Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Troisième séance du samedi 22 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de Mme Laetitia Saint-Paul
1.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (suite)
Article 1er
(suite)
Amendements nos 1465
, 2828
, 23925
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Amendements nos 39991,
39992, 39993, 40144, 40145, 40146, 40147, 40148, 40149, 40150, 40151, 40152,
40153, 40154, 40155, 40156
M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale
Amendements nos 213
, 11348
, 24528
, 40410
, 27360
, 24529
, 39691
, 27389
Rappel
au règlement
M. Thibault
Bazin
Article 1er
(suite)
Amendements nos 27397
, 42505
(sous-amendement) , 42514
(sous-amendement)
Mme la
présidente
Rappel
au règlement
M. Guillaume
Larrivé
Mme la
présidente
Suspension
et reprise de la séance
Rappels
au règlement
M. Thibault
Bazin
M. Sébastien
Jumel
Mme la
présidente
Mme Valérie
Rabault
Mme la
présidente
Mme Brigitte
Bourguignon, présidente de la commission spéciale
Article 1er
(suite)
Amendements nos 24532
, 34150
Fait
personnel
M. Roland
Lescure
Article 1er
(suite)
Suspension
et reprise de la séance
Rappel
au règlement
M. Pierre
Dharréville
Article 1er
(suite)
Rappel
au règlement
Mme Caroline
Fiat
Article 1er
(suite)
Rappels
au règlement
M. Marc
Le Fur
Mme Valérie
Rabault
Article 1er
(suite)
Amendements nos 2900,
2901, 2902, 2903, 2904, 2906, 2907, 2908, 2909, 2910, 3212, 3214, 3215, 3219,
3220, 3221, 3222 , 26716,
27907, 27908, 27909, 27910, 27911, 27912, 27913, 27914, 27915, 27916, 27917,
27918, 27919, 27920, 27921 , 42223
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
M. Sébastien
Jumel
Article 1er
(suite)
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
Mme Laetitia Saint-Paul
vice-présidente
Mme la
présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la
présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623
rectifié, 2683).
Discussion des articles (suite)
Mme la
présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des
articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 1465 à
l’article 1er.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques,
nos 1465, 2828 et 23925.
La parole est à Mme Jeanine
Dubié, pour soutenir l’amendement no 1465.
Mme Jeanine
Dubié. Cet amendement vise à insérer le mot « handicap, »
avant les mots « état de santé ». En effet, être en situation de
handicap, ce n’est pas la même chose qu’être en mauvaise santé : on peut
être en bonne santé tout en étant handicapé.
Mme la
présidente. La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir
l’amendement no 2828.
M. Julien
Dive. Cet amendement de notre collègue Stéphane Viry vise à rappeler que
la conférence nationale du handicap du 11 février dernier s’est achevée par
des déclarations fortes de l’exécutif sur ce sujet. Il est désormais temps de
passer aux actes : c’est pourquoi nous voulons apporter cette
précision.
Mme la
présidente. La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir
l’amendement no 23925.
M. Patrice
Verchère. Comme cela vient d’être rappelé, la conférence nationale du
handicap du 11 février dernier s’est achevée sur des déclarations fortes du
Gouvernement. Il est donc désormais essentiel d’agir en faveur des personnes en
situation de handicap. Or, vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, votre
projet de loi a suscité une levée de boucliers de la part des associations du
champ du handicap, alertées par des dispositions en pointillé et des mesures à
trous dans un texte qui a son lot d’imprécisions. Ainsi, le Comité pour le droit
au travail des handicapés et l’égalité des droits redoute « le pire »
et déplore que « les personnes handicapées ne sont jamais citées ». La
FNATH – Fédération nationale des accidentés du travail et des
handicapés – déclare qu’elle n’est « pas dupe » et que « le
compte n’y est pas ». Enfin, l’UNAPEI – l’Union nationale des
associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs
amis – et APF France handicap, réunis dans un collectif, dénoncent
« une réforme opaque ».
M. Philippe
Vigier. C’est vrai !
M. Patrice
Verchère. Mes chers collègues, je vous invite à adopter ces amendements
identiques pour que le futur système de retraite tienne compte de la situation
des personnes ayant un handicap. Il apparaît légitime de les mentionner
clairement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR et
LT.)
Mme Laurence
Dumont. Très bien !
Mme la
présidente. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la
commission spéciale pour le titre Ier, pour donner l’avis de la
commission sur ces trois amendements identiques.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Ils visent à
tenir compte du handicap dans les interruptions d’activité prises en charge par
la solidarité nationale. Il est effectivement indispensable de le faire. Je
salue donc cette proposition, qui avait déjà été défendue en commission
spéciale, et je donne un avis favorable à ces amendements. (Applaudissements
sur plusieurs bancs des groupes LR et LT.)
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. J’aurais
souhaité que ces amendements soient défendus de façon plus positive, plus
optimiste, mais je ne vous en fais pas grief. Je trouve dommage que vous ayez
passé du temps à évoquer certaines réactions d’associations dans le cadre
d’échanges assez partiels, car vous savez que la situation a évolué depuis et
que nous avons pris en compte un certain nombre de leurs demandes.
Madame
Dubié, je vous remercie d’avoir évoqué ce sujet : il est effectivement
important que la situation des personnes handicapées soit explicitement
mentionnée dans ce projet de loi, en particulier à
l’article 1er, consacré aux principes. Avis favorable.
Mme Laurence
Dumont. Heureusement que nous ne sommes pas passés à l’examen de
l’article 2 !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine
Dubié. Je suis surprise, mais aussi très heureuse que vous ayez pu
entendre la différence entre handicap et état de santé. Ces amendements
concernent toutes les personnes qui travaillent en ESAT – établissement et
service d’aide par le travail – et en atelier protégé, et peuvent
aujourd’hui prendre leur retraite à l’âge de 55 ans. C’est une bonne chose
que de leur permettre de bénéficier d’une retraite anticipée dans le cadre du
nouveau dispositif et d’être citées dans cet article qui pose les principes
fondamentaux du système. Je vous en remercie, monsieur le secrétaire d’État, et
je remercie nos collègues qui, je l’espère, voteront ces amendements.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LT et LR. –
M. Sébastien Jumel et Mme Emmanuelle
Ménard applaudissent également.)
M. Sylvain
Maillard. Bien sûr !
(Les amendements identiques nos 1465, 2828
et 23925 sont adoptés.)
(Applaudissements sur les bancs des
groupes LR et LT, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Mme la
présidente. L’amendement no 39991 et les quinze autres
amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate
et républicaine sont défendus.
La parole est à M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale, pour donner l’avis
de la commission sur ces amendements identiques.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission
spéciale. J’en demande le retrait car ils sont satisfaits par l’amendement
no 9740 relatif aux proches aidants, que nous avons adopté un
peu plus tôt dans la journée.
(Les amendements nos 39991 et
identiques sont retirés.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques,
nos 213 et 11348.
La parole est à M. Dino Cinieri,
pour soutenir l’amendement no 213.
M. Dino
Cinieri. Telle qu’elle est prévue à ce stade des travaux parlementaires,
la réforme va pénaliser les familles nombreuses. Il est donc important de
rappeler dès l’article 1er qu’elle doit encourager la
natalité.
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir
l’amendement no 11348.
M. Marc Le
Fur. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais que vous nous
fassiez un point très précis sur les conséquences de la réforme pour les mères
de famille, en particulier pour les mères de famille de trois enfants. Dans le
système actuel, ces dernières bénéficient d’un avantage,…
Mme Laurence
Dumont. Non, ce n’est pas un avantage !
M. Marc Le
Fur. …mais j’ai le sentiment qu’il va s’atténuer. Il est vrai que vous
créez un avantage pour les mères de un ou deux enfants, mais pouvez-vous nous
préciser ce qui se passera pour les mères de famille de trois enfants et
plus ?
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements
identiques ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Nous prolongeons le
débat que nous avons eu cet après-midi. Si je comprends bien, cher collègue
Le Fur, votre amendement vise à attribuer un objectif nataliste au système
de retraite. Là encore, comme nous l’avons déjà dit cet après-midi, il ne faut
pas confondre l’assurance vieillesse et la politique familiale. Trop longtemps,
notre système de retraite s’est vu attribuer des objectifs liés de manière trop
indirecte à sa vocation première, qui est de garantir un revenu de remplacement.
Dans votre exposé sommaire, vous écrivez que « la réforme doit encourager
la natalité » ; pour ma part, je ne suis pas convaincu que cet
objectif incombe à notre système de retraite. Avis défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous avons déjà abordé ce sujet
à plusieurs reprises depuis une semaine. Monsieur Le Fur, je veux bien être
très précis, mais comme je m’exprime pour la quatrième ou la cinquième fois sur
cette question, je serai très très très précis. (Sourires.) Si j’ai été
très imprécis auparavant, j’essaierai de faire mieux !
Disons
clairement les choses. Comme Mme Elimas l’a expliqué tout à l’heure, nous
avons fait le choix de ne pas nous focaliser uniquement sur les familles de
trois enfants, mais de mettre en œuvre une politique de compensation du
préjudice de carrière dès le premier enfant, ce qui nous paraît logique. Nous
assumons le fait de vouloir créer des droits dès le premier enfant : cela
va ouvrir des droits à 5 millions de femmes qui n’en avaient pas
aujourd’hui. Nous mettons donc en place une majoration de pension de 5 %
par enfant, dont j’ai déjà expliqué hier et encore tout à l’heure les modalités
de répartition entre les deux parents. Nous pourrons en reparler lorsque nous
examinerons le titre II, relatif aux solidarités. Les parents de trois
enfants pourront se partager une majoration de pension de 17 %, puisque le
troisième enfant leur accordera 2 % supplémentaires. Je veux enfin
souligner qu’aujourd’hui, il n’existe pas de bonus au-delà de trois
enfants ; or, dans le futur système, le quatrième ou le cinquième enfant
ouvrira aussi une majoration de 5 %.
Notre objectif est donc d’avoir
un spectre de redistribution plus large et de nous adresser aux femmes, aux
mères, aux familles dès le premier enfant, sans oublier que certaines familles
ont fait le choix d’en avoir plus ; c’est pourquoi les familles de quatre
ou cinq enfants bénéficieront également, demain, d’une majoration de pension
supérieure. Avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Gilles Carrez.
M. Gilles
Carrez. Dans le rapport de Jean-Paul Delevoye, il est indiqué que le
calcul des nouveaux avantages familiaux a été réalisé à budget constant. Or
l’étude d’impact ne fait absolument pas cette démonstration. Dans le système
actuel, chacun des deux parents bénéficie d’une majoration de pension de
10 % à partir du troisième enfant ; par ailleurs, chaque mère se voit
attribuer une bonification de huit trimestres dans le régime général ou de deux
trimestres dans le secteur public. Quand on fait des calculs élémentaires, même
en ajoutant la majoration de 2 % supplémentaires à partir du troisième
enfant, le compte n’y est pas. Ce qui m’étonne, c’est que l’étude d’impact ne
précise pas le détail du calcul qui permet de vérifier, indépendamment des
différents objectifs que l’on peut assigner à politique familiale, que les
crédits alloués à cette politique ne diminuent dans le système que vous proposez
par rapport au système actuel. À quel endroit de l’étude d’impact ce calcul
est-il détaillé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs.
Mme Michèle
de Vaucouleurs. Il me semble que vos amendements échappent, au moins en
partie, à l’objectif que vous vous assignez. Alors que vous vous préoccupez
notamment de la situation des familles de trois enfants, pour lesquelles le
nouveau dispositif n’est pas tout à fait favorable aujourd’hui, vos amendements
concernent « les femmes ayant eu plus de trois enfants ». Cette
rédaction exclut un traitement plus favorable pour les familles de trois
enfants.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie
Rabault. Je veux rebondir sur l’interrogation de notre collègue Gilles
Carrez. La page 609 du rapport de la commission spéciale présente deux
graphiques intitulés « Masses financières consacrées aux droits
familiaux ». Les projections affichées montrent que ces masses financières
seront moindres après la réforme.
M. Guillaume Larrivé et
Mme Constance Le Grip. Absolument !
M. Gilles
Carrez. On retrouve ces données dans l’étude d’impact !
Mme Valérie
Rabault. Peu importe : je me réfère ici à la page 609 du
rapport de la commission spéciale.
Je souhaite donc que M. le
secrétaire d’État nous éclaire. Si les masses financières diminuent, il faut
qu’il nous explique pourquoi, car cela veut dire que, globalement, les femmes
ayant eu plusieurs enfants vont y perdre – peut-être qu’il y aura des
gagnantes, mais il y aura manifestement une majorité de perdantes.
(Les amendements identiques nos 213 et 11348
ne sont pas adoptés.)
M. Marc Le Fur et
M. Philippe Vigier. Les questions posées sont restées sans
réponse !
Mme la
présidente. Je suis saisie de trois amendements,
nos 24528, 40410 et 27360, pouvant être soumis à une discussion
commune.
Les amendements nos 24528 et 40410 sont
identiques.
Sur ces amendements identiques, je suis saisie par le groupe
Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé
dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à
M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 24528.
M. Thibault
Bazin. Le groupe Les Républicains souhaite ajouter un objectif essentiel
tant pour l’équilibre que pour l’avenir même du système de retraite
universel : ce dernier doit également soutenir la politique familiale afin
de favoriser la natalité.
En France, la natalité est en baisse depuis
trois ans. C’est un mauvais signe pour l’avenir de notre pays. En effet, seule
une natalité forte permettra de pérenniser notre système de retraite par
répartition. D’ailleurs, l’équilibre projeté du système actuel se fondait sur un
taux de natalité de 1,9 enfant par femme ; or, depuis deux ans, ce
taux se situe à 1,7. Cela nous inquiète légitimement, car vous ne défendez
aucune ambition sur ce sujet. Pourtant, il est urgent de rétablir une politique
familiale qui constituait à la fois une fierté et une force pour notre pays. Au
contraire, depuis le quinquennat de François Hollande, dont Emmanuel Macron a
été le digne successeur après avoir été son secrétaire général à l’Élysée puis
son ministre, nous assistons au détricotage de la politique familiale. Ce
détricotage, vous l’avez confirmé et amplifié dès votre premier PLFSS, qui
prévoyait la baisse de la PAJE, la prestation d’accueil du jeune
enfant.
Je concède que vous avez fait des efforts pour les familles
monoparentales à hauteur de 50 millions d’euros, mais c’est au total
500 millions d’euros en moins pour les aides aux familles, sans parler de
la sous-revalorisation des prestations familiales par rapport à l’inflation
qu’on observe depuis plusieurs années. Les familles sont les grandes oubliées de
ce quinquennat. À l’heure de réformer notre système de retraite, il est
primordial d’intégrer un objectif de soutien à la politique familiale. C’est le
sens de cet amendement de notre groupe. (Applaudissements sur quelques bancs
du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir
l’amendement no 40410.
M. Marc Le
Fur. Mon collègue Bazin l’a parfaitement expliqué : il y a un lien
consubstantiel entre la démographie et un système de retraite par répartition
puisque ce sont les actifs qui cotisent et ceux-ci ne peuvent cotiser que si
leur propre retraite est garantie par la pyramide des âges. La logique est
différente si on sort du système par répartition. C’est pourquoi je m’inscris en
faux contre les propos de notre rapporteur général, dissociant totalement le
système de retraite de la politique familiale. Les deux ont été imaginés en même
temps, par les mêmes personnes, selon la même logique. Sans perspectives
démographiques réelles, on doit se tourner nécessairement vers d’autres
systèmes, qui font appel à l’épargne par exemple, puisqu’un système par
répartition ne fonctionne que si les perspectives démographiques sont
favorables.
C’est pourquoi il faut encourager la démographie et je suis
très surpris que vous découragiez les familles de trois enfants et plus
– vous ne vous en cachez d’ailleurs pas, monsieur le secrétaire
d’État – alors que ce sont elles qui assurent le renouvellement
démographique de notre pays.
