Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Troisième séance du vendredi 21 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de M. David Habib
1.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (suite)
Article 1er
(suite)
Amendement no 37172
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Amendements nos 370
, 24635
, 42381
(sous-amendement) , 1649
, 9657
, 23851
, 41932
(sous-amendement) , 41935
(sous-amendement) , 41937
(sous-amendement) , 42132
(sous-amendement) , 42380
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
M. Sébastien
Jumel
Article 1er
(suite)
Amendements nos 2542
, 1642,
1643, 1644, 1646, 1648, 1654, 1655, 1657, 1658, 1659, 1661, 1662, 1663, 1665,
1666, 1668, 1669
Suspension
et reprise de la séance
Amendements nos 11291
, 11292
, 24916
Rappel
au règlement
M. Frédéric
Petit
Mme Isabelle
Valentin
Article 1er
(suite)
Amendements nos 22696
, 37176
, 25600,
25601, 25602, 25603, 25604, 25605, 25606, 25607, 25608, 25609, 25610, 25611,
25612, 25613, 25614, 25615
Rappel
au règlement
Mme Caroline
Fiat
Article 1er
(suite)
Amendements nos 9
rectifié , 24616
rectifié , 485
rectifié , 580
rectifié
M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
M. David Habib
vice-président
M. le
président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le
président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du
instituant un système universel de retraite (nos 2623 rectifié,
2683 ).
Discussion des articles (suite)
M. le
président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des
articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 37172 à
l’article 1er.
Article 1er (suite)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir
l’amendement no 37172.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Je propose d’ajouter le terme de justice fiscale à
l’alinéa 3, pour rappeler qu’il n’y a pas de bon système de retraite sans
qu’on se préoccupe d’abord de son financement. Nos débats depuis plusieurs jours
montrent l’absurdité qu’il y a à discuter de ce projet de loi alors que
parallèlement, une conférence sur le financement élabore divers
scénarios.
De plus, comment imaginer que nous puissions débattre d’un
régime qui sera – si par malheur il était voté – le cadre des
retraites pendant quarante ans, alors même qu’ici, votre majorité s’incline
devant le fait que la France y consacrera moins d’argent en pourcentage de son
PIB. Nous passerons en effet de 14 % aujourd’hui à 12,9 % dans les
prévisions. Hier ou avant-hier, M. le secrétaire d’État nous a dit que
c’était parce que le régime actuel tendait vers les 13 %. Mais ce n’est pas
parce que le régime actuel ne répond pas aux besoins des retraités qu’il faut
aller plus loin ! Il faudrait d’abord se demander collectivement combien la
Nation est prête à mettre sur la table pour financer les retraites, quels sont
les besoins pour assurer une retraite digne. On pourra ensuite s’occuper des
méthodes de financement.
Je parle de justice fiscale en raison des
milliards d’euros perdus par le biais de la fraude à la TVA – j’ai rédigé
un rapport sur ce sujet il y a quelque temps – et des fuites fiscales
considérables occasionnées par les nouveaux moyens offerts sur internet. Si nous
continuons sans nous préoccuper des recettes, nous conduirons nos retraités,
notre sécurité sociale et notre pays à une forme de malthusianisme…
M. Hubert
Wulfranc. Tout à fait !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. …en nous préoccupant de réduire les dépenses au lieu
d’augmenter les recettes et de les mettre au service de l’ensemble des
retraités, qui ont travaillé dur pour construire la France
d’aujourd’hui.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la
commission spéciale pour le titre Ier, pour donner l’avis de la
commission sur cet amendement.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Nous partageons
l’objectif de justice fiscale et nous savons l’importance de garantir celle-ci
pour l’avenir. Compte tenu des évolutions démographiques, il convient de
mutualiser tous les actifs pour qu’ils assument l’ensemble des pensions avec des
règles communes. La retraite est un temps particulier, auquel tous nos
concitoyens doivent pouvoir accéder dans des conditions équitables et
équivalentes. C’est en cela que notre projet est juste. Avis
défavorable.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Le concept
de justice fiscale n’a selon moi pas grand-chose à voir avec les principes
sociaux qui fondent notre système. L’avis du Gouvernement est
défavorable.
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Nous avons là deux réponses qui ne sont pas tout à
fait les mêmes. Le rapporteur nous dit que le Gouvernement et la majorité En
marche sont attachés à la justice fiscale, ce qui constituerait une bonne
nouvelle s’il ne s’agissait pas à nouveau d’un exercice de novlangue. Étant
donné que la majorité a permis aux plus riches d’échapper à l’ISF…
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Eh oui !
Mme
Clémentine Autain. …et a instauré la flat tax, l’idée de justice fiscale
me semble étrangement appréciée. Parallèlement, le secrétaire d’État nous dit
que la justice fiscale n’a strictement rien à voir avec ce texte. Les
exonérations fiscales octroyées par le Gouvernement aux entreprises ont entraîné
un manque à gagner de 5 milliards d’euros dans les caisses de retraite…
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Tout à fait !
Mme
Clémentine Autain. …parce que l’État n’a pas compensé leurs
conséquences : il y a donc bien un lien entre les deux.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Eh oui !
Mme
Clémentine Autain. Il faudrait vous entendre : n’avez-vous
décidément rien à faire de la justice fiscale, ou essayez-vous de nous expliquer
que cela n’aurait rien à voir, alors qu’il y a bien un lien entre les
deux ?
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Je crois qu’il faut entendre la formule « justice
fiscale » au sens de « justice fiscalo-sociale », c’est-à-dire en
posant la question de la justice des cotisations. Or nous avons vu que dans bien
des cas, un euro cotisé ne produit pas les mêmes droits. Ainsi, les générations
nées avant 1975 cotiseront sans se créer de droits supplémentaires à la
retraite ; il en va de même pour les retraités avant l’âge d’équilibre qui
cumulent un emploi et leur pension.
Cet amendement nous permet
d’interroger le Gouvernement : qu’adviendra-t-il de la politique
d’exonération des cotisations sociales dans le nouveau régime ? Quels
pourraient en être les prolongements ? L’alignement de tous les régimes, en
particulier des régimes publics avec les régimes privés, soulève d’ailleurs une
question : un employeur public, surtout après votre réforme avilissant le
statut de la fonction publique, ne sera-t-il pas fondé, au nom du principe
d’égalité, à demander les mêmes politiques d’exonération ? Que lui
répondrez-vous ?
(L’amendement no 37172 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements identiques,
nos 370 et 24635. L’amendement no 370 fait l’objet
d’un sous-amendement no 42381.
La parole est
à M. Alain Ramadier, pour soutenir l’amendement no 370.
M. Alain
Ramadier. Il s’agit d’un amendement de mon collègue Patrick Hetzel. Il
est primordial de figer les droits que méritent les personnes qui ont travaillé
toute leur vie pour avoir une retraite convenable. En effet, les augmentations
de prélèvements obligatoires, l’instabilité fiscale et l’augmentation du coût de
la vie non contrebalancée par une baisse des charges sur les retraités, rendent
leur situation économique et financière plus qu’inconfortable. Nous souhaitons
donc inscrire dans la loi qu’un minimum de pension de retraite ne peut être
diminué.
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 24635.
Mme
Emmanuelle Ménard. L’instabilité fiscale et les augmentations des
prélèvements obligatoires pèsent sur les pensions de retraite, et de facto sur
le niveau de vie des retraités. Cela les place parfois dans des situations de
précarité économique et financière, comme nous avons pu le constater lorsque
votre majorité a décidé d’augmenter la CSG pour les retraités dits aisés,
c’est-à-dire ceux qui touchaient à l’époque plus de 1 200 euros par
mois. C’est pour pallier ce type de déconvenues, qui entraînent de réelles
difficultés financières pour les retraités, qu’il convient d’inscrire dans la
loi que le premier versement de pension de retraite ne pourra plus,
ultérieurement, faire l’objet d’une diminution, et cela quels que soient les
circonstances économiques et les changements de politique fiscale.
M. le
président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le
sous-amendement no 42381.
M. Dino
Cinieri. Il s’agit d’un sous-amendement de précision. Rien ne saurait
justifier qu’une pension de retraite diminue en raison de circonstances
économiques ou de changements de politique fiscale. Je souhaite donc insérer à
la première phrase de l’alinéa 2, après le mot « peuvent », les mots
« en aucun cas ».
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. L’ensemble des règles, des paramètres et
des modalités de pilotage des droits à la retraite trouvent leur place dans les
articles suivants : l’article 9, qui fixe les modalités d’indexation,
les valeurs d’acquisition et de service du point ; l’article 11, qui
fixe les règles de revalorisation des pensions versées ; l’article 55,
qui précise que le montant des retraites ne peut pas baisser. Ce dernier point
est en outre énoncé de façon plus solennelle à l’article 1er du
projet de loi organique. Dans l’esprit, ces amendements sont donc satisfaits.
Avis défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Défavorable. Ces amendements et
sous-amendements renvoient à des dispositions prévues à l’alinéa 22 de
l’article 55, ainsi qu’à l’article 11.
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. J’entends la position de M. le rapporteur et de M. le
secrétaire d’État. Au cours de cette législature, nous avons néanmoins connu un
précédent en matière de pensions de retraite avec votre décision – politique –
de les désindexer. Je considère donc que dans cet article 1er,
qui est l’article socle de votre projet de loi, il convient de garantir qu’on ne
touchera plus aux pensions des retraités de France.
Je comprends
l’amendement de mon collègue Patrick Hetzel ; il mérite d’être adopté à
l’article 1er. Nous ne pouvons pas attendre un article ultérieur pour
rappeler cette règle, car nous avons été échaudés par votre décision. En outre,
motiver votre refus par l’article 1er d’un projet de loi organique
dont on peine à croire qu’on puisse commencer à débattre, au vu du déroulé de
nos travaux, ne me paraît pas raisonnable.
Je considère que cet
amendement est juste et pertinent : il sauvegarde réellement le niveau de
vie des retraités.
Par ailleurs, monsieur le président, nous avons levé
la séance tout à l’heure sur une question essentielle : les conséquences
financières de nos débats qui s’allongent. Je considère cette question comme
totalement scandaleuse. Cette Assemblée a déjà siégé le week-end, et dès les
débuts de la législature, en juillet 2017, pour examiner un texte relatif à
la moralisation de la vie publique. Cela n’avait alors chagriné personne que
nous travaillions le week-end. Que l’on doive travailler le samedi et le
dimanche sur un texte aussi important que celui qui réforme le système des
retraite ne doit choquer aucun Français ! Il faut savoir consacrer du temps
à de tels textes. De grâce, pas de polémique sur le fait que nous siégeons le
week-end et que cela puisse coûter quelques euros ! La démocratie n’a pas
de prix ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC, FI
et GDR.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Si j’ai bien lu les amendements proposés par nos
collègues des bancs de l’opposition de droite, il s’agit de maintenir une
indexation des retraites sur l’inflation. Pour notre part, nous défendons une
indexation sur les salaires. En effet, voilà plusieurs décennies que nous avons
basculé de la seconde à la première et nous avons constaté une baisse du niveau
des pensions.
Le projet du Gouvernement prévoit quant à lui une troisième
solution : le revenu d’activité par tête. Lors de la réunion de la
commission spéciale au cours de laquelle nous vous avons interrogé à ce sujet,
vous nous avez indiqué que cet indice serait élaboré par l’INSEE. Celui-ci ne
semble pas en avoir envie. Pouvez-vous nous apporter aujourd’hui plus de
précisions sur ce revenu d’activité de base, qui fera partie des paramètres
d’évaluation de la valeur du point ? (Applaudissements sur les bancs du
groupe FI.)
M. le
président. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence
Dumont. La réponse du rapporteur est toujours un peu la même : soit
les amendements viennent trop tôt, soit ils sont satisfaits par des dispositions
ultérieures. Comme l’a dit M. Viry, l’article 1er – sur les
soixante-cinq que compte le texte – définit les objectifs de la loi :
il est absolument essentiel, même s’il n’épuise pas le sujet. On ne peut pas
renvoyer à plus tard les réponses au fond. Nous ne sommes même pas sûrs qu’il y
ait un plus tard, puisque la menace du recours à l’article 49 alinéa 3
plane toujours au-dessus de cet hémicycle. La question n’est pas tant
l’utilisation de cet article, qui serait un scandale démocratique, que les
conséquences de cette réforme.
C’est pourquoi nous voulons être
éclairés ; or nous ne le sommes pas. Nous ne voulons pas voter en faveur
des objectifs fixés à l’article 1er – la solidarité, la
lisibilité, l’équité, et ainsi de suite – s’ils sont contredits aux
articles ultérieurs voire lointains, les articles 40 ou 50 par exemple.
Nous posons donc des questions, et nous vous demandons d’éclairer la
représentation nationale au moment où ces questions sont posées.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Je lis, à l’article 1er, que le système
universel de retraite doit permettre de « garantir un niveau de vie
satisfaisant aux retraités, reflétant les revenus perçus pendant la vie
active » : c’est une déclaration d’amour. L’amendement de nos
collègues du groupe Les Républicains, en revanche, est une preuve d’amour. Or je
préfère les preuves d’amour aux déclarations. Il me semble nécessaire d’affirmer
une garantie, car les Français ont vu ce qu’est votre politique : ils ont
vu la désindexation, ils ont vu la CSG, ils ont vu la façon que vous avez
d’entamer le pouvoir d’achat. Je m’étonne d’ailleurs que vous vous satisfassiez
tant de ce projet mais que vous ne soyez pas capables d’écrire à
l’article 1er quelques éléments susceptibles de rassurer nos
concitoyens. Je ne vois pas pourquoi vous refuseriez cet amendement ;
pourtant, vous le refusez. Voilà bien la preuve que ce ne sont que des
mots : paroles, paroles, comme disait la chanson.
M.
Sébastien Jumel. Des mots, des mots, toujours des mots, rien que des
mots…
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme
Emmanuelle Ménard. Je me permets d’insister sur cet amendement car,
comme l’a rappelé M. Viry, il existe un précédent, celui d’une attaque en
règle contre les retraités. Cette majorité a déjà désindexé les pensions des
retraités, il y a seulement un an ! Deux populations étaient alors
visées : les retraités et les familles.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Eh oui !
Mme
Emmanuelle Ménard. Je vous rappelle que vous avez vous-mêmes consenti
votre mea culpa en faisant marche arrière, tout d’abord en revenant sur la
désindexation sur l’inflation, vous étant rendus compte que c’était une bêtise –
mais seulement après le mouvement des gilets jaunes qui a duré de nombreux
mois.
Mme
Caroline Fiat. Et qui continue !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. C’était un mea culpa partiel !
