Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Deuxième séance du samedi 22 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de M. Sylvain Waserman
1.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (suite)
Rappels
au règlement
M. Jean-Luc
Mélenchon
Suspension
et reprise de la séance
M. Jean-Luc
Mélenchon
M. Éric
Woerth
M. Bruno
Millienne
M. Boris
Vallaud
M. Pierre
Dharréville
Mme Cendra
Motin
Mme Sylvia
Pinel
M. Paul
Christophe
Mme Emmanuelle
Ménard
M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale
Mme Brigitte
Bourguignon, présidente de la commission spéciale
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement
M. le
président
Article 1er
(suite)
Amendements nos 25665,
25674, 25675, 25676, 25677, 25678, 25679, 25680, 25681, 25682, 25683, 25684,
25685, 25686, 25687, 25688
Rappel
au règlement
M. Jean-Luc
Mélenchon
M. le
président
Article 1er
(suite)
Amendement no 42270
(sous-amendement)
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Amendements nos 25666,
25689, 25690, 25691, 25692, 25693, 25694, 25695, 25696, 25697, 25698, 25699,
25700, 25701, 25702, 25703 , 42174
(sous-amendement) , 11300
, 11349
, 25348
, 26095,
26096, 26097, 26098, 26099, 26100, 26101, 26103, 26104, 26105, 26106, 26107,
26108, 26109, 26110, 26111 , 42175
(sous-amendement) , 245
, 547
, 9740
, 1059
, 1483
, 1496
, 2832
, 10909
, 11306
, 23961
, 24636
, 25673,
27877, 27878, 27879, 27880, 27881, 27882, 27883, 27884, 27885, 27886, 27887,
27888, 27889, 27890, 27891 , 27355
, 42465
(sous-amendement) , 42271
(sous-amendement) , 41944,
41994, 41989, 41996, 41992, 41980, 41982, 41986 (sous-amendements) , 42286
(sous-amendement) , 42312
(sous-amendement) , 25667,
25704, 25705, 25706, 25707, 25708, 25709, 25710, 25711, 25712, 25713, 25714,
25715, 25716, 25717, 25718 , 42503
(sous-amendement) , 212
, 11327
, 25668,
25719, 25720, 25721, 25722, 25723, 25724, 25725, 25726, 25727, 25728, 25729,
25730, 25731, 25732, 25733 , 42504
(sous-amendement) , 25672,
27862, 27863, 27864, 27865, 27866, 27867, 27868, 27869, 27870, 27871, 27872,
27873, 27874, 27875,, 27876 , 256,
333 , 10910
, 42313
(sous-amendement)
Suspension
et reprise de la séance
Amendements nos 40157,
40158, 40159, 40160, 40161, 40162, 40163, 40164, 40165, 40166, 40167, 40168,
40169, 40170, 40171, 40172 , 42508
(sous-amendement) , 11346
, 11347
, 25669,
25734, 25735, 25736, 25737, 25738, 25739, 25740, 27824, 27825, 27826, 27827,
27828, 27829, 27830, 27831 , 25670,
27832, 27833, 27834, 27835, 27836, 27837, 27838, 27839, 27840, 27841, 27842,
27843, 27844, 27845, 27846 , 23850
, 42314
(sous-amendement) , 42089
(sous-amendement) , 42091
(sous-amendement) , 42093
(sous-amendement) , 42094,
42095 (sous-amendements) , 42096
(sous-amendement) , 42097
(sous-amendement) , 42098
(sous-amendement) , 42099
(sous-amendement)
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
M. Sylvain Waserman
vice-président
M. le
président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le
président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623
rectifié, 2683).
Discussion des articles (suite)
M. le
président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles
du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 25665 à l’article
1er.
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour un rappel au
règlement.
Mme Nadia
Essayan. Ah, vraiment ? Un rappel au règlement ?
M. Jean-Luc
Mélenchon. Tout à l’heure, j’ai formulé la proposition – qui, si
j’ai bien compris, a été repoussée – de passer directement à un autre
article. La présidente de la commission spéciale nous a rétorqué que comme nous
étions de toute façon contre le texte, nos amendements sur les autres articles
seraient aussi des amendements d’opposition. Honnêtement, c’est vrai : nous
n’allons pas devenir favorables au texte juste parce que l’on change
d’article !
Je suis donc mandaté par mon groupe pour consulter les
autres groupes d’opposition, en vue de formuler une autre proposition qui,
éventuellement, vous agrée. Je vous demande donc une suspension de séance de
quelques minutes, le temps de proposer courtoisement aux autres groupes
d’opposition une concertation, afin de vous faire une proposition permettant de
débloquer la situation et d’avancer.
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinq, est reprise à quinze heures
dix.)
M. le
président. La séance est reprise.
La parole est à
M. Jean-Luc Mélenchon, pour un nouveau rappel au règlement.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Nous nous sommes consultés pour examiner quelle proposition
nous pourrions vous faire ; seulement, il règne une telle ambiance de
méfiance générale que tout le monde a beaucoup de mal à s’avancer et à croire
qu’une proposition puisse être entendue, quelle qu’elle soit. (Protestations
sur les bancs du groupe LaREM.)
C’est ainsi. (Même mouvement.)
Je ne dis pas ce que je pense, je ne fais que vous décrire une
ambiance !
M. le
président. Venons-en au fait, monsieur le président Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. J’essaie de les convaincre, monsieur le président !
M. le
président. Nous ne sommes pas dans une négociation.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Nous vous avions proposé de passer à l’examen de
l’article 2 : vous avez refusé, au prétexte que nous agirions de même
à l’article 2. Nous vous proposons donc de passer à l’examen de l’article
de votre choix.
Nous sommes par ailleurs d’accord pour que nous
discutions ensemble d’une réorganisation générale du débat. Nous pourrions par
exemple passer directement à l’examen des articles qui vous paraissent cruciaux
et réserver les autres pour la fin. La présidente de la commission spéciale
avait évoqué une série d’articles qui lui semblaient cruciaux : peut-être
la commission pourrait-elle se réunir pour en déterminer la liste ? Ou
bien, si cela vous paraît mieux, nous pouvons réorganiser le temps global :
de quoi discute-t-on jusqu’aux vacances parlementaires, et où reprend-on
après ?
M. Bruno
Questel. C’est la conférence des présidents qui décide !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Nous sommes disponibles pour discuter d’une réorganisation
des débats. Si cette option vous paraît jouable, du moins ! Sinon, tant
pis, continuons ainsi.
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Tout porte sur l’organisation de nos travaux. Le groupe Les
Républicains a déposé relativement peu d’amendements – dont quelques-uns à
l’article 1er –, ce n’est donc pas un problème de passer à
un autre article.
Les choses dépendent donc de ce que souhaitent à la
fois la commission spéciale, la présidence de l’Assemblée et le Gouvernement.
Pour notre part, nous souhaiterions aborder rapidement les sujets de fond :
même si le débat sur l’article 1er valait d’être vécu, nous
allons commencer à tourner en rond. Si on réorganisait les travaux, on pourrait
commencer par examiner les articles relatifs à la pénibilité, à la valeur du
point, ou encore à l’âge de départ : nous y sommes tout à fait
disposés.
Comme nous vous le disons depuis plusieurs jours déjà, la seule
chose que nous ne souhaitons pas, c’est qu’il y ait une rupture brutale de la
discussion parlementaire.
M. le
président. La parole est à M. Bruno Millienne.
M. Bruno
Millienne. J’ai une proposition à faire aux oppositions, en particulier
à l’opposition de gauche – les groupes GDR et La France insoumise : en
effet, la majorité des 41 000 amendements ayant été déposée par ces
deux groupes, je leur propose donc de retirer les amendements non normatifs, que
nous considérons comme des amendements d’obstruction, afin d’arriver à
travailler sur le fond des articles. Cela permettrait d’abaisser à environ
7 000 le nombre d’amendements à étudier.
Je pense que nous en
sortirions grandis : on ne nous reprochera jamais d’avoir recherché
l’excellence, même si nous ne l’atteindrons pas ; mais si nous trouvons la
médiocrité car nous nous y employons, on nous le reprochera.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Jimmy
Pahun. Bravo !
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Nous sommes également tout à fait disposés à discuter d’une
réorganisation des travaux, car nous avons senti, ce matin, un appétit pour la
discussion sur le fond. Nous pourrions par exemple appeler en priorité les
articles traitant de l’indexation, de la valeur du point.
Initialement,
nous souhaitions que le Gouvernement retire son texte pour nous en proposer un
nouveau plus abouti. Mais puisque nous en sommes là, nous sommes ouverts à cette
proposition.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Tout le monde connaît notre souhait que ce texte soit
retiré, pour de multiples raisons que nous avons eu l’occasion d’exprimer au
cours de nos débats : son impréparation, les multiples ordonnances qu’il
comporte, mais aussi les conditions dans lesquelles il est examiné ici, en
séance publique, depuis quelques jours et dans lesquelles il a été examiné la
semaine dernière en commission. Cette revendication demeure d’actualité. Nous
sommes venus en séance avec la volonté de démontrer d’une part le décalage entre
les intentions et les actes, d’autre part l’impréparation du texte – ce à
quoi nous nous attelons.
Nous sommes aussi venus pour obtenir des
réponses à des questions de fond, précises, que nous posons régulièrement depuis
le début de notre discussion ; mais nous avons le plus grand mal à les
obtenir. S’il faut en venir à l’examen précis de tel ou tel article pour les
avoir, la discussion peut effectivement être réorganisée, mais les amendements
que nous avons déposés ont justement pour objectif d’obtenir ces réponses
– vous le savez très bien.
La réforme du règlement, la procédure
accélérée et l’article 40 de la Constitution constituent des contraintes
avec lesquelles nous avons dû composer, parfois ruser, pour obtenir du temps de
parole et la possibilité de défendre nos idées. (Protestations sur les
bancs du groupe LaREM.) Celles-ci font l’objet d’une proposition de loi
déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale, que nous avons l’intention de
défendre. Nous souhaitons que celui-ci puisse se poursuivre : il nous
engagera pour les décennies à venir, en touchant aux fondements de notre pacte
social. Cela mérite bien que nous prenions le temps d’en discuter et que nous ne
nous précipitions pas dans les conditions qui nous sont proposées. Si vous
souhaitez que la discussion soit réorganisée et que nous passions à un autre
article, nous y sommes prêts.
M. le
président. La parole est à Mme Cendra Motin.
Mme Cendra
Motin. Sur le fondement de l’article 100, alinéa 5, je
voudrais d’abord remercier toutes nos oppositions de nous faire tant de
propositions de réorganisation de nos débats, après avoir commencé par refuser
le temps législatif programmé !
M. Pierre
Dharréville. Ah, évidemment !
Mme Cendra
Motin. Quoi qu’il en soit, vous avez la délicatesse et l’obligeance,
monsieur Mélenchon, de nous faire des propositions. J’en ferai donc preuve
également en vous faisant, avec beaucoup de respect, deux propositions ;
celles-ci s’adressent également aux membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine dont je rappelle qu’ils ont déposé 1 350 amendements au
seul article 2 !
M. Hubert
Wulfranc. Et alors ?
Mme Cendra
Motin. J’imagine donc, chers collègues, que vous avez
1 350 propositions de fond sur cet article. J’ai hâte de les lire et
d’en débattre.
M. Pierre
Dharréville. Nous sommes prêts, sans problème !
Mme Cendra
Motin. Mais ce que je vous propose, monsieur Mélenchon – vous
auriez pu le faire plus tôt, mais il est encore temps –, c’est de retirer
tous vos amendements et de réécrire chacun des soixante-cinq articles du projet
de loi, pour nous faire part enfin de votre projet qui tient, hélas, en onze
pages seulement. J’imagine que vous n’avez pas assez de matière pour
soixante-cinq articles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM. – Protestations sur quelques bancs du groupe
LR.)
Mme Laurence
Dumont. Nous essayons de trouver des solutions !
M. le
président. Pour que les règles soient claires, je précise que
j’accepterai un rappel au règlement par groupe. Je rappelle que, s’ils portent
sur les mêmes sujets, ces rappels peuvent être interrompus. Il est
inenvisageable que nous perdions notre temps à débattre ainsi de propositions
sans avoir entendu l’avis clair de chaque groupe. Nous trancherons à l’issue de
ces prises de parole, dans le respect du règlement.
La parole est à
Mme Sylvia Pinel.
Mme Sylvia
Pinel. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 100. Nous
sommes nombreux à avoir constaté, au cours des derniers jours, que ce texte qui
instaure une réforme structurelle mérite un véritable débat de fond. Nous sommes
nombreux également à avoir dénoncé un calendrier intenable, ubuesque – sans
parler de l’impréparation de la réforme elle-même. Nous voyons bien que nous
n’avançons pas et il me semble que la proposition de M. Mélenchon serait
susceptible de redonner de la sérénité à nos débats. (Rires et exclamations
sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Thibault
Bazin. Laissez-la s’exprimer !
M. le
président. Chers collègues, un peu de calme s’il vous plaît.
Mme Sylvia
Pinel. Je ne crois pas avoir abusé du temps de parole ! Vous êtes
nombreux à avoir dénoncé des amendements redondants, sur certains sujets. Ce
matin, plusieurs d’entre nous ont souligné l’importance de certains sujets, par
exemple la valeur du point ou encore la pénibilité. Les articles concernés
pourraient être examinés en priorité. Plusieurs d’entre nous sont prêts à
discuter de ces sujets qui sont au cœur de cette réforme de structure. Nous
pourrons ainsi exposer nos désaccords et nos divergences dans un débat
apaisé ; tel est le souhait que je formule, au nom du groupe Libertés et
territoires. Je souscris donc à la proposition des groupes ayant émis le souhait
d’avancer et de travailler, dans un hémicycle apaisé.
M. le
président. La parole est à M. Paul Christophe.
M. Paul
Christophe. Cette proposition arrive un peu tardivement. Nous avions
entendu parler du texte à trous. Finalement, c’est un examen à trous que l’on
nous propose – dans lequel on peut choisir les trous ! Je vous laisse
imaginer la cohérence d’une telle démarche, qui s’apparentera à une sorte de
loto et consistera à piocher un article de-ci, de-là.
L’organisation du
texte est cohérente, tout comme la lecture qui en a été proposée. Je préférerais
que vous nous suggériez de l’examiner en utilisant la procédure du temps
législatif programmé, comme je rappelle que cela a été proposé. Le passage en
commission spéciale a démontré votre volonté – assumée et répétée ce matin
encore – de faire totalement obstruction à ce texte.
M. Régis
Juanico. La commission a tout de même étudié
6 000 amendements, jusqu’à l’article 25 !
M. Paul
Christophe. Je ne comprends donc pas la portée normative de votre
proposition – je comprends seulement qu’elle a pour objectif de noyer le
poisson !
Je me languis, bien sûr, d’arriver au titre V et même
d’aller au-delà de l’article 65, car nos collègues du groupe Les
Républicains ont également des propositions intéressantes à présenter dans le
cadre de ce débat. Je trouve dommage que la proposition qui nous est faite
aujourd’hui arrive si tardivement. Je vous proposerai plutôt de supprimer tous
les amendements et sous-amendements de suppression, qui nuisent à la lecture du
texte, afin que nous puissions réellement entrer dans l’examen de fond, tel
qu’il a été prévu. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir,
LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme
Emmanuelle Ménard. Je n’ai pas la prétention de parler au nom de
l’ensemble des non-inscrits mais je crois pouvoir en représenter quelques-uns
et, étant la seule présente aujourd’hui, j’en profite ! (Rires et
applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR et MODEM.)
Nous reconnaissons tous désormais que ce texte mérite un véritable
débat de fond. Pour ma part, je ne suis pas du tout favorable – vous le
comprendrez aisément – au temps législatif programmé. En effet, dans ce
cas, les députés non-inscrits – dix-neuf à ce jour…
M. Pascal
Lavergne. Formez un groupe !
Mme
Emmanuelle Ménard. …donc plus nombreux que les groupes de La France
insoumise et de la Gauche démocrate et républicaine – auraient un temps de
parole ridiculement court ! Nous n’y sommes donc pas favorables. Il me
semble enfin que le député Mélenchon a formulé une bonne proposition. Tous les
groupes d’opposition s’accordent pour laisser le choix au Gouvernement d’un
article prioritaire – qu’il concerne la valeur du point, la pénibilité, ou
un autre sujet – sur lequel il considère qu’un véritable débat de fond doit
avoir lieu, et dont nous pourrions discuter.
M. le
président. Je vous remercie, madame Ménard.
Mme
Emmanuelle Ménard. Cette proposition démontre notre bonne volonté, celle
des groupes d’opposition. Montrez-vous nous la vôtre !
M. le
président. La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur
général de la commission spéciale.
M. Sébastien
Jumel et M. Jean-Luc Mélenchon. Nous souhaitions nous
exprimer !
M. le
président. Vous vous êtes déjà exprimé, monsieur Mélenchon. Je vous
remercie de me laisser conduire nos débats.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission
spéciale. Nous ne sommes pas dupes de ce qui se passe. C’est une compétition
de stratagèmes politiques (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM) visant à fuir le débat sur le fond du texte et à en priver les
Françaises et les Français.
M. Thibault
Bazin. Quel culot !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je suis désolé de le
dire, mais ce n’est pas une bonne proposition ; c’en est une mauvaise. Nous
sommes à l’Assemblée nationale, et non pas au café du commerce !
( « Bravo ! »
et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Je suis stupéfait
d’entendre des collègues – y compris certains qui ont été
ministres –…
M. Pierre
Dharréville. Seriez-vous jaloux ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. …proposer que nous
discutions sur le projet de loi en commençant par les articles et les sujets
dont nous avons envie de parler – pénibilité, gouvernance… – sans
terminer les articles, comme bon nous semble, comme à la buvette. Je ne suis pas
d’accord pour agir de la sorte face à l’obstruction massive que nous constatons.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme Laurence
Dumont. C’est au Gouvernement de décider !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. La place d’un article
dans une discussion a un sens. Nous sommes à l’Assemblée. Un texte contient des
titres, des chapitres, des sections et des articles – et il y a une raison,
un sens à cela ! Je comprends tout à fait que vous soyez opposés à ce
texte. C’est votre droit le plus strict, comme c’est votre droit de défendre vos
opinions dans le débat politique.
L’article 1er, qui
porte sur les principes de la réforme, aurait pu nous occuper quelques heures.
En raison du choix que vous avez fait, il nous occupe finalement plusieurs jours
et pourrait visiblement nous occuper toute une année. Vous avez en effet choisi
de déposer en masse des amendements, y compris de pure obstruction, visant à
remplacer un mot par un autre ou à supprimer une virgule par-ci, par-là. Vous
avez aussi ajouté une série de sous-amendements afin de multiplier votre temps
de parole, dans ce qui semble d’être une compétition des gauches entre elles.
(Protestations sur les bancs des groupes SOC, LFI et GDR.)
M. Bruno
Questel. Il a raison !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Cette proposition
relève purement d’une stratégie politique visant à exister dans les médias…
M. Bruno
Millienne. Politicienne !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Oui, politicienne.
Sur ce sujet important, celui du futur système universel de retraite, les
Françaises et les Français méritent mieux que des débats de stratégie politique
que l’on peut sans doute retrouver dans la série Baron noir mais qui
n’ont pas leur place dans cet hémicycle. Poursuivons le débat, tous ensemble.
C’est ce que nous devons à nos concitoyens mais aussi à notre institution.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, présidente de
la commission spéciale.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Je
serai plus brève. Nous avions un texte à examiner et il n’est pas de notre fait
qu’après huit jours, nous n’en soyons encore qu’à l’article 1er
– alors que nous renvoyons à chaque fois vos questions à l’examen des
futurs articles. Vous vous rendez compte vous-mêmes aujourd’hui que l’absurdité
est à son comble puisque nous en sommes toujours au même article et aux
principes généraux. Par la suite, nous aurions eu largement le temps d’évoquer
l’âge de départ au titre II, les dispositifs de solidarité au
titre III, la gouvernance au titre IV, et les transitions au
titre V.
M. Pierre
Dharréville. Ah, mais nous voulons en parler aussi !
Mme
Brigitte Bourguignon, Présidente. Nous avions largement le temps
– et nous l’avons encore – d’évoquer ces sujets posément.
(« Ah ! » sur
les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)
Il n’est pas de notre fait non
plus qu’après avoir déposé de nombreux amendements, vous ayez adopté une
nouvelle stratégie consistant à déposer, en outre, des sous-amendements.
M. Régis
Juanico. C’était en réaction à l’attitude du président
Ferrand !
Mme
Brigitte Bourguignon, Présidente. Nous avons largement dépassé
cette étape de nos débats car, depuis, votre demande de réintégration des
amendements supprimés a été satisfaite ! Mais cela n’a rien changé à votre
stratégie.
Mme Sylvie Tolmont et
M. Pierre Dharréville. Vous n’avez fait qu’appliquer le
droit !
Mme
Brigitte Bourguignon, Présidente. Si vous souhaitez vous
exprimer, madame la députée, je vous invite à prendre le micro. Je conclurai
franchement mon propos : si vous souhaitez que nous examinions réellement
les sujets de fond comme cela semble être le cas aujourd’hui, samedi à
15 heures 30 – puisque nous avons encore perdu une
demi-heure –, retirez donc vos sous-amendements une fois pour toutes, et
avançons ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Vous en sortiriez grandis !
M. le
président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec
le Parlement.
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement. Je vais
m’efforcer de répondre aux différents orateurs avec le ton employé par chacun
d’entre nous : un ton apaisé de début d’après-midi, que je salue. Il est
toujours préférable qu’il en soit ainsi, dans les mœurs politiques comme dans la
vie en général.
J’entends parler d’une proposition de M. Mélenchon.
Non ! M. Mélenchon a expliqué que les groupes d’opposition s’étaient
réunis, sans réellement parvenir à se mettre d’accord, et que leur proposition
n’était pas vraiment ferme : nous pouvons supprimer le texte, ne pas
l’examiner, inverser les articles… Ce n’est pas une proposition,
monsieur Mélenchon ! C’est un ton et un état d’esprit – que je
salue, certes –, mais pas une proposition.
Vous semblez vous rendre
compte des limites de l’exercice que vous avez pratiqué devant nous depuis six
jours. Quant à nous, notre volonté d’examiner le texte dans l’ordre prévu,
c’est-à-dire de l’article 1er à l’article 65, est
constante. Pour une raison qui n’échappera à personne, vous percevez les limites
de l’exercice de l’obstruction – je parle à ceux qui en ont fait profession
de foi depuis le début de l’examen de ce texte. Les citoyens nous regardent, et
je ne suis pas certain que le spectacle donné collectivement soit très beau. Cet
après-midi, six jours après le début de l’examen en séance, vous proposez
d’inverser les articles. Permettez-nous de penser – vous n’êtes sans doute
pas d’accord, mais c’est le principe du débat démocratique – que
l’organisation du texte en titres et en articles a un sens.
J’ajoute,
monsieur Mélenchon, que les rapporteurs se sont organisés selon le
calendrier prévu. Or je sais que, tout comme vos collègues, vous respectez
l’organisation et le travail des uns et des autres. Nous n’allons pas
réorganiser nos discussions au fur et à mesure en piochant les articles au
hasard les uns après les autres, car le texte est un tout. Je vous invite à lire
l’article 2, qui crée le système universel.
M. Régis Juanico et
M. Boris Vallaud. Allons-y !
M. Marc
Fesneau, ministre. Oui, allons-y ! Mais – le ministre
des relations avec le Parlement ne peut pas vous dire autre chose –, cela
ne dépend pas de moi, ni de la majorité, mais de votre propre volonté d’avancer
vers l’article 2. Or manifestement, cette volonté n’est pas
présente.
Par ailleurs, je ne résiste pas au plaisir de relever que, même
à l’article 44, vous avez déposé des amendements visant à ajouter ou
modifier des mots. Après avoir désorganisé les débats et engagé vos manœuvres
d’obstruction, vous voulez utiliser les mêmes méthodes pour perturber le débat à
l’intérieur même des articles.
M. Philippe
Latombe. Eh oui !
M. Marc
Fesneau, ministre. Malgré la bonne volonté que vous affichez,
personne n’est dupe. Je vous propose donc de poursuivre les débats sur le texte,
comme l’a suggéré tout à l’heure l’un des membres de vos
groupes.
Monsieur Dharréville, je connais votre exigence et votre
honnêteté intellectuelles – ce n’est pas un vain mot –, mais il
m’avait échappé que vous aviez manqué de temps de parole. (Applaudissements
sur plusieurs bancs des groupes LaREM.)
M. Pierre
Dharréville. Je n’ai jamais dit cela !
M. Marc
Fesneau, ministre. Je vous invite donc à reprendre la parole et à
faire avancer le débat. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. Sur la base d’une proposition formulée par M. Mélenchon,
nous avons débattu ce matin et cet après-midi de la possibilité d’utiliser
l’article 95 du règlement pour modifier l’ordre de la discussion des
articles du projet de loi. Tous les groupes se sont exprimés. Nous avons obtenu
une réponse claire de Mme la présidente de la commission spéciale, de
M. le rapporteur général et de M. le ministre chargé des relations
avec le Parlement.
Je vous rappelle que l’article 95 du règlement
offre la possibilité de modifier l’ordre de la discussion à la commission ou au
Gouvernement : il ne nous permet pas d’engager un grand débat en vue de
choisir ensemble ce que nous voulons faire. Puisque cette option a été
clairement exclue, de façon propre et après une expression de chaque groupe,
nous allons maintenant reprendre la discussion des amendements. Je sais que
M. Dharréville est impatient de défendre le sien. (Sourires.)
M. Marc
Fesneau, ministre. Nous sommes impatients de
l’entendre !
M. Régis
Juanico. Allons de l’avant !
Article 1er (suite)
M. le
président. Je suis donc saisi de seize amendements identiques,
nos 25665 et identiques, déposés par les membres du groupe de la
Gauche démocrate et républicaine.
Ces amendements font l’objet d’un
sous-amendement, no 42270.
La parole est à M. Pierre
Dharréville, pour soutenir les amendements.
M. Pierre
Dharréville. Je souscris à ce que vous venez de dire, monsieur le
président. L’option que nous aurions pu choisir a été fermée : la majorité
devra donc arrêter de se plaindre et engager le débat. (Exclamations sur
plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Nous
ne nous plaignons pas !
M. Pierre
Dharréville. Mais oui, il faut engager le débat ! Je ne me suis pas
plaint de ne pas avoir assez de temps de parole : j’ai dit et je confirme
une nouvelle fois que nous nous étions organisés pour en avoir suffisamment.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur général, le texte a un sens
– c’est ce que nous disons depuis le début –, et nous le contestons.
Il est vrai que ce texte est mal gaulé, mais c’est comme cela, nous faisons
avec. (Mêmes mouvements.) Mais cela a nécessairement une incidence sur
les discussions. Nos débats sont parfois pénibles, c’est vrai, mais c’est comme
cela ! Vous nous devez des réponses et nous allons donc continuer à poser
un certain nombre de questions et à discuter de ce texte.
C’est le sens
de notre amendement, qui ne manquera pas de vous déplaire car il vise à
souligner et dénoncer le décalage entre vos intentions et vos actes. Votre
système de retraite ne tiendra pas ses promesses mirobolantes, mirifiques,
miraculeuses, et nous continuons de vous le dire. Nous poursuivons donc ce débat
parlementaire, et nous devons prendre le temps nécessaire…
M. Bruno
Millienne. Quel est le rapport avec le contenu de votre
amendement ?
M. Pierre
Dharréville. …car votre réforme nous engage pour les décennies à venir
et met en cause notre protection sociale, notre socle social fondamental.
M. Philippe
Latombe et Mme Michèle de Vaucouleurs. Mais que dit votre
amendement ?
M. Pierre
Dharréville. Notre amendement vise donc à poursuivre cette discussion.