Mme la
présidente. L’amendement no 27360 de M. Dino
Cinieri est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces différents
amendements ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je tiens à vous
remercier, cher collègue Thibault Bazin, pour avoir salué les politiques que
nous menons en faveur des familles monoparentales. C’est effectivement un choix
de cette majorité, qui traduit une volonté particulièrement forte d’apporter une
solution aux familles telles qu’elles sont aujourd’hui. C’est d’ailleurs la même
logique qui nous conduit à proposer d’accorder une majoration dès le premier
enfant.
Quant aux amendements, l’avis sera défavorable, pour les raisons
que j’ai développées il y a quelques instants, argumentaire que le
vice-président Marc Le Fur a repris d’une certaine manière. Nous ne devons pas
confondre deux politiques différentes, l’assurance vieillesse et la politique
d’encouragement de la natalité. Même si elles ont été construites à la même
époque, elles l’ont été de façon distincte et selon des logiques
différentes.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur le député Carrez, vous
disposez d’un certain nombre de documents, dont certains, évoqués par
Mme la présidente Valérie Rabault, sont susceptibles de répondre à vos
questions.
Je veux dire d’abord, d’une façon extrêmement transparente,
que la réforme se fera à masse financière constante, comme vous le constaterez
en vous reportant au graphique 38 de la page 121. Celui-ci décrit la
part des dispositifs de solidarité dans les pensions versées par type de
dispositif. Vous constaterez une progression de la base bleue représentant les
droits familiaux.
Je vous renvoie, madame la présidente Rabault, au
graphique intitulé « masse financière consacrée aux droits
familiaux », exprimée en pourcentage des dépenses du système de retraite.
Les courbes sont tout à fait proches, hormis un léger écart de 0,5 ou
0,8 point, un point au maximum, entre 2040 et 2050 mais c’est à masse
constante. Cela signifie que les dépenses de retraite vont augmenter plus vite
que le coût des droits familiaux puisque, je le répète, ceux-ci en représentent
un pourcentage. Il n’y a donc pas à être inquiet : je vous confirme que la
masse reste constante.
Avis défavorable, donc.
Mme la
présidente. La parole est à M. Gilles Carrez.
M. Gilles
Carrez. Ce que nous souhaitons connaître, c’est le détail des calculs
qui conduisent au graphique de la page 121 de l’étude d’impact. Il y a, je
le reconnais volontiers, des éléments précis attestant que dans le système que
vous proposez la répartition des avantages familiaux avantagera davantage les
femmes. En effet, quand il y a une majoration de 10 % pour chacun des
conjoints à partir de trois enfants, dès lors que la rémunération du mari est
plus importante, son avantage est supérieur en valeur absolue. Mais ce qui nous
intéresse, c’est de savoir comment évolue l’enveloppe globale des avantages
familiaux, les deux parents confondus. En effet, si vous voulez que le système
par répartition soit consolidé dans l’avenir, il faut absolument que le nombre
d’actifs soit le plus élevé possible. Pour cela, il y a bien sûr les mesures
d’âge, mais il y a d’abord et surtout la démographie, qui a jusqu’à présent été
un avantage. Si notre système de retraite a pu sauvegarder un niveau de pensions
plutôt plus élevé que le système allemand par exemple, ou même le système
scandinave, c’est à cause de la démographie, et celle-ci est totalement liée à
la politique familiale.
Vous nous rassureriez donc, monsieur le
secrétaire d’État, en acceptant de nous indiquer le détail des calculs qui
justifient ce graphique essentiel, comme notre collègue Valérie Rabault vous le
demande également.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence
Dumont. Qu’il y ait un lien entre un système par répartition et la
démographie, c’est évident et je n’ai évidemment rien contre une politique
familiale ; mais il est peut-être bon de dire à ce stade du débat que le
soutien à la natalité n’est pas la seule politique à pouvoir assurer la
pérennité d’un système de retraite. Le rapport du COR – Conseil
d’orientation des retraites – confirme qu’il y a un problème de ressources,
et non de dépenses, et que ce problème de ressources s’explique d’abord par la
baisse du nombre de fonctionnaires, la désocialisation des heures
supplémentaires ou la rémunération sous forme de primes, toutes décisions prises
par le Gouvernement.
C’est pourquoi, même si je n’ai rien contre ces
amendements de politique familiale, je répète que c’est au Gouvernement de
boucher un trou qu’il a lui-même creusé.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme
Mathilde Panot. Même si nous ne voterons pas en faveur de ces
amendements de nos collègues du groupe LR et que je suis tout à fait en accord
avec ce que vient de dire notre collègue Dumont, j’en profite pour poser deux
questions au secrétaire d’État.
La première porte sur le sujet des huit
trimestres dus dès la naissance d’un enfant, avantage que ce texte supprime.
Confirmez-vous cette suppression ? La deuxième porte sur un sujet déjà
évoqué mais sur lequel je veux revenir : celui de la majoration de pension
de 5 % dès le premier enfant. Votre projet de réforme laisse la possibilité
d’accorder cette majoration à l’homme ou à la femme. Or, étant donné que les
rémunérations des femmes sont en moyenne inférieures de 24 % à celles des
hommes, cette majoration profitera systématiquement à la pension de l’homme.
Toutes les associations féministes sont donc vent debout contre cette
disposition qui va pénaliser les femmes en cas de séparation ou de divorce. Que
répondez-vous à cet argument ? (Mme Caroline Fiat
applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je confirme ce que mes collèges Mathilde Panot et Laurence
Dumont viennent de dire, notamment sur le désavantage que cette nouvelle
disposition, quoi que vous en disiez, constituera pour un certain nombre de
femmes.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, je constate que les
graphiques 37 et 38 de l’étude d’impact font état d’une baisse certes
légère mais tendancielle de la part des dispositifs de solidarité dans les
pensions versées par type de dispositif. Vous avez dit que cela ne représente
pas grand-chose en volume mais, en pourcentage, la baisse est incontestable, ce
qui est quand même significatif en ce que cela confirme que votre système est
moins redistributif.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Catherine Fabre.
Mme
Catherine Fabre. Je voudrais souligner l’équité du système que nous
mettons en place. Vous évoquez les huit trimestres, mais aujourd’hui les femmes
ne bénéficient pas toutes de cet avantage. Celles qui travaillent dans le
secteur public bénéficient de deux trimestres par enfant et beaucoup de femmes
ne peuvent pas bénéficier de leurs trimestres, soit parce qu’elles n’en ont pas
assez et qu’elles doivent de toute manière liquider leur pension à l’âge de
67 ans, soit parce qu’ayant commencé à travailler très tôt, elles n’en ont
pas besoin pour arriver au taux plein.
M. Erwan
Balanant. Exactement !
Mme
Catherine Fabre. Ce que nous proposons, c’est que toutes les femmes
aient accès à une majoration de leur pension dès le premier enfant, ce qui est
inédit. C’est beaucoup plus équitable puisque cela concerne 100 % des
femmes, ce qui n’est absolument pas le cas dans le système actuel, où les plus
précaires ne bénéficient pas de trimestres supplémentaires.
Deuxièmement,
les femmes travaillant dans le secteur public qui aujourd’hui peuvent partir
deux trimestres plus tôt quand elles ont un enfant pourront partir un an plus
tôt grâce au système que nous mettons en place. Vous voyez donc que, là aussi,
elles sont gagnantes et que les perspectives ne sont pas aussi sombres que vous
le dites, au contraire : je pense que le nouveau système sera plus
équitable et plus avantageux pour les femmes parce qu’il leur laissera plus de
liberté. Elles pourront choisir entre bénéficier d’une pension majorée ou partir
un an plus tôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Bruno Fuchs.
M. Bruno
Fuchs. Je voudrais à mon tour fournir des faits précis et chiffrés. Si
nous prenons le cas des femmes travaillant dans le secteur privé qui bénéficient
de huit trimestres de bonification, 5 %, c’est l’équivalent de 8,6
trimestres, soit déjà une bonification de 0,6 trimestre. Dans le cas des
femmes travaillant dans le secteur public, qui, elles, bénéficient de deux
trimestres supplémentaires, cela équivaut à 6 trimestres de bonification.
On voit donc que, quel que soit le secteur professionnel, il y aura bonification
dès les premiers 5 %. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 24528 et 40410.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 103
Nombre
de suffrages
exprimés 97
Majorité
absolue 49
Pour
l’adoption 21
Contre 76
(Les amendements identiques nos 24528 et
40410 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 27360 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de trois amendements,
nos 24529, 39691 et 27389, pouvant être soumis à une discussion
commune.
Les amendements nos 24529 et 39691 sont
identiques.
Sur ces amendements identiques, je suis saisie par le groupe
Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé
dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Bernard
Perrut, pour soutenir l’amendement no 24529.
M. Bernard
Perrut. Il y a quelques jours, dans cet hémicycle, nous célébrions
l’anniversaire de la loi de 2005 relative à l’égalité des droits des personnes
handicapées. Ici même, Mme la secrétaire d’État chargée des personnes
handicapées évoquait avec grande espérance le Conseil national handicap.
Pourtant, dans son article 1er qui énonce les objectifs du
système de retraite universel, le projet de loi omet un objectif qui nous
grandirait si nous l’appliquions, celui de soutenir les personnes en situation
de handicap. Les députés de tous bords doivent exiger une réforme juste pour la
retraite des personnes handicapées. Il faut aller plus loin que les mesures
existantes, qui sont simplement reprises dans le texte. Manifestement, le
handicap est un grand absent du projet de loi !
Nous y reviendrons
au cours de la discussion, notamment dans le cadre de l’article 29 :
nous proposerons en effet de renforcer le droit au départ à la retraite des
personnes en situation de handicap. Nous demanderons qu’un rapport objectif et
précis éclaire les raisons pour lesquelles ces personnes sont si peu nombreuses
à bénéficier de la retraite anticipée, et qu’il étudie les possibles
aménagements des critères d’accès à cette retraite. Des questions se posent,
nous devrons en débattre et obtenir des réponses.
Le projet de loi ne
fait que transformer le droit existant, sans réfléchir à une transformation en
faveur des travailleurs handicapés. Les conditions qu’il reconduit en matière
d’accès à la retraite anticipée sont trop restrictives : ainsi, seules
2 822 personnes ont pu en bénéficier en 2018. Vous comprendrez donc
l’inquiétude de notre groupe, laquelle est partagée sur tous les bancs. Par cet
amendement, nous appelons votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur la
nécessité de prendre les mesures qui s’imposent, mesures exigeantes et
nécessaires pour que l’égalité des droits soit reconnue en matière d’accès à la
retraite des personnes handicapées. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. Dino
Cinieri. Excellent !
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir
l’amendement no 39691.
M. Marc Le
Fur. S’agissant du handicap, dont nous avons déjà débattu,
M. Perrut a tout dit. Je reviendrai plutôt sur la famille, car vous n’avez
pas répondu à toutes nos questions à ce sujet, monsieur le secrétaire d’État.
Vous faites totalement disparaître les droits des pères en matière de
retraite ! Aujourd’hui, les pères et les mères ont droit à une majoration
de leur pension de 10 % ; mais demain, la majoration de 5 % par
enfant vaudra uniquement pour les femmes. Est-ce que je me trompe, ou non ?
(« Vous vous
trompez ! » sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.) Il faudra alors me le réexpliquer ! Vous appliquez votre
logique de PMA au domaine des retraites ! (Exclamations sur plusieurs
bancs du groupe LaREM.) Dans votre système, il n’y a plus de père !
Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
– « Non ! »
sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)
Prenons l’exemple d’un couple
où le père et la mère arrivent à la retraite, chacun avec une pension de
1 000 euros. S’ils ont eu trois enfants, chacun bénéficie aujourd’hui
d’une majoration de 10 %. Pour le couple, la majoration atteint donc
20 %. Demain, seul l’un des membres du couple percevra une majoration de
17 % – soit 5 % par enfant plus 2 % de bonification au titre
du troisième enfant.
(« Non ! » sur les
bancs du groupe LaREM.) La majoration dont bénéficie le couple passera donc
de 20 % à 17 % : c’est une perte objective. J’aimerais avoir des
réponses précises à ce sujet.
Mme la
présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir
l’amendement no 27389.
M. Dino
Cinieri. Il vise à soutenir les personnes en situation de handicap. Le
handicap est le grand absent du projet de loi, qui ne fait que transposer les
dispositifs insuffisants du système actuel. Il faut pourtant aller plus loin que
l’existant. Les personnes en situation de handicap – que celui-ci survienne
à la naissance, durant la vie active ou tard dans la vie professionnelle –,
doivent être mieux prises en considération. C’est pourquoi nous proposons
d’insérer, après l’alinéa 6, un alinéa rédigé en ces termes :
« Un objectif de soutien aux personnes en situation de handicap mental,
moteur ou sensoriel. »
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous ne nous connaissons pas
personnellement, monsieur Perrut, mais mes collègues m’ont parlé à plusieurs
reprises de votre investissement en matière sociale, en particulier en faveur du
handicap. Je tiens donc à saluer votre engagement.
Nous venons d’adopter
des amendements déposés notamment par Mme Dubié et par des députés de votre
groupe, MM. Verchère et Dive, visant à ajouter le handicap à la liste des
objectifs de solidarité. Je considère donc que les amendements identiques qui
viennent d’être présentés sont satisfaits. Aussi je vous en demande le
retrait ; à défaut, l’avis serait défavorable.
Monsieur Le Fur,
il semble que vous n’ayez pas compris le dispositif que nous proposons :
une majoration de 5 % par enfant pourra être accordée au père ou à la mère,
ou être répartie entre eux deux – à raison, donc, de 2,5 % chacun. Le
choix de la répartition se fera pour chaque enfant.
M. Marc Le
Fur. Avant, c’était 10 % pour chacun !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les pères ne sont donc pas exclus.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous affirmez que le handicap
est le grand absent de la réforme, monsieur Cinieri, alors que nous venons
d’adopter des amendements déposés par votre groupe démontrant le contraire.
M. Dino
Cinieri. J’avais déposé mon amendement avant !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Peut-être la défense de votre
amendement était-elle donc assez maladroite.
Mme Valérie
Rabault. On ne peut pas dire ça !
M. Dino
Cinieri. Ça, c’est votre point de vue, monsieur le secrétaire
d’État !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. En tout cas, c’est le point de
vue des auteurs de l’amendement que je viens d’évoquer.
Vous avez
souhaité mettre un peu de relief dans cette soirée qui vous semblait trop
consensuelle, monsieur Le Fur, mais disons clairement les choses : ce
sont les femmes qui accouchent. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe
LR.)
M. Thibault
Bazin. La mère est donc bien la femme qui accouche ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Ce sont aussi les femmes qui
subissent un préjudice de carrière, parce que ce sont elles qui s’absentent.
Nous pouvons en discuter toute la nuit, mais cela ne changera rien à cette
réalité.
Dans le nouveau dispositif, une majoration de 10 % est
prévue pour compenser le préjudice de carrière : c’est écrit noir sur
blanc. (M. Erwan Balanant applaudit.) Pensez-vous
qu’un père de trois enfants subisse un préjudice de carrière ? C’est
exactement l’inverse ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.) L’INSEE – Institut national de la statistique et des études
économiques – constate ainsi que plus une femme a d’enfants, plus sa
carrière est pénalisée, alors que plus un homme a d’enfants, meilleure est sa
carrière !
M. Erwan
Balanant. Excellent !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Disons les choses
clairement : le préjudice de carrière des mères doit être compensé par la
solidarité nationale. Il le sera de deux façons. D’une part, sur les 5 % de
majoration, la moitié sera destinée à la mère au titre de la maternité. D’autre
part, une majoration de 2,5 % s’appliquera au titre de l’éducation
parentale. Aujourd’hui, les salariées du privé perçoivent une majoration de
quatre trimestres au titre de la maternité et une majoration de quatre
trimestres au titre de l’éducation parentale. Le nouveau système sera plus
équitable et correspondra à la réalité de la société. Avis
défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Brigitte Kuster.