Mme
Emmanuelle Ménard. En effet, un mea culpa partiel. D’autre part, vous
êtes également revenus sur le seuil déclenchant l’annulation de la hausse de la
CSG imposée aux retraités « aisés » – initialement, cette notion
englobait tous les retraités percevant 1 200 euros par mois, mais vous
avez porté ce seuil à 2 000 euros. Autrement dit, vous avez touché
deux fois les retraités au porte-monnaie.
L’erreur est humaine, certes,
mais autant figer les choses dans la loi afin de rassurer définitivement les
retraités, qui le méritent. Il ne s’agit pas de leur faire un cadeau : ils
ont travaillé toute leur vie pour arriver à la retraite. Inscrivons donc
l’indexation des pensions sur l’inflation, afin que les choses soient très
claires pour les retraités.
M. Vincent
Descoeur. Très juste !
M. le
président. La parole est à Mme Célia de Lavergne.
Mme Célia
de Lavergne. À écouter les différents orateurs, je constate que nous
partageons une préoccupation commune : nous aimerions débattre du fond.
Mme Dumont semble s’inquiéter que nous ne puissions pas le faire aux
articles que vous avez mentionnés, où il est en effet question du point, de son
indexation, de la revalorisation des pensions, et où nous pourrions donner de
véritables garanties aux Français sur la base d’un débat de fond
équilibré.
Il m’est donc venu une idée, une idée toute simple, qui
pourrait consister à retirer les quelque 31 000 amendements identiques
déposés sur ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM
et MODEM.) Soit vous poursuivez l’obstruction et assumez l’impossibilité de
conduire un débat organisé sur le fond, soit vous cessez cette obstruction et
nous avançons ! (Mêmes mouvements.)
M. Bruno
Millienne. Très bien !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je ne souhaite pas entrer dans une discussion avec nos
collègues sur la question qui vient d’être soulevée ; je préfère parler du
texte. (Sourires.) Les amendements à l’examen me permettent de rappeler
que contrairement à ce qu’ont prétendu de manière approximative certains membres
de la majorité, les pensions sont, dans votre texte, indexées sur l’inflation et
non sur les salaires ; premier problème.
Ensuite, à chaque budget
que vous avez eu à voter, vous les avez désindexées. Voilà la réalité !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Tout à fait !
M. Pierre
Dharréville. Vous avez fait passer l’augmentation des pensions sous
celle du coût de la vie. C’est la politique que vous avez menée ! Elle
mérite d’être rappelée dans cette enceinte.
Je comprends parfaitement
pourquoi nos collègues du groupe Les Républicains ont déposé cet
amendement : ils veulent se prémunir contre la tentation qui est la vôtre
de désindexer les pensions alors qu’elles ne devraient pas l’être.
Cela étant dit, nous sommes quant à nous favorables à l’indexation
des pensions sur les salaires. Nous comprenons l’objet de ces amendements de
repli, qui sont en quelque sorte un filet de sécurité, mais nous défendons
l’idée selon laquelle les pensions doivent être indexées sur les salaires.
(M. Stéphane Peu applaudit.)
(Le sous-amendement no 42381 n’est pas
adopté.)
(Les amendements identiques
nos 370 et 24635, mis aux voix, ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Meizonnet, pour soutenir
l’amendement no 1649.
M. Nicolas
Meizonnet. Permettez-moi, en préambule, de vous dire l’honneur que
j’éprouve à m’exprimer pour la première fois dans cet hémicycle
(Mme Emmanuelle Ménard et M. Dino
Cinieri applaudissent), après sept mois d’attente, à un moment que je crois
fondamental pour l’avenir des Français et de notre modèle social.
Cet amendement est l’occasion de rappeler le fonctionnement de
notre système de retraite par répartition, auquel nous sommes particulièrement
attachés, vous le savez, et auquel votre réforme promet de faire énormément de
mal. Le système par répartition repose sur le fait que les travailleurs actuels
– les cotisants – paient les pensions des retraités actuels. Cela suppose deux
conditions : d’une part, les actifs doivent être assez nombreux et d’autre
part, ils doivent avoir du travail – cela n’a échappé à personne.
C’est
pourquoi nous proposons de rappeler ces deux piliers – natalité et emploi – dans
l’article 1er, qui décrit les principes généraux du système de
retraite universel. On ne peut pas dire que l’un ou l’autre de ces deux points
constitue une priorité des politiques gouvernementales.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je salue notre nouveau collègue, même si je
ne partage pas les politiques que prône votre mouvement.
(« Rien à voir ! »
sur les bancs du groupe LR.)
M. Stéphane
Viry. Il a été élu par le peuple !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je salue…
M. Dino
Cinieri. C’est incroyable !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je salue sa prise de parole et j’espère que
nous aurons l’occasion de débattre sur le fond. En l’occurrence, monsieur
Meizonnet, vous avez rappelé votre attachement au choix d’un modèle par
répartition ; nous y sommes également attachés. On assigne de nombreux
objectifs au système de retraite, dont la première raison d’être est de servir
des retraites à nos concitoyens. Il va de soi que nous sommes favorables à des
politiques favorisant l’emploi, car qui dit politique de l’emploi dit meilleure
intégration des uns et des autres, mais aussi hausse des cotisations et, de
facto, amélioration des retraites servies. En ce qui concerne la natalité, le
projet de loi comprend plusieurs mesures relatives à la famille, sur lesquelles
nous aurons l’occasion de revenir. Avis défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Votre amendement inverse
l’ordre des facteurs – emploi et natalité – liés aux objectifs du système de
retraite. Vous le savez, des politiques publiques sont conduites en matière
d’emploi, et il ne vous a pas échappé que le taux de chômage en France
métropolitaine vient de passer sous la barre des 8 % suite à l’action du
Gouvernement. Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Je suis très étonnée de la réponse du Gouvernement et
du rapporteur. J’ignore si chacun a bien lu l’amendement proposé par notre
nouveau collègue – qui prend la suite de M. Collard – et par Marine
Le Pen : il s’agit d’inscrire parmi les grands objectifs de la loi que
le « choix d’un financement par répartition implique la mise en œuvre de
politiques favorables à l’emploi » – jusque là, tout le monde suit –
« et à la natalité ». Pourquoi ne pas y avoir ajouté l’immigration,
tout aussi favorable ?
En clair, vous tentez d’introduire une visée
nataliste dans les grands principes de notre système. Je vous reconnais la
cohérence de vos positions. Nous n’avons quasiment pas entendu le son de votre
voix en commission spéciale… (Exclamations sur divers bancs.)
M. Nicolas
Meizonnet. Je n’étais pas encore député !
M. Philippe
Vigier. Pas de fait personnel !
Mme
Clémentine Autain. M. Chenu a dû y passer deux heures. C’est la
première fois que je vous entends dans l’hémicycle, et c’est pour prôner
l’inscription d’un principe nataliste dans les grands principes d’une loi sur
les retraites ! Pardonnez-moi, mais nous sommes au
XXIe siècle, monsieur ! (Applaudissements sur les bancs
du groupe FI.)
M. Philippe
Michel-Kleisbauer. J’espère que vous vous souviendrez de ces
propos !
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. Il est vrai que cet amendement est dérangeant, mais il soulève une
vraie question : dès lors que nous souhaitons un système de retraite par
répartition fondé sur la solidarité intergénérationnelle, il faut une
démographie soutenue – et des enfants – pour financer le système à terme.
M. Boris
Vallaud. Ou un solde migratoire !
M. Stéphane
Viry. Un projet de réforme des retraites doit forcément aborder la
question des droits familiaux. J’en dis un mot ici, car je crains que nous ne
puissions pas aborder le sujet à l’article concerné. Je sais que la
préoccupation d’une politique familiale – peut-être à visée nataliste, entre
autres – est partagée par d’autres groupes.
Mme
Nathalie Elimas. Absolument !
M. Stéphane
Viry. Une mission d’information sur l’adaptation de la politique
familiale française aux défis de la société du XXIe siècle a été
créée : c’est un vrai sujet, qui se télescope avec celui des retraites. On
ne saurait plaider en faveur d’un système par répartition sans se soucier des
réponses concrètes qui seront apportées. Nous considérons que le Gouvernement,
dans sa réponse, est défaillant, et même à côté de la plaque pour ce qui
concerne les femmes, les mères, les pensions de réversion. Il n’en demeure pas
moins que notre collègue avait le droit de déposer cet amendement.
Un
dernier mot, monsieur le rapporteur : vous avez une fois de plus commis une
maladresse de langage. Notre collègue a été élu par le peuple et est issu du
suffrage universel. Nous n’avons pas le droit de caricaturer une femme ou un
homme qui exerce sa fonction de député selon ses opinions politiques.
M. Dino
Cinieri. Très bien !
M. Stéphane
Viry. Il est député de plein droit. Vous avez de nouveau été maladroit,
monsieur le rapporteur, et je le déplore.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Chose curieuse : tout le monde parle de répartition,
mais il y a deux conditions au bon fonctionnement d’un système par répartition.
La première tient à une natalité forte – que nous envient l’Italie, l’Espagne et
l’Allemagne, raison pour laquelle il est totalement absurde de suivre les
modèles de ces pays. On ne cesse de brandir l’Allemagne en exemple, mais si ce
pays a réduit les pensions de ses retraités, c’est parce que son évolution
démographique ne permet pas le renouvellement des générations. La France, grâce
à sa politique familiale – malheureusement amendée et réduite au cours des deux
derniers quinquennats –, possède une démographie forte qui lui permet de
fonctionner.
Hélas, nous n’avons pas les emplois de l’Allemagne. Tout
l’enjeu est précisément de conduire une véritable politique de relocalisation de
l’emploi et de protectionnisme intelligent afin de rapatrier le million
d’emplois qui manquent, qui permettraient d’équilibrer tous nos systèmes sociaux
et d’éviter la réduction permanente des budgets sociaux dont souffrent les
Français.
Encore une fois, la répartition marche sur deux jambes :
une politique de relocalisation de l’emploi et une politique nataliste forte.
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme
Emmanuelle Ménard. Permettez-moi de dire dans cet hémicycle que la
« politique nataliste » n’est pas un gros mot ! Il n’y a rien de
honteux ! Ce n’est pas parce que nous sommes au XXIe siècle
qu’on ne peut pas mener une politique nataliste ! Bien au contraire, il
faudra m’expliquer pourquoi on ne pourrait pas le faire !
D’autre
part, j’ai bien écouté les réponses du rapporteur et du secrétaire d’État, mais
je n’ai rien lu sur les droits familiaux dans votre texte.
Je
rappelle que l’année dernière, vous avez désindexé de l’inflation certaines
pensions, notamment celles de retraite, mais également les allocations
familiales.
M. Dino
Cinieri. Eh oui !
Mme
Emmanuelle Ménard. Vous avez visé deux populations : les retraités
et les familles. Nous sommes donc fondés à être préoccupés par votre politique
familiale.
Enfin, j’aurais aimé un autre accueil pour notre collègue
Nicolas Meizonnet, qui a pris pour la première fois la parole dans
l’hémicycle :…
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Très juste !
Mme
Emmanuelle Ménard. …en dehors de toute position politique, vous qui en
faites des tonnes sur votre tolérance et votre humanisme, vous ne l’avez pas
accueilli de manière très chaleureuse. (Applaudissements sur plusieurs bancs
des groupes LR, MODEM et UDI-Agir.)
Pour reprendre un terme déjà
utilisé dans l’hémicycle, j’ai un peu honte de vous tous. (Exclamations sur
quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert
Wulfranc. L’amendement a au moins le mérite de poser à nouveau la
question de l’emploi, et s’adresse aussi à l’État employeur. Depuis des années,
et pour des années encore à cause de la suppression de 10 000 postes
prévue par le comité action publique 2022 – CAP22 –, l’emploi public
se réduit considérablement. Tout cela pèsera considérablement sur le niveau des
cotisations de sécurité sociale et engendrera des déséquilibres
financiers.
À titre d’exemple, le déficit de la CNRACL, la Caisse
nationale de retraite des agents des collectivités locales, s’élevait à
100 millions d’euros en 2018 et devrait atteindre 4,5 milliards
d’euros en 2025. Voilà le résultat de la réduction de l’emploi public !
Votre responsabilité, en tant qu’État employeur, est pleinement engagée dans le
déficit du système des retraites.
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. La politique de l’emploi est importante, et derrière elle se
trouvent la politique salariale, le partage de la valeur ajoutée et le niveau de
cotisations, qui est l’un des curseurs de l’équilibre du système de
retraite.
Il y a, sans doute, l’équilibre démographique, apporté par les
naissances, mais également par le solde migratoire. Si nous devons évoquer
toutes les solutions, posons-nous la question du niveau suffisant, ou non, du
solde migratoire. Je suis prêt à avoir ce débat et à soutenir qu’il peut être
utile. (Mme Laurence Dumont applaudit.)
(L’amendement no 1649 n’est pas
adopté.)
M. le
président. La parole est à Mme Sophie Auconie, pour soutenir
l’amendement no 9657.
Mme Sophie
Auconie. Son premier signataire est le président du groupe UDI, Agir et
indépendants, Jean-Christophe Lagarde, qui propose d’insérer dans les principes
de l’article 1er l’idée d’un outil financier et la création d’un
système mixte combinant la répartition et la capitalisation publique.
Il
s’agirait d’un système de retraite universel par répartition, qui ne
s’opposerait pas à l’éventuelle création, dans un futur plus ou moins proche,
d’un système mixte associant une part de capitalisation obligatoire à la
répartition.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Le projet de loi fait, sans ambiguïté dans
sa rédaction ni dans ses intentions, le choix clair de la définition d’un
périmètre de régime de retraite obligatoire par répartition. Rien n’empêche ceux
qui veulent compléter leur retraite par de la capitalisation de le faire, mais
le système de retraite universel est un système par répartition. Il sera
d’ailleurs plus large que ce qu’il était jusqu’à présent, puisqu’il intégrera
les systèmes de retraite complémentaire.
Avis
défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Madame la députée, je vous
ai presque répondu cet après-midi : le système universel de retraite que
nous proposons bat en brèche l’ouverture à la capitalisation. L’emploi de ce mot
n’est pas tabou – Stéphane Viry s’est exprimé sur ce sujet, et j’ai moi-même
expliqué qu’il existait déjà des dispositifs de capitalisation, notamment dans
le secteur public. De nombreuses interventions ont confondu les dispositifs
d’assurance-vie et ceux de retraite par capitalisation, pourtant très
différents. La capitalisation représente aujourd’hui moins de 2 % des
retraites servies.
Mon avis est défavorable pour toutes ces raisons,
madame la députée, même si j’entends que votre proposition ne visait pas à
susciter de tensions particulières dans le pays ou dans l’hémicycle. Vous prenez
acte de ce qui existe, mais comprenez mon souhait de diffuser un message clair
sur notre volonté d’inscrire la répartition dans l’ADN du système de
retraite.