Allons-y ! J’ai bien entendu que les rapporteurs s’organisaient, chacun sur
leur titre, mais j’attends du Gouvernement qu’il réponde aux nombreuses
questions restées sans réponse, dont nous ferons la liste – du reste, nous
l’avons déjà commencée.
Rappel au règlement
M. le
président. Monsieur Mélenchon, vous m’avez demandé la parole pour un
rappel au règlement. Porte-t-il sur le sujet que nous venons
d’évoquer ?
M. Jean-Luc
Mélenchon. Lequel, monsieur le président ? (Rires et
exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M.
Jean-Philippe Ardouin. Il ne s’en souvient plus !
M. le
président. Celui de l’article 95 du règlement, qui a occupé une
demi-heure de nos débats.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Vous vous êtes trompé, monsieur le président : c’est
pourquoi j’y reviens.
M. le
président. Ah ! Si je me suis trompé, merci de me corriger.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Vous avez dit que nous avions obtenu une réponse claire du
Gouvernement et du rapporteur général ; elle n’est pas si claire que cela,
mais nous en avons compris l’esprit. Notre collègue Cendra Motin a fait une
proposition qui, apparemment, n’intéresse personne et à laquelle vous ne me
permettez pas de répondre puisque vous avez dit que nous n’allions pas passer
des heures à discuter de ce sujet – je me soumets à votre décision,
monsieur le président.
L’alinéa 4 de l’article 95 du règlement
dispose : « La réserve ou la priorité d’un article ou d’un amendement,
dont l’objet est de modifier l’ordre de la discussion, peut toujours être
demandée. » L’alinéa 5 précise que ces procédures sont de droit à la
demande du Gouvernement, qui ne veut pas entendre parler de ma proposition, ou
de la commission saisie au fond, qui a répondu la même chose. Cependant,
« dans les autres cas, le président décide ». Monsieur le président,
j’admets que vous puissiez décider de ne pas donner suite à ma proposition, mais
c’est vous qui devez en prendre la responsabilité, pas moi !
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Moi, je suis bon
garçon, j’ai fait une proposition.
M. le
président. Merci, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Laissez-moi trente secondes, monsieur le président.
M. le
président. Je vous en prie.
M. Jean-Luc
Mélenchon. M. le rapporteur général et Mme la présidente de la
commission spéciale ont également fait des propositions : le premier nous a
demandé de retirer tous nos amendements, la seconde tous nos amendements de
suppression.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Non,
vos sous-amendements !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ça, ce n’est pas possible. Mais Mme Motin nous a aussi
proposé de réécrire tous nos amendements afin d’y développer notre projet, que
vous avez hâte de connaître. Je l’accepte, mais il faut me donner du temps
– disons quarante-huit heures. (Exclamations sur plusieurs bancs du
groupe LaREM.)
M. le
président. Merci, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Pendant quarante-huit heures, nous réécrirons nos
amendements. Mais vous êtes en train de préparer le 49.3 car vous les avez à
zéro (Vives protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM ainsi que
sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir – M. le président
coupe le micro de l’orateur)…
M. Jacques
Marilossian. Ça ne marche plus, ces histoires !
M. le
président. Monsieur le président Mélenchon, je vais vous apporter une
réponse. À la suite de la proposition que vous avez formulée ce matin, le
président Ferrand a été consulté : il ne changera pas, au titre de ses
prérogatives, l’organisation des débats. Puisque vous me réinterrogez sur ce
sujet et que la présidence est une et indivisible, je prendrai la même décision.
Ni la commission, ni le Gouvernement, ni la présidence de l’Assemblée ne
souhaitent donc changer l’ordre de la discussion des articles.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Pourquoi ne pas le demander à Macron, tant qu’on y
est ?
M. Patrick
Mignola. On ne va quand même pas jouer le match Pays de
Galles – France en commençant par la quatre-vingtième minute !
(Sourires.)
M. le
président. J’espère que ma réponse ne souffre, cette fois-ci, d’aucune
ambiguïté.
Article 1er (suite)
M. le
président. Nous en venons au sous-amendement no 42270,
sur lequel je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés et par le
groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin
est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à
M. Régis Juanico, pour soutenir le sous-amendement.
M. Régis
Juanico. J’espère que mes propos ne relèveront pas trop du café du
commerce ou de la buvette de l’Assemblée nationale ; ils portent sur les
amendements identiques déposés par le groupe GDR, qui soulèvent la question de
la précarité et de la pauvreté.
Comme l’a souligné Pierre Dharréville,
nous avons un système de retraite solidaire et par répartition, créé en 1945,
qui est le fruit d’un travail collectif effectué au sein du Conseil national de
la Résistance. Comme je le dis souvent, il ne faudrait toucher à cette
constitution sociale que de la même façon que l’on touche à une Constitution,
c’est-à-dire d’une main tremblante. Aujourd’hui, ce système permet aux retraités
de bénéficier d’un taux de remplacement – le pourcentage du revenu
antérieur touché à l’âge de la retraite – très élevé, de 75 %. Ainsi,
le niveau de vie relatif des retraités par rapport aux actifs est de 106 %,
et le taux de pauvreté des retraités est exceptionnellement bas, autour de
7 % – c’est l’un des plus faibles d’Europe. Voilà ce qu’il faut
absolument garantir dans un nouveau système de retraite, bien que nous pensions,
pour notre part, qu’il vaut mieux améliorer le système actuel.
Selon la
Cour des comptes, nous avons un taux d’emploi des seniors âgés de 60 à
64 ans parmi les plus faibles d’Europe, autour de 33 %. Cependant,
depuis dix ans, le chômage des seniors de plus de 50 ans a considérablement
augmenté – il a même doublé. Aujourd’hui, 900 000 actifs de plus
de 50 ans sont inscrits à Pôle Emploi. Au sein de cette catégorie, le
chômage de longue durée est beaucoup plus élevé que dans le reste de la
population. Il en est de même pour le travail à temps partiel. La pauvreté et la
précarité sont donc en germe, et votre nouveau système de retraite ne fera
qu’accélérer cette tendance puisque l’âge d’équilibre est, par nature, un
mécanisme injuste qui imposera à nos concitoyens de travailler beaucoup plus
longtemps et dans un état de santé qui va se dégrader. D’ailleurs, la Cour des
comptes elle-même souligne que votre système va entraîner de plus en plus de
précarité et de pauvreté : le coût de la solidarité, en minima sociaux et
en allocations diverses et variées, ira croissant, ce qui pèsera sur les
finances publiques.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la
commission spéciale pour le titre Ier, pour donner l’avis de la
commission sur les amendements identiques et le sous-amendement.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Lorsque la
responsabilité de rapporteur m’a été confiée, il m’a semblé que j’avais le
devoir de travailler sur le fond pour essayer de comprendre les enjeux et de
vous les exposer, afin de respecter la confiance qui m’a été accordée et de
respecter les oppositions. C’est ce que j’ai essayé de faire, notamment en
commission spéciale. Dans le jeu qui se met en place, mon rôle me semble
accessoire. Sur des amendements qui ne portent pas sur le fond, afin de
respecter les autres oppositions qui ont fait l’effort de nous soumettre
d’autres propositions, je me contenterai de dire
« défavorable ».
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Monsieur
Dharréville, je trouve votre proposition de rédaction de l’alinéa 6 assez
étonnante.
M. Pierre
Dharréville. J’ai essayé de me mettre à votre place !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je ne sais qu’en penser. Je
veux croire que vous avez envie de débattre d’autre chose que de ces
propositions de réécriture d’articles assez incroyables, qui ne feraient
qu’aggraver les situations de pauvreté. Avis défavorable.
M.
Jean-Paul Mattei. Dire que certains députés osent sous-amender de tels
amendements !
M. Frédéric
Petit. Et qu’ils demandent même un scrutin public !
M.
Jean-Paul Mattei. Quelle honte !
M. le
président. La parole est à M. Patrick Loiseau.
M. Patrick
Loiseau. En 1945, les grandes lois sur la sécurité sociale ont permis
des avancées extrêmement importantes. Pour autant, que constatons-nous
aujourd’hui ? Certains agriculteurs touchent 500 ou 600 euros de
retraite par mois. Des artisans et des commerçants perçoivent des pensions très
faibles. Des femmes seules et des familles monoparentales connaissent d’énormes
difficultés. Je ne crois donc pas qu’il faille considérer le système actuel
comme intangible. Au contraire, il faut adopter de nouvelles mesures ;
celles que nous vous proposons aujourd’hui permettront justement de modifier
tous ces paramètres totalement dépassés, qui ne correspondent plus du tout à ce
que nous souhaitons véritablement.
Personnellement, le système actuel
m’imposerait de travailler jusqu’à l’âge de 67 ans pour bénéficier de mes
droits à retraite. Dans le nouveau système, je ne devrai travailler que jusqu’à
64 ans. Il existe plein d’autres exemples allant dans le même
sens.
Le texte dont nous débattons aujourd’hui nécessite sans doute
certaines modifications, certaines améliorations. Mais je vous propose d’avancer
très vite : retirez donc tous vos amendements et sous-amendements qui ne
servent à rien, qui ne sont pas normatifs ! Pour le bien de tous, adoptons
le plus rapidement possible un texte très bien construit, solidaire et
progressiste ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
MODEM.)
Mme Émilie
Bonnivard. Si ça, ce n’est pas du café du commerce…
Mme Nadia
Essayan. Non, c’est excellent !
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Après cet épisode, la majorité ne pourra plus se
prévaloir de rien pour ne pas porter la responsabilité du 49.3. (Exclamations
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Pascal
Lavergne. Ah, voilà où vous vouliez en venir !
M.
Sébastien Jumel. Par ailleurs, je ne peux pas entendre ici de la bouche
d’un parlementaire, et encore moins de celle d’un membre du Gouvernement, une
invitation à renoncer au droit d’amendement, dont je rappelle qu’il est
individuel et reconnu par la Constitution. Ce n’est donc pas la peine de répéter
cette proposition à l’envi.
M. Bruno
Millienne. C’est un droit, pas une obligation !
M.
Sébastien Jumel. Nous avons beaucoup travaillé et, sur toutes les
parties du texte, nous avons de nombreuses critiques et de nombreuses
propositions à formuler, y compris pour améliorer le système actuel.
Mme Anne
Genetet. Eh bien, nous les attendons !
M.
Sébastien Jumel. C’est la raison pour laquelle nous n’aurions pas été
gênés d’examiner le texte en commençant par le bout que vous vouliez. Mais si
vous préférez l’étudier dans l’ordre, étudions-le dans l’ordre : nous
sommes prêts à travailler le temps qu’il faudra, et c’est ce à quoi nous allons
nous astreindre.
Lorsqu’Ambroise Croizat a présenté son texte
fondamental, dont il ne revendiquait pas la paternité, il a recherché
l’unanimité et le consensus. Il n’avait qu’une idée en tête, qui contredit vos
principes fondamentaux : « Nul ne saurait ignorer que l’un des
facteurs essentiels du problème social en France, comme dans presque tous les
pays du monde, se trouve dans ce complexe d’infériorité que crée chez le
travailleur le sentiment de son insécurité, l’incertitude du lendemain qui pèse
sur tous ceux qui vivent de leur travail. » Avec votre projet de loi, cette
incertitude est renforcée et cette insécurité aggravée.
Mme Nadia
Essayan. Justement, nous travaillons à les réduire !
M.
Sébastien Jumel. C’est la raison pour laquelle nous allons le combattre
pied à pied.
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. La France est le premier pays au monde à réformer un système de
retraite en baissant l’âge de départ à la retraite. Vous avez dit, monsieur
Loiseau, que la réforme vous permettrait de prendre votre retraite plus tôt, à
64 ans au lieu de 67. C’est parfait, sauf que vous ne prévoyez aucun
financement ! En revanche, vous n’avez pas dit que certaines personnes qui
peuvent actuellement partir à 62 ans avec une carrière complète ne pourront
désormais partir à cet âge qu’avec une pension nettement plus faible. Pour ces
personnes, la réforme n’a pas exactement le même effet.
Quant au taux de
pauvreté, il est très lié au taux d’activité – pas totalement, évidemment,
mais quand même en grande partie. Je note qu’avec le relèvement de l’âge légal
de départ à la retraite, le taux d’activité des Français âgés de 55 à
64 ans, en fin de parcours professionnel, est remonté, même s’il reste bien
plus faible que dans tous les autres pays. C’est une bonne chose : nous
devons continuer à augmenter le taux d’activité des seniors.
L’INSEE a
remarqué il y a peu que le taux d’activité commençait à remonter d’une façon
assez générale, et nous devons nous en féliciter. L’âge de la retraite joue
beaucoup dans ce domaine. Confondant cette question avec celle du chômage,
certains ont dit en commission spéciale qu’on ne pouvait pas continuer à reculer
l’âge de la retraite alors qu’aucune entreprise ne veut employer des salariés
aussi âgés. Ce n’est pas la question ! Ce qu’il faut, c’est que la société
française invente les conditions permettant de travailler plus longtemps parce
que nous vivons plus longtemps. C’est un défi culturel, qui dépasse toute
réforme des retraites et c’est cela aussi qu’on doit engager quand on engage une
telle réforme.
Mme
Brigitte Kuster. Sages paroles !
M. Éric
Woerth. Par ailleurs, monsieur le rapporteur général, les ministres
expérimentés savent qu’on ne présente pas un texte mal ficelé et incomplet au
Parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et SOC, ainsi que
sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
Mme Valérie
Rabault. Sur ce point, il a raison !
M. le
président. La parole est à Mme Catherine Fabre.
Mme
Catherine Fabre. Mais enfin, monsieur Dharréville, votre amendement tend
à supprimer l’objectif de solidarité des objectifs de notre système de
retraite !
M. Pierre
Dharréville. Je me mets à votre place !
Mme
Catherine Fabre. Je sais bien que vous tenez autant que nous à la
solidarité ! Pourquoi passer une semaine à débattre des dix premières
lignes du texte, consacrées à ces objectifs, alors que nous sommes
d’accord ? Répondez-moi franchement : peut-on enfin se mettre au
travail, plutôt que de pinailler sur les premières pages d’un texte qui en
compte 112 ? Cela fait une semaine qu’on pinaille sur la première page
de ce texte alors que nous sommes d’accord sur le fait que les objectifs d’un
système de retraite doivent être notamment l’équité et la solidarité. Peut-on
passer à la suite et débattre des articles de fond du titre II, du
titre III, du titre IV, du titre V, qui organisent les
transitions, la prise en compte de la pénibilité, les droits familiaux et
conjugaux ?
Les Français attendent de nous que nous mettions toute
notre énergie à résoudre leurs problèmes et vous êtes en train de nous empêcher
de le faire ! Franchement, quel gâchis ! (Applaudissements sur
plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Il va falloir changer d’éléments de langage et arrêter de
rabâcher ce que vous avez déjà dit dix fois. (Exclamations sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Quel culot !
M. Jacques
Marilossian. Qui rabâche, ici ?
M. Jean-Luc
Mélenchon. Nous vous avons proposé de passer aux articles suivants et
vous n’avez pas voulu ! (Protestations sur les bancs des groupes LaREM
et MODEM.)
M. le
président. S’il vous plaît !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ils crient mais je ne sais pas ce qu’ils disent. Pouvez-vous
me le dire ?
M. le
président. Allez-y, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. L’un de nos collègues vient de dire avec justesse que le
système actuel de retraite n’était pas sans défaut. Nous en sommes
d’accord : à notre avis, les gens partent trop tard et ils partent trop
pauvres. Nous sommes prêts à en débattre.
Mme Perrine
Goulet. Et comment les paierez-vous s’ils partent plus tôt ?
M. Jean-Luc
Mélenchon. Vous nous parlez de la situation des paysans et des artisans,
mais je vous renvoie à l’histoire sociale de notre pays : quand ce système
a été mis en place, ni les paysans, dirigés par le glorieux syndicat que nous
connaissons tous, ni les artisans ne voulaient être affiliés au régime général
de la sécurité sociale ; quand leur système s’est effondré, ce sont les
salariés du régime général qui ont pris sur leur dos la charge de leurs
retraites. Je le dis pour mémoire : c’est le salariat de ce pays qui a pris
sur son dos le coût de la retraite pour ces catégories sociales qui n’étaient
plus en état de financer leurs pensions.
M. Bruno
Millienne. Il supporte surtout le poids des retraites de la
SNCF !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Elles sont insuffisantes, nous en sommes d’accord, mais nous
récusons le système des points. Pourquoi ? Parce que la question n’est pas
celle d’un équilibre entre actifs et inactifs, mais de la façon dont on répartit
la richesse produite. Si les gens produisent trois fois plus de richesses
aujourd’hui qu’il y a trente ans, la façon de répartir cette masse entre les uns
et les autres est le seul enjeu de la question des retraites.
Si vous
augmentez les salaires d’un point, vous avez 2,5 milliards de plus, et
ainsi de suite – écoutez-moi, l’explication est claire. Cela signifie que
vous définissez différemment la part qui revient aux salaires et celle qui
revient au capital. La retraite est une affaire de lutte de
classes !
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42270.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 106
Nombre
de suffrages
exprimés 97
Majorité
absolue 49
Pour
l’adoption 13
Contre 84
(Le sous-amendement no 42270 n’est pas
adopté.)
(Les amendements no 25665 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir
l’amendement no 25666 et les amendements identiques déposés par
les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M.
Sébastien Jumel. En faisant l’impasse sur les problématiques de
financement, sinon pour exagérer leur gravité, ou de prise en compte de la
pénibilité, dont quatre critères ont été supprimés, en n’étant pas en situation
d’expliquer de quelque façon que ce soit la manière dont vous comptez financer
les périodes de transition, vous allez dégrader l’héritage…(Brouhaha sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.) On ne s’entend plus,avec tout ce
bazar ! J’ai pourtant une voix grave mais le brouhaha est tellement dense
que je n’arrive pas à m’entendre ! (Exclamations sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. C’est vrai : nous sommes là pour tout le week-end, et ce
brouhaha permanent est une cause d’énervement supplémentaire pour tout le monde
et nuit à la sérénité de nos débats. Je remercie ceux qui ont des conversations
à mener de bien vouloir le faire en dehors de l’hémicycle, ou à voix très
basse.
Continuez, monsieur Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Vous enfoncez un coin entre les générations et vous
attaquez le principe de répartition, tout cela pour favoriser encore un peu plus
le système par capitalisation.
Tout cela nous conduit à penser que votre
objectif plus ou moins avoué est de déchirer l’héritage de la sécurité sociale.
Cet amendement est pour vous l’occasion de l’affirmer clairement, en rappelant
que votre objectif est de débarrasser la loi de tout l’héritage du Conseil
national de la résistance.
M. le
président. Sur les amendements identiques nos 25666 et
identiques, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sabine Rubin, pour
soutenir le sous-amendement no 42174 à l’amendement
no 25666.
Mme Sabine
Rubin. Je voudrais au préalable rappeler des choses qui ont déjà été
dites et redites, notamment hier excellemment par ma collègue Clémentine Autain.
Nous sommes en train de débattre de dispositions qui fixent de grands principes,
l’objectif de solidarité en l’occurrence. Comment voulez-vous que nous votions
ces mesures sans avoir la certitude que ce principe de solidarité trouvera une
traduction dans les autres articles ? (Exclamations sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.) D’où la nécessité de connaître les autres
articles.
M. Patrick
Mignola. C’est sûr, je ne vais pas au cinéma si je ne connais pas déjà
la fin du film !
Mme Sabine
Rubin. D’où notre proposition de traiter ces autres articles, notamment
ceux relatifs à l’égalité entre les femmes et les hommes ou à la solidarité
avant de débattre d’un objectif dont on ne sait pas comment vous comptez
l’atteindre.
Vous auriez pu accepter cette proposition mais vous ne
l’avez pas fait. Soit, nous allons suivre votre logique. Puisqu’il est question
de solidarité, nous proposons par ce sous-amendement qu’elle soit instituée
entre les catégories socio-professionnelles, sans même savoir si cet objectif
aura une traduction ultérieure – mais nous n’en doutons pas.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Pour nous, le système par points est un système de transition
vers la capitalisation et nous avons démontré, texte des articles à l’appui, que
la capitalisation était dans ce projet mais je vois bien que je ne vous ai pas
convaincus. Je vous ai expliqué que, pour assurer l’équilibre du système de
retraite, il faut partager différemment la richesse produite. Nous ne parlons
donc pas du rapport entre actifs et inactifs, mais de ce qui est produit, en
quelle quantité et par combien de gens. Je l’ai dit, la production a triplé ces
trente dernières années.
J’accuse ce projet de loi de préparer une
intensification de l’exploitation du travail et je vous le démontre derechef.
Dans le système actuel, on compte par trimestre, évalué en nombre d’heures
– 150 – et la valeur horaire est calculée à partir du SMIC. Vous nous
proposez d’introduire un autre système de répartition où on ne mentionne plus de
valeur de référence : on parle d’« heures » en général. Jusqu’ici
les gens ayant atteint un certain niveau de qualification, donc un certain
niveau de paie, pouvaient acquérir facilement des heures payées au SMIC.
Dorénavant, comme il ne s’agit plus d’heures payées au SMIC, ils devront les
payer en heures à la valeur de leur propre travail. Cela signifie que pour
obtenir le même nombre d’heures, et donc le même nombre de points, il faudra
qu’ils travaillent plus longtemps et donc un nombre d’heures plus
grand.
J’estime avoir fait la démonstration que ce système incite à une
accentuation de l’exploitation du travail horaire.
Un député LR. C’est
limpide ! Marx n’a plus qu’à aller se coucher !
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Je retiens que sous nos yeux, par scrutin public, la gauche vient
de déclarer qu’elle était contre la solidarité nationale. (Applaudissements
sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Par cet amendement et ce
sous-amendement, vous nous proposez maintenant de rédiger ainsi le texte :
« un objectif de solidarité entre les générations et les catégories
professionnelles, au sein de chaque génération ». (Rires sur les bancs
des groupes MODEM et LaREM.) Voilà ce que vous nous proposez de
voter !
Vous nous proposez d’aller picorer entre les articles !
Mais quand nous arriverons à ces articles, vous commencerez à défendre trois
sous-amendements sur le premier mot de la première phrase et ainsi de suite.
Parlons de méthode, monsieur Mélenchon, puisque vous nous proposez de nous
accorder sur la méthode. C’est votre méthode, celle dont vous vous prévalez
explicitement, faite d’une accumulation d’amendements et de sous-amendements,
qui nous empêche de débattre du fond.
Vous venez d’en donner un exemple
qui l’illustre parfaitement en disant qu’à votre avis le système par point était
un passage vers la capitalisation. Il y a en effet un article qui traite de
cette question. Vous pourriez nous proposer d’amender l’article en question de
façon à exclure la capitalisation au lieu de nous proposer d’écrire « un
objectif de solidarité entre les générations et les catégories professionnelles
au sein de chaque génération », ce qui est absolument surréaliste. (Vifs
applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Bruno
Millienne. Excellent !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je veux vous rassurer, monsieur Petit : cet amendement
existe, du moins s’il n’a pas été supprimé au titre de l’article 40. Ils sont
même plusieurs. Pour l’instant, il s’agit de discuter des principes. Les
principes, c’est essentiel, M. le rapporteur général l’a dit tout à l’heure. Il
s’agit là d’affirmer que la solidarité existe aussi entre les générations.
M. Philippe
Latombe. C’est déjà dans le texte !
M. Pierre
Dharréville. En refusant que ce principe soit inscrit dans la loi, vous
êtes cohérents puisque votre projet, qui prévoit une retraite propre à chaque
génération, met à mal ce principe de solidarité entre les générations. Nous qui
ne sommes pas favorables à votre système, nous souhaitons au contraire inscrire
ce principe dans le marbre de la loi.
M. le
président. La parole est à Mme Célia de Lavergne.
Mme Célia
de Lavergne. Cet amendement vise effectivement à affirmer le principe de
solidarité entre les générations, c’est-à-dire le principe de répartition. Or il
est déjà inscrit au troisième alinéa. Soit vous avez mal lu le texte, soit vous
faites délibérément de la paraphrase pour nous faire perdre du temps.
Je
n’ai jamais porté de regard désobligeant sur les convictions des uns et des
autres. Toutefois, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine vient de
nous soumettre un amendement affirmant que le système universel de retraite vise
« un objectif de résorption de ce qu’il reste de solidarité, de manière à
aggraver les situations de pauvreté »– « et de précarité »,
précisait un sous-amendement socialiste. Où sont passées les idées des
communistes et d’Ambroise Croizat ? Où sont passées les idées des
socialistes ? La seule chose que vous proposez aux Français, c’est
l’empêchement et le blocage ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
(Le sous-amendement no 42174 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 25666 et les
amendements identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 102
Nombre
de suffrages
exprimés 91
Majorité
absolue 46
Pour
l’adoption 14
Contre 77
(L’amendement no 25666 et les
amendements identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements identiques,
nos 11300 et 11349.
La parole est à Mme Émilie
Bonnivard, pour soutenir l’amendement no 11300.
Mme Émilie
Bonnivard. En 2017, les femmes percevaient des pensions de retraite
inférieures de 40 % à celles des hommes : cette inégalité n’est plus
tolérable. Certes, le système de retraite n’a pas vocation, à lui seul, à
supprimer cet écart qui résulte de regrettables inégalités de salaire et de
carrière entre hommes et femmes. La création d’un nouveau système est toutefois
l’occasion d’inscrire dans la loi l’objectif qu’est la lutte contre cette
inégalité. Notre amendement, dont M. Brun est le premier signataire, vise
ainsi à préciser que le système poursuit un objectif de justice sociale et fait
une priorité de la lutte contre les écarts de retraite entre hommes et femmes.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir
l’amendement no 11349.
M. Philippe
Vigier. Nous avons débattu ce matin des écarts de retraite entre hommes
et femmes. La rédaction que nous proposons à ce sujet améliore les objectifs de
la réforme gouvernementale. Les chiffres du COR sont sans appel : en 2016,
les femmes ont touché une pension de droit direct inférieure de 38 % à
celle des hommes, soit 1 005 euros en moyenne contre
1 627 euros. Si l’on inclut les pensions de réversion, l’écart est de
24 %, soit 1 250 euros pour les femmes contre
1 647 euros pour les hommes – c’est dire le chemin qu’il reste à
parcourir. Ajoutons que deux fois plus de femmes que d’hommes travaillent
jusqu’à 67 ans. Notre amendement vise à ériger en priorité absolue le
rapprochement des pensions de retraite des hommes et des femmes, quand ce n’est
aujourd’hui qu’une simple ambition de votre réforme. (Applaudissements sur
plusieurs bancs des groupes LT et LR.)
M. le
président. Sur les amendements identiques nos 11300 et
11349, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de
scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Quel est l’avis de la commission sur ces
amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il est effectivement nécessaire que les
pensions de retraite compensent les distorsions que vous mentionnez, qui
tiennent d’une part aux écarts de salaire sur le marché du travail, d’autre part
aux différences induites par des déroulements de carrière où les maternités
freinent la progression de salaire des femmes.
Certaines dispositions du
titre III visent à corriger en partie ces écarts : l’attribution de
points au titre de périodes d’interruption d’activité, à
l’article 42 ; le soutien aux aidants, qui sont souvent des femmes, à
l’article 43 ; l’attribution de points dès le premier enfant
– sujet sur lequel notre groupe formulera des propositions –, à
l’article 44, ou encore des mesures relatives aux pensions de réversion, à
l’article 46.
Cependant, il ne me semble pas opportun d’inscrire
l’enjeu de la lutte contre les inégalités entre hommes et femmes dans un alinéa
spécifique, quoique nous puissions en rediscuter avec le Gouvernement – je
laisserai le secrétaire d’État s’exprimer à ce sujet. De mon point de vue, il
n’y a pas lieu de dissocier cette priorité de toutes celles qu’édicte déjà
l’alinéa, s’agissant en particulier des interruptions et des réductions
d’activité pour éduquer des enfants.
