à temps
partiel. Nombreux sont les AESH à avoir eu un contrat dont la durée hebdomadaire
de travail était inférieure à treize heures. Comment envisagez-vous de proposer
une retraite digne à ces salariés précaires ? Comment envisagez-vous
d’éviter que les salariés précaires n’aient pour perspective de vie qu’une
retraite de misère ?
Pour ces salariés précaires, la seule solution
que vous envisagez semble être de cumuler une petite retraite de misère, après
l’âge d’équilibre, avec un petit boulot de misère. C’est ce que j’ai compris du
débat relatif aux retraites progressives et c’est ce que François Morel décrit
comme l’objectif de « tâcher de mourir tôt ».
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir le
sous-amendement no 42413.
Mme
Clémentine Autain. Permettez-moi, à l’occasion de ce sous-amendement, de
réinterroger M. le secrétaire d’État, qui m’a renvoyée tout à l’heure à
l’article 40, alinéa 5 du projet de loi, imaginant peut-être que ma
langue avait fourché. Voici ce qu’indique l’alinéa 5 : « La durée
mentionnée au III est fixée à 516 mois pour les assurés nés à partir du
1er janvier 1975. » Jusqu’ici, monsieur le secrétaire
d’État, nous sommes d’accord. Le problème vient de la phrase suivante, rédigée
en ces termes : « Pour les générations ultérieures, cette durée évolue
comme l’âge de l’équilibre, dans les conditions prévues […] ». Je réitère
donc ma question, qui reste littéralement entière s’agissant des générations qui
viennent après celle de 1975.
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Cela n’a rien à voir avec le
sous-amendement !
Mme
Clémentine Autain. Pouvez-vous nous apporter des précisions ? Car
ces générations postérieures à 1975 vont voir les modalités de calcul du minimum
contributif adossé à l’âge d’équilibre, si bien que nous serons en dessous des
85 % du SMIC pour une carrière complète. Il s’agit d’une régression, et je
souhaite donc une réponse précise sur l’ensemble de l’alinéa 5 et de
l’article 40, non sur la lecture que vous en faites.
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Rien à voir avec le
sous-amendement !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41933.
M. Pierre
Dharréville. Je souhaitais intervenir sur la notion de carrière complète
et ce sous-amendement va m’en donner l’occasion, car il vise à mieux définir un
certain nombre d’objectifs, notamment le lien entre le revenu en période
d’activité et la pension au moment de la retraite, ainsi que la solidarité entre
et au sein de chaque génération et – comme notre sous-amendement précédent
visait à l’indiquer – également entre les femmes et les hommes. Ces
objectifs ne correspondent évidemment pas exactement à ce qui est prévu dans les
dispositifs du texte, mais ils nous semblent valables.
Je souhaite donc,
en évoquant la différence de revenu à la retraite et en activité, revenir sur la
notion de carrière complète, car, en principe, le système par points ne la rend
plus nécessaire. Par exemple, une personne née en 1975, à qui l’âge d’équilibre
fixé à 65 ans s’appliquera donc et qui commencerait à travailler à
25 ans, pourrait accéder à la retraite après quarante années d’activité,
sans surcote ni décote. Ce ne sera pas forcément le cas de tout le monde, mais
c’est également pour cette raison que nous critiquons le caractère non universel
de votre réforme.
Par ailleurs, vous avez dit, monsieur le rapporteur
général, que la réforme Touraine avait fixé une durée minimum de travail de
quarante-trois ans. En l’occurrence, la durée de travail s’élève actuellement à
quarante et un ans et demi ; ce n’est qu’à partir de 2035 qu’il faudra
avoir cotisé pendant quarante-trois ans. J’estime que cette précision est
importante pour nos débats et qu’un système à points ne requiert pas
nécessairement un âge d’équilibre. Votre âge d’équilibre sert en quelque sorte
de filet de sécurité pour empêcher les travailleurs d’obtenir une pension
complète. Il servira, en somme, à porter atteinte à l’idée de carrière
complète !
M. le
président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir le
sous-amendement no 42384.
M. Julien
Aubert. L’amendement no 24915, auquel mon sous-amendement est
rattaché, concerne l’ensemble des assurés. Je souhaite, pour ma part, apporter
des précisions sur les professions libérales, notamment les avocats. Cela
illustre d’ailleurs la complexité des choix méthodologiques de départ :
nous sommes contraints d’avoir un débat haché pour obtenir des
réponses.
Je reviens donc sur les propos de M. le rapporteur qui,
hier, nous expliquait que pour un chiffre d’affaires de 20 000 euros,
l’effet de la réforme serait limité à 200 euros pour les avocats. Or nous
nous apercevons que pour un chiffre d’affaires de 40 000 euros,
l’incidence atteint 2 000 euros, ce qui correspond aux deux tiers du
salaire mensuel moyen d’un avocat. Et, si je comprends bien le tableau qui m’a
été montré, plus le chiffre d’affaires sera élevé, plus l’impact de la réforme
sera non plus négatif, mais positif.
Votre réforme, comme l’illustre le
cas particulier des avocats pour lesquels des abattements de 30 % sur
l’assiette et sur la CSG sont prévus, modifie donc le système de répartition en
faisant reposer l’essentiel de l’effort sur le milieu de la profession, ce qui
ne me semble pas très juste. On pourrait en effet penser que plus on gagne de
l’argent, plus on participe au système de répartition, plus on cotise. Or on
tape ici sur le milieu de gamme. Et rappelons-nous que, si nous parlons
aujourd’hui d’un abattement de 30 %, le haut-commissaire – il y a
trois mois, certes – évoquait, lui, un abattement de 33 %, ce qui
n’est pas la même chose.
S’agissant encore des avocats, vous affirmez
vouloir conserver la CNBF – Caisse nationale des barreaux français –
comme interlocuteur unique. Or, selon l’annexe du document envoyé par M. le
secrétaire d’État, ce sont les URSSAF – union de recouvrement des
cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales – qui
accompliront tout le travail : en réalité, la CNBF ne sera qu’une coquille
vide, qui s’occupera principalement des anciens assurés.
Je prends cet
exemple des avocats, car on ne peut bâtir un système général plus juste si,
lorsque l’on zoome sur certaines professions, on s’aperçoit qu’il existe
d’évidentes injustices, inégalités ou incompréhensions. Peut-être n’ai-je pas
entièrement compris ce que vous proposez, mais je ne suis pas le seul. J’estime
qu’il y a un défaut dans votre organisation, s’agissant notamment des
professions libérales.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41979.
M. Pierre
Dharréville. Je souhaite prolonger mon explication précédente – qui
a été interrompue car j’avais atteint la fin de mon temps de parole – sur
la notion de carrière complète, dès lors que le fonctionnement d’un système par
points ne nécessite pas un âge d’équilibre. Vous avez fait le choix d’en fixer
un ; or la logique voudrait que la personne choisisse sa date de départ à
la retraite en fonction du nombre de points qu’elle a accumulés et qu’elle juge
suffisants – logique que nous contestons et que nous ne souhaitons pas voir
mise en œuvre.
J’aimerais donc comprendre pourquoi vous avez ajouté cet
âge d’équilibre, car, en réalité, il sert principalement à raboter les
pensions ; c’est pourquoi je voudrais que vous m’expliquiez mieux la façon
dont vous l’avez conçu. Dans votre réforme, la notion de carrière complète
n’existe, en fin de compte, que pour définir la retraite minimale : cela
pose donc la question de savoir où nous plaçons le curseur pour l’obtenir, en
l’occurrence quarante-trois années, si je vous ai bien compris. J’estime,
monsieur le secrétaire d’État, qu’il importe que nous soyons éclairés sur ce
point.
Ayant eu un aparté avec M. le rapporteur général, qui
m’expliquait que ses indications valaient pour 1975 – nous sommes donc bien
d’accord –, je terminerai en reprécisant que nous ne soutenons pas cette
notion d’allongement de la durée des annuités nécessaires pour obtenir une
retraite complète ; nous estimons qu’il convient d’établir un droit à la
retraite à 60 ans. Le système, tel que vous l’instaurez, entraînera un
accroissement des inégalités au sein d’une même génération.
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41939.
M.
Sébastien Jumel. Étant certain que nous n’en arriverons pas à l’examen
de l’article 46 du projet de loi, je veux profiter de cette intervention
pour appeler votre attention sur l’importante question des pensions de
réversion. Les simulations réalisées par la FAVEC – Fédération
d’associations de conjoints survivants – permettent d’affirmer que la
nouvelle réversion, fixée à 70 % du point de retraite acquis pour le
couple, va considérablement dégrader la pension des veuves et des veufs après
l’entrée en vigueur de la réforme. Si je prends l’exemple de deux retraités
gagnant chacun 1 000 euros – somme avec laquelle on ne roule pas
sur l’or –, dans le système actuel, après le décès d’un des conjoints, le
survivant touche 1 554 euros. Avec le système que vous proposez, et je
tiens à votre disposition le mode de calcul, la veuve ou le veuf percevra
1 400 euros, soit 154 euros de moins par mois par rapport au
système actuel.
Hier, plusieurs membres de la majorité ont interrogé le
public présent sur son degré d’intérêt vis-à-vis de nos interventions. J’espère
que ce à quoi je fais ici référence, s’agissant des agressions à venir sur les
pensions de réversion, est susceptible d’intéresser les personnes présentes dans
le public, que je salue respectueusement.
M. le
président. Le sous-amendement no 41942 de
M. Sébastien Jumel est défendu.
La parole est à M. Pierre
Vatin, pour soutenir le sous-amendement no 42186.
M. Pierre
Vatin. Ce sous-amendement de mon collègue Marc Le Fur revient sur
la question du nombre d’années de travail prises en compte pour le calcul de la
pension, à laquelle nous n’avons pas eu de réponse claire. Au sein du régime
général actuel, on calcule le montant de la retraite en comptabilisant les
vingt-cinq meilleures années dans le secteur privé et les six derniers mois dans
la fonction publique. Avec le nouveau système, ce sont les quarante-trois années
de travail qui seront prises en compte, ce qui tirera bien évidemment le montant
des pensions à la baisse.
Nous proposons donc que ce calcul ne se fasse
pas sur les quarante-trois années de cotisation, mais sur les vingt-cinq
meilleures années pour le secteur privé et sur les six derniers mois pour la
fonction publique, et ce afin d’assurer le maintien des retraites, au moins, à
leur niveau actuel, pour celles supérieures à 1 000 euros par
mois.
Je rappelle que la règle de calcul sur les six derniers mois dans
la fonction publique avait été motivée par le fait que les fonctionnaires
étaient à l’origine beaucoup moins bien payés que dans le privé.
(M. Dino Cinieri applaudit.)
M. le
président. Sur les sous-amendements
nos 41936, 41933, 41979, 41939 et 41942, je suis
saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de
scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et sur les
sous-amendements ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je réponds tout
d’abord à l’interpellation de l’un d’entre vous à propos de la bataille pour
l’emploi. Nous sommes ici toutes et tous concernés par cette bataille, même si
nous ne soutenons peut-être pas les mêmes projets. En 2019, je le rappelle, nous
avons observé une hausse de 5 % du nombre d’emplois en CDI, une
augmentation de 2 % des CDD de plus d’un mois et une diminution des CDD de
moins d’un mois. Ces résultats sont liés à la politique menée depuis 2017, et
nous pouvons nous en féliciter.
L’amendement tend à réécrire
l’alinéa 3. Il supprimerait la référence aux principes d’universalité et
d’unité dans le pacte social. Ce dernier principe avait pourtant été introduit
dans le code de la sécurité sociale par la loi Touraine de 2014. Je serais
surpris que vous y soyez opposés. J’émets donc un avis défavorable sur
l’amendement comme sur les sous-amendements.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Défavorable également. Je
souhaite apporter quelques éclairages aux députés qui sont
intervenus.
Vous m’avez interrogé à plusieurs reprises, monsieur
Dharréville, sur l’âge d’équilibre et la pension minimale de retraite. La
question intéresse aussi Mme Autain. Ce qu’il faut comprendre, c’est que
l’âge d’équilibre ouvrira droit à la pension minimale. Autrement dit, lorsque
vous atteindrez l’âge d’équilibre, vous pourrez percevoir cette pension ;
ce ne sera pas le cas avant.
La pension minimale sera calculée au regard
du nombre de mois de cotisation à hauteur de 50 heures travaillées au SMIC,
soit 600 heures par an. Si vous avez cotisé à ce niveau pendant une
carrière complète – à savoir quarante-trois années, en application de la
réforme Touraine –, vous toucherez une pension égale à 85 % du
SMIC.
Si vous n’avez pas réussi à travailler 600 heures dans
l’année, on examinera dans le détail le nombre de mois susceptibles d’être
validés. D’autre part, si vous avez travaillé 600 heures au SMIC sur trois
mois, votre année sera validée. Le nouveau système sera donc bien plus favorable
que les dispositions actuelles. (Applaudissements sur plusieurs bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Merci de l’avoir précisé, monsieur le secrétaire
d’État !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. S’agissant de la nécessité
d’avoir cotisé pendant quarante-trois ans pour percevoir le minimum contributif,
monsieur Dharréville, nous nous calons sur la législation existante. En d’autres
termes, pour la génération née en 1974, la durée d’activité devra être de
quarante-trois ans. Pour la génération née en 1975, on gardera la même durée,
afin d’éviter les effets de seuil. Pour les générations nées après 1975, on fera
évoluer progressivement la durée, en partant de ces quarante-trois
années.
Vous avez évoqué, monsieur Vatin, les professions libérales. Vous
m’avez également interpellé à ce sujet, monsieur Aubert, bien que nous n’en
discutions pas en ce moment.
M. Julien
Aubert. J’en parle quand je veux !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous l’avez compris – le
haut-commissaire que vous avez cité l’avait expliqué dès le début –, la
réduction de l’assiette de la CSG est un élément important qui vise à compenser
la progression des cotisations vieillesse. À la différence des salariés, les
professions libérales acquittent la CSG sur les cotisations sociales employeur.
C’est donc une simple mesure de justice : nous remettons les professions
libérales et les salariés à égalité vis-à-vis de la CSG.
La réduction de
l’assiette de la CSG entraînera une baisse de la CSG qui absorbera totalement ou
compensera significativement la progression de la cotisation vieillesse. Tel est
le mécanisme qui explique que, dans de nombreux cas, cette progression sera
faible ou inexistante pour les professions libérales, y compris pour les
avocats.
Je ne reviens que brièvement sur la situation de ces derniers,
car nous l’avons déjà évoquée à plusieurs reprises. Pour les avocats dont la
rémunération annuelle avoisine 30 000 euros, il restera effectivement,
malgré la réduction de l’assiette de la CSG, une progression de la cotisation
vieillesse, d’un peu plus de 5 %. Cette progression s’étalera sur quinze à
vingt ans. Nous avons proposé au Conseil national des barreaux un certain nombre
de dispositions afin qu’elle ne pénalise pas les cabinets les plus petits et ne
remette pas en cause leur viabilité économique.
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Puisque les amendements et les sous-amendements portent sur des
mots, je souhaite revenir sur l’un d’entre eux : répartition. Certains
parlent beaucoup de capitalisation et se paient de mots…
La répartition
consiste à mettre de l’argent dans un panier, qui est ensuite réparti – on
ne devrait pas dire que l’on cotise, puisque cet argent paie les retraites
d’aujourd’hui. Actuellement, il y a trop de paniers ; nous voudrions qu’il
n’y en ait qu’un seul.
M.
Jean-Paul Lecoq. Nous, nous voulons tout mettre dans le
panier !
M. Frédéric
Petit. Et nous voulons changer la manière de répartir le panier.
Actuellement, chacun met au panier à partir de un PASS et la répartition est
faite en prenant en compte les vingt-cinq meilleures années. Nous, nous voulons
que chacun mette au panier à partir de trois PASS. Loin de taper sur les cadres
qui touchent entre 3 000 et 10 000 euros par mois, monsieur
Aubert, nous entendons les réintégrer dans le dispositif de solidarité
nationale, ce qui n’est pas la même chose.
D’autre part, nous voulons
instaurer un système par points, afin que ceux qui ont eu le malheur d’avoir une
carrière hachée ou de changer de statut ne soient plus exclus de la répartition.
Pour ma part, je n’atteindrai vingt-cinq années dans aucun de mes statuts, et je
ne suis pas le seul : ce cas va se présenter de plus en plus
souvent.
Un tel système universel, avec une unité commune pour tous les
statuts, tous les régimes et tous les métiers, permettra, chaque année, une
répartition beaucoup plus simple. Chacun mettra dans un panier, lequel sera
réparti entre tous les pensionnés sans que certaines personnes soient exclues
jusqu’à la fin de leurs jours. Voilà ce que nous voulons faire.
(M. Olivier Damaisin applaudit.)
M.
Jean-Paul Lecoq. La question, c’est la taille du panier !
M. le
président. La parole est à Mme Cendra Motin.
Mme Cendra
Motin. Je me pose quelques questions à propos de l’exemple qui nous a
été soumis concernant les pensions de réversion. De quel régime de réversion
parle-t-on, sachant qu’il en existe actuellement treize ? À partir de quel
âge la personne considérée a-t-elle touché la pension : 30, 40, 50 ou
55 ans ? Quelle part de la pension du défunt perçoit-elle :
54 % ou 75 % ?
M.
Jean-Paul Lecoq. 50 % !
Mme Cendra
Motin. Ces questions sont légitimes, car, dans notre système actuel, je
le répète, il n’existe pas moins de treize régimes de réversion. Il va falloir
que vous m’expliquiez en quoi c’est équitable ou égalitaire, si vous pensez que
tel est le cas ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM
et MODEM.)
Nous, nous proposons d’instaurer un régime de réversion
unique, le même pour tous. Il ne faut pas que les personnes restées seules, qui
sont à 90 % des femmes – mon collègue a eu raison de me rappeler en
aparté que ce sont des hommes dans 10 % des cas –, se retrouvent avec
un morceau de vie à partager ; il faut qu’elles continuent à vivre avec un
niveau de vie décent. (M. Nicolas Démoulin applaudit.)
Voilà ce que représente le chiffre de 70 % ; c’est très
important.
Notre groupe souhaite introduire dans le texte une disposition
qui n’y figure pas encore : nous proposons de garantir au conjoint
survivant une pension au moins égale à 55 % de la pension du défunt, au
prorata du nombre d’années qu’ils auront vécues ensemble. En effet, ces
personnes ont pu elles aussi s’arrêter de travailler ou renoncer à une partie de
leur carrière pour élever leurs enfants ou pour permettre à leur conjoint ou
conjointe de s’investir dans un mandat comme celui que nous exerçons
aujourd’hui.
Concrètement, nous voulons un régime par répartition plus
juste et plus équitable, qui soit le même pour tous et garantisse à chacun un
niveau de vie digne. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Julien Aubert.
M. Julien
Aubert. Selon M. Petit, la réforme consiste notamment à réintégrer
les gens dans le dispositif de solidarité nationale. Or un chiffre est un
chiffre : on ne peut pas raconter de carabistouilles.
Les
12,9 % de cadres Français qui gagnent moins de 10 000 euros par
mois paient actuellement une cotisation de 26,9 % – ils sont donc déjà
intégrés dans le système de répartition. Vous allez faire passer leur taux à
28,1 %. En d’autres termes, ils seront les principaux pourvoyeurs de fonds
de votre réforme. Je trouve qu’il n’est pas très juste de concentrer ainsi la
collecte des ressources sur ces 13 % de cadres. Les plus riches, ceux qui
perçoivent plus de 120 000 euros par an, auront moins de problèmes et
pourront, de surcroît, se tourner vers la capitalisation.
J’en viens à la
situation des avocats. Selon une simulation fournie par Mme la ministre de
la justice, la pension mensuelle d’un avocat qui perçoit une rémunération de
32 000 euros évoluant de 3,05 % par an passera de
2 270 euros dans le régime actuel à 2 569 euros dans le
système universel, soit une hausse de 13 %. Vous pouvez donc vous réjouir.
Toutefois, il convient de s’intéresser au montant total des cotisations versées
sur l’ensemble de la carrière : dans le régime actuel, pour toucher
2 270 euros, les avocats doivent verser 305 000 euros ;
dans le régime que vous proposez, pour toucher 2 569 euros, ils
devront verser 494 000 euros, soit une hausse de
62 % !
Quant à votre abattement de 30 % sur l’assiette de
la CSG, il n’est pas garanti : on ne fait que parier sur son
maintien.
Je le dis et le répète, vous faites porter l’effort sur ceux
qui perçoivent entre 30 000 et 40 000 euros. C’est sur eux que la
réforme aura l’impact le plus négatif.
M. Claude
Goasguen. Absolument !