Mme
Brigitte Kuster. Monsieur le secrétaire d’État, vous venez de répondre à
M. Perrut que le handicap n’était pas le grand absent de ce projet de loi,
puisque vous nous avez donné satisfaction en votant un de nos amendements. Mais,
si vous avez accepté d’ajouter, à l’article 1er, alinéa 6,
l’objectif de soutien aux personnes en situation de handicap, c’est précisément
qu’il en était absent ! Initialement, vous aviez simplement précisé que
« le système universel de retraite tient compte des situations pouvant
conduire certains assurés, pour des raisons tenant à leur état de santé ou à
leur carrière, à anticiper leur départ en retraite ». En aucun cas le
handicap n’était mentionné ! Acceptez donc qu’en présentant nos amendements
ultérieurs, nous pointions du doigt que le handicap était absent de votre
projet !
L’amendement qui vient d’être défendu par mes collègues
visait à préciser les différentes formes de handicap concernées, qu’elles soient
physiques ou sensorielles.
M. Dino
Cinieri. Eh oui !
Mme
Brigitte Kuster. Reconnaissez que les propositions soutenues par Les
Républicains s’inscrivent dans une politique cohérente de défense du handicap
quel qu’il soit. Vous avez raison de saluer le travail de Bernard Perrut. Nous
sommes plusieurs au sein de notre groupe, derrière Aurélien Pradié notamment, à
nous investir dans la défense du handicap et des aidants. Nous sommes satisfaits
que vous ayez adopté certains de nos amendements, mais comprenez que nous
pointions du doigt l’absence du handicap dans le texte initial !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme Émilie
Bonnivard. Excellent !
Mme la
présidente. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Comprenez la frustration que suscite en nous votre intervention,
chère madame. Au prétexte que nous venons d’adopter un amendement relatif au
handicap, vous affirmez que le handicap était absent du texte. Mais le handicap
est tout l’objet de l’article 29 ! (Exclamations sur plusieurs
bancs du groupe LR.)
Mme
Brigitte Kuster. Il n’est pas mentionné dans
l’article 1er !
M. Frédéric
Petit. Nous vous expliquons depuis une semaine que nous aimerions en
venir aux articles suivants et que, par correction, nous entamons la
discussion ! Nous reprocher de ne pas avoir mentionné le handicap alors que
vous nous bloquez à l’article 1er depuis une semaine, c’est un
peu fort ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
– Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Thibault
Bazin. C’est faux ! Les Républicains n’ont déposé aucun amendement
d’obstruction !
M. Frédéric
Petit. De même s’agissant, si nous avions atteint l’article 44,
nous aurions pu détailler les dispositions prévues en matière la politique
familiale. (Protestations sur les bancs du groupe LR.) Voulez-vous bien
me laisser poursuivre ?
Mme la
présidente. S’il vous plaît, mes chers collègues, nous écoutons
M. Petit.
M. Frédéric
Petit. Je ne dis pourtant rien de très nouveau – d’ailleurs, depuis
une semaine, je dis peu ou prou la même chose. (Exclamations continues sur
les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. Pourriez-vous laisser M. Petit conclure son propos dans
le calme, s’il vous plaît ?
M. Frédéric
Petit. Je le répète, le blocage que vous pratiquez (Exclamations sur
les bancs du groupe LR) nous empêche de discuter sur le fond et d’amender
les points que nous voulons tous voir figurer dans le texte – en
l’occurrence, concernant le handicap à l’article 29, et concernant la
famille à l’article 44.
Mme
Constance Le Grip. Il y en a qui feraient mieux de se
taire !
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Monsieur Petit, vous vous grandiriez à essayer d’élever
le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
– Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Nos
collègues de droite ont raison de considérer que le handicap est absent de votre
réforme. Si la droite et la Gauche démocrate et républicaine étaient les seules
à le dire, on pourrait les soupçonner de chercher à enquiquiner la majorité.
M. Sylvain
Maillard. C’est le cas !
M.
Sébastien Jumel. Or quarante et une associations, et pas des moindres,
telles que l’APF France handicap, le CNDPH – Conseil national consultatif
des personnes handicapées – ou encore l’UNAPEI ont exprimé un point de vue
très précis à ce sujet. Elles rappellent que moins de 3 000 personnes
handicapées ont bénéficié du départ anticipé à la retraite en 2018, et
considèrent que la réforme n’y apporte aucune réponse. Elles dénoncent les
critères d’obtention de la retraite pour inaptitude, qui restent inchangés et
injustes dans votre mauvais projet. Elles plaident aussi, et je tiens ces
publications à votre disposition, pour l’octroi d’une bonification pour les
personnels des ESAT, et condamnent votre choix persistant d’exclure des critères
d’inaptitude les personnes atteintes d’une affection de longue durée. Je
pourrais poursuivre, mais je tiens tous ces éléments à votre disposition,
monsieur le secrétaire d’État.
Grâce à Mme Dubié, nous avons
progressé en inscrivant le soutien au handicap parmi les principes généraux de
la loi. Vous connaissez toutefois la distinction marxiste entre droit formel et
droit réel ! Il vous appartiendra, dans les articles suivants, de
concrétiser les principes que nous avons obtenus dans
l’article 1er, et de vous emparer enfin du droit à la retraite
des personnes handicapées – car, pour le moment, il est dégradé dans votre
projet. Nos collègues sont fondés, sans faire aucune obstruction, à appeler
votre attention sur ces sujets.
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Thibault Bazin, pour un rappel au
règlement.
M. Thibault
Bazin. Il est fondé sur l’article 100 du règlement. Nous avons fait
l’objet d’une mise en cause personnelle groupée. (Rires et exclamations sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Erwan
Balanant. C’est quoi, ce sketch ?
M. Thibault
Bazin. M. Petit affirme que nous avons fait de l’obstruction, ce
qui est totalement faux : Les Républicains ont déposé moins de vingt
amendements par député, et ce sont des amendements de proposition.
Le
Gouvernement nous soumet un projet de loi dont l’article 1er
porte sur les objectifs. Avec la question de la prise en compte du handicap,
nous discutions de ces objectifs. (Exclamations sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
M. Erwan
Balanant. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Thibault
Bazin. Arrêtez de généraliser : le groupe Les Républicains ne fait
pas d’obstruction. Nous voulons débattre sur le fond, projet contre
projet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. Cela n’avait rien à voir avec l’article 100, cher
collègue, mais nous vous avons bien entendu.
M. Erwan
Balanant. La mise en cause personnelle groupée… C’est un nouveau
concept !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ça
restera dans les annales !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Jacqueline Dubois.
Mme
Jacqueline Dubois. Je voulais revenir sur le cœur de l’amendement. Vous
proposez d’inscrire parmi les objectifs le soutien aux personnes en situation de
handicap. Il me semble que nous avons tout à l’heure adopté à deux reprises des
amendements de Mme Dubié en rapport avec ce sujet : nous avons ajouté
aux objectifs, d’une part, la reconnaissance des aidants, de la place des
aidants, et, d’autre part, celle du handicap. J’étais ravie de nos votes, de
notre unanimité à ce propos.
M. Philippe
Vigier. Très bien !
Mme
Jacqueline Dubois. En lisant le projet de loi, on constate que le sujet
du handicap y est abordé, notamment à l’article 43.
(M. Roland Lescure applaudit.)
Mme Émilie
Bonnivard. Auquel nous n’arriverons jamais !
M. Sylvain
Maillard. Ne soyons pas défaitistes !
Mme
Jacqueline Dubois. Vous y trouverez tous les détails concernant les
modalités prévues pour les personnes en situation de handicap. C’est cela que
nous pourrons compléter par voie d’amendement, si nous le
souhaitons.
D’ores et déjà, nous voulons permettre aux travailleurs
handicapés de partir en retraite anticipée, dès 55 ans, sans décote, avec
des conditions de durée simplifiées. Nous voulons leur permettre de partir en
retraite progressive dès 55 ans, s’ils en émettent le souhait, pour que
leur fin de carrière soit plus adaptée aux besoins qui leur sont propres. Nous
voulons que les parents d’enfants en situation de handicap perçoivent une
majoration supplémentaire, car ils sont à la fois parents et aidants. Toutes ces
évolutions se situent dans la droite ligne des chantiers ouverts dans ce domaine
depuis deux ans déjà, et nous ne pouvons que nous en réjouir collectivement.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.
– Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 24529 et 39691.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 102
Nombre
de suffrages
exprimés 99
Majorité
absolue 50
Pour
l’adoption 27
Contre 72
(Les amendements identiques nos 24529 et
39691 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 27389 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je suis saisie d’un amendement no 27397 qui
fait l’objet de deux sous-amendements identiques, nos 42505 et
42514.
Sur l’amendement no 27397, je suis saisie par le
groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est
annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à
M. Dino Cinieri, pour soutenir cet amendement.
M. Dino
Cinieri. Il vise à soutenir les agriculteurs. Ces professionnels,
indispensables à la France et à son autosuffisance alimentaire, travaillent sans
relâche, sept jours sur sept, trop souvent pour de faibles revenus, donc avec de
petites retraites à la clé. Il faut remédier à cette injustice et, pour cela,
insérer après l’alinéa 6 de l’article 1er « un
objectif de soutien aux agriculteurs, en raison du caractère essentiel et de la
pénibilité de leur profession ». (M. M’jid
El Guerrab applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir le
sous-amendement no 42505.
M.
Guillaume Larrivé. Pour Les Républicains, cet amendement et ses
sous-amendements sont très importants. Ce matin, au Salon de l’agriculture, le
Président de la République a déclaré qu’il lui paraissait
« impossible » de remonter à 85 % du SMIC le montant minimal des
pensions de retraite perçues par les agriculteurs. Avec le style, l’aménité et
le respect des Français que nous lui connaissons, le chef de l’État a
ajouté : « Vous voyez déjà tout ce qu’on se tape. » On peut le
regretter, mais enfin, ces propos ont été tenus.
Ce que nous voyons,
nous, c’est la réalité : un agriculteur perçoit en moyenne 740 euros
de retraite mensuelle, 760 euros pour les hommes, 580 euros seulement
pour les femmes. Bien sûr, nous en sommes tous comptables. C’est la situation
d’aujourd’hui, la situation de 2020. Il nous appartient de l’améliorer, et il
convient de le faire dès maintenant, puisque cette réforme entrera en vigueur en
2021 ou 2022. Nous souhaiterions donc inscrire dans
l’article 1er cet objectif de rattrapage du montant des
retraites agricoles.
Mme Émilie
Bonnivard. Très bien !
M.
Guillaume Larrivé. Avec responsabilité, nous le gageons par la mesure
d’âge que nous, députés Républicains, proposons également. Comme le doit un
parti de gouvernement, ou d’opposition responsable, nous avons fait l’effort de
présenter une contre-réforme solide, sérieuse, financée, dans l’intérêt général.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. Sur les sous-amendements identiques
nos 42505 et 42514, je suis saisie par le groupe Les
Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc
Le Fur, pour soutenir le sous-amendement no 42514.
M. Marc Le
Fur. Guillaume Larrivé l’a fort bien dit : le Président de la
République a déçu, ce matin, en s’exprimant devant les agriculteurs.
M. Sylvain
Maillard. C’est faux !
Un député du groupe LR.
C’est vrai !
M. Marc Le
Fur. Nous attendions des mesures, et des mesures d’application
rapide ; or le sujet est reporté aux calendes grecques.
M. Max
Mathiasin. Seulement à 2021 !
M. Marc Le
Fur. S’agissant du minimum de 85 % du SMIC, je voudrais savoir,
premièrement, quand il sera appliqué, deuxièmement, à quel public il
s’appliquera. On nous laisse entendre que les retraités actuels seraient
concernés, et pas seulement les nouveaux arrivants. Il faut être clair sur ce
point, afin de ne pas nourrir des espérances qui seraient déçues.
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Attendez ! C’est
ce que laisse entendre un certain nombre de députés de la
majorité.
Troisièmement, je souhaiterais savoir qui va payer. La mesure
implique une augmentation considérable des taux de cotisation.
(M. Max Mathiasin s’exclame.) Mais enfin, mon cher
collègue, prenez donc la parole ! C’est inadmissible de beugler comme
ça ! Vous avez un micro, Mme la présidente vous donnera la parole. Il
n’y a pas moyen de débattre sereinement ! (Exclamations sur divers
bancs. – Mme Mathilde Panot
applaudit.)
Mme la
présidente. Merci, cher collègue.
M. Marc Le
Fur. Je voudrais terminer, madame la présidente.
J’aimerais donc
savoir quelles augmentations de cotisations seraient imposées au monde agricole,
dont on connaît les difficultés actuelles, et si le système universel, comme
vous dites, consisterait pour les agriculteurs à passer de 18 à 28 % de
cotisations retraite. Dans quels délais, comment et quand s’opérera la
réforme ? Alors que la complexité de la situation des agriculteurs est
reconnue par tout le monde, allez-vous augmenter leurs cotisations de
10 % ? Monsieur le secrétaire d’État, nous aimerions un peu plus de
clarté sur tous ces points. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et sur les
sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je remercie les uns et les autres de
l’attention qu’ils portent au secteur agricole ; vous savez que j’y suis
par définition sensible. Les agriculteurs sont importants, mais je vous rappelle
que les pêcheurs sont importants, les commerçants sont importants, les
infirmières, les médecins, enfin tous nos concitoyens, à leurs places
respectives, sont importants ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.) La première réponse à leur faire consiste à donner
l’occasion à chacun de bénéficier des conditions les meilleures, les plus
équitables, pour ce moment particulier qu’est la retraite. C’est l’objet de ce
système universel.
Monsieur Le Fur, je vais reprendre ce que j’ai
perçu de votre discours. Concernant les droits des enfants, vous disiez ne pas
savoir si l’on parlait du père ou de la mère ; concernant le minimum de
1 000 euros pour les retraites agricoles, vous dites ne pas comprendre
s’il s’appliquera ou non aux retraités actuels.
(Mme Émilie Bonnivard proteste.)
M.
Sébastien Jumel. Il fait l’âne pour avoir du son !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Soit vous n’avez pas travaillé ces sujets,
ce que je ne peux imaginer un instant, soit il y a là une petite pointe de
mauvaise foi alliée à un sens politique aigu, ce qui me paraît l’hypothèse la
plus probable ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM
et MODEM.) En l’état, nous parlons de 1 000 euros pour les futurs
retraités agricoles à partir du 1er janvier 2022, je dis bien
les futurs retraités agricoles.
M. Bernard
Deflesselles. Pour une carrière complète ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Pour une carrière complète, dont la base
était jusqu’à présent de 800 heures au SMIC. Le taux de cotisation
augmentera effectivement, mais la base sera plus faible : 600 heures
au SMIC. Voilà donc les précisions demandées, et comme je vous sais impatients
de connaître la suite de l’histoire, je vous renvoie à l’article 5 :
nous n’en avons encore jamais été si près. (Sourires et applaudissements sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Avis défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Apporter des précisions à Marc
Le Fur est toujours un exercice intéressant. Monsieur le député, j’ai
fourni une réponse assez longue, exactement sur le même sujet, avant que nos
débats ne s’interrompent en fin d’après-midi. Je ne vais pas me répéter deux ou
trois heures plus tard. Le rapporteur vous a bien répondu ; sans doute
aussi avez-vous entendu tout à l’heure qu’une mission parlementaire étudierait
la situation des agriculteurs déjà retraités.