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Madame Ménard, il y a bien un problème à
inscrire dans la loi, au XXIe siècle, le déploiement d’une
politique nataliste. De mon point de vue, une telle politique vise à inciter les
femmes à faire des enfants. Il se trouve qu’a eu lieu au
XXe siècle une révolution féministe,…
M. Bruno
Millienne. Quel est le rapport ?
Mme
Clémentine Autain. …dont le but fut l’émancipation des femmes et le
libre choix devant la maternité. Une politique familiale est une chose, une
politique nataliste en est une autre. Après la révolution féministe, il n’est
plus possible d’imaginer une politique publique incitant les femmes à faire des
enfants. (Mme Caroline Fiat applaudit.)
Je
reviens à l’amendement,…
M. Bruno
Millienne. Ah !
Mme
Clémentine Autain. …qui a le mérite de poser la question en des termes
très simples : au fond, votre loi favorisera le système par capitalisation.
Vous donnez un avis défavorable à cet amendement, parce qu’il enverrait un
mauvais message, alors que, de notre point de vue, son adoption apporterait une
clarification. En effet, que croyez-vous que feront toutes celles et ceux dont
les revenus excèdent trois fois le PASS – le plafond annuel de la sécurité
sociale, c’est-à-dire 10 000 euros par mois –, que vous
excluez ?
M. Frédéric
Petit. Il y a un plafond !
Mme
Clémentine Autain. Oui, à 2,8 %.
M. Frédéric
Petit. Non, à 120 000 euros.
M. le
président. Monsieur Petit, vous aurez tout le loisir de vous
exprimer si vous en faites la demande ; pour le moment, Mme Autain est
la seule à s’exprimer.
Mme
Clémentine Autain. C’est souvent lorsque l’on touche à un point sensible
que cela s’agite !
M. le
président. N’en profitez pas non plus, madame Autain !
Mme
Clémentine Autain. Cela fait toujours plaisir de vous réveiller, mes
chers collègues !
Il est clair qu’une partie de la population devra
compléter sa retraite par de la capitalisation. Voilà ce qui va se passer à
cause de la baisse des pensions. Les fonds de pension diffusent déjà des
publicités, car votre système favorisera la capitalisation.
M. Bruno
Millienne. Que de contrevérités !
Mme
Clémentine Autain. Que vous ne vouliez pas l’écrire noir sur blanc, je
le comprends, car vous ne cessez de nous assurer que le système restera par
répartition. Mais, là aussi, nous nous trouvons dans un faux-semblant.
(Mme Caroline Fiat applaudit.)
M. le
président. La parole est à Mme Nathalie Elimas.
Mme
Nathalie Elimas. Je ne partagerai pas vos idées,
monsieur Meizonnet, mais je vous souhaite la bienvenue.
M. Dino
Cinieri. Très bien !
Mme
Nathalie Elimas. La faiblesse de la natalité dans notre pays pose
problème, notamment dans le domaine sur lequel nous travaillons aujourd’hui. Il
faut sereinement se poser la question : je suis une femme et n’ai aucun
problème à parler de natalité, car cela n’obère en rien ma
liberté.
L’amendement propose d’insérer l’alinéa suivant : « Ce
choix ne fait pas obstacle à la création d’un système mixte, combinant
répartition et capitalisation ». Dans le système actuel, la capitalisation
existe, tant dans le public que dans le privé, avec Préfon ou AGIRC-ARRCO, mais
il faut rappeler l’essence du projet de loi : nous voulons réaffirmer le
principe d’un système par répartition, qui s’appliquera à 99 % des assurés
et à 96 % des revenus. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes
MODEM et LaREM.)
Nous ne pouvons évidemment pas soutenir un tel
amendement, et réaffirmons le principe d’un système solidaire par répartition,
qui existe dans notre pays depuis la mise en œuvre du programme du Conseil
national de la Résistance. Il est inutile de créer de la confusion, et, si
certains de nos concitoyens le souhaitent, ils sont libres de recourir à ce type
de produits financiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM,
ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à Mme Sophie Auconie.
Mme Sophie
Auconie. Monsieur le rapporteur, permettez-moi de saluer la qualité
de chacune de vos interventions. (Applaudissements sur plusieurs bancs des
groupes UDI-AGIR, LaREM et MODEM.) Vous avez beaucoup travaillé vos
dossiers, dont vous parlez avec beaucoup d’énergie et d’engagement. Nous ne
sommes pas toujours d’accord avec vos propos, mais j’apprécie énormément la
façon argumentée avec laquelle vous nous répondez. Et je ne parlerai pas ici de
votre patience.
M. Bruno
Millienne. Il en faut dans ce débat !
Mme Sophie
Auconie. Comme vous, je suis profondément européenne et je regarde ce
qui se fait dans les autres États membres de l’Union européenne, en Suède, en
Allemagne ou au Royaume-Uni, mais également dans d’autres pays, comme les
États-Unis et le Japon : la capitalisation allège le poids financier,
toujours plus lourd, qui pèse sur les actifs et bonifie les pensions de
retraite, tout en répondant aux besoins de l’économie en épargne longue. Les
systèmes par répartition et par capitalisation ne s’opposent pas, et leur
association nourrirait la croissance. Une telle mesure mérite d’être regardée.
Je vous remercie pour le débat que nous aurons plus tard sur ce sujet.
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Notre collègue a éclairé le débat, ce qui a mis la
majorité en grande difficulté.
M. Jacques
Maire. Pas du tout !
M.
Sébastien Jumel. Les membres de la majorité se sont évertués pendant
plus d’une heure à nous dire que le texte ne touchait pas au système par
répartition, que 230 milliards d’euros d’épargne retraite était un montant
déjà élevé et que le ministre de l’économie et des finances, Bruno
Le Maire, avait eu tort de dire qu’il fallait la déverrouiller. Mais, à la
faveur de cet amendement, d’inspiration européenne et même états-unienne, le
rapporteur, tout en refusant son adoption, affirme que le système ira dans ce
sens et le secrétaire d’État reconnaît qu’il n’y a pas de tabou. Il dit en creux
que la majorité étant « dans la merde » (Exclamations sur les bancs
du groupe LaREM.),…
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Vous êtes vulgaire !
M.
Sébastien Jumel. …tout le monde étant opposé à son projet, il est
impossible de faire figurer la capitalisation dans le texte. Il s’agit d’un
amendement de révélation. (Exclamations sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. Laissez M. Jumel poursuivre et conclure !
M.
Sébastien Jumel. À ce moment du débat, je tiens à souligner la patience
et la disponibilité du rapporteur du titre Ier du projet de loi,
notre collègue Turquois, et à rendre un hommage appuyé aux autres
rapporteurs, qui ne connaîtront vraisemblablement pas leur jour de gloire, car
j’ai bien peur que nous n’examinions pas les autres titres du
texte.(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Gilles
Le Gendre. Ce serait à cause de l’obstruction !
M.
Sébastien Jumel. Mes respects, chers collègues !
M. le
président. Vous avez toujours été bon camarade,
monsieur Jumel.
La parole est à M. Vincent Thiébaut.
M. Vincent
Thiébaut. Cela fait quelques heures que nous revenons régulièrement sur
le sujet du plafond de 120 000 euros. De qui parle-t-on ? De
1 % des Français !
M. Dino
Cinieri et M. Nicolas Dupont-Aignan. Et alors ?
M. Vincent
Thiébaut. Chers collègues, je vous écoute depuis cinq jours et vous
demande de m’écouter à votre tour, d’autant que je ne prends pas souvent la
parole.
Jusqu’à 120 000 euros, on cotisera à hauteur de
28 % ; au-delà de ce montant de revenu, une cotisation supplémentaire
de 2,83 % s’appliquera, mais elle ne créera aucun droit.
M. Frédéric
Petit. Mais si !
M. Vincent
Thiébaut. Non ! Il s’agit d’une cotisation de solidarité. (Rires et
exclamations sur divers bancs.)
M.
Sébastien Jumel. Suspension de séance ! (Sourires.)
M. le
président. Monsieur Petit, ne déstabilisez pas
M. Thiébaut ! Vous seul avez la parole, monsieur Thiébaut.
M. Vincent
Thiébaut. Ainsi, à concurrence de 120 000 euros, j’ai des
droits à la retraite. Au-delà, je paie une cotisation de solidarité, dont le
montant correspond à 2,83 % de mes revenus, et qui n’ouvre aucun
droit.
Comme l’un d’entre nous l’a très bien dit cet après-midi, ces gens
sont ceux dont l’espérance de vie est la plus élevée. Si nous déplafonnions la
cotisation ouvrant des droits à la retraite, son financement pèserait lourdement
sur le budget de la future Caisse nationale de retraite universelle.
Ce
plafonnement garantit la solidarité, ainsi que la bonne répartition de l’effort
budgétaire sur l’ensemble des Français. À défaut, ce sont les 1 % de
Français les plus riches qui pèseront le plus lourd dans le budget des
retraites, étant donné qu’ils vivent très longtemps, avec des niveaux de pension
très élevés.
S’agissant de la retraite par capitalisation, il faut
revenir à la réalité : le plan d’épargne retraite populaire – PERP – existe
depuis 2003 !
Un député du groupe
LaREM. Exactement !
M. Vincent
Thiébaut. Il cible en priorité cette catégorie de retraités, qui
recourent aux placements financiers depuis bien plus longtemps encore et ne vous
ont pas attendu pour recourir à la capitalisation, chers collègues !
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. J’aimerais aborder le problème avec plus de précision que notre
collègue Thiébaut. La cotisation retraite se décompose en deux parties :
une part contributive, qui crée des droits à la retraite, et une part non
contributive, versée par tous, et pas seulement par les hyper-riches.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Exactement !
M. Boris
Vallaud. La différence, c’est que son taux s’élevait, au-delà de
120 000 euros de revenus, à un peu plus de 26 %. Or vous le
ramenez à 2,81 %, monsieur le secrétaire d’État. Autrement dit, vous rendez
aux 1 % de Français les plus riches 4 milliards d’euros de
cotisations.
Plusieurs députés du groupe
LaREM. C’est faux !
M. Jacques
Maire. Cela équivaut à 4 millions de points de retraite !
M. Boris
Vallaud. Dès lors que nous sommes dans un système par répartition, qui
paiera la différence pour les retraités d’aujourd’hui ? Les 99 %
restants de la population. Voilà exactement ce qui se passera !
M.
Sébastien Jumel. Eh oui !
M. Boris
Vallaud. Par ailleurs, il faut conserver à l’esprit le fait que la part
non contributive, dans le nouveau système, pèsera plus lourd pour les
indépendants, dont la cotisation retraite comporte une part contributive plus
importante que celle des autres. Cela signifie que le rendement de celle-ci ne
sera pas le même pour les salariés et pour les non salariés.
J’ai
interrogé M. le secrétaire d’État à plusieurs reprises, afin de savoir quel
sera son taux de rendement réel, pour les salariés et pour les indépendants, par
tranche de revenus. Je n’ai pas obtenu de réponse. Telle est objectivement la
réalité du cadeau que vous offrez aux 1 % de Français les plus
riches ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Revenons à la question de la retraite par capitalisation,
au sujet de laquelle j’aimerais formuler deux remarques.
Premièrement, la
question n’est pas de savoir s’il existe des systèmes de capitalisation dans
notre pays, mais de savoir si la baisse des pensions de retraite, que vous
organisez par le biais de cette réforme, monsieur le secrétaire d’État,
n’incitera pas les Français, qui savent bien que leurs pensions diminueront si
par malheur cette réforme était adoptée, à souscrire à de nouveaux plans de
capitalisation.
Qu’il existe des fonds de capitalisation ne me gêne en
rien, si l’on assure une retraite digne à nos retraités par le biais de la
répartition. En l’espèce, vous affaiblissez le système par répartition, pour
vous exclamer par la suite : « Tiens ! C’est curieux : les
plans d’épargne retraite se développent ! ».
Deuxième
point : vous y allez fort pour les plus hauts revenus ! Après le
chèque de 5 milliards qu’a été la suppression de l’impôt sur la fortune,
voici un chèque de 4 milliards pour les 1 % les plus riches de
France ! C’est ahurissant ! De surcroît, vous aggraverez le déficit
des retraites d’environ 70 milliards d’euros, alors même que vous prédisez
à grands cris qu’il risque d’atteindre 100 milliards d’euros.
Après
avoir été interrogé une quinzaine de fois à ce sujet hier et avant-hier, M. le
rapporteur a indiqué qu’il s’agirait d’un système par transition. Cela signifie
que vous reconnaissez l’existence d’un problème majeur de financement, chers
collègues de la majorité ! Ainsi, vous créez du déficit tout en déplorant
qu’il existe, pour amener les plus riches de France, qui sont un beau marché,
vers vos amis assureurs et réassureurs, tels BlackRock, dont les dirigeants ont
leurs entrées à l’Élysée.
M. Stéphane
Peu. Évidemment !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. On sait qui a soutenu le Président de la République, et à
qui celui-ci rend la monnaie de sa pièce.
M. Jacques
Cattin. C’est vrai !
M. le
président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. S’agissant de la politique visant à encourager la natalité, que
nous avons évoquée tout à l’heure, et en faveur de laquelle Nathalie Elimas
s’est livrée ce matin à un véritable plaidoyer, elle est une composante de la
compétitivité de l’économie française. Nous avons la chance d’être le pays
d’Europe dont le taux de fécondité est le plus élevé.
Toutefois, celui-ci
est sur le point de passer sous la barre de deux enfants par femme. Il n’est
donc pas anormal, si l’on veut consolider la retraite par répartition, d’assurer
une reconnaissance aux femmes partant en retraite.
C’est pourquoi il
existe des bonifications, que nous aborderons un peu plus tard, lors de l’examen
des articles afférents. Toutefois, il est normal que nous en débattions dès
l’examen de l’article 1er, car nous ne sommes pas tout à fait
certains d’aller au bout du chemin.
Quant au financement de la retraite,
par répartition ou par capitalisation, nous devons cesser d’avoir des débats de
faux-nez ! Comme le rappelait tout à l’heure notre collègue Thiébaut, le
PERP existe depuis 2003. Quant à la Préfon, …
M. Rodrigue
Kokouendo. Gérée par FO !
M. Philippe
Vigier. … elle a vu le jour au lendemain de la guerre. Il ne s’agit donc
pas d’un gros mot. De même, le plan d’épargne retraite prévu à l’article 82
du code général des impôts – à l’article 83 depuis 2003 – et le contrat
Madelin existent depuis longtemps.