Je demande donc le retrait de ces
amendements identiques, même si je partage entièrement les intentions de leurs
auteurs. À défaut, mon avis sera défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous sommes en parfait accord
avec l’intention exprimée par ces amendements, tout à fait cohérents avec
l’article et l’alinéa qu’ils visent à modifier : ils montrent qu’avec leurs
auteurs, nous pouvons avoir un échange constructif. (Murmures sur les bancs
des groupes SOC et GDR.) Toutefois, j’en demanderai le retrait dans la
mesure où ils sont satisfaits.
Bien évidemment, le système de retraite
n’a pas vocation à accentuer les écarts entre hommes et femmes comme il le fait
aujourd’hui ; il doit refléter fidèlement les carrières tout en proposant
des dispositions solidaires, dont j’espère que nous débattrons rapidement dans
le titre III. Toutefois, le texte des amendements ne me semble pas bien
tourné. Je suis tout disposé à en reparler avec leurs auteurs. À défaut de
retrait, mon avis sera défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. La priorité que constitue la lutte contre les inégalités entre
les hommes et les femmes ne peut pas être dissociée des autres priorités
inscrites à l’alinéa 6. C’est justement parce que les dispositions du
titre III sont insuffisantes que nous souhaitons mentionner cet enjeu dès
l’article 1er, où sont énoncés les objectifs du nouveau
système.
L’amendement no 11300 évoque les pensions de
retraite des femmes. Nombre de celles qui sont aujourd’hui à la retraite ont
connu le système conçu au lendemain de la seconde guerre mondiale, mais nous
devons anticiper les conséquences des mesures intervenues depuis pour la
génération qui arrivera à la retraite ces prochaines années.
Depuis 1972,
les femmes disposent d’une importante mesure de compensation tendant à augmenter
leur durée d’assurance : la majoration à hauteur de huit trimestres par
enfant. Le système actuel, ainsi adapté, est fondé sur le critère de durée
d’assurance tous régimes. La génération qui arrivera bientôt à la retraite a
accru de manière spectaculaire sa durée d’assurance compensatoire, en
contrepartie de l’allongement des études et de l’augmentation de l’âge légal de
départ – qui est déjà une réalité. Or, votre projet, c’est « en marche
arrière » pour ces mères !
M. Boris
Vallaud. Absolument !
M. Thibault
Bazin. Vous évoquez sans cesse les femmes qui liquident leur retraite à
67 ans, mais vous ne pouvez pas oublier toutes les autres – en
particulier celles qui s’apprêtaient à liquider leur retraite à 62 ans sans
décote, grâce aux majorations de la durée d’assurance. En instaurant un âge
pivot ou d’équilibre, et en supprimant la majoration de la durée d’assurance,
vous ne tenez pas compte de la situation de nombreuses mères. Avec votre
réforme, les mères vont véritablement perdre des droits !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. Boris
Vallaud. Oui !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Chacun ses contradictions : vous souhaitez la
suppression de tous nos amendements de suppression, et dans le même temps,
M. Petit nous demande comment nous pourrions nous protéger de la
capitalisation.
M. Frédéric
Petit. Je n’ai pas dit ça !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Si je retire tous mes amendements de suppression, je n’aurai
pas l’occasion de le lui expliquer.
Voici l’explication.
L’article 15 permet au Gouvernement de prendre une ordonnance sur le régime
fiscal des dispositifs de capitalisation. Or l’article 65 ratifie les
ordonnances de la loi dite PACTE concernant la dérégulation du secteur de la
retraite par capitalisation, tandis que l’article 13 ouvre la voie à la
capitalisation puisque, au-delà d’un salaire mensuel de 10 000 euros,
les actifs ne cotiseront quasiment plus au régime par répartition. C’est donc en
supprimant ces trois articles que nous pourrons nous protéger de la
capitalisation.
M. Frédéric
Petit. Voilà des arguments, c’est mieux !
M. Jean-Luc
Mélenchon. En réponse aux amendements en discussion, qui tendent à
résorber l’écart de niveau de retraite entre hommes et femmes, le rapporteur a
affirmé que le texte y procédait déjà en attribuant des points. Mais qui donnera
ces points, et qui les paiera ? C’est toute la question que je pose depuis
le début ! Le Gouvernement s’engage-t-il à prendre en charge les points à
payer ? Bien sûr que non, et il l’a dit ! Cela impliquerait que le
budget de l’État finance la retraite des personnes concernées. En réalité, ce
seront les autres cotisants qui en assumeront la charge. Vous organisez donc une
répartition entre ceux qui ont accès à la retraite. Vous changerez par
conséquent l’âge d’équilibre afin d’atteindre le point zéro, c’est-à-dire
l’équilibre du régime de retraite. Ne soupirez pas, cher collègue Petit, c’est
une démonstration mathématique !
M. Frédéric
Petit. Mais non !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Il y a deux jours, vous demandiez justement une démonstration
mathématique. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Somme toute, il n’y a qu’une manière de faire : aligner
les salaires des femmes sur ceux des hommes, et voter nos amendements visant à
punir les employeurs qui n’y procèdent pas. (Mme Caroline
Fiat applaudit.)
M. Sylvain
Maillard. On l’a voté, ça !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Si vous acceptez l’égalité des salaires, alors vous résoudrez
les écarts de retraite. Dans la répartition capital-travail, si les femmes
étaient payées comme les hommes, nous pourrions financer une retraite à
60 ans avec 40 annuités. Voilà une démonstration
mathématique !
M. le
président. La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe
Latombe. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés vise les mêmes
objectifs que les auteurs des deux amendements. Nous affirmons depuis le début
que nous souhaitons résorber les écarts de niveau de retraite entre les hommes
et les femmes. Nous préférons toutefois la rédaction actuelle du texte, car
l’emploi du mot « résorption » assigne un objectif de résultat, tandis
que les amendements induisent plutôt un objectif de moyens. (Applaudissements
sur quelques bancs des groupes MODEM et LaREM.) Or c’est bien un objectif de
résultat que nous souhaitons fixer en la matière. Les modalités d’application de
ce principe devront être discutées dans le cadre des articles suivants.
(Mêmes mouvements.)
M. le
président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Des efforts ont été engagés pour réduire les différences de
salaire entre hommes et femmes, même s’il reste encore un long chemin à
parcourir. Aux six objectifs figurant dans le texte, nous proposons d’en ajouter
un septième qui érige en priorité parmi les priorités le rapprochement des
retraites entre hommes et femmes. Les chiffres sont têtus ; je les ai
rappelés. Je ne suis pas persuadé que le nouveau dispositif, en retenant
quarante années plutôt que les vingt-cinq meilleures, sera favorable aux
personnes ayant eu une carrière ascendante. La réponse que m’a donnée hier le
secrétaire d’État à ce sujet ne m’a guère rassuré. C’est pourquoi il est
impératif d’inscrire noir sur blanc l’objectif de justice sociale qu’est le
rapprochement entre hommes et femmes – et ce, d’autant plus que des
ordonnances se profilent, et que la conférence de financement n’est pas
terminée. Nous devons être au rendez-vous : c’est une exigence !
Monsieur le secrétaire d’État, notre proposition n’affaiblit pas votre texte,
mais le renforce.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Bien sûr !
M. le
président. La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie
Rabault. Le système doit assurer une convergence entre les pensions des
femmes et des hommes. Cet objectif est partagé par les députés siégeant sur tous
les bancs ; ayons l’honnêteté intellectuelle de le reconnaître.
M. Bruno
Millienne. Merci, madame Rabault !
Mme Valérie
Rabault. Or, dans ce type de texte, le diable est dans les détails. En
l’occurrence, le diable est massif : du fait de votre système, les femmes
seront perdantes au moment de la retraite.
Prenons l’exemple d’une femme
née en 1975 et ayant commencé à travailler à 22 ans – hypothèse
privilégiée par l’étude d’impact. Dans le système actuel, cette femme doit
cotiser 43 ans pour une retraite à taux plein ; elle part donc à
65 ans. Si elle a un enfant et qu’elle est salariée du privé, elle a droit
à huit trimestres supplémentaires : elle peut donc partir à taux plein à
63 ans. Dans le futur système, en revanche, elle subira une décote de
5 % si elle part à 63 ans. Son enfant lui donnera certes droit à une
majoration de pension de 5 %, mais elle devra attendre l’âge de 65 ans
pour toucher une retraite à taux plein. À 63 ans, la majoration de 5 %
pour maternité sera contrebalancée par une décote de 10 % au titre de l’âge
de départ – soit, au total, une décote de 5 %.
Dans votre
système, cette femme, à 63 ans, subira donc une décote de 5 % au lieu
d’avoir droit au taux plein comme dans le dispositif actuel : je n’appelle
pas cela une résorption des inégalités entre hommes et femmes.
(Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR, LT, FI et GDR.)
M. Philippe
Vigier. Très bien !
M. le
président. La parole est à Mme Émilie Bonnivard.
Mme Émilie
Bonnivard. Monsieur le secrétaire d’État, si vous avez les mêmes
objectifs que nous, que le groupe du Mouvement démocrate et apparentés et
l’ensemble des députés ici présents et que nous ne divergeons qu’à propos de la
rédaction de l’amendement, je vous propose de le sous-amender, ou de le
rectifier directement en séance. Cela nous permettrait de trouver une
formulation qui convienne à tous ; mieux, d’inscrire très clairement dans
le texte, comme l’a dit Philippe Vigier, notre priorité : la lutte contre
les inégalités entre hommes et femmes en matière de retraite.
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 11300 et 11349.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 100
Nombre
de suffrages
exprimés 98
Majorité
absolue 50
Pour
l’adoption 31
Contre 67
(Les amendements identiques nos 11300 et
11349 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Ne soyez pas déstabilisés, chers collègues, mais l’amendement
suivant ne fait l’objet d’aucun sous-amendement et n’a pas d’amendements
identiques. En quinze heures de perchoir, ce doit être la première fois qu’il
m’arrive une chose pareille. (Sourires et exclamations.) À présent, ne me
dites pas qu’il n’est pas défendu… (Mêmes mouvements. –
Applaudissements.)
M. Bruno
Millienne. Oh, non !
M. M’jid El
Guerrab. Si, si, il l’est !
M. le
président. Ah ! La parole est à M. M’jid El Guerrab, pour
soutenir l’amendement no 25348.
M. M’jid El
Guerrab. Cet amendement vise à ajouter aux objectifs du système
universel de retraite la lutte contre les inégalités socio-économiques au sein
des générations. Cette lutte reposera notamment sur les mécanismes de solidarité
redistributifs prévus par le projet de loi.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je ne peux que vous rejoindre concernant
l’objectif de réduction des inégalités socio-économiques. Toutefois, pour ma
part, je ne considère pas qu’il doive être inscrit au sein de l’article
principiel du projet de loi.
En effet, les réformes successives du
système de retraite ont trop longtemps demandé à celui-ci de compenser les
distorsions et les inégalités, qui se constituaient bien avant la retraite. Vous
faites ici référence aux inégalités socio-économiques au sein d’une même
génération. Les combattre relève à mon sens de la protection sociale au sens
large, et non du seul risque vieillesse. Tout en partageant votre intention, je
vous proposerai donc de retirer votre amendement ; à défaut, avis
défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Cet amendement me semble tout à fait intéressant. J’en ai
fait la démonstration hier : la force redistributive du système actuel est
plus importante que celle du système que vous nous proposez. C’est l’un des
reproches que nous faisons, que je fais à vos mécanismes, à votre histoire selon
laquelle chaque euro cotisé donne les mêmes droits. Monsieur le rapporteur, vous
venez de nous dire que la lutte contre les inégalités socio-économiques ne
constituait pas un objectif du texte : je me permets d’en prendre
acte.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Moi, je suis désolé de ne pas être d’accord avec
l’amendement. Cela m’aurait plu d’être d’accord, mais je ne peux pas. Il s’agit
de réduire les inégalités socio-économiques dans le cadre de ce que vous avez
prévu, c’est-à-dire l’équilibre au sein d’une génération. Je suis contre ce
système : il crée un régime spécial par génération ! S’il y a des
inégalités socio-économiques, il ne faut pas les calculer par génération, mais
au total, dans la production, entre capital et travail.
S’agissant de
l’instauration de mécanismes redistributifs, le rapporteur a beau jeu de dire
que cela ne le concerne pas puisqu’on ne parle pas des retraites, on parle
d’autre chose : du système de redistribution à l’intérieur de la société.
Moi, je vous en ai proposé un : déplacer le curseur de la redistribution de
la richesse entre capital et travail. C’est très simple ; il faut deux
minutes pour le comprendre, trois minutes pour le mettre en
œuvre !
Je ne suis donc pas d’accord pour que l’on réduise les
inégalités au sein d’une génération, parce que je ne suis pas d’accord avec le
fait de calculer les retraites par génération, et non à partir de l’ensemble des
travailleurs arrivés à l’âge de la retraite.
(L’amendement no 25348 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 26095 et de
quinze amendements identiques, déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour les
soutenir.
L’amendement no 26095 fait l’objet d’un
sous-amendement, no 42175.
M. Stéphane
Peu. Ces amendements apportent à la fois une précision et une
proposition susceptibles de concerner des millions de personnes. En effet, ils
visent à insérer dans la première phrase de l’alinéa 6, après
« interruption », les mots « indemnisées ou
non ».
Vous prétendez que le régime universel par points tiendra
compte de l’intégralité d’une carrière : il est donc paradoxal de ne pas
prendre en compte les périodes de chômage non indemnisées. On sait qu’elles
peuvent durer plusieurs mois, voire malheureusement plusieurs années, en
particulier pour les jeunes qui arrivent sur le marché du travail et pour les
seniors.
Dans le système actuel, un jeune qui s’inscrit au chômage
obtient six trimestres de cotisations retraite, à la date de sa première
inscription à Pôle emploi. Il en va de même pour les autres générations ;
au-delà de 55 ans, il s’agit même de vingt trimestres, compte tenu du poids
du chômage des seniors.
Cette proposition très concrète nous semble donc
acceptable.
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42175.
Mme
Caroline Fiat. Nous approuvons l’objectif des amendements de la Gauche
démocrate et républicaine. Il est souhaitable que les périodes de chômage non
indemnisées soient prises en compte pour la retraite. Encore une fois, je vais
éclairer nos débats par un exemple personnel – je sais qu’ils sont
appréciés (Sourires sur quelques bancs du groupe LaREM) : trois ans
de contrat ; deux ans et demi à temps plein, une grossesse ; je
reviens en congé parental, à mi-temps ; licenciement au bout de six mois.
Je n’ai touché d’allocations chômage que sur le mi-temps. Je me disais que ce
n’était pas grave, que je toucherais le congé parental ; mais pour cela, il
faut être salarié ! Il y a comme cela de petits hasards de la loi qui
entraînent des couacs.
Durant ces périodes, j’ai payé des cotisations.
Vous serez d’accord avec moi pour trouver détestable l’idée que ce soit à perte
pour la retraite comme cela l’a déjà été pour le chômage. Vous ne pourrez donc
qu’adopter ce sous-amendement. Cet exemple vous aura convaincus : vous ne
voudriez pas me faire perdre encore plus d’argent ! (Mêmes
mouvements.)
M. Jean-Luc
Mélenchon. Bravo !
M. le
président. Merci pour ce plaidoyer, madame Fiat.
M. Bruno
Millienne. Le nouveau système y remédiera !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements
identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Pour l’acquisition des points, nous
souhaitons bien distinguer ce qui relève du chômage indemnisé et du chômage non
indemnisé, car notre volonté, c’est de valoriser le travail et donc la recherche
de travail.
L’allocation de solidarité spécifique, l’ASS, destinée aux
chômeurs en fin de droits, reste prise en compte : nous y viendrons à
l’article 42. Même si je comprends l’ambition sociale qui est la vôtre,
nous ne pouvons souscrire à vos amendements. Nous vous invitons donc à les
retirer ; à défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. La prise en charge du chômage
non indemnisé par le système universel est un sujet dont nous pourrions débattre
lors de l’examen de l’article 42 du projet de loi.
M. Boris
Vallaud. Alors appelez-le !
M. Pierre
Dharréville. Oui, faites cela !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. En outre, dans sa défense des
amendements, au demeurant intéressante, M. le député Peu a omis de préciser
qu’il ne traitait que du régime de base, puisque l’AGIRC-ARRCO n’accorde pas de
points pour les périodes de chômage indemnisé. Je suppose qu’il le savait et que
son oubli était volontaire.
La réalité, c’est que notre système universel
englobera la retraite de base et la retraite complémentaire : il est
logique qu’il reprenne des règles communes à ces deux régimes et que, comme l’a
dit le rapporteur, il valorise le travail et la recherche de travail indemnisée,
y compris par l’ASS. (M. Boris Vallaud proteste.) Le
projet de loi comprend un certain nombre de dispositions très claires concernant
l’attribution de points en période de recherche d’emploi. De plus, en fin de
carrière, il est assez compliqué d’établir que l’on a été tant soit peu au
chômage indemnisé : il faut justifier de son inscription, produire des
témoignages. Mieux vaut s’en tenir à des règles simples et connues de tous. Avis
défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Les amendements en discussion sont absolument essentiels.
Monsieur le rapporteur, vous nous dites vouloir valoriser le travail ; ce
n’est pas incompatible avec des démarches de solidarité envers ceux qui n’ont
pas de travail ! En général, ils n’ont pas choisi de ne pas en avoir. Des
chômeurs non indemnisés, il y en aura de plus en plus, du fait de votre
prétendue réforme, l’an dernier, de l’assurance chômage, qui va aggraver la
situation de la moitié des chômeurs de ce pays !
M. Jean-Luc
Mélenchon. C’est clair !
M. Boris
Vallaud. À ce propos, Laurent Berger, qui n’est certes pas un gauchiste,
a parlé de « tuerie ». Et voilà que vous envisagez de ne donner aucun
point aux chômeurs qui ne sont pas indemnisés. Sincèrement, c’est
monstrueux !
Encore une fois, ces amendements sont essentiels ;
vous ne pouvez pas botter en touche en vous bornant à dire que vous valorisez le
travail. Valorisez-le, mais occupez-vous aussi de ceux qui en cherchent, qui
n’en ont pas, qui sont demandeurs d’emploi non indemnisés.
Mme Nadia
Essayan. Ce n’est pas la question des retraites, ça !
M. Boris
Vallaud. Mais si !
Mme Laurence
Dumont. Bien sûr que si : ils n’auront pas de
points !
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le secrétaire d’État, votre réponse est
limpide : vous avez fait le choix du nivellement par le bas, par zéro
point. D’autres paramètres vont concourir à la dégradation des droits à la
retraite associés au chômage. Vous refusez les correctifs, et le calcul ne sera
plus fondé sur le salaire passé mais sur l’allocation, qui est inférieure. En
outre, un chômeur indemnisé qui épuise ses droits bénéficiait jusqu’à présent de
la validation d’une annuité, et même de cinq au-delà de 55 ans, comme l’a
dit Stéphane Peu ; ce ne sera plus le cas, du fait de la disparition de ce
critère. Se pose enfin la question des chômeurs de plus de 62 ans qui
auront épuisé leurs droits à indemnisation avant d’atteindre l’âge
d’équilibre ; eux aussi seront pénalisés.
Non contents de dégrader
le système de retraite, vous affaiblissez financièrement l’assurance chômage, ce
qui ne laisse pas de nous inquiéter. Dans son avis, le Conseil d’État a appelé
votre attention, d’une manière sévère et pressante, sur le fait que votre étude
d’impact n’avait aucunement évalué les effets de votre mauvaise réforme sur
l’assurance chômage. Pourrions-nous savoir ce que vous lui avez répondu ?
Voilà quelques questions qui, je l’espère, vont nourrir le débat en ce milieu
d’après-midi.
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme
Caroline Fiat. J’appelle votre attention sur le côté discriminatoire de
ce que vous êtes en train de faire. Vous voulez valoriser le travail,
soit ! Mais se trouver au chômage n’est pas un choix, et ce n’est pas très
ludique non plus. Toujours chercher du travail, toujours avoir peur du
lendemain : ce ne sont pas les périodes dont on garde le meilleur
souvenir ! Ne pas accorder les points correspondants, c’est une
discrimination, c’est inscrire une discrimination dans votre projet de
loi ! Encore une fois, je vous invite à y faire attention.
Je vous
ai cité le cas très précis des périodes de chômage non indemnisé alors que l’on
a cotisé. Vous ne m’avez pas répondu. Nous débattons des grands principes de
votre projet de réforme ; si vous ne prenez pas en compte, dans ces grands
principes, les périodes de chômage non indemnisé, jusqu’où irez-vous ? Les
personnes concernées méritent d’obtenir des points. Nous devons travailler à une
réforme qui permette à chacun de donner selon ses moyens et de recevoir selon
ses besoins. Au lieu de cela, vous détruisez tout ! Nous essayons de vous
en convaincre depuis six jours. Je ne regrette pas que la discussion se soit
poursuivie, car nous tenons là la preuve du caractère discriminatoire de votre
projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Jean-Luc
Mélenchon. Très bien !
M. le
président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine
Dubié. Ces amendements sont importants pour une catégorie de salariés
qui sont les grands oubliés de la réforme de l’assurance chômage de 2019 :
les travailleurs saisonniers,…
M. Boris
Vallaud. Absolument !
Mme Jeanine
Dubié. …premières victimes du passage de quatre à six mois de la période
minimale de travail requise pour être indemnisé. En effet, en période hivernale,
les contrats saisonniers durent rarement six mois. Nous sommes de nombreux
parlementaires, en particulier élus des territoires de montagne, à avoir saisi
Mme Pénicaud de ce sujet, mais la situation n’a pas évolué pour le moment.
En tout cas, il est nécessaire de prendre en compte les périodes non indemnisées
pour cette catégorie de salariés qui sont précaires.
Mme Sylvia
Pinel. C’est vrai.
(Le sous-amendement no 42175 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Sur l’amendement no 26095 et les amendements
identiques, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
Vous pouvez prendre la parole, monsieur
Vallaud, d’autant plus que votre groupe ne s’était pas exprimé…
M. Sylvain
Maillard. Cela manquait.
Mme Laurence
Dumont. C’est aimable pour moi !
M. le
président. Pardon, madame Dumont.
M. Boris
Vallaud. Je m’en serais voulu de vous frustrer… Je crois important de
répondre à ceux qui ne voient aucun lien entre l’indemnisation du chômage et la
pension de retraite, alors qu’il est patent ! La qualité de la pension
dépend en grande partie du niveau de revenu. Pour bien faire, nous devrions
d’ailleurs débattre en même temps de la réforme de l’assurance chômage, que vous
avez décidée contre les partenaires sociaux, et de cette réforme des retraites
que vous menez sans leur soutien.
Alors que la grande réforme du marché
du travail devait sécuriser les salariés les plus fragiles, nous réalisons, en
particulier grâce à l’exemple des conséquences qu’il emportera pour les
saisonniers, qu’il n’en sera rien.
En réalité, votre réforme fera
40 % de perdants parmi les demandeurs d’emploi ! Il sera, en effet,
beaucoup plus difficile de cumuler des droits et de se maintenir dans le
dispositif. D’ailleurs, pour anticiper les conséquences de l’entrée en vigueur
d’une partie de la réforme de l’assurance chômage en avril 2020, des kits de
prévention des difficultés financières et du surendettement sont distribués
depuis la fin de l’année dernière. Les agents de Pôle emploi s’attendent à une
déferlante de personnes en grande difficulté en avril, parmi lesquels les
saisonniers.
Cette réforme compte au moins quatre dispositions très
défavorables aux chômeurs. Tout d’abord, les quarante ans de carrière
profesionnelle seront pris en compte pour le calcul de la pension. Ensuite, les
périodes de chômage non indemnisé ne créeront pas de points, ce qui pénalisera
tout particulièrement les jeunes. Les droits à la retraite seront calculés sur
le fondement de l’indemnité et non plus sur les anciens salaires. Enfin,
l’introduction d’un âge pivot imposera aux travailleurs seniors qui sont au
chômage de choisir entre rester au chômage et baisser leur niveau de
pension.
Cette réforme est d’un cynisme absolu ! Et vous osez parler
d’une loi de progrès ! Quel toupet ! Votre slogan, c’est
« Make our retraite great
again » : comme pour l’environnement, on voit le
résultat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. Sylvain
Maillard. Pas terrible, l’anglais…
M. le
président. La parole est à Mme Catherine Fabre.
Mme
Catherine Fabre. Je ne peux laisser dire que nous ne faisons rien pour
les chômeurs ni pour l’emploi. Depuis le début du mandat, les chiffres des
créations d’emploi et du retour à l’emploi sont extrêmement positifs, en
particulier dans l’industrie.
M. Sylvain
Maillard. C’est vrai !
Mme
Catherine Fabre. Les chiffres de l’apprentissage ont décollé pour
atteindre un niveau sans précédent, ouvrant d’innombrables perspectives aux
jeunes, en particulier les moins qualifiés.
M. Sylvain
Maillard. Très bien !
Mme
Isabelle Valentin. Merci les régions !
M. Hubert
Wulfranc. Répondez aux amendements !
Mme
Catherine Fabre. Quelle ironie déplacée que de nous donner des leçons en
matière d’emploi alors que nous sommes en bonne voie pour vaincre le fléau du
chômage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur
plusieurs bancs du groupe MODEM.)
M. Sylvain
Maillard. Excellent !
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 26095 et les
amendements identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 105
Nombre
de suffrages
exprimés 95
Majorité
absolue 48
Pour
l’adoption 21
Contre 74
(L’amendement
no 26095 et les amendements
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de deux séries d’amendements identiques :
les nos 245 et 547, d’une part ; et, d’autre part, les
amendements nos 9740, 1059, 1483, 1496, 2832, 10909, 11306,
23961, 24636, 25673 et quinze identiques du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine, 27355.
L’amendement no 9740 fait l’objet de
plusieurs sous-amendements.
Sur les amendements identiques
nos 245 et 547, je suis saisi par le groupe Les Républicains
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
Sur l’amendement no 9740 et les
identiques, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande
de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Sur le sous-amendement no 42271 à l’amendement
no 9740, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour
soutenir l’amendement no 245.
M. Dino
Cinieri. Nous en devons l’initiative à M. Le
Fur.
L’article 1er énumère les grands principes qui
fondent le système universel de retraite ainsi que les objectifs sociaux et
économiques qui lui sont assignés – six grands objectifs.
Le
deuxième est de renforcer la solidarité entre les assurés. Si l’exposé des
motifs du projet de loi prévoit que le système universel doit également prendre
en compte les spécificités de certaines situations, en particulier les carrières
longues, les métiers pénibles ou dangereux, les situations de handicap,
d’inaptitude ou d’incapacité, le texte de l’article 1er ne
mentionne pas le handicap ni le rôle de l’aidant.
Notre amendement tend
par conséquent à faire figurer le terme de handicap à cet article.
Depuis
lundi, nous n’avons reçu aucun avis favorable à nos amendements. J’espère que
celui-ci sera adopté !
M. le
président. La parole est à Mme Constance Le Grip, pour
soutenir l’amendement no 547.
Mme
Constance Le Grip. J’ai cosigné, avec de nombreux députés du groupe Les
Républicains, cet amendement très important de Mme Dalloz qui tend à
intégrer au projet de loi, dès l’article 1er, la mention du
handicap et des aidants.
Je reconnais, monsieur le secrétaire d’État, que
vous évoquez la question dans l’exposé des motifs de cet article, mais nous
souhaiterions qu’elle soit inscrite dans le marbre de la loi, à cet article
fondateur, qui fixe les grands principes et les six objectifs de votre réforme.
Long, complet et explicite, il pourrait viser également la situation de handicap
et l’aide apportée par les aidants pour qu’il soit tenu compte des conséquences
que cela emporte pour eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir
l’amendement no 9740 de la commission spéciale.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Cet amendement a été adopté en commission
spéciale à l’initiative de nos collègues MM. Bazin et Vallaud, que je
remercie. Je les laisserai présenter leurs amendements identiques, me limitant à
rappeler que les interruptions de carrière que connaissent les aidants doivent
être prises en compte lors de l’attribution des droits pour la
retraite.