M. le
président. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence
Dumont. Vous vous êtes félicité, monsieur le rapporteur, des résultats
obtenus – et nous nous en félicitons tous – dans la bataille pour
l’emploi. Toutefois, il faudrait se battre contre le chômage plutôt que contre
les chômeurs.
La réforme de l’assurance chômage conduite en 2019, dont le
seul objectif était de réaliser 3,4 milliards d’économies, a ou aura un
impact sur la moitié des chômeurs. Il s’agit de l’une des régressions les plus
graves depuis l’après-guerre. (Mme Mathilde Panot
applaudit.) Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Laurent Berger, secrétaire
général de la CFDT, qui la qualifie de « tuerie ».
Or, après
cette tuerie, il y aura une deuxième lame : les chômeurs seront doublement
pénalisés par votre réforme des retraites. D’une part, les chômeurs non
indemnisés ne pourront plus acquérir aucun point pour leur future retraite,
alors que le système actuel le leur permet. D’autre part, les chômeurs
indemnisés acquerront moins de points : actuellement, un chômeur cotise sur
la base du dernier salaire qu’il a perçu ; dans le système proposé par le
Gouvernement, il cotisera sur la base de son indemnité chômage, dont le montant
est inférieur à celui du dernier salaire perçu.
Après la réforme de
l’assurance chômage, la réforme des retraites sera un nouveau coup dur pour les
chômeurs.
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme
Caroline Fiat. Mme Motin, rapporteure du projet de loi organique,
nous a annoncé de très bonnes nouvelles concernant les pensions de réversion. Ce
qui nous ennuie, c’est que rien de tout cela ne figure dans le texte, puisque
celui-ci prévoit une ordonnance en la matière. Si vous inscriviez toutes ces
dispositions dans le projet de loi, cela nous rassurerait peut-être… Les paroles
s’envolent, les écrits restent – tout le monde le sait.
Vous avez
dit, monsieur le secrétaire d’État, que l’âge d’équilibre ouvrirait les droits.
C’est bien ce qui nous pose problème : un âge d’équilibre à 66 ans
pour ouvrir des droits ! Je vous ai fait part plusieurs fois de mon
désaccord à ce sujet.
J’ai un nouvel exemple à vous soumettre, monsieur
le secrétaire d’État – je sais que vous en êtes friand : celui des
chefs d’entreprise de PME ou des auto-entrepreneurs. Vous évoquez une base de
cotisation de 600 heures pour ouvrir droit aux points. Or ces chefs
d’entreprise ne comptent pas leurs heures, et certains se payent zéro euro à la
fin du mois – nous en connaissons tous. Comment prendrez-vous leur cas en
considération ? Le régime actuel, lui, offre des solutions. Depuis hier,
j’entends beaucoup d’intervenants affirmer qu’il est actuellement courant ne pas
savoir quel sera le montant de notre pension. Nous ne vivons peut-être pas dans
la même société, mais, en ce qui me concerne, je reçois tous les ans depuis mes
40 ans, conformément à la loi, un courrier m’informant précisément de ma
situation.
Plusieurs députés du groupe
LaREM. Tous les cinq ans !
Mme
Caroline Fiat. Il prend même en compte des emplois que j’avais oublié
avoir occupés ! Arrêtez de prétendre que nous sommes dans le noir
complet : nous recevons tous les ans un courrier qui nous tient au
courant !
M. Bruno
Millienne et M. Frédéric Petit. Ça dépend qui !
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Apparemment, Mme Cendra Motin s’est inquiétée de
l’origine de mes sources, s’agissant de ce que j’ai dit sur les pensions de
réversion.
M. Bruno
Millienne. Non, mais cela méritait précision !
M.
Sébastien Jumel. Cette source, donc, c’est la Fédération des
associations de conjoints survivants et parents d’orphelins. Cependant, la
démonstration que j’ai faite sur la pension de réversion abîmée s’applique
évidemment à chacun.
M. Jacques
Maire. Seulement dans le régime général !
M.
Sébastien Jumel. J’ajoute que le nouveau système ne comportera plus
aucun dispositif de réversion pour les jeunes veuves et veufs de moins de
55 ans, alors que les conjoints survivants des salariés du privé ayant au
moins deux enfants peuvent aujourd’hui percevoir la pension de réversion de
l’AGIRC-ARRCO, sans condition d’âge.
Les prestations de réversion des
orphelins des fonctionnaires ont disparu dans le texte ; seules les
pensions d’orphelin dont le parent décédé était militaire ont été conservées. Au
bout du compte, votre mauvais projet aura donc des conséquences négatives sur
les pensions de réversion de beaucoup de nos concitoyens.
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41936.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 83
Nombre
de suffrages
exprimés 72
Majorité
absolue 37
Pour
l’adoption 11
Contre 61
(Le sous-amendement no 41936 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42413 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41933.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 87
Nombre
de suffrages
exprimés 75
Majorité
absolue 38
Pour
l’adoption 11
Contre 64
(Le sous-amendement no 41933 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42384 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41979.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 86
Nombre
de suffrages
exprimés 75
Majorité
absolue 38
Pour
l’adoption 10
Contre 65
(Le sous-amendement no 41979 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41939.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 89
Nombre
de suffrages
exprimés 77
Majorité
absolue 39
Pour
l’adoption 11
Contre 66
(Le sous-amendement no 41939 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41942.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 88
Nombre
de suffrages
exprimés 76
Majorité
absolue 39
Pour
l’adoption 11
Contre 65
(Le sous-amendement no 41942 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42186 n’est pas
adopté.)
(L’amendement no 24915 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements, nos 22695
et 10917, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement
no 22695 fait l’objet de deux sous-amendements,
nos 42368 et 42399.
La parole est à M. Vincent
Descoeur, pour soutenir l’amendement no 22695.
M. Vincent
Descoeur. Déposé par M. Fabrice Brun, il vise également à contester
le caractère universel de la réforme, au regard des multiples dérogations d’ores
et déjà octroyées, des disparités de traitement en fonction de la génération à
laquelle on appartient et des différences de taux de rendement, comme l’a fort
bien expliqué Marie-Christine Dalloz hier matin, étude d’impact à l’appui. Le
qualificatif « universel » est donc inapproprié, puisque nous
aboutirons à une superposition de régimes particuliers.
M. le
président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le
sous-amendement no 42368.
M. Dino
Cinieri. Il vise à substituer dans l’amendement la première occurrence
du mot « par », par les mots « respectant la ». Il s’agit
d’un sous-amendement rédactionnel.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir
le sous-amendement no 42399.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Il est un peu ironique, mais cohérent avec la réponse du
Gouvernement : il tend à ajouter à l’alinéa 2, après « retraite
par répartition et par points », les mots : « qui maintient la
durée de cotisation », soit 43 ans, si ce n’est
davantage !
En effet, nous avons appris cet après-midi un fait
absolument nouveau. On nous avait expliqué – je me souviens notamment des
propos du Président de la République pendant tout le débat qui a suivi la crise
des gilets jaunes – que le système par points était formidable parce que
leur accumulation permettrait à chacun de partir en retraite quand il le
voudrait. À l’époque, il n’était d’ailleurs pas question d’âge pivot. Ensuite,
vous avez ajouté l’âge d’équilibre, et maintenant, le système de points n’a plus
aucun sens puisqu’il faut cotiser 43 ans ! C’est un jeu malsain :
vous rajoutez des « et » qui détruisent toute la dimension sociale que
vous aviez mise en avant par des slogans de communication.
En vérité, ce
débat que vous jugez trop long est intéressant, précisément parce que sa
longueur permet de voir le fond des choses ; on s’aperçoit que vous avez
déjà changé la philosophie de votre projet. Nous savions que les mots cachaient
une régression sociale sans précédent, que les Français découvrent à mesure.
Nous comprenons désormais que vous ajoutez sans cesse des critères
supplémentaires : la fameuse conquête des 1 000 euros sera vaine,
et nos concitoyens souffriront encore davantage.
Je ne crois pas que vous
imaginiez avec quelle perspicacité ils comprennent le marché de dupes que vous
leur proposez. L’instauration de votre système sera tellement douloureuse que,
si par malheur cette réforme passe, l’enjeu de l’élection présidentielle de 2022
sera de l’annuler. On saura que si on continue avec vous, la retraite des
Français baissera massivement.
M. le
président. La parole est à Mme Patricia Lemoine, pour soutenir
l’amendement no 10907.
Mme
Patricia Lemoine. Après cinq jours de débat, l’honneur me revient de
soutenir le premier amendement du groupe UDI-Agir et indépendants.
(Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, LaREM et MODEM.
– M. Boris Vallaud applaudit
également.) Tout vient à point pour qui sait attendre !
M. Boris
Vallaud. Obstruction ! (Sourires.)
Mme
Patricia Lemoine. Il s’agit d’un amendement rédactionnel de Thierry
Benoit…
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Excellent !
Mme
Patricia Lemoine. Un excellent amendement, en effet ! Il vise à
compléter l’alinéa 3 de l’article 1er, en insérant les
mots : « par points » après le mot : « retraite ».
Nous voulons affirmer la préférence collective de notre pays pour un système de
retraite obligatoire par répartition, assis sur une solidarité
intergénérationnelle. Comme Thierry Benoit et Paul Christophe l’ont rappelé ces
derniers jours, notre groupe plaide depuis longtemps pour un système par points,
lequel sera plus juste, plus lisible et plus adapté à la société du
XXIe siècle. Nous proposons donc d’inscrire ce choix dans
l’article principiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et
sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements et
sur les sous-amendements ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Concernant
l’amendement no 22695, qui vise à supprimer la notion
d’universalité dans la définition du nouveau système de retraite, je ne vous
surprendrai pas en émettant un avis défavorable.
Pour ce qui est de
l’amendement no 10907, tendant à affirmer l’attachement de la
nation à un système de retraite par points, je veux préciser que le point
correspond à une modalité de calcul : il n’est pas un but en soi. Votre
amendement reviendrait donc à confondre le moyen et la fin : l’avis est
également défavorable.
M. Nicolas Dupont-Aignan évoque des critères,
de durée notamment, qui seraient apparus dans l’après-midi : ils étaient
déjà inscrits dans le rapport du haut-commissaire Delevoye. Il est naturel que
les travaux en commission spéciale et en séance nous conduisent à apporter des
précisions sur l’ensemble du système. Il est effectivement technique, mais il
est normal de veiller à la précision de la construction – ce que, je crois,
nous nous évertuons à faire ici. L’avis est donc également défavorable aux
sous-amendements.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Défavorable. M. Thierry
Benoit est intervenu à plusieurs reprises avec beaucoup de clarté ; je
conçois son amendement dans l’esprit de ses interventions en commission spéciale
ou dans l’hémicycle ; elles montrent l’antériorité de sa réflexion sur le
sujet, comme la force de ses convictions – je pense que tous les députés
présents en séance en ont été convaincus.
Ma réponse ira dans le même
sens que celle donnée par le rapporteur général. Nous voulons un système par
répartition et par points : il s’agit d’un outil qui le fera vivre.
Néanmoins, ce n’est pas l’endroit adéquat pour l’inscrire. Mon avis consiste
donc plutôt en une demande de retrait. Il a beaucoup été question du point ces
derniers jours, et nous en parlerons encore. Je suggérerais volontiers aussi le
retrait pour l’amendement no 22695.
Je voudrais apporter
quelques précisions en réponse aux interventions précédentes.
Les chefs
d’entreprise, madame Fiat, sont soumis à une règle de cotisation minimale pour
valider les trimestres nécessaires au versement de la retraite minimale. Ce sera
toujours le cas demain, mais, comme nous l’avons expliqué tout à l’heure, sur la
base de 600 heures payées au SMIC ; dans de nombreux cas, notamment
pour les agriculteurs, cela correspondra, chose importante, à une baisse de
cotisation. Quant aux auto-entrepreneurs, à propos desquels Mme Fiat
m’interrogeait plus spécifiquement, ils n’ont pas de dispositifs d’aide pour
atteindre ce minimum de cotisation ; demain, un droit d’option leur sera
ouvert, leur permettant de se constituer les mêmes droits, sur la base de
600 heures payées au SMIC. C’est donc un progrès.
M. Sébastien
Jumel a évoqué la pension de réversion ; nous en changeons la logique. Il
ne s’agira plus de percevoir un pourcentage de la pension du conjoint décédé
– qui est le plus souvent un homme, d’où ma formulation
précédente.
Le sujet a déjà été évoqué de nombreuses fois en commission
spéciale et nous avons, depuis, déposé un amendement visant à expliciter ces
dispositions en les inscrivant dans le dur de la loi. Cette disposition est
rassurante à la fois pour le conjoint survivant, qui recevra 70 % des
revenus du couple, et pour les ex-époux ou épouses qui bénéficieront d’une
pension de réversion de 55 %, au prorata du temps durant lequel ils ou
elles ont été mariés avec le conjoint décédé. Voilà pourquoi j’émets une demande
de retrait ou, à défaut, un avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. J’ai une question sur l’amendement de M. Benoit. Il
rend les choses plus lisibles, nous dit-on. Or, depuis le début de cette
discussion, je n’ai pas l’impression que la situation soit devenue plus lisible.
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État : les critères d’âge
d’équilibre et de durée de cotisation sont-ils cumulatifs ou exclusifs ?
Prenons l’exemple d’une femme au SMIC travaillant à temps partiel, qui a
commencé à travailler à 21 ans et s’arrête pendant cinq ans pour élever ses
enfants. Devra-t-elle travailler jusqu’à 65 ans pour toucher le minimum de
1 000 euros, ou devra-t-elle attendre d’avoir travaillé quarante-trois
ans, donc partir à la retraite 69 ans ?
Je voudrais comprendre,
mais j’ai le sentiment qu’il est difficile d’obtenir des réponses à nos
questions. Même si vous avez plus de connaissances que nous, monsieur le
secrétaire d’État, cela m’inquiète que vous plaidiez pour une plus grande
lisibilité. Si nous avons du mal à comprendre, nous qui travaillons sur le sujet
depuis des semaines, comment les citoyens et les caisses de retraite
pourraient-ils comprendre ? Tout cela me paraît surréaliste.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. L’amendement de Thierry Benoit défendu par Patricia Lemoine
a le mérite de définir clairement les visées de votre projet, dont la
caractéristique est bien d’instituer un système par points.
Nous pensons
néanmoins que ce n’est pas un bon mode de calcul. En effet, il a pour corollaire
la prise en compte de toute la carrière dans le calcul de la pension, ce qui
revient à rompre avec le principe de continuité entre salaire et retraite et
porte atteinte à la parité du niveau de vie. Bien souvent, on prend l’exemple de
l’AGIRC-ARRCO pour faire valoir que le système existe déjà et l’on rappelle que,
puisque nous avons contribué à sa création, le système ne peut pas être si
mauvais. Ainsi, vous voulez transformer un régime complémentaire en régime de
base.
Mais, si le régime de base n’a pas été conçu sur ce modèle, ce
n’est pas pour rien. Puisque vous laissez entendre qu’il n’y a pas de problème,
je dirai deux mots du taux de rendement des complémentaires retraite :
entre 1983 et 2018, il a baissé de 83,81 % pour l’ARRCO et de 39,40 %
pour l’AGIRC. Qui plus est, d’après des projections établies en septembre 2019
par la commission technique et financière de l’AGIRC-ARRCO, cette diminution est
appelée à continuer entre 2019 et 2033, avec une baisse de 26,99 %. Je vous
alerte sur le sujet car vous vantez les garanties supposées du système par
points, mais les choses sont plus complexes que vous ne le dites.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés
soutiendra l’amendement de notre collègue Thierry Benoit. Tout d’abord, il
s’agit du premier amendement fondé, puisqu’il fait une bonne application du
texte. Ensuite, il permet de fixer l’esprit de la réforme, c’est-à-dire la
notion de retraite par points, qui donne une meilleure visibilité à chaque actif
et à chaque futur retraité. C’est un élément très positif et il serait bon qu’il
figure à l’article 1, lequel fixe les principes généraux de la
réforme.
Je me réjouis également de l’amendement de M. Brun qui,
même s’il est moins pertinent, montre que le groupe Les Républicains est lui
aussi favorable à une retraite par points.
(Les sous-amendements nos 42368 et 42399,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements nos 22695 et 10907,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M.
Jean-Paul Lecoq. Pas sûr que l’amendement no 10907 ait été
rejeté !
M. le
président. Je suis saisi de quatre amendements identiques,
nos 210, 3945, 11254 et 11255.
La parole est à
M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 210.
M. Dino
Cinieri. Il a été cosigné par de nombreux collègues du groupe Les
Républicains. Par souci de sincérité, la réforme prévoyant déjà de nombreuses
exceptions, il convient de supprimer le mot
« universel ».
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 3945.
Mme
Emmanuelle Ménard. Je propose également de supprimer le mot
« universel » à l’alinéa 3. L’idée d’un système universel de
retraite est bonne. Malheureusement, le Gouvernement a déjà concédé un grand
nombre de dérogations qui non seulement ont un coût, estimé entre 50 et
80 milliards d’euros, mais entachent de surcroît le principe
d’universalité. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État affirme
d’ailleurs qu’il n’est pas institué un régime universel commun à tous les
Français, mais au moins cinq régimes différents.
Pour que le système soit
véritablement universel, il faudrait appliquer une proposition qui recueille
l’assentiment de nombreux députés sur ces bancs et instaurer un régime universel
de base, tout en maintenant les régimes complémentaires, qui sont la plupart du
temps bénéficiaires et ne coûtent rien à la solidarité nationale, mais
permettent d’adapter les régimes de retraite aux Français. Sans de telles
mesures, le système n’a rien d’universel et il convient de supprimer le
qualificatif à l’alinéa 3.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir
l’amendement no 11254.
M. Pierre
Vatin. L’universalité est une idée très séduisante mais, compte tenu du
nombre de régimes spécifiques qui seront créés, on peut se poser la question de
son application. Puisqu’il n’y a pas d’universalité en pratique, nous souhaitons
supprimer le mot « universel ».
Cela étant dit, je repose une
question à laquelle M. le secrétaire d’État n’a pas répondu concernant le
nombre d’années de cotisation qui seront prises en compte. Je n’ai toujours pas
la garantie que les vingt-cinq meilleures années prises en compte aujourd’hui
ouvrent droit à une retraite inférieure à la totalité de la carrière qui
servira, demain, de base au calcul de la pension.
M. le
président. La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir
l’amendement no 11255.
M. Alain
Ramadier. Cet amendement de mon collègue Le Fur vient d’être
présenté : défendu.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous nous sommes exprimés à plusieurs
reprises sur le caractère universel du système : en uniformisant les modes
de calcul des points – y compris les points attribués selon des règles de
solidarité – et en unifiant la gouvernance des régimes, nous parvenons à
une situation dont j’ai volontairement dit qu’elle tendait vers l’universel. Une
collègue m’a rappelé que, selon sa définition originelle, le mot
« universel » représente un objectif et non un accomplissement. Nous
tenons à ce mot car l’universalité est l’objectif vers lequel le projet de loi
doit tendre.
Monsieur Vatin, je ne me rappelle pas bien votre
question…
M. Pierre
Vatin. Elle portait sur la différence entre le calcul prévu sur
quarante-trois ans et celui qui est effectué aujourd’hui sur vingt-cinq ans
– ou, pour les fonctionnaires, sur les six derniers mois.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Pour les fonctionnaires, il s’agit des six
derniers mois par rapport à la carrière complète sur la base d’un salaire hors
primes. Les primes, qui représentent en moyenne – car cela varie selon les
individus – 23 % du salaire des fonctionnaires, ne sont pas prises en
compte dans le calcul de leur retraite. De ce fait, que le calcul soit effectué
sur vingt-cinq ans, pour le régime général, ou sur six mois, pour le régime de
la fonction publique, le taux de service de la pension est compris entre
70 % et 75 % du dernier salaire.
Pour ce qui est de la
comparaison entre le calcul sur vingt-cinq ans et celui effectué sur la carrière
entière, il y aura un effet d’écrêtement pour les personnes dont la carrière est
ascendante sur les vingt-cinq années prises en compte. Mais beaucoup de
carrières ne sont pas ascendantes ; de plus, compte tenu du mode de
revalorisation indexé sur l’inflation et non sur la progression des salaires, le
calcul sur vingt-cinq ans a un effet très handicapant : sur les vingt-cinq
dernières années, c’est-à-dire depuis 1995, il y a en effet 30 % d’écart
entre la revalorisation fondée sur l’inflation et une revalorisation sur les
salaires. Le calcul sur vingt-cinq ans est donc discriminant.