M. Marc Le
Fur. Ce ne sera jamais que la vingt-septième !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Quant aux futurs retraités,
nous tiendrons notre engagement. Avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier
Marleix. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, si ces
1 000 euros de retraite agricole ont suscité autant d’espoirs, si
cette annonce a été aussi bien reçue dans notre pays, c’est évidemment parce
qu’elle remédie à une grande injustice que, sur les bancs de l’Assemblée
nationale, nous sommes unanimes à constater. Mais on ne peut prétendre refonder
le système de retraite, faire table rase du passé, être prêt à tout rediscuter,
à tout remettre à plat, et, face à une telle injustice, se contenter de nous
dire que l’on va créer une mission parlementaire et aviser pour la suite. Ce
n’est pas possible ; la déception est trop profonde.
C’est une
question de volonté, une question d’arbitrages. En fin d’année dernière, vous
avez su trouver 17 milliards d’euros pour éteindre la crise des gilets
jaunes. Dans le cadre de la réforme des retraites, vous allez devoir trouver
quelques milliards pour combler le déficit dû au fait que les hauts salaires
sortiront du système et que les générations de remplacement ne seront plus là.
Par conséquent, il va falloir que vous fassiez des arbitrages. Monsieur le
secrétaire d’État, si nos débats doivent servir à quelque chose, je vous
adresserai une demande, une seule, au nom du groupe Les Républicains : au
lieu de créer une mission parlementaire, prenez l’engagement d’inscrire ce sujet
à l’ordre du jour de la conférence des financeurs. Voilà un engagement qui n’est
pas de nature financière, qui ouvrira une perspective précise, qui signifierait
que le Gouvernement prend le sujet au sérieux et se veut à la hauteur des
espoirs qu’il a fait naître chez les agriculteurs de notre pays.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Guillaume Larrivé a fait preuve de beaucoup d’humilité en disant
que la situation des agriculteurs retraités était connue depuis longtemps. Par
ailleurs, j’ai bien entendu le rapporteur lorsqu’il a fait observer que l’on ne
pouvait se consacrer en même temps aux infirmières, aux pêcheurs et aux
agriculteurs.
Nicolas Turquois veut rebâtir un système : il pourrait
s’attarder sur le cas des agriculteurs, qui sont les plus pénalisés. Il les
connaît bien ; il connaît les chiffres encore mieux que nous. Monsieur le
secrétaire d’État, il y a un message à faire passer. On ne peut pas avoir en
même temps cet « agribashing » que nul n’ignore et l’exigence imposée
aux agriculteurs de vivre pleinement la transition écologique, de changer nombre
de leurs pratiques.
Hier, le Président de la République était à
Bruxelles. À l’heure où je vous parle, il manque entre 50 et 80 milliards
d’euros au budget de l’agriculture pour les prochaines années ; certains
parlent même de 100 milliards. Au-delà de la mission parlementaire, il faut
un signal politique, Olivier Marleix le disait fort bien à l’instant. Nous ne
vous demandons pas de mettre tout le monde à 1 000 euros le
1er janvier 2021 : ce n’est pas faisable. En revanche, on
ne peut se dispenser d’une perspective à court terme. Réellement, monsieur le
secrétaire d’État, il ne faut pas se dérober sur ce sujet ; et sur ces
bancs, unanimement, nous pouvons trouver une solution.
Mme la
présidente. La parole est à M. Bruno Fuchs.
M. Bruno
Fuchs. Tout le monde, sur ces bancs, partage le même souci des
agriculteurs et souhaite augmenter leurs pensions. C’est ce que nous faisons, à
partir de 2022, pour les nouveaux retraités. La production agricole n’a pas
augmenté en France depuis 1990. Or du monde est passé au Gouvernement depuis
cette date ! Les leçons données depuis les rangs de l’opposition sont
toujours plaisantes à entendre, mais je préfère examiner la situation d’un œil
plus lucide. Un tiers des agriculteurs gagnent moins de 350 euros par mois.
Qu’avez-vous fait lorsque vous étiez au Gouvernement ? (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Régis
Juanico. On l’a dit cet après-midi !
M. Bruno
Fuchs. C’est le Mouvement démocrate et apparentés qui a demandé une
mission parlementaire sur le sujet, car c’est le meilleur moyen de travailler
tous ensemble. Nous n’allons pas nous y mettre ici, ce serait
démagogique.
Je terminerai par une citation, en date du 25 février
2013 : « Un système par points vous permettrait de porter votre
retraite tout au long de votre vie et donc de mettre fin à trente-cinq ou
trente-huit régimes de retraite. Cela créerait aussi quelque chose qui me paraît
aujourd’hui important et sur lequel nous avons engagé les choses de façon très
forte. Il faut le poursuivre et terminer la convergence entre le système de
retraite privé et le système de retraite public. » Ces mots sont d’Éric
Woerth !
Qu’avez-vous fait, depuis ? Vous n’avez présenté aucun
projet ! Vous n’avez pas avancé ! Mais vous vous permettez de nous
donner des leçons aujourd’hui ! (Vives exclamations sur les bancs du
groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Quelle mauvaise foi ! Quel enfumage ! Quelle
hypocrisie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Voulez-vous qu’on repasse le film ? Le 24 janvier, au moment où
Édouard Philippe présente ce mauvais projet à l’ensemble des Français, il se
sert des agriculteurs pour justifier sa mauvaise réforme.
Mme Émilie
Bonnivard. Oui, en premier !
M.
Sébastien Jumel. S’ensuivent, dans tous les médias, des éléments de
langage que nous retrouvons tous sur nos tablettes, car ceux des marcheurs
circulent comme sur les marchés. (Rires sur les bancs du groupe
GDR.)
Les ministres qui interviennent dans les émissions de radio
répètent ces mêmes éléments de langage : la réforme, disent-ils, réglera le
problème des agriculteurs !
Mme Émilie
Bonnivard. Exactement !
M.
Sébastien Jumel. Au bout du compte, vous les avez enfumés, trahis, en
renonçant à honorer la parole donnée. (Applaudissements sur plusieurs bancs
du groupe LR.)
M. Turquois nous disait à l’instant que l’on ne
peut pas s’occuper des agriculteurs puis des pêcheurs. Mais au sujet des
pêcheurs, entre l’article 7, les ordonnances, les chèques en blanc, nous
n’avons obtenu aucune réponse ! Pourront-ils encore partir à 50 ans
après vingt-cinq ans de service ? Vous opposerez-vous à l’instauration d’un
âge d’équilibre pour le régime des marins ? Qu’en sera-t-il du principe de
cotisations sur les salaires forfaitaires ? Maintiendrez-vous le mode de
calcul du régime de l’Établissement national des invalides de la marine
– ENIM –, qui peut verser aux ayants droits du marin décédé une
pension de réversion égale à 54 % de la retraite qu’il aurait touchée ou
touchait ?
Les Marcheurs me font penser au sketch de Coluche :
tous égaux et universels, nous finirons dans le même panier, mais certains
seront dessous et ce sera très difficile pour eux. Parmi eux se retrouveront les
pêcheurs et les agriculteurs. (M. Pierre Dharréville
applaudit.)
M. Thibault
Bazin. Excellent !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence
Dumont. Madame la présidente, l’amendement no 27397
était initialement en discussion commune avec les amendements nos
24532 et identiques. Je ne comprends pas pourquoi nous n’en avons pas discuté en
même temps.
Mme la
présidente. En raison de la complexité de la décision, j’ai pris cette
décision qui m’appartient, chère collègue. Je vous remercie.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme Laurence
Dumont. Dans la mesure du possible, il vous appartient aussi de donner
la parole dans l’ordre où elle vous a été demandée.
Mme la
présidente. Madame, chaque groupe a la possibilité de s’exprimer. Vous
me faites un faux procès. Je donne la parole à chaque groupe, sans hiérarchie.
Le président Roland Lescure attend de s’exprimer depuis le début.
Mme Laurence
Dumont. Je ne fais aucun procès : je vous signale simplement que
j’étais inscrite en premier mais vous ne m’avez donné la parole qu’après avoir
balayé l’hémicycle de droite à gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.) Mais c’est un détail.
Mme la
présidente. Madame Dumont, j’espère que vous avez autre chose à nous
dire. Allez à l’essentiel, je vous en prie.
Mme Laurence
Dumont. J’y viens, et je vous remercie de remettre les compteurs à zéro.
(« Non ! » sur les
bancs du groupe LaREM.)
Puisque j’interviens en dernier, je
récapitulerai les arguments.
L’opinion publique, à force de se l’entendre
répéter, a pu comprendre que les agriculteurs recevraient tous un minimum de
1 000 euros par mois. Mais c’est faux, car une condition est
requise : avoir réalisé une carrière complète au SMIC, ce qui concerne
moins de la moitié des agriculteurs.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Mais
non !
Mme Laurence
Dumont. Plus de la moitié des agriculteurs ne percevront pas de pension
de retraite à 1 000 euros chaque mois.
Mme
Brigitte Bourguignon, Présidente. Alors que c’est le cas
aujourd’hui, bien sûr !
Mme Laurence
Dumont. D’autre part, le Gouvernement semble méconnaître certaines
particularités liées au métier d’exploitant agricole, en particulier les écarts
de revenus d’une année sur l’autre, voire d’un mois sur l’autre. Il sera donc
difficile, pour les agriculteurs, de satisfaire au critère de carrière
complète.
Revenons à la situation des agriculteurs en activité. En 2016,
l’INSEE estimait que 22 % d’entre eux vivaient en-dessous du seuil de
pauvreté. Or le nouveau système conduira à la hausse des cotisations. Le taux de
cotisation d’un chef d’établissement passera ainsi de 21 % à
28 %.
Je ne reviendrai pas sur la situation catastrophique des
retraités d’aujourd’hui, ni sur la délicate intervention du Président de la
République au Salon de l’agriculture, ni sur l’engagement d’une
mission.
Je conclurai en vous demandant simplement pourquoi vous avez
bloqué au Sénat une proposition de loi communiste, adoptée à l’unanimité à
l’Assemblée nationale, si vous vous souciez sincèrement du sort des agriculteurs
retraités. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR, ainsi que
sur les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Roland Lescure.
M. Roland
Lescure. Mes chers collègues, un certain nombre d’entre vous ont passé
beaucoup de temps dans cet hémicycle depuis une semaine, jours et nuits. Il est
temps que je leur donne quelques nouvelles de l’extérieur.
M. Régis
Juanico. Ah !
M. Pierre
Dharréville. Y-a-t-il des manifestations ?
M. Roland
Lescure. Le président Sylvain Waserman vous a déjà informés que la
France avait remporté le match de rugby contre le Pays de Galles et que nous
sommes en route pour le grand chelem. Vous ne savez sans doute pas, en revanche,
que le Président de la République est resté une journée entière, dix-sept heures
plus précisément, à Bruxelles, hier. Grâce à lui, le budget de la PAC
– politique agricole commune – n’a pu être adopté car il ne nous
convenait pas. Une fois de plus, il a remis l’ouvrage sur le métier. Grâce à la
France et ses alliés, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne, nous avons préservé
les chances de sauver l’avenir du budget de la PAC. (Applaudissements sur les
bancs du groupe LaREM.)
M.
Sébastien Jumel. Notre sauveur !
M. Roland
Lescure. Monsieur Larrivé, je me suis rendu au Salon de l’agriculture
aux côtés du Président de la République, aujourd’hui.
M. Marc Le
Fur. Vous connaissez les agriculteurs, vous !
M. Roland
Lescure. Je l’ai bien écouté évoquer le sujet de la retraite des
agriculteurs, monsieur Le Fur ! (Exclamations sur les bancs du groupe
LR.) N’est-ce pas le sens de votre amendement ? Qu’a dit le Président
de la République à propos de la retraite des agriculteurs ?
M.
Sébastien Jumel. Que c’était fini, qu’il fallait cesser de leurrer les
gens !
M. Roland
Lescure. Il a dit que ce projet était bon et que tous les agriculteurs
le savaient ! Enfin, à l’avenir, les agriculteurs bénéficieront d’une
retraite décente, ce qu’aucun d’entre vous n’a assuré depuis quarante ans !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du
groupe MODEM.)
Par ailleurs, concernant le stock des agriculteurs,
comme vous dites, monsieur Larrivé, ceux qui ne bénéficient pas d’une retraite
correcte aujourd’hui, il fallait lancer une mission pour y travailler et
réfléchir aux moyens d’offrir aux agriculteurs, mais aussi aux commerçants et
aux indépendants une retraite plus décente que celle que vous avez votée sans
discontinuer depuis quarante ans. (Nouvelles exclamations sur les bancs du
groupe LR.)
M.
Guillaume Larrivé. Quelle prétention invraisemblable !
M. Roland
Lescure. Enfin, monsieur Jumel, vous qui aimez tant Coluche,
« Match nul 6-4 », cela vous rappelle quelque chose ? Le match
était sans intérêt ! Et grâce à vous, je le trouve plutôt mauvais, mais
nous l’emportons 6-4 car nous voterons ce projet de loi, qui est bon !
(Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Pierre
Dharréville. Ça s’appelle une chute ! Une dégringolade,
même !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme
Caroline Fiat. Pour avoir passé la journée ici, je n’ai pu me trouver
aux côtés d’Emmanuel Macron, à guetter le moindre de ses faits et gestes ou de
ses paroles au Salon de l’agriculture.
M. Pierre
Dharréville. Quelle déception !
Mme
Caroline Fiat. Remarquons cependant que le langage qui vous dérange
tant, quand il dans la bouche de notre collège, vous dérange moins quand il est
dans celle de M. Macron.
Vous proposez de fixer à
1 000 euros le minimum des pensions de retraite des agriculteurs, mais
seuls ceux qui auront accompli une carrière complète de 43 ans et cotisé à
hauteur du SMIC pourront en bénéficier. Vous en excluez, de fait, 40 % du
monde agricole, selon André Tissot. Armand Paquereau, membre du syndicat
Coordination rurale, déclare à HuffPost que la promesse d’une retraite à
1 000 euros pour tous les agriculteurs n’est rien d’autre qu’une
fausse information. Cela vient d’être prouvé.
Ouvrir une mission
d’information ne nous dérange pas, mais nous ne saurions nous en satisfaire au
regard du nombre de missions d’informations qui n’ont donné aucun résultat. Nous
ne pouvons nous contenter de l’ouverture d’une telle mission si rien n’est
garanti.
Quant au procédé qui consiste à renvoyer la droite et la gauche
à ce qu’elles ont pu faire lorsqu’elles étaient aux responsabilités, je vous
répondrai que vous ne deviez pas les trouver si mauvais, puisque vous avez
pioché dans leurs rangs pour former le gouvernement actuel !
(Applaudissements sur les bancs des groupes FI, GDR et LR.)
M. Frédéric
Reiss. Imparable !
M.
Sébastien Jumel. Madame la présidente ! Rappel au
règlement !
Mme la
présidente. Chaque groupe qui le souhaitait a pu s’exprimer. Ayant pris
la décision de scinder la discussion commune en deux, vous pourrez à nouveau
vous exprimer sur ce sujet.
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au
règlement.
M.
Guillaume Larrivé. Un peu pour fait personnel, madame la
présidente.
M. Lescure, avec une certaine hauteur, nous a indiqué
qu’il avait eu, lui, la chance d’accompagner, ce matin, le Président de la
République au Salon de l’agriculture. C’est vrai, c’est une différence entre
nous : il y a parfois, ici, des courtisans qui accompagnent le prince, et
que des députés libres qui s’expriment en toute indépendance.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Erwan
Balanant. Ce n’est pas un fait personnel !
Mme
Brigitte Bourguignon, Présidente. Vous étiez, vous aussi,
derrière M. Sarkozy !
M.
Guillaume Larrivé. Je vous laisse à la joie et à
l’autosatisfaction…
Mme la
présidente. Cher collègue, vous exprimez votre ressenti. (Vives
exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Ce rappel au règlement
n’était pas justifié. (« Micro !
Micro ! sur les bancs du groupe LR.)