À l’intention des auteurs des amendements qui viennent de nous
être présentés, j’ajoute que l’amendement de la commission spéciale pourra être
utilement complété par une référence aux situations de handicap à laquelle
tendent d’autres amendements à venir issus du groupe Les Républicains et
auxquels je donnerai un avis favorable.
Je salue à cette occasion les
travaux conduits par la commission des affaires sociales, depuis le début de la
législature, pour améliorer la situation des aidants, en particulier les
propositions de loi déposées par nos collègues – et amis – Paul
Christophe et Pierre Dharréville. (Applaudissements sur les bancs des groupes
LR, MODEM, SOC, UDI-Agir, LT et GDR.)
M. le
président. L’amendement no 1059 de Mme Jeanine
Dubié est défendu.
La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir
l’amendement no 1483.
M. Thibault
Bazin. Merci, monsieur le rapporteur, d’avoir rappelé l’histoire de cet
amendement. La commission spéciale l’avait adopté mais nous devons le présenter
à nouveau en séance puisque, la commission ayant dû renoncer à examiner la
totalité des amendements, ce n’est pas le texte issu de nos travaux en
commission que nous examinons. Le Gouvernement et la majorité en sont
responsables, puisqu’ils ont choisi de ne pas accorder un temps d’examen
suffisant pour un texte complexe et long. La situation est inédite et témoigne
d’un manque de sérieux s’agissant d’un texte qui aura des conséquences pour tous
les Français.
M. Bruno
Millienne. Mais nous sommes favorables à l’amendement !
M. Thibault
Bazin. Mais, monsieur Millienne, ce texte aura des conséquences pour
toutes les générations à venir. Vous faites partie du MODEM : lorsque l’on
appartient à un mouvement démocrate, on pourrait souhaiter consacrer à une
réforme un temps qui soit à la hauteur de ses enjeux. Ce serait défendre
l’institution : les retraites représentent un budget de 300 milliards
d’euros chaque année !
M. Thierry
Benoit. Excellent !
M. Thibault
Bazin. Voilà pour la méthode.
S’agissant de l’amendement, il
tient à prendre en compte les conséquences sur la carrière d’un aidant de l’aide
qu’il a apportée à une personne handicapée, une personne âgée en perte
d’autonomie ou une personne malade. Notre rédaction semble suffisamment large
pour viser toutes ces situations ; mais nous présenterons des
sous-amendements tendant à l’améliorer encore. (Applaudissements sur les
bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir
l’amendement no 1496.
M. Régis
Juanico. Le rapporteur, ou le secrétaire d’État, pourrait très bien nous
répondre que le sujet des aidants familiaux sera traité à l’article 43. Je
crains fort, toutefois, que le 49, alinéa 3, ne tombe avant… Cet amendement
a été adopté à l’unanimité en commission spéciale. Je remercie au passage
M. Bazin et Mme Dubié qui l’ont défendu en commission à mes
côtés.
J’ajouterai un mot. À vous entendre, on croirait que l’intérêt
pour les aidants familiaux date de la présente législature. D’excellentes lois
ont pourtant été votées sous l’ancien empire – Brigitte Bourguignon les a
votées lorsqu’elle appartenait à notre groupe – (Exclamations sur
plusieurs bancs des groupes LaREM et UDI-Agir), en particulier la loi
d’adaptation de la société au vieillissement qui a posé, pour la première fois,
le principe du droit au répit afin de permettre aux aidants familiaux de
souffler. Ainsi, grâce à une aide de 500 euros par an, ils peuvent être
eux-mêmes accueillis temporairement en établissement ou bénéficier d’un relais à
domicile sous la forme d’heures supplémentaires.
Surtout, cette loi a
introduit le congé de proche aidant qui permet à 8 millions de personnes au
moins, dont 25 % consacrent plus de vingt heures par semaine à cette aide,
de bénéficier d’un congé allant jusqu’à trois mois renouvelables, fractionnable
ou sous forme de temps partiel. Cette loi, que nous avons votée en décembre
2015, s’adresse aux conjoints, aux enfants, aux membres de la famille mais
aussi, pour la première fois, aux aidants qui n’ont pas de lien de parenté avec
la personne aidée en perte d’autonomie ou en situation de handicap
– c’était aussi le sens de notre amendement.
Je reconnais que de
nouvelles avancées ont eu lieu depuis, monsieur le rapporteur. L’essentiel,
aujourd’hui, est de conforter unanimement ces droits dans le projet de réforme
des retraites.
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth, pour soutenir
l’amendement no 2832.
M. Éric
Woerth. Il défend le même principe. On n’y voit pas très clair, monsieur
le secrétaire d’État ; je sais que le sujet est traité plus loin, à
l’article 43, mais puisque nous l’abordons ici, je me permets
d’intervenir.
Aujourd’hui, les aidants bénéficient de trois
dispositifs : la majoration de la durée d’assurance, l’AVPF
– assurance vieillesse des parents au foyer – et l’abaissement de
l’âge d’annulation de la décote, auxquels vous voulez substituer un système
unique. Vous pensez à eux, et c’est tant mieux, mais je me demande de quelle
façon ces droits, qui sont aujourd’hui assez favorables, seront transposés dans
le système par points. S’agissant des parents au foyer, par exemple, il semble
que l’âge des enfants concernés sera réduit par rapport à ce que permet l’AVPF
aujourd’hui.
Il faudra y revenir en temps et en heure, car toutes ces
questions en posent, au fond, une seule : par cette réforme, pratiquez-vous
le mieux-disant ou le moins-disant concernant les droits familiaux ? Encore
une fois, page 811 de l’étude d’impact, et à moins que l’écart ne
s’explique par des différences de périmètre, la courbe de projection de la masse
financière consacrée aux droits familiaux indique que la proportion de dépenses
de retraite qui y sont consacrées serait à terme supérieure, dans le système
actuel, à la proportion prévue dans le système que vous voulez
instaurer.
M. le
président. L’amendement no 10909 de Mme Agnès
Firmin Le Bodo est défendu.
La parole est à Mme Émilie
Bonnivard, pour soutenir l’amendement no 11306.
Mme Émilie
Bonnivard. Il a été déposé à l’initiative de mon collègue Marc
Le Fur.
Le deuxième objectif assigné au système de retraite à
l’article 1er est de renforcer la solidarité entre les assurés.
Si l’exposé des motifs du projet de loi prévoit que le système universel doit
également prendre en compte les spécificités de certaines situations
– celles que nous évoquons depuis tout à l’heure, comme les carrières
longues, les métiers pénibles ou dangereux –, le texte ne mentionne
malheureusement pas le cas des aidants.
L’amendement vise donc à les
inclure parmi les situations particulières citées à
l’article 1er.
M. le
président. L’amendement no 23961 de M. Patrice
Verchère est défendu. (Brouhaha sur les bancs des groupes LR et
UDI-Agir.)
M. Éric
Pauget. On ne voit rien sur les tablettes…
M. Thierry
Benoit. C’est le bazar sur les tablettes. Elles sont
insoumises !
M. Thibault
Bazin. Ce n’est pas En marche, c’est en panne !
M. le
président. Les tablettes ne fonctionnent pas ? Évidemment, les
écrans ne sont pas assez grands pour afficher une quarantaine d’amendements et
de sous-amendements en même temps… La solution, c’est soit d’imprimer vos
amendements et d’en connaître la teneur, soit de les suivre sur les tablettes.
(Protestations sur les bancs des groupes LR et UDI-Agir.)
M. Thierry
Benoit. Les tablettes ne suivent pas, monsieur le président !
M. le
président. Y a-t-il des tablettes qui suivent ?
(« Oui ! » sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.) Eh bien, prenez des tablettes qui suivent
et suivez les débats ! Quant à moi, je ne peux que vous donner le nom du
premier signataire, ce que je fais systématiquement pour éviter toute
confusion.
La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 24636.
Mme
Emmanuelle Ménard. Comme les amendements précédents, il vise à souligner
le rôle des aidants familiaux dans la société et à affirmer la nécessité que ce
rôle soit pris en considération par le système de retraite.
Selon le
collectif interassociatif des aidants familiaux, il y a dans notre pays entre
huit et onze millions d’aidants, souvent des femmes, qui sont fréquemment
obligés de mettre entre parenthèses leur carrière de manière temporaire ou
définitive. Le projet de loi prévoit de compenser l’impact de l’arrivée d’un
enfant sur la carrière des parents ; il devrait également compenser celui
de l’aide apportée à une personne handicapée, à une personne âgée en perte
d’autonomie ou à une personne malade. Au vu de la mission sociale assurée par
les aidants, qui se substituent souvent à une carence de prise en charge par
l’État, il est nécessaire que la solidarité nationale prenne en compte ces
situations dans le système universel de retraite.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir
l’amendement no 25673 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Pierre
Dharréville. Il est essentiel d’intégrer à notre réflexion les onze
millions d’aidants de notre pays. Ils connaissent parfois des situations
délicates à un moment ou à un autre de leur vie et, puisqu’ils assument
personnellement une part de la solidarité nationale, il est normal que nous en
tenions compte dans le calcul de leur retraite.
Notre collègue Paul
Christophe a déposé une proposition de loi en ce sens il y a quelque
temps ; j’en ai moi-même déposé une, examinée en séance, qui s’inscrivait
dans le système actuel – car il était possible de relever le défi dans ce
cadre.
Je prends les affirmations du texte avec circonspection. L’AVPF
permet aujourd’hui aux aidants de personnes handicapées de valider des
trimestres de cotisation, sous conditions. Les aidants bénéficient également
d’une majoration de la durée d’assurance : toute période de trente mois de
prise en charge ouvre droit à l’attribution d’un trimestre supplémentaire, dans
la limite de huit trimestres pour les parents d’enfants handicapés, et de huit
trimestres pour les aidants familiaux d’adultes handicapés, ce qui représente un
gain potentiel total de seize trimestres. Je ne suis pas certain que cet acquis
soit conservé dans le projet de loi.
Il est donc nécessaire d’inscrire
les aidants dans le texte de cet article déclaratif, ce qui ne nous exonère pas
de prendre, par ailleurs, des mesures en leur faveur.
M. le
président. L’amendement no 27355 de M. Dino Cinieri
est défendu.
La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir le
sous-amendement no 42465 à l’amendement no 9740.
Mme
Isabelle Valentin. Ce sous-amendement rédactionnel vise à mettre en
valeur le rôle des aidants. Ces huit millions de personnes permettent de
maintenir à domicile des personnes fragiles ; nous en parlons souvent en
commission des affaires sociales. Leur rôle dépasse de loin la simple
aide ; il s’apparente bien plutôt à une activité, à temps partiel ou
complet, qui a des conséquences sur leur carrière professionnelle. Il est donc
nécessaire de reconnaître leur travail en substituant au terme
« aide » celui d’« activité ».
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir le
sous-amendement no 42271 à l’amendement no 9740.
M. Boris
Vallaud. Il est pour moi l’occasion de prolonger et de préciser mes
questions au Gouvernement. C’est tout l’inconvénient d’avoir prévu vingt-neuf
ordonnances et cent dix décrets : pour l’essentiel, les droits des aidants
familiaux sont renvoyés à un décret, et rien n’est dit sur eux dans l’étude
d’impact. Il est donc difficile de savoir si le système par points sera mieux
pour eux.
Au moins trois questions se posent concernant les
aidants.
Premièrement, les parents d’enfants handicapés à plus de
80 % seront-ils inclus dans le nouveau dispositif ? Nous avons là une
zone d’ombre.
Deuxièmement, jusqu’à présent, la majoration de la durée
d’assurance s’appliquait également aux parents travaillant à temps complet, qui
en bénéficiaient s’ils percevaient l’AEEH – allocation d’éducation de
l’enfant handicapé – et de la PCH – prestation de compensation du
handicap. Continueront-ils à bénéficier de ce bonus ? En effet, il me
semble que le projet le subordonne à une interruption ou à une réduction de
l’activité professionnelle.
Troisièmement, la dérogation à l’âge de la
retraite à taux plein, qui permet aujourd’hui de partir à 65 ans,
sera-t-elle maintenue, y compris en cas de décalage de l’âge
d’équilibre ?
Mme Valérie
Rabault. Excellentes questions !
M. le
président. Les sous-amendements nos 41944, 41994, 41989,
41996, 41992, 41980, 41982 et 41986 sont défendus.
Les sous-amendements
nos 42286 et 42312 sont identiques.
La parole est à
M. Olivier Marleix, pour soutenir le sous-amendement
no 42286.
M. Olivier
Marleix. Je me réjouis que nous avancions sur ce point car, jusqu’ici,
nos demandes de prise en compte des situations particulières avaient été
écartées ou renvoyées à la suite des débats – en l’occurrence à
l’article 43, qui expose le dispositif en détail. Visiblement, la
commission spéciale, lorsqu’elle a pu travailler, a permis des avancées, et l’on
ne peut que regretter que le Gouvernement ne lui ait pas laissé plus de
temps.
M. Pierre
Dharréville. Eh oui !
M. Olivier
Marleix. Le sous-amendement vise à inclure tous les aidants familiaux
– conjoint, ascendant ou descendant – mobilisés en raison d’un
handicap ou de toute raison susceptible de justifier une interruption momentanée
de carrière, notamment en cas de dépendance ou de maladie grave. Toutes ces
situations seront-elles couvertes ? Nous le verrons à l’article 43.
L’étude d’impact rappelle que 1,8 million de nos compatriotes bénéficient,
en tant qu’assurés, d’un dispositif de compensation ; pouvez-vous nous
confirmer que l’unification des dispositifs permettra de prendre en charge
toutes les situations rencontrées par la cible de population
actuelle ?
M. le
président. La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir le
sous-amendement no 42312.
M. Éric
Pauget. Ce sous-amendement de précision, déposé à l’initiative de mon
collègue Marc Le Fur, vise à inclure les aidants en leur qualité de
conjoint, d’ascendant ou de descendant. En effet, ces situations ont des
conséquences au sein des familles et il me semble que
l’article 1er, qui fixe les grands objectifs de la réforme,
devrait spécifier la qualité des aidants – un élément important.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements et
sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Le souci des aidants est partagé sur tous
les bancs et je m’en réjouis. Je me contenterai de donner un avis favorable à
l’amendement no 9740 adopté en commission spéciale ainsi qu’aux
amendements identiques.
Monsieur Marleix, je vous invite à attendre le
titre III pour obtenir des réponses à vos questions : le sujet est
très spécifique et ma collègue Corinne Vignon, qui y a travaillé sur le fond,
pourra vous donner davantage de détails que je ne suis en mesure de le
faire.
Avis défavorable aux sous-amendements.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. La commission spéciale a adopté
un amendement présenté par Thibault Bazin…
M. Thibault
Bazin. Et par Boris Vallaud !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. En effet, M. Vallaud a
défendu un amendement identique, cosigné par un grand nombre de députés
socialistes – comme le vôtre, je crois, par de nombreux députés du groupe
Les Républicains – et qui a été adopté à l’unanimité. M. le rapporteur
général l’a repris pour le compte de la commission spéciale, preuve que c’était
un bon moment des travaux de la commission, mais je voulais vous en rendre la
paternité. Je confirme que je suis favorable à l’amendement et j’espère que les
aidants seront inclus dans le projet de loi par un vote aussi unanime que celui
de la commission spéciale.
Monsieur Woerth, je reviens en quelques mots
sur l’AVPF, dont nous avions déjà parlé. Les points de retraite qui remplaceront
l’AVPF correspondront à 60 % du SMIC ; le dispositif comprendra à la
fois le régime de base et la complémentaire. Je rappelle que le système actuel
ne concerne que le régime de base et qu’il accorde des cotisations vieillesse
pour les trois premières années de l’enfant, qui sont portées à six ans à partir
du troisième enfant.
Je répondrai volontiers sur les questions de
M. Vallaud concernant la situation des parents d’enfants handicapés, car le
volet consacré aux droits familiaux prévoit déjà des dispositions et le
Gouvernement a prévu de se montrer bienveillant à l’égard de plusieurs
amendements intéressants d’origine parlementaire.
Je vous demande donc de
retirer vos amendements et sous-amendements, à l’exception de l’amendement
no 9740 de la commission et des amendements identiques. À
défaut, avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric
Reiss. Je tiens tout d’abord à apporter mon soutien aux amendements
nos 245 et 547, qu’ont défendus Éric Pauget et Constance
Le Grip. Nous évoquons, dans la plupart de nos débats, une société de plus
en plus inclusive : il en a été ainsi lors de l’examen du projet de loi
pour une école de la confiance.
Dans nos permanences, nous rencontrons
souvent des personnes handicapées adultes ou leurs familles, qui s’inquiètent du
montant des aides ou de l’évolution de leurs revenus, surtout lorsqu’un
placement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes
– EHPAD – devient inéluctable. Je tiens à rappeler que l’espérance de
vie des personnes en situation de handicap progresse également, et c’est tant
mieux ! Il convient donc de voter ces amendements qui visent à mentionner
le handicap dès l’article 1er.
Consolider les droits des
personnes handicapées et des aidants me semble en effet nécessaire dès cet
article, où sont affirmés les grands principes de solidarité. À défaut de
l’adoption des deux amendements nos 245 et 547, je suis
favorable aux amendements nos 9740 de la commission spéciale et
identiques – que de nombreux collègues ont présentés. (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine
Dubié. Ce débat me donne l’occasion de mettre en lumière une catégorie
d’aidants invisible parce qu’oubliée : celle des jeunes aidants. Ils sont
plus de 500 000 jeunes de moins de 25 ans à s’occuper d’un père,
d’une mère, d’un frère ou d’une sœur atteint d’une maladie ou d’un handicap.
Nous avons habituellement en tête l’image de la femme de 45 à 50 ans qui
cesse de travailler pour s’occuper de sa mère ou de son père, ou celle de
parents qui accompagnent leur enfant handicapé. Mais nous ne devons pas oublier
ces jeunes, qui ne sont pas salariés. Il convient de penser à leur retraite
future. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs
du groupe MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Thierry Michels.
M. Thierry
Michels. Tous concernés, tous mobilisés ! S’il y a une cause qui
doit nous rassembler, c’est bien celle du handicap. Parce que l’universalité
n’est pas l’uniformité, le système universel de retraite prévoit évidemment des
mécanismes de solidarité à l’intention des plus vulnérables : 20 % de
l’ensemble des dépenses de retraite seront consacrés à cette solidarité, à
l’image de ce que nous connaissons aujourd’hui.
Dans l’universalité, nous
n’oublierons pas nos concitoyens handicapés ou leurs proches. Qui dit retraite,
dit travail : nous devons prêter une attention toute particulière à leur
carrière, en renforçant les mécanismes de solidarité, afin de permettre aux
travailleurs handicapés de partir de façon anticipée à la retraite dès
55 ans sans décote, moyennant des conditions de durée simplifiées. Il
convient également de leur permettre de profiter d’un départ à la retraite
progressif dès 55 ans s’ils en émettent le souhait, afin de mieux adapter
la fin de leur carrière à leurs besoins. Les parents d’enfants en situation de
handicap doivent, quant à eux, percevoir une majoration supplémentaire, car un
parent dans cette situation est un aidant – nous en avons parlé
longuement.
Toutes ces évolutions s’inscrivent dans la droite ligne des
chantiers annoncés par le Président de la République à l’occasion de la clôture
de la conférence nationale du handicap. Cette réforme n’est que l’un des leviers
de l’action que nous menons en faveur des personnes en situation de handicap, et
qui continuera de nous mobiliser en faveur d’une société plus inclusive.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Paul Christophe.
M. Paul
Christophe. Vous le savez, la question des aidants est l’un des
marqueurs des travaux du groupe UDI, Agir et indépendants depuis le début de la
législature. Je suis heureux de voir cette cause aussi largement partagée et,
pour une fois dans ce débat, je me réjouis qu’un aussi grand nombre
d’amendements nous soient soumis : c’est la preuve que nous avons tous la
volonté de nous investir dans ce domaine.
Toutefois, à vouloir être trop
précis, on risque des oublis : dans la loi de 2005, un voisin peut
également être considéré comme un proche aidant ; le lien qui unit le
proche aidant à la personne aidée n’est pas nécessairement familial. C’est
pourquoi je préfère de loin le mot plus général proposé par deux de nos
collègues en commission spéciale et qui est repris dans l’amendement de celle-ci
et les amendements identiques.
Je tiens également à souligner que la loi
de financement de la sécurité sociale pour 2020 a réalisé des avancées
s’inscrivant dans une vraie politique publique tournée vers les aidants
– nous n’en sommes encore qu’au début. Je me félicite que les textes que
nous examinons projettent autant de lumière sur ces millions de Français, qui
ont parfois le sentiment d’être invisibles. (Applaudissements sur les bancs
du groupe UDI-Agir. – Mme Cendra Motin applaudit
également.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Nous vivons un beau moment de consensus, ce qui prouve
que le débat n’est jamais inutile. J’ai moi-même souligné, dans le cadre de la
commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et
l’université de la République quatorze ans après la loi du 11 février 2005,
combien les parents d’enfants handicapés se voient souvent contraints de rompre
leur carrière professionnelle, de choisir un temps partiel, voire de renoncer à
leur travail. Qu’on affiche comme principe général de prendre en considération
les aidants ne mange pas de pain ! Nous attendons de connaître, dans la
suite du texte, les traductions concrètes de ce principe.
Cette question
m’offre l’occasion de rappeler que, si un pas est franchi pour les aidants
– ce dont je me félicite avec vous –, concernant en revanche des
aidés, à savoir des handicapés, ce projet de loi, il craint ! Le montant
des pensions est aujourd’hui majoré de 33 %, afin de prendre en compte les
incidences négatives du handicap sur leur activité ; quelle garantie
avons-nous s’agissant, demain, des carrières hachées ? Aucune.
Par
ailleurs, le projet de loi prévoit une retraite minimale fixée à 85 % du
SMIC net ; mais n’oublions pas que de nombreux travailleurs, que leur
handicap aura privé d’une carrière normale, devront se contenter d’une retraite
minimale. Ce n’est pas moi qui l’avance, c’est le collectif
handicaps.
Selon le même collectif, qui réunit quarante-sept associations
– il ne s’agit donc pas du groupe coco qui a envie de faire de
l’obstruction ! –, moins de 3 000 personnes handicapées par
an bénéficient d’un départ anticipé à la retraite ; or le texte ne
permettra de réaliser aucun progrès en la matière.
Les associations
dénoncent également le fait que les critères, qui sont injustes, d’obtention
d’une retraite pour inaptitude resteront inchangés. Enfin, l’invalidité donnera
droit, demain, à des points de solidarité, dont la valeur sera différente de
celle des points qui seront attribués au titre de l’activité
professionnelle.
Je ne voulais pas gâcher la fête : s’il est
légitime de s’occuper des aidants, il est également important de constater que
les aidés seront pénalisés par votre mauvais projet.
Mme Sophie
Auconie. Toujours le verre à moitié vide !
M.
Sébastien Jumel. Non, le verre rempli juste comme il
faut !
M. le
président. La parole est à Mme Nathalie Elimas.
Mme
Nathalie Elimas. Le groupe du Mouvement démocrate et apparentés a
également beaucoup travaillé sur la question des aidants familiaux. Je me
réjouis que nous arrivions enfin à étudier des amendements de fond, des
amendements constructifs. Ils s’inscrivent dans la droite ligne de la stratégie
de mobilisation et de soutien des proches aidants 2020-2022, à la définition de
laquelle, en octobre dernier, nous avons tous largement participé : je
pense notamment à notre excellent collègue Dharréville, à Paul Christophe, aux
membres de notre groupe et de la majorité dans son ensemble et à tant d’autres
encore. Cette stratégie a fixé six priorités, parmi lesquelles, il faut le
rappeler – nous l’avons votée en octobre dernier –, l’indemnisation du
congé de proche aidant.
La réforme des retraites ouvrira aux aidants de
nouveaux droits, qui représenteront une avancée sociale majeure pour ces hommes
et, surtout, ces femmes – il y a plus d’aidantes que d’aidants.
En
effet, madame Dubié, il ne faut pas oublier les 500 000 jeunes
aidants. La stratégie les a mis en lumière en les identifiant. L’éducation
nationale sera sensibilisée à leur situation et ils seront accompagnés lors du
passage de leurs examens. Des expérimentations sont actuellement menées en
France à l’initiative de l’association JADE – Association nationale jeunes
aidants ensemble –, qui est à la pointe de l’action dans ce
domaine.
Nous voterons évidemment pour les amendements de la commission
spéciale et identiques, qui sont de bons amendements. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe MODEM.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 245 et 547.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 105
Nombre
de suffrages
exprimés 102
Majorité
absolue 52
Pour
l’adoption 28
Contre 74
(Les amendements identiques nos 245 et 547
ne sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement no 42465 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42271.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 103
Nombre
de suffrages
exprimés 94
Majorité
absolue 48
Pour
l’adoption 21
Contre 73
(Le sous-amendement no 42271 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 41944, 41994,
41989, 41996, 41992, 41980, 41982 et 41986, successivement mis aux voix, ne sont
pas adoptés.)
(Les sous-amendements identiques nos 42286
et 42312 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements
nos 9740 et identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 105
Nombre
de suffrages
exprimés 105
Majorité
absolue 53
Pour
l’adoption 105
Contre 0
(L’amendement no 9740
et les amendements identiques sont adoptés à
l’unanimité.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes
LaREM, MODEM, UDI-Agir et LT et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le
président. Je suis saisi de l’amendement no 25667 et de
quinze identiques, déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
Ces amendements font l’objet du sous-amendement
no 42503.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour
soutenir ces amendements.
M. Hubert
Wulfranc. Nous aurions aimé le même engagement concernant les demandeurs
d’emploi non indemnisés : or tel n’est pas le cas.
Nos amendements
visent à prendre explicitement en compte les périodes de privation involontaire
d’emploi, qu’elles soient totales ou partielles. En effet, l’article 42,
auquel vous nous renverrez sans doute, ne prévoit pas d’attribuer de points aux
personnes involontairement privées d’emploi, à savoir aux bénéficiaires de
l’allocation chômage d’aide au retour à l’emploi – ARE –, pour les
périodes considérées.
Il s’agit d’un recul par rapport au système actuel
dans le calcul des droits à la retraite, puisque ces allocataires peuvent
aujourd’hui valider des trimestres.
Dès lors que la carrière complète est
prise en compte, comme le prévoit le projet de loi, ces périodes d’interruption
d’activité involontaires auront des incidences négatives sur le montant des
pensions. Aussi nous paraît-il décisif de préciser que, parmi les périodes
d’interruption ou de réduction d’activité, figurent les périodes de privation
involontaire d’emploi relevant de l’ARE.
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42503.
Mme
Caroline Fiat. Je ne désespère pas de vous convaincre : tant qu’il
y a un tracé, on continue à masser !
Le chômage non indemnisé existe
dans notre pays : nous ne pouvons pas ne pas le prendre en compte dans le
calcul de la retraite. Les nouvelles générations sont les générations des
cabossés, celles où tout le monde passe par la case chômage. En raison
d’accidents de la vie, certaines personnes connaissent des périodes de chômage
non indemnisées – j’ai donné tout à l’heure un exemple, d’autant plus
injuste que des cotisations avaient bien été versées.
Il faut tenir
compte de ces cas lorsque l’on énonce les grands principes. Nous venons de le
faire pour les aidants – c’était un très beau moment. Nous devons, à
présent, faire de même pour les personnes victimes d’accidents de la vie qui
entraînent des périodes de chômage non indemnisées : ces personnes méritent
de toucher elles aussi une retraite digne de ce nom.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements et sur
le sous-amendement ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. L’objet de l’amendement est de compléter
l’objectif de solidarité du système universel de retraite par la prise en compte
des périodes de chômage. Le nouveau système tiendra bien compte des périodes
d’interruption d’activité dans le cadre du futur Fonds de solidarité vieillesse
universel, mais seulement les périodes de chômage indemnisées. Toutefois,
l’acquisition de ces droits ne relève pas, à mon sens, des grands principes du
projet de loi, mais de la politique de l’emploi, que nous souhaitons amplifier,
et de la lutte contre le chômage.