M. Pierre
Dharréville. Cela aurait pu ne pas évoluer comme ça, ce n’était pas
écrit !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Par ailleurs, tous ceux dont la carrière a
connu des interruptions, soit pour maladie, soit en période de chômage, sont
particulièrement défavorisés par le système de calcul sur vingt-cinq ans. Avis
défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Défavorable. Je n’ai pas éludé
votre question, monsieur Vatin ; j’y avais déjà répondu, mais peut-être
n’ai-je pas été assez attentif. Quoi qu’il en soit, M. le rapporteur vous a
apporté une explication. Quant à moi, je me permets de vous renvoyer à la
page 117 de l’étude d’impact où vous trouverez un tableau fondé sur une
étude réalisée par le COR – Conseil d’orientation des retraites – en 2010, qui
montre l’intérêt de passer à un calcul sur la carrière complète, notamment pour
les revenus très bas.
Quant au cas particulier évoqué par
M. Dupont-Aignan, la personne concernée pourra toucher le minimum
lorsqu’elle aura atteint l’âge d’équilibre. Comme je le disais tout à l’heure,
cet âge ouvre droit au minimum de pension ; avant l’âge d’équilibre, les
droits ne sont pas ouverts. De plus, vous disiez que cette femme avait cessé de
travailler quelques années. Chaque cas est particulier et il faut voir dans quel
cadre elle s’est arrêtée mais, si l’on considère qu’il s’agit de cinq ans
d’inactivité totale – sans chômage indemnisé ni autre situation ouvrant
droit à l’allocation de points de solidarité –, les cinq années manquantes
seront proratisées par rapport à son total de pension.
M. le
président. La parole est à M. Vincent Descoeur.
M. Vincent
Descoeur. Je rebondis sur la réponse apportée par M. le rapporteur
à notre collègue Pierre Vatin et j’appelle votre attention sur la situation des
fonctionnaires territoriaux, en particulier les fonctionnaires de
catégorie C. En tant que président de département, j’ai eu à connaître le
niveau de leur traitement et celui de leur pension. Vous avez évoqué un niveau
de prime moyen. Les fonctionnaires touchent sans doute des primes importantes
dans certains départements mais ce serait mal connaître les collectivités
territoriales, et notamment les fonctionnaires employés par les communes, que de
croire qu’ils peuvent tous prétendre à des primes. Vous laissez penser que
l’introduction des primes dans le calcul de la pension leur permettra de
conserver leur situation actuelle, mais rien n’est moins sûr concernant les
fonctionnaires employés par les collectivités les plus modestes.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Je remercie le secrétaire d’État – une fois n’est
pas coutume – de la précision de sa réponse ; or celle-ci m’inquiète,
car ce qui sera universel, c’est la baisse des pensions de
retraites.
Tout d’abord, le fait de ne plus se référer aux six derniers
mois sera une catastrophe pour les agents des collectivités locales. J’ai été
maire durant vingt-deux ans : je peux vous assurer que la prise en compte
des six derniers mois pour calculer le montant de leur pension permet à ces
agents de percevoir des pensions minimales, dont ils ne bénéficieront plus. Si
la pension d’un agent d’une collectivité locale est calculée sur toute la durée
de sa carrière, la différence avec celle qu’il perçoit aujourd’hui sera telle
qu’il n’est pas exagéré de parler d’un massacre social : je pèse mes
mots.
Ensuite, si M. le rapporteur a répondu avec précision, je
tiens à noter qu’il a évoqué les vingt-cinq dernières années et non les
vingt-cinq meilleures années, sur lesquelles sont calculées aujourd’hui les
pensions des salariés du privé.
Vous avez précédemment évoqué, en
répondant à un député de la majorité, la récompense du travail : tous les
salariés qui ont fait l’effort de se former, grâce notamment à la formation
continue, dont la carrière a été ascendante après avoir commencé au plus bas de
l’échelle, qui ont passé des concours dans la fonction publique ou ont progressé
dans leur entreprise, en sacrifiant souvent leur vie familiale, verront leurs
efforts annulés. Loin d’être une prime au mérite, cette réforme jouera comme un
handicap pour les personnes méritantes. C’est incroyable !
Enfin,
monsieur le secrétaire d’État, votre réponse précise me permet de vous rétorquer
qu’avec la suppression des huit trimestres par enfant, la personne dont j’ai
évoqué le cas pourra peut-être partir à 65 ans, mais avec une pension
encore moindre que celle qu’elle toucherait aujourd’hui en tenant compte de
l’âge d’équilibre. Ces huit trimestres permettent en effet à des femmes, qui ont
un ou plusieurs enfants, de percevoir une retraite meilleure que celles qu’elles
percevront dans le cadre de la réforme.
Ces trois points que j’ai évoqués
prouvent que la baisse des pensions n’est pas un slogan : ce sera la
réalité.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je tiens à revenir sur les chiffres avancés par le
rapporteur relativement à l’évolution du système actuel. Les hypothèses choisies
dans le cadre de l’étude d’impact sont les plus dégradées : vous faites
comme si l’indexation, donc le niveau des pensions, continueront de se
dégrader.
Nous avons déposé une proposition de loi, en novembre 2018,
dont l’objet était de réindexer les pensions sur l’augmentation du salaire
moyen. L’indexation des pensions sur l’inflation a évidemment entraîné une
dégradation par rapport à la progression des salaires et du niveau de
vie.
Cette évolution n’était pas inéluctable : il était tout à fait
possible de prendre d’autres décisions. J’observe simplement que tel n’a pas été
votre choix depuis 2017 : vous avez désindexé les pensions. Or il n’est pas
possible de préjuger de tous les gouvernements qui vous succéderont qu’ils
pratiqueront de même.
De fait, le texte anticipe, voire accentue, la
baisse du taux de remplacement prévu par le COR, pour justifier votre réforme.
C’est la preuve évidente de l’importance de pouvoir partager un bon
diagnostic ; or tel n’est pas le cas.
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Caroline Fiat a répondu, tout à l’heure, à
Mme Motin sur la question des pensions de réversion, qui est importante
pour les femmes. Il n’y a rien dans le texte sur le sujet, puisque celui-ci est
renvoyé aux ordonnances. Tout ce que nous pouvons savoir sur cette question
relève de déclarations publiques.
Il faut avoir bien conscience que le
texte supprime, s’agissant des femmes, tout ce qui relève de la durée. Il existe
en effet aujourd’hui deux mécanismes qui visent à compenser les inégalités entre
les femmes et les hommes : le premier est fondé sur la durée et le second
sur la majoration. Or la réforme supprime celui qui est fondé sur la durée,…
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Exactement !
Mme
Clémentine Autain. …alors qu’il bénéficie aux femmes dès leur premier
enfant. Nous sommes d’autant plus inquiets que, alors que nous sommes favorables
à une majoration forfaitaire…
Mme Cendra
Motin. Majoration ?
Mme
Clémentine Autain. Vous êtes très excitée, madame Motin…
M. le
président. Je vous prie de laisser Mme Autain conclure.
Mme
Clémentine Autain. J’aimerais simplement que vous compreniez le système
actuel.
Mme Cendra
Motin. Mais je le comprends !
Mme
Clémentine Autain. Le système actuel prévoit deux leviers : un
premier qui relève de la durée de cotisation, un second qui joue sur la
majoration. Dans le cadre du régime par point, celui qui relève de la durée sera
supprimé et la majoration jouera dès le premier enfant. Donc celles qui ont un
seul enfant aujourd’hui ne bénéficieront plus de l’avantage de la durée !
C’est cela qu’il faut bien comprendre. Il n’est absolument pas certain que les
femmes, au bout du compte, y gagneront avec la seule majoration : il est
même plutôt sûr qu’elles y perdront.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Exactement !
Mme
Clémentine Autain. J’avais posé la question à Mme Buzyn : elle
m’avait alors répondu que le futur système avantagerait les femmes puisque la
majoration, qui ne concerne aujourd’hui les femmes qu’à partir de leur troisième
enfant, leur bénéficiera dès le premier. C’est oublier le fait qu’elles ne
bénéficieront plus du mécanisme reposant sur la durée de cotisation.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
– M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit
également.)
M. le
président. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence
Dumont. Le secrétaire d’État nous a renvoyés à un tableau de l’étude
d’impact : c’est un peu osé, compte tenu de ce que le Conseil d’État a dit
de celle-ci, à savoir qu’elle ne répond pas « aux exigences générales
d’objectivité et de sincérité », jugement que les travaux de la commission
spéciale ont confirmé. C’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés a
décidé de créer une commission d’enquête sur la sincérité, l’exhaustivité et
l’exactitude de l’étude d’impact sur la réforme des retraites.
Je prends
un exemple : à la page 215 de l’étude d’impact figure le tableau,
no 65, censé représenter les perspectives d’une carrière
d’infirmier : il vise à nous faire croire que le montant de la pension
serait très proche, voire supérieur, au salaire maximum de l’actuelle grille de
la fonction publique hospitalière. Je vous donne les chiffres :
3 025 euros de pension à 67 ans pour la génération 1990. Au vu
des taux de remplacement, il laisse même envisager des salaires avoisinant les
4 000 euros en fin de carrière.
Mme
Mathilde Panot. Magnifique !
Mme Laurence
Dumont. Magnifique, en effet ! Je vous rappelle tout de même que
les grilles de la fonction publique hospitalière actuelle prévoient qu’une
infirmière perçoit 1 827 euros brut en début de carrière et
2 938 euros brut en fin de carrière. Manifestement, quelque chose
cloche ! Cette étude d’impact, déconnectée de la réalité, présente la
réforme sous un aspect faussement favorable. C’est pourquoi, monsieur le
secrétaire d’État, nous renvoyer à un des tableaux de celle-ci me semble
vraiment osé !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Tout à fait !
(Les amendements identiques nos 210, 3945,
11254 et 11255 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de seize amendements identiques,
nos 25550 et suivants, déposés par le groupe de la Gauche
démocrate et républicaine.
Ces amendements font l’objet de deux
sous-amendements, nos 42166 et 42420.
Sur les
sous-amendements nos 42166 et 42420, je suis saisi par le groupe
La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est
annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à
M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir les seize amendements identiques.
M.
Jean-Paul Lecoq. Ils visent à insérer, à l’alinéa 3, les mots
« à prestations définies ». Pourquoi ? Parce que, à plusieurs
reprises, le secrétaire d’État, les rapporteurs et des parlementaires ont fait
référence à Ambroise Croizat. Nicolas Dupont-Aignan a rappelé les grandes heures
du Conseil national de la Résistance ; or, à chaque fois, la question qui
était posée et qui devrait l’être de nouveau, visait le niveau de la prestation
perçue par les retraités : elle ne doit pas baisser tout en étant toujours
proportionnelle à l’évolution de la carrière – tels sont les principes de
base.
Frédéric Petit a, tout à l’heure, évoqué un panier pour parler des
pensions, arguant que la réforme est compatible avec la retraite par
répartition, puisqu’il s’agira de se répartir ce qu’il y aura dans la panier.
C’est justement la raison pour laquelle nous vous proposons de préciser que le
nouveau régime sera « à prestations définies », ce qui permettra de
fixer en aval le montant nécessaire à mettre dans le panier pour ensuite le
répartir. Une fois ces prestations définies pour chacun, il sera possible de
prévoir les collectes de fonds permettant d’attribuer des pensions de retraite
dignes d’un pays comme la France aujourd’hui.
M. le
président. Sur les seize amendements identiques nos 2550
et suivants, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Mathilde Panot, pour
soutenir le sous-amendement no 42166.
Mme
Mathilde Panot. Il vise à préciser que votre réforme est
dangereuse.
J’ai évoqué hier le fait qu’un Français parmi les plus
pauvres sur quatre et qu’un salarié qui touche le SMIC sur cinq ne perçoivent
pas un centime de leur pension parce qu’ils meurent avant d’arriver à l’âge de
la retraite. Or votre réforme aggravera encore la situation : dans
certaines professions, les salariés mourront, ou plutôt, crèveront au
travail : je pense notamment aux égoutiers, qui partent aujourd’hui à
52 ans et qui partiront à 62 ans, à savoir à l’âge de leur espérance
de vie. Nous pourrions également évoquer les
bûcherons.
L’article 1er porte sur les principes ;
or nos deux visions s’opposent. Demain, si votre texte est adopté, ce ne seront
plus un pauvre sur quatre, mais peut-être deux ou trois sur quatre qui ne
verront pas un centime de leur pension : seuls les plus riches pourront
bénéficier de leur retraite.
André Gorz, un grand penseur écologique,
écrivait : « Une perspective nouvelle s’ouvre ainsi à nous : la
construction d’une civilisation du temps libéré. Mais, au lieu d’y voir une
tâche exaltante, nos sociétés tournent le dos à cette perspective et présentent
la libération du temps comme une calamité. Au lieu de se demander comment faire
pour qu’à l’avenir tout le monde puisse travailler beaucoup moins, beaucoup
mieux, tout en recevant sa part des richesses socialement produites, les
dirigeants, dans leur immense majorité, se demandent comment faire pour que le
système consomme davantage de travail – comment faire pour que les immenses
quantités de travail économisées dans la production puissent être gaspillées
dans des petits boulots dont la principale fonction est d’occuper les
gens. »
Voilà exactement l’objet de notre combat aujourd’hui :
nous sommes pour une libération et une réduction du temps de travail, parce que
c’est la seule politique efficace pour faire baisser le chômage et la pauvreté,
pour donner du sens au travail et pour ne pas faire crever les gens au boulot.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir le
sous-amendement no 42420.
Mme
Clémentine Autain. Il vise à compléter l’alinéa 4 par les
mots : « et tout à fait flou » : formule exacte pour un
texte à trous, qui prévoyait au départ vingt-neuf ordonnances, et qui,
compte tenu des amendements qui sont actuellement déposés par le Gouvernement,
en particulier à l’article 18, est sur le point d’en prévoir un plus grand
nombre encore, ce qui ne fera qu’accroître le flou.
Comprenez d’autant
mieux notre inquiétude depuis le début de nos débats, que le recours éventuel,
dans les prochains jours ou les prochaines semaines, à l’article 49,
alinéa 3 de la Constitution empêchera l’examen de plusieurs articles :
nous passerons alors comme à une ordonnance généralisée !
Madame Motin, vous avez semblé affirmer que les pensions de
réversion figurent dans le texte : ce n’est pas vrai. Un amendement de
M. Gouffier-Cha portera bien sur les pensions de réversion, mais seulement
à l’article 46. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Nous sommes donc devant un vrai problème, puisque nous n’avons toujours pas
reçu l’engagement du secrétaire d’État que le Gouvernement ne recourra pas au
49.3.
C’est pourquoi je réitère la question que le président Mélenchon a
déjà posée : le Gouvernement peut-il s’engager devant l’Assemblée à ne pas
recourir au 49.3, de sorte que nous puissions examiner le texte en toute
sérénité ? S’agissant des pensions de réversion, nous serons rassurés,
puisque nous pourrons, à l’article 46, discuter de l’amendement qui porte
sur celles-ci.
Une députée du groupe
LaREM. Quels seront vos engagements à vous ?
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements
identiques et les deux sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ces amendements illustrent de nouveau la
stérilité de nos débats, puisque l’amendement présenté a été l’amendement
no 25535, qui figure plus tard, et non le
no 25550, si bien que les sous-amendements qui ont été défendus
ne portaient pas sur l’amendement qui a été présenté ! Tout cela ne rime à
rien.
Je reviens à l’instant, après m’être absenté quelques minutes pour
vérifier quelque chose. Monsieur Mélenchon, vous vous êtes plaint que le groupe
de la France insoumise était accusé d’avoir déposé
700 000 sous-amendements : mais Mme Autain l’a elle-même
confirmé dans une vidéo pour CNews ! C’est donc bien la
preuve…
Bref, on ne défend pas le bon texte, on ne travaille pas sur le
fond… Essayez d’argumenter sur le fond, car vous ne restez que sur la
forme ! Moi, je veux que l’on travaille sur le fond, car j’ai fait mon
travail de rapporteur pour apporter des réponses aux questions de fond.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
– M. Bruno Fuchs applaudit
également.)
Là, vous abordez tous les sujets : la réversion, la
carrière complète, les ordonnances… Je réaffirme qu’il s’agit
d’antiparlementarisme de base. Nous contribuons à saper la crédibilité de notre
institution, et je trouve cela lamentable ! (Applaudissements sur de
nombreux bancs des groupe LaREM et MODEM.)
Avis
défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Défavorable
également.
Madame Dumont, lorsque vous vous êtes exprimée, j’étais
justement en train de préparer des éléments sur les questions posées par
M. Pierre Vatin, et dont la réponse figure également aux pages 214 et
215 de l’étude d’impact. Je vais donc croiser les réponses.
Vous nous
disiez ne pas comprendre les taux de remplacement et montants de pension
indiqués dans l’étude d’impact, lesquels ne correspondent pas à ce que gagnent
actuellement les infirmières. Ai-je bien compris votre interrogation ?
Mme Laurence
Dumont. Oui.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. C’est logique, madame la
députée : ce sont des perspectives ! Nous avons réalisé une évolution
prospective des carrières à horizon 2050 : les rémunérations indiquées dans
l’étude d’impact sont donc augmentées du niveau de l’inflation. Si nous
souhaitons comparer les systèmes à horizon 2050, il ne faut bien évidemment pas
utiliser les salaires de 2020, car, partout, il existe une dynamique des
salaires !
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Et voilà !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Évidemment, si vous envisagiez
de fonder un éventuel recours devant le Conseil constitutionnel sur cette base,
j’ai peur que l’exemple ne soit pas probant… En revanche, cela vous garantit que
nous avons réfléchi sur des perspectives réelles et adaptées aux
carrières.
S’agissant des fonctionnaires de catégorie C, qui ont été
évoqués à plusieurs reprises, vous retrouverez également dans les cas-types
présentés aux pages 214 et 215 les éléments prouvant la stabilité de leur niveau
de retraite. Comme je l’ai déjà expliqué à plusieurs reprises, les carrières
plates, qui concernent le plus souvent les fonctionnaires de catégorie C,
dont le niveau de rémunération et les parcours professionnels sont relativement
linéaires, seront avantagées par la dynamique redistributive du système de
retraite que nous vous proposons d’adopter.
M. Claude
Goasguen. Ce n’est pas vrai.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour un rappel au
règlement.
Mme
Clémentine Autain. Au titre de l’article 58, alinéa 1 du
règlement.
Monsieur Turquois, pour avoir siégé de nombreuses heures en ma
présence en commission spéciale – car, le moins que l’on puisse dire, c’est
que j’ai participé à quasiment l’ensemble des travaux – vous me ferez au
moins grâce du fait que dans l’ensemble de mes interventions, j’ai parlé du fond
du projet de loi. Nous serons au moins d’accord là-dessus.
M. Frédéric
Petit. Est-ce un rappel au règlement, monsieur le président ?
Mme
Clémentine Autain. S’agissant des 700 000 sous-amendements, et
puisque l’on a dit hier que ce qui comptait, c’était ce qui se disait dans
l’hémicycle et non pas sur les réseaux sociaux (Exclamations sur quelques
bancs du groupe LaREM), je redis les choses ici pour la dernière fois :
comme mes collègues Mme Fiat et M. Quatennens, qui l’ont également dit
hier, je répète que nous n’avons pas déposé 700 000 sous-amendements.
C’est littéralement délirant ! Nous avons signé environ 22 000 des
près de 40 000 amendements déposés au total, et chacun de nous ne peut
sous-amender des amendements qu’il a lui-même déposés. Je ne connais pas le
chiffre exact au moment où je vous parle, mais nous avons déposé moins de
200 sous-amendements depuis le début des travaux – la dernière fois
que j’ai eu un chiffre précis, nous en étions à 141.
Autant vous dire que
parler de 700 000 sous-amendements est un pur délire. Et cessez de
dire que c’est moi qui l’ai avancé ! La vidéo qui circule montre
précisément que je réponds très exactement à ce journaliste de CNews,
M. Usaï, qui pose une question générale : « Oui, j’assume notre
stratégie. »
M. le
président. Merci, madame Autain.
Mme
Clémentine Autain. Oui, monsieur le président, j’assume notre stratégie.
À aucun moment je ne dis que nous avons déposé 700 000 amendements.
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) C’est la réalité, donc
arrêtez de vous agiter !
M. le
président. Je vous propose d’en revenir à l’examen des
articles.
Article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Je voterai l’amendement no 25550. Reprenons la
base : tout d’abord, même si c’est d’une manière déguisée, le projet de loi
aboutit à durcir les conditions de départ en retraite et à reculer l’âge de
départ. Telle est la réalité.