M. Thibault
Bazin. Je demande une suspension de séance ! Vous n’aviez pas à
couper le micro !
Mme
Constance Le Grip. C’est scandaleux !
Suspension et reprise de la séance
Mme la
présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à
vingt-deux heures cinquante.)
Mme la
présidente. La séance est reprise.
Chers collègues, afin qu’un
plus grand nombre d’entre vous puissent s’exprimer, j’ai fait le choix de
séparer les amendements qui étaient en discussion commune. Il n’est donc pas
utile de faire des rappels au règlement (Exclamations sur les bancs du groupe
LR),…
M.
Sébastien Jumel. Ah si !
Mme la
présidente. …surtout si c’est pour évoquer en réalité le fond du texte.
J’ai interrompu M. Larrivé tout à l’heure parce qu’il n’y avait pas
réellement de mise en cause personnelle.
M. Julien
Dive. Il ne vous appartient pas d’en juger !
Mme Laurence
Dumont. Errare humanum est !
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Thibault Bazin, pour un rappel au
règlement.
M. Thibault
Bazin. Mon rappel se fonde sur l’article 58 du règlement.
Mme la
présidente. Les rappels au règlement ne peuvent plus se fonder sur
l’article 58, monsieur Bazin, mais je vous laisse volontiers la parole.
M. Thibault
Bazin. Madame la présidente, vous avez empêché notre collègue Guillaume
Larrivé de faire un rappel au règlement. Avec tout le respect que je vous dois,
sur un sujet aussi sérieux que la retraite de tous les Français (Exclamations
sur les bancs du groupe MODEM)…
M. Frédéric
Petit. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Thibault
Bazin. Si, si, c’en est un ! Nous en avons marre des
généralisations, notamment venues des bancs du Mouvement démocrate et
apparentés, accusant l’opposition de faire de l’obstruction. Notre groupe a
déposé moins de vingt amendements par député.
Le texte du Gouvernement
prévoit vingt-neuf ordonnances ; le Parlement est déjà malmené. Alors si,
en plus, quand les députés essaient de s’exprimer et de se défendre quand ils
sont mis en cause, on leur coupe la parole… Je vous demande un peu plus de
respect pour notre institution et pour les députés que nous sommes.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au
règlement.
M.
Sébastien Jumel. Il se fonde sur l’article 100 et pourrait vous
être utile. Le règlement offre en effet à la présidente la possibilité de
desserrer un peu l’étau lorsqu’un sujet est important pour permettre au débat de
prospérer.
En l’occurrence, le président de la commission des affaires
économiques, pour qui j’ai beaucoup de respect – j’espère d’ailleurs que,
la prochaine fois qu’il accompagnera le Président de la République lors d’un
événement de ce type, il me rapportera un poster dédicacé
(Sourires) –, a relancé le débat sur la politique agricole commune et
sur les retraites agricoles. Il me semble que cela justifierait que l’on
permette à chaque groupe de développer son point de vue, sans abuser de votre
patience.
Mme Émilie
Bonnivard. Vite, Jumel, elle va vous couper le micro !
M.
Sébastien Jumel. Ma courte expérience me pousse à dire que, dans le cas
contraire, nous perdrons beaucoup de temps. Les incidents de séance se
multiplieront jusqu’à ce que vous ouvriez la possibilité de débattre d’un sujet
qui concerne – excusez du peu ! – toute l’agriculture française
et les 9 milliards d’euros de crédits provenant de la PAC. (Exclamations
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme Perrine
Goulet. C’est une menace ?
M. Erwan
Balanant. Vous faites pression sur la présidente !
M.
Sébastien Jumel. « Une paille ! » comme diraient les
agriculteurs. Eh bien, pour nous, ce n’est pas une paille. (Agitation
persistante sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Par ailleurs,
j’aimerais que l’on ne vocifère pas dans mon dos quand je fais un rappel au
règlement. J’ai beau avoir de grandes oreilles, quelquefois, ça bourdonne.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LR et FI. – Exclamations sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. Le règlement prévoit deux prises de parole contradictoires.
Étant donné l’importance du sujet, j’ai fait le choix d’autoriser une prise de
parole par groupe et de scinder la discussion commune afin de multiplier les
possibilités d’expression. Il me semble que la parole circule suffisamment dans
l’hémicycle.
La parole est à Mme Valérie Rabault, pour un rappel au
règlement.
Mme Valérie
Rabault. Mon rappel se fonde sur l’article 100, comme celui de
M. Jumel.
Vous avez raison de dire que le règlement prévoit deux
prises de parole contradictoires. Toutefois, le Conseil constitutionnel, dans la
décision qu’il a rendue sur le règlement de l’Assemblée, a une autre
interprétation puisqu’il précise qu’il faut garantir la « clarté » du
débat parlementaire. Le sujet qui nous occupe implique plusieurs milliards
d’euros ; il concerne les agriculteurs et il concerne la France, car chacun
se sent concerné par le sort des agriculteurs. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LR et GDR.)
Madame la présidente, je veux bien
admettre que le règlement soit corseté, mais la vision du Conseil
constitutionnel est plus extensive que celle que vous défendez.
(Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LR.)
Mme la
présidente. Madame Rabault, depuis le début de la séance, chaque groupe
a pu s’exprimer sur chaque amendement ou sous-amendement. Je vous saurais gré de
le reconnaître. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M.
Sébastien Jumel. C’est normal !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, présidente de
la commission spéciale.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
J’aimerais que l’on rappelle, comme certains collègues l’ont fait hier, que le
rôle de la présidente n’a pas à être remis en question. Vous avez su respecter
cette règle pour les autres présidences, chers collègues, et j’aimerais qu’il en
aille de même ce soir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Ce n’est pas parce qu’une femme siège au perchoir (Exclamations
sur les bancs du groupe LR) ou parce que vous en avez décidé ainsi que vous
pouvez changer les règles en cours de route. Elles ont été décidées en
conférence des présidents et ne changent pas avec la personne qui préside. Le
respect est dû à chacun. (Applaudissements prolongés sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.)
M. Thibault
Bazin. Nous n’avons rien contre elle !
Mme Émilie
Bonnivard. Dire que nous l’attaquons différemment parce que c’est une
femme, c’est du sexisme !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les sous-amendements identiques
nos 42505 et 42514.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 96
Nombre
de suffrages
exprimés 94
Majorité
absolue 48
Pour
l’adoption 25
Contre 69
(Les sous-amendements identiques nos 42505
et 42514 ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix l’amendement no 27397.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 94
Nombre
de suffrages
exprimés 92
Majorité
absolue 47
Pour
l’adoption 23
Contre 69
(L’amendement no 27397 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Sur les deux amendements identiques
nos 24532 et 34150, je suis saisie par le groupe Les
Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Valérie
Bazin-Malgras, pour soutenir l’amendement no 24532.
Mme Valérie
Bazin-Malgras. L’article 1er liste les objectifs du
système universel de retraite. Par cet amendement, nous vous demandons de
prévoir un objectif supplémentaire, celui d’un « soutien aux agriculteurs,
en raison du caractère essentiel de leur profession ». Comme nous le disons
depuis des heures, ces professionnels essentiels à l’autosuffisance de la France
travaillent sans relâche pour de maigres revenus et de maigres
retraites.
Vous avez fait de grandes annonces sur la retraite à
1 000 euros ; tout le monde s’est engouffré dans la brèche, dont
les agriculteurs, qui souhaitent une retraite décente. Par conséquent, plutôt
que de prévoir une mission parlementaire, nous vous demandons d’inscrire la
question de la retraite à 1 000 euros à l’ordre du jour de la
conférence de financement afin de permettre aux agriculteurs de bénéficier dès
maintenant d’une retraite décente. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir
l’amendement no 34150.
M. Marc Le
Fur. L’information à retenir de la soirée, c’est que les décisions
touchant les agriculteurs sont renvoyées à une nouvelle mission parlementaire.
C’est affligeant. Je pensais que la question des retraites avait été travaillée
depuis deux ans.
M. Roland
Lescure. Depuis quarante ans !
M. Marc Le
Fur. Il y a même eu un haut-commissaire avant vous, monsieur le
secrétaire d’État. Or, aujourd’hui, rien n’a été fait concernant le monde
agricole.
Je me disais : le Président de la République va faire une
annonce à l’occasion du salon de l’agriculture. Cela n’a pas été le cas, il a
simplement dit que la revalorisation des pensions coûterait trop cher. Je me
disais : des mesures seront prises, non seulement pour ceux qui ont fait
une carrière complète, mais aussi pour les autres.
Alors, monsieur le
secrétaire d’État, j’ai une question précise à vous poser. Celles – ce sont
essentiellement des femmes – qui n’ont pas été chef d’exploitation durant
toute leur carrière, mais pour partie aide familiale et pour partie conjointe de
chef d’exploitation, bénéficieront-elles de la retraite à 85 % du
SMIC ? Voilà une question précise ; j’aimerais avoir une réponse
précise. Le sort des chefs d’exploitation est entendu, mais beaucoup n’ont pas
ce statut tout y ayant travaillé un nombre suffisant d’années.
Le renvoi
de la décision à une mission parlementaire est une information inquiétante. Cela
veut dire qu’elle est renvoyée à une commission, à un groupe de travail. Il faut
que l’opinion le comprenne : le sujet des retraites agricoles est renvoyé à
plus tard ! Nous exigeons au contraire…
Mme Cendra
Motin. Vous exigez ?
M. Marc Le
Fur. …qu’il soit traité dans le cadre de la conférence de financement.
J’espère que le président de la commission des affaires économiques, que je ne
vois plus…
M. Roland
Lescure. Je suis là, et je vous écoute religieusement !
M. Marc Le
Fur. J’espère que M. Lescure, nous y aidera ; il connaît bien
le monde agricole, surtout quand il est canadien (Sourires), mais il
faudrait qu’il maîtrise aussi un peu le nôtre. (Applaudissements sur les
bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je le dis encore une fois :
l’article 1er n’est pas le lieu de dresser un inventaire des
professions concernées. De plus, les agriculteurs seront intégrés dans le
système universel ; ils bénéficieront même d’une dérogation.
Vous
dites que la question agricole n’a pas été traitée. Mais en vertu du projet de
loi, les premiers à bénéficier du système universel seront les agriculteurs, à
partir de 2022, et non pas à partir de 2037. (Mme Nadia
Essayan et Mme Cendra Motin applaudissent.) Le texte
accorde donc une place majeure à leur situation.
Je connais votre
circonscription, puisqu’une partie de ma famille habite sur vos terres – il
y a des agriculteurs parmi eux.
M. Thibault
Bazin. Portent-ils des bonnets rouges ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ceux que je connais par chez moi
préféreraient, évidemment, la revalorisation de leur propre pension. Toutefois,
des agriculteurs retraités âgés de 80 ans ont souvent leur fils
agriculteur, qui approche lui aussi de la retraite : ils sont heureux que
leur fils aîné ou son frère cadet puissent bénéficier de cette mesure.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
J’aborderai plus loin la question du conjoint de l’exploitant
agricole par le biais d’un amendement. Ce statut a permis d’assurer, le plus
souvent à l’épouse de l’exploitant, une protection sociale. Toutefois, lorsqu’on
cotise peu, on s’ouvre peu de droits, si bien que le statut de conjoint de
l’exploitant produit une relation dissymétrique entre l’homme et la femme. En
2020, où l’on combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes, je me
demande si nous avons toujours besoin du statut de conjoint ou si nous ne
devrions pas plutôt nous orienter vers un statut qui facilite progressivement
l’installation agricole. Une réflexion est à mener sur le sujet.
M. Marc Le
Fur. Les conjoints ne bénéficieront donc pas des 85 % du
SMIC !
Mme Perrine
Goulet. Je croyais qu’il fallait éviter d’interrompre
l’orateur ?
M. Mustapha
Laabid. Allez donc au café, monsieur Le Fur !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les difficultés propres aux retraites
agricoles n’ont pas pour origine la seule question des revenus. Il convient
également de regarder le fonctionnement du régime agricole des retraites, qui
est hyperredistributif en raison du nombre réduit d’agriculteurs. Je vous invite
à observer les courbes : nous n’acquérons pas de points supplémentaires sur
une partie de nos revenus afin de financer la solidarité envers les agriculteurs
les plus défavorisés. Mais le système ne permet pas de cotiser davantage les
bonnes années, voire les très bonnes années, en raison de l’existence d’un
plafond, qui est situé à 1 PASS – plafond annuel de la sécurité
sociale.
Les agriculteurs sont donc bien concernés par la réforme,
puisqu’elle sera applicable à ceux qui prendront leur retraite à compter du
1er janvier 2022 – contrairement aux autres professions, qui
devront attendre 2037. Nous menons une réflexion afin d’étendre cette
disposition aux commerçants et aux artisans, ce qui semble de bon sens. Avis
défavorable aux deux amendements identiques.
M. Brahim
Hammouche. Très bien ! Heureusement que nous avons ce
rapporteur !
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. M. le rapporteur a été
clair : en réponse à un amendement défendu par M. Thierry Benoit, j’ai
indiqué qu’une mission se pencherait sur la situation des retraités actuels et
prendrait en considération la situation des conjoints collaborateurs.
M. Pierre
Dharréville. Une mission parlementaire ou gouvernementale ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Grâce à cette mission
parlementaire, nous disposerons d’une expertise nous permettant de traiter le
sujet.
M. Pierre
Dharréville. S’il s’agit d’une mission parlementaire, pourquoi est-ce
vous qui l’annoncez ?
M. Marc Le
Fur. Quid des conjoints collaborateurs ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il faut bien comprendre que le
statut de conjoint collaborateur peut entraîner des difficultés à long terme. Il
faut donc prévoir des passerelles, ce qui implique d’être
documenté.
Fait personnel
Mme la
présidente. La parole est à M. Roland Lescure, pour un fait
personnel.
M. Roland
Lescure. Madame la présidente, avant de demander la parole pour un fait
personnel, je souhaitais écouter les excellents arguments du rapporteur et du
secrétaire d’État.
M.
Sébastien Jumel. Sur le fondement de quel article, le rappel au
règlement ?
M. Roland
Lescure. Je ne saurais cependant laisser passer l’idée selon laquelle un
député qui représente les 240 000 Français vivant en Amérique du Nord
n’aurait pas voix au chapitre sur un sujet quel qu’il soit.
M. Thibault
Bazin. Ce n’est pas ce qu’a dit M. Le Fur !
M. Roland
Lescure. Monsieur Le Fur, en remettant en cause mon objectivité, ainsi
que ma représentativité, vous avez gommé d’une parole 240 000 Français
– l’équivalent d’une ville comprise entre Rennes et Nantes –, dont
vous niez l’existence. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Thibault
Bazin. Quelle injustice ! On nous reproche des rappels au règlement
abusifs et il n’a même pas fourni l’article sur lequel il fonde son
intervention ! C’est l’iniquité en marche.
M. Roland
Lescure. Monsieur Le Fur, vous êtes un député de la nation, je le
suis aussi : nous sommes tous les deux à même de nous prononcer.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.
M. Régis
Juanico. Mme Rabault avait demandé la parole avant !
Mme la
présidente. Ce n’est pas ainsi que les choses se passent. Nous ne sommes
pas chez le boucher ! (Protestations sur les bancs du groupe
SOC.)
M.
Guillaume Larrivé. Dans quelques heures, lorsque ces débats seront
suspendus, nous serons nombreux à regagner nos circonscriptions. Pour ma part,
je regagnerai la Puisaye-Forterre, l’Aillantais ou d’autres territoires
dont je suis le député depuis bientôt huit ans. Or je me vois mal annoncer aux
agriculteurs de ma circonscription que la question de leur retraite n’aura pas
vraiment été traitée à l’Assemblée, mais qu’une mission parlementaire mènera
peut-être une réflexion sur une solution visant à résoudre le problème posé par
les pensions des agriculteurs actuellement à la retraite.