Demande de retrait. À défaut, avis
défavorable.
(Le sous-amendement no 42503 n’est pas
adopté.)
(Les amendements identiques nos 25667
et identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements identiques,
nos 212 et 11327.
La parole est à M. Dino Cinieri,
pour soutenir l’amendement no 212.
M. Dino
Cinieri. Telle que prévue à ce stade des travaux parlementaires, la
réforme va pénaliser les familles nombreuses. Il est important de rappeler dès
l’article 1er qu’elle doit encourager la
natalité.
M. le
président. La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir
l’amendement no 11327.
M. Éric
Pauget. Cet amendement identique, dont notre collègue Le Fur a eu
l’initiative, vise à insérer les mots suivants à l’alinéa 6 :
« en soutenant en particulier les familles ayant élevé plus de trois
enfants ». Nous souhaitons ainsi encourager la natalité.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Cette disposition relève de la politique
familiale et non de la réforme du système de retraite. Avant d’aider les
familles qui ont élevé plus de trois enfants, il faudrait déjà aider celles qui
en ont élevé un ou deux – je crois savoir que des propositions vont être
formulées en ce sens. Les familles de plus de trois enfants sont désormais assez
peu nombreuses. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Mme
Constance Le Grip. Ce n’est pas une réponse satisfaisante !
Mme Émilie
Bonnivard. C’est l’inverse !
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous aborderons la situation
des familles nombreuses lorsque nous examinerons les articles 43 et 44,
mais je voudrais cependant redonner quelques éléments, déjà exposés assez
clairement, d’ailleurs, par Mme Elimas.
Je le répète, la majoration
de pension en pourcentage prévue par le nouveau système va bénéficier à cinq
millions de femmes qui n’avaient pas de droits équivalents jusqu’alors. Il
s’agit donc d’une avancée réelle.
Mme Elimas estime – elle
n’est sans doute pas la seule – que la majoration de 2 % prévue pour
le troisième enfant n’est pas suffisante. Rappelons toutefois qu’une mère de
famille de trois enfants verra sa retraite augmenter de 17 %, ce qui
constitue selon moi une hausse significative.
Vous savez que nos travaux
en commission spéciale ont débouché sur des amendements du Gouvernement et de
plusieurs parlementaires aux articles 43 et 44. Ces amendements portent
notamment sur la part qui doit être fléchée vers les mamans du fait de
l’accouchement. Ce volet est également important pour sécuriser leur situation.
Il a par ailleurs été décidé d’inscrire dans le texte une mesure qui vise à
supprimer la majoration de pension des parents condamnés pour violences
conjugales. Mais nous reviendrons sur ces différents sujets lorsque nous
examinerons ces articles.
Comme vous le voyez, tantôt je vous renvoie
dans mes réponses aux articles concernés, tantôt j’esquisse quelques pistes pour
vous donner envie de les examiner… (Sourires.)
Mme
Constance Le Grip. On a envie !
M. le
président. La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert
Wulfranc. Je ne vois pas à quel titre le rapporteur distingue les
familles selon qu’elles comptent un, deux ou trois enfants. Les familles
nombreuses méritent tout autant de considération que les
autres.
Aujourd’hui, chacun des parents ayant élevé trois enfants ou plus
bénéficient d’une majoration de 10 % du montant de sa pension. Avec l’Union
nationale des associations familiales, nous considérons que ce dispositif est
menacé et nous demandons au Gouvernement de prendre des engagements à l’égard
des familles nombreuses dans les articles du projet de loi relatifs à la
politique familiale et à ses incidences en matière de retraite.
M. le
président. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. Vous savez, monsieur le rapporteur, combien le sujet des familles
nombreuses me tient à cœur. La situation des familles avec trois enfants est une
question essentielle, tout sauf anecdotique. Il s’agit d’une spécificité qu’il
est très important de prendre en considération. Les objectifs énoncés dans le
texte doivent tenir compte de la réalité ; or la réalité, c’est que le taux
d’emploi des mères de trois enfants est très inférieur à celui des femmes qui en
ont un ou deux.
Or, dans le futur système de retraite, elles subiront une
double peine : d’une part, la suppression de la majoration de la durée
d’assurance, dont j’ai déjà parlé ; d’autre part, la perte de la
bonification de 10 % pour le troisième enfant.
Le Gouvernement a
certes décidé d’accorder 2 % de majoration de pension supplémentaires à
partir du troisième enfant, ce qui fera 5 % pour le premier enfant,
5 % pour le deuxième, 5 % pour le troisième et les 2 %
supplémentaires, soit 17 % au total.
Reste qu’une incertitude
demeure sur la question de savoir si les 2 % supplémentaires concerneront
également le deuxième enfant, ce qui ferait 19 %, soit une majoration
totale encore inférieure à celle dont bénéficient actuellement les parents de
trois enfants : 20 %. Au bout du compte, les parents de trois enfants,
dès lors que l’on raisonne à l’échelle du couple, seront
perdants.
Surtout, du point de vue de notre système de retraite par
répartition, quand une femme a plus de deux enfants, elle contribue au
renouvellement des générations et des cotisants. Il n’est donc pas possible de
concevoir un projet de société comme le système de retraite sans s’interroger
sur la démographie de notre pays et sur notre ambition en matière de
natalité.
Si nous n’envisageons pas une amélioration de notre politique
familiale – elle a subi de nombreux coups de rabot au cours des dernières
années –, nous serons confrontés à de graves difficultés. De même, nous
devons réfléchir aux enjeux liés à la dépendance. Tous ces sujets, on le voit,
sont liés.
Monsieur le secrétaire d’État, il y a des trous dans votre
projet de réforme. Il faut non seulement améliorer la politique familiale, mais
aussi tenir compte de la dépendance, pour que le système de retraite soit le
plus juste possible et que notre pays compte demain de nombreuses
familles.
M. le
président. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence
Dumont. Le secrétaire d’État a évoqué l’impact du projet de loi sur les
carrières des femmes qui ont des enfants. Rappelons que le Gouvernement propose
de remplacer la majoration de la durée d’assurance de huit trimestres par une
majoration monétaire exprimée en pourcentage. Ce faisant, le nouveau système ne
permettra pas aux femmes de partir plus tôt à la retraite comme elles en ont la
possibilité aujourd’hui grâce aux trimestres qu’elles ont acquis : elles
devront attendre d’avoir atteint l’âge d’équilibre pour pouvoir bénéficier d’une
retraite à taux plein.
Pour simplifier, prenons l’exemple d’une femme née
en 1975 qui a commencé à travailler à 22 ans et qui a un enfant.
(Exclamations et sourires.) Oui, nous avons déjà utilisé cet exemple,
mais vous n’êtes toujours pas convaincus !
Dans le système actuel,
cette femme pourrait bénéficier d’une retraite à taux plein à 63 ans :
65 ans moins les huit trimestres qu’elle a acquis.
Dans le nouveau
système, elle devra attendre d’avoir atteint l’âge d’équilibre de sa génération,
c’est-à-dire 65 ans. Il faudra donc qu’elle attende deux ans
supplémentaires pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Voilà,
concrètement, ce que sera l’effet de la réforme des retraites sur les femmes
ayant des enfants !
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Wulfranc, vous m’avez mal
compris : je ne faisais pas de distinction entre les familles nombreuses et
les autres ; c’est l’amendement lui-même qui met en avant les familles de
plus de trois enfants.
À cet égard, monsieur Bazin, il me semble que vos
propos ne coïncident pas tout à fait avec l’amendement : vous avez parlé
des familles de trois enfants alors qu’il cible les familles de plus de trois
enfants. C’est pourquoi, je l’avoue, votre intervention m’a quelque peu
surpris.
M. Thibault
Bazin. Ce qui est vrai pour une famille de trois enfants l’est d’autant
plus pour une famille de plus de trois enfants !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ce n’est pas exact, puisqu’une majoration
de 5 % sera désormais accordée pour le quatrième enfant, et pour le
cinquième, alors qu’aujourd’hui la majoration maximum est de 20 % à
répartir entre le père et la mère.
Madame Dumont, ce que vous avez dit de
la majoration de huit trimestres n’est que partiellement vrai. Ces huit
trimestres correspondent à quatre trimestres au titre de la maternité et à
quatre trimestres au titre de l’éducation, ces derniers étant généralement
accordés à la mère, mais parfois aussi au père.
J’ajoute que les femmes
qui travaillent dans la fonction publique ne bénéficient que d’une majoration de
deux trimestres pour chacun de leur enfant – une iniquité difficilement
explicable à nos concitoyens.
Enfin, vous prenez souvent l’exemple d’une
personne née en 1975, c’est-à-dire l’année de naissance à partir de laquelle les
Français entreront dans le système universel de retraite, mais nous prévoyons
des transitions longues : il n’y aura pas de différence radicale dans les
retraites des personnes nées avant et après le 1er janvier 1975
– c’est le fameux exemple de Mme Rabault des jumelles nées à un bref
intervalle à cheval sur les deux années ! (Sourires.)
Le
nouveau système se mettra en place progressivement, sur vingt ans. L’exemple de
la personne née en 1975 ne fonctionne donc pas. Pour cette personne, ce sont les
proportions respectives de la partie de carrière effectuée dans l’ancien régime
et de celle effectuée dans le nouveau régime qui seront pris en compte.
(Les amendements identiques nos 212 et 11327
ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir
l’amendement no 25668 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Stéphane
Peu. Par cet amendement, qui vise à prendre en compte les périodes
d’études et de formation dans le système de retraite, nous proposons de nouveau
une mesure très concrète.
Il est aujourd’hui possible de racheter des
trimestres correspondant aux années de formation, mais les petits boulots mal
payés effectués pendant les études ne sont pas comptabilisés dans le calcul du
montant de la retraite, puisque celui-ci ne prend en compte que les vingt-cinq
meilleures années. Demain, si votre projet est voté, toute la carrière sera
prise en compte, y compris ces périodes.
M. Stéphane
Peu, rapporteur. Je rappelle tout de même que 46 % des
étudiants sont salariés, faisant des jobs très peu payés : le montant de
leur retraite en sera mécaniquement abaissé. C’est la raison pour laquelle nous
proposons que, pour compenser les faibles salaires de la période considérée, les
études et les autres périodes de formation ouvrent droit à des points
supplémentaires.
M. le
président. La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir le
sous-amendement no 42504.
Mme Sabine
Rubin. Nous rappelons que, pour La France insoumise, la préservation
d’un calcul basé sur les annuités est fondamentale pour toute personne ayant
commencé à travailler tôt – à 20 ans, voire avant –, car elle
doit pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein dès 60 ans.
Dans
le système actuel, où ne sont pris en compte que les vingt-cinq meilleures
années ou les six derniers mois, l’intérêt des petits boulots est d’être
comptabilisés sous forme de trimestres : un petit salaire suffisait à
assurer un trimestre, et le niveau de la pension n’en était pas affecté. Vous
nous dites que chaque euro cotisé rapportera des points ; mais si c’est par
un petit boulot, ce sera pour toucher à la fin une pension de retraite très
faible. Il est important de prendre en compte les études, mais si et seulement
si on en revient au calcul fondé sur la durée de cotisation au lieu du système
par points.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur cette série
d’amendements identiques et sur le sous-amendement ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Vous évoquez, madame Rubin, des petits
boulots qui permettent aujourd’hui de valider des trimestres, mais il y en a
beaucoup qui n’ouvrent pas ce droit.
M. Julien
Borowczyk. En effet !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Madame Dubié, je suis bien placé pour
parler des saisonniers puisque j’en emploie dans mon exploitation : ce sont
des jeunes qui cotisent, contribuent à ce titre au système, mais qui
n’atteignent jamais les 150 heures en un été. Désormais, vu la durée de
leur travail et leur rémunération, ils n’acquerront évidemment pas des droits à
la retraite faramineux, mais il en sera au moins tenu compte. Ainsi, un travail
de 50 heures sur un seul mois leur permettra de valider la période, ce qui
n’est pas le cas dans un calcul par trimestre. Dans le nouveau système, le seuil
est plus sensible.
Par ailleurs, j’ai entendu évoquer plusieurs exemples
censés illustrer l’iniquité du nouveau système, notamment le cas de la personne
ayant travaillé à 21 ans et qui subirait une décote si elle partait à la
retraite à 63 ans ou 64 ans, alors que celle ayant commencé à
24 ans bénéficierait au bout du compte d’une surcote pour la même durée
d’activité. Mais celui qui choisit de faire des études longues est parfois
obligé, dans le système actuel, d’attendre d’avoir 67 ans pour ne pas subir
de décote puisque son âge d’entrée dans la vie active en est décalé d’autant. En
ce sens, le système proposé prend déjà en compte la période des études et de la
formation.
Enfin, l’article 48 permet d’intégrer les périodes
d’études ou de stages sous forme de rachat de points.
L’avis est donc
défavorable aux amendements ainsi qu’au sous-amendement.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Le rapporteur ayant été très
complet, je n’ai rien à ajouter à ses explications. L’article 48 – de
même que l’article 47 – est clair à ce sujet. Avis
défavorable.
M. le
président. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine
Rubin. Je pense que vous vous êtes trompé, monsieur le rapporteur :
à l’heure actuelle, ce n’est pas le nombre d’heures travaillées qui compte pour
valider un trimestre, mais le montant de la rémunération perçue, soit au minimum
1 500 euros. J’ai travaillé comme caissière durant mes études, et cela
m’a permis de valider des trimestres dès l’âge de 18 ans. Dans votre
système, j’aurais bien gagné quelques malheureux points, mais ma retraite en
serait drôlement diminuée vu la prise en compte de toute ma carrière et non plus
seulement des six derniers mois – ou des vingt-cinq meilleures années dans
le privé.
M. Jacques
Marilossian. Les années de caissière ne font pas en général partie des
vingt-cinq meilleures années !
Mme Sabine
Rubin. Justement : maintenant, elles vont être
comptabilisées !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Nos amendements proposent une véritable transformation du
système actuel, qui en serait sublimé : nous cherchons à le faire
progresser en changeant de paradigme s’agissant de la notion même de carrière
complète. En effet, nous voulons y intégrer les années d’études et de formation
car ce sont des périodes qui concourent à accroître le niveau de qualification,
ce qui profite par la suite à la société par le biais du travail. Cette
transformation profonde serait porteuse d’un véritable progrès social, au
contraire du projet ici proposé. Elle reposerait sur une conception de la vie
active elle aussi très différente, fondée sur la sécurisation des parcours, y
compris des transitions entre la formation et l’emploi, ainsi que des
éventuelles périodes de chômage dans le contexte de précarité et d’insécurité
sociale que nous connaissons. De cette conception découlerait le calcul des
pensions de retraite. Ce serait donc une modification fondamentale, un véritable
progrès de société qui, pour nous, constitue la sécurité sociale du
XXIe siècle. J’insiste sur ce point, car cette proposition doit
être soumise au débat : on ne peut pas s’en tenir à celle qui est mise sur
la table.
M. le
président. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence
Dumont. Je reprends l’exemple de l’ouvrier qui commence à travailler à
20 ans, cotise quarante-trois ans et subira une décote de 10 %, alors
que le cadre qui démarre à 24 ans aura, lui, un bonus de 10 % pour la
même durée puisqu’il ira jusqu’à 67 ans. Cela n’a pas l’air de vous
choquer, monsieur le rapporteur… Mais c’est une vraie régression sociale !
C’est la première fois depuis 1945 que le système de malus va reposer sur l’âge
de départ à la retraite et non pas sur la durée de cotisation. C’est un
changement absolument majeur et antisocial ! J’ai noté que M. Roux de
Bézieux a bien expliqué devant la commission spéciale que cela lui allait tout à
fait ; il a même dit qu’il n’était pas imaginable que tous les cadres
partent à 67 ans et tous les ouvriers à 60 ans ou 61 ans. Dont
acte. Mais ce qui n’est pas imaginable pour nous, c’est que des personnes qui
ont eu la même durée de cotisation bénéficient, pour certaines, d’un bonus de
10 % et, pour d’autres, d’un malus de 10 %. C’est absolument
antisocial.
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Même si je comprends votre logique fondée
sur la durée d’assurance, je n’arrive pas à vous suivre, madame Dumont. Je vais
vous donner deux exemples. Une personne qui fait des études de médecine
– métier d’utilité sociale par excellence – va les prolonger jusqu’à
l’âge de 28 ou 29 ans ; dans le système actuel, elle devrait
travailler jusqu’à 67 ans pour faire valoir tous ses droits à la retraite,
comme si ses années d’études ne comptaient pas – même s’il a
travaillé en tant qu’interne pour des clopinettes. De ce point de vue, le
nouveau système prend en compte les années d’études – je réponds
ainsi également à M. Dharréville.
Autre exemple : si vos
enfants finissent leurs études à 24 ou 25 ans, puis vont passer quelques
années à l’étranger, cette dernière période n’entre pas dans le calcul de leurs
trimestres, alors qu’il est utile à notre pays que ses jeunes aient ce type
d’expérience. Ils pourront dorénavant accumuler des points supplémentaires s’ils
bénéficient à leur retour d’un salaire plus conséquent du fait de leurs études
et de l’expérience acquise, et rattraper ainsi au moins partiellement ce qu’ils
n’auront pas cotisé auparavant. Et leur permettre de partir comme les autres à
l’âge d’équilibre – disons 65 ans – me paraît une forme d’équité.
J’entends bien que ce n’est pas votre conception fondée sur la durée cotisée,
mais je pense que cela a aussi un sens social. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme Anne
Genetet. Merci !
M. le
président. La parole est à M. Jacques Maire.
M. Jacques
Maire. Je sais combien le sujet est sensible, et l’importance qu’il
revêt pour Mme Dumont. La question qui se pose est la suivante : quel
instrument pour quelle cible aujourd’hui ? L’article 28 prévoit un
dispositif adapté aux carrières longues, puis viennent les articles ayant trait
à la pénibilité. Vous, vous évoquez, ma chère collègue, des situations sociales
à travers le seul prisme de l’âge de commencement de carrière et de l’âge de
départ. Mais même en s’en tenant à ces critères, on se rend compte que les
dispositifs actuels ne sont pas si bien ciblés que cela. Prenons l’exemple d’un
ancien élève de Normale Sup ou de Polytechnique : tous deux ont droit
aujourd’hui à un départ anticipé à taux plein au titre de la carrière longue
parce que leurs études comptent comme des trimestres cotisés.
Mme Valérie
Rabault. C’est parce qu’ils sont fonctionnaires ! Il ne faut pas
tout mélanger !
M.
Sébastien Jumel. En plus, Polytechnique est une école militaire, donc
avec un régime spécial !
M. Jacques
Maire. Bien sûr, et c’est même pareil pour les énarques. Mais quel est
le plus important eu égard au ciblage social, madame Rabault ? Est-ce la
durée de cotisation ou l’évaluation de l’état de la personne au moment de son
départ à la retraite ? Nous, nous pensons que le ciblage du dispositif
pénibilité, enrichi par la conférence sociale et qui le sera encore dans les
semaines qui viennent par les partenaires sociaux, est certainement un sujet
d’avenir, beaucoup plus décisif, efficace et porteur de justice sociale que la
seule notion d’ancienneté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
(Le sous-amendement no 42504 n’est pas
adopté.)
(L’amendement no 25668
et les amendements identiques ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de l’amendement no 25672 et de
quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine.
Sur ces amendements, je suis saisi par le
groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour les
soutenir.
M. Pierre
Dharréville. Vous prétendez, par le présent projet de loi, garantir à
tous les assurés ayant effectué une carrière complète une retraite minimum égale
à 85 % du SMIC net. Dans les faits, ce montant ne pourra être perçu qu’à
condition de liquider sa retraite au taux plein – donc à compter de l’âge
d’équilibre, lequel sera sans cesse repoussé – et après une durée de
cotisation de quarante-trois ans pour la génération née en 1975, durée qui
augmentera au même rythme que l’âge d’équilibre. Dans les autres cas, le niveau
de la pension minimale sera calculé au prorata du nombre de points, sur la base
d’un montant fixé par décret. Il faudra en outre, pour valider chaque année,
avoir cotisé l’équivalent de 600 heures au SMIC.
En raison de ces
conditions d’accès très restrictives, le dispositif peut finalement apparaître
comme une véritable imposture – c’est d’ailleurs ce que pensent certaines
organisations syndicales. Une pension égale à 85 % du SMIC atteint en outre
à peine le niveau du seuil de pauvreté. C’est pourquoi nous proposions, par des
amendements qui ont été déclarés irrecevables, de porter ce montant minimal au
niveau du SMIC et de desserrer l’étau des restrictions. Du fait de ces
dernières, en effet, très peu de Françaises et de Français bénéficieront en
réalité de la pension minimale.
Notons simplement, à ce stade, que le
principe d’une pension égale à 85 % du SMIC n’est même pas mentionné en
tant que tel dans le texte. Ce taux, sur lequel le Gouvernement s’est pourtant
engagé, pourra donc être modifié par le pouvoir réglementaire, c’est-à-dire par
les gouvernements qui se succéderont, sans intervention du
Parlement.
Afin que la volonté du législateur – si telle est bien sa
volonté – soit pleinement respectée, nous proposons que le taux de
85 % du SMIC soit tout au moins inscrit dans le texte ; même si,
chacun l’aura compris, telle n’est pas la proposition que nous ferions si nous
étions au pouvoir.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. J’entends votre préoccupation, monsieur
Dharréville. Vous parlez de conditions d’accès très restrictives ;
pourtant, l’équivalent de 600 heures au SMIC qu’il faudra avoir cotisé pour
toucher la retraite minimale représente l’équivalent d’un tiers de temps plein,
ce qui ne me semble pas prohibitif. Nous intégrons dans le texte une garantie
nouvelle, qu’il faudra sans doute améliorer à l’avenir, en gardant à l’esprit
les importants enjeux de financement, mais qui me paraît déjà constituer un
progrès par rapport aux actuels niveaux minimum de retraite – même s’il est
évident qu’on ne roule pas sur l’or avec 85 % du SMIC, soit environ
1 000 euros.
C’est tout l’objet de cette réforme que de créer
des outils afin que les majorités qui nous succéderont amplifient leur portée et
améliorent le système.
M. Pierre
Dharréville. Si le niveau minimal que vous définissez est un plancher,
rien n’empêche de l’inscrire dans la loi !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. À ce stade, avis défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Le rapporteur et moi-même
aurions pu souligner que l’objet de l’amendement ne relève pas de la loi mais du
domaine réglementaire. Je suis néanmoins disposé à débattre sur le point que
vous soulevez, monsieur le député, puisque je vous ai invité à plusieurs
reprises à aborder des questions de fond, même si vous ne les soulevez pas
exactement au bon endroit du texte.
Dans le cadre des concertations avec
les partenaires sociaux qui se sont poursuivies jusqu’à il y a encore quelques
semaines au sein de mon ministère ont été étudiés les moyens de construire, de
déployer et peut-être de faire évoluer la pension minimum proposée par le
Président de la République et défendue par le Gouvernement.
Cette
disposition est capitale, car elle concerne de nombreuses personnes. Même si
vous prétendez le contraire, vous savez, pour bien connaître le dossier, que
c’est la réalité : actuellement, 120 000 personnes touchent
chaque année le minimum contributif.
M. Pierre
Dharréville. À combien ce chiffre tombera-t-il dans le nouveau système,
d’après vous ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Parmi ces
120 000 personnes, 80 000 sont d’ailleurs des femmes. Nous
évoquions tout à l’heure l’égalité entre les femmes et les hommes. On le sait,
dans la réalité, le report à 67 ans de l’âge de départ à la retraite pour
ne pas subir de décote concerne de nombreuses femmes, et surtout la majorité de
nos concitoyens aux revenus modestes.
La pension minimum, à propos de
laquelle nous avons la même ambition, sera appliquée selon les modalités que
j’ai déjà exposées et que le Premier ministre avait présentées
initialement : elle atteindra 1 000 euros pour une carrière
complète au SMIC dès 2022, puis 85 % du SMIC dès 2025. Comme M. le
rapporteur vous l’a précisé, elle concernera dès 2037 les Français qui auront
cotisé l’équivalent de 600 heures de SMIC par an, soit l’équivalent d’un
tiers-temps : les principaux concernés seront les femmes touchées par le
temps partiel subi, les exploitants et salariés agricoles – que le
rapporteur connaît bien – et les salariés en situation précaire.
Je
le répète, je crois que nous avons la même ambition et que vous êtes finalement
sur la même ligne que nous : vous vous réjouissez de cette dynamique de
solidarité, même si vous la souhaiteriez plus forte. Nous pourrions tous nous
accorder sur ce point.
M. le
président. La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie
Rabault. Je souhaite revenir sur les propos tenus par Jacques Maire en
réponse à ma collègue Laurence Dumont.
Votre projet de réforme introduit
un changement majeur par rapport à tous les précédents : si ceux qui ne
satisfaisaient pas les conditions nécessaires pour toucher leur retraite à taux
plein ont toujours subi un malus, ce dernier était jusqu’à présent calculé en
fonction de la durée de cotisation. Vous voulez qu’il dépende, pour la première
fois depuis 1945, de l’âge réel de départ à la retraite.
Vous invoquez,
monsieur Maire, l’exemple des élèves de l’École polytechnique ou de l’École
normale supérieure. Or ces élèves sont fonctionnaires, en vertu de quoi ils
payent des cotisations retraite et acquièrent donc des droits à retraite. Si
vous ne voulez pas qu’il en soit ainsi, il vous suffit de modifier leur statut
pour qu’ils ne soient plus fonctionnaires. Faites donc une réforme, mais ne les
pointez pas du doigt. C’est leur statut de fonctionnaire qui leur donne le droit
de cotiser pendant leurs études, et non le fait d’être polytechniciens ou que
sais-je encore – ne mélangez pas tout.
M. Jacques
Maire. Il n’empêche qu’avec votre système, ils auraient droit à un
départ anticipé pour carrière longue !
Mme Valérie
Rabault. Tous les fonctionnaires sont traités de la même façon,
convenez-en. Si vous n’êtes pas d’accord avec leur statut, modifiez-le, mais ne
créez pas de la confusion alors que la même règle s’applique à
tous.
Votre projet consiste à faire varier le malus en fonction de l’âge
réel de départ en retraite et non plus de la durée de cotisation. Dans l’exemple
donné par Mme Dumont, un ouvrier commençant à travailler à 20 ans et
cotisant durant quarante-trois ans subira, quand il prendra sa retraite, un
malus de 10 % sur sa pension – pendant l’année de liquidation mais
aussi pendant toutes les années de sa retraite.
M. Boris
Vallaud. Absolument !
Mme Valérie
Rabault. En revanche, un jeune ayant eu la chance de faire des études et
de devenir cadre, s’il commence à travailler à 24 ans et cotise pendant
quarante-trois ans pour partir à la retraite à 67 ans, touchera un bonus de
10 %. Expliquez-nous, dans ces conditions, quelle signification vous
accordez au concept de justice ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes SOC, FI et GDR.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Le débat est utile ; il est même inspirant.
M. Régis
Juanico. Fécond !
M.
Sébastien Jumel. Il m’évoque ce court texte de Chamfort (Soupirs sur
les bancs du groupe LaREM) :
« Le riche avec le pauvre a
partagé la terre,
Et vous voyez comment : l’un eut tout, l’autre
rien.
Mais depuis ce traité qui réglait tout si bien,
Les pauvres
ont parfois recommencé la guerre :
On sait qu’ils sont vaincus, sans
doute pour toujours.