Deuxième point : l’espérance de
vie d’un ouvrier en bonne santé est de 60 ans, celle d’une Française ou
d’un Français de 63 à 64 ans. Cela signifie que la vraie question, la seule
que nous devrions nous poser, nous, représentants de la nation, est la
suivante : est-il digne, au XXIe siècle, pour une des
premières puissances mondiales, de condamner ses retraités à une baisse de
niveau de vie ? Est-il digne de dire aux jeunes générations, qui
travaillent aujourd’hui : « Dans vingt ou trente ans, vous vivrez
moins bien que vos parents. Vous commencez dans la vie active : si vous
faites des efforts, si vous progressez, si vous vous formez, on ne prendra plus
en compte vos derniers mois ou vos meilleures années, mais l’ensemble d’une
carrière de façon linéaire » ? Imaginez-vous le message que nous
envoyons à la nation ?
D’ailleurs, c’est faire injure à votre
politique économique, dont vous disiez qu’elle allait créer des millions
d’emplois, et que la France allait s’en sortir. Mais la vraie question que nous
devons nous poser est de savoir comment assurer une retraite digne aux jeunes
générations, celles qui entrent aujourd’hui dans la vie active, et comment leur
permettre de partir soit à 60 ans – pour ceux qui ont travaillé
dur –, soit à 62 ans – qui devrait, à mon avis, être l’âge
maximum de départ. La preuve en est, d’ailleurs, que le taux d’activité des
60-64 ans est de seulement 30 % ! Je le répète parce qu’on a
l’impression que vous ne le saviez pas. Cela veut dire que nos entreprises ne
veulent pas recruter des personnes qui, souvent, ont des difficultés de santé et
que, de fait, entreprises comme salariés s’arrêtent entre 60 et 64 ans. Et
vous voudriez les conduire à 65 ans ?
En réalité, vous ne
voulez pas : vous voulez simplement réduire les pensions de retraite. Dans
ce cas, pourquoi prenez-vous comme hypothèse une baisse à 12,9 % de la part
du PIB consacrée aux retraites, alors que la nation française, en 2020, y
consacre 14 % ?
M. le
président. Il faut conclure, monsieur Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Profitons de ces 14 % pour préparer une retraite
digne à nos concitoyens.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Il nous faut bien clore cet épisode loufoque des
700 000 sous-amendements ! (Protestations sur quelques bancs
du groupe LaREM.)
Mme
Clémentine Autain. C’est vraiment ridicule…
M. Jean-Luc
Mélenchon. La seule chose qui compte, collègues, est la suivante :
y a-t-il, oui ou non, 700 000 sous-amendements ?
Mme
Mathilde Panot. Eh non !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Alors de quoi parle-t-on ?
Rapporteur, on avait
apprécié votre courtoisie et votre patience en commission, mais là, vous êtes
tout nerveux et vous provoquez tout le monde pour un oui ou pour un non.
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Pourquoi faites-vous
cela ? Répondez à notre question sur le 49.3.
Je vais vous apprendre
autre chose au sujet de cet article : il n’a pas été inscrit dans la
Constitution pour river son clou à l’opposition ! Ce n’est pas une mesure
de raccourcissement du débat parlementaire ! (Même mouvement.) C’est
une mesure destinée, pour un gouvernement faible…
M.
Jean-Charles Colas-Roy. On n’est pas ici pour une conférence de
presse !
M. le
président. Monsieur Colas-Roy, seul M. Mélenchon a la
parole.
Plusieurs orateurs vont pouvoir s’exprimer :
Mme Beaudouin-Hubiere succédera à M. Mélenchon, puis s’exprimeront
M. Mattei, M. Vallaud et M. Dharréville. Écoutons-nous,
respectons-nous, et ensuite, nous voterons.
M. Jean-Luc
Mélenchon. L’article 49, alinéa 3, disais-je, n’est pas fait
pour écourter les débats parlementaires,…
Mme
Nathalie Elimas. Mais nous ne sommes pas pressés !
M. Jean-Luc
Mélenchon. …pas plus que pour river son clou à l’opposition. Il est le
fait d’un gouvernement qui, à un moment donné, confronte sa propre majorité, qui
le critique, à la nécessité de le suivre. C’est en ce sens que, par le passé, il
a été fait recours au 49.3. (Protestations sur quelques bancs du groupe
LaREM.) C’est la raison pour laquelle nous craignons tant que vous
l’employiez à contresens, et en interrompant un débat dont les morceaux les plus
sensibles se situent vers l’article 55.
Mme
Nathalie Elimas. Nous ne sommes pas pressés !
M. Jean-Luc
Mélenchon. J’achève… (Mêmes mouvements.) Pas la peine de
crier ! Je ne comprends même pas ce que vous dites, j’entends juste un
bruit de fond : c’est très énervant ! Puis-je finir,
président ?
M. le
président. Il vous reste du temps, vous n’avez pas encore atteint la
limite de deux minutes.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Une suggestion : si vous affichiez le temps de parole,
nous arriverions mieux à étalonner nos interventions.
M. le
président. Je ne suis que vice-président, monsieur Mélenchon, pas
président…
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ce n’était qu’une suggestion !
J’ai aussi vu
l’étonnement se peindre sur vos visages lorsque nous disions que la réduction du
temps de travail était productive pour l’économie. Je pense que beaucoup d’entre
vous n’y croient pas. Pourtant, vous pouvez croire aux faits, Mme Panot l’a dit
tout à l’heure : les 35 heures ont créé 350 000 emplois
nets. En France, de tout le XXe siècle, c’est dans les quatre
années entre 1998, date de l’instauration de la mesure, et 2000 qu’ont été créés
le plus d’emplois. Dans le même temps, les comptes de la sécurité sociale sont
passés d’un déficit d’environ 5 milliards en 1998 à un excédent de
800 millions d’euros en 2000 et 1,2 milliard d’euros en 2001. C’était
le gouvernement de la gauche plurielle.
M. le
président. Je vous remercie, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Et tous les exemples de l’histoire montrent que la réduction
du temps de travail augmente l’emploi.
M. le
président. La parole est à Mme Sophie Beaudouin-Hubiere.
Mme Sophie
Beaudouin-Hubiere. Je voudrais simplement rappeler que nous sommes en
train d’examiner l’amendement no 25550, qui propose, à
l’alinéa 3, de substituer le mot : « inéquitable » au
mot : « universel ». Pourtant, depuis de longues minutes, des
demandes ont été faites au secrétaire d’État de se positionner sur une procédure
ou son non-déclenchement ; nous avons évoqué les pensions de réversion et,
antérieurement, les majorations pour enfant. Je rêve que nous parlions de
plusieurs de ces sujets ! Je rêve que nous évoquions les pensions de
réversion, qui figurent à l’article 46 ; je rêve de pouvoir échanger
avec vous sur les majorations pour enfant, et vers quel parent elles doivent
être dirigées, compte tenu de l’évolution des formes de la famille.
Je
rêve de tout cela, mais nous sommes toujours à l’alinéa 3 de
l’article 1er, à discuter depuis de longues minutes d’une
question de sémantique sur les termes « universel » et
« inéquitable ». Personne ne s’exprime sur le fond de l’amendement,
mais sur toute autre chose ! On ne respecte ni notre institution, ni le
débat démocratique. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Nous ne
sommes pas à la hauteur des attentes des Français et, pourtant, nous devrions
l’être, ici et maintenant. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM
et MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Je me retrouve un peu dans ce que vient de dire ma
collègue. Monsieur Mélenchon, il est vrai que vous étiez très présent en
commission spéciale. Pendant soixante-quinze heures, j’ai moi aussi été
continuellement présent.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ça, c’est vrai.
M.
Jean-Paul Mattei. Nous sommes réunis en séance depuis lundi. Cela fait
donc cinq jours, et nous en sommes toujours à l’alinéa 3 de
l’article 1er. Je ne crois pas que ce soit le signe d’une
avancée rapide du débat.
Moi, je n’ai absolument aucune envie du 49.3.
J’ai envie qu’on aille au bout et qu’on débatte du texte. (Applaudissements
sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.) Si vous pensez que l’on
s’investit autant pour rien… Pour moi, le recours au 49.3 serait un
échec.
L’amendement propose de remplacer le mot « universel »
par le mot « inéquitable », mots que les sous-amendements qui s’y
rapportent tendent à compléter par les adjectifs « flou » ou
« dangereux ». Soyons sérieux ! Même si on adoptait ces
amendements et ces sous-amendements, vous n’adopteriez pas le texte ! Alors
arrêtez de nous faire croire que vous déposez des amendements qui portent sur le
fond : ce ne sont que des manœuvres dilatoires, en permanence !
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Nous discutons en effet d’un amendement à l’alinéa 3 de
l’article 1er, lequel traite notamment de la notion de niveau de
vie satisfaisant. Puisque le secrétaire d’État comme le rapporteur ont eu la
gentillesse de nous apporter un certain nombre d’éléments, notamment s’agissant
des taux de remplacement, je me permettrai de parler un peu du fond.
Les
Françaises et les Français se posent la question de savoir si demain, ce sera
mieux qu’aujourd’hui – et non pas si demain, ce sera mieux qu’un modèle
imaginaire dont on devrait encore tracer la courbe. Je voudrais donc vous
proposer un cas d’espèce, issu des hypothèses du COR : soit Matthieu,
salarié non-cadre de la génération 1958, qui a commencé à travailler à
20 ans. En 2020, il peut donc partir à 62 ans, avec un taux de
remplacement brut de 62 %. Avec la réforme, qui s’appliquera complètement
pour la génération 2003, quelle serait sa situation ? En supposant que
l’âge d’équilibre soit fixé à 65 ans – ne soyons pas bégueules et ne
retenons pas l’âge de 67 ans, comme cela serait en réalité le cas –,
le taux de remplacement à 64 ans ne serait plus que de 50 %. C’est
donc une perte de 19,35 % par rapport à la génération 1958. Voilà une
démonstration à peu près claire !
M. Frédéric
Petit. Mais qui n’a rien à voir avec l’amendement !
M. Boris
Vallaud. Pour retrouver son taux actuel de remplacement de 62 %, il
faudrait, dans le nouveau système, que Matthieu travaille jusqu’à 67 ans.
Telle est la réalité ! Il faut se demander si ce qui se dessine est ou non
une réforme de progrès. Si, à système inchangé, les prévisions du COR font
apparaître un décrochage du niveau de vie, nous pouvons nous interroger sur la
façon de maintenir ce niveau de vie, en particulier pour les premiers déciles.
Or ce débat est interdit, alors même que, je viens d’en faire la démonstration
mathématique, votre réforme va conduire à un décrochage du niveau de vie des
retraités par rapport aux actifs. Avec votre réforme, ce sera donc moins bien
qu’aujourd’hui.
M. Stéphane
Baudu. Cela n’a rien à voir avec l’amendement.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Régulièrement, la majorité se scandalise ainsi de devoir
discuter du texte et de ses intentions. Or l’article 1er
détermine l’orientation du texte, il en donne le sens, et c’est justement ce
dont nous discutons. Il est important, à l’occasion d’une réforme des retraites,
de parler de la direction qu’elle emprunte. Le temps de la discussion est donc
nécessaire, même si cela ne vous réjouit pas – je peux le
comprendre.
Nous contestons pour notre part le caractère universel du
nouveau système et pensons qu’il sera inéquitable. C’est ce que nous affirmons
avec le présent amendement. En réalité, vous allez demander aux gens de
travailler plus pour garantir leur retraite. Or certains le pourront, alors que
d’autres ne le pourront pas. En outre, une myriade de régimes différents vont
coexister – y compris en fonction des générations. Chacune se verra
appliquer un régime particulier, avec des conditions différentes. Vous le savez,
car les paramètres que vous avez instaurés varieront en fonction des
générations.
J’aimerais illustrer mon propos sur ces inégalités avec deux
exemples. Une personne née en 1975, ayant commencé à travailler à l’âge de
20 ans peut, dans le système actuel, partir en retraite, avec une pension à
taux plein, à 63 ans – ce qui est déjà trop tard à nos yeux. Dans le
système proposé, elle devra attendre 65 ans et aura donc travaillé
45 ans pour bénéficier d’une pension sans malus. Une autre personne née la
même année mais ayant commencé à travailler à 23 ans peut, dans le système
actuel, prendre sa retraite à taux plein à 66 ans – encore plus tard
que pour le cas précédent. Dans le système proposé, cette personne pourra
effectivement partir à 65 ans pour percevoir une retraite à taux
plein : elle devra donc quant à elle travailler 42 ans pour percevoir
une pension sans malus. La durée de cotisation diffère donc selon les cas.
M. le
président. Merci, monsieur Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je conclurai en une phrase, monsieur le président.
Nous proposons, à l’inverse, de repenser la notion de carrière complète et d’y
intégrer les années de formation, d’études et d’inactivité subie, tout autant
que les années d’activité dans l’emploi.
M. le
président. La parole est à Mme la présidente de la commission
spéciale.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
J’écoute patiemment ce débat depuis quinze jours. Chacun se renvoie la
responsabilité de la stratégie suivie. Certains expliquent que, s’ils ont déposé
à l’article 1er tant d’amendements renvoyant à des articles
situés beaucoup plus loin dans le texte, c’est parce qu’ils ont peur que nous ne
parvenions pas à atteindre ces articles suffisamment tôt. À ce sujet, je
voudrais vous indiquer qu’au sein de la commission spéciale, en quatre-vingts
heures de travail et de réunion, au cours desquelles chacun pouvait prendre la
parole sur ses amendements, nous sommes malgré tout parvenus à examiner
6 059 amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
Cela signifie que si le nombre d’amendements était
resté dans une fourchette correcte, permettant d’envisager leur étude, tout en
couvrant l’ensemble des articles, la discussion que vous réclamez tant, tout
comme nous, aurait lieu sereinement. Mais le jeu des sous-amendements a
phagocyté le temps, sur le seul article 1er.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs
du groupe FI.) C’est réellement dommage, si chacun d’entre vous a réellement
la volonté de discuter de chaque article, comme je l’entends constamment.
(« Bravo ! » et
applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M.
Jean-Charles Colas-Roy. CQFD !
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Bruno Fuchs, pour un rappel au
règlement.
M. Bruno
Fuchs. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58,
alinéa 2. Il porte sur une intervention bien antérieure et arrive donc un
peu tardivement.
M. le
président. Vous en êtes excusé.
M. Bruno
Fuchs. Je voudrais rappeler que certaines interventions n’ont aucun lien
avec les amendements déposés, qui ne sont pas eux-mêmes de vrais
amendements ! C’est le degré zéro de l’écriture législative. Certains dans
cet hémicycle, qui nous ont habitués à des raisonnements assez fins, ne peuvent
se satisfaire d’amendements rédigés de façon aussi grossière – et qui, en
réalité, ne sont pas des amendements.
Je souhaitais rappeler ce point du
règlement car nous sommes face à une pollution démocratique qui nuit à nos
débats.
M. le
président. La parole est à M. Olivier Faure, pour un autre rappel
au règlement.
M. Olivier
Faure. Ce rappel au règlement se fonde sur le même article. On peut ne
pas approuver la stratégie des insoumis ou des communistes et considérer que les
amendements devraient être moins nombreux ; peut-être. Mais en réalité,
l’obstruction au débat démocratique que chacun appelle de ses vœux ne vient pas
de l’attitude de ces deux groupes. Elle vient du Gouvernement, qui ne fournit
pas les informations dont nous avons besoin pour légiférer dans de bonnes
conditions. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) La conférence
de financement se tient ainsi en parallèle…
M. le
président. Un peu de calme, mes chers collègues.
M. Olivier
Faure. Je voudrais pouvoir m’exprimer. Le Gouvernement ne nous donne pas
les éléments qui permettraient à chacun d’entre nous de se prononcer en
conscience. (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Assumez !
M. Olivier
Faure. Comment pourrions-nous aujourd’hui voter un texte dont nous ne
connaissons ni le financement ni les conséquences qu’il aura sur celles et ceux
qui auront à subir son application pendant des décennies ! C’est cela, la
réalité aujourd’hui !
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Assumez vos responsabilités !
M. Olivier
Faure. Les amendements permettent d’avoir un débat. Il traîne, sans
doute, mais il est nécessaire, jusqu’à ce que la conférence de financement nous
apporte les réponses qui nous éclaireront ! Sinon, comment allez-vous voter
dans quelques semaines, ou quelques jours ? Voulez-vous vraiment voter sur
un texte que vous ne connaissez pas, en remettant de surcroît à vingt-neuf
reprises vos droits au Gouvernement, qui pourra légiférer par
ordonnances ?
M. Frédéric
Petit. C’est la gouvernance paritaire !
M. Olivier
Faure. Si vous voulez être des parlementaires et défendre l’honneur du
Parlement, dont vous semblez vouloir vous faire les apôtres désormais…
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Pas désormais !
M. Olivier
Faure. …vous devez assumer de voter en conscience. Or cela nécessite de
disposer de l’ensemble des éléments, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
(Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry, pour un autre rappel
au règlement.
M. Stéphane
Viry. Au-delà de ce qui vient d’être évoqué, c’est le renoncement à
examiner le texte qui est désagréable – sans même parler des vingt-neuf
ordonnances qui, effectivement, soulèvent une vraie question.
Tout à
l’heure, nous avons défendu le respect de votre fonction, monsieur le président,
lorsque vous avez été mis en cause. Je souhaite en effet respecter la fonction
de président tout comme je respecte les convictions de chacun. Les avis peuvent
diverger sur la pratique consistant à déposer un grand nombre d’amendements. On
peut effectivement avoir une autre conception du débat. Au sein du groupe Les
Républicains, nous ressentons un sentiment de frustration de ne pas pouvoir
présenter le contre-projet que nous avons bâti en réponse au projet du
Gouvernement.
M.
Jean-Paul Lecoq. Nous aussi !
M. Stéphane
Viry. Mais si nous en sommes là, ce n’est probablement pas de la faute
de tel ou tel groupe, mais plutôt celle du Gouvernement qui n’a pas fait usage
du temps législatif programmé comme il aurait pu le faire s’il avait géré
autrement le calendrier parlementaire. (« Eh
oui ! » sur les bancs du groupe LR.)
S’il n’avait pas imposé que le projet de loi soit adopté le 24 janvier
en Conseil des ministres, puis examiné à partir du 3 février en commission
spéciale et du 17 février en séance publique, avec la perspective d’un vote
le 3 mars, soit un rythme insoutenable et infernal, nous aurions pu suivre
cette procédure qui aurait assuré la rationalité des débats et probablement
davantage de sérénité. Le Gouvernement est donc responsable de la cacophonie et
de la mauvaise ambiance qui règnent dans l’hémicycle.
(« Bravo ! » et
applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jean-Luc
Mélenchon applaudit également.)
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ces propos sont sages !
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Le temps législatif programmé a été proposé en
conférence des présidents !
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42166.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 92
Nombre
de suffrages
exprimés 81
Majorité
absolue 41
Pour
l’adoption 12
Contre 69
(Le sous-amendement no 42166 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42420.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 91
Nombre
de suffrages
exprimés 82
Majorité
absolue 42
Pour
l’adoption 11
Contre 71
(Le sous-amendement no 42420 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 25550.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 94
Nombre
de suffrages
exprimés 83
Majorité
absolue 42
Pour
l’adoption 14
Contre 69
(L’amendement no 25550 n’est pas
adopté.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir
l’amendement no 25535 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
Ces amendements font l’objet de trois sous-amendements,
nos 42167, 42205 et 42434.
M. Pierre
Dharréville. Je serai bref car cet amendement a déjà été défendu, par
anticipation, par mon collègue Jean-Paul Lecoq. Il s’agit d’inscrire dans
le texte du projet de loi qu’il s’agit d’un système à prestations définies, dans
la mesure où nous souhaitons des droits garantis.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour soutenir le
sous-amendement no 42167.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Vous ne pourrez pas dire que ce sous-amendement ne concerne
pas le fond ! Nous souhaitons que les gens sachent où ils vont dans la vie.
Personne ne sait comment la valeur du point sera définie, ce que sera sa valeur
de service, ou encore comment elle évoluera depuis son acquisition. Vous avez
inventé un critère qui n’existe pas. Vous avez demandé à l’INSEE de le définir,
mais il vous a répondu qu’il était un organisme scientifique et qu’il n’avait
pas à répondre aux commandes du Gouvernement.
Vous ne pouvez pas empêcher
les gens de savoir où ils vont. Vous prétendez avoir instauré un système
universel, mais en réalité vous avez créé un système spécifique par génération
et personne ne saura combien il percevra une fois à la retraite. Vous pouvez
utiliser tous les coups de communication que vous souhaitez…
M. Bruno
Millienne. Et vous vous y connaissez, en communication !
M. Jean-Luc
Mélenchon. …aller sur le Mont-Blanc, mettre en cause les musulmans, tant
que vous voudrez ! Les gens continueront toujours de se demander pourquoi
ils n’ont plus le droit de savoir combien ils percevront à la retraite.
(Mme Mathilde Panot applaudit.)
M. le
président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir le
sous-amendement no 42205.