Ce qui importe, c’est que vous
éclairiez la représentation nationale sur certains principes prévus à
l’article 1er du présent texte de loi, monsieur le secrétaire
d’État, s’agissant notamment de la mention d’une retraite digne, dont le montant
n’est pas précisé. Il me paraît important de préciser, dans le cadre d’une
retraite par répartition, ce que signifie une retraite digne. Cela permettrait,
me semble-t-il, de lever certains obstacles de compréhension.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’indique au président Vigier
que les dispositifs de retraite par capitalisation qu’il a cités sont
facultatifs. Notre projet de loi prévoit un système obligatoire, qui est
universel, solidaire, par répartition et par points.
Je confirme donc ce
que j’ai déjà eu l’occasion de vous indiquer, monsieur Vigier : il existe
des dispositifs de retraite par capitalisation, qui sont facultatifs, et
s’inscrivent dans un autre cadre que celui formé par notre socle
intergénérationnel, que nous voulons défendre et préserver dans le cadre du
présent projet de loi.
(L’amendement no 9657 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Sur les sous-amendements
nos 41932, 41935 et 41937 à l’amendement
no 23851, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisi d’un amendement
no 23851 qui fait l’objet de plusieurs
sous-amendements.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir
l’amendement.
Mme Valérie
Rabault. L’article 1er énonce les principes sur lesquels
le Gouvernement entend fonder la réforme des retraites. Notre collègue Juanico
propose d’en ajouter un, inspiré de l’alinéa 11 du Préambule de la
Constitution de 1946 et que nous proposons donc de formuler ainsi :
« La Nation garantit aux retraités la protection de la santé, la sécurité
matérielle, le repos et les loisirs ».
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir le
sous-amendement no 41932.
M. Stéphane
Peu. Non seulement nous soutenons cet amendement, mais nous souhaitons
en renforcer la portée en lui donnant un caractère solennel.
Le Conseil
d’État, dans son avis sur le projet de loi, que chacun ici a lu, déplore les
conditions dans lesquelles le Gouvernement l’a saisi, précisant que cette
« situation [est] d’autant plus regrettable » que les deux projets de
loi procèdent à une réforme du système de retraite « inédite depuis 1945 et
destinée à transformer pour les décennies à venir […] l’une des composantes
majeures du contrat social ».
Dès lors que sommes confrontés à une
offensive si forte, visant à remettre en cause notre contrat social, faire
référence au Préambule de la Constitution de 1946, qui demeure jusqu’à preuve du
contraire une composante de la Constitution commune et l’un des fondements de
notre République, me semble bienvenu, et doit même présenter un caractère
solennel. Tel est l’objet du présent sous-amendement.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 41935.
M. Pierre
Dharréville. La première chose qui me vient à l’esprit, en lisant
l’amendement, est le regret de constater que l’âge de départ à la retraite
effectif augmentera au fur et à mesure que le temps passera et que la réforme
proposée s’appliquera. Il nous semble que la Nation doit garantir aux retraités
la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs,
autrement dit le droit d’être libéré du travail prescrit.
Il y a là, me
semble-t-il, une dimension fondamentale du droit à la retraite. Lors des débats
que nous avons eus en commission, nous avons évoqué cette question. Certains
disaient en substance : « Mais enfin ! La plupart des gens de
notre entourage veulent continuer à travailler après avoir atteint l’âge du
départ à la retraite ! ».
Nous considérons que la retraite est
une forme de libération, ce qui ne signifie pas que le travail n’est pas un
facteur d’émancipation. Nous pensons que la retraite correspond à un âge auquel
on est libéré du travail prescrit, ce qui permet de se livrer à des activités
choisies. Cela ne signifie pas qu’on ne travaille plus une fois à la retraite,
mais que l’on travaille sous d’autres formes, qui me semblent très utiles à la
société.
M. le
président. La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir le
sous-amendement no 41937.
M. Hubert
Wulfranc. J’abonderai en quelques mots dans le sens de l’amendement
déposé par notre collègue Juanico. Nous parlons ici de santé et de sécurité,
donc de sérénité de la fin de vie, que l’on passe en retraite.
Il nous
semble essentiel de sanctuariser, dans le texte de loi, les garanties
fondamentales que la Nation doit assurer aux retraités. Il ne s’agit pas là de
questions superflues, voire superfétatoires, mais bien d’un engagement national
auprès des travailleurs devenus retraités.
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42132.
Mme
Caroline Fiat. Par ce sous-amendement, nous proposons, à l’alinéa 2, de
substituer aux mots « la sécurité matérielle » les mots « un
niveau de vie décent ». Nous souhaitons renforcer l’amendement, et
souligner par là même le caractère profondément inégalitaire de la réforme, qui
appauvrira les populations les plus fragiles – comme toutes celles que vous
inventez depuis deux ans et demi, chers collègues de la
majorité.
Monsieur le secrétaire d’État, lors de la première question au
Gouvernement à laquelle vous avez répondu, vous aviez dit un peu maladroitement
que ceux qui n’ont pas réussi, …
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je n’ai rien dit de
tel !
Mme
Caroline Fiat. … ceux dont la carrière n’a pas été ascendante, seraient
gagnants dans le nouveau système. Mais que signifie réussir ? Que signifie
avoir une carrière ascendante ? Je suis moi-même aide-soignante. Hormis
devenir infirmière, ce dont je n’ai pas envie, que signifie pour moi avoir une
carrière ascendante ?
Comme dans d’autres métiers, nous commençons
notre carrière comme aide-soignant et nous la terminons comme aide-soignant, car
nous aimons notre métier. Cela ne signifie pas que nous n’avons pas réussi, bien
au contraire : faire une carrière d’aide-soignant est une très grande
réussite – à moins que vous ne pensiez, comme Mme Muriel Pénicaud, qu’une
aide-soignante pourra dorénavant devenir ébéniste. Le professeur de technologie
que j’avais au collège, croisé récemment, m’a bien conseillé de ne jamais tenir
de ciseau à bois, ce qui est d’après lui une très mauvaise idée.
Quant à
l’infirmière que vous avez évoquée en réponse à notre collègue Laurence Dumont
tout à l’heure, je vous ai trouvé taquin de faire référence au salaire qu’elle
gagnera en 2050. Je m’abstiendrai de vous donner des conseils, car cela pourrait
être très mal pris, et me contenterai de rappeler que le gel du point d’indice
dure depuis une décennie et qu’il a été maintenu par le Gouvernement.
À
moins de le dégeler rapidement, l’infirmière précitée ne gagnera jamais le
salaire que vous annoncez. Il faut vite appeler M. le ministre Véran pour
le dégeler dès ce soir, sinon cela ne fonctionnera pas !
(Mme Mathilde Panot et M. Pierre
Dharréville applaudissent.)
M. le
président. Sur le sous-amendement no 42380, je suis
saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour le soutenir.
M. Dino
Cinieri. Il vise à compléter l’excellent amendement de notre collègue
Juanico. Tandis que nos concitoyens des territoires ruraux connaissent des
difficultés pour se soigner, en raison de la progression des déserts médicaux,
il semble important de rappeler que l’accès aux soins doit être garanti aux
retraités.
En conséquence, nous proposons, à l’alinéa 2, de substituer
aux mots « la protection de » les mots « l’accès à ». Je
m’associe à l’amendement déposé par mon collègue du Forez !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement
no 23851, ainsi que sur les sous-amendements dont il fait
l’objet ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je ne peux que partager, du moins sur le
fond, les intentions exprimées par les membres du groupe Socialistes et
apparentés.
Pour autant, votre amendement reprend un alinéa du Préambule
de la Constitution de 1946. Je vous invite, pendant les longues heures de
débats, à relire la Constitution de 1958, qui, dans son préambule, fait
référence à celui de la Constitution de 1946. Ledit préambule fait ainsi partie
intégrante du bloc de constitutionnalité.
Votre amendement est donc
satisfait. L’inscription de certains principes dans la loi aurait pour effet
d’affaiblir la portée de ceux-ci. Avis défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Avis défavorable.
Je
remercie Mme Fiat de l’attention qu’elle porte à mes réponses aux questions au
Gouvernement, en l’invitant néanmoins à prêter la même attention à leur teneur.
Je ne considère pas que la réussite dans la vie se mesure à la capacité à
changer de métier. Le fait d’exercer le même métier tout au long de sa carrière,
si on le souhaite, peut procurer de nombreuses satisfactions.
Ce qui est
certain, en revanche, c’est que le système de retraite actuel favorise les
travailleurs aux carrières ascendantes et pénalise ceux dont les carrières sont
plates.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Je suis gêné car cet amendement se borne, selon moi, à
reprendre les dispositions de l’article L. 111-2-1 du code de la
sécurité sociale, en vertu desquelles : « La Nation affirme son
attachement au caractère universel, obligatoire et solidaire de la prise en
charge des frais de santé assurée par la sécurité sociale ». Certes, il
manque la référence au repos et aux loisirs, mais votre amendement me semble
satisfait.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Cet amendement a le mérite de revenir aux réalités. Je le
répète, j’ai le sentiment que notre assemblée est un peu hors
sol.
Peut-être est-ce dû à mon caractère opiniâtre ou casse-pieds, mais
je veux rappeler que ce n’est pas un hasard si seulement 30 % des personnes
âgées de 60 à 64 ans sont en activité. Évidemment, la crise économique et
la difficulté à trouver un emploi sont en cause, mais ce chiffre s’explique plus
sûrement par l’espérance de vie en bonne santé ; celle-ci est de
63,4 ans pour les hommes – 60 ans pour un ouvrier – et 64,5 ans
pour les femmes. La collectivité nationale a-t-elle pour seul objectif de
conduire les Français à la retraite lorsqu’ils seront malades ? Je suis un
peu provocateur, mais votre réforme marque une régression incroyable par rapport
au Préambule de la Constitution de 1946, rédigée par nos prédécesseurs il y a
soixante-quinze ans.
Compte tenu de la richesse collective forte de la
France, sommes-nous contraints de nous aligner sur des politiques qui ont échoué
ailleurs ? L’étude d’impact montre que les orientations de la politique
européenne sont votre seule référence. Vous cédez à cette manie de vouloir
imiter l’Allemagne et les autres pays.
Alors, allons en Allemagne voir ce
qu’il en est pour les retraités – le désastre ! –, allons en Suède où des
manifestations de retraités ont lieu tous les jours depuis l’instauration du
système à points. Est-ce ce que nous voulons collectivement ? Est-ce ce que
nous préparons aux jeunes générations qui travaillent ?
Nous pouvons
faire mieux. Je n’approuve pas le projet de retraite à 60 ans pour tous,
car c’est impossible à financer. En revanche, je propose de fixer l’âge de la
retraite à 60 ans pour les métiers pénibles. Nous nous honorerions à consacrer
14 % du PIB aux retraités, sachant que nous devrons ensuite relever le défi
de la dépendance. À cet égard, nous aurons besoin des 24 milliards d’euros
que l’extinction de la CADES – Caisse d’amortissement de la dette sociale
– libérera en 2024. Cette manne sera bien utile pour aider nos retraités à faire
face à la dépendance.
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme
Mathilde Panot. De nombreux collègues soulignent l’existence en France
de la capitalisation au travers des régimes AGIRC et ARRCO.
Mme Cendra
Motin. Cela n’a rien à voir avec la capitalisation !
Mme
Mathilde Panot. C’est un très mauvais exemple, car la valeur de la
pension moyenne dans le régime de l’AGIRC a diminué de 16,4 % entre 2006 et
2016. Vous êtes incapables de citer un seul pays ayant réussi à instaurer la
retraite à points sans recourir à la capitalisation et sans aboutir à un
doublement, voire un triplement du nombre de retraités pauvres.
Vous ne
vous en cachez pas, puisque vous avez décoré de la Légion d’honneur le patron
français de BlackRock. (Vives exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Jacques
Marilossian. C’est faux !
M. Nicolas
Dupont-Aignan. C’est un symbole !
Mme
Mathilde Panot. Ce serait plutôt à BlackRock de vous remercier pour le
cadeau que vous leur faites. (Mêmes mouvements.)
Je ne sais pas pourquoi vous vous excitez à ce point : ce fait
est parfaitement connu.
M. Jacques
Marilossian. C’est faux !
Mme
Mathilde Panot. Vous n’avez pas donné la Légion d’honneur au patron de
BlackRock ?
M. Jacques
Marilossian. Il l’a reçue en 2006 !
Mme
Mathilde Panot. Ce n’est pas faux ! Arrêtez de dire n’importe
quoi !
Une de nos collègues a parlé de liberté et fait valoir que
les Français auraient la liberté de faire appel à la capitalisation. Mais
qu’est-ce que la liberté lorsqu’il n’y a plus de pension digne ? La liberté
d’aller aux Restos du cœur ? La liberté de continuer à travailler
jusqu’à 76 ans dans des boulots de merde ? (Exclamations sur les
bancs du groupe LaREM) Quelle est cette liberté ?
C’est
peut-être la liberté de rester chez ses enfants lorsqu’on n’a plus assez
d’argent ni d’autonomie pour pouvoir vivre seul ?
Non, ce n’est pas
une liberté ! Vous auriez bien d’autres moyens de faire entrer de l’argent
dans les caisses de retraite – une augmentation des salaires de 1 % leur
apporterait 2,5 milliards d’euros et la création de 100 000 emplois,
1,3 milliard. (Mme Caroline Fiat applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Nos collègues ont raison de rappeler que partout où la
retraite par points a été instaurée, elle a causé des dégâts considérables. Je
l’ai dit, les Allemands ont été contraints d’organiser une réunion de crise pour
en examiner les conséquences, en particulier l’aggravation de la
pauvreté.
L’argumentation juridique du rapporteur est solide, mais
l’amendement n’en est pas redondant pour autant. J’ai le souvenir d’un
rapporteur général devenu ministre il y a quelques jours – il n’a d’ailleurs pas
paru au banc depuis sa nomination – qui envisageait, lors de la réforme
constitutionnelle, de supprimer l’expression « sécurité sociale » de
la Constitution…
M. Laurent
Saint-Martin. C’est faux !
M.
Sébastien Jumel. …pour lui substituer celle de « protection
sociale », qui n’a évidemment pas la même signification ni la même
portée.
La référence au Préambule de la Constitution de 1946, pour en
réaffirmer les principes fondamentaux, est un moyen de nous prémunir contre un
ministre qui rêve de débarrasser notre texte fondamental de la sécurité
qu’Ambroise Croizat a décidé de graver dans le sang et les larmes de la
Libération.
L’amendement n’est donc pas aussi superfétatoire qu’il y
paraît.
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Nul ne disconvient du fait que les dispositions reprises par
l’amendement font partie du bloc de constitutionnalité. Nous proposons
d’affirmer à l’article 1er des objectifs à valeur constitutionnelle.