J’ai lu, dans un écrit, tenu pour
authentique,
Qu’après le siècle d’or, qui dura quelques jours,
Les
vaincus, opprimés sous un joug tyrannique,
S’adressèrent au ciel :
c’est là leur seul recours.
Un humide député de l’humble
république
Au souverain des dieux présenta leur supplique.
La
pièce était touchante, et le texte était bon ;
L’orateur y plaidait
très bien les droits des hommes :
Elle parlait au cœur non moins
qu’à la raison ;
Je ne la transcris point, vu le siècle où nous
sommes.
Jupiter, l’ayant lue, en parut fort frappé.
" Mes
amis, leur dit-il, je me suis bien trompé :
C’est le destin des
rois ; ils n’en conviennent guère.
J’avais cru qu’à jamais les
hommes seraient frères :
Tout bon père se flatte, et pense que ses
fils,
D’un même sang formés, seront toujours amis.
J’ai bâti sur
ce plan. J’aperçois ma méprise.
Je m’en suis repenti souvent, quoi qu’on
en dise ;
Mais, soumis à des lois que je ne puis changer,
Je
n’ai plus qu’un moyen propre à vous soulager.
Je hais vos
oppresseurs : les riches sont barbares ;
Ils paraîtront souvent
l’objet de mon courroux ;
Mécontents, ennuyés, prodigues, vains,
bizarres,
Ce sont de vrais tourments : mais le plus grand de
tous,
C’est l’avarice ; eh bien ! je vais les rendre
avares :
C’en est fait, les voilà pauvres tout comme
vous. "
Ainsi fit Jupiter. Les Dieux ont leur système.
Mais,
soit dit sans fronder leur volonté suprême,
Je voudrais que le ciel,
moins prompt à nous venger,
Sût un peu moins punir, et sût mieux
corriger. »
M. le
président. Merci, monsieur Jumel…
M.
Sébastien Jumel. Ce texte, que je livre à votre sagacité, me semble bien
résumer les débats que nous menons depuis cinq jours.
(M. Stéphane Peu applaudit. – M. le
rapporteur sourit.)
Mme Nadia
Essayan. Mais vous faites partie des riches, monsieur
Jumel !
M. le
président. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine
Rubin. Justement : on n’est pas obligé de faire de la politique que
pour soi. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme
Mathilde Panot. Exactement ! Bravo !
Mme Sabine
Rubin. Nos collègues Valérie Rabault et Sébastien Jumel ont parfaitement
résumé la philosophie de cette loi : ce sont les plus pauvres, les moins
aisés, ceux qui ne peuvent pas faire d’études qui seront, au bout du compte,
solidaires des jeunes qui, eux, pourront étudier et auront la possibilité de
partir à la retraite à 64 ans. En quoi est-il juste, franchement, que celui
qui aura commencé à travailler à 20 ans parte à la retraite à 64 ans,
au même âge que celui qui aura fait des études ?
(Mme Mathilde Panot applaudit.)
M. le
président. La parole est à Mme Corinne Vignon.
Mme Corinne
Vignon. Pour revenir à l’objet de l’amendement tout en faisant plaisir à
notre lettré collègue Jumel, je citerai Confucius : « Les seules
richesses des gouvernants doivent être la justice et
l’équité. »
S’agissant de l’équité, justement, un point devrait tous
nous intéresser : la différence entre le minimum contributif et le minimum
vieillesse. Chacun connaît le minimum vieillesse : il est conçu de telle
façon qu’en poussant le raisonnement à l’extrême, une personne pourrait le
percevoir sans avoir jamais travaillé. Elle toucherait ainsi 900 euros par
mois. Le minimum contributif, quant à lui, s’élève aujourd’hui à 643 euros
par mois, auxquels s’ajoute la part complémentaire. Une personne ayant travaillé
tout au long de sa vie mais ayant cotisé peu de trimestres – en raison par
exemple d’une carrière hachée – peut ainsi gagner moins, pendant sa
retraite, qu’une personne n’ayant jamais cotisé.
C’est la raison pour
laquelle nous proposons de porter le minimum contributif à 85 % du SMIC
pour la génération née en 1975 – étant entendu que tous les agriculteurs et
les artisans qui l’attendent depuis longtemps le toucheront en 2025. Ce montant
sera garanti à tous ceux qui auront travaillé 50 heures par mois, ce qui
représente un effort de solidarité considérable.
Voilà donc un dispositif
majeur de solidarité, qui permet une répartition équitable entre ceux qui ont le
plus et ceux qui gagnent le moins. (Applaudissements sur plusieurs bancs du
groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Plusieurs d’entre vous ont comparé, à titre
d’exemple, la situation d’un jeune débutant sa vie professionnelle à 20 ans
et celle d’un jeune commençant à travailler à 24 ans après avoir fait des
études. On aurait pu tout aussi bien choisir l’exemple d’un jeune commençant à
travailler à 20 ans et de sa sœur – sûrement sa sœur jumelle née comme
lui en 1975…
M. Pierre
Dharréville. Ah ! On va peut-être enfin savoir ce qu’il en est de
ces jumeaux ! (Sourires.)
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. De faux jumeaux, pour le coup…
(Sourires.)
Mme Sophie
Auconie. On a bien assez d’un Jumel !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Sa sœur jumelle, si elle doit interrompre
sa carrière pour s’occuper de ses enfants – pour prendre l’exemple d’un
schéma de vie très classique, les femmes étant davantage touchées par des
interruptions de carrière que les hommes –, devra, dans le système actuel,
travailler jusqu’à 67 ans pour éviter de subir un double malus. Un système
prévoyant un départ à un âge d’équilibre – le même pour tous sous réserve
des carrières longues, du handicap et de la pénibilité – garantit, me
semble-t-il, une forme d’équité qui n’existait pas jusqu’à présent.
M. le
président. Je mets aux voix les amendements nos 25672 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 88
Nombre
de suffrages
exprimés 73
Majorité
absolue 37
Pour
l’adoption 14
Contre 59
(Les amendements nos 25672 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements rédactionnels identiques,
nos 256 et 333.
Les amendements no 256 de
Mme Emmanuelle Anthoine et no 333 de Mme Valérie
Bazin-Malgras sont défendus.
Quel est l’avis de la commission sur ces
deux amendements identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je les qualifierai d’amendements
« œil-de-lynx » car ils améliorent la rédaction de la loi en
remplaçant un « des » par un « de ». L’avis est
favorable.
M. le
président. La parole est à Mme Brigitte Kuster.
Mme
Brigitte Kuster. Monsieur le président, je déplore un problème de
fonctionnement. Présente depuis plusieurs jours, je n’ai pas encore pris la
parole et nous ne parvenons pas à nous exprimer, bien que nous levions la
main.
Dans le cas présent, alors que j’avais prévu de défendre
l’amendement no 333, il n’apparaissait pas sur le tableau ;
et voilà qu’il apparaît maintenant sur nos tablettes assorti de la mention
« non soutenu ». Je fais preuve de bonne volonté mais je souhaiterais
que, lorsque je dis qu’un amendement est défendu, vous puissiez m’écouter, voire
m’entendre, et que l’administration fasse aussi cet effort.
M. le
président. La mention figurant sur les tablettes a été rectifiée. Par
ailleurs, ne me faites pas de procès d’intention car je vous ai explicitement
proposé de prendre la parole pour défendre l’amendement.
(Les amendements identiques nos 256 et 333
sont adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 10910, qui
fait l’objet d’un sous-amendement no 42313.
La parole est
à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement.
M. Thierry
Benoit. L’article 1er trace l’architecture du nouveau
système universel de retraites. Le groupe UDI, Agir et indépendants souhaite
inscrire parmi les principes de ce système la solidarité envers les agriculteurs
et les indépendants. En commission et depuis le début de cette semaine, des
députés siégeant sur tous les bancs sont, à juste titre, intervenus pour évoquer
les agriculteurs, à l’instar, voilà quelques minutes encore, de Pierre
Dharréville, évoquant l’objectif de 85 % du SMIC et le minimum de
1 000 euros à partir de 2022.
Ces mesures nous siéent, mais
nous souhaiterions que soit inscrit dans le texte le principe de solidarité
envers les agriculteurs, les indépendants, les commerçants et les artisans. En
effet, on parle beaucoup des agriculteurs, mais il faut penser également aux
conjoints d’artisans et de commerçants – et non seulement à ceux qui vont
arriver à la retraite, mais aussi à ceux qui s’y trouvent déjà.
J’ai lu
ce que le Président de la République a déclaré ce matin au salon de
l’agriculture, expliquant qu’il serait difficile voire impossible d’accéder à la
demande des retraités agricoles actuels. J’aimerais néanmoins sensibiliser le
Gouvernement, en particulier le secrétaire d’État, à l’idée d’adopter une
stratégie – je parlais en commission de trajectoire de rattrapage. À
défaut, il faudrait un réel coup de pouce pour les petites retraites des
agriculteurs, des indépendants, des artisans et des commerçants.
Tel est
le sens de cet amendement. J’espère que le rapporteur et le secrétaire d’État
– qui sont, j’en suis certain, sensibles au problème – émettront un
avis favorable…
M. Pierre
Dharréville. L’Élysée ne veut pas !
M. Thierry
Benoit. …ou, tout au moins, qu’ils laisseront entrevoir une perspective
positive pour ces petites retraites de l’agriculture, du commerce et de
l’artisanat.
Mme Sophie
Auconie. Excellent !
M. le
président. La parole est à M. Éric Pauget, pour soutenir le
sous-amendement no 42313.
M. Éric
Pauget. Ce sous-amendement très pertinent, dont l’auteur est notre
collègue Marc Le Fur, s’inscrit dans la ligne de la proposition de
M. Benoit. Outre la mention de la garantie minimale de retraite pour les
agriculteurs et les indépendants, il vise à ne pas oublier, parmi les
bénéficiaires de la garantie minimale de retraite, les patrons pêcheurs du
littoral français, qui survivent – j’insiste sur le verbe – et sont
notamment très nombreux dans mon département, les Alpes-Maritimes, où leur
situation est très difficile.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le
sous-amendement ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Benoit, monsieur Pauget, nous
partageons tous ces intentions, à propos desquelles je formulerai quelques
réflexions.
D’abord, les articles suivants intégreront ces catégories
dans le système du régime universel. En effet, l’une des raisons – même si
ce n’est pas la seule – de la faiblesse de leurs pensions est que leur
régime s’appuie sur des bases démographiques très déséquilibrées. J’ai ainsi
souvent cité l’exemple des 400 000 agriculteurs, qui devraient assumer
la pension de 1,3 million d’agriculteurs retraités. Il existe certes de la
solidarité, mais elle s’exerce sur des bases minimales. Or, qui dit bases
minimales dit retraite minimale. Se pose aussi, bien sûr, la question de la
rentabilité de leur métier.
Quant à l’interpellation de M. Benoit
sur la situation actuelle, je rappelle que, théoriquement, le nouveau système ne
soit s’appliquer qu’aux retraites liquidées à partir de 2037, mais que la mesure
entrera en vigueur dès le 1er janvier 2022 pour les nouveaux
pensionnés, agriculteurs inclus.
Pour ceux qui sont actuellement
pensionnés, je ne m’engagerai pas à la place du Gouvernement. Du reste, le
problème ne se pose pas seulement pour les agriculteurs, mais aussi pour les
commerçants et les artisans. Compte tenu du nombre de personnes concernées, les
enjeux financiers sont très importants.
M. Thierry
Benoit. Tout à fait.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Enfin, la rédaction de l’amendement laisse
penser que seuls les agriculteurs et les indépendants pourraient bénéficier de
la mesure, éventuellement élargie aux patrons pêcheurs. Or le projet de loi
prévoit que la retraite minimale pour une carrière complète sera ouverte quels
que soient la profession, le métier ou le statut. Je suis certain que votre
intention n’est pas d’en limiter l’application, mais nous ne pouvons accepter
votre amendement, même si nous souscrivons à ses fondements. J’en demande donc
le retrait.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous avez été nombreux à
vouloir rebondir sur le sujet, après M. Benoit… Je le cherchais des yeux et
je ne le voyais pas derrière Paul Christophe, qui attend patiemment…
M. Régis
Juanico. Il attend d’être délivré par le 49.3 !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …l’examen du titre V, dont
il est rapporteur. Il est d’une grande patience car il est présent depuis le
début des débats… (Sourires.)
Le rapporteur a rappelé à juste
titre les mesures destinées aux agriculteurs car, même s’il est inutile de vous
le redire à vous, on oublie parfois de rappeler ce que la nation, par leur
intermédiaire, souhaite exprimer envers les agriculteurs et les agricultrices,
qui participent à notre environnement et sont les acteurs de la nature de notre
pays. Il est bon que nous puissions décider que tous ceux qui auront une
carrière complète percevront une pension de 1 000 euros dès 2022 et de
85 % du SMIC en 2025. En net, cela représente 98 euros de plus par
mois – presque 100 euros – pour un chef d’exploitation concerné
par le minimum de pension et, en 2025, lorsqu’il s’agira de 85 % du SMIC,
le supplément par rapport à la situation antérieure à la réforme s’élèvera à
180 euros de plus par mois – je ne parle pas de 2037, quand la mesure
concernera tous ceux qui se situeront à un tiers de SMIC.
Il est vrai que
cette disposition n’est pas spécifique au seul régime agricole, et c’est
bien : elle s’appliquera aussi à toutes les personnes concernées par un
temps partiel subi ou par des parcours d’artisans ou de commerçants
– situation que je connais bien car mes parents l’ont été durant de longues
années. Il est important que nous puissions nous adresser ainsi à l’ensemble de
notre société et faire preuve de solidarité.
Quant au niveau des
retraites actuelles, sujet auquel je suis très sensible, il doit faire l’objet
de discussions distinctes de celles qui portent sur le projet de loi.
M. Pierre
Dharréville. Ce n’est pas ce que vous avez dit lors de l’examen de la
proposition de loi Chassaigne !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je peux vous confirmer qu’une
mission parlementaire sera lancée à ce propos,…
M. Pierre
Dharréville. Une mission Théodule…
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …notamment afin d’approfondir
la question, posée tout à l’heure, des conjoints collaborateurs, des aides
familiaux et des cotisants solidaires, qui présentent les situations les plus
difficiles car ils ne perçoivent généralement que la pension du régime agricole
pour vivre. Cette situation concerne 20 % des retraités
agricoles.
Nous devons dresser ensemble un état de la situation pour
l’appréhender, la documenter et l’expertiser. La mission parlementaire sera
l’occasion de le faire complètement et sans tabou, avec les partenaires du monde
agricole concernés. Une fois ce travail accompli, l’Assemblée nationale sera en
mesure d’aborder sereinement la question. Vous pouvez compter sur le
Gouvernement pour examiner avec intérêt les résultats de cette mission
parlementaire.
Je vous propose donc de retirer votre amendement, monsieur
Benoit.
M. le
président. La parole est à Mme Émilie Bonnivard.
Mme Émilie
Bonnivard. En plein salon de l’agriculture, nos débats sont très écoutés
par les agriculteurs, qui nous ont tous sollicités, dans nos permanences, à
propos de ce qui les concerne dans la présente réforme. L’une des premières
annonces, plutôt positive, qui concernait le minimum de 1 000 euros
pour une carrière complète, a été accueillie positivement par les agriculteurs.
La date, initialement envisagée pour 2025 et qui a ensuite fait l’objet d’une
certaine incertitude, est maintenant fixée à 2022, et c’est tant
mieux.
Un problème de compréhension est cependant à déplorer : les
retraités de l’agriculture actuels, qui vivent avec une toute petite retraite,
pensaient que ce minimum de 1 000 euros leur était destiné. Le texte
ne résout donc pas le problème de distorsion entre des générations très
proches : celle des agriculteurs actuellement à la retraite et celle des
agriculteurs en activité qui y parviendront en 2022. Ceux qui sont actuellement
à la retraite ont généralement eu des carrières très lourdes, alors que
l’agriculture est de nos jours plus mécanisée et plus moderne. Nous devons, au
cours de l’examen de ce texte, trouver des solutions pour que les agriculteurs
actuellement à la retraite bénéficient d’un minimum retraite revalorisé et plus
digne, comme le proposait notre collègue Chassaigne. (Applaudissements
sur les bancs du groupe LR. – Mme Jeanine Dubié
applaudit également.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Il faut dire la vérité : pour justifier le rejet
de la proposition de loi d’André Chassaigne, la majorité avait promis
l’inscription de la gestion du stock des agriculteurs dans la loi, en leur
promettant 85 % du SMIC. La parole n’est pas tenue.
M. Thibault
Bazin. Eh non ! Comme d’habitude !
M.
Sébastien Jumel. Le Président de la République, lors de la séance de
« câlinothérapie », a sifflé la fin de la partie et, ce matin, au
salon de l’agriculture, il a donné le clap de fin. La parole donnée au monde
agricole n’est pas tenue et ceux qui, chez moi, dans le pays de Bray, après une
vie de travail, touchent des retraites de misère devront
attendre.
Monsieur Benoit, la couleuvre est difficile, même impossible, à
avaler. Ce n’est pas acceptable. On ne peut pas promettre tant de choses et ne
pas tenir ! D’ailleurs, on ne leur promettait pas de l’or. On ne leur
promettait pas la lune, comme disait ma grand-mère, mais le minimum de dignité.
Même cela, on n’est pas capable de le leur donner.
Le texte que je citais
tout à l’heure – ce n’était pas pour faire le lettré – s’intitule
La querelle du riche et du pauvre. Vous avez tranché la querelle :
vous avez choisi le camp où votre cœur penchait. Les agriculteurs sont trahis
– et je ne parle pas des marins pêcheurs, qui sont traités à la même
enseigne, vous avez raison de le dire, cher collègue Pauget. Ceux qui prennent
soin de nourrir la France, même l’Europe et le monde, sont logés à la même
enseigne, traités avec mépris et dédain.
Mme
Mathilde Panot. On les fait vivre sous le seuil de pauvreté !
M.
Sébastien Jumel. La loi ne réglera rien à ce propos, et ce n’est pas une
mission parlementaire qui y changera quoi que ce soit. Le rapport Chassaigne
avait donné lieu à une mission qui étayait ses propositions, lesquelles avaient
recueilli l’unanimité à l’Assemblée et même au Sénat.
Je ne sais pas
comment vous pourrez retourner sur vos territoires respectifs. Nicolas Turquois,
vous qui êtes proche des agriculteurs, je ne sais pas comment vous pourrez
l’expliquer. C’est une trahison sans nom !
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et
LR.)
M. le
président. La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry
Benoit. Je vais rassurer mon collègue Jumel : je n’ai pas de
problème de digestion ni de transit. (Sourires.) De ce point de vue, je
suis solide.
M.
Sébastien Jumel. Vous avez un gros gosier !
M. Thierry
Benoit. Plus sérieusement, j’ai écouté attentivement ce qui a été dit.
La question des futurs agriculteurs retraités est abordée dans
l’article 40, qui prévoit que les assurés ayant effectué une carrière
complète toucheront une retraite égale à 85 % du SMIC. D’autre part, les
agriculteurs se verront attribuer une retraite de 1 000 euros à
compter de 2022. La voie est donc tracée.
M.
Sébastien Jumel. Mais non ! La fin de partie est sifflée !
Macron vient de le dire !
M. Thierry
Benoit. Ma préoccupation porte sur la situation des retraités actuels
qui touchent des petites pensions, et j’observe qu’elle est partagée par le
Gouvernement. J’ai d’ailleurs été très attentif à votre réponse, monsieur le
secrétaire d’État, ainsi qu’à celle faite par le rapporteur. J’ai bien noté que
vous étiez prêts à travailler sur cette question.
Cela me rappelle le cas
des anciens combattants : pendant de nombreuses années, les parlementaires
ont demandé une hausse du montant de leur retraite et surtout l’ouverture des
droits pour ceux qui avaient servi en Algérie entre 1962 et 1964, ce qu’ils ont
fini par obtenir.
Le Président de la République était dans son rôle quand
il a expliqué, ce matin, au salon de l’agriculture, qu’il sera difficile de
proposer aux retraités actuels de l’agriculture une pension atteignant la somme
de 1 000 euros.
M. Pierre
Dharréville. Ce n’est pas à lui de décider !
M. Thierry
Benoit. Cependant, en tant que députés, nous sommes dans notre rôle
lorsque nous demandons une trajectoire de rattrapage. Un coup de pouce de
50 euros par mois, croyez-moi, c’est énorme lorsqu’on touche une retraite
de 500 ou 600 euros !
Je souhaite que la mission dont vous avez
parlé, monsieur le secrétaire d’État, voie le jour. Plusieurs députés ici
présents, comme Paul Christophe, Sophie Auconie, Maina Sage ou moi-même sommes
prêts à y participer.
M. le
président. Je vous remercie, monsieur Benoit.
M. Thierry
Benoit. En remettant ainsi l’ouvrage sur le métier pour rappeler la
réalité des petites retraites des artisans, commerçants et agriculteurs, nous
sommes pleinement dans notre rôle.
Je retire l’amendement
no 10910.
M.
Sébastien Jumel. Je le reprends !
M. Thibault
Bazin. Nous le reprenons !
M.
Sébastien Jumel. Je le reprends et demande un scrutin public sur cet
amendement ! Belote, rebelote et dix de der ! (Sourires.)
Mme
Brigitte Bourguignon. Ce n’est pas un jeu !
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Je me demande comment on peut ne pas être saisi d’une immense
honte lorsqu’on entend les propos qui ont été tenus.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Mais non !
M. Boris
Vallaud. Une immense honte ! L’ensemble des députés, toutes
tendances confondues, avait voté pour la proposition de loi d’André Chassaigne à
l’Assemblée nationale, et tous les sénateurs étaient prêts à faire de même.
Quand le Gouvernement a fait obstacle à cette revalorisation souhaitée par
l’ensemble de la représentation nationale, il a promis que les retraités de
l’agriculture actuels seraient concernés par ce projet de loi ! Or, à
présent, on entend le Président de la République dire, au salon de
l’agriculture, qu’on n’en a pas les moyens ! Comment ça ? Vous avez
bien eu les moyens, dans le cadre de votre projet de loi, de rendre
4 milliards d’euros aux 1 % de Français les plus riches. Vous avez
bien eu les moyens de supprimer l’ISF et la flat tax. Et vous nous annoncez
maintenant la création d’une mission ! Pensez-vous que les agriculteurs ont
le temps d’attendre une mission, à l’âge qu’ont certains d’entre eux ?
Qu’avez-vous fait depuis deux ans et demi sur ce sujet ? (Protestations
sur les bancs du groupe LaREM.)
Un député LaREM. Et
qu’avez-vous fait lorsque vous étiez au pouvoir ?
M. Boris
Vallaud. Nous avons fait des choses ! Ce sont toujours les
gouvernements socialistes qui ont augmenté les retraites agricoles !
M. le
président. Merci, monsieur Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Il y avait un consensus républicain, autour de la proposition
de loi de M. Chassaigne, pour réparer une injustice, mais vous y avez fait
obstacle. Et voilà que vous différez encore votre promesse. Honnêtement, c’est
honteux, il y a de quoi se mettre en colère !
M. Pierre
Dharréville. Il a raison !
M. le
président. J’ai noté que vous avez repris l’amendement
no 10910, monsieur Jumel. En revanche, il n’est pas possible de
demander un scrutin public sur un amendement repris ; cela fait partie non
seulement du règlement mais aussi de l’usage.
(Le sous-amendement no 42313 n’est pas
adopté.)
M.
Sébastien Jumel. Il y a un problème !
M. le
président. Oui, monsieur Jumel ?
M.
Sébastien Jumel. J’ai le sentiment qu’il y avait davantage de mains
levées en faveur du sous-amendement.
De surcroît, j’aimerais savoir quel
article du règlement intérieur interdit la demande d’un scrutin public lorsqu’un
amendement est repris.
M. le
président. C’est une jurisprudence systématique, que je ferai appliquer.
Elle est fondée sur une décision de la conférence des présidents, comme me le
confirment les fonctionnaires du service de la séance, dont vous ne pouvez
mettre en doute l’objectivité ni la compétence. Si vous souhaitez faire un
recours, nous en discuterons plus tard à l’envi. (Applaudissements sur les
bancs des groupes MODEM et LaREM.)
(L’amendement no 10910 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi d’une demande de suspension de séance par
M. le rapporteur. Comme il en est à quarante-cinq heures de commission
spéciale et quarante-neuf heures de séance publique, je fais droit à sa
requête.
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit
heures quarante.)
M. le
président. La séance est reprise.
Je suis saisi de l’amendement
no 40157 et de quinze amendements identiques déposés par les
membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Sur ces
amendements identiques, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre
Dharréville, pour soutenir l’amendement no 40157 et les quinze
amendements identiques, qui font l’objet d’un sous-amendement
no 42508.
M. Pierre
Dharréville. Nous proposons que tous les assurés, y compris ceux qui ont
travaillé de façon hachée et ne peuvent donc faire état de ce que vous appelez
une carrière complète, puissent bénéficier de la retraite minimale mentionnée à
l’article 1er, alinéa 6. L’article 40 du texte fixe en
effet des conditions très restrictives au bénéfice de cette pension minimale. En
réalité, vous ne modifiez le droit en vigueur qu’à la marge pour la grande
majorité des assurés : dans les faits, cette pension minimale concernera
toutes les personnes dont le salaire moyen a été inférieur à
1 750 euros et ne pourra être servie que pour une liquidation au taux
plein, à compter de l’âge d’équilibre et pour une durée de cotisation de
quarante-trois ans, durée qui augmentera au même rythme que l’âge d’équilibre et
sera donc sans cesse repoussée.
La seule différence que vous proposez
avec la situation actuelle est que la part représentant la retraite
complémentaire pour arriver à 1 000 euros avec le minimum contributif,
dont le montant est actuellement affecté, entre autres, par un travail à temps
partiel, sera intégrée à l’ensemble du minimum contributif. En revanche, la
pension minimale sera perçue à l’âge d’équilibre et non plus à l’âge légal de
62 ans. Dans tous les autres cas, le montant de la pension minimale sera
calculé au prorata du nombre de points à partir d’un montant de base fixé par
décret. Nombreux sont ceux qui ne pourront donc prétendre à cette supposée
conquête sociale évoquée par le Premier ministre – encore un exercice de
communication. Pour nous comme pour un certain nombre de syndicats, nul ne
devrait partir à la retraite dépourvu des moyens d’existence dignes que le texte
ne nous semble pas garantir.
M. le
président. Le sous-amendement no 42508 de
Mme Mathilde Panot est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur
les amendements identiques et le sous-amendement ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. En ce qui concerne la carrière complète,
nous devons prendre garde au signal donné. Il est question de valider une
carrière complète sur l’équivalent de 600 heures travaillées au SMIC, à
savoir l’équivalent d’un tiers temps chaque année. Nos concitoyens ont
l’impression de travailler et de gagner peu tout en cotisant. Nous devons donc
faire passer le message suivant : nous valorisons ceux qui travaillent. Il
nous a semblé que la prise en compte d’un tiers de carrière
– 600 heures SMIC représentent un tiers de temps plein – était
suffisamment large pour viser le maximum de personnes.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je n’ai pas bien suivi votre calcul. Je ne
sais pas d’où viennent les 1 750 euros par an dont vous parlez. Cela
correspond peut-être à 28 % de 6 000 euros, soit environ
600 heures au SMIC. En fait, il y a 16 % de charges patronales et
11,8 % de charges salariales, autrement dit, la part des cotisations
réellement versées par les salariées n’est pas de 1 750 euros. Mais
peut-être n’ai-je pas bien compris.
M. Pierre
Dharréville. Non, en effet.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. L’avis est défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il est
défavorable.
Attribuer un minimum de pension de façon uniforme, sans
faire de différences selon que le nouveau retraité a derrière lui
quarante-trois, quarante, ou trente-sept ans d’activité, c’est finalement
instaurer un minimum vieillesse. Je ne suis pas du tout favorable à cette
démarche.