Mme Valérie
Rabault. Même si nos collègues nous reprochent d’être trop bavards, je
voudrais souligner que je partage l’avis de M. Mélenchon. Les amendements
no 25535 et identiques sont essentiels. En effet,
l’honnêteté intellectuelle commande de reconnaître que l’on passe d’un système
actuel de retraite à prestations définies – chacun sait ce qu’il percevra à
la retraite, même si c’est plus difficile lorsque l’on a travaillé
successivement dans le public et dans le privé – à un système à cotisations
définies : nous ne saurons plus ce que nous percevrons concrètement, même
si nous connaissons plus ou moins la formule de calcul.
Pour que le titre
de votre projet de loi soit juste, vous auriez dû l’intituler « système
universel de retraite à contributions définies. » Vous omettez en effet
l’expression « prestations définies » alors que nos concitoyens sont
très attachés à la possibilité de savoir combien ils percevront à la retraite,
comme le prouvent les conversations auxquelles nous assistons par exemple sur
les marchés. Ce faisant, vous faites subir à notre système une évolution
majeure. Vous refusez de le reconnaître, mais les amendements de nos collègues
communistes mettent des mots sur cette transformation.
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir le
sous-amendement no 42434.
Mme
Clémentine Autain. J’enfonce le clou en sous-amendant cette série
d’amendements de Mme Bello et de ses collègues. Je répète l’analyse que
nous faisons sur les bancs de l’opposition de gauche : le passage d’un
système à prestations définies, dans lequel les droits sont garantis et le
montant des futures pensions connu, à un système à contributions définies, dans
lequel on connaît uniquement la valeur d’acquisition du point, au début. Entre
l’acquisition du point et la liquidation de la retraite intervient le fameux
coefficient d’ajustement dont les paramètres soit sont susceptibles d’évoluer
dans le temps – comme l’âge d’équilibre –, soit sont incompréhensibles
ou inconnus, comme le revenu moyen d’activité par tête. Vous comptez sur l’INSEE
pour établir un indicateur précis mais l’Institut lui-même rétorque qu’il n’a
pas à répondre à l’injonction gouvernementale – c’est vous dire si tout
s’éclaire !
Pour celles et ceux qui voudront anticiper leur date de
départ en retraite et le niveau de pension auquel ils peuvent s’attendre, un
véritable flou artistique – ou plutôt un flou kafkaïen, parce que tout cela
n’est pas très artistique – est entretenu, ce qui soulève un problème
majeur. Nous débattons là du fond, chers collègues de La République en marche,
et j’aimerais vous entendre nous expliquer comment la valeur du point sera
calculée et en quoi la prestation pourra être considérée comme définie. En ne
votant pas ces amendements, vous reconnaîtriez l’absence de prestations définies
dans le régime que vous voulez imposer.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements
identiques et les sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Revenons au b.a.-ba de la fonction de
parlementaire : la valeur du point et son évolution sont traitées aux
articles 8 et 9. Avis défavorable. (M. Bruno Fuchs
applaudit.)
Mme Valérie
Rabault. Ce n’est pas le sujet !
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Prestations définies,
cotisations définies… Tout à l’heure, j’ai rappelé quelles étaient les règles
lorsqu’une majorité d’entre nous qui sommes quinquagénaires avons commencé notre
activité professionnelle dans les années quatre-vingt-dix – M. le
président Woerth y est également revenu. J’imagine que tous ceux qui prétendent
que le système actuel est à prestations définies pourront facilement expliquer à
la représentation nationale pourquoi un certain nombre de choses ont
changé ! Quelles étaient donc les règles en 1990 ? L’âge légal de
départ à la retraite était de 60 ans. Le montant des pensions était calculé
sur les dix meilleures années. Trente-sept années de demie de cotisation étaient
nécessaires, et il n’y avait ni décote ni surcote.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Eh oui, c’était le bon temps !
M. Boris
Vallaud. Parlez de votre réforme plutôt que de celles des
autres !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. C’est bien la preuve que les
prestations ne sont pas définies. Les choses ont changé et certains ont mené des
réformes courageuses, ici ou là, afin que le système reste stable dans le
temps.
Mme Laurence
Dumont. La référence aux vingt-cinq meilleures années est toujours très
claire !
M. Boris
Vallaud. Parlez plutôt de votre réforme ! Vous n’êtes pas historien
de la sécurité sociale !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. N’en restons pas à des idées un
peu techniques, à des éléments de sémantique, mais soyons pragmatiques
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM) et construisons
ensemble un système qui maintienne de la solidarité et qui soit adaptable dans
le temps !
Mme Laurence
Dumont. L’adaptation, c’est justement ce qui nous fait
flipper !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Voilà notre objectif et voilà
le projet du Gouvernement. Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Olivier Faure.
M. Olivier
Faure. Effectivement, l’évolution n’est pas neutre. C’est même une
rupture puisqu’on passe d’un système à prestations définies – aujourd’hui,
on sait ce qu’on aura à la retraite – à un système à cotisations définies
– on sait ce qu’on va cotiser sans savoir exactement ce qui va se
passer.
Aujourd’hui, le système de retraite peut être déficitaire, mais
on organise alors un débat parlementaire pour déterminer la façon dont on
comblera ce déficit. On se demande quelles sont sa cause et sa nature. Le
déficit est-il creusé par le Gouvernement lui-même, du fait des réformes qu’il
mène, comme c’est le cas aujourd’hui ? Dans ce cas, quelles réponses
peut-on apporter ? Faut-il revenir sur la nature du financement, augmenter
les cotisations ?
À l’avenir, les choses seront différentes :
l’ajustement sera automatique, avec une règle d’or. Tous les cinq ans, chaque
cohorte devra subir un ajustement automatique, qui pèsera essentiellement sur le
niveau des pensions ou sur l’âge d’équilibre. Il s’agit d’une rupture nette avec
le système actuel.
Aujourd’hui, le système dépend encore de la politique,
du Parlement, de chacun d’entre nous : à chaque étape, nous nous demandons
quelles réponses il convient d’apporter à un déficit qui peut être conjoncturel.
Vous avez raison, monsieur le secrétaire d’État, de dire que le système a
changé, année après année ou décennie après décennie. Mais à chaque fois, c’est
le Parlement qui, en toute connaissance de cause, a pris des décisions. Dans le
système que vous proposez, ce ne sera plus le cas : l’ajustement sera
automatique, mécanique, et la politique n’aura plus rien à faire là-dedans. Ce
seront des robots, des algorithmes qui feront le travail à notre place et ne
tiendront plus compte des raisons qui ont entraîné tel ou tel
déficit.
Prenons l’exemple du déficit annoncé par le COR. Ce déficit est
lié à la politique que vous menez aujourd’hui : vous ne remboursez plus à
la sécurité sociale ce que vous lui devez, vous allez geler les revenus des
fonctionnaires, vous allez diminuer le nombre de ces derniers… Je le répète, le
déficit actuel est lié à votre politique. Il conviendrait de l’assumer puis de
revenir sur ces mesures pour faire différemment.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Vous savez que nous avons combattu fermement nombre de
réformes qui ont conduit à dégrader le droit à la retraite dans notre pays. Si
nous sommes aujourd’hui extrêmement mobilisés, c’est que votre réforme
provoquera une dégradation radicale de notre droit à la retraite.
Nous
avons un point de désaccord fondamental sur la philosophie même du système, sur
le point de départ et le point d’arrivée. Vous voulez déterminer a priori la
somme que l’on peut consacrer aux retraites, puis adapter les droits en fonction
de cette somme. Quant à nous, nous voulons garantir les droits. La République
doit garantir des droits ; le droit à la retraite est essentiel, nous
devons donc le garantir à toutes et à tous. Vous fonctionnez à l’envers. Vous
dites vous-même, monsieur le secrétaire d’État, que vous voulez un système
adaptable dans le temps. C’est l’ajustement permanent, la réforme paramétrique
permanente que vous êtes en train de mettre en place.
M. Bruno
Millienne. C’est beaucoup plus équitable !
M. Pierre
Dharréville. Les modifications du système, jusqu’à présent décidées
après un certain nombre de débats, comme Olivier Faure vient de l’expliquer,
pourront désormais être opérées discrètement, sans discussions trop importantes.
Les ajustements de notre système social se feront toujours au détriment des
droits, avec l’épée de Damoclès de la compétitivité suspendue à chaque instant
au-dessus de nos têtes et de celle du Gouvernement. Notre système de protection
sociale et notre système de retraite seront en permanence ajustés à la nécessité
de faire baisser le coût de travail, par exemple. C’est ce que nous contestons.
Nous, nous voulons un système à prestations définies. La rupture que vous êtes
en train d’organiser est exceptionnellement grave.
M. Olivier
Faure. Très bien !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Vraiment, monsieur le rapporteur, je ne vous comprends pas.
Ni la valeur d’achat du point ni sa valeur de service ne sont fixées. Vous me
renvoyez à l’article 8 du projet de loi : fort bien ! Je le lis
donc : « […] Les points inscrits au compte personnel de carrière
s’acquièrent annuellement au titre des cotisations calculées dans les conditions
prévues au 1° de l’article L. 241-3 et prises en compte selon les
modalités prévues par cet article, qui permettent d’acquérir des points à
hauteur du résultat de la division du montant de ces cotisations par la valeur
d’acquisition du point fixée au titre de l’année considérée dans les conditions
prévues par l’article L. 191-4. » Cela me paraît limpide !
(Rires sur les bancs du groupe FI.) J’en déduis que la valeur du point
est définie par sa valeur à l’année considérée. Cette tautologie n’indique
aucunement quelle est la valeur du point, ni sur quelle base vous
l’estimerez.
S’agissant de l’évolution de cette valeur, vous avez précisé
qu’elle suivrait celle du revenu moyen par tête. Nous vous avons un peu chahutés
et chambrés en vous faisant remarquer que cet indicateur n’existait pas, et vous
nous avez répondu à juste titre qu’il allait être créé. Au passage, vous vous
êtes trompés puisque vous avez déclaré que c’est l’INSEE qui s’en chargerait,
alors que votre texte fait référence au Conseil d’État, mais ce n’est pas grave
– au moins, les modalités d’évolution sont définies.
On arrive enfin
à l’énigme suprême : quel sera le montant de ma pension ? Au-delà de
toute polémique, vous conviendrez que ce n’est pas une question résiduelle dans
la vie d’une personne. Il ne s’agit pas seulement de déterminer combien vous
toucherez – personne ne peut le savoir car cela changera d’une génération à
l’autre –, mais aussi de satisfaire les autres conditions que vous avez
définies. Si vous ne savez pas combien vous toucherez, vous ne pouvez pas
connaître la valeur de remplacement de votre pension par rapport à votre revenu
précédent, et vous ne pouvez donc pas savoir si vous pouvez demander
immédiatement à votre patron de prolonger votre contrat de travail, comme un
article ultérieur vous le permettra, afin de compléter votre revenu. Il ne
s’agit pas d’une question sans rapport avec votre projet de loi ;…
M. le
président. Merci, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. …au contraire, la logique même de votre texte devrait vous
conduire à y répondre avec précision. (Applaudissements sur les bancs du
groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Chers collègues, je voudrais réagir à votre amendement et à vos
sous-amendements en vous rappelant qu’ici, je représente aussi vos électeurs,
comme vous représentez aussi les miens. Ici, nous représentons tous l’ensemble
de la nation. (M. Mickaël Nogal applaudit.)
Vous avez demandé à la représentation nationale d’introduire, dans un article
consacré aux principes, la phrase suivante : « La nation affirme
solennellement son attachement à un système inéquitable. » Dans l’un de vos
sous-amendements, vous nous demandez de préciser que les prestations du système
de retraite seront définies « selon des critères trompeurs ».
(Exclamations sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Chiche ?
M. Frédéric
Petit. Vous voulez donc que le Parlement affirme dans la loi que la
France met en place un système inéquitable fondé sur des critères trompeurs.
M.
Jean-Paul Lecoq. Au moins, les choses seraient claires !
M. Frédéric
Petit. C’est de cela que vous nous demandez de débattre
maintenant ! Si c’est du point que vous voulez débattre, examinons
rapidement l’article 8 : nous écouterons alors vos amendements.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Pierre
Dharréville. Vous refusez le débat !
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Je veux revenir sur la question de la visibilité. On nous
a expliqué pendant des mois qu’il fallait réformer notre système de retraite
pour que les Français puissent s’y retrouver : le nouveau système serait
plus simple que le système actuel. Certes, notre système n’est pas parfait
– vous ne pouvez pas affirmer éternellement que si nous n’acceptons pas
votre réforme, c’est que nous préférons le système actuel –, mais nous
pourrions très bien le corriger tout en maintenant un principe fondamental, qui
veut que chaque Français sache, à partir d’un certain âge, quelle pension de
retraite il touchera s’il conserve le même salaire. C’est ce principe qui permet
à chaque Français de se livrer à des anticipations, de décider s’il a envie de
progresser dans sa carrière, de faire un effort particulier, comment il va
s’organiser. Or, avec votre réforme, vous placez tous nos concitoyens dans le
brouillard le plus complet.
Sans vouloir sombrer dans le complotisme, je
vois tout l’intérêt que ce nouveau système présentera pour les assureurs, qui en
font déjà état dans leurs publicités. (Exclamations sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
M. Pierre
Dharréville. Eh oui !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Mais oui ! Je veux parler de tous ceux qui ont aidé
le Président de la République à être élu ! (Exclamations redoublées sur
les mêmes bancs.)
M. Vincent
Thiébaut. C’est d’un ridicule !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Ils écrivent : « Votre pension va baisser à
cause de la mise en place du système à points. Soyez prudents, souscrivez une
épargne retraite car vous ne savez pas ce que vous allez
toucher ! »
M. Vincent
Thiébaut. N’importe quoi !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Vous créez une anxiété généralisée. Déjà, nos concitoyens
sont anxieux : ils ont peur de perdre leur boulot et ne savent pas s’ils
vont avoir un boulot à 55 ans. Ils décrochent leur premier CDI à
30 ans. À 56 ans, on leur dit déjà qu’ils sont trop vieux.
M. Jean-Luc
Mélenchon. C’est vrai !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. À 59 ans, on leur dit qu’on va les licencier. Et
vous, vous créez un brouillard, un système incroyablement nébuleux. Après, vous
vous étonnez qu’il y ait une angoisse collective.
M.
Jean-Paul Lecoq. Il y a de la colère !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Vous devriez écouter un peu plus vos concitoyens dans vos
circonscriptions – tout le monde n’est pas cadre supérieur !
(Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Arrêtez !
Mme Marie
Lebec. Vous ne vivez pas dans notre monde !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Vos concitoyens souffrent profondément de votre
politique.
M. le
président. Merci, monsieur Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. D’ailleurs, vous avez déjà créé un système anxiogène en
réformant l’assurance chômage.
M. Pascal
Bois. Ce sont vos propos qui sont anxiogènes !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Maintenant, vous créez…
M. le
président. Merci, monsieur Dupont-Aignan.
La parole est à
Mme Cendra Motin.
Mme Cendra
Motin. Quand on est un fonctionnaire, dont la carrière est plutôt
tracée, on peut se projeter assez facilement vers la fin de celle-ci et évaluer
le montant de sa future pension de retraite. Mais quand on est chef
d’entreprise, je peux vous assurer que ce n’est pas le cas. Au cours de ma
carrière, je n’ai connu qu’un seul régime de retraite à prestations
définies : c’est celui de l’article 39 du code général des impôts,
également appelé « retraite chapeau » voire « parachute
doré », qui permet effectivement de cotiser en déterminant le montant de
pension souhaité. Dans les autres régimes, on ne connaît que le taux de la
cotisation. Aujourd’hui, je sais qu’un salarié cotise à 15,45 % au régime
général ; pour une retraite complémentaire, il cotise à 7,87 % jusqu’à
3 428 euros et à 21,59 % au-delà. Demain, dans le système que
nous proposons, il cotisera à 28,12 %.
Vous dites qu’il est très
facile, même pour un salarié du privé, de connaître le montant de sa pension
future, mais vous n’envisagez pas la possibilité d’une carrière multiple.
Mme Valérie
Rabault. Si !
Mme Cendra
Motin. Aujourd’hui, la plupart des salariés sont soumis à plusieurs
régimes ; or tous ces régimes ne sont pas alignés. En réalité, il n’existe
que trois régimes alignés : le régime général, le régime de la Mutualité
sociale agricole – MSA – et le régime des indépendants. Imaginez qu’un
individu soit d’abord fonctionnaire, qu’il parte ensuite dans le privé et qu’il
termine sa carrière en tant qu’indépendant : il ne peut pas savoir combien
il touchera à la retraite,…
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Exactement !
M.
Jean-Paul Lecoq. Mais si !
Mme Cendra
Motin. …même en consultant le site internet dédié, très bien conçu au
demeurant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M.
Jean-Paul Lecoq. Dans votre système, ce ne sera pas mieux !
Mme Cendra
Motin. Avec un compte alimenté chaque année d’un nombre de points
correspondant à notre cotisation – il ne sera pas alimenté par des robots,
monsieur Faure, mais par des partenaires sociaux (Applaudissements sur
plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM), des hommes et des femmes qui
sont au cœur de l’entreprise et qui représentent les salariés –, nous y
verrons plus clair.
M. Frédéric
Petit. Évidemment !
Mme Cendra
Motin. Quel que soit le régime auquel nous serons soumis et même si ce
régime n’est pas aligné, nous saurons beaucoup mieux combien nous toucherons à
l’âge de la retraite. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Pierre
Dharréville. Vous n’y croyez pas vous-même !
M. le
président. La parole est à M. Julien Aubert.
M. Julien
Aubert. Je ne ferai pas de procès d’intention à la majorité : je
crois que personne ici n’a envie que les retraites baissent. Cependant, j’ai
quelques inquiétudes.
Je ne veux pas revenir sur la question du
financement, mais admettez que si ce sujet avait été traité, cela aurait
facilité les débats !
En outre, la question centrale de la valeur du
point a été enfouie dans un certain brouillard méthodologique. Je rappelle que
le Premier ministre avait longtemps parlé d’une indexation sur les salaires,
lesquels augmentent plus vite que l’inflation. Ensuite, nous avons vu apparaître
la notion d’indexation sur le revenu – ce n’est pas la même chose que le
salaire, car le salaire n’est pas la seule composante des revenus –, plus
précisément sur le revenu moyen par tête. Y inclut-on les revenus du patrimoine
et les revenus du capital ? Se pose aussi la question de la construction de
cet indicateur.
Ce qui est embêtant, c’est que la valeur du point peut
baisser : il suffit pour cela que l’inflation devienne supérieure à la
progression des salaires et des revenus. Cela peut arriver, en raison d’une
contraction du PIB ou pour beaucoup d’autres raisons. La question est de savoir
quels filets de sécurité sont mis en place. Or le seul que je vois a priori,
c’est le plancher de 1 000 euros en dessous duquel on ne pourrait pas
descendre si d’aventure la valeur du point devait se dégrader du fait d’une
évolution des indicateurs économiques.
Ce que je crains pour ma part,
c’est l’institution progressive d’un système à deux vitesses, avec un
aplatissement des pensions des classes moyennes – je constate en effet que vous
tapez plutôt sur les cadres, les professions libérales, le milieu de la pyramide
–, tandis que ceux dont les revenus dépassent 10 000 euros par mois
auront recours à la capitalisation. Je comprends mieux, du coup, les offres
publicitaires des uns et des autres. Je le regrette, non que je sois hostile à
la capitalisation, mais parce que je pense que si l’on veut instituer un régime
complémentaire par capitalisation, il faut le dire et mettre la question sur la
table…
M. le
président. Merci, monsieur Aubert.
La parole est à
M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Tous ceux qui sont sur le terrain savent que la
précarité des personnes âgées est d’ores et déjà une réalité. Les pensions de
retraites s’élèvent en moyenne à 1 322 euros bruts et 955 000 de
nos aînés vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les 430 000 d’entre eux
qui touchent 801 euros par mois au titre de l’ASPA, celle que vous
promettez comme une aumône à nos agriculteurs, témoignent que leur précarité est
d’ores et déjà une réalité. Les optimistes par nature que vous êtes pensent
peut-être que l’opposition voit tout en noir, comme si notre engagement n’était
pas par sa nature même résolument optimiste ! Cela ne nous empêche pas
d’être lucides.
Savez-vous qu’outre-Rhin, la question de la précarité des
retraités est depuis le début de l’année au cœur de l’actualité et des
préoccupations de l’ensemble des forces politiques ?
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Tout à fait !
M.