Cela ne contreviendrait pas à la hiérarchie des normes et n’affaiblirait pas la
portée de ces objectifs. En revanche, cela conférerait une solennité aux
exigences qui s’imposent à nous depuis 1946 et dont le respect nous paraît, à
certains égards, menacé par les autres dispositions du texte. Ainsi, la sécurité
due aux vieux travailleurs suscite des inquiétudes.
Le Président Emmanuel
Macron disait, à juste titre, que ce serait pure hypocrisie que de repousser
l’âge de départ effectif à la retraite tant que la bataille de l’emploi des
seniors n’aurait pas été gagnée. Que je sache, vous n’avez pas gagné cette
bataille.
Mme Cendra
Motin. Vous ne l’avez pas menée, c’est encore mieux !
Mme
Caroline Fiat. Qui était ministre de l’économie à l’époque, chère
collègue ?
M. Boris
Vallaud. Pour surmonter cette hypocrisie, nous proposons d’inscrire dans
la maison commune certaines exigences.
M. le
président. La parole est à M. Laurent Saint-Martin.
M. Laurent
Saint-Martin. Je ne veux pas laisser diffuser une petite musique selon
laquelle le ministre de la santé et des solidarités voulait, dans ses fonctions
précédentes, supprimer l’expression « sécurité sociale » de la
Constitution. Je souhaite donc rétablir la vérité – c’est important car les
Français nous regardent.
Lors de la révision constitutionnelle, une
proposition prévoyait d’élargir le champ de la loi de financement de la sécurité
sociale en remplaçant huit occurrences sur neuf des termes :
« sécurité sociale » par ceux de « protection sociale », et
ce pour une raison simple : pour que les questions liées à la dépendance,
qui sont majeures, soient traitées dans le cadre de la loi de financement de la
sécurité sociale.
On ne ment pas ! On ne fait pas croire que
l’ancien rapporteur général veut supprimer les termes de « sécurité
sociale » ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM
et MODEM. – M. Paul Christophe applaudit aussi.)
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au
règlement.
M.
Sébastien Jumel. Mon rappel au règlement se fonde sur
l’article 100, alinéa 5.
M. le
président. Heureusement qu’il existe ! (Sourires)
M.
Sébastien Jumel. Personne ne ment ici lorsqu’il rappelle qu’en pleine
affaire Benalla, le projet de réforme avorté de la Constitution comportait un
amendement de M. Véran visant à substituer aux mots : « sécurité
sociale » les mots : « protection sociale ».
Dans l’esprit d’Ambroise Croizat, la sécurité sociale intégrait
les problématiques de vieillissement.
M. Paul
Christophe. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M.
Sébastien Jumel. Évoquer cela, ce n’est pas mentir, c’est rappeler une
vérité. Cette idée avait d’ailleurs suscité une polémique très importante en
commission, qui avait conduit M. Véran à reculer.
Article 1er (suite)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41932.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 95
Nombre
de suffrages
exprimés 85
Majorité
absolue 43
Pour
l’adoption 14
Contre 71
(Le sous-amendement no 41932 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41935.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 95
Nombre
de suffrages
exprimés 85
Majorité
absolue 43
Pour
l’adoption 14
Contre 71
(Le sous-amendement no 41935 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 41937.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 95
Nombre
de suffrages
exprimés 84
Majorité
absolue 43
Pour
l’adoption 14
Contre 70
(Le sous-amendement no 41937 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42132 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42380.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 93
Nombre
de suffrages
exprimés 87
Majorité
absolue 44
Pour
l’adoption 18
Contre 69
(Le sous-amendement no 42380 n’est pas
adopté.)
(L’amendement no 23851 n’est pas
adopté.)
M. le
président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir
l’amendement no 2542.
Mme Valérie
Rabault. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 4 à 11 de
l’article 1er, non parce que nous les désapprouvons mais parce que
les autres dispositions du texte ne sont pas cohérentes avec les objectifs
proposés dans ces alinéas.
Je prends l’exemple de l’alinéa 8, qui
prévoit « un objectif de liberté de choix pour les assurés, leur
permettant, sous réserve d’un âge minimum, de décider de leur date de départ à
la retraite en fonction du montant de leur retraite ». Quelle belle
hypocrisie !
Dès lors qu’un âge d’équilibre est fixé, le choix que
vous offrez aux assurés lorsqu’ils atteignent l’âge légal de départ à la
retraite se résume soit à une pension amputée de 5 ou 10 % de son montant,
soit à travailler un ou deux ans de plus. Cela ne s’appelle pas la liberté. On
pourrait faire une dissertation philosophique sur ce sujet.
La liberté de
choix que vous prétendez offrir ne s’accorde donc pas avec les dispositions que
vous proposez par ailleurs.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je rappelle que tout texte de loi est
généralement constitué, en préambule, d’un article 1er énonçant
ses objectifs. Je comprends que vous ne partagiez pas les outils mis au service
de ces objectifs, mais, en l’espèce, vous proposez de supprimer l’objectif
d’équité, afin d’essayer d’apporter des solutions plus équitables pour les
assurés en matière de retraites et, notamment, de cotisations. Vous cherchez à
supprimer l’objectif de solidarité, lequel comprend la réduction des écarts de
retraite entre les femmes et les hommes, ainsi que la prise en considération des
périodes d’interruption et de réduction d’activité. Vous tendez également à
supprimer l’objectif de garantie d’un niveau de vie satisfaisant, qui avait été
intégré au projet de loi de Marisol Touraine sur les retraites. Vous voulez
supprimer l’objectif de liberté de choix pour les assurés, laquelle se trouve
certes sous la contrainte de l’âge légal et de l’âge d’équilibre.
Mme Valérie
Rabault. Sous contrainte !
M.
Sébastien Jumel. Voilà qui est intéressant !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Vous souhaitez supprimer aussi l’objectif
de soutenabilité économique, alors que la garantie la plus forte que nous
pouvons donner à nos concitoyens – les cotisants actuels et notamment les
plus jeunes d’entre eux – afin qu’ils puissent bénéficier d’une retraite
est l’équilibrage du système à l’avenir. Vous désirez enfin supprimer l’objectif
de lisibilité des droits, alors que – je le dis et le redirai à
nouveau – le système actuel, qui s’appuie sur quarante-deux régimes avec
des modes de calcul différents en fonction des points, des trimestres et des
valeurs portés au compte, est absolument illisible pour nos concitoyens. L’avis
est donc défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Sur le fond, j’aurai un avis
proche de celui de M. le rapporteur. En relisant votre amendement, madame
la présidente Rabault, je comprends qu’il vise à reprendre le préambule de la
Constitution de 1946. Or, au regard des dispositions de jurisprudence, j’estime
que ce serait affaiblir ce principe de valeur constitutionnelle que de le
réinscrire dans la loi. C’est pour cette raison que je donne un avis
défavorable.
M.
Dominique Potier. Il s’agissait de l’amendement précédent.
M. le
président. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence
Dumont. Sauf erreur de ma part, monsieur le secrétaire d’État, je pense
que vous avez confondu cet amendement avec le précédent, mais l’erreur est
humaine.
Pour revenir à ce présent amendement, cela fait des jours et des
jours qu’on s’époumone pour essayer de démontrer combien cette prétendue réforme
est injuste. Pourtant, à l’extérieur, tout le monde l’a bien compris. Vous ne
cessez de nous dire : « Débattons, débattons ! », mais, à
l’extérieur, ils entendent : « Des bâtons, des bâtons ! »
Les objectifs énoncés à l’article 1er, où sont formulés les
principes – équité, solidarité, garantie d’un niveau de vie satisfaisant,
liberté de choix, équilibre financier, lisibilité des droits – ne pourront
être atteints, comme le prouvent les articles suivants. Ainsi, puisqu’il existe
une contradiction flagrante entre ces objectifs et la suite du texte, nous vous
proposons de les supprimer.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Ben voyons !
Mme Laurence
Dumont. Madame Rabault a évoqué l’objectif de la liberté de choix. Je
reprends pour ma part un exemple relatif à l’équité, avec, à nouveau, le cas
d’un ouvrier qui commencerait à travailler à 20 ans et qui cotiserait
pendant quarante-trois ans. Je répète qu’il pourra accéder à une retraite à taux
plein à 63 ans, soit un an de plus que l’âge légal, mais deux ans de moins
que l’âge d’équilibre. Aussi aura-t-il un malus de 10 % sur sa pension, à
vie.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Terrible !
Mme Laurence
Dumont. À l’inverse, un cadre, qui commencerait à travailler à
24 ans, parce qu’il a fait des études, cotiserait toujours quarante-trois
ans, soit la même durée que l’ouvrier, mais accéderait, lui, à la retraite à
67 ans, c’est-à-dire deux ans de plus que l’âge d’équilibre, percevant
ainsi 10 % de bonus toute sa vie. N’appelez donc pas cela de
l’équité !
Voilà pourquoi nous vous proposons de supprimer les
objectifs affichés, qui ne pourront être atteints avec les articles suivants du
projet de loi.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Vous affichez, à l’article 1er, divers
objectifs qui peuvent, de prime abord, paraître désirables, mais qui, en
réalité, pour une partie d’entre eux, ne le sont pas nécessairement. Si vous me
le permettez, je les décortiquerai un par un.
Le premier est l’objectif
d’équité, afin de « garantir aux assurés que chaque euro cotisé ouvre les
mêmes droits ». J’ai déjà critiqué cette formule, car, derrière une
apparence assez généreuse, elle revient au chacun pour soi.
Vient ensuite
un objectif de solidarité, « au sein de chaque génération, notamment par la
résorption des écarts de retraite entre les femmes et les hommes ». Nous
avons pu démontrer, dans la première partie de nos débats, que cela ne
correspondait pas à la réalité.
Troisièmement : un objectif de
garantie d’un niveau de vie satisfaisant aux retraités. Pour ma part, je ne sais
pas comment se traduira, dans la loi, un « niveau de vie
satisfaisant ». Qu’entendez-vous par là exactement ? Vous engagez-vous
sur un taux de remplacement ? Pas le moins du monde ! Ainsi, votre
niveau de vie satisfaisant, c’est en quelque sorte une guirlande décorative,
mais qui n’a aucune incidence réelle.
L’objectif suivant est celui de la
liberté de choix : M. le rapporteur vient d’avouer que cette liberté
était sous contrainte. Cela veut tout dire et il s’agit effectivement de pousser
les assurés à travailler plus longtemps, et donc à réduire leur
pension.
Cinquième objectif : la soutenabilité économique,
« garantie notamment par des cotisations et contributions équitablement
réparties entre les assurés ». Ce n’est pas le cas ! Nous venons de
voir qu’avec votre affaire des « 3 PASS-8 PASS », il existe
déjà une entorse à cet objectif.
Enfin, sixième objectif : la
lisibilité des droits. Celle-ci n’est pas au rendez-vous : c’est le flou le
plus complet et vous ne prenez aucun engagement en la matière.
Aucun
objectif ne tient la route dans ce que vous nous proposez. C’est pourquoi je
comprends que nos collègues socialistes aient souhaité vous rendre service en
supprimant ces objectifs qui ne correspondent pas à votre texte ; c’est du
tuning !
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. J’estime pour ma part qu’il serait préférable de conserver les
objectifs et que, si nous accomplissions un véritable travail parlementaire,
vous pourriez nous aider, lors de l’examen des articles concernés, à amender le
projet de loi pour les atteindre.
M.
Dominique Potier. Ça se discute !
M. Frédéric
Petit. Je souhaiterais également revenir sur le sujet des
120 000 euros et des 3 PASS. Prenons l’exemple de quelqu’un qui
gagne 180 000 euros : avec le système actuel, il cotise à hauteur
de 6 000 euros au régime général, et verse environ
32 000 euros au régime complémentaire – ces cotisations
correspondent aux tranches A et B.
M. Stéphane
Peu. Il n’y en a pas beaucoup, à Saint-Denis, des gars qui gagnent
180 000 euros !
M. Frédéric
Petit. Avec le nouveau système, cette personne paiera 28 % de
cotisations jusqu’à 120 000 euros, ce qui signifie que
34 000 euros reviendront au régime général, au lieu de
6 000 euros. Et, au nom de la solidarité, elle versera 2 000 ou
3 000 euros de plus. En définitive, il ne manquera quasiment rien en
cotisations. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M.
Sébastien Jumel. Il manquera 4 milliards d’euros !
(L’amendement no 2542 n’est pas
adopté.)
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir
l’amendement no 1642 et les seize amendements identiques déposés par
les membres du groupe La France insoumise.
Mme
Mathilde Panot. Je poursuivrai la discussion amorcée par nos collègues
socialistes. Nos amendements visent à supprimer l’alinéa 4 de
l’article 1er, lequel porte sur l’universalité du régime de
retraite que vous souhaitez instituer. Il s’agit en l’occurrence d’un élément de
langage qui s’estompe peu à peu, au fur et à mesure que nous examinons le projet
de loi.
En effet, sont d’ores et déjà exclus de ce régime
universel : les routiers, le personnel navigant aérien, certaines fonctions
régaliennes, sous réserve d’avoir effectué des missions d’une dangerosité
particulière – ce qui signifie que cela devrait concerner les policiers et
les pompiers professionnels –, les gardiens de prison, les douaniers, les
militaires et les gendarmes. Ainsi, l’argument de l’universalité est
complètement vide de sens. Si ce système était aussi merveilleux que vous le
prétendez, il ne serait pas nécessaire d’en exclure autant de
professions.
Ajoutons que ce système est d’autant moins universel qu’il
instaure également un régime spécial pour les riches, qui ne paieront presque
plus de cotisations au-delà de 120 000 euros de revenus.
Enfin,
s’il n’apparaît pas universel, c’est également parce que les femmes ont des
carrières plus hachées et, en moyenne, des salaires inférieurs de 25 % à
ceux des hommes. Déjà pénalisées dans le système actuel, elles le seront encore
plus avec celui que vous souhaitez instaurer. Un tiers des retraités cumulant
retraite et emploi sont des femmes, lesquelles ont des pensions inférieures
s’élevant en moyenne à 883 euros. Elles sont donc forcées – ou libres,
diraient certains et certaines – de faire des ménages, de l’aide à domicile
ou des services à la personne pour compléter leur retraite.
Ce système
n’a donc rien d’universel ; il fera travailler les assurés plus longtemps,
pour moins d’argent.
M. le
président. Sur les dix-sept amendements identiques nos 1642
et suivants, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de
scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements
identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je considère que les suppressions, alinéa
par alinéa, n’ont pas de sens démocratique par rapport au travail que nous
devons accomplir. Avis défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je vous prie de m’excuser,
madame la présidente Rabault : Mme Dumont a rectifié mon erreur, et je
vous remercie pour votre bienveillance.
S’agissant des amendements
identiques défendus par Mme Panot, si nous supprimons son quatrième alinéa,
l’article 1er ne veut plus rien dire. L’avis ne peut donc être
que défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Dominique Potier.