M. Erwan
Balanant. N’importe quoi ! Quelle incroyable mauvaise
foi !
M.
Guillaume Larrivé. Emmanuel Macron est au pouvoir depuis sept ans. Il a
été secrétaire général adjoint de l’Élysée sous la présidence de François
Hollande, il a été le ministre de l’économie de François Hollande, il est
Président de la République française, hélas, depuis trois ans. (Exclamations
sur les bancs du groupe MODEM.) Vous avez, durant deux ans et demi, confié à
M. Delevoye, haut-commissaire aux retraites, le soin de mener, paraît-il,
une immense concertation. Et vous êtes, ce soir, ici, monsieur le secrétaire
d’État chargé des retraites, venu nous dire : « Désolé, nous parlerons
plus tard de la situation des agriculteurs retraités, parce que nous allons
créer une mission parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. Erwan
Balanant. Ce n’est pas vrai !
M. Pierre
Dharréville. Si, il a raison !
M.
Guillaume Larrivé. Pardon, mais une telle attitude n’est pas au
niveau ! Une telle attitude est méprisante à l’endroit des agriculteurs et
agricultrices de France. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et
GDR.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la
présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois
heures quinze.)
Mme la
présidente. La séance est reprise.
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour un rappel
au règlement.
M. Pierre
Dharréville. Fondé sur l’article 145 de notre règlement, madame la
présidente.
Mme Valérie
Rabault. Tiens, je ne le connaissais pas, celui-là !
M. Pierre
Dharréville. Je cherche à comprendre pourquoi c’est le secrétaire d’État
qui nous a annoncé la création d’une mission, puisque, selon l’article 145,
il n’appartient pas à un membre du Gouvernement de la décider ou de la proposer.
Je souhaite également connaître la teneur de cette mission sur les retraites des
agriculteurs. S’agit-il d’une mission gouvernementale ? d’une mission
parlementaire ? Si tel est le cas, qui l’a proposée, quand, comment ?
Je cherche à démêler le vrai du faux de cette histoire. En tout état de cause,
le secrétaire d’État ne peut pas s’appuyer sur la création d’une mission
parlementaire pour nous annoncer que le problème sera résolu.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et LR.)
M.
Guillaume Larrivé. Très bien !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Je ne suis pas certain, mesdames et messieurs les
députés du groupe La République en marche, que le ministre chargé des
relations avec le Parlement apprécie que vous vous en preniez à nos camarades de
la droite après avoir tapé sur la gauche à bras raccourcis. Ce n’était pas, je
pense, la stratégie définie à l’origine. Désormais, vous êtes seuls contre
tous ! Nous demanderons au ministre s’il est satisfait de cette
situation…
Roland Lescure a beaucoup de talent : il a réussi à faire
passer l’échec d’une réunion pour un succès. Dès 2018, la Commission européenne
a annoncé que le budget de la PAC baisserait de 14 %. Neuf milliards
d’euros sont en jeu pour les agriculteurs français, qui, vous le savez tous,
traversent une période difficile : la loi EGALIM – la loi pour
l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire
et une alimentation saine, durable et accessible à tous – est une coquille
vide et la réforme des retraites constitue une trahison sans nom.
Et
pourtant, Roland Lescure présente comme un succès le retour d’Emmanuel Macron
les mains vides de Bruxelles, au motif qu’il a obtenu – tu parles d’une
victoire ! – l’annulation d’une réunion destinée à fixer le montant de
l’enveloppe de la PAC.
C’est au contraire très préoccupant ! La PAC
est fragilisée. C’est d’ailleurs le Président de la République lui-même qui
avait estimé que la remise en cause de la PAC n’était pas un tabou. Mais ça
l’est évidemment pour nos agriculteurs car, s’ils savent à quel point ce système
est technocratique et dénué de réalisme et de pragmatisme, ils savent aussi
qu’on ne peut se passer de l’aide de la Commission européenne pour soutenir
l’agriculture française, d’autant que le CETA, l’accord économique et commercial
global, est passé par là et que les éleveurs sont profondément fragilisés par
l’ouverture à la concurrence.
Vous pensez sans doute : quel rapport
avec la choucroute ? (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
C’est simple : avec une mauvaise politique
agricole comme celle-là, les retraites des agriculteurs vont baisser.
Mme Cendra
Motin. C’est alambiqué !
M.
Sébastien Jumel. Nous sommes très inquiets de votre incapacité à prendre
en considération la misère sociale décrite avec brio et émotion dans le film
Au nom de la terre. Vous n’avez pas résolu la question des retraites
agricoles. C’est une trahison indigne !
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour un rappel au
règlement.
Mme
Caroline Fiat. La question soulevée par M. Dharréville au sujet de
l’article 145, alinéa 2, du règlement de notre assemblée sur la
création d’une mission d’information a suscité ma curiosité. Il serait bon
qu’une réponse nous soit apportée pendant que nous parlons des retraites des
agriculteurs. Ce serait la moindre des politesses.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie
Rabault. Si les agriculteurs ont interrogé aujourd’hui le Président de
la République sur leurs retraites, c’est parce que vous avez suscité un espoir
que vous avez trahi. Vous avez annoncé que les retraites s’élèveraient au
minimum à 1 000 euros, mais les agriculteurs qui sont déjà à la
retraite ne bénéficieront d’aucune revalorisation. Le Président de la République
l’a dit lui-même, de manière peu élégante, en désignant les retraités actuels
comme un « stock » qui ne sera pas concerné par la réforme…
M. Pascal
Lavergne. C’est le terme technique !
Mme Valérie
Rabault. Sans doute, mais il manque un peu d’humanité…
S’agissant
des agriculteurs qui prendront leur retraite après 2022, ils seront soumis au
taux de cotisation correspondant à 600 heures au SMIC…
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ce ne sera pas le SMIC !
Mme Valérie
Rabault. …sur quarante-trois ans, ce qui fait tout de même trois
conditions à satisfaire, ce à quoi plus de la moitié des agriculteurs ne
parviendront pas.
Monsieur le rapporteur, il faut en effet que les
mentalités évoluent au sujet des conjoints d’exploitant agricole, les femmes
n’étant pas censées travailler avec leur conjoint, mais même si leur situation
est amenée à évoluer, les conjoints collaborateurs existent et ont le droit
d’obtenir une réponse du Gouvernement et de la majorité.
Quant à la PAC,
je suis très choquée des propos que le président de la commission des affaires
économiques a tenus : on ne peut pas dire d’une réunion ajournée qu’elle
est un succès alors qu’il manque plusieurs milliards d’euros au budget de la
PAC.
Je ne maîtrise pas aussi bien que certains de nos collègues l’art
des citations, mais il en est une que l’on entend sur les comices et qui me
semble appropriée : « C’est à la fin du comice que l’on compte les
bouses. » (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et
LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pascal Lavergne.
M. Pascal
Lavergne. On parle beaucoup d’agriculture, mais sommes-nous nombreux à
être agriculteurs dans cet hémicycle ? Il se trouve que c’est mon métier,
un métier que j’ai choisi il y a une bonne vingtaine d’années, bien que je ne
sois pas originaire du milieu agricole ; un métier que j’aime. Et
croyez-moi, depuis que j’ai créé mon installation, je n’ai pas vu beaucoup
évoluer les prix de mes produits. Ceux qui, sur ces bancs, ont une part de
responsabilité dans cette situation devraient faire preuve d’un peu plus
d’humilité quand ils parlent d’agriculture et de retraites agricoles !
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Sur
les propositions relatives aux retraites agricoles, on peut voir le verre à
moitié vide ou à moitié plein. Personnellement, je le vois à moitié plein !
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Je serai sans doute l’un de
ceux qui en bénéficieront puisque je suis né en 1967. Dans d’autres professions,
l’année d’entrée dans la réforme est 1975. Je suis quant à moi bien content de
pouvoir bénéficier du nouveau système et ceux à qui il bénéficiera l’année
prochaine ou dans deux ans le seront également ! (Applaudissements sur
les bancs du groupe LaREM.)
M. Erwan
Balanant. D’autant qu’avant, ils n’avaient rien !
M. Olivier
Marleix. L’année prochaine, ils n’auront rien !
M. Pascal
Lavergne. Il est assez hypocrite de répéter sans cesse que le Sénat a
rejeté, en 2017, la proposition de loi de M. Chassaigne que l’Assemblée
avait voté à l’unanimité. Il serait bon de connaître les chiffres exacts, mais
il n’y a pas eu de scrutin public. Donnez-les nous et on discutera
ensuite ! (Protestations sur les bancs du groupe SOC.)
Il est
assez hypocrite également d’avoir voté ce texte en fin de législature et laissé
ensuite les suivants s’en débrouiller ! (Applaudissements sur les bancs
des groupe LaREM et MODEM.)
Les parlementaires de la majorité sont
nombreux à s’engager en faveur des retraites agricoles. Si l’initiative d’une
mission d’information est prise, nous la soutiendrons et nous irons jusqu’au
bout pour traiter la problématique du stock, que cela choque ou non les oreilles
de Mme Rabault ! (Mêmes mouvements.)
M. Thibault
Bazin. Mission de qui ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Roland Lescure n’est pas dans l’hémicycle, mais je voudrais
revenir sur la PAC, sans polémiquer. Derrière la PAC, vous le savez bien,
monsieur le rapporteur, il y a les revenus des agriculteurs. Sans les primes de
la PAC, il ne peut y avoir d’équilibre économique pour les exploitations
agricoles.
Dans le prolongement de la question de Mme Rabault,
permettez-moi, monsieur le secrétaire d’État, de vous demander, parmi les
agriculteurs qui pourront faire valoir leurs droits à la retraite, quel sera, le
1er janvier 2022, le pourcentage de ceux qui bénéficieront du
minimum de 1 000 euros ?
La situation de ceux qui
prendront leur retraite au 1er janvier 2021 sera-t-elle examinée
dans le cadre de la mission envisagée, afin de prévoir pour eux des mesures de
rattrapage ?
Mme Émilie
Bonnivard. Très bien !
M. Pierre
Dharréville. Difficile à dire !
Mme la
présidente. La parole est à M. Julien Dive.
M. Julien
Dive. Alors que certains de nos collègues font la leçon aux majorités
précédentes, M. Larrivé a rappelé tout à l’heure, sur un ton mesuré, que
nous étions tous comptables de la situation actuelle et que nous devions
désormais passer à une autre étape.
M. Lavergne a demandé les
résultats du scrutin public de 2017. Pour notre groupe, les faits sont
clairs : nous avons voté en faveur de la proposition de loi de notre
collègue Chassaigne visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite
agricoles en France continentale et dans les outre-mer. J’étais présent !
J’ai été élu en mars 2016 et, il y a trois ans, en mars 2017, j’étais à la
tribune pour défendre la position du groupe Les Républicains sur ce texte.
J’ai moi-même voté pour la proposition de loi.
M. Pierre
Dharréville. Vous avez bien fait !
M. Julien
Dive. Le texte proposait de revaloriser le niveau minimum des pensions
de retraite agricoles à 85 % du SMIC. On l’a déjà dit, je n’y reviendrai
pas. La particularité des mesures que vous proposez aujourd’hui – les
1 000 euros, le minimum de pension à 85 % du SMIC –, c’est
qu’elles s’appliqueront uniquement à ceux qui prendront leur retraite à compter
de 2022.
En revanche, quand, en 2015, on a réformé la retraite plancher
des agriculteurs en la faisant passer à 75 % du SMIC, la mesure a concerné
à la fois ceux qui prenaient leur retraite et ceux qui étaient déjà à la
retraite, avec un effet rétroactif. Il s’agissait tout simplement là d’une
mesure de justice sociale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes
LR et SOC.)
S’agissant, enfin, de la PAC, il a été dit que le
Président de la République, tel un chevalier blanc, avait sauvé les agriculteurs
en s’opposant à la Commission européenne. En réalité, il n’y avait aucun risque
à afficher une opposition, compte tenu de cette règle simple : en cas de
désaccord sur la PAC au Parlement européen, le budget de l’année précédente est
renouvelé de facto.
En 2018, le commissaire européen au budget et aux
ressources humaines, auditionné au Sénat, avait clairement souligné le flou de
la stratégie française s’agissant de la PAC et indiqué que la France cherchait
même à réduire son budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. –
M. Sébastien Jumel applaudit également.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Nous en sommes toujours à
l’article 1er, alinéa 7, et aux principes généraux ;
je vous avoue, chers collègues, que je suis surpris de ce débat. Cela fait
quarante ans que je travaille en milieu rural et fréquente les exploitations
agricoles, et je peux vous assurer que les mesures annoncées donnent le sourire
à de nombreux exploitants. J’ai été maire pendant seize ans d’une commune rurale
et je considère que ces mesures constituent une avancée pour les agriculteurs,
car elles améliorent leur sécurité.
M.
Sébastien Jumel. Je vous avais prévenu, madame la présidente, que l’on
risquait de passer un peu de temps sur le sujet !
M.
Jean-Paul Mattei. Le président de notre groupe, Patrick Mignola, a
demandé la création d’une mission d’information pour examiner le problème du
stock – le terme n’est pas très élégant, il est vrai –, qui relève
selon moi du projet de loi de financement de la sécurité sociale et non du
projet de loi dont nous discutons. (Applaudissements sur les bancs des
groupes MODEM et LaREM.)
M. Frédéric
Petit. Bravo !
M.
Jean-Paul Mattei. J’aimerais donc que l’on revienne au cœur de notre
débat. Cette discussion sur l’article 1er donne l’impression que
l’on va se prononcer sur l’ensemble du texte à travers ce simple article.
M. Régis
Juanico. C’est normal, il y a le 49.3 qui arrive !
M.
Jean-Paul Mattei. Cela risque d’être compliqué ! Pourquoi ne pas
ajouter les menuisiers, les maçons, les plombiers, les boulangers et les
coiffeurs ? (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et LR.)
M. Régis
Juanico. Sans parler des bouchers !
M.
Jean-Paul Mattei. Soyons sérieux et revenons aux fondamentaux. Nous
avons posé les principes généraux et défini le plan de travail. Avançons
maintenant !
Nous avons longuement parlé de la PAC. Allons-nous
parler demain du coronavirus ?
M. Régis
Juanico. Mais qui a abordé le sujet ?
M.
Sébastien Jumel. C’est M. Lescure qui nous a entraînés dans ce
débat !
M.
Jean-Paul Mattei. Notre monde est plein d’incertitudes, mais nous
ferions mieux de revenir au sujet du projet de loi ! (Applaudissements
sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Mme la
présidente. Chaque groupe a pu s’exprimer. La parole est maintenant à
M. le rapporteur général.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. J’ai hésité à
intervenir car je ne suis peut-être pas, en tant que député du Val-de-Marne –
l’une des circonscriptions les plus denses de la France –, le meilleur
connaisseur des retraites agricoles – même si Thibaut Guignard, le maire de
Plœuc-L’Hermitage, une commune de la circonscription de Marc Le Fur, me
sensibilise régulièrement sur ce sujet, avec raison, car il est important.
M. Marc Le
Fur. C’est bien ! Notre rapporteur général progresse !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je me félicite d’être
en progrès !
Notre collègue Guillaume Larrivé s’est interrogé tout à
l’heure sur ce que nous pourrons dire demain en rentrant dans nos
circonscriptions. Voilà, chers collègues, ce que nous pourrons dire : dans
le cadre de la construction du futur système universel de retraite, nous
instituons des droits nouveaux dès 2022 qui amélioreront la retraite des
agriculteurs, des artisans et des commerçants. Nous le devons à ces
professions.
Reste la question de celles et ceux qui sont déjà à la
retraite aujourd’hui – je n’aime pas le mot « stock » –,
pour qui nous n’avons pas de réponse immédiate. Cette question concerne les
agriculteurs, mais aussi, je le vois dans ma circonscription, des artisans et
des commerçants, qui cotisent souvent plus de quarante-trois ans – je
parlais récemment avec une personne qui avait cotisé quarante-six ans – et
qui touchent des pensions très réduites.