Sébastien Jumel. Et savez-vous pourquoi ? Parce qu’un système de
retraite par points, quasi équivalent à ce qui a été conçu par les technocrates
qui entourent le Président de la République, est appliqué en Allemagne depuis
plusieurs années et que les Allemands veulent déjà le corriger pour remédier
autant que faire se peut à tous ses effets néfastes, dont l’inéluctabilité avait
été dénoncée à l’époque de sa mise en place, comme nous les dénonçons
aujourd’hui, et qui aggravent considérablement la précarité des retraités.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Eh oui !
M.
Sébastien Jumel. Je pourrais aussi citer l’exemple de la Suède, à moins
que je ne le réserve à une prochaine intervention. En Suède en effet, qui est
pourtant un modèle en matière de protection sociale, l’instauration d’un système
par points a produit le même résultat : une aggravation de la précarité des
retraités.
(Les sous-amendements nos 42167, 42205 et
42434, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements identiques no 25535 et
suivants ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 3953.
Mme
Emmanuelle Ménard. La crainte des personnes qui manifestent aujourd’hui
est, entre autres choses, de voir leurs pensions de retraite diminuer. Pour
pallier ce risque, un grand nombre de Français, du moins ceux qui le pourront,
vont choisir de capitaliser. Il n’est donc pas juste de faire croire que le
système proposé est un système par simple répartition, puisqu’il aura pour
conséquence directe un recours toujours plus important à la
capitalisation.
Rappelons qu’une partie seulement des Français sont
concernés par la répartition. Il convient donc de supprimer, à l’alinéa 3,
la référence au financement par répartition.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je constate que M. Dharréville m’a
interpellé et qu’il n’est plus là. Il en est de même de M. Dupont-Aignan et
de M. Aubert : ils ne sont plus là. (Vives exclamations sur les
bancs des groupes LR et GDR.)
M.
Sébastien Jumel. Rappel au règlement ! De tels propos sont
inacceptables ! M. Dharréville est constamment présent depuis le début
de nos débats ! (Exclamations sur les bancs du groupe MODEM.)
M. le
président. Laissez M. le rapporteur continuer, monsieur
Jumel !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Jumel, la question que vous avez
posée sur le précédent d’outre-Rhin…
M.
Jean-Paul Lecoq. Provocateur ! En réalité, vous ne voulez pas
débattre !
M.
Sébastien Jumel. Je demande une suspension de séance !
M. le
président. Monsieur Jumel !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je fais l’effort de répondre aux questions
sur lesquelles on m’interpelle !
M.
Sébastien Jumel. Suspension de séance !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Sur le précédent d’outre-Rhin, monsieur
Jumel, la même question a été posée par M. Lachaud et j’y ai répondu.
M.
Jean-Paul Lecoq. Vous êtes en permanence dans la provocation !
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le président !
M. le
président. Je vous donnerai la parole, monsieur Jumel,
promis !
Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. On ne peut pas avoir un débat construit
quand les intervenants s’en vont une fois qu’ils ont posé leur question.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M.
Jean-Paul Lecoq. C’est vous qui ne permettez pas d’avoir un débat
construit ! Dès qu’il s’apaise, vous nous provoquez !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Madame Ménard, le choix de la répartition
est un choix clairement assumé. Celle-ci est même étendue. Je suis donc
défavorable à votre amendement.
M.
Jean-Paul Lecoq. C’est scandaleux !
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le président !
M. le
président. Vous aurez la parole, monsieur Jumel, alors laissez
M. le secrétaire d’État s’exprimer !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. L’avis est défavorable.
Monsieur le député Aubert, vous m’avez questionné sur le risque de voir la
valeur du point chuter, voire devenir négative. Le troisième alinéa de
l’article 9 précise clairement que la valeur du point doit être supérieure
à zéro et cette exigence est réaffirmée à l’alinéa 24 de
l’article 55.
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au
règlement.
M.
Sébastien Jumel. Fondé sur l’article qui me permet d’intervenir.
(Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Patrick
Mignola. Vous devez indiquer l’article !
M.
Sébastien Jumel. Article 100, alinéa 5, relatif au déroulement
de notre séance mais je pourrais tout aussi bien invoquer le fait
personnel.
Monsieur le rapporteur, nous siégeons ensemble dans la même
commission et je trouvais jusqu’à présent que vous étiez plutôt un collègue
sympa, travailleur, respectueux. Nous avons même souvent travaillé ensemble,
notamment sur les questions agricoles. Il me semble donc qu’en vous livrant à de
telles provocations, vous allez contre votre nature. J’en déduis que vous
appliquez une stratégie définie par les Marcheurs. (Exclamations sur les
bancs du groupe LaREM.)
M. Patrick
Mignola. M. Turquois fait partie du MODEM !
M.
Sébastien Jumel. Il n’est pas acceptable de mettre en cause l’assiduité
de Pierre Dharréville, alors qu’il siège sans discontinuer depuis le premier
jour de la commission spéciale jusqu’à aujourd’hui. J’affirme que de notre
groupe – que mes collègues n’en prennent pas ombrage –, il est le plus
sérieux, le plus travailleur, le plus engagé. (« Et
alors ? » sur les bancs du groupe
LaREM.) Croyez-vous que le fait qu’il sorte s’aérer cinq minutes vous
autorise une attaque aussi basse ? Qu’est-ce que cela veut
dire ?
Notre groupe s’est organisé pour pouvoir participer sans
discontinuer aux débats et sans vous laisser beaucoup d’espace pour faire autre
chose. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Ah ! Il avoue !
M.
Sébastien Jumel. Cela nous permet de transmettre aux collègues qui
s’échappent cinq minutes les réponses à leurs questions.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan pour un rappel
au règlement.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Fondé sur l’article 70, alinéa 3.
Vous
que j’ai croisé dans le hall tout à l’heure, monsieur le rapporteur, il suffit
que je m’absente deux minutes pour que vous me mettiez en cause ! Vous
trouvez cela digne ? C’est tellement facile de me mettre en cause, moi qui
n’appartiens à aucun groupe et qui essaie de faire mon travail au mieux, comme
Mme Ménard, autre députée non-inscrite, fait le sien. Et vous osez nous
mettre en cause, vous qui êtes 300 ! (Protestations sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
Un député du groupe GDR.
C’est l’esprit du troupeau !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Les non-inscrits représentent 25 % du corps
électoral, alors un peu de modestie !
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. J’ajouterai un élément, monsieur le rapporteur, même si nous
n’étions pas visés par votre observation pour le moins maladroite. Les
amendements sont souvent cosignés, et lorsqu’un des cosignataires doit sortir
pour satisfaire un besoin naturel ou pour une autre raison – elles ne
manquent pas quand on siège pendant des heures –, vous ne pouvez pas le
mettre en cause pour cette absence ponctuelle.
C’est pourquoi je vous
appelle à nouveau à faire preuve de sérénité afin que nous avancions. Ne tombez
pas dans de tels travers, monsieur le rapporteur. (Applaudissements sur
quelques bancs des groupes LR et LT.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je suis évidemment partisan du calme et de
l’apaisement.
Il faut, monsieur le rapporteur, que vous compreniez que
quand on est membre d’un petit groupe, on ne travaille pas comme ceux qui
appartiennent à un très grand groupe – non seulement votre groupe compte
300 membres,…
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Son groupe, c’est le MODEM !
M. Jean-Luc
Mélenchon. …mais en outre, vous êtes six rapporteurs.
Voilà
comment nous faisons : nous organisons une noria et si nous présentons
dix-sept fois le même amendement, c’est pour qu’en toutes circonstances il y ait
quelqu’un (Exclamations et rires sur les bancs du groupe LaREM)… Je parle
à ceux qui ont participé aux travaux de la commission spéciale, contrairement à
vous autres qui criez.
Nous le faisons donc pour qu’il y ait toujours
quelqu’un pour défendre l’amendement et entendre la réponse. En commission
spéciale, vous compreniez que vous répondiez à un groupe, et voilà que vous
semblez tout à coup vouloir rompre avec cette règle. Je crains que cela ne rende
notre travail absolument infernal. On pense ce qu’on veut de Dupont-Aignan, mais
il représente le peuple français autant que vous et moi ! S’il est là,
c’est parce que le peuple l’a voulu, et son droit à prendre la parole doit être
respecté autant que pour n’importe qui dans cet hémicycle.
Pour ce qui
concerne mon groupe, vous avez pu constater que nous sommes présents à tour de
rôle. Si vous décidez de ne pas répondre à une question sous prétexte que celui
qui l’a posée n’est plus là, vous négligez le fait que cette question était
celle de tout le groupe. Ne nous contraignez pas à vous la poser cinq fois, ou
dix-sept fois parce que vous seriez les premiers à vous en plaindre !
Mme Sylvie
Charrière. Vous déposez dix-sept fois le même sous-amendement !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Convenons donc entre nous que la question est posée une fois
et que la réponse vaut pour tout le monde. Merci d’avance de bien vouloir nous
entendre, monsieur le rapporteur.
M. le
président. La parole est à M. Patrick Mignola.
M. Patrick
Mignola. Toujours sur le fondement de l’article 70, 100 ou 58.
M. Julien
Aubert. Vous n’avez pas le droit !
M. Patrick
Mignola. Le président Mélenchon a raison : les parlementaires ont
le droit de poser des questions et ils ont le droit de s’absenter – l’idéal
étant que le parlementaire qui a posé une question ait droit à une réponse. Il
est donc très important que le rapporteur puisse apporter des réponses mais
aussi, pour que l’on puisse avancer dans le débat, que les mêmes questions ne
reviennent pas de façon circulaire.
Or il me semble que les orateurs
qu’il a cités avaient déjà posé la même question sur le même fondement et qu’il
y avait déjà répondu des dizaines de fois, non seulement en commission spéciale
mais également dans l’hémicycle. Il est compréhensible que l’on ait envie de
poser plusieurs fois la même question quand la réponse ne nous convient pas,
mais convenez qu’il puisse y avoir un désaccord. Plutôt que poser à nouveau la
même question, entendez la réponse et passez à une autre question ! Cela me
paraît plus simple.
Mme
Caroline Fiat. Le rapporteur n’a pas à signaler l’absence d’un
député !
M. Patrick
Mignola. Le président Mélenchon l’a relevé tout à l’heure,
l’article 1er est le prétexte pour discuter de tous les
articles, certains excipant d’une évolution éventuelle de la procédure pour nous
empêcher d’évoquer les articles suivants. Si vous continuez de poser des
questions sans écouter les réponses,…
Mme
Caroline Fiat. Mais nous écoutons les réponses !
M. Patrick
Mignola. …le plus simple est que nous vous répondions sur le seul
fondement du dictionnaire des synonymes qui vous a permis de rédiger vos
amendements, mais dans ce cas, nous n’avancerons pas beaucoup.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Julien Aubert.
M. Julien
Aubert. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 70 de notre
règlement.
Je ne crois pas avoir été trop absent durant les dernières
heures et je ne pense pas me livrer souvent à l’obstruction. Il m’est arrivé de
poser des questions sans obtenir de réponse de votre part, monsieur le
rapporteur – puisque vous me mettez en cause. Je pense notamment à la question
que je vous ai posée à propos des 2000 euros d’augmentation pour les
avocats. Je ne vous ai pas reposé la question, mettant cette absence de réponse
sur le compte d’un oubli que je pardonne bien volontiers.
Je me suis
parfois même abstenu de souligner que vous n’étiez pas en séance et ai posé ma
question à un autre rapporteur, bien qu’il ne soit pas un spécialiste du sujet.
Lorsqu’un député est conduit à s’absenter quelques minutes pour les raisons déjà
évoquées, cela ne doit pas donner lieu à des mises en cause personnelles, comme
s’il s’agissait d’un boycott honteux ou d’un manque d’élégance à l’égard du
rapporteur.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. On
avait compris, M. Stéphane Viry l’a déjà très bien dit !
M. Julien
Aubert. Cela n’apporte rien au débat mais ne peut que le ralentir et
inciter le député injustement incriminé à intervenir à son tour, comme je le
fais à présent – et croyez que ce n’est pas de gaîté de cœur. J’aimerais
donc obtenir ma réponse. Quoi qu’il en soit, nous passons suffisamment de temps
ensemble pour qu’en mon éventuelle absence, vous reportiez votre réponse en la
regroupant avec d’autres, à l’occasion d’un sous-amendement ultérieur.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Voici la façon dont j’envisage le travail.
Nous avons beau être six rapporteurs, nous ne sommes pas pour autant
interchangeables. Les rapporteurs se succèdent pour traiter des parties qui les
concernent, le seul qui puisse me remplacer étant le rapporteur général. Pour le
reste, les rapporteurs peuvent intervenir lors des débats sur le
titre Ier en tant que spécialistes, mais pas en tant que
rapporteurs.
J’entends parfaitement que les membres d’un groupe aient
besoin d’être remplacés ; cela ne me pose aucun problème. Nous avons eu des
échanges très cordiaux avec M. Jumel et M. Dharréville en commission
spéciale, et c’est encore le cas. Là n’est pas la question. Je comprends qu’un
député puisse s’absenter, mais il me semble que lorsqu’il pose une question sur
un amendement, il peut avoir la déférence d’attendre la réponse audit amendement
avant de quitter l’hémicycle.
M. Olivier
Faure. Ne vous enfoncez pas !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Sinon, rien ne sert que je prépare des
réponses argumentées et techniques.
M.
Jean-Paul Lecoq. C’était un amendement de Mme Emmanuelle
Ménard !
M. le
président. Laissez M. le rapporteur s’exprimer.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Quand on me pose une question et que j’y
réponds de façon argumentée, j’aimerais que l’on ne me reproche pas de n’avoir
pas répondu parce que l’on s’est absenté de l’hémicycle, ni que l’on ne me
repose la même question un peu plus tard ! Cela n’a pas de sens ;
c’est la définition même de l’absence de travail.
M.
Jean-Paul Lecoq. Nous communiquons entre députés ! Lorsque
M. Jumel est revenu dans l’hémicycle, je lui ai fait part de vos réponses.
On se parle, dans notre groupe !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous devons structurer notre travail.
Ainsi, votre question relative à la valeur du point est pertinente, monsieur
Mélenchon, mais elle n’intervient pas au bon endroit. Monsieur Aubert et
monsieur Dupont-Aignan, je comprends parfaitement qu’un député doive s’absenter.
Mais lorsque vous posez une question, attendez au moins la réponse avant de
partir ! Structurons notre travail. Nous donnons malheureusement une
impression brouillonne qui dessert notre institution. Quel est l’intérêt d’une
réponse quand l’auteur de la question n’est pas là pour l’entendre ?
Comment dialoguer dans ces conditions ?
M.
Jean-Paul Lecoq. Vous feriez mieux de vous excuser plutôt que de vous
embourber ainsi !
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme
Caroline Fiat. Sur la base de l’article 100, alinéa 5. Les
débats sont très suivis, chacun le souligne depuis le début de la semaine. Ne
laissez pas croire que lorsqu’on quitte l’hémicycle, on ignore tout de ce qui
s’y dit. Vous savez pertinemment, monsieur le rapporteur, que les débats sont
diffusés sur des écrans de télévision partout dans l’Assemblée.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Exactement !
Mme
Caroline Fiat. Même si nous allons boire un verre d’eau, nous pouvons
suivre votre réponse ! Ce n’est pas parce que nous sommes absents de
l’hémicycle que nous ne vous entendons pas. (Exclamations sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. Jacques
Marilossian. C’est extraordinaire !
Mme
Caroline Fiat. Quand bien même nous ne serions pas à proximité d’un
écran, nous pouvons faire confiance aux députés présents en séance pour nous
rapporter votre réponse. Faire remarquer l’absence d’un collègue, c’est,
passez-moi l’expression, remettre dix balles dans la machine pour provoquer
l’incident. En l’occurrence, c’est vous qui cherchez à faire dérailler les
échanges. La preuve en est que vous bloquez les débats depuis un quart d’heure
par votre manigance.
Plusieurs députés du groupe
LaREM. Sa manigance ?
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Je souhaite avoir la parole.
M. le
président. Ce ne serait pas correct, car vous avez déjà fait un rappel
au règlement, monsieur Dupont-Aignan. Je vais donner la parole aux deux derniers
députés souhaitant s’exprimer sur l’amendement, après quoi nous passerons au
vote.
Article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. Bruno Fuchs.
M. Bruno
Fuchs. Je souhaite en revenir au fond, et quitter ce débat relativement
superficiel.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Ma mise en cause n’était pas superficielle !
M. Bruno
Fuchs. J’ai parlé tout à l’heure de pollution démocratique ;
certaines questions sont posées des dizaines de fois. La moindre des choses est
de rester dans l’hémicycle pour écouter la réponse à la question que l’on a
posée. C’est le b.a.-ba ! (M. Olivier Damaisin et
Mme Audrey Dufeu Schubert applaudissent.) C’est du simple
savoir-vivre !
M.
Jean-Paul Lecoq. Et quand la réponse vient une heure après ?
M. Bruno
Fuchs. J’en viens au fond. Comme cela a été parfaitement démontré à
plusieurs reprises, le système par répartition concernera 99 % des citoyens
et 96 % des dépenses totales de retraite. C’est pourquoi l’amendement est
infondé et ne correspond pas à la réalité.
Par ailleurs, avant de
s’aventurer à aborder certains sujets, mieux vaut s’assurer qu’on les connaît en
détail – je pense au cas allemand que certains ont évoqué. Le système à
points allemand est en effet assez différent de celui que nous proposons de
créer en France. De toute façon, la question n’est pas celle du point, mais de
la part du PIB consacrée aux retraites. En Allemagne, elle représente
9,5 %, un niveau plus faible qu’en France, d’où une plus forte précarité
des seniors allemands : le taux de pauvreté, chez ces derniers, dépasse
14 %. En France, le taux de pauvreté global est également de 14 %,
mais il est inférieur à 9 % chez les seniors. Comme notre pays consacre des
sommes plus élevées aux retraites, ses seniors sont moins frappés par la
précarité. (M. Frédéric Petit applaudit.)
M. le
président. À la demande de M. Sébastien Jumel, nous allons
suspendre nos travaux. Je donnerai ensuite la parole à M. Boris Vallaud
pour s’exprimer sur l’amendement. J’appelle chacun d’entre vous à cadrer ses
interventions. Monsieur Fuchs, sachant que je vous ai donné la parole après
l’avoir refusée à M. Nicolas Dupont-Aignan, il n’était pas opportun de
relancer la polémique.
M. Bruno
Fuchs. M. Dupont-Aignan m’a interpellé !
M. le
président. Une telle attitude ne peut qu’entraîner des rappels au
règlement successifs.
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf
heures quinze.)
M. le
président. La séance est reprise.
La parole est à M. Boris
Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Peut-être devrions-nous attendre M. le rapporteur et
Mme la présidente de la commission spéciale ?…
M. le
président. Le rapporteur est présent. Par ailleurs, mieux vaut éviter de
faire allusion à l’absence de l’une ou l’autre personne… (Sourires.)
M. Boris
Vallaud. Soit.
Cet amendement porte sur le troisième alinéa de
l’article 1er, c’est-à-dire sur la promesse d’un système
assurant aux retraités un niveau de vie décent – une notion sujette à caution,
car elle n’est pas très normative. J’ai montré tout à l’heure que le taux de
remplacement connaîtrait une chute importante selon les projections mêmes de
l’étude d’impact et du COR. En réalité, la visibilité est bien moindre qu’avant.
Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Conseil d’État. Celui-ci n’est pas
susceptible de partialité ; il est le conseil du Gouvernement, non des
oppositions. Je rappelle son propos : on passe d’un système où la pension
était déterminée par un taux à un système où elle dépend d’une valeur de service
du point, calculée de manière à assurer l’équilibre financier du dispositif.
M. le
président. Monsieur Vallaud, votre intervention a bien trait à
l’amendement de Mme Ménard ?
M. Boris
Vallaud. Oui, oui ! Ma pensée est circulaire : je vais y
revenir.
M. le
président. J’en suis sûr. Poursuivez.
M. Boris
Vallaud. C’est là que le bât blesse. Je rebondis sur ce qu’a dit le
secrétaire d’État, voulant rassurer au sujet de la valeur du point. Avant 2045,
les deux indexations seront déliées ; l’une pourra porter sur le niveau de
l’inflation, l’autre sur un index qui n’existe pas encore. Du coup, ce
dispositif ne permet pas de garantir le taux de rendement, que toutes les
hypothèses fixent à 5,5 % alors que rien de tel ne figure pas dans le
projet de loi, si bien que tout cela est aussi incertain qu’optimiste. Il ne
permet pas non plus de garantir la part des pensions dans le PIB, ni le niveau
de vie relatif des retraités. Nous nous situons vraiment sur le plan de
principes très généraux, qui finissent par poser problème, car ils ne sont pas
normatifs du tout.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Rassurez-vous, monsieur le président, l’incident de tout
à l’heure est clos. Je m’exprimerai sur l’amendement.