M.
Dominique Potier. Je soutiens ces amendements identiques, comme je
soutenais celui de Valérie Rabault : à quoi bon afficher des objectifs
quand on ne fournit pas la preuve que l’on disposera de moyens cohérents pour
leur réalisation ?
Je n’ai peut-être que peu d’expérience, mais je
dispose tout de même de celle de président d’une communauté de communes, dans le
cadre de laquelle j’ai instauré une taxe d’enlèvement des ordures ménagères
incitative – l’une des premières en France –, en application du
Grenelle de l’environnement et de la taxe générale sur les activités polluantes.
Nous n’avons pas affiché de grands objectifs tels que : « On va
réduire les déchets ; on va réduire les inégalités ». Nous avons
procédé à des simulations, foyer par foyer – en comptabilisant le nombre
d’enfants ou la présence des grands-parents –, par typologie, par type de
maison – location ou propriété. Et lorsque, après six mois de travail, nous
avons obtenu un bel arbre de simulations – et non pas procédé par
ordonnances ou produit une mauvaise étude d’impact –, nous avons fièrement
affiché nos objectifs : réduire les déchets, réduire les inégalités, ne pas
peser sur le niveau de vie de nos concitoyens. Nous avons réussi et nous vous
proposons de reprendre cette méthode : s’assurer de la réalité des moyens
et de leur adéquation avec les objectifs affichés, c’est-à-dire l’inverse de ce
qui est fait dans ce projet de loi.
S’agissant de l’universalité, je
souhaiterais également dire à notre collègue qu’elle ne peut être effective dans
le cas d’une politique qui ne s’applique pas au-delà de 120 000 euros
de revenus – même si j’ai entendu des arguments de la CFDT selon lesquels
cette politique serait arithmétiquement profitable. Je maintiens, comme le
disait le président de conseil départemental Michel Dinet, l’un de mes maîtres
en politique, qu’une politique qui va contre les moins riches devient, à terme,
une pauvre politique.
Nos politiques doivent être universelles, et c’est
la progressivité de la taxe qui doit permettre de compenser les inégalités
générées. Je milite pour une progressivité de la part de solidarité, voire des
cotisations elles-mêmes, qui pourraient passer de 25 à 30 %. Nous
disposerions dès lors, à rétribution égale, d’un véritable instrument de
réduction des inégalités et ne serions pas dans un affichage qui correspond,
comme le dit si bien notre collègue Dharréville, à du tuning.
M. le
président. La parole est à M. Gabriel Serville.
M. Gabriel
Serville. Après une semaine passée dans l’hémicycle, je repartirai
demain matin à Cayenne. Je parcourrai mes 7 000 kilomètres
hebdomadaires avec un goût amer et le sentiment d’un travail totalement
inachevé. J’ai pourtant évité de regarder le doigt du savant lorsqu’il montrait
la lune, car je considérais que, n’étant pas un spécialiste de la question, il
était impératif que je sois à l’écoute pour tenter de comprendre les tenants et
aboutissants de ce dossier. J’ai entendu beaucoup de contradictions et
d’analyses sur un sujet complexe qui, de toute évidence, a été extrêmement mal
préparé. Je me suis référé aux avis du Conseil d’État et des organisations
syndicales, j’ai entendu les personnels d’éducation, les avocats, les paysans,
et un petit peu tout le monde. Aujourd’hui, j’ai également entendu l’avis
formulé par la présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les
hommes, qui a fait part de son inquiétude s’agissant du contenu de ce texte.
Tout cela m’incite donc à penser qu’en réalité, comme l’ont dit de nombreux
collègues avant moi, ce projet suscite une belle et parfaite unanimité contre
lui.
Ce soir, je me suis fait effectivement une idée plus précise du
projet, et je puis affirmer qu’il n’est ni universel, ni équitable,…
Mme
Mathilde Panot. Exactement !
M. Gabriel
Serville. …ni juste, ni solidaire, ni sincère.
À titre
d’illustration, je vous invite à analyser la manière dont les Français des
outre-mer sont traités dans le projet de loi. Ils en sont quasi absents, à telle
enseigne que la délégation aux outre-mer a mis en place une mission flash, dont
les travaux ont débouché sur la création d’un comité de suivi et de négociation.
Celui-ci devra comprendre en son sein, bien évidemment, les parlementaires des
outre-mer…
M. le
président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Gabriel
Serville. C’est la première fois que je prends la parole depuis jeudi,
monsieur le président !
M. le
président. Certes, mais chacun doit respecter le règlement.
M. Gabriel
Serville. Je vais essayer d’aller au bout de ma logique…
M. le
président. Vous n’avez pas de droit de tirage spécial.
M. Gabriel
Serville. C’est vrai. J’interromps mon propos et le reprendrai lors de
l’examen d’un autre amendement.
M. le
président. Vous pourrez bien sûr le faire.
M. Gabriel
Serville. Compte tenu des conditions que j’ai évoquées, je soutiens…
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le
président. Merci, monsieur Serville. Vous en êtes à
2 minutes 40.
La parole est à Mme Clémentine
Autain.
Mme
Clémentine Autain. Ces propos de George Orwell nous reviennent
immédiatement à l’esprit : « Le discours politique est destiné à
donner aux mensonges l’accent de la vérité […] et à donner l’apparence de la
solidité à un simple courant d’air. »
Cette phrase correspond
parfaitement…
M. Stéphane
Baudu. À La France insoumise !
Mme
Clémentine Autain. …aux grands principes qui sont posés dans le projet
de loi. C’est pour donner l’apparence d’une réforme juste, équitable, solidaire
et universelle que vous y affichez ces mots. Le texte prend cet accent au
départ, d’un point de vue discursif, mais ces principes se heurtent à la réalité
des propositions concrètes, se fracassent sur le mur du régime à points, qui n’a
rien d’universel, ni de juste, ni d’équitable, ni de solidaire.
Vous avez
ironisé, monsieur le secrétaire d’État, sur notre volonté de supprimer
l’alinéa 4. Or c’est précisément celui dans lequel vous indiquez que vous
posez de grands principes. Nous avons ici un débat de fond : peut-on
politiquement se présenter devant les Français avec un projet de loi dont les
dispositions sont contraires aux grands principes qu’il affiche au
début ?
Cet après-midi, une de nos collègues a dit qu’il fallait
être à la hauteur des attentes des Français. Ce n’est pas en leur mentant de la
sorte que vous y parviendrez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
FI.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 1642 et suivants.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 86
Nombre
de suffrages
exprimés 74
Majorité
absolue 38
Pour
l’adoption 12
Contre 62
(Les amendements identiques nos 1642
et suivants ne sont pas adoptés.)
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois
heures quinze.)
M. le
président. La séance est reprise.
Je suis saisi de trois
amendements identiques, nos 11291, 11292 et 24916.
La
parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l’amendement
no 11291.
Mme
Isabelle Valentin. Cet amendement de M. Brun vise à supprimer le
mot « universel ». Votre réforme est incompréhensible pour bon nombre
de nos concitoyens. Elle est injuste, inéquitable, non solidaire et insoutenable
financièrement. En outre, il conviendrait d’être plus clair et, surtout,
beaucoup plus sincère dans les termes employés. En effet, il n’y a plus rien
d’universel dans ce texte, qui présente de nombreuses incohérences. Vous avez
remplacé les régimes spéciaux par des régimes spécifiques. Par souci
d’honnêteté, supprimez le mot « universel » de ce texte.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir
l’amendement no 11292.
M. Pierre
Vatin. Isabelle Valentin vient de l’expliquer brillamment, je l’ai
moi-même dit précédemment, le mot « universel » est devenu
particulièrement inadapté. Depuis le jour où la réforme a été annoncée, de
nombreux régimes dits spécifiques ont été inventés, ce qui revient en fin de
compte à maintenir le système actuel des régimes spéciaux. Par ailleurs, chacun
d’entre nous perdra sur la retraite qu’il touchera un jour, peut-être.
M. le
président. Vous n’êtes pas signataire de l’amendement, monsieur Vatin.
Je considère qu’il a été défendu par M. Cinieri.
La parole est à
Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement
no 24916.
Mme Valérie
Rabault. Il vise à supprimer le terme « universel » de
l’alinéa 4. Nous en avons déjà beaucoup débattu : ce n’est pas un
régime universel puisqu’il existe autant de régimes que de générations qui
entreront dans le système.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements
identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il est défavorable. Nous nous sommes
largement exprimés sur ce sujet.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit, pour un rappel au
règlement.
M. Frédéric
Petit. Toujours au titre du même article.
J’estime que, quand on
effectue un travail parlementaire, qu’on établit la loi, on ne peut pas parler
de sincérité ou d’honnêteté. Si l’on nous accuse par amalgame d’être
malhonnêtes, il faut le dire clairement. Sinon, on parle du contenu du texte. On
ne dit pas qu’un mot est sincère ou ne l’est pas. Cela fait deux ans que je
supporte ce procédé. Désormais, je refuserai qu’on nous accuse par amalgame.
M. Pierre
Vatin. Ne faites pas de politique, si vous ne le supportez pas !
(Sourires sur les bancs du groupe GDR.)
Mme
Isabelle Valentin. Il ne s’agit pas de vous, mais du texte !
M. Frédéric
Petit. Le règlement interdit qu’on me dise que je suis malhonnête, ou
que je suis un suppôt des banques, un gourou, etc.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. On a le droit de le penser !
M. Frédéric
Petit. Oui, mais vous n’avez pas le droit de le dire.
Article 1er (suite)
(Les amendements identiques nos 11291, 11292
et 24916 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements, nos 22696
et 37176, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à
Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l’amendement
no 22696.
Mme
Isabelle Valentin. La communication politique n’a pas sa place dans un
texte législatif. Un énoncé erroné ne peut être gravé dans le marbre de la loi.
L’intitulé du texte ne peut être en décalage avec son contenu.
Étant
donné les multiples dérogations d’ores et déjà octroyées, étant donné qu’il est
possible de contester légitimement l’idée que 1 euro cotisé donnera les
mêmes droits, ne serait-ce qu’en raison des différences d’espérance de vie en
fonction des carrières, étant donné que le niveau minimum de retraite pourra
s’avérer sans aucun lien avec les droits ouverts, comme c’est déjà le cas,
l’emploi du terme « universel » est inapproprié.
Il faut
préférer la clarté : nous en avons besoin et nos concitoyens y ont droit.
Ainsi, il convient de nommer le futur régime en fonction de ses caractéristiques
principales : régime de retraite par répartition et par
points.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour soutenir
l’amendement no 37176.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Il vise à substituer, dans l’alinéa 5, au mot
« équité » – porteur de tous les renoncements et peu
républicain – les mots « égalité et fraternité ».
Une
politique des retraites devrait permettre l’égalité entre les hommes et les
femmes. Or celle-ci n’est pas du tout acquise dans votre réforme. La discussion
l’a montré : la suppression des huit trimestres par enfant est oubliée dans
vos comparaisons. L’étude d’impact ne comporte d’ailleurs pas de simulation de
cas de femmes ayant eu des enfants, sans quoi vous vous seriez aperçus que le
changement était mathématiquement défavorable.
Je veux aussi insister sur
l’importance de la fraternité pour la Nation. J’ai évoqué à plusieurs reprises
la lourde étude d’impact, sans citer la référence exacte, que j’avais oubliée.
Il s’agit des pages 174 et 175 : elles sont très intéressantes – je
vous invite à les lire ce week-end à tête reposée – car elles rendent
clairement perceptible l’inspiration de la réforme. On part du constat que le
système des retraites pèse trop lourd en France : 14,4 % du PIB,
contre 12,6 % dans l’Union européenne, puis on explique qu’il faut
l’alléger. Je lis cependant que l’Autriche y consacre 14,3 % – elle ne
me paraît pas être un pays mal géré, elle a plutôt décidé de consentir un effort
en faveur de ses anciens.
Je propose donc d’inscrire la fraternité, parce
que nous la devons à nos anciens, comme aux jeunes qui travaillent dur
aujourd’hui et seront les anciens de demain. Nous leur devons un niveau de
retraite satisfaisant, et seul un objectif de dépense publique clairement défini
permettrait par la suite de déterminer la répartition des moyens. Mais, comme
l’étude de financement est renvoyée à la conférence de financement, nous
débattons dans le vide – et dans le brouillard.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en
discussion commune ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Trop d’amendements les rend
indigestes : monsieur Dupont-Aignan, vous n’avez pas défendu le bon. Celui
qui nous intéressait visait à insérer « par répartition » après le mot
« retraite ». Avis défavorable.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Je me suis trompé d’amendement ! Au temps pour moi,
c’est la fatigue, je suis désolé !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Concernant l’amendement de
Mme Valentin, l’avis est également défavorable : remplacer
« système universel de retraite » par « système de retraite par
répartition et par points » ne convient pas, car il s’agit des modalités.
Il est universel dans le sens où il s’adresse à tout le monde.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Avis défavorable. Nous avons
déjà évoqué ce sujet, puisque nous avons discuté du terme
« répartition » et expliqué qu’il s’agit d’une modalité. Nous
conservons la qualification « universel de retraite ».
(Les amendements nos 22696 et 37176,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir
l’amendement no 25600 et les quinze amendements identiques déposés
par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Sur ces
amendements, je suis saisi par le groupe d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
M.
Sébastien Jumel. Nous avons compris que le Président décide de
tout : le calendrier, les amendements qui seront examinés et la fin de
l’histoire. Il a surtout tranché clairement : il faudra travailler plus
longtemps.
M. Stéphane
Baudu. Ben oui !
M.
Sébastien Jumel. Sauf que les seniors sont les premiers à être poussés
vers la sortie par les entreprises, et les derniers à être embauchés ! Vous
devriez le savoir et avouer que vous estimez que c’est fondé, puisque vous avez
vous-mêmes accentué ce phénomène par l’adoption de la loi travail. Elle tendait
à ouvrir les vannes des départs volontaires. Le secrétaire d’État, qui en fut le
rapporteur en 2017, connaît le processus par cœur : en instaurant la
rupture conventionnelle collective – RCC –, érigée en symbole de
flexisécurité à la française, vous avez autorisé les entreprises à organiser des
départs volontaires sans passer par un plan de sauvegarde de l’emploi et sans
avoir à justifier de difficultés économiques. La RCC constitue un vrai danger
pour les seniors ; il est désormais certain que les cheveux gris partent en
nombre : 25 % des ruptures conventionnelles collectives comportent des
dispositifs de fin de carrière.
J’évoque ce sujet parce que la
flexibilisation du droit du travail, dont l’objectif était que les entreprises
licencient à moindre coût les salariés les plus anciens et les plus qualifiés,
contredit votre intention de faire travailler les vieux plus longtemps, comme
elle contredit le but invoqué d’instaurer des retraites progressives,
c’est-à-dire des retraites de misère pour des boulots de misère.