Pour tous ceux-là, nous devons,
c’est vrai, continuer de travailler. J’ai entendu tout à l’heure le secrétaire
d’État évoquer la possibilité d’une mission spécifique sur le sujet, mission
que, j’imagine, le Gouvernement confierait à des parlementaires. À titre
personnel, il me semble nécessaire de travailler sur le sujet, mais en
l’étendant à un périmètre plus large que celui des agriculteurs.
M. Marc Le
Fur. Madame la présidente, il y a un élément nouveau ; j’aimerais
prendre la parole !
Mme la
présidente. Le groupe UDI, Agir et indépendants ne s’est pas encore
exprimé.
La parole est donc à M. Paul Christophe.
M. Paul
Christophe. Nous sommes unanimes au sein de l’Assemblée sur la nécessité
de nous pencher sur la situation des agriculteurs, qui ont bien besoin de notre
attention. Au fond, nous pouvons envisager leur situation à travers trois
temporalités : le passé, le présent et le futur.
Le passé, nous
constatons tous qu’il est marqué par la souffrance et les
difficultés.
Pour le présent, les agriculteurs que je rencontre dans ma
circonscription me disent qu’ils attendent non pas des aides – celles de la
PAC, que nous venons d’évoquer –, mais la possibilité de travailler comme
ils l’entendent. Ils réclament moins de tâches administratives et plus
d’accompagnement. Ils me disent qu’il faut les laisser faire et qu’ils savent
travailler leur terre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir,
LaREM et MODEM.)
Le futur, c’est ce sur quoi porte le projet de loi,
qui s’appliquera aux prochaines générations.
Quant à la situation des
agriculteurs qui sont déjà à la retraite, on peut feindre de confondre
« mission parlementaire » et « parlementaires en mission ».
Mais ce que je retiens, mes chers collègues, c’est que nous partageons la même
volonté de nous saisir de la question. Je suis convaincu que nous saurons nous
rejoindre et trouver un point de convergence dans l’intérêt de l’ensemble des
agriculteurs. Nous témoignerons ainsi de la richesse de notre assemblée !
(Mêmes mouvements.)
Mme la
présidente. Le groupe La France insoumise ne s’étant pas encore exprimé
sur ces amendements, la parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme
Caroline Fiat. M. Lavergne s’interrogeait sur le vote de la
proposition de loi de M. Chassaigne. J’ai consulté rapidement les comptes
rendus de la précédente législature, et je peux confirmer que ce texte a été
adopté à l’unanimité par scrutin public. Avec l’humour qu’on lui connaît,
M. Chassaigne avait même salué ce résultat en disant :
« Bravo ! Un vote à la soviétique ! ». Je tiens ce document
à la disposition de notre collègue, bien qu’il suffise de consulter le site de
l’Assemblée. En tout cas, nulle hypocrisie à l’époque, mais bien un vote
transpartisan. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC et
GDR.)
Un député du groupe
LaREM. Pour approuver des dispositions non
financées !
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au
règlement.
M. Marc Le
Fur. Sur le fondement des articles 145 et suivant du règlement,
madame la présidente. Je ne comprends toujours pas. Les agriculteurs ne seraient
pas mentionnés dans le projet de loi (Exclamations sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM), leur cas faisant l’objet de dispositions ultérieures ?
C’est l’information de la soirée !
M. Erwan
Balanant et M. Paul Christophe. Ce n’est pas un rappel au
règlement !
M. Marc Le
Fur. J’avais compris que ces dispositions seraient élaborées au sein
d’une commission parlementaire, et maintenant on nous dit qu’elles le seront par
un parlementaire en mission, c’est-à-dire, en fait, par un parlementaire aux
ordres !
M.
Sébastien Jumel. En effet !
M. Marc Le
Fur. Je souhaite avoir des précisions sur la procédure que vous
envisagez d’utiliser pour traiter ce sujet, monsieur le secrétaire d’État,
sachant que la procédure normale, c’est la conférence de financement, que nous
sollicitons sur ce point. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe
LR.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie
Rabault. Au titre de l’article 145 de notre règlement, j’interviens
pour m’étonner moi aussi d’entendre le rapporteur général indiquer que ce sujet
ne figure pas dans le texte. (M. Guillaume Gouffier-Cha
proteste.) Si, c’est ce que vous avez dit, mon cher collègue, on reprendra
le compte rendu de la séance, le Journal officiel faisant foi. Comme l’a
rappelé Caroline Fiat, tout prononcé y est inscrit. Et ce que vous avez dit est
très grave.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 24532 et 34150.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 106
Nombre
de suffrages
exprimés 105
Majorité
absolue 53
Pour
l’adoption 29
Contre 76
(Les amendements identiques nos 24532
et 34150 ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir
l’amendement no 2900 et les seize amendements identiques déposés
par les membres du groupe La France insoumise.
Mme
Caroline Fiat. Nous demandons la suppression de l’alinéa 7 car il
manque de précision. En effet, qu’est-ce qu’une « pension décente »
pour les retraités ? Pour certains, ce sera 1 000 euros, pour
d’autres 1 200 euros, pour d’autres encore 2 000 euros… On ne
peut pas se satisfaire d’un adjectif pour justifier du montant d’une retraite,
il faut utiliser des termes clairs et précis. Et je rappelle que ce montant ne
serait garanti que pour les carrières complètes, ce qui laisse songeur quand on
connaît la situation de l’emploi dans notre pays, avec le chômage, le nombre de
temps partiels et de carrières hachées.
M. Thibault
Bazin. Excellent !
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série
d’amendements identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Comme il s’agit d’une demande de
suppression d’alinéa, l’avis est défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Avis défavorable. Par ailleurs,
tout le monde aura bien compris que nous parlions d’un parlementaire en mission
qui, comme tous ses collègues dans le même cas, est missionné par le
Gouvernement. Il en a toujours été ainsi.
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Il est tout de même important de consacrer quelques minutes à
cet « objectif de garantie de niveau de vie satisfaisant aux
retraités ». Le système de retraite actuel est certes insatisfaisant, mais
il garantit, une fois à la retraite, un taux de remplacement d’environ 75 %
par rapport à l’ancien revenu. Première question, monsieur le secrétaire
d’État : pouvez-vous me dire si ce taux sera maintenu dans le nouveau
système ?
Deuxièmement, le système actuel garantit un niveau de vie
relatif des retraités par rapport aux actifs de 106 %. Les projections à
2050 de l’étude d’impact, qu’il y ait ou non réforme, prévoient une baisse de
30 % de ce niveau de vie relatif. Confirmez-vous ce chiffre ou bien
pouvez-vous garantir que le ratio de 106 % sera maintenu ? C’est très
important pour ceux qui nous écoutent.
Enfin, notre système de retraite
nous permet aujourd’hui d’avoir un taux de pauvreté des retraités parmi les plus
faibles en Europe, autour de 7 %. Or tout indique que l’application de
l’âge d’équilibre, fixé à 65 ans en 2037 mais qui augmentera
progressivement en fonction de l’espérance de vie, va conduire plus de retraités
dans la pauvreté, tout le monde n’ayant pas la possibilité de partir
suffisamment tard pour éviter de subir la décote. D’où ma troisième
question : pouvez-vous garantir que le taux de pauvreté des retraités
n’augmentera pas ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. L’alinéa 7 est particulièrement imprécis. Pouvez-vous
me dire, monsieur le secrétaire d’État, ce qu’est pour vous un niveau de vie
satisfaisant ? Je serai curieux de le savoir, faute de définition
juridique. S’agissant du deuxième objectif, le « versement d’une retraite
en rapport avec les revenus perçus pendant la vie active », nous sommes
également dans l’approximation la plus totale. Quelle est la nature de ce
rapport ? Pouvez-vous nous indiquer la formule mathématique qui permet de
le calculer ?
On voit bien qu’il s’agit d’un alinéa plutôt
décoratif, destiné à faire bonne impression. Nous ne pouvons nous satisfaire
d’un texte de loi aussi bavard et imprécis – et finalement aussi trompeur.
M. Régis
Juanico. Très bien !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Célia de Lavergne.
Mme Célia
de Lavergne. À ma collègue de La France insoumise qui nous parle de
décence ce soir alors que nous souhaitons garantir le niveau de vie des
retraités dans le futur système, je dis, au nom de La République en marche, que
la décence consiste d’abord à ne pas jouer avec les mots,…
Mme Émilie
Bonnivard. C’est vous qui dites cela !
Mme Célia
de Lavergne. …y compris en proposant par voie d’amendements de
substituer au mot : « pour », les mots : « afin
de ». De même, la décence, ce n’est pas déposer
41 000 amendements pour bloquer une réforme porteuse de réelles
conquêtes sociales (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM)
et destinée à assurer un meilleur niveau de pensions à l’ensemble des retraités
français.
M. Pierre
Dharréville. Je crois que nous avons déjà entendu ces arguments…
M. Régis
Juanico. Parlez donc du fond !
M. Pierre
Dharréville. Ils ont buggé !
Mme Célia
de Lavergne. La décence, c’est enfin ne pas bloquer le fonctionnement de
l’institution dans laquelle on a été élu et où on représente presque
100 000 citoyens.
En revanche, la décence, pour nous, c’est
notamment assurer une pension minimale égale à 1 000 euros, puis à
85 % du SMIC net, à des gens qui perçoivent aujourd’hui beaucoup moins.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme
Caroline Fiat. En réalité, je me suis trompée en parlant de
« niveau de vie décent » alors que l’alinéa 7 évoque « un
niveau de vie satisfaisant ». Mille excuses ! Mais espérez-vous
vraiment me convaincre avec cet adjectif ? Croyez-vous que je vais rentrer
dans ma circonscription et dire : « l’Assemblée a voté on ne sait quoi
mais, ne vous inquiétez pas, on nous a promis que ce serait
"satisfaisant" » ? (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Patrick
Mignola. Ce serait mieux d’entendre le rapporteur !
M.
Jean-René Cazeneuve. Proposez quelque chose, plutôt que de vouloir tout
supprimer !
M. Thibault
Bazin. Laissez-la parler !
Mme
Caroline Fiat. Quant au minimum de 85 % du SMIC, je dois rappeler
qu’il ne serait versé qu’aux retraités ayant effectué une carrière complète à
temps complet, ce qui ne concerne qu’une petite partie de la population. Arrêtez
de dire que tout le monde va bénéficier de cette disposition !
Vous
semblez vous satisfaire du texte de l’alinéa 7, nous non. Nous sommes
cohérents, nous ne mentons pas, et nous, nous connaissons les réalités du pays.
(Vives exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Marc Le
Fur. Le pays réel !
Mme la
présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Au lieu de s’étonner du choix de tel ou tel
mot, il faudrait travailler sur le fond, en commençant par s’intéresser au droit
existant. En l’espèce, il s’agit de la loi du 20 janvier 2014, dernière en
date sur le sujet, qui évoquait dans son article 1er la
« garantie d’un niveau de vie satisfaisant des retraités ». Le projet
de loi a repris les mêmes termes.
M.
Jean-Paul Mattei. Et voilà !
M. Dino
Cinieri. C’est déjà satisfait alors !
M. Pierre
Dharréville. En plus, c’est la loi Touraine, que vous n’aimez
pas !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je n’ai pas fait l’historique de tous les
textes de loi portant sur les retraites, mais il s’agit de formules consacrées
qui peuvent donc être reprises par les majorités successives. Il ne faut pas
chercher des problèmes là où il n’y en a pas.
Quant au versement d’une
retraite « en rapport » avec les revenus perçus, il fait partie des
quatre missions assignées au système de retraite par le même
article 1er de la loi de 2014, et dont le Conseil d’orientation
des retraites fait chaque année l’analyse. Je les cite dans mon rapport,
page 195 : la pérennité financière du système, la solidarité
intragénérationnelle et intergénérationnelle, l’équité de traitement et
« la garantie de la contributivité, qui doit assurer aux retraités le
versement d’une retraite "en rapport avec les revenus qu’ils ont tirés de leur
activité". Les formules retenues pour le calcul de la retraite et l’application
proportionnelle des cotisations d’assurance vieillesse soutiennent ce principe
[…]. » Par conséquent, que ce soit dans le cadre d’un système par points ou
dans celui du système actuel, le montant du salaire et le taux de conversion
– de 50 % ou de 75 % suivant que la personne relève du régime
général ou de la fonction publique – aboutissent à un résultat en rapport
avec l’assiette contributive. Les points sont « en rapport » puisque
proportionnels aux cotisations.
M. Marc Le
Fur. On n’a rien compris !
M. Pierre
Dharréville. Quel doit être ce rapport ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. C’est le lien entre ce que vous avez cotisé
et ce que vous toucherez à la retraite, comme aujourd’hui. Il n’y a pas de
changement de ce point de vue.
M. Pierre
Dharréville. Ah si !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Mais si par la notion de rapport, monsieur
Dharréville, vous voulez aborder la question du taux de rendement, il s’agit
d’un autre élément.
Mme la
présidente. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. Il me semble que nous en restons toujours aux objectifs du projet
de loi,…
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. C’est
une constatation pertinente…
M. Thibault
Bazin. …car vous avez décidé de rédiger une sorte d’article liminaire
qui met en avant plusieurs objectifs et reprend divers slogans. Je suis inquiet,
à cette heure – vingt-trois heures quarante-cinq –, du stade auquel
sont parvenus nos débats. Je ne sais pas si la conférence de financement avance
au même rythme…
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’espère bien qu’elle progresse
plus vite !
M. Thibault
Bazin. …ou si elle est complètement en panne…
M. Pierre
Dharréville. Elle va moins vite !
M. Thibault
Bazin. …et risque de se trouver complètement bloquée.
S’agissant
des retraites des agriculteurs, il apparaît clairement, au fil des échanges que
nous avons eus aujourd’hui, que de nombreuses interrogations demeurent.
M. Pierre
Dharréville. Exact !
M. Thibault
Bazin. Je réitère les questions posées par le président Vigier :
combien d’agriculteurs pourront bénéficier d’une pension de
1 000 euros au 1er janvier 2022 ? Quel sera le
sort des agriculteurs qui prendront leur retraite au 1er janvier
2021 ?
M. Pierre
Dharréville. Difficile à dire…
M. Thibault
Bazin. Je n’ai pas envie de partir me coucher avec ces inquiétudes et
dans cette incertitude. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Or nous sommes plongés, avec ce projet de réforme des retraites, dans une
nuit totale ! (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Bien sûr que si ! Malgré la séance de câlinothérapie dont ont pu
bénéficier les agriculteurs aujourd’hui, la réalité, c’est que la revalorisation
attendue ne sera pas au rendez-vous.
Notre rôle est aussi de défendre
l’institution. Je remarque à ce propos que le texte dont nous discutons comporte
de plus en plus de trous : on ne parlait déjà ni du financement ni de l’âge
d’équilibre,…
M.
Jean-René Cazeneuve. C’est normal, nous en sommes à l’examen de
l’alinéa 7 de l’article 1er !
M. Thibault
Bazin. …et maintenant, le sort des agriculteurs, pourtant mis en avant à
plusieurs reprises, serait renvoyé à une mission parlementaire ultérieure ?
J’estime qu’il revient au Parlement, et non à un parlementaire en mission, de
traiter de cette question. Je ne sais pas si le rapporteur général de la
commission des affaires sociales est présent,…
M. Pierre
Dharréville. Il n’y en a plus !
M. Thibault
Bazin. …mais il me semble important que ce soit le Parlement qui
s’occupe des agriculteurs : je ne fais aucunement confiance au Président de
la République en la matière. (M. Alain Ramadier
applaudit.)
(Les amendements nos 2900 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Hubert Wulfranc pour soutenir
l’amendement nos 26716 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
L’amendement no 26716 fait l’objet d’un sous-amendement no
42223.