Mme Ménard a
fait preuve d’une grande lucidité en le déposant. En vérité, la réforme est
conçue pour que le système bascule progressivement vers la capitalisation, en
commençant par les très hauts revenus. Ne serait-ce qu’avec l’inflation, il sera
tellement simple de laisser baisser le niveau des pensions ! Et puis, un
jour, on nous annoncera une nouvelle tranche, au-dessus de 5 000 euros
– les très riches ayant une bonne espérance de vie, comme le disait hier le
secrétaire d’État. Si j’ai bien compris son raisonnement par l’absurde, lorsque
l’espérance de vie est bonne, il faudrait supprimer les cotisations et passer à
la capitalisation !
Bien sûr, le système reste en grande partie
fondé sur la répartition. Mais il est très clair qu’il amorce un basculement
vers la capitalisation, et le brouillard dans lequel nous sommes vise à susciter
chez nos concitoyens une anxiété qui les rendra sensibles aux publicités des
assureurs. La preuve en est la part de la dépense publique destinée à financer
nos retraites. À partir du moment où l’on passe de 14 % à 12,9 % du
PIB, et où le rapport du nombre d’actifs au nombre de retraités va se dégrader,
nul besoin d’avoir fait Polytechnique pour comprendre qu’il y aura moins
d’argent pour les retraités du régime général. D’une manière ou d’une autre, la
nation assurera donc ses vieux jours, si je puis dire, en passant par d’autres
canaux.
Les mutuelles ont progressivement supplanté le régime général de
la sécurité sociale, créant un système coûteux et inégalitaire. Vous entamez
exactement la même évolution pour le système des retraites. Même s’il était
imparfait et méritait d’être corrigé, ce système qui ne laissait pas de place
aux fonds de pension, garantissant ainsi un minimum d’égalité, était l’honneur
de la France. Vous le cassez, alors que demain, la nation sera bien évidemment
obligée d’employer 14 % de son PIB, si ce n’est davantage, à financer des
retraites dignes. Simplement, les Français devront le faire dans le désordre et
l’inégalité au lieu de le faire selon un système rationnel. C’est dommage d’en
arriver là ; voilà pourquoi il faudra annuler cette réforme.
M. le
président. La parole est à Mme Célia de Lavergne.
Mme Célia
de Lavergne. À propos de capitalisation et de répartition, je ne
voudrais pas que l’on agite des peurs qui n’ont pas lieu d’être. Quoi de plus
rassurant, aujourd’hui, que de savoir que l’État gérera un système de retraite
incluant 100 % des actifs ? Dans ce système public, plus protecteur,
plus solide, nous retrouverons l’intégralité des Français jusqu’à
10 000 euros de revenu mensuel. Au-delà de ce montant, si certains
souhaitent compléter leur retraite, comme ils le font d’ailleurs déjà, ce n’est
pas un problème.
Les dérives de la capitalisation, auxquelles certaines
oppositions font référence, se produisent dans des pays qui ne possèdent pas de
système de protection sociale comparable au nôtre. Les gens s’y tournent vers
des entreprises ou des fonds privés, et connaissent parfois des mésaventures,
parce que la puissance publique ne leur a pas apporté les garanties nécessaires,
celles de notre système universel. (M. Jean-Charles
Colas-Roy, Mme Cendra Motin et
M. Vincent Thiébaut applaudissent.) Encore
une fois, nous sommes en train de créer un dispositif solide, protecteur et
durable, pour l’ensemble des Français. (Applaudissements sur quelques bancs
du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Paul Christophe.
M. Paul
Christophe. Je voudrais rassurer Nicolas Dupont-Aignan, qui considère
que la capitalisation mettrait à mal l’honneur de la France. Mon cher collègue,
elle existe déjà !
Mme
Caroline Fiat. Justement, c’est catastrophique !
M. Paul
Christophe. Je ne parlerai même pas de la capitalisation privée, à
laquelle nos collègues ont fait allusion à maintes reprises, mais de
l’établissement qui gère la retraite additionnelle de la fonction publique, la
RAFP – sans vouloir dire de gros mot. C’est notre ancien collègue Jean-Paul
Delevoye qui l’avait introduite. La représentation sociale, les syndicats, sont
d’ailleurs associés à sa gestion.
J’entends également certains d’entre
nous défendre le système de retraite des salariés de la Banque de France :
vous ne le savez peut-être pas, mais ce système repose presque entièrement sur
la capitalisation. La Cour des comptes nous rappelle que l’État l’alimente à
hauteur de 248 millions d’euros. Ce n’est donc pas le système universel de
retraite qui va inventer la capitalisation. En revanche, il garantit la
répartition jusqu’à trois PASS : cela, c’est bien vrai.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Nous entendons répéter des choses qui sont fausses. Les salaires
de plus de 120 000 euros contribueront jusqu’à
120 000 euros, c’est-à-dire pour plus de 30 000 euros par
an, selon un premier calcul. Cessez donc de dire que les plus gros salaires
sortent du système ! Non seulement ils n’en sortent pas, mais la part de un
à trois PASS, d’habitude destinée au régime complémentaire, reviendra dans ce
cas au régime général.
M. Boris
Vallaud. C’est bien normal !
M. Frédéric
Petit. Quant à la capitalisation, c’est un mécanisme simple et même
simpliste, ce qui explique que les pays mal organisés en matière de retraites y
recourent ou du moins y laissent recourir leurs ressortissants. La répartition
donne lieu à des régimes compliqués, je l’ai expliqué tout à l’heure : on
s’y tient en équilibre. Elle est difficile à mettre en œuvre ; elle demande
de la tradition, de l’écoute, des détails, peut-être des ordonnances, car il
faut tout vérifier. C’est comme une bicyclette. Chaque année, on doit cotiser en
fonction de ce qu’on donne, cotiser selon ses moyens pour donner selon ses
mérites. Arrêtez de prétendre que l’on encourage la répartition – je veux dire
la capitalisation…
Mme
Mathilde Panot. Intéressant lapsus !
M. Frédéric
Petit. …alors que, pour la première fois dans ce pays, 97 % des
revenus vont être consacrés à la répartition ! Vous ne pouvez pas dire cela
alors qu’il y a aujourd’hui plus de lacunes favorables à la capitalisation qu’il
n’y en aura demain !
Il ne faut pas soutenir n’importe quoi. Je suis
d’ailleurs très surpris qu’à l’occasion du débat concernant les un à trois PASS,
on constate des divergences dans cet hémicycle. Julien Aubert, à l’intention de
qui j’ai commencé une explication de texte, a dit que Les Républicains
souhaitaient rester à un PASS. Du côté opposé de l’hémicycle, vous n’avez pas
encore saisi : vous ne parlez que des trois à huit PASS. Quand vous aurez
compris que les un à trois PASS constituent une garantie considérable en faveur
de la répartition dans ce pays, je pense que nous pourrons nous mettre d’accord.
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et SOC.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Il y a un point sur lequel nous sommes d’accord :
les retraites par capitalisation existent déjà. J’imagine que vous les
connaissez mieux que moi, car elles sont nombreuses – plans d’épargne
retraite entreprises, plans d’épargne pour la retraite collectifs, contrats
« article 39 du code général des impôts » ou encore Préfon. La
loi du 22 mai 2019, dite loi PACTE, est venue étendre ces possibilités.
Bruno Le Maire s’est fixé un objectif de 300 milliards d’euros
supplémentaires de capitalisation d’ici à la fin du quinquennat. Je vous vois
vous gratter la tête, mais je pourrais citer mes sources.
M. Olivier
Faure. Il l’a dit devant la presse !
M.
Sébastien Jumel. Qu’est-ce qui nous fait craindre un renfort de la
capitalisation, c’est-à-dire la part de Smarties entre les 230 milliards
d’euros capitalisés et les 5 000 milliards d’épargne populaire ?
Quand seront exclus de la solidarité les revenus du travail qui dépassent
120 000 euros, quand les pensions qui doivent offrir aux retraités un
niveau de vie suffisant connaîtront un fort décrochage par rapport aux salaires,
on se tournera vers les modes de retraite alternatifs. Quand on génère une forte
incertitude en matière de calcul des pensions, on incite de nombreux Français à
considérer des formes assurantielles comme plus sûres. Quand on ratifie des
dispositions visant à développer ou à faciliter l’accès aux plans d’épargne
retraite, on laisse entendre que c’est cela, le nouveau modèle de
société.
Il n’y a là ni affabulation, ni paranoïa de notre part :
les dispositifs que vous avez étendus, l’objectif chiffré fixé par le ministre
de l’économie, la dégradation des pensions de retraite par répartition vont de
facto favoriser la capitalisation, d’une manière automatique, presque naturelle,
hélas. Puis, une fois le virus inoculé, vous aurez tout loisir d’achever un
détricotage déjà bien entamé par la réforme que vous nous proposez.
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme
Emmanuelle Ménard. Permettez-moi de préciser qu’avec cet amendement, je
ne vise aucunement à diaboliser la capitalisation : vous l’avez rappelé,
elle existe déjà ; inutile de répéter tout ce qui a été dit.
L’objet
de mon amendement est de dénoncer l’idée selon laquelle votre système serait un
système par répartition, alors qu’il induira encore davantage de capitalisation.
En effet, par crainte d’une baisse de leurs pensions, les Français se tourneront
automatiquement vers la capitalisation.
Mettons fin à l’hypocrisie et
cessons d’endormir les Français !
(L’amendement no 3953 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements, nos 23849
et 38084, pouvant être soumis à une discussion commune.
L’amendement
no 23849 fait l’objet de plusieurs sous-amendements.
Sur
les sous-amendements nos 41925 et 41928, je suis saisi par le
groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutins
publics.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à Mme Laurence Dumont, pour soutenir
l’amendement no 23849.
Mme Laurence
Dumont. Avec cet amendement, les députés du groupe Socialistes et
apparentés souhaitent affirmer le principe de la solidarité non seulement entre
les générations, mais aussi au sein d’une même génération, entre les plus
privilégiés et les moins privilégiés, qu’il s’agisse du niveau des pensions ou
des écarts d’espérance de vie, qui varient selon les catégories
socioprofessionnelles.
Du fait de l’instauration de l’âge d’équilibre,
qui va croître dans le temps, une part importante de la population profitera
très peu de sa retraite, voire même décédera avant l’âge de la retraite.
Aujourd’hui déjà, un quart des 10 % des Français les plus pauvres décèdent
avant d’avoir pu prendre leur retraite.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Eh oui, malheureusement !
Mme Laurence
Dumont. Votre système aura pour effet de faire financer aux moins aisés
et aux catégories socioprofessionnelles à l’espérance de vie la plus faible les
retraites des cadres et des professions intellectuelles supérieures.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Insensé !
Mme Laurence
Dumont. Ainsi, un ouvrier qui commence à travailler à 20 ans et qui
cotise quarante-trois ans perdra 10 % de sa pension. En revanche, un cadre
qui commence à travailler à 24 ans aura droit à un bonus de 10 % en
travaillant exactement le même nombre d’années. Est-ce cela la justice
sociale ?
J’ai entendu, lors d’une audition de la commission
spéciale, le patron du MEDEF, M. Roux de Bézieux, affirmer qu’il n’était
pas imaginable que les cadres partent à 67 ans et les ouvriers à 60 ou à
61 ans. Certes, mais il faut aussi tenir compte de l’espérance de vie en
bonne santé. Or on sait qu’il y a encore six ou sept ans d’écart d’espérance de
vie en bonne santé entre les ouvriers et les professions supérieures.
M. Frédéric
Petit. C’est de l’assurance !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41925.
M. Pierre
Dharréville. Je n’ai pas l’habitude de raconter ma vie. Aussi dirai-je
simplement, pour être élégant : « Un seul être vous manque et tout est
dépeuplé. »
M.
Jean-Charles Colas-Roy. Lamartine !
M. Pierre
Dharréville. Nous souscrivons bien entendu à l’objectif de l’amendement
de M. Vallaud et de ses collègues, qui est de garantir l’égalité entre les
générations et au sein d’une même génération. De toute évidence, les mécanismes
prévus par le Gouvernement ne permettront pas d’atteindre cet objectif. J’ai
déjà eu l’occasion de donner deux exemples d’inégalités qui seront aggravées par
l’instauration de l’âge d’équilibre.
Le sous-amendement du groupe
de la Gauche démocrate et républicaine vise simplement à préciser
l’amendement.
M. le
président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le
sous-amendement no 42365.
M. Dino
Cinieri. La priorité de cette réforme des retraites doit être d’assurer
la solidarité entre les générations. Au sein de chacune d’entre elles, la
solidarité s’exprime déjà, notamment par l’assurance chômage ou les impôts. En
effet, ceux qui n’ont pas d’enfants financent malgré tout les écoles et ceux qui
ne sont pas malades contribuent aux soins de ceux qui en ont besoin.
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 41928.
M.
Sébastien Jumel. Nos camarades socialistes ont raison d’insister sur le
fait que cette réforme enfonce un coin dans la solidarité entre les générations,
dans la solidarité entre les professions et, au bout du compte, dans la
solidarité au sein de la nation tout entière.
Entre les
générations, tout d’abord, parce qu’il y aura rupture d’égalité, au sein d’un
même couple, si l’un est né avant 1975 et l’autre après.
Au sein d’une
même entreprise, ensuite, compte tenu de votre volonté idéologique de détruire
les régimes spéciaux. Compte tenu des concessions que vous avez été contraints
d’accepter, les salariés d’une même entreprise – la SNCF, la RATP et bien
d’autres entreprises encore –, bien qu’exerçant les mêmes missions,
contribueront au système de retraite de manière différenciée, ce qui est
évidemment profondément injuste.
Enfin, la réforme enfonce un coin dans
la solidarité au sein des professions puisque vous renvoyez les questions de
pénibilité aux accords de branche. J’ai d’ailleurs découvert l’autre jour à la
radio, en écoutant attentivement, comme toujours, le secrétaire d’État chargé
des retraites, qu’un fonds d’amorçage était envisagé pour travailler sur les
questions de pénibilité.
Prenons un exemple : une infirmière qui
travaille dans un service de protection maternelle et infantile – et donc
employée par le département – sera dans une situation différente de celle
qui exerce dans un centre hospitalier ou d’une infirmière libérale. Du fait des
accords de branche, elles seront chacune traitées de manière
différenciée.
De même, un éboueur agent de la fonction publique
territoriale ne connaîtra pas le même sort qu’un éboueur de chez Vinci. Ici
aussi la solidarité est mise à mal.
M.
Jean-Paul Mattei. Ça n’a rien à voir avec l’amendement !
M.
Sébastien Jumel. J’ai du respect pour vous, monsieur Mattei, mais
cela à tout à voir, au contraire, avec l’amendement de nos collègues
socialistes : on enfonce un coin dans les solidarités entre les
générations !
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le
sous-amendement no 42131.
Mme
Mathilde Panot. Ce qui se joue ici, c’est l’avenir des jeunes
générations. Le sous-amendement que nous proposons à l’amendement de nos
collègues socialistes vise à réaffirmer notre volonté de garantir le principe de
la solidarité entre les générations.
J’aimerais vous relater le cas de
Raymond (« Ah ! »
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM), qui travaillait à Adrexo, une
société qui distribue des prospectus publicitaires.
Son
président-directeur général, Frédéric Pons, a déclaré au sujet des salariés de
l’entreprise : « Le conditionnement puis la livraison de prospectus
sont un exercice un peu physique pour cette main-d’œuvre vieillissante, mais,
honnêtement, j’estime qu’Adrexo rend service à ces gens : grâce à ce
boulot, ils se maintiennent en forme et économisent un abonnement au Gymnase
club. Rémunérés pour faire du sport : il n’y a pas de quoi crier au
servage. »
M. Jean-Luc
Mélenchon. Incroyable !
Mme
Mathilde Panot. Raymond, ce colporteur de 75 ans qui travaillait
pour Adrexo en 2011, était payé 280 euros par mois pour vingt-six heures de
travail par semaine. Il est mort foudroyé par une crise cardiaque au milieu
d’une tournée de distribution à Noisy-le-Grand. Atteint d’un diabète et déjà
victime d’un infarctus quelques années plus tôt, il charriait ce jour-là
vingt-cinq cartons d’imprimés pesant chacun 12,5 kilogrammes. Bien sûr, Adrexo
avait jugé inutile de lui faire passer une visite médicale.
Bien
qu’avertie le 30 août 2011 du décès de Raymond, la société a continué à
émettre chaque mois des bulletins de paie à son nom à zéro euro jusqu’en avril
2012, où elle a établi la fin du contrat pour « absence injustifiée ».
La famille de Raymond obtiendra justice en mars 2016 : le conseil des
prud’hommes de Bobigny a condamné Adrexo à lui verser 7 200 euros pour
solde de tout compte.
Voilà exactement la société dont nous ne voulons
pas et qui malheureusement existe déjà !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Eh oui !
Mme
Mathilde Panot. Le système que vous proposez aggravera encore la
situation ! Quant à nous, nous ne voulons pas que des gens travaillent
jusqu’à en mourir, faute de pensions dignes !
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir le
sous-amendement no 42459.
Mme
Clémentine Autain. Notre débat porte sur la solidarité au sein d’une
même génération. Je prendrai donc l’exemple d’un ouvrier et d’un cadre nés tous
les deux en 1980 et pour lesquels l’âge d’équilibre est
65 ans.
L’ouvrier a commencé à travailler à 20 ans et il
travaille pendant quarante-trois ans. Il devrait donc partir à la retraite à
63 ans. Avec deux ans de décote, il touchera 10 % en moins sur sa
pension.
Le cadre travaille aussi pendant quarante-trois ans, mais il est
rentré plus tard sur le marché du travail, à 24 ans, en raison de son
niveau d’études. Pour un même nombre d’années travaillées, il partira à la
retraite avec une surcote de 10 % à 67 ans.
Quand on sait que
la différence d’espérance de vie entre un ouvrier et un cadre se situe entre six
et sept ans, on comprend à quel point le système que vous proposez est
fou ! Vous allez amplifier les inégalités à l’intérieur d’une même
génération.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Tout à fait ! C’est incroyable !
Mme
Clémentine Autain. Ce dont nous parlons, c’est de la vie de personnes
marquées physiquement et mentalement par la dureté de leur travail. Vous creusez
les inégalités en leur rendant la vie infernale. Au bout du compte, ils ne
pourront pas profiter de leur retraite faute d’une espérance de vie en bonne
santé.
Avec ce sous-amendement, nous appelons l’attention de l’Assemblée
sur le dommage causé par la réforme du Gouvernement à la solidarité au sein des
générations.
M.
Sébastien Jumel. Démonstration
irréfragable !
M. le
président. L’amendement no 38084 de Mme Martine
Wonner est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements
et les sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Avant de m’exprimer sur le fond, j’aimerais
présenter mes excuses à M. Dharréville. Je sais qu’il n’a pas apprécié les
propos que j’ai tenus tout à l’heure, mais ils ne le visaient pas
personnellement, non plus d’ailleurs que M. Jumel : avec l’un et
l’autre, j’ai eu, au cours des travaux de la commission spéciale, des échanges
approfondis, dont j’ai apprécié la qualité, malgré nos divergences sur la
philosophie des projets de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes
GDR, FI, LaREM et MODEM.)
M. Jean-Luc
Mélenchon. Très bien !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Lorsque j’ai répondu à la question précise
qui m’était posée, vous n’étiez pas présent dans l’hémicycle, non plus que les
deux autres intervenants qui m’avaient interrogé. J’ai cité votre nom, mais mon
intention n’était pas de vous blesser. Je tenais à le dire car je sais votre
profonde humanité.
M. Pierre
Dharréville. Merci !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Merci, monsieur le rapporteur !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous avons tous conscience des enjeux
politiques de ce débat, étant donné nos divergences de conception, mais nous
aurions intérêt à débattre les sujets les uns après les autres, au lieu de les
aborder tous en même temps. Il m’est difficile de vous répondre sur des parties
du texte sur lesquelles je ne suis pas rapporteur. Vous me reprochez de n’être
pas assez précis dans mes réponses, mais si vous voulez que je le sois,
interrogez-moi sur les éléments sur lesquels j’ai travaillé. En procédant ainsi,
nous pourrions avancer bien mieux et y trouver chacun avantage sur le plan
politique, auprès de nos camps respectifs.
Monsieur Vallaud, je partage
bien entendu votre volonté de réaffirmer le principe de solidarité entre les
générations et au sein de chacune d’elles.
La solidarité entre les
générations est garantie par le fait que le système de retraite est un système
par répartition, dans lequel les cotisations d’une génération financent
directement les retraites d’une autre.
Quant à la solidarité au sein des
générations, elle sera renforcée, dans le titre III du projet de loi, dont
Corinne Vignon est rapporteure, par les articles relatifs aux droits familiaux
et aux droits conjugaux.