Je réfléchissais sincèrement à vos motivations. Vous présentez
un amendement de solidarité : vous cherchez à garantir un filet de
sécurité, mais c’est le rôle du minimum vieillesse, qui, sous conditions de
ressources, prend en compte les parcours de vie différenciés des uns et des
autres. Pour le reste, dans la mesure où chacun contribue à la retraite par
répartition, il est logique que le minimum contributif dépende de la durée de
cotisation.
M. le
président. La parole est à Mme Sophie Beaudouin-Hubiere.
Mme Sophie
Beaudouin-Hubiere. Puisque nous parlons des pensions à 85 % du SMIC
pour une carrière complète, revenons à la retraite des agriculteurs. Faisons un
peu d’histoire. En 1972, les retraites des agriculteurs ont été sacrifiées au
profit de l’aide à l’installation, mais, depuis quarante-sept ans, nombre de
parlementaires et de gouvernements auraient pu revenir sur le sujet.
La
réforme Touraine était responsable, je n’en disconviens pas, mais la véritable
responsabilité eût été d’aller jusqu’au bout et de s’occuper, à l’époque, des
petites retraites des agriculteurs, des commerçants et des artisans.
Mme Émilie
Bonnivard. Allez-y, faites-le si vous êtes si parfaits !
Mme Sophie
Beaudouin-Hubiere. Comment tous ceux qui n’ont pas résolu ces problèmes
par le passé osent-ils venir nous donner des leçons en parlant d’« immense
honte » ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Nous sommes la première majorité à s’occuper de ces questions, c’est
la première fois qu’un gouvernement le fait !
M. Pierre
Dharréville. Il serait temps !
Mme Sophie
Beaudouin-Hubiere. On nous parle des retraites déjà liquidées ;
rassurez-vous, la majorité est au travail sur le sujet. Mon collègue Olivier
Damaisin s’en est emparé depuis de nombreux mois, même si cela ne relève pas du
présent projet de loi, qui ne traite que des retraites à venir. Nous pourrons
certainement en reparler lors du prochain PLFSS. (Applaudissements sur
plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine
Dubié. La précision apportée par l’amendement est importante car
n’appliquer la règle de la carrière complète qu’à ceux qui n’ont qu’un faible
revenu serait une injustice. A contrario, celui qui a travaillé trente ans avec
un salaire élevé aura certes davantage cotisé, mais il aura surtout acquis un
plus grand nombre de points. On pourra donc trouver à l’âge d’équilibre une
personne aux faibles revenus qui aura besoin de ses 516 mois, alors qu’une
autre pourra partir sans avoir accompli une carrière complète. En clair, si l’on
veut être juste, soit on ne compte 516 mois pour personne, soit on les
compte pour tout le monde.
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. J’ai retrouvé un magnifique article d’Éric Fottorino
sur le sujet qui nous occupe : « Au SMIC, pas le droit d’être malade.
Il faut que tout marche, c’est-à-dire que rien ne tombe en panne. Ni le corps,
ni la voiture, la mobylette ou les équipements ménagers. Pas d’imprévu possible.
Sinon on sort du circuit, sauf à bénéficier d’un réseau d’entraide ou de
solidarité autour de soi, amis, famille, débrouille. "Avec le SMIC, on n’est pas
libre", confie un habitué de ces calculs d’apothicaire pour réussir à boucler le
mois. Tout est sans cesse questionné. Chauffer ou pas, se résoudre à la
colocation ou pas, accepter un sale boulot ou pas. Et que dire quand le SMIC est
le plafond haut de ce qu’on peut espérer, quand on est à trois quarts du SMIC ou
moins, quand du travail on n’a que les miettes ? Il paraît que la
croissance redémarre. Mais on ne tombe pas amoureux d’un taux de croissance.
Pour être vraiment en marche, une société ne doit laisser personne sur le bord
de la route. »
M.
Jean-Paul Mattei. Ça n’a rien à voir !
M.
Sébastien Jumel. Pierre Dharréville a démontré, en défendant un
sous-amendement que vous avez refusé – je pense aussi à l’amendement
relatif aux agriculteurs que nous avons repris tout à l’heure – que notre
société n’était pas en marche : nous craignons que ceux qui resteront sur
le bord de la route soient encore plus nombreux après votre réforme
qu’auparavant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR. –
M. Jean-Luc Mélenchon applaudit également.)
M. le
président. La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie
Rabault. Je veux revenir sur les propos qu’a tenus Sophie
Beaudoin-Hubiere sur les retraites agricoles, car nous ne pouvons tout de même
pas laisser dire dans l’hémicycle des choses aussi fausses.
Il est exact
qu’en 1946 les agriculteurs ont refusé de participer au régime général. Ils font
donc partie des quarante-deux régimes spéciaux dont vous nous parlez souvent. La
démographie de ce régime de retraite est très défavorable puisque l’on compte
1,3 million de retraités pour 425 000 actifs : ce régime est
de facto déficitaire. Cependant deux gouvernements, seulement deux, ont eu le
courage de revaloriser les retraites agricoles.
Le Gouvernement de Lionel
Jospin, l’a fait une première fois en 2000 (M. Jean-Luc
Mélenchon applaudit)…
Mme Sylvie
Tolmont. Absolument !
Mme Valérie
Rabault. …alors que cela n’avait pas été le cas depuis la création du
régime des retraites agricoles.
Et un second gouvernement a eu ce
courage, sous François Hollande, en 2013. Vous avez manifestement oublié ce
point de la réforme Touraine, mais les exploitants ayant effectué une carrière
complète ont vu leur retraite revalorisée à 75 % du SMIC, et les conjoints
d’exploitant et les aides familiaux ont bénéficié, grâce au régime
complémentaire, d’attributions de points gratuits qui ont permis une
augmentation de leur retraite.
Mme Sylvie
Tolmont. C’est vrai !
Mme Valérie
Rabault. Est-ce suffisant ? La réponse est non, nous n’allons pas
nous mentir. Il reste que seuls deux gouvernements ont eu le courage de
revaloriser les retraites agricoles. Vous pouvez faire autant d’archéologie
parlementaire que vous voudrez et reprendre tous les PLFSS un par un, vous
constaterez que personne d’autre n’a agi !
Si vous le faites à votre
tour, ce sera très bien. Saut que cet après-midi, au salon de l’agriculture, le
Président de la République a annoncé qu’il n’y aurait pas de revalorisation à
85 % du SMIC des pensions agricoles, ce qui concerne, je le rappelle,
1,3 million de retraités. Il pense que l’annonce d’une mission
parlementaire comblera les attentes ; moi, je ne le crois pas, ma chère
collègue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC. –
M. Sébastien Jumel et M. Jean-Luc
Mélenchon applaudissent également.)
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme
Caroline Fiat. Je suis les débats depuis lundi en essayant d’être
attentive et de comprendre tout ce que vous tentez d’expliquer, mais comme vous
dites une fois noir, une fois blanc, c’est un peu compliqué.
Jusqu’à
maintenant, un trimestre correspondait à 1 522,50 euros. Exemple
absurde : celui qui était payé 1 522,50 de l’heure bénéficiait d’un
trimestre au bout d’une heure, toc. Autrement dit, dans votre système, toutes
les personnes qui gagnent plus que le SMIC seront largement
pénalisées.
Nous vous posons la même question depuis des semaines. Quitte
à prendre des exemples simples et précis – ce qui éviterait que je vous
interroge de nouveau –, pouvez-vous nous dire combien il faudra de points
pour qu’une carrière soit complète ? Un projet de loi qui met en place un
système de retraite par points ne peut pas comporter l’expression
« carrière complète » sans préciser à combien de points elles
correspondent.
Je ne sais plus si c’est M. le rapporteur ou
M. le secrétaire d’État, mais vous avez souri lorsque ma collègue Dumont a
cité un exemple type. J’ai bien compris que vous ne les aimiez pas, mais
permettez-moi d’en utiliser un à mon tour : Caroline Fiat, née en 1977,
quatre enfants. Jusqu’à maintenant, en tenant compte des trimestres dont je
bénéficiais grâce à mes enfants, je pensais pouvoir prendre ma retraite à
60 ans. Si j’ai bien compris, désormais, je ne pourrai la prendre qu’à
64 ans – et c’est à ce moment que l’on m’attribuera des points grâce à
mes nombreux enfants. Ai-je bien compris ? Je n’oublie pas que vous devez
une réponse sur les carrières complètes ; cela éclaircirait le débat.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI. –
Mme Laurence Dumont applaudit également.)
M. le
président. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. Je suis, moi aussi, un primo-député, mais j’ai l’humilité de
considérer que ce qui a été fait par le passé n’a pas toujours été nul. Il faut
faire attention aux propos consistant à dire que le nouveau monde est idéal et
qu’avant lui, il n’y a rien eu de bon ; c’est caricaturer
l’histoire.
Le problème, avec vous, c’est l’écart entre les paroles et
les actes, le décalage entre les mots et les faits. Même le Conseil d’État
affirme que vous pratiquez l’abus de langage. Nous avons déjà dit qu’il est faux
de prétendre qu’1 euro cotisé ouvrira les mêmes droits ! Le minimum de
1 000 euros de pension pour les agriculteurs et les indépendants,
promis par le Président Macron, c’est faux pour les retraités agricoles
actuels !
M. Erwan
Balanant. Ça, c’est votre passif !
M. Thibault
Bazin. Le nouveau modèle est-il formidable ? Non !
Résoudra-t-il tous les problèmes ? Non ! Il ne faut surtout pas faire
croire que ce sera le cas !
Le président Macron juge impossible de
revaloriser les pensions des agriculteurs à 85 % du SMIC.
M. Erwan
Balanant. C’est votre passif !
M. Thibault
Bazin. On ne peut en tout cas pas le faire en faisant l’impasse sur le
financement, car une telle disposition coûterait 1,1 milliard d’euros. La
mesure d’âge préconisée par Les Républicains dans leur projet alternatif
permettrait de financer cette mesure de justice sociale. Il n’y a pas de mesure
de justice sociale sans financement équilibré du système ; c’est toute la
cohérence de notre projet, et c’est l’impasse dans laquelle vous vous
trouvez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. S’agissant des travaux de la mission parlementaire qui a été
évoquée, je rappelle que nous pouvons profiter des spécificités du temps
législatif : le projet de loi n’en est qu’à sa première lecture, il sera
examiné par le Sénat avant de revenir à l’Assemblée…
Mme Laurence
Dumont. Avec la procédure accélérée, il n’y a pas de deuxième
lecture !
M. Frédéric
Petit. Mais la mission d’information durera six mois, ce qui signifie
qu’au moment où nous arriverons au terme du parcours de ce texte, nous pouvons
espérer disposer d’une solution…
M. Pierre
Dharréville. Le Président a dit que c’était
« impossible » !
M. Frédéric
Petit. …pour un rattrapage du niveau des pensions des agriculteurs déjà
à la retraite – populations dont le projet de loi ne peut traiter. Leur
situation est tout de même à mettre au passif de ceux qui sont assis sur les
bancs qui entourent ceux de la majorité.
M. Pierre
Dharréville. Le Président a dit non !
(Le sous-amendement no 42508 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements nos 40157 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 103
Nombre
de suffrages
exprimés 92
Majorité
absolue 47
Pour
l’adoption 18
Contre 74
(Les amendements nos 40157 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements identiques,
nos 11346 et 11347.
La parole est à M. Frédéric
Reiss, pour soutenir l’amendement no 11346.
M. Frédéric
Reiss. Nous le répétons depuis le début de la semaine, cette réforme des
retraites n’a d’universel que le nom. Au sein du système que nous propose le
Gouvernement coexisteront des régimes différents : ceux des salariés, des
fonctionnaires, des magistrats, des militaires, des indépendants, des
professions libérales, des salariés et non-salariés agricoles ou encore des
marins. Ajoutons que des aménagements ont été proposés à de nombreuses
professions en matière d’âge de départ à la retraite. Tout cela justifie que
l’on supprime le mot « universel ».
M. le
président. La parole est à M. Alain Ramadier, pour soutenir
l’amendement no 11347.
M. Alain
Ramadier. Mon collègue Le Fur en est le premier signataire. Le
projet de loi prévoyant de nombreuses exceptions, il convient de supprimer le
mot « universel », par souci de sincérité.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements
identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Vous aurez remarqué qu’on a passé un long
tunnel de sujets de fond, qui n’avaient pas encore été abordés et auxquels j’ai
pris le temps de – et plaisir à – répondre.
Pour ce qui est du
qualificatif « universel », nous en avons largement débattu. Vous avez
fait part à plusieurs reprises de votre désaccord, et je note bien que vous ne
considérez pas ce projet comme universel. Cependant je n’argumenterai pas
davantage : avis défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. C’est le même. Je souhaite que
nous passions plus de temps sur des amendements de fond, traitant du contenu,
que sur des éléments de sémantique, de vocabulaire ou de conjugaison.
M. le
président. La parole est à Mme Brigitte Kuster.
Mme
Brigitte Kuster. Vous avez raison de rappeler que ces éléments
sémantiques ont fait l’objet de longs débats. Mais au-delà de la sémantique, il
y a également le fond, et aussi l’honnêteté et l’éthique. Vous parlez d’un
régime universel, mais les mots ont un sens, et nos débats prouvent combien de
spécificités des différents régimes vous comptez maintenir. Partant, le mot
« universel » n’a pas de sens ; il est même contreproductif car
ceux qui nous regardent ou nous écoutent savent que c’est l’inverse que vous
préparez.
M. Thibault
Bazin. Elle a raison !
Mme
Brigitte Kuster. Monsieur le secrétaire d’État, il ne s’agit pas d’une
question sémantique. Le Gouvernement a un vrai problème avec les mots :
osez dire les mots adéquats plutôt que d’essayer de faire croire que cette loi
est universelle, car elle ne l’est pas. (Applaudissements sur les bancs du
groupe LR.)
M. Thibault
Bazin. Excellent !
(Les amendements identiques nos 11346 et
11347 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir
l’amendement no 25669 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Stéphane
Peu. Je suis désolé mais je dois revenir sur les mots, qui renvoient en
fait à une question de fond. On a tous à l’esprit la fameuse phrase de Camus,
souvent utilisée à mauvais escient : « Mal nommer les choses, c’est
ajouter à la misère du monde. » En l’espèce, cette maxime s’applique à la
perfection : il n’est pas possible de qualifier ce système de retraite
d’universel car le recours aux points engendre une individualisation ; ce
sera donc le régime du chacun pour soi. Une véritable ambition d’équité aurait
conduit à poursuivre le projet originel de la sécurité sociale en améliorant la
solidarité entre les générations. Votre projet va au contraire renforcer, je
l’ai dit, l’individualisation de la retraite. Un point cotisé par un ouvrier
n’aura pas la même valeur qu’un point cotisé par un cadre, au regard de la
pénibilité de leurs métiers et de leurs espérances de vie respectives. Parler
d’universalité est une usurpation de langage visant à tromper nos concitoyens.
Débattre de la qualification de cette réforme n’est pas un exercice
formel : elle n’a rien d’universel et nous souhaitons la qualifier
d’inéquitable.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements
identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Puisque nous avons eu cette discussion
« en avant », que l’en-avant est interdit au rugby et qu’un match bat
son plein à cet instant même, avis défavorable !
M. Bruno
Millienne. Excellent !
(Les amendements nos 25669
et identiques, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi d’une série de dix-sept amendements pouvant
être soumis à une discussion commune. Cette série comprend l’amendement
no 25670 et quinze amendements identiques déposés par les
membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, ainsi que l’amendement
no 23850, qui fait l’objet de plusieurs
sous-amendements.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir
l’amendement no 25670 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Hubert
Wulfranc. Nous souhaitons graver dans le marbre la possibilité
d’accorder un départ anticipé à la retraite aux salariés ayant exercé des
métiers pénibles et ayant eu des carrières longues. Ce point est également mis
sur la table par le Gouvernement dans la conférence de financement, mais il nous
paraît décisif de fixer ce principe dans la loi, à
l’article 1er.
M. le
président. Sur l’amendement no 23850, je suis saisi par
le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole
est à M. Régis Juanico, pour soutenir l’amendement.
M. Régis
Juanico. Il vise à graver dans le marbre, à
l’article 1er, la prise en compte de la pénibilité au travail et
l’espérance de vie en bonne santé. Nous menons ce débat depuis plusieurs
semaines.
Comme je l’ai dit avant-hier, nous disposons désormais d’un
indicateur statistique, produit par la direction de la recherche, des études, de
l’évaluation et des statistiques – qui dépend des ministères de l’action et
des comptes publics, des solidarités et de la santé, et du travail –, et
consolidé au niveau européen par Eurostat : celui de l’espérance de vie
sans incapacité. Il est construit sur la base d’un questionnaire passé à un
échantillon de 14 000 personnes. On peut estimer que cela ne suffit
pas et donner des moyens financiers supplémentaires au ministère de la santé
pour l’améliorer, mais cela n’en est pas moins intéressant.
L’espérance
de vie en bonne santé s’élève à 64 ans, soit une année de moins que l’âge
d’équilibre que vous projetez de fixer, à partir de 2037, à 65 ans. Au-delà
de cette moyenne, les différences sont importantes : entre les cadres
supérieurs et les ouvriers, l’écart d’espérance de vie en bonne santé à
35 ans est de dix années.
Pouvoir partir à la retraite en bonne
santé est un facteur très important. Il faut mentionner explicitement la prise
en compte de la pénibilité, dont vous renvoyez la gestion aux calendes grecques
en évoquant des discussions au sein des branches, dans les six mois suivant la
promulgation de la loi – peut-être.
M. Bruno
Millienne. Non, pas « peut-être » !
M. Régis
Juanico. En réalité, vous ne savez pas comment vous en sortir après les
concessions que vous avez accordées au MEDEF il y a trois ans, lorsque vous avez
vidé le compte pénibilité de sa substance en supprimant quatre critères de
pénibilité ainsi que les financements !
M. Bruno
Millienne. Le dispositif était si bien pensé qu’il était
inapplicable !
M. Régis
Juanico. Aujourd’hui, vous ne savez pas comment vous en dépêtrer et le
MEDEF vous dit « niet ». Donc mettez-le dans la loi !
M. le
président. La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir le
sous-amendement no 42314.
M. Patrice
Verchère. Déposé à l’initiative de notre collègue Le Fur, il vise à
substituer aux mots « la pénibilité des métiers et fonctions exercés »
les mots « l’exposition aux facteurs de pénibilité », que sont le port
de charges, le travail de nuit, le travail posté, le travail en températures
contraintes, les gestes répétitifs entraînant des troubles
musculo-squelettiques, l’exposition à des substances chimiques, l’exposition au
bruit et l’exposition aux vibrations, que connaissent les salariés de secteurs
aussi divers que l’agroalimentaire ou le BTP.
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 42089.
M.
Sébastien Jumel. Votre projet de loi maintient la possibilité de partir
à la retraite à 60 ans pour les salariés à carrière longue, nés avant 1975
et ayant travaillé avant l’âge de 20 ans et cotisé 43 ans au moins.
Mais l’exposé des motifs précise que le montant de la retraite des assurés
concernés sera calculé avec un âge d’équilibre abaissé de deux années. Dès lors
– le diable se niche dans les détails –, si les assurés conservent la
possibilité de partir à 60 ans, le taux plein ne leur sera accordé qu’à
compter de 62 ou 63 ans. Cela veut dire que, s’ils partent à 60 ans,
une décote de 10 % leur sera appliquée. Et, puisque l’âge d’équilibre est
amené à évoluer au fil des générations, on mesure l’importance de la pénibilité
du métier.
Cette pénibilité est reconnue mais le problème, c’est que sa
prise en compte est repoussée. Or nous savons qu’une série de métiers – y
compris ceux dont la pénibilité est moins reconnue depuis que vous avez flingué
les quatre critères supplémentaires pour la définir – ne permettront pas à
ceux qui les exercent de travailler jusqu’à l’âge pivot, tel que vous le
concevez, car leurs corps ne suivront pas. C’est un problème majeur. Vous
répétez depuis cinq jours que vous voulez discuter du fond : voilà un vrai
sujet de fond, la pénibilité, qui ne peut pas être renvoyé à des discussions de
branche,…
M. Bruno
Millienne. Pourquoi ?
M.
Sébastien Jumel. …parce que nous croyons à la loi qui protège, qui prend
soin, qui fixe un cadre et des limites.
M. Bruno
Millienne. Vous préférez la contrainte ?
M.
Sébastien Jumel. Les accords de branche ne sont là que pour renforcer
ces limites, non pour les affaiblir. (Mme Mathilde Panot
applaudit.)
M. le
président. Sur les sous-amendements nos 42089 et 42091,
j’ai été saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine de demandes
de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour
soutenir le sous-amendement no 42091.
M.
Sébastien Jumel. Parmi les métiers pénibles, dans le beau département
qui est le mien, qui va du Havre jusqu’au Tréport en passant par Dieppe
– trois villes magnifiques, dont deux villes communistes et une qui va le
devenir (Sourires) –,…
M. Pascal
Lavergne. À moins que ce ne soit l’inverse…
M.
Sébastien Jumel. …il y a les chaudronniers des chantiers navals. Ces
salariés vont venir grossir les cohortes des victimes de l’amiante – un
drame majeur, une maladie professionnelle encore sous-estimée. D’ailleurs, à
l’initiative des parlementaires communistes, un Fonds d’indemnisation des
victimes de l’amiante avait été créé, et nous veillerons à ce qu’il ne soit pas
vidé de sa substance par les libéraux que vous êtes. Ces salariés vivent moins
longtemps que les autres et partent parfois avant même de pouvoir profiter de la
retraite ; qu’on pense à eux au moment où l’on évoque les questions de
pénibilité et qu’on intègre cette préoccupation avant que les maladies liées à
l’amiante ne se déclenchent me semblerait d’une grande humanité.
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir le
sous-amendement no 42093.
M. Stéphane
Peu. Il s’agit toujours de la pénibilité. L’INSEE indique qu’en matière
d’espérance de vie, il y a une différence de plus de dix années entre les
catégories supérieures et les catégories modestes : 80 ans environ
pour les premières, 70 ans pour les secondes. Si l’on en croit le rapport
Delevoye, aux termes de la loi telle qu’elle est envisagée, avec le décalage
dans le temps de l’âge d’équilibre – il pourra atteindre 66 ans, d’ici
à quelques années –, ceux qui n’en pourront plus et devront partir à 60 ou
61 ans, quand leur corps ne leur permettra pas d’aller plus loin, à l’issue
d’une longue carrière passée à exercer des métiers pénibles, subiront une décote
de 20 %. Bref, ils n’auront pas la possibilité de partir à la retraite et
d’en profiter ne serait-ce que quelques années. L’absence de prise en compte de
la pénibilité dans votre réforme et le flou qui entoure l’âge d’équilibre
constituent donc une très mauvaise manière faite aux carrières longues et aux
métiers pénibles.
M. le
président. Les sous-amendements nos 42094 de
M. Sébastien Jumel et 42095 de M. Pierre Dharréville sont
défendus.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 42096, qui remplace le mot « aux »
par les mots « à l’ensemble des »… (Rires.)
M.
Sébastien Jumel. Oui, il est déterminant ! (Sourires.)
M. Bruno
Millienne. Fondamental !
M. Erwan
Balanant. Il nous avait échappé, celui-là !
M.
Sébastien Jumel. Vous avez compris qu’à la faveur de ces
sous-amendements, nous souhaitions vous faire toucher…
M. Bruno
Millienne. Le fond ?
M.
Sébastien Jumel. …la réalité concrète de la pénibilité. Alors, changeons
de métier et prenons-en un dont je n’ai pas parlé depuis longtemps…
M. Bruno
Millienne. Les pêcheurs de harengs ?
M. le
président. Ne vous laissez pas intimider, monsieur Jumel.
M. Patrick
Mignola et M. Bruno Millienne. Il n’y a pas de risque !
(Rires.)
M.
Sébastien Jumel. En fait, je finis par être déconcerté par autant
d’obstruction, monsieur le président.
M. le
président. Je n’en doute pas !
M. Erwan
Balanant. Les deux minutes de temps de parole sont écoulées,
non ?
M.
Sébastien Jumel. Prenons l’exemple des sous-traitants du nucléaire,
parfois appelés les « nomades du nucléaire ».
Mme
Mathilde Panot. Excellent sujet !
M.
Sébastien Jumel. J’habite sur un territoire qui apporte une contribution
importante à la France dans ce domaine, les centrales de Penly et de Paluel,
comme les grandes sociétés de carénage, faisant beaucoup appel aux
sous-traitants. Dans le domaine du nucléaire, les sous-traitants accomplissent
des travaux pénibles et exposées et sont parfois hébergés dans des conditions
qui ne sont pas à la hauteur des importantes missions qui leur sont confiées. Je
constate au passage que la suppression des CHSCT – les comités d’hygiène,
de sécurité et des conditions de travail – a considérablement dégradé la
capacité des salariés à prendre soin de leur santé. À mon avis, les
sous-traitants du nucléaire n’ont pas tout à fait la même espérance de vie en
bonne santé que, disons, pour ne pas reprendre l’exemple des bourgeoises de
Neuilly que j’ai employé tout à l’heure,…
M. Bruno
Millienne. Les bourgeoises de Calais ?
M.
Sébastien Jumel. Bof. Il fut un temps où il y avait des bourgeoises à
Calais, mais il n’y en a plus beaucoup.
M. Bruno
Millienne. De Dieppe alors ?
M.
Sébastien Jumel. Disons les bourgeois d’à côté de Neuilly, pour ne
stigmatiser personne.
M. le
président. Je vais vous demander de conclure, monsieur Jumel.
Mme Nadia
Essayan. Nous avons un peu perdu le fil !
M.
Sébastien Jumel. Les sous-traitants du nucléaire ayant une espérance de
vie différente, ils mériteraient que soit prise en compte la pénibilité.
(Invectives de travée à travée.)
M. le
président. Madame Panot, je vous en prie !
La parole est à
M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement
no 42097.
M. Pierre
Dharréville. Sur ce sujet important, la pénibilité, des discussions ont
été engagées de manière un peu tardive avec les organisations syndicales,
peut-être pour essayer d’éteindre le feu. Puisque nous évoquons le sujet, je
pense qu’il serait tout à fait utile, monsieur le secrétaire d’État, que vous
nous fassiez un petit compte rendu de l’état de vos échanges avec les
organisations syndicales sur la pénibilité. Où voulez-vous en venir
exactement ? Quel est le projet ? Quel est l’objectif ? De quoi
est-il question ? Vous avez déclenché ces discussions à la faveur du débat
qui nous occupe. Nous en discutons ici et vous êtes peut-être en train d’en
discuter ailleurs. Je dis « peut-être » parce que nous avons un petit
doute, compte tenu des échos qui nous parviennent des organisations
syndicales : elles n’espèrent guère que ces échanges se traduiront par des
mesures réelles concernant la pénibilité.
Or il est essentiel de prendre
en compte la pénibilité au travail. Souvenez-vous, monsieur le secrétaire
d’État, du texte dont vous avez été rapporteur lors de la réforme du code du
travail, qui a conduit à la prise de très mauvaises décisions, notamment la
suppression du risque chimique. Dans les usines pétrochimiques et sidérurgiques
de mon territoire, des salariés sont très exposés à ces risques et en subissent
les conséquences. C’est pourquoi je souhaiterais que nous fassions de vrais
progrès en la matière. Si je m’efforce, bien sûr, d’améliorer la prévention, il
faut aussi penser à la réparation. Sur mon territoire, de nombreux salariés ont
été touchés par ce drame absolu qu’est celui de l’amiante. Il faut vraiment
prendre en compte la pénibilité dans les débats sur la
retraite.
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour soutenir le
sous-amendement no 42098.
M.
Sébastien Jumel. Ayant la chance de vivre sur un beau territoire, où
l’industrie représente 24 % du PIB, je peux vous citer toute une panoplie
de beaux métiers, qui rendent fiers ceux qui les exercent mais qui sont
difficiles.