M. Hubert
Wulfranc. Rien ne vaut, dès lors qu’on se fixe un objectif dans un
projet de loi, de le rapporter à une valeur connue de tous à un instant précis.
À cet égard, l’ambition bien modeste consistant à proposer aux retraités un
niveau de vie « satisfaisant » reste nettement en deçà de celle que
nous nourrissons.
Nous l’avons dit clairement : notre but est que
les retraités touchent, au minimum, une retraite équivalente au SMIC. Nous
l’affirmons avec d’autant plus de force qu’en plaçant votre projet de loi sous
l’égide d’un niveau de retraite « satisfaisant », vous le déconnectez
de tout rapport au salaire minimum – salaire dont vous ne cessez de dire
qu’il ne faut pas l’augmenter : vous n’avez donné aucun coup de pouce
majeur au SMIC depuis votre arrivée au pouvoir et vous organisez les trappes à
bas salaires.
Mme Nicole
Dubré-Chirat. C’est faux !
M. Hubert
Wulfranc. La France est ainsi devenue un pays à bas salaire, à cause
notamment des exonérations de cotisations auxquelles vous vous
livrez.
Tout cela pour souligner que les explications particulièrement
techniques apportées par le rapporteur en réponse aux observations relatives au
niveau de vie « satisfaisant » promu par le projet de loi ne
convainquent personne, car il y manque la référence chiffrée que le commun des
mortels souhaite y trouver et que chaque Français comprend : le SMIC.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42223.
Mme
Caroline Fiat. Il vise à préciser l’amendement propositionnel déposé par
le groupe GDR. Ce dernier souhaite modifier l’alinéa 7 de
l’article 1er pour assigner un objectif ambitieux à votre
réforme des retraites : celui d’améliorer le niveau de vie des retraités.
Nous souhaitons préciser que cette amélioration devrait être
« substantielle ».
Il y a en effet encore trop de retraités
pauvres – nous le disons depuis plusieurs jours. Le groupe de La France
insoumise propose que plus aucun retraité ne vive sous le seuil de pauvreté, en
garantissant à toutes et tous une pension minimale de
1 041 euros.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence
Dumont. Je vais venir au secours du rapporteur
(« Ah ? » sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM), parce qu’il a tout à fait raison de dire
que l’expression « niveau de vie satisfaisant » figure déjà dans les
textes de loi existants. Mais il y a maldonne
(« Ah ! » sur divers
bancs) : si, dans le langage courant, le mot « satisfaisant »
reste difficile à définir – il peut signifier « bon »,
« correct », et, appliqué aux retraites, est en tout cas source
d’inquiétude –, selon le dictionnaire Larousse, il signifie « conforme
à ce qui était attendu ». Lorsque vous êtes à l’école et que vous
fournissez une réponse satisfaisante, cela veut dire qu’elle est conforme à ce
qu’attendait le professeur.
Mme
Jacqueline Dubois. C’est parfait, alors !
Mme Laurence
Dumont. Non, justement ! C’est là que le bât blesse : toute la
difficulté de ce texte tient au fait qu’il n’apporte aucune lisibilité. Personne
– ni vous, ni nous, ni ceux qui nous regardent et qui ne sont peut-être pas
très nombreux à cette heure tardive –…
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Je ne
crois pas, effectivement…
Mme Laurence
Dumont. …ne sait quelle retraite il touchera dans le nouveau système. Le
Gouvernement assure qu’une règle d’or garantira la valeur du point et donc le
niveau des pensions, mais c’est faux. La seule règle d’or du texte concerne
l’équilibre financier du système et non la garantie que la valeur du point ne
baissera pas. Cette valeur n’est qu’un paramètre, qui devra assurer l’équilibre
financier du système, et son niveau ne sera garanti qu’aussi longtemps que le
Gouvernement et sa majorité parlementaire en décideront ainsi.
Cette
notion de « niveau de vie satisfaisant » est donc particulièrement
inquiétante, justement parce que le contenu du texte que vous présentez
n’apporte aucune lisibilité ou prévisibilité.
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Vous m’avez expliqué, monsieur le rapporteur, la
signification du terme « en rapport » – je vous en remercie. J’ai
bien compris que, sans la mention figurant à l’alinéa 7, les pensions
pourraient ne pas être « en rapport » avec les salaires. Cela ne me
semble toutefois pas être un objectif suffisant pour définir ce que nous
attendons de notre système de retraite : c’est une donnée, et non un
objectif.
L’enjeu consiste est de définir le rapport à établir entre la
pension et le salaire : voilà ce qui nous intéresse. Or ce rapport n’est
nullement défini dans le texte, ce qui est problématique. Nous jugeons en effet
essentiel que le taux de remplacement, c’est-à-dire le rapport entre la pension
et le dernier salaire, soit défini. La proposition que nous faisons, qui vise à
garantir une amélioration du niveau de vie des retraités, fixe déjà un objectif
un peu plus ambitieux que de simplement établir entre les pensions et les
salaires un rapport que vous ne précisez pas.
L’économiste Henri
Sterdyniak, qui a analysé votre projet de loi, estime que les pensions devraient
baisser de plus de 20 % avec le système que vous proposez. Voilà pourquoi
je vous interroge sur ces points : je suis inquiet et je souhaite que le
Gouvernement prenne des engagements précis sur cette question. Si vous ne
souhaitez pas le faire dans le texte de loi, fournissez-nous au moins une
estimation de ce que votre système devrait produire ! Présentez-nous des
tableaux illustrant comment le taux de remplacement évoluera de génération en
génération ! Vous ne pouvez pas nous demander de légiférer sans savoir
quels seront les effets de la réforme que vous défendez sur le niveau des
pensions. (Mme Caroline Fiat applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M.
Jean-René Cazeneuve. Je me demande comment on peut vouloir supprimer un
alinéa fixant « un objectif de garantie d’un niveau de vie satisfaisant aux
retraités, et de versement d’une retraite en rapport avec les revenus perçus
pendant la vie active ».
M. Pierre
Dharréville. Vous parlez du mauvais amendement !
M.
Jean-René Cazeneuve. Comment peut-on supprimer un tel principe, alors
qu’il figure aujourd’hui dans le code de la sécurité sociale et dans la charte
sociale européenne ?
M.
Sébastien Jumel. Il se trompe d’amendement, madame la
présidente !
M.
Jean-René Cazeneuve. Je me demande si ces 40 000 amendements
et 700 000 sous-amendements ont été rédigés par des hommes et des
femmes, ou par des robots ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Roland
Lescure. Bravo !
Mme la
présidente. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Je m’étonnais tout à l’heure que les élus de gauche nous aient
demandé d’inscrire à l’article 1er du projet de loi que la
France voulait un régime de retraite inéquitable, et qu’ils aient voté en ce
sens par scrutin public.
M. Thibault
Bazin. Il faut lire l’exposé des motifs…
M. Frédéric
Petit. Je m’étonne maintenant que la gauche oublie la gouvernance
paritaire, prônée par Ambroise Croizat dès les premiers textes ayant fondé la
sécurité sociale. Le système de retraite est placé sous une gouvernance
paritaire, que nous projetons d’ailleurs de renforcer à travers le titre IV
du projet de loi. Comment pouvez-vous prétendre que le Gouvernement aura loisir
d’agir sur la valeur du point ? C’est la gouvernance paritaire, et non le
Gouvernement, qui fixe aujourd’hui le taux de remplacement ! Je suis très
surpris que la gauche oublie ces grands principes. (Applaudissements sur les
bancs du groupe MODEM.)
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au
règlement.
M.
Sébastien Jumel. Il se fonde sur l’alinéa 5 de l’article 100.
Tout d’abord, M. Cazeneuve s’est trompé d’amendement, ce que je mets sur le
compte de l’heure tardive.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Cela
vous arrive souvent aussi !
M.
Sébastien Jumel. Il est, pour parler simplement, à côté de la plaque.
L’amendement dont il est question ici a trait à l’amélioration du niveau de vie
des retraités.
Je me dois par ailleurs de prendre la défense de nos
collaborateurs, qui sont loin d’être des robots. Ils ont travaillé sur le texte,
ont rédigé des notes très précises et précieuses, et ont œuvré humainement et
même – je vous le concède – avec conviction pour préparer le travail
des parlementaires. Le groupe GDR a d’ailleurs la réputation de s’appuyer, pour
l’ensemble des dossiers, sur des collaborateurs sérieux, efficaces et
travailleurs. Je vous rassure donc : nous ne mettons pas des robots à notre
service. En revanche, le robot qui lit les amendements pour vous a dû commettre
une erreur. (Sourires sur les bancs des groupes GDR et
LR.)
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Gilles Carrez.
M. Gilles
Carrez. Je voudrais prolonger les propos de notre collègue Laurence
Dumont. Même si je ne mets aucunement en cause la bonne foi de la majorité, nous
sommes aujourd’hui confrontés à l’incapacité d’expliquer votre projet – je
m’y suis récemment essayé lors de réunions publiques.
Dans le système
actuel, lorsqu’un de nos concitoyens nous interroge pour connaître la pension
qu’il touchera lorsqu’il prendra sa retraite, on peut effectuer un calcul
rapide, à partir de la moyenne des vingt-cinq meilleures années actualisée de
l’inflation pour un salarié du privé ou des six derniers mois pour un
fonctionnaire : on peut fournir ces explications en réunion publique tout
en restant compréhensible.
En revanche, lorsqu’il s’agit d’expliquer le
système par points – dont je reconnais volontiers qu’il s’applique déjà
pour l’AGIRC-ARRCO et les professions indépendantes –, on s’embarque dans
des explications qui perdent notre auditoire. Il faut d’abord expliquer que les
futurs retraités gagneront un point pour dix euros de cotisation. La valeur du
point, ensuite, n’est pas définie dans la loi, mais le rapport Delevoye
mentionne un taux de rendement de 5,5 %, ce qui signifie que 10 euros
cotisés donneraient droit à 55 centimes d’euros chaque année, quelle que
soit la durée de retraite.
Les choses se compliquent dès lors qu’on
aborde la valeur de service et ses modalités d’actualisation au fil du
temps : on est alors dans l’incapacité totale de se faire comprendre. Or
une réforme que l’on ne parvient pas à expliquer crée de l’anxiété.
(Mmes Laurence Dumont et Valérie Rabault
applaudissent.) De nombreuses questions restent aujourd’hui en suspens.
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Roland
Lescure. Nous n’en sommes qu’à l’article 1er !
M. Gilles
Carrez. Je pensais, en toute bonne foi que nous serions, à mesure que
nos travaux avanceraient, en mesure de mieux expliquer le projet à nos
concitoyens. Or c’est tout le contraire qui se produit aujourd’hui : quels
que soient nos efforts, ils comprennent de moins en moins et sont de plus en
plus inquiets.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme
Caroline Fiat. L’amendement et le sous-amendement sont de proposition et
non de suppression. Je suis donc un peu étonnée par les propos de
M. Cazeneuve, d’autant que l’on n’a pas manqué de nous rappeler à l’ordre,
au cours des derniers jours, dès que l’un d’entre nous avait le malheur de ne
pas défendre le bon amendement.
Je tiens par ailleurs à remercier tous
les collaborateurs de tous les groupes pour le travail qu’ils accomplissent en
soutien aux députés, qu’il s’agisse des débats en séance publique ou en
commission. (M. Jacques Marilossian applaudit.) Non
seulement ce ne sont pas des robots, mais ils fournissent tous un énorme
travail, et cela doit se savoir. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Quelles que soient nos querelles politiques, en aucun cas on ne peut insulter
nos collaborateurs.
M. Roland
Lescure. Personne n’a fait cela !
Mme
Caroline Fiat. Enfin, je tiens à répéter qu’à l’heure actuelle, le
groupe La France insoumise n’a déposé que 155 sous-amendements. Cessez donc
de prétendre qu’il y en a 700 000 : ce chiffre est non seulement
ubuesque, mais il est faux. Je rappelle qu’une loi « anti-fake news »,
chère à la majorité, a été adoptée en décembre 2018. Depuis hier, certains
d’entre vous rappellent que ce qui fait foi, c’est la parole prononcée dans
l’hémicycle et non ce que rapportent les réseaux sociaux. Je vous le redis donc,
moi, Caroline Fiat, députée de La France insoumise : nous n’avons pas
déposé 700 000 sous-amendements. Arrêtez de mentir : pour le
moment, il n’y en a que 155.
Mme la
présidente. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. L’heure du coucher approche. Pour favoriser
l’endormissement, rien de tel qu’une petite explication sur le mode de calcul
des pensions de retraites. (Sourires.)
Monsieur Carrez…
M. Gilles
Carrez. Je me suis trompé !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je ne dis pas que vous vous êtes trompé.
Peut-être votre patronyme vous conduit-il à adopter des formes de réflexion
très… carrées. (Sourires.) Quoi qu’il en soit, j’ai l’idée
d’un exercice sympathique – qui, de surcroît, plairait aux médias : un
concours dans lequel nous nous affronterions pour calculer la retraite d’un
citoyen pris au hasard.
Un salarié qui a fait sa carrière complète dans
le privé peut comprendre la règle des vingt-cinq meilleures années. Certes, il
faut tenir compte de l’inflation, ce qui implique d’appliquer des coefficients
de revalorisation, mais cela, vous savez le faire. De même, un fonctionnaire
comprend le calcul consistant à prendre en compte les six derniers mois de son
traitement. Si la personne concernée a des enfants, il faut également penser à
intégrer les droits familiaux : les majorations accordées pour la naissance
et les quatre trimestres attribués au père ou à la mère au titre de l’éducation
des enfants.
Toutefois, le calcul devient plus compliqué dans le cas où
un fonctionnaire a commencé sa carrière dans le privé…
M.
Sébastien Jumel. Je ne suis pas sûr que nous allons bien dormir !
Tout cela fait plutôt mal à la tête. (Sourires.)
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …ou lorsqu’un salarié du privé a fini
agriculteur. Je vous mets au défi d’effectuer de tels calculs.
Il arrive
peut-être, monsieur Carrez, qu’un citoyen de votre circonscription vous apporte
un relevé de carrière. C’est parfois mon cas, et dans une telle situation, il
faut passer plusieurs coups de téléphone si l’on veut parvenir à calculer le
montant de la future pension – ce qui n’est pas si facile, sauf si l’on a
affaire à une carrière simple et homogène. À l’inverse, l’opération qui consiste
à multiplier le nombre de points par la valeur du point est facile à
comprendre.
Se pose ensuite la question de l’évolution du rapport.
L’ensemble des pensions de retraite versées représente 325 milliards
d’euros chaque année, financé aux trois quarts par les cotisations et pour un
quart par les impôts et la contribution sociale généralisée. Demain, les
quantités seront grosso modo les mêmes.
Mme Laurence
Dumont. Mais les retraités seront plus nombreux !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Dans un système par répartition, les
cotisations d’une année servent les pensions d’une année ; le critère
important est donc le rapport du nombre des actifs sur celui des pensionnés.
Tant que l’on conserve cet équilibre, le taux de service reste à peu près ce
qu’il est aujourd’hui, soit de l’ordre de 70 % à 75 %. Sur ce plan, la
seule différence introduite par le système universel est qu’il permet une plus
grande redistribution, car certaines personnes – celles qui touchent les revenus
les plus élevés, en l’occurrence – financeront le MICO, ou minimum contributif.
En moyenne de service, cependant, le taux restera de l’ordre de 70 % à
75 %. Nous n’allons donc pas révolutionner les choses : les masses
resteront les mêmes, c’est la distribution qui sera différente.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Sur
ce, je vous souhaite une bonne nuit !
(Le sous-amendement no 42223 n’est pas
adopté.)
(Les amendements no 26716 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
2
Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la
présidente. Prochaine séance, ce matin, à neuf
heures :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un
système universel de retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée, le dimanche 23 février 2020, à zéro heure
cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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