Avec
beaucoup de respect, monsieur le secrétaire d’État, je voulais vous mettre le
nez sur cette contradiction majeure ; dans le même temps, les pressions à
la démission se sont renforcées, favorisées par les ordonnances Macron ;
les quinquas avec peu d’ancienneté dans une entreprise se retrouvent souvent
dans le collimateur des plans sociaux. Toutes les statistiques montrent que
l’employabilité des seniors n’est pas cohérente avec votre projet, mais
également que leur licenciement constitue la variable d’ajustement des libéraux
que vous êtes.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements
identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous avons fréquemment examiné en
commission des amendements équivalents, tendant à remplacer le mot
« universel » par « inéquitable ». Je ne sais quelle
attitude adopter. Dois-je, chaque fois, faire une blague, selon le principe du
comique de répétition ? Nous ne nous grandissons pas en ne travaillant que
sur cet amendement.
M.
Sébastien Jumel. Répondez à ma question !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je répondrai plutôt à celle posée tout à
l’heure par M. Dharréville.
M.
Sébastien Jumel. À tout bonheur malheur est bon !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il a dit qu’un système par points revenait
au « chacun pour soi ». Ma réponse doit pouvoir s’appliquer à votre
intervention. Les points sont un mode de calcul ; si vous combinez des
trimestres et des salaires portés au compte, chacun aboutit à une combinaison
personnelle, même si c’est moins visible.
Dans les missions affectées au
COR se trouvait le suivi des objectifs du système de retraite : suivre la
pérennité financière du système, la solidarité intra et intergénérationelle,
l’équité de traitement, mais, avant même tout cela, la garantie de
contributivité, c’est-à-dire l’assurance pour les retraités de percevoir une
pension en rapport avec les revenus tirés de leur activité. Le système par
points assure la poursuite de cette garantie de contributivité : il n’est
donc pas différent par le principe, mais par le mode de calcul,
d’identification. Notre système n’est pas un « chacun pour
soi » : c’est « tous les actifs pour tous les
retraités » ! Le système universel est donc le vrai système par
répartition, au contraire des quarante-deux systèmes avec chacun ses
particularités. L’avis est défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous avons déjà débattu
plusieurs fois des amendements visant à remplacer « universel » par
« inéquitable » : j’entends bien que c’est ce que vous voulez,
mais je pense que nous pourrions examiner d’autres sujets. Avis
défavorable.
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme
Mathilde Panot. Je voudrais répondre au collègue qui s’est senti agressé
par le terme « insincère ». Ce mot correspond pourtant à l’avis du
Conseil d’État sur de nombreux aspects, en particulier sur les conditions
d’élaboration du texte : « Le Conseil d’État souligne qu’eu égard à la
date et aux conditions de sa saisine, ainsi qu’aux nombreuses modifications
apportées aux textes pendant qu’il les examinait » – ce passage
concerne le Conseil d’État, mais on pourrait en étendre la signification –
« la volonté du Gouvernement de disposer de son avis dans un délai de trois
semaines ne l’a pas mis à même de mener sa mission avec la sérénité et les
délais de réflexion nécessaires pour garantir au mieux la sécurité juridique de
l’examen auquel il a procédé. Cette situation est d’autant plus regrettable que
les projets de loi procèdent à une réforme du système de retraite inédite depuis
1945 et destinée à transformer pour les décennies à venir un système social qui
constitue l’une des composantes majeures du contrat social. »
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. On
sait lire !
Mme
Mathilde Panot. On peut poursuivre à propos de l’universalité du
système : « Est bien créé un "système universel" par points applicable
à l’ensemble des affiliés […] mais à l’intérieur de ce "système" existent cinq
"régimes " » – la dimension universelle du système tombe
donc.
Il en va de même de l’objectif de 1 euro cotisé ouvrant les
mêmes droits pour tous : il « reflète imparfaitement la complexité et
la diversité des règles de cotisation ou d’ouverture de droits définies par le
projet de loi ».
Nous disons que votre réforme substitue à une
retraite digne et méritée une allocation pauvreté. Pour faire suite aux propos
de M. Sébastien Jumel, j’ajoute que, ces dix dernières années, le nombre de
chômeurs de plus de 50 ans a augmenté de 179 %, et de 21 % pour
les 15-49 ans.
Nous assistons déjà à l’explosion de la pauvreté et à
la hausse du nombre d’actifs qui, à 50 ans, 55 ans, 60 ans ou
même 62 ans, sont au chômage, au RSA – revenu de solidarité
active – ou en arrêt maladie. Demander aux gens de travailler plus
longtemps ne fera qu’accentuer le phénomène. Ce que nous demandons, c’est le
droit à une pension digne. (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
M.
Sébastien Jumel. Merci !
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Monsieur le secrétaire d’État, je tenais à ajouter que,
quand on a géré une collectivité locale, on sait que le taux d’absentéisme
augmente pour beaucoup d’agents, par exemple les agents de voirie ou les ATSEM
– agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles –, à partir
de 59 ans. J’ai été maire durant vingt-deux ans et, si le cumul des mandats
était encore possible, vous n’auriez peut-être pas la même vision des
choses ; on constate du reste le même phénomène dans les entreprises. Ce
n’est pas de la fainéantise : simplement, ces personnes qui ont travaillé
dur, souvent depuis leurs 18 ans, connaissent des problèmes de santé.
Employeur et employé n’ont alors qu’un souhait : que des jeunes soient
recrutés et qu’une retraite digne soit versée aux anciens. Voilà pourquoi la
réforme nous fait marcher sur la tête.
Si vous vous êtes empêtrés dans un
nœud de contradictions insurmontables, c’est que, en réalité, le projet de loi
contient deux projets distincts.
Le premier, estimable même aux yeux de
ceux qui ne seraient pas d’accord, est celui qu’a défendu le Président de la
République pendant sa campagne : celui d’un système universel à points,
plus simple. Mais lui-même considérait, jusqu’en avril dernier, qu’il ne fallait
pas allonger la durée de cotisation par l’instauration d’un âge pivot ou d’un
âge d’équilibre.
En parallèle, le Gouvernement a mis en place, dans son
dos ou avec sa complicité, sans y voir de contradiction, un autre projet. Ce
second projet vise à faire des économies pour s’aligner sur l’Union européenne
en réduisant la part du PIB dans le financement des retraites ; les
contraintes financières qu’il implique font exploser le premier et le dénaturent
entièrement.
Pris entre ces deux projets qui se télescopent sans être
cohérents, vous tentez de vous débrouiller en lançant des slogans et des
pétitions de principe, seul moyen de concilier l’inconciliable : un projet
à points, qui aurait pu fonctionner s’il avait disposé de la marge financière
nécessaire, et le projet de restriction budgétaire du Premier ministre, qui
n’est pas réalisable dans le cadre du changement de paradigme que représente une
unification des régimes.
M. le
président. La parole est à M. Gabriel Serville.
M. Gabriel
Serville. M. le secrétaire d’État ne sera pas surpris de me voir
tout à fait favorable à un amendement que j’ai cosigné. Néanmoins, j’aimerais
qu’au-delà de la forme, on en analyse le fond – et même l’esprit du fond.
Quel est-il ? Il vise à rappeler que les 2,8 millions d’habitants des
outre-mer sont, de fait, exclus du projet de loi, puisque leur sort est renvoyé
à l’une de ces ordonnances que je qualifie souvent de
« pochettes-surprises » parce qu’on ne sait jamais ce qui en sortira.
Nous nous interrogeons fondamentalement sur la méthode et nous voudrions savoir
pourquoi une étude d’impact n’a pas évalué a priori les effets du projet de loi
en outre-mer.
Cette situation pose inévitablement la question de
l’universalité du texte. Les territoires d’outre-mer ne font-ils pas partie de
la République française ? Il faudrait un jour inverser la tendance ;
cela commence par le fait de prendre en considération les modalités
d’application des textes en outre-mer dans les études d’impact, comme nous
l’avons souvent demandé.
La loi de programmation relative à l’égalité
réelle outre-mer – EROM –, a été votée en 2017 après qu’a été fait le
constat d’une absence d’égalité réelle ; or, encore une fois, nous sommes
confrontés à une situation d’inégalité et d’iniquité. Le fait de retirer le mot
« universel » du texte pour le rendre plus sincère constitue à mes
yeux une très bonne démarche, et je soutiendrai l’amendement sans aucune
réserve. (« Très
bien ! » et applaudissements sur les bancs
du groupe GDR.)
M. le
président. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence
Dumont. Je partage la remarque de Gabriel Serville concernant les
ordonnances qui ressemblent à des pochettes-surprises : souvent, on est
bien déçu quand on les ouvre. L’amendement vise donc à remplacer le mot
« universel » par le mot « inéquitable ».
Pourquoi le
système n’est-il pas universel ? Nous l’avons déjà dit : comme l’a
précisé le Conseil d’État, il y aura en réalité cinq régimes de retraite, à
l’intérieur desquels seront maintenues des règles différentes, et huit régimes
spéciaux pour les policiers, les gendarmes, les contrôleurs aériens… Le
Gouvernement a également créé des régimes spécifiques en octroyant des
dérogations aux transporteurs routiers, aux marins pêcheurs ou encore aux
pilotes de ligne sur l’âge de départ à la retraite.
Pourquoi est-il
inéquitable ? J’aimerais que vous me répondiez, monsieur le secrétaire
d’État, et que vous me disiez franchement si je me trompe, car c’est la
troisième fois que je présente le même exemple. Prenons un salarié qui commence
à travailler à 20 ans et qui a cotisé quarante-trois ans. S’il veut prendre
sa retraite à 63 ans et que l’âge d’équilibre de sa génération est fixé à
65 ans, un malus de 10 % sera appliqué à sa pension. Dans le même
temps, un salarié de la même génération qui a commencé de travailler à
24 ans et qui prend, lui aussi, sa retraite après quarante-trois années de
cotisation partira à 67 ans. Un bonus de 10 % sera appliqué au calcul
de sa pension, car il partira deux ans après l’âge d’équilibre. Est-ce là pour
vous la définition de l’équité, quand ces deux personnes ont travaillé aussi
longtemps l’une que l’autre, et que la première se voit appliquer 10 % de
bonus tandis que la seconde a 10 % de malus ?
Mme
Mathilde Panot. Excellente question !
Mme Laurence
Dumont. Je veux juste que vous nous disiez comment vous qualifiez la
situation : est-ce ou non de l’équité ? J’aimerais obtenir des
éléments de réponse avant minuit. (M. Stéphane Peu
applaudit.)
M. le
président. La parole est à Mme Corinne Vignon.
Mme Corinne
Vignon. Je souhaite aborder le contre-projet de La France insoumise sur
les retraites, qui annonce, page 27 : « Au lieu d’accorder
10 % aux pensions des femmes à partir du troisième enfant comme c’est le
cas actuellement, nous augmenterons les pensions au premier enfant :
500 euros annuels supplémentaires par enfant, jusqu’au 4e
enfant ». Je me réjouis car, après avoir lu ce contre-projet, je suis
certaine que la France insoumise votera le nôtre des deux mains. Je
m’explique : un enfant donne, pour la France insoumise,
500 euros ; divisé par douze, cela fait 41,60 euros par mois.
Mme
Caroline Fiat. Un enfant, ça ne « donne » rien !
Mme Corinne
Vignon. Quatre enfants, cela fait 166 euros supplémentaires par
mois.
Notre projet, quant à lui, propose 5 % de majoration pour un
enfant, 5 % pour le deuxième, 5 % pour le troisième, 5 % pour le
quatrième, etc. Cela ne s’arrête pas ! (Sourires.)
Quelques députés. Ça
s’arrête à un moment !
M. Richard
Ramos. Qui peut le plus peut le moins !
Mme Corinne
Vignon. Il est toujours possible d’avoir une dizaine d’enfants… Mais
prenons l’exemple d’une retraite de 1 200 euros qui, vous en
conviendrez, n’est pas une grosse retraite. Pour un enfant, multiplié par
5 %, cela fait 60 euros par mois ; quand on a quatre enfants, le
montant de la pension est bonifié de 22 %, soit 264 euros par
mois.
Résumons tous ces chiffres qui peuvent paraître compliqués. Pour La
France insoumise, un enfant, c’est 41,60 euros par mois ; dans notre
projet, c’est 60 euros par mois. Quatre enfants, pour La France insoumise,
c’est 166 euros par mois ; dans notre projet, c’est 264 euros par
mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et
UDI-Agir.)
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour un rappel au
règlement.
Mme
Caroline Fiat. Il est fondé sur l’article 100, alinéa 5, du
règlement.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, si vous voulez vraiment
discuter notre texte, inscrivez-le à l’ordre du jour et nous vous répondrons.
Mais, à l’heure actuelle, c’est votre texte dont nous débattons. De plus, madame
Vignon, dire que 1 200 euros n’est pas une grosse retraite, quand des
gens chez nous touchent 600 euros… Quel culot ! Mille deux cents
euros, c’est une belle retraite, et c’est celle de beaucoup de Français !
(Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. Madame Fiat, nous sommes loin d’un rappel au
règlement.
Article 1er (suite)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 25600 et suivants.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 77
Nombre
de suffrages
exprimés 65
Majorité
absolue 33
Pour
l’adoption 10
Contre 55
(Les amendements nos 25600 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme Nadia
Essayan. À l’image de la majorité du pays !
M. le
président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 9
rectifié, 24616 rectifié, 485 rectifié et 580 rectifié, pouvant être soumis à
une discussion commune.
Les amendements nos 9 rectifié et
24616 rectifié, ainsi que les amendements nos 485 rectifié et 580
rectifié sont identiques.
Sur les amendements identiques
nos 9 rectifié et 24616 rectifié, ainsi que sur les amendements
identiques nos 485 rectifié et 580 rectifié, je suis saisi par le
groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est
annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à
M. Stéphane Viry, pour soutenir l’amendement no 9
rectifié.
M. Stéphane
Viry. La question du financement est essentielle. Or nous considérons
que, dans la rédaction de l’article 1er, le bon financement est
l’un des derniers objectifs du nouveau système. Pour le dire avec des mots
simples : ce n’est pas notre réforme ! Pour nous, en l’état, votre
projet, c’est non.
Le nôtre repose sur la soutenabilité financière du
système. La véritable garantie que nous devons donner aux Français, c’est celle
que leurs pensions seront toujours payées ; mais, pour que les pensions
soient payées, encore faut-il en assurer financièrement la
possibilité.
Nous pouvons nous payer de mots : nous pouvons tous
parler de justice, d’équité, de lisibilité, qui sont les autres objectifs fixés
à l’article 1er. Mais la question financière est essentielle.