Je vais vous parler d’un manœuvrier du pont Colbert, dernier
pont de type Eiffel en fonctionnement en France. Christian adore son métier, qui
consiste à ouvrir et à fermer le pont pour laisser entrer et sortir les bateaux
de pêche. Il travaille en horaires décalés, en fonction des horaires des
marées : deux pleines mers en vingt-quatre heures, comme chacun sait. Il
commence deux heures trente avant la pleine mer et termine une heure trente
après. S’il commence à minuit, il finit à quatre heures du matin, il recommence
à midi et demi pour finir à seize heures trente, et ainsi de suite : il
travaille ainsi en horaires décalés permanents, sept jours sur sept. Tout est
décalé : travail décalé, repas décalé, sommeil décalé, vie
décalée.
Selon une étude réalisée par la médecine du travail, une
personne qui passe sa vie professionnelle entière selon ce rythme perd dix ans
d’espérance de vie en bonne santé. Christian me dit qu’il adore mon métier, et
il a raison : c’est un beau métier. Il me dit aussi qu’il ne pourra pas
travailler comme ça jusqu’à l’âge d’équilibre que vous lui promettez. Comment
envisagez-vous de prendre en compte une pénibilité telle que celle que je viens
de vous décrire ? (M. Stéphane Peu
applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir le
sous-amendement no 42099.
M. Hubert
Wulfranc. À mon tour, je vais continuer à appeler votre attention sur la
question de la pénibilité, qui concerne les salariés de nos territoires mais
aussi des vôtres et ceux de la France entière. Tout comme mon collègue Pierre
Dharréville, je veux vous interroger sur l’état des négociations que vous
conduisez avec les organisations syndicales. Quelles réponses comptez-vous
apporter aux questions posées par la CFDT ? Ces questions portent sur la
suppression de la décote liée à la pénibilité, sur la prise en compte effective
de tous les facteurs de pénibilité, sur l’intégration de la poly-exposition à
des facteurs de pénibilité. Au-delà des députés communistes, ce sont tous les
Français qui vous posent ces questions car il s’agit d’un enjeu majeur : la
qualité de vie des salariés au travail. Elles vous sont posées explicitement par
les amendements de la CFDT, et vous en discutez avec les organisations
syndicales. Que pensez-vous de ces revendications ?
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements et ces
sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les amendements visent à garantir le droit
à un départ anticipé à la retraite pour cause de pénibilité ou de problèmes de
santé. Le projet de loi tient bien compte de l’état de santé et des départs
anticipés, notamment pour carrière longue.
M.
Sébastien Jumel. Nous l’avons dit !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je vous invite d’ailleurs à vous reporter à
l’article 10 du projet de loi et à la page 235 du rapport, où sont
listées les conditions qui permettent de partir en amont de l’âge d’équilibre
annoncé.
Voici quelques éléments de réflexion à propos de la pénibilité
de certains métiers, sujet sur lequel vous insistez, ce que je ne peux que
comprendre car je suis moi-même élu d’un territoire qui compte de nombreux
emplois industriels. Ces métiers sont très divers mais souvent physiques et
impliquant des cadences difficiles et des rythmes décalés.
Cela étant, je
trouve que vous insistez surtout sur le caractère réparateur de la retraite.
Pour notre part, nous voudrions d’abord privilégier l’emploi, sous l’angle de
l’intégration et même de celui de la santé. Les soucis de santé de nombre de nos
concitoyens sont causés par le travail mais aussi par l’absence de travail, par
le stress lié aux difficultés à finir le mois et à subvenir aux besoins de sa
famille.
M. Hubert
Wulfranc. Tout à fait !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous voulons donc travailler sur l’emploi,
même si les chiffres valent ce qu’ils valent et si les métiers payés au SMIC ne
résolvent pas tous les problèmes.
Une autre idée est de faire fonctionner
l’ascenseur social. Voyez les statistiques récentes sur la nouvelle plateforme
dédiée à la formation professionnelle, qui rend les démarches plus
accessibles : en quelques mois d’existence, elle a enregistré
1 million de connexions, de la part de personnes qui veulent peut-être
utiliser la formation pour accéder à un avenir meilleur, profiter de l’ascenseur
social. La formation peut aussi représenter un moyen de limiter dans le temps,
l’exposition à une forme de pénibilité dans certains métiers.
Vous avez
regretté que nous ayons supprimé quatre facteurs de pénibilité, qui avaient été
retenus dans la précédente loi. Je comprends la philosophie et l’intérêt de la
démarche mais, telles qu’elles étaient formulées, ces dispositions étaient
difficilement applicables. À plusieurs reprises, je vous ai décrit les
difficultés que j’ai pu rencontrer moi-même en tant qu’employeur agricole. Nous
voulons privilégier une approche par branches professionnelles.
Si la
pénibilité doit être prise en considération au moment de la retraite, en dernier
recours, elle doit aussi l’être tout au long de la carrière. Nous préférons
notre manière de faire à la vôtre, tout en étant également très sensibles au
sujet de la pénibilité.
Je suis défavorable aux amendements et aux
sous-amendements.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous avez raison, monsieur
Dharréville : le sujet de la pénibilité nous a occupés – et aussi
opposés – dès le début de la législature. Même si ce n’est pas dans le sens
que vous auriez voulu, nous avons bien fait de le traiter.
Nous n’avons
d’ailleurs pas supprimé ces critères de pénibilité, comme vous le savez :
vous utilisez cette facilité de langage pour appuyer votre propos car vous
voudriez sans doute qu’ils soient pris en compte d’une autre manière. Vous savez
qu’ils n’ont pas été supprimés, qu’ils ont été transférés sur le tableau des
accidents du travail et des maladies professionnelles. C’est ainsi que la
reconnaissance d’une incapacité de 10 %, selon les critères posturaux,
ouvre un droit à la retraite à 60 ans à taux plein. (Applaudissements
sur quelques bancs du groupe MODEM.)
M. Erwan
Balanant. Et voilà !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous préféreriez qu’ils soient
inclus dans le compte professionnel de prévention – le C2P – mais vous
ne pouvez pas dire qu’ils ont été supprimés car c’est faux.
Les choses
doivent-elles évoluer en matière de pénibilité ? La pénibilité est déjà
reconnue, au travers du C2P, à partir de six critères : trois liés au
rythme de travail et les trois autres, à l’activité professionnelle elle-même.
Pour que le système fonctionne, il faut que les critères soient
mesurables.
M. le rapporteur Nicolas Turquois vous a expliqué les
difficultés que pouvait rencontrer un chef d’exploitation agricole pour mesurer
la réalité de cette exposition. On ne peut pas partir de l’hypothèse qu’il est
un mauvais employeur, déterminé à porter préjudice à ses salariés. Sa
description correspond à ce que vivent des millions de petits employeurs, de
commerçants et d’artisans. Les dirigeants de grosse entreprise, qui peuvent
s’appuyer sur des managers ou des responsables du personnel, ne sont pas dans la
même situation. Nous devons donc veiller à ce que la pénibilité puisse être
mesurée.
Comme Nicolas Turquois l’a expliqué, il y a trois façons de
regarder la pénibilité.
On peut aborder le sujet sous l’angle de la
prévention. Pour avoir travaillé dans plusieurs entreprises ainsi que dans
l’éducation nationale, on ne peut pas dire que notre pays se distingue dans ce
domaine. Nous avons des spécialistes de la prévention et des ingénieurs qui
travaillent sur la qualité de vie au travail, mais cela ne fait pas forcément
partie de notre culture et de notre savoir-faire. Nous sommes uniquement dans la
réparation – ce qui est aussi important –, et il faut pouvoir changer.
Nous vivrions mieux dans une société où l’on fait davantage de prévention pour
éviter le développement des risques et l’exposition des salariés. Lors de la
réunion multilatérale avec les partenaires sociaux, le 13 février, tout
cela a été clairement expliqué – comme vous le savez, c’est Muriel Pénicaud
qui pilote ce dossier. Nous allons mobiliser massivement les branches pour
qu’elles organisent des actions de prévention sur les métiers. Jacques Maire, le
rapporteur du titre II, souhaite, lui aussi, continuer à travailler sur ce
sujet que nous examinerons, je l’espère, rapidement.
Comme je l’ai déjà
évoqué dans le cadre de mes activités professionnelles, de ma mission et de mes
responsabilités de député et désormais de membre du Gouvernement, une deuxième
façon d’examiner la pénibilité est de passer du temps avec ceux qui sont exposés
à la pénibilité afin de leur proposer un autre parcours professionnel. Il ne
s’agit évidemment pas de leur imposer un autre métier : comme vous me
l’avez déjà objecté, monsieur Dharréville, certains sont heureux et fiers
d’exercer des métiers nobles bien que fatigants et exposés ; il faut
l’entendre, et cela justifie d’ailleurs l’intérêt de mener des actions de
prévention. Mais peut-être d’autres seraient-ils intéressés par une autre
activité. Le conseil en évolution professionnelle, défendu par Muriel Pénicaud
et dont les dispositions sont inscrites dans la loi pour la liberté de choisir
son avenir professionnel, est une mesure intéressante pour toutes celles et tous
ceux qui souhaiteraient changer d’activité. Nous avons également arrêté le
principe d’un congé de reconversion : pour moi, c’est un très grand progrès
social. Lié au C2P, il permettra à ceux qui le souhaitent de suivre six mois de
formation financée pour changer de vie et exercer une activité moins
exposée ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Voilà de l’innovation sociale ! Voilà du progrès social !
C’est regarder en face l’avenir, le XXIe siècle, en disant
que l’on peut, dans notre société, proposer autre chose !
M. Pierre
Dharréville. Et ces métiers pénibles, vous les supprimez ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Mais, je suis d’accord, tout le
monde n’a pas envie de changer de métier. J’en suis bien conscient, et c’est
pourquoi il faut aussi instaurer des mesures de réparation. Ce sujet a
d’ailleurs été abordé lors de la réunion multilatérale du 13 février.
Cependant, vous savez bien, monsieur Dharréville, que les métiers se
transforment, notamment dans l’industrie : nous vivons une révolution
digitale qui touche tous les métiers, quel que soit leur niveau, et il faut
former les personnes à la partie informatique qui se crée dans chaque
emploi !
M. Pierre
Dharréville. Mais vous supprimez les métiers pénibles ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Bien sûr, des métiers pénibles
subsisteront ; je ne dis pas qu’ils vont disparaître, mais que les
pénibilités mêmes vont évoluer. En effet, dans vingt ans, les pénibilités ne
seront plus celles d’aujourd’hui ; il faudra les regarder autrement. Il
faut donc que nous instaurions un dispositif agile, évolutif.
Cependant,
vous avez raison : une autre manière d’aborder la pénibilité est aussi la
réparer lorsque l’on y a été exposé et qu’elle a des conséquences sur la santé.
C’est pourquoi, dès le début, j’ai évoqué le système de départ anticipé à taux
plein pour tous ceux qui sont atteints d’une incapacité : le C2P permet
réellement de partir plus tôt. De plus, comme vous l’avez rappelé, il existe des
dispositifs particuliers, notamment pour les personnes qui ont été exposées à
l’amiante : ils seront maintenus dans leur intégralité, et c’est tout à
fait normal. Vous avez également abordé la situation de ceux et celles qui
travaillent de nuit : j’espère que nous aborderons rapidement le sujet du
seuil de reconnaissance de la pénibilité du travail de nuit, pour le faire
évoluer. Comme vous le savez, le Gouvernement souhaite abaisser de 120 à
110 nuits la durée minimale pour la reconnaissance de la pénibilité pour
les personnes travaillant régulièrement de nuit ; de même, pour ceux
travaillant sur des horaires tournant impliquant une part de travail de nuit, le
seuil de reconnaissance passera de 50 à 30 nuits. Nous en discuterons avec
les partenaires sociaux, et peut-être s’apercevra-t-on alors que ces seuils ne
sont pas les bons ; dans ce cas, il faudra les faire encore évoluer. Comme
vous le constatez, nous ne sommes pas figés, et nous sommes prêts à nous adapter
à la réalité de la société. La pénibilité, ce n’est pas un seul critère ;
il faut travailler, ensemble, sur tous les points.
Pour moi, les branches
ont leur place en la matière, elles peuvent identifier les métiers pénibles et
faire évoluer les critères. Pour décider des actions de prévention, il n’y a
rien de mieux que de s’appuyer sur ceux qui connaissent concrètement le job, car
je ne suis pas sûr que l’on puisse décider de tout à Paris, dans ce bel
hémicycle, surtout lorsque l’on parle de pénibilité, de tous ceux que vous avez
évoqués, de tous ceux qui travaillent – à Armentières, dans ma
circonscription,…
M.
Sébastien Jumel. Je n’empêche personne de parler de sa
circonscription…
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …comme dans les
circonscriptions de toutes celles et tous ceux qui sont présents ici, et qui, je
crois, connaissent très bien les métiers de ceux qui les entourent.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à Mme Constance Le Grip.
M.
Sébastien Jumel. À Neuilly aussi, il y a des métiers pénibles !
(Sourires.)
Mme
Constance Le Grip. Comme nous venons d’assister à des échanges très
intéressants sur la pénibilité et que nous avons écouté très attentivement le
long exposé de M. le secrétaire d’État sur le futur système de pénibilité,
je voulais profiter du débat sur ce sujet éminemment important pour dire que Les
Républicains militent également pour un régime universel de pénibilité et
défendent plusieurs propositions, que nous aurons j’espère l’occasion de
décliner précisément plus tard, notamment à la faveur de l’examen de
l’article 33.
Nous militons pour que de nouvelles pénibilités soient
prises en compte et que, grâce au travail objectif de la médecine du travail
– dont nous souhaitons renforcer les moyens et prérogatives –, le
système prenne en considération les pénibilités et incapacités physiques
objectivement constatées. Nous formulerons donc toute une série de
préconisations très précises sur ce sujet.
Bien que nous ayons écouté
très attentivement les propos du secrétaire d’État, des zones de flou
subsistent : si nous entendons que la balle est en grande partie dans le
camp des partenaires sociaux, nous souhaitons souligner ce qui nous semble être
encore trop flou et imprécis en matière de critères de reconnaissance d’un
certain nombre de pénibilités nouvelles.
M. Thibault
Bazin. Elle a raison, c’est un sujet central !
Mme
Constance Le Grip. Monsieur le secrétaire d’État, nous ne pouvons pas
considérer que vos explications soient pleinement satisfaisantes et rassurantes.
Sur ce sujet comme sur de nombreux autres, comptez sur le travail des députés du
groupe Les Républicains pour formuler des propositions concrètes, précises,
compréhensibles par les citoyens et permettant de faire avancer de manière
responsable le débat sur le très important sujet de la pénibilité.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme Émilie
Bonnivard. Bravo !
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Nous savons que le Président de la République a un problème
avec la pénibilité.
M. Pierre
Dharréville. Oui, il l’a dit !
M. Régis
Juanico. À Rodez, il disait : « Je n’adore pas le mot
pénibilité, parce que ça donne le sentiment que le travail serait
pénible. » Nous savons que M. Roux de Bézieux, patron du MEDEF, a
un problème avec la pénibilité : il préfère qu’on utilise le mot
« usure ».
Je suis député d’une circonscription qui se situe
dans un ancien bassin minier – des mines de fond – et compte 25 %
d’emplois industriels. En 2008, j’ai participé, ici même, à une mission
d’information parlementaire transpartisane sur la pénibilité au travail, qui,
pour la première fois, en a donné une définition et défini des critères
susceptibles d’y être associés. Je peux donc vous dire que la réalité de la
pénibilité au travail concerne chaque jour des millions de salariés ;
26 % des ouvriers sont même concernés par trois facteurs de
pénibilité.
Or qu’a fait M. Roux de Bézieux en 2017 ? Il a mis
la pression : en parlant d’une « usine à gaz » – il s’agit
de la formule commode employée par le MEDEF pour décrire tout nouveau droit
collectif pour les salariés –, il a remis en cause le C3P le compte
personnel de prévention de la pénibilité. Tout de suite, vous l’avez donc
dévitalisé et vidé de sa substance, en supprimant quatre critères.
M. Bruno
Millienne. Mais ils n’ont pas disparu !
M. Régis
Juanico. Bien évidemment, le dispositif est extrêmement
malthusien : avec le dispositif actuel, seules 2 000 personnes
sur les 1,3 million de détenteurs d’un C3P ouvert peuvent partir en avance
à la retraite ! Les quatre critères que j’ai évoqués ont été intégrés à la
branche accident du travail et maladies professionnelles de l’assurance maladie.
Seulement 2 000 personnes par an ! Lorsque vous êtes atteint d’un
taux d’incapacité physique permanente de plus de 10 %, je vous souhaite bon
courage pour déposer votre dossier et obtenir qu’il soit déclaré recevable. On
parle donc aujourd’hui de quelques milliers de salariés concernés. Prévention,
oui ; formation, oui ; mais la réparation doit également figurer dans
la loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et
GDR.)
M. le
président. La parole est à M. Jean François Mbaye.
M. Jean
François Mbaye. Le groupe majoritaire accorde aussi beaucoup
d’importance à la pénibilité. Tout à l’heure, notre collègue Jumel a donné un
exemple tiré de sa circonscription. Je pourrais moi aussi en partager.
D’ailleurs, il y a, pas loin de la circonscription de son collègue du groupe
GDR, M. Peu, un aéroport, et on pourrait parler du travail de nuit des
agents d’escale – ayant exercé cet emploi durant un job étudiant, je
connais la pénibilité de la rotation horaire et les conséquences qu’elle peut
avoir sur la santé.
Cela dit, notre groupe défend aussi un message très
fort et des avancées dont nous aimerions discuter mais qui se trouvent à
l’article 33. Notre groupe a déposé de nombreux amendements, que ce soit en
matière de reconversion, de prévention ou de poly-exposition. Sur ce dernier
sujet, j’ai déposé, en commission, un amendement qui a été repris par le groupe
majoritaire. La pénibilité est bien entendu un sujet majeur pour notre groupe
mais, pour qu’il puisse le montrer, encore faudrait-il que l’on avance dans le
débat.
Quoi qu’il en soit, cher collègue Jumel, je partage totalement
votre inquiétude s’agissant des effets de la rotation horaire sur la santé, en
particulier sur le système nerveux, des travailleurs qui y sont soumis.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. –
M. Patrick Mignola applaudit également.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Pour éviter tout faux procès, mettons-nous d’accord sur un
point : évidemment, la première chose à faire consiste à mener des actions
de prévention pour éviter la pénibilité, notamment à agir sur les postes de
travail. Comme vous le savez, j’ai rendu un rapport d’enquête sur les maladies
et pathologies professionnelles dans l’industrie, qui concluait que la
prévention était bien la première des choses à faire.
Mais, malgré les
nombreuses transformations opérées dans l’organisation du travail, il reste une
pénibilité vécue. En effet, même si nous transformons les postes de travail,
certains métiers engendrent une pénibilité réelle et vécue, qu’il faudra prendre
en compte, y compris au moment de la retraite. En la matière, on ne peut donc
pas se permettre de manœuvres dilatoires.
M. Erwan
Balanant. Les mesures relatives à la pénibilité figurent à
l’article 33 !
M. Pierre
Dharréville. Nous souhaitons garantir la possibilité et le droit à un
départ anticipé pour celles et ceux dont la pénibilité au travail est reconnue.
Or nous constatons qu’avec le recul de l’âge d’équilibre prévu dans le projet de
loi, l’âge de départ anticipé reculera également. Voilà le premier problème sur
lequel nous attendons des réponses, monsieur le secrétaire d’État ; or,
pour l’instant, nous n’en avons pas.
Deuxième point, j’ai évoqué la
question des risques chimiques, et je vais continuer. Qu’avez-vous fait du
rapport de Paul Frimat commandé par le Gouvernement sur ce sujet ? Pour
l’instant, je n’ai pas l’impression que les propositions très claires de ce bon
rapport – que nous avions demandé conjointement à la faveur des ordonnances
de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel – aient
produit des effets suffisants.
Par ailleurs, vous remettez en cause la
reconnaissance de la pénibilité qui existait de fait à travers les régimes
spéciaux. Je veux savoir ce que vous avez précisément en tête, de quoi vous
discutez, ce que vous prévoyez pour ces métiers dont la pénibilité était
reconnue à travers les régimes spéciaux. Dites-nous précisément comment les
choses vont évoluer sur ce sujet, car nous voulons voter la loi en toute
connaissance de cause !
Nous sommes favorables à une approche par
métier, mais encore faut-il construire le système. Or, pour l’instant, je n’ai
pas vu les négociations avancer suffisamment.
Enfin, puisque j’ai
commencé par la prévention, décisive, je terminerai en évoquant
l’externalisation de la retraite.
M. le
président. Il faut conclure, monsieur Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je termine, monsieur le président. En créant une caisse
spécifique, on prend des mesures d’externalisation de la retraite par rapport à
la sécurité sociale. Or les CARSAT – les caisses d’assurance retraite et de
la santé au travail – sont également chargées de la problématique accidents
du travail et maladies professionnelles. Quels moyens leur restera-t-il
réellement, et quelle sera leur autonomie de gestion pour affronter ces
problèmes ? (M. Stéphane Peu
applaudit.)
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme
Mathilde Panot. Nous sommes opposés à la vision de la pénibilité de la
majorité car nous sommes contre l’individualisation de cette pénibilité. Comme
cela vient d’être dit à l’instant par notre collègue communiste, nous
souhaiterions un traitement collectif de la pénibilité.
M. Jumel a
évoqué tout à l’heure le cas des sous-traitants de la filière nucléaire.
Aujourd’hui, 80 % de la maintenance dans ce domaine est assurée par des
sous-traitants, parfois en cascade, qui reçoivent donc 80 % de la dose
radioactive. Pour être marraine d’une association de sous-traitants, qui
s’appelle Ma zone contrôlée, je peux vous assurer qu’ils n’ont pas une visite
médicale tous les six mois, comme les agents d’EDF, mais tous les deux, voire
trois ans. Des cancers liés à l’activité nucléaire sont d’ores et déjà en train
de se développer, avec leur lot de non-reclassement professionnel et de
non-reconnaissance de maladie professionnelle. Quand on regarde de plus près la
situation des sous-traitants du nucléaire, on se rend compte qu’ils n’ont pas de
convention collective commune : ils dépendent pour certains de conventions
collectives de bureaux d’études, pour d’autres de conventions collectives sur la
propreté, etc.
Nous disions tout à l’heure que la loi doit protéger,
assurer des droits reconnaître les pénibilités des métiers. Or nous avons là
l’exemple parfait de la dérégulation qui a été organisée et rend possibles des
situations scandaleuses. Je pense notamment à Jean-Marie, 58 ans,…
M. Bruno
Millienne. Ah ! On n’avait pas encore eu Jean-Marie !
Mme
Mathilde Panot. …dont quarante années de travail dans le nucléaire, et
qui touche toujours 1 200 euros. Aucune année d’ancienneté ne lui est
reconnue, car on le balade de boîte de sous-traitance en boîte de
sous-traitance ! Je trouve cela scandaleux ! D’autant que ces
personnes reçoivent des doses extrêmement fortes de radioactivité. Cette
pénibilité n’est pas du tout reconnue, bien que des gens développent des cancers
en raison de la radioactivité : on ne fait absolument rien !
Je
rappelle que la question des sous-traitants était déjà évoquée dans le rapport
de commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations
nucléaires, rendu par Mme Pompili il y a plus d’un an, et vous ne vous en
êtes jamais emparé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
Un député du groupe
LaREM. Inutile de crier !
Mme
Mathilde Panot. Je crie car nous parlons de gens qui
meurent !
M. le
président. S’il vous plaît, madame Panot !
La parole est à
M. Patrick Mignola.
M. Patrick
Mignola. La pénibilité est probablement le sujet central du texte. C’est
en effet sa prise en compte qui garantira aux Français que les choix que nous
ferons ensemble seront justes. Ce sujet en recouvre en fait de nombreux
autres.
Je voudrais d’abord souligner rapidement que, pour la première
fois, notre pays reconnaîtra la pénibilité dans la fonction
publique.
Deuxièmement, le sujet de la pénibilité soulève la question de
son application : il faut pouvoir l’objectiver et la mesurer puis
l’intégrer dans les dispositifs. Nous savons les difficultés rencontrées à ce
sujet lors de la législature précédente : la liste théorique établie était
très difficile à appliquer en pratique, en particulier dans les petites
structures entrepreneuriales. C’est la raison pour laquelle j’ai, pour ma part,
un avis très réservé sur l’amendement de notre collègue Vallaud, même si je
comprends et partage son intention. En effet, si l’on ajoute à l’identification
de la pénibilité, à sa mesure et à son éventuelle réparation, l’espérance de vie
en bonne santé, je prédis que la secrétaire comptable d’une PME sera dans
l’impossibilité totale d’appliquer la loi. Il s’agira donc d’un droit théorique,
et non d’un droit réel.
Ensuite, une grande clarté me semble nécessaire
dans la définition de la pénibilité. Pierre Dharréville – que je
salue – connaît très bien les risques chimiques. Mais, quand on évoque ces
risques, est-ce pour parler de l’exposition ? Dans ce cas, il faut parler
de prévention. Ou bien parle-t-on du risque d’accident du travail ou de maladie
professionnelle ? Dans ce cas, le sujet est celui de la réparation. Ou bien
évoque-t-on la pénibilité et l’usure physique ? Dans ce dernier cas, c’est
de points de pénibilité pour la retraite qu’il faut parler. Il convient
également, par ailleurs, d’intégrer les sujets de la formation et de la
reconversion. Nous débattrons de l’ensemble de ces sujets en examinant les
articles 32 et 33.
De ce point de vue, je suis gêné ! Vous vous
êtes exprimés avec beaucoup de sincérité, et avec du talent. Sur l’ensemble des
bancs, nous avons tous travaillé sur ces sujets. Mais le fait de consacrer une
demi-heure au remplacement de « et » par « ainsi que » ou de
« afin » par « dans le but » retarde le moment où nous
arriverons à la discussion sur ce vrai sujet, sur lequel nous sommes
attendus ! Je crois en votre sincérité, mais nous devons travailler au bon
moment pour apporter les bonnes réponses. (Applaudissements sur plusieurs
bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur général.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. J’aimerais répondre à
l’interpellation de notre collègue Pierre Dharréville : il n’y aura pas
d’externalisation du système de retraite. Le système universel sera bien intégré
à la sécurité sociale et continuera de faire l’objet d’un débat, chaque année,
dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité
sociale.
Quant aux relations que les CARSAT entretiendront avec la future
CNRU – caisse nationale de retraite universelle –, je précise que
cette dernière s’appuiera sur les CARSAT pour agir dans les territoires. Par
ailleurs, comme cela avait été dit en commission, nous rétablirons par voie
d’amendement la personnalité morale des CARSAT, qui ne figure pas dans la
version actuelle du texte.
(Les amendements
no 25670 et identiques ne
sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement no 42314 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42089.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 98
Nombre
de suffrages
exprimés 89
Majorité
absolue 45
Pour
l’adoption 16
Contre 73
(Le sous-amendement no 42089 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42091.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 94
Nombre
de suffrages
exprimés 82
Majorité
absolue 42
Pour
l’adoption 12
Contre 70
(Le sous-amendement no 42091 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 42093, 42094,
42095, 42096, 42097, 42098 et 42099, successivement mis aux voix,
ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 23850.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 98
Nombre
de suffrages
exprimés 93
Majorité
absolue 47
Pour
l’adoption 23
Contre 70
(L’amendement no 23850 n’est pas
adopté.)
M. le
président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
Je tiens à vous faire part d’une information importante : la
victoire des Bleus en rugby avec un score final de 27 à 23 contre le Pays de
Galles ! (Exclamations et applaudissements.)
2
Ordre du jour de la prochaine séance
M. le
président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures
trente :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un
régime universel de retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
|