Il me semble, en outre, que votre amendement est
satisfait par la rédaction de l’article 1er. Je vous invite donc
à le retirer.
Mme Laurence
Dumont. Impossible !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. À défaut, mon avis sera défavorable sur
l’amendement et les sous-amendements.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Avis défavorable. Aux propos du
rapporteur, je n’ajouterai qu’un mot pour éclairer le débat ouvert par
Mme Panot sur l’introduction d’un âge d’équilibre. Cette mesure ne changera
rien pour 50 % des assurés – qui partiront à l’âge fixé par la loi Touraine
et la nouvelle organisation de la durée du travail – ; 20 % des
assurés partiront un peu plus tard, notamment ceux qui bénéficient de régimes
spéciaux, et 30 %, plus tôt, notamment tous ceux qui doivent actuellement
atteindre 65 ans pour éviter une décote.
Notre projet ne vise donc
pas à maintenir les Français plus longtemps au travail, où ils accompliraient un
labeur pénible, d’autant que le texte prévoit des mesures relatives à la
retraite progressive ou au compte épargne-temps, dont nous reparlerons au fil du
débat.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour un rappel au
règlement.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je donne acte au rapporteur de sa parfaite courtoisie et
rends hommage à la façon dont il a rétabli entre nous un dialogue normal. Nous
avions beaucoup apprécié ses interventions en commission, bien conscients que
nos choix tactiques le mettent dans un embarras qui tient moins au fond qu’à la
forme. Sur ce texte, il y a plusieurs rapporteurs. Dans ces conditions, il lui
est difficile de faire le travail de tous les autres, qui risqueraient alors de
ne pas y trouver leur compte.
Nous ne nous étions pas trompés en
annonçant que les délais dont disposait la commission, fort bien présidée au
demeurant, ne nous permettraient pas d’examiner tous les articles. C’est
pourquoi nous nous sommes concentrés sur l’article 1er, même si
nous avons poursuivi l’examen jusqu’à l’article 25.
M. Olivier
Damaisin. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. le
président. Monsieur Mélenchon, il ne s’agit pas d’un rappel au
règlement.
M. Jean-Luc
Mélenchon. En effet.
M. le
président. Vous avez l’honnêteté de le reconnaître.
M. Jean-Luc
Mélenchon. J’essayais pourtant de vous être agréable… Tant pis. C’est
raté !
M. le
président. Vous recommencerez. (Sourires.)
Article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Je regrette que les excuses de M. le rapporteur ne
semblent adressées qu’à l’aile gauche de l’hémicycle,…
M. le
président. Monsieur le député, je vous en prie. Veuillez en revenir au
fond du texte.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. …mais je ne doute pas qu’il ne m’y associe en pensée.
L’amendement et les sous-amendements sont pertinents, car ce qui est fascinant
dans cette discussion qui nous occupe depuis de longs jours, c’est le décalage
entre les mots et la réalité. Tout se passe comme si la majorité avait besoin de
proclamer éternellement les termes « solidarité »,
« équité », « garantie d’un niveau de vie » pour présenter
un projet de loi qui produira l’inverse.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Parce que nous en sommes
fiers !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. En matière de retraite et de financement, je suis loin de
partager le projet de La France insoumise ou des communistes, et le moins qu’on
puisse dire est que je ne suis pas toujours d’accord avec le groupe socialiste.
Mais nous partageons le même constat : vous vous abritez derrière des
slogans pour cacher la réalité de votre projet et ses conséquences terribles en
termes d’injustice sociale.
De nombreux exemples cités – et je pourrais
en invoquer bien d’autres – montrent le décalage entre les ouvriers, dont les
conditions de travail sont difficiles, et les cadres. On a le sentiment qu’une
majorité de classe mène une réforme de classe. Voilà pourquoi nos compatriotes
sont à vif, pourquoi le mouvement des gilets jaunes a été si puissant et
pourquoi certains éprouvent un tel sentiment d’injustice qu’ils rejettent
violemment le Président de la République et la majorité.
J’ai envie de
vous rappeler la phrase de l’empereur Tibère : « Vous pouvez tondre le
peuple, mais prenez garde à ne jamais l’écorcher. » Hélas, avec cette
réforme, vous risquez d’écorcher les Français, comme vous le faites depuis que
vous êtes arrivés au pouvoir.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. L’amendement no 23849 vise à substituer au
mot : « générations », les mots : « différentes
générations et au sein de chacune d’elles ». Quand je relis le texte, je me
dis que la phrase du projet de loi – « le choix d’un financement par
répartition […] exprime la solidarité entre les générations unies dans un pacte
social » me semble mieux écrite.
Il y a quelques années, j’ai
corrigé des copies d’étudiants, qui avaient tendance à s’approprier des
citations, qu’ils modifiaient pour qu’on n’en identifie pas la source. Chaque
fois, je regrettais qu’ils n’aient pas conservé le texte original, lequel me
paraissait beaucoup mieux écrit. (Applaudissements sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à Mme Christine
Cloarec-Le Nabour.
Mme
Christine Cloarec-Le Nabour. Après avoir siégé quelque deux cents heures
en commission, puis dans l’hémicycle, j’ai entendu tout et n’importe quoi de la
part des oppositions.
Mme
Constance Le Grip. Trop aimable !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Surtout n’importe quoi : c’est notre
spécialité !
Mme
Christine Cloarec-Le Nabour. Et je n’ai entendu personne dire que le
système universel de retraite apporterait des droits nouveaux, particulièrement
aux femmes, aux mères, aux familles monoparentales – c’est-à-dire le plus
souvent sans père –, à ceux qui ont des carrières heurtées, aux aidants et aux
personnes touchées par le handicap.
Mme
Mathilde Panot. Parce que c’est faux !
Mme
Caroline Fiat. Parce que nous, nous ne mentons pas !
Mme
Christine Cloarec-Le Nabour. Nul n’a expliqué qu’il réduirait les
inégalités entre le public et le privé, et que nous ferions contribuer les plus
aisés au bénéfice des plus précaires. Enfin, nul n’a rappelé ni les avancées qui
découlent des aménagements de fin de la carrière, de la prise en compte de la
pénibilité, de la retraite anticipée ni la réflexion menée autour du compte
épargne-temps.
Peut-on dire un mot de l’âge d’équilibre ? Il y a
peu, j’ai appris que j’allais partir à la retraite à 67 ans. À ce titre, je
regrette de ne pas pouvoir bénéficier du nouveau système, comme 15 % de nos
concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
J’ajoute, chers collègues de l’opposition, que vous semblez
très attachés au système de répartition solidaire. Cela tombe bien, nous
aussi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme
Mathilde Panot. Je comprends, madame Cloarec-Le Nabour, que vous ne
nous ayez pas entendus invoquer les arguments que la majorité a répétés en
boucle. Cela tient au fait que nous les contestons !
Le minimum,
quand on fait de la politique, est d’assumer certains désaccords. D’ailleurs,
vous avez bien du mal à convaincre la population, comme nous l’observons à
chaque mobilisation.
M. Bruno
Millienne. Parlons de l’amendement !
Mme
Mathilde Panot. J’aimerais savoir d’où viennent les chiffres que vient
de citer M. le secrétaire d’État. Comment sait-il que la réforme ne
changera rien pour 50 % des assurés, et que 20 % partiront plus tard
et 30 % plus tôt ? Sans doute cette analyse provient-elle de l’étude
d’impact. Je vous rappelle que nous la contestons.
M. Bruno
Millienne. Vous contestez tout !
Mme
Mathilde Panot. Dans cette étude, l’âge d’équilibre est gelé à
65 ans, le taux de croissance est bloqué ad vitam aeternam à 1,3 % et
les cas étudiés nous paraissent loufoques. Que ne nous répondez-vous sur la
situation de l’infirmière Marie, sur laquelle Mme Fiat vous a interrogés en
commission ? Pourquoi l’étude d’impact suppose-t-elle que les magistrats
commenceraient à travailler à 22 ans, alors qu’ils débutent en moyenne leur
carrière à 28 ans ?
À présent, parlez-nous de ceux qui seront,
selon vous, les perdants de la réforme. Nous avons cité des chiffres
précis : dans le système actuel, une personne au SMIC sur cinq meurt avant
d’avoir touché le premier centime de sa retraite. Les perdants seront-ils encore
et toujours les plus pauvres ?
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Eh oui !
Mme
Mathilde Panot. Les égoutiers, qui peuvent actuellement partir en
retraite à 52 ans, sont dans la rue parce que leur espérance de vie est de
62 ans, âge auquel vous leur proposez d’arrêter de travailler. Et l’on peut
faire le même constat pour les bûcherons. Tout à l’heure, nous avons parlé des
chômeurs. Répondez-nous : d’où viennent les chiffres que vous citez ?
À quoi ces pourcentages correspondent-ils exactement ?
Mme Michèle
Peyron. Vous parlez de la vie ou de la mort ?
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Puisque la réforme est si bonne, on s’étonne que le
Gouvernement n’ait pas décidé de l’appliquer tout de suite ou que les députés de
la majorité n’aient pas proposé d’eux-mêmes qu’on n’attende pas des générations
pour en faire profiter tout le monde. Pourquoi priver tant de gens du
paradis ?
Une organisation syndicale dont je tairai le nom, et qui a
dressé un bilan plutôt positif de sa rencontre avec le Premier ministre, la
semaine dernière, annonce avoir obtenu que les générations qui partiront avant
2037 soient « épargnées » par la réforme, disposition qui
« mettra à l’abri » dix à quinze générations. Ces termes traduisent
tout le bien qu’ils pensent de votre projet !
Vous vous demandez
pourquoi vous n’entendez pas dans notre bouche, madame Cloarec-Le Nabour,
les arguments en faveur du projet de loi que vous avez énoncés ? Parce
qu’ils sont faux.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Eh oui !
M. Boris
Vallaud. C’est une évidence mathématique : quand on a plus de
retraités, et qu’on leur consacre une part moins importante du PIB, le taux de
remplacement baisse. Je l’ai démontré tout à l’heure. Le niveau de vie des
retraités baissera par rapport à celui des actifs. Cela révèle un problème de
solidarité entre les générations, puisque les gains de la richesse nationale
bénéficieront plus aux actifs qu’aux retraités.
Par ailleurs, vous
prétendez que vous ferez contribuer les très hauts salaires. Non : vous
rendrez 4 milliards aux 1 % des Français les plus riches.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Auxquels vous avez déjà donné 5 milliards en
supprimant l’impôt de solidarité sur la fortune !
M. Boris
Vallaud. D’ailleurs, la contribution à 2,81 %, qui s’appliquera
au-delà de trois PASS, tout le monde va la payer. En outre, comment justifier ce
taux ? Il représente, dites-vous, 10 % du taux de cotisation qui
s’applique au-dessous de trois PASS. Certes, mais pourquoi ne pas
l’augmenter ? Aujourd’hui, il existe quatre contributions non contributives
de solidarité, qui correspondent à un pourcentage de
9,94 %.
Êtes-vous certains que les montants à redistribuer seront
suffisants ? Au lieu d’effectuer des calculs par décile, vous raisonnez sur
des quartiles de sorte qu’on ne peut pas savoir qui gagne et qui perd. À vous
entendre, tout le monde serait gagnant.
Mme Valérie
Rabault. Or, à la fin des fins, tous perdent !
M. Boris
Vallaud. Exactement ! Encore un mot, monsieur le président, ce qui
m’évitera de faire un rappel au règlement. Ce matin, un député des
Pyrénées-Atlantiques s’est enquis auprès du président de séance du courrier que
le président de l’Assemblée nationale devait adresser à Mme Belloubet sur
la création d’une commission d’enquête visant à vérifier la qualité de l’étude
d’impact produite à l’appui du texte. Compte tenu des liens privilégiés que vous
entretenez avec le président de l’Assemblée, pourriez-vous l’interroger à
nouveau sur ce point ?
M. le
président. Il m’arrive de regretter que les Landes soient si proches des
Pyrénées-Atlantiques… Pour être complet, le président m’a indiqué que la lettre
était partie.
M. Boris
Vallaud. Quand ?
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Et est-elle arrivée ?
M. le
président. Je donne acte au président Ferrand de cette information. Vous
voilà donc rassuré, monsieur Vallaud.
La parole est à M. Michel
Castellani.
M. Michel
Castellani. Pour avoir écouté le débat pendant quelques heures, je
m’interroge à mon tour – pourquoi pas ? – sur la notion d’équité,
sous-jacente dans ce débat. Où se situe l’équité optimale entre les
générations ? Dans ce texte, où est l’équité entre les catégories sociales,
entre les classes d’âge, entre ceux qui sont nés avant ou après 1975 ? Où
est l’équité en ce qui concerne la valeur du point, qui ne sera pas le même,
selon qu’on aura soulevé des parpaings toute sa vie ou qu’on aura travaillé dans
des conditions plus faciles ? La notion de souffrance au travail doit être
prise en compte. Où est l’équité entre ceux dont le revenu augmente plus vite
que la moyenne et les autres ?
Mais surtout : dans ce texte, où
est l’équité entre la contribution de l’économie réelle et celle de l’économie
financière ? La première, on la connaît : elle provient des
entreprises, des salariés et des ménages. Mais, dans ce texte fondamental, où
apparaissent les revenus d’origine strictement financière et pour quel
montant ? On ne le sait pas – à moins que j’aie raté un épisode. (Mme
Jeanine Dubié applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Je vais finir sur une touche optimiste.
Mme Cloarec-Le Nabour m’a convaincu. Je trouve cette réforme
extraordinaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. –
Rires sur plusieurs bancs des groupes GDR, SOC et FI.) Toutes ses remarques
sont extrêmement limpides. Je me demande d’ailleurs pourquoi tous les
économistes, les organisations syndicales et la plus haute juridiction de
l’ordre administratif, ainsi que les cinq groupes parlementaires de l’opposition
n’ont pas compris qu’après la réforme, les retraités nageraient dans le luxe, le
calme et la volupté. Je vous en donne acte, ma chère collègue.
Je trouve
d’ailleurs la réforme si extraordinaire qu’il faudrait suivre les conseils de
notre questeur, qui trouve que l’Assemblée coûte trop cher. Pourquoi ne pas la
dissoudre une fois pour toutes après avoir voté le principe d’une ordonnance
générale et indéfinie, afin de permettre au Gouvernement de procéder à tout un
tas de belles réformes pour la nuit des temps, tandis que nous regarderions
passer les trains ?
Mme Nadia
Essayan. Cela avait bien commencé…
M.
Sébastien Jumel. Plus sérieusement, au lieu de répéter que le Parlement
coûte cher, montrez-nous que le fait de nous réunir pendant huit jours pour
travailler sur une réforme de cette importance génère des coûts supplémentaires.
Les parlementaires, présents ou non, sont payés au forfait, comme les
fonctionnaires mobilisés et les militaires qui assurent la sécurité de
l’hémicycle. À moins que le prix de l’électricité, pendant les séances de nuit,
ne génère un surcoût considérable ?
M. Frédéric Petit et
Mme Nadia Essayan. Est-ce un rappel au règlement ou vous exprimez-vous
sur l’amendement ?
M.
Sébastien Jumel. Quoi qu’il en soit, il me semble dangereux pour la
démocratie de contester à l’opposition le droit de s’exprimer sur une réforme
aussi mauvaise, aussi nocive et aussi peu lisible, et que nous continuerons à
combattre.
Mme Nadia
Essayan. Sur quel article se fonde son rappel au règlement ? Il
n’en a rien dit !
M. le
président. L’intervention de M. Jumel n’était pas un rappel au
règlement. Dès lors que le temps imparti à chaque groupe est respecté, chaque
orateur a le droit de s’exprimer comme il l’entend, madame Essayan, et il ne
vous revient pas de décider de ce qu’il doit dire.
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit, pour un rappel au
règlement ; je donnerai ensuite la parole à M. Florian Bachelier, qui
a dû se sentir agressé.
M.
Sébastien Jumel. Il n’a pas été agressé !
M. Frédéric
Petit. Mon rappel au règlement se fonde sur le sixième alinéa de
l’article 54. Les interventions doivent avoir un lien avec l’amendement.
(« Absolument !» et applaudissements
sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM. – Mme Sophie Auconie applaudit
également.)
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Ils sont ahurissants !
M. le
président. Monsieur Petit, il est heureux que nous puissions, au sein de
cette assemblée, garantir la liberté qu’a chaque député de s’exprimer comme il
l’entend, dans le respect des règles parlementaires, bien évidemment.
(Exclamations sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.)
La
parole est à M. Florian Bachelier, pour un rappel au règlement.
M. Florian
Bachelier. Il se fonde sur l’article 70 du règlement, relatif aux
mises en cause personnelles. J’ai préféré le début de l’intervention de
M. Jumel à sa fin.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Avec
M. Jumel, ça commence toujours bien pour finir mal !
M. Florian
Bachelier. M. Jumel faisait référence à un message que j’ai posté
sur la plateforme Twitter sur le prix de la démocratie et le coût de l’Assemblée
nationale. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.)
Mme
Clémentine Autain. Vous avez une vision purement comptable de la
démocratie !
M. le
président. Laissez M. Bachelier s’exprimer !
M. Florian
Bachelier. Le coût du fonctionnement journalier de l’Assemblée nationale
est de 1,5 million d’euros – ce sont les faits.
M. Olivier
Faure. Et alors ?
M. Florian
Bachelier. On obtient ce nombre en divisant les 550 millions
d’euros de dépenses annuelles de l’Assemblée nationale par 365.
M.
Jean-Paul Lecoq. Cela s’appelle investir dans la démocratie !
M. Florian
Bachelier. Je ne critique pas le coût de fonctionnement de l’Assemblée.
En revanche, je suis effrayé par le spectacle – assez affligeant, selon
moi – qu’offrent les débats depuis cinq jours ; ils dégradent les
débats parlementaires. Nous n’avons toujours pas véritablement abordé
l’article 1er, à 20 heures, ce vendredi.
Les Français
nous regardent et constatent que nous ne sommes pas à la hauteur de nos
responsabilités collectives et que nous ne nous occupons pas de leur quotidien –
l’école publique, l’hôpital public, l’aide juridictionnelle, entre autres.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
– Exclamations sur plusieurs bancs des groupes FI et
GDR.)
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Et les retraites, peut-être que ce n’est pas le quotidien
des Français ? Affligeant !
M. le
président. Monsieur le premier questeur, personne ne conteste ces
chiffres. Toutefois, pour pouvoir débattre en bonne intelligence, nous avons
tous intérêt à ne pas traiter la démocratie comme une source d’économies.
(Brouhaha.)
Monsieur Faure, je ne peux pas m’opposer à votre
demande de parole, mais je vous demande d’être bref. (Exclamations sur divers
bancs.)
M.
Jean-Jacques Bridey. Nous avons des rendez-vous à vingt
heures !
M. Olivier
Faure. Personne ne conteste le fait qu’une journée à l’Assemblée coûte
1,5 million d’euros.
Mme Nadia
Essayan. Ce n’est d’ailleurs pas la question !
M. Olivier
Faure. Le tweet qu’il a publié ce matin, qui fait de cette somme le coût
de l’obstruction nous pose en revanche problème. (Vives exclamations sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.) Les journées à l’Assemblée ont le même
prix, quel que soit leur emploi. Vous ne pouvez pas employer cet argument
(Tumulte)…
M. le
président. Mes chers collègues, un peu de calme s’il vous
plaît !
M. Olivier
Faure. …extrêmement populiste. (Mêmes mouvements.)
M. le
président. Nous aurons chacun l’occasion de nous exprimer, dans la
presse, si vous le souhaitez ! Pour le moment nous avons à voter !
M. Gilles
Le Gendre. La presse n’est pas faite pour remplacer
l’hémicycle !
M. le
président. Je n’ai pas dit cela. Essayons simplement de nous écouter,
nous aurons…
M. Gilles
Le Gendre. Le débat peut tout à fait avoir lieu ici !
(Exclamations continues sur divers bancs.)
M.
Sébastien Jumel. C’est vous qui empêchez le débat d’avoir
lieu !
M. le
président. Monsieur Le Gendre, j’ai du mal à vous
comprendre.
Quoi qu’il en soit, nous allons passer au vote.
Article 1er (suite)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41925.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 93
Nombre
de suffrages
exprimés 83
Majorité
absolue 42
Pour
l’adoption 14
Contre 69
(Le sous-amendement no 41925 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42365 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41928.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 89
Nombre
de suffrages
exprimés 79
Majorité
absolue 40
Pour
l’adoption 12
Contre 67
(Le sous-amendement no 41928 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 42131 et 42459,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements nos 23849 et 38084,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
2
Ordre du jour de la prochaine séance
M. le
président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures
trente :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un
régime universel de retraite et du projet de loi organique relatif au système
universel de retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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