Tel que l’article est rédigé, ce n’est pas une règle d’or que vous proposez,
mais au mieux une règle de bronze, qui revient à considérer que la question du
financement peut être réglée après. Que nenni ! Elle doit être vue en
premier. À défaut, le financement du système sera reporté sur les générations
futures par de la dette.
À ce propos, monsieur le secrétaire d’État,
peut-être pourriez-vous nous apporter des éclaircissements sur les premiers
travaux de la conférence de financement. Les partenaires sociaux travaillent
dans une salle proche de l’hémicycle à partir de la feuille de route que vous
leur avez donnée ; c’est très bien, mais nous aurions préféré qu’ils
travaillent en amont afin de pouvoir examiner un texte complet – on l’a
suffisamment dit. Cela étant, depuis cette semaine, les partenaires sociaux sont
à la tâche. Quels en sont les premiers résultats, monsieur le secrétaire
d’État ? Qu’en est-il de la volonté qu’ont certains syndicats de quitter la
table ? Quelles sont les positions des uns et des autres ? Ce sont des
éléments que vous devriez nous fournir dès aujourd’hui.
L’objet de
l’amendement est simple : replacer la question du financement au rang des
priorités absolues. En l’état, votre réforme, ce n’est pas notre réforme.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
– M. Nicolas Dupont-Aignan applaudit
également.)
M. le
président. L’amendement no 24616 rectifié de
M. Dino Cinieri est défendu.
La parole est à Mme Isabelle
Valentin, pour soutenir l’amendement no 485 rectifié.
Mme
Isabelle Valentin. Déposé à l’initiative de notre collègue
Marie-Christine Dalloz, il vise à faire de l’objectif de soutenabilité
économique une priorité du système universel – une règle d’or, comme l’a
dit notre collègue Stéphane Viry.
Rien dans le projet de loi ne prévoit
l’équilibre financier du système de retraite proposé par le Gouvernement. Sa
pérennité n’étant pas assurée, nous courons le risque de faire peser le poids du
financement des retraites sur les générations futures. Nous devons en avoir
conscience, car c’est une réalité. Nous avons tous des enfants :
réfléchissons à ce qu’il convient de faire.
L’objectif d’équilibre
budgétaire de la réforme paraît accessoire, ce qui porte atteinte à la sincérité
du texte.
Il suffit notamment de rappeler le volume des dispositions
renvoyées à de futures ordonnances et le calendrier baroque retenu pour la
conférence de financement qui, d’ailleurs, n’aura d’autre choix que de repousser
l’âge de départ à la retraite.
M. le
président. La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir
l’amendement no 580 rectifié.
M. Éric
Pauget. La sécurité financière d’un système de retraite demeure la
pierre angulaire pour construire un régime pérenne. Or le projet de loi ne
garantit ni l’équilibre financier du système ni que celui-ci sera pérenne. Cette
double incertitude pèsera nécessairement sur les générations futures.
Ce
risque est d’autant plus important que nombre des dispositions du texte sont
renvoyées à des ordonnances. Il est donc prioritaire de garantir le financement
et d’instaurer une règle d’or de soutenabilité du dispositif.
M. le
président. La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur
général de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission sur les
amendements en discussion commune.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission
spéciale. Ces amendements en discussion commune visent à remonter dans le
corps du texte l’objectif de soutenabilité économique et d’équilibre financier.
Mon avis sera défavorable à tous ces amendements pour deux raisons. La première
concerne la forme : la rédaction proposée par les amendements ne correspond
pas à celle que prévoit le texte. Ainsi, les amendements
nos 485 rectifié et 580 rectifié prévoient une
répartition des prélèvements entre assurés uniquement et non entre assurés et
employeurs.
La seconde raison concerne le fond : vous faites de la
soutenabilité économique le principal objectif : je ne partage pas cette
conception. L’équité, la solidarité, la garantie du niveau de vie sont les
raisons premières de la création du système universel. Si sa soutenabilité est
évidemment importante, les questions d’équité ou de garantie du niveau des
pensions passent avant : ce sont ces critères primordiaux qui justifient la
création du système universel.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je serai bref sur les
amendements qui visent à changer l’ordre de rédaction des dispositions de
l’article 1er. Il ne s’agit pas d’une question de préférence ou
d’importance. Vous faites une lecture politique du texte : la mienne est
pragmatique. Que la soutenabilité économique figure à l’alinéa 9 n’en fait
pas une disposition moins intéressante que celle qui figure à l’alinéa 8.
Il est important d’atteindre tous ces objectifs. Avis défavorable, donc, à tous
ces amendements.
Monsieur Serville, vous avez dû recevoir la lettre que
la ministre des outre-mer et moi-même vous avons envoyée le 10 janvier
dernier, pour vous tenir informé de notre action et vous assurer que nous
prenons en considération la dimension spécifique des territoires ultramarins, à
laquelle nous devons rester attentifs. Vous pouvez compter sur ma volonté de
continuer de vous informer : loin de moi l’intention de vous exclure du
débat. Notre échange concerne tous les parlementaires ultramarins,
indépendamment de leurs choix politiques.
Madame Dumont, vos exemples
sont similaires à ceux que Mme Rabault a déjà évoqués. Or, ce faisant, vous
employez la même technique que celle que vous nous reprochez parfois :
comparer des exemples très particuliers. Si vous aviez voulu prendre un exemple
concernant l’immense majorité de nos concitoyens, vous auriez observé que l’âge
d’entrée dans la vie active des diplômés et des non-diplômés, aujourd’hui, se
rapproche – il se situe entre 21 et 22 ans : ils auront à quelque
chose près la même durée d’activité. Peut-être auriez-vous pu également tenir
compte des dispositions actuelles : existence d’une décote et de la
proratisation. Vous ciblez un cas particulier dans le nouveau système tout en
occultant les dispositions bien moins intéressantes du système
actuel.
Par ailleurs, est-il juste, comme c’est le cas dans le système
actuel, que ce soit aux retraités les plus modestes et aux femmes de travailler
jusqu’à 67 ans pour éviter la décote ? Vous et moi sommes
d’accord : cela n’est pas juste.
Si certains de vos exemples très
précis sont intéressants, vous auriez pu faire une autre lecture de la plupart
de ceux que vous avez évoqués.
Monsieur Viry, j’ai déjà répondu sur la
conférence de financement : comme je l’ai dit à votre collègue Boris
Vallaud, ma conception de la démocratie sociale m’interdit d’en réduire l’espace
en imposant la présence de ministres, de secrétaires d’État ou de
conseillers du Gouvernement pour guider la démarche des partenaires sociaux et
peser sur leurs raisonnements. Il n’y a aucune ambiguïté en la
matière.
Cette semaine, ils ont travaillé sur les causes du déficit
actuel et sur les modalités de la gouvernance. Ils examineront prochainement les
leviers possibles d’équilibre. J’avais déjà indiqué tous ces points en
commission spéciale, lorsque M. Woerth ou vous-même m’aviez déjà posé la
question.
Quant à la décision de la CGT de quitter la conférence, elle
lui appartient, même si je la regrette.
M.
Sébastien Jumel. La CGT n’a pas pris cette décision !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il y a d’autres partenaires
sociaux. Le paysage syndical français est vaste : tous ceux qui sont
présents autour de la table pourront poursuivre la discussion.
M.
Sébastien Jumel. La CGT n’a pas quitté la conférence !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Très bien.
M.
Sébastien Jumel. Reconnaissez-le !
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme
Mathilde Panot. Madame Vignon, je vous remercie d’avoir lu notre
contre-projet aussi attentivement. Je regarderai avec autant d’application les
chiffres que vous avez cités, mais que je n’ai pas tous notés. Je serais
toutefois très surprise d’apprendre que le système que nous proposons est moins
avantageux que le vôtre, et cela pour plusieurs raisons.
Tout d’abord,
notre projet repose sur un principe de base : le gain des droits à la
retraite doit être le même, qu’on soit riche ou pauvre. C’est la raison pour
laquelle nous proposons un montant nominal et non un pourcentage.
Nous
sommes opposés au pourcentage pour une autre raison : l’inégalité salariale
entre les hommes et les femmes, qui est de l’ordre de 25 % aux dépens des
femmes. Puisque le couple aura le choix, il est évident qu’il décidera de faire
porter la majoration sur le plus haut revenu, qui est le plus souvent celui de
l’homme, ce qui ne sera pas sans entraîner de fortes inégalités, notamment en
cas de séparation ou de décès. Je rappelle que la question des pensions de
réversion étant renvoyée à des ordonnances, nous ignorons toujours si les
femmes, demain, pourront encore se permettre de divorcer – pour reprendre
les propos d’une éditorialiste qui croyait faire la maligne sur un plateau de
télévision.
De plus, l’égalité ne justifie pas que les enfants des plus
aisés ouvrent des droits plus élevés que ceux des plus modestes : c’est à
nos yeux un autre principe de base. C’est aussi la raison pour laquelle nous
avons fait le choix d’un montant nominal.
Enfin, comment le système que
vous proposez, qui prend en compte la totalité de la carrière, pourrait-il
améliorer la situation des femmes ? Les femmes ayant des carrières plus
hachées que les hommes, elles auront des pensions plus faibles.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Monsieur le secrétaire d’État, à ma connaissance, la CGT
n’a encore pris aucune décision. Elle a publié un communiqué dans lequel elle
note que, compte tenu de la manière dont les choses se sont passées, elle posera
à ses instances dirigeantes la question de sa participation à la conférence.
Peut-être répétez-vous que la CGT a quitté la conférence parce que vous
souhaitez qu’elle le fasse : vous pouvez, sinon, vous reporter aux
informations très claires qui sont publiées dans la presse.
Nous avons
évoqué l’outre-mer : quelles actions sont conduites depuis deux ans sur le
sujet ? Des concertations ont-elles été menées avec les premiers
concernés ? Ces incertitudes posent de nouveau la question de
l’universalité que vous mettez en avant.
Enfin, je suis surpris que la
lettre que vous avez évoquée n’ait été adressée qu’aux seuls parlementaires
ultramarins.
S’agissant des amendements en discussion commune de nos
collègues Les Républicains, je pense, contrairement aux propos tenus par le
rapporteur général, que la principale préoccupation du texte est bien la
soutenabilité économique. Vous avez défendu le contraire, mais, à mes yeux, tout
le reste n’est que de l’habillage.
Mme Nadia
Essayan. Non, le reste n’est pas de l’habillage !
M. Pierre
Dharréville. Ce sujet est en tête de liste de vos préoccupations. Je
comprends que nos collègues du groupe Les Républicains cherchent à vous aider en
la matière. Si j’ai bien compris leurs arguments, il s’agit là d’une divergence
entre eux et nous : ce n’est pas, à nos yeux, de cette façon-là que doit
être conçu, à l’avenir, le droit à la retraite. Il faut, au contraire, commencer
par fixer les droits que nous voulons établir, pour définir ensuite les
modalités permettant de s’assurer les ressources suffisantes à les
garantir.
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. Que les choses soient claires : je suis ravi que les
partenaires sociaux aient été invités à se saisir de la question. Ils ont été
trop souvent écartés depuis deux ans pour que nous ne soyons pas ravis qu’ils
soient enfin sollicités !
J’aurais toutefois apprécié, comme tout un
chacun, qu’ils le soient en amont de l’examen du texte et non en parallèle,
parce que la situation actuelle vide de sa substance la démocratie
parlementaire. Oui au dialogue social, oui à la démocratie, mais pas aux dépens
de la démocratie parlementaire ! (MM. Dino Cinieri et
Stéphane Peu applaudissent.)
M.
Sébastien Jumel. Il a raison.
M. Stéphane
Viry. La question des retraites, ce n’est pas de la littérature :
elle ne saurait se réduire à de grands principes. Elle consiste à répondre à des
besoins sociaux par la voie de la redistribution. Il est donc nécessaire de
trouver des ressources : tout le reste, ce ne sont que des débats ou de la
philosophie politiques. La question des retraites, c’est une question
d’équilibre financier, de ressources et de dépenses. C’est pourquoi inscrire au
premier rang le financement, la garantie financière et la soutenabilité
économique du régime des retraites me paraît essentiel : je le
maintiens.
À cette heure, me semble-t-il, aucun amendement, je dis bien
aucun, en cinq jours de débat, n’a été approuvé par la majorité. Je vous propose
d’en approuver un, qui replace au premier rang non pas votre objectif, mais le
nôtre. Vous placez en premier « un objectif d’équité, afin de garantir aux
assurés que chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous ». Or nous
savons depuis hier ou avant-hier que cette assertion est fausse, puisqu’il y
aura plusieurs régimes tolérant chacun des situations différentes. Ce slogan
– « un euro cotisé ouvre les mêmes droits » – ne tient pas.
Autant l’écarter ou le mettre ailleurs, pour placer au premier rang la question
de la soutenabilité financière. Garantir le financement est de notre
responsabilité première. Tel est le sens de mon amendement, que je maintiens
avec conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. J’espère que nous examinerons plus rapidement les
autres articles, puisque l’examen de l’article 1er nous permet
de balayer tout le projet de loi.
Vos amendements reviennent en fait à
déplacer l’alinéa 9 après l’alinéa 4 : vous avez tort, parce que
– voilà ce qui nous sépare – nous préférons poser les grands
principes – les objectifs d’équité, de solidarité, de garantie d’un niveau
de vie satisfaisant, de liberté de choix pour les assurés –, avant
d’évoquer la question du financement. Notre choix permet de bien équilibrer le
texte, le dernier objectif étant un objectif de lisibilité des droits constitués
par les assurés tout au long de leur vie active.
Je suis de plus en plus
convaincu que l’article 1er est très bien rédigé.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Dharréville, plusieurs
dépêches avaient effectivement annoncé le retrait de la CGT de la conférence sur
l’équilibre et le financement des retraites. Pour la bonne information de la
représentation nationale, je cite le communiqué de presse de la CGT : elle
attend « une prise en compte de ses propositions » de la part du
Gouvernement. « En l’absence de réponse, elle posera, dès la semaine
prochaine, à ses instances dirigeantes la question de la pertinence de maintenir
sa présence » à la conférence de financement.
Il n’y a donc plus
aucune ambiguïté.
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 9 rectifié et 24616 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 71
Nombre
de suffrages
exprimés 70
Majorité
absolue 36
Pour
l’adoption 14
Contre 56
(Les amendements identiques nos 9 rectifié
et 24616 rectifié ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 485 rectifié et 580 rectifié.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 69
Nombre
de suffrages
exprimés 66
Majorité
absolue 34
Pour
l’adoption 13
Contre 53
(Les amendements identiques nos 485 rectifié
et 580 rectifié ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
2
Ordre du jour de la prochaine séance
M. le
président. Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Suite
de la discussion du projet de loi instituant un système universel de
retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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