Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Première séance du dimanche 23 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de Mme Laetitia Saint-Paul
1.
Système universel de retraite
Rappels
au règlement
M. Régis
Juanico
Mme la
présidente
M. Gilles
Le Gendre
Discussion
des articles (suite)
Article 1er
(suite)
Amendements nos 26836,
27952, 27953, 27954, 27955, 27956, 27957, 27958, 27959, 27960, 27961, 27962,
27963, 27964, 27965, 27966
Rappel
au règlement
M. Thibault
Bazin
Article 1er
(suite)
Amendements nos 3223,
3224, 3225, 3226, 3227, 3228, 3229, 3231, 3233, 3234,3235, 3236, 3237, 3238,
3239, 3240, 3242 , 42158
(sous-amendement) , 42162,
42160, 42159, 42163, 42161 (sous-amendements) , 24637
, 26717,
27922, 27923, 27924, 27925, 27926, 27927, 27928, 27929, 27930, 27931, 27932,
27933, 27934, 27935, 27936
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
Rappel
au règlement
Mme Emmanuelle
Ménard
Mme la
présidente
Article 1er
(suite)
Amendement no 24638
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Rappel
au règlement
Mme Caroline
Fiat
Mme la
présidente
Article 1er
(suite)
Rappel
au règlement
M. Marc
Le Fur
Article 1er
(suite)
Rappel
au règlement
M. Thierry
Benoit
Article 1er
(suite)
Suspension
et reprise de la séance
Amendements nos 458
, 2549
Rappel
au règlement
M. Marc
Le Fur
Article 1er
(suite)
Amendements nos 42150
(sous-amendement) , 42151,
42152 (sous-amendements) , 42347
(sous-amendement) , 3932
, 26856,
26860, 26861, 26862, 26863, 26864, 26865, 26866, 26867, 26868, 26869, 26870,
26871, 26872, 26873, 26874 , 38085
, 42340
(sous-amendement) , 42341
(sous-amendement) , 42353
(sous-amendement)
Suspension
et reprise de la séance
Rappels
au règlement
Mme Laurence
Dumont
M. Patrick
Mignola
M. Philippe
Vigier
Mme Laurence
Dumont
M. Erwan
Balanant
M. Stéphane
Viry
Mme la
présidente
M. Pierre
Dharréville
Article 1er
(suite)
Amendement no 42516
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement
Amendements nos 40173,
40174, 40175, 40176, 40177, 40178, 40179, 40180, 40181, 40182, 40183, 40184,
40185, 40186, 40187, 40188 , 42345
(sous-amendement) , 42344
(sous-amendement) , 24631
, 42464
(sous-amendement) , 27314,
27315, 27316, 27317, 27318, 27319, 27320, 27321, 27322, 27323, 27324, 27325,
27326, 27327, 27328, 27329 , 42350,
42346 (sous-amendements) , 27361
, 40366,
40367, 40368, 40369, 40370, 40371, 40372, 40373, 40374, 40375, 40376, 40377,
40378, 40379, 40380, 40381 , 42351
(sous-amendement) , 42352
(sous-amendement) , 29360,
29361, 29362, 29363, 29364, 29365, 29366, 29367, 29368, 29369, 29370, 29371,
29372, 29373, 29374, 29375 , 42356
(sous-amendement) , 42357
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
Mme Caroline
Fiat
Article 1er
(suite)
Amendements nos 29376,
29377, 29378, 29379, 29380, 29381, 29382, 29383, 29384, 29385, 29386, 29387,
29388, 29389, 29390, 29391 , 42362
(sous-amendement) , 42387
(sous-amendement)
Suspension
et reprise de la séance
Amendements nos 2550
, 3938
, 23007,
23008, 23009, 23010, 23011, 23012, 23013, 23014, 23015, 23016, 23017, 23018,
23019, 23020, 23021, 23022, 23023 , 27967,
27968, 27969, 27970, 27971, 27972, 27973, 27974, 27975, 27976, 27977, 27978,
27979, 27980, 27981, 27982
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
Mme Laetitia Saint-Paul
vice-présidente
Mme la
présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la
présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623
rectifié, 2683).
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico, pour un rappel au
règlement.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Vous
avez dormi avec votre règlement ?
M. Régis
Juanico. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58,
alinéa 1, madame la présidente, et porte sur l’organisation de nos
débats.
Mme la
présidente. Monsieur Juanico, il n’est plus possible de faire de rappels
au règlement au titre de l’article 58.
M. Régis
Juanico. Dans ce cas, il se fondera sur l’article 100,
alinéa 5 de notre règlement.
Je remercie l’ensemble des collègues
présents en ce dimanche matin : certains ont sacrifié leur vie familiale,
leur vie associative, ou plus généralement leur vie sociale.
Il me semble
que nous avons eu hier des débats relativement constructifs, étant donné que
deux amendements ont été adoptés sur les questions des aidants familiaux et du
handicap. Nous avons également eu, dans la soirée, un échange extrêmement
intéressant sur la réalité de l’engagement présidentiel en faveur de la
revalorisation des pensions des retraités agricoles. Les choses avancent et les
groupes de l’opposition ont proposé une réorganisation des débats en suggérant
un certain nombre de portes de sortie, de manière à ce que cela puisse continuer
ainsi.
Or, ce matin, nous lisons dans les colonnes du Journal du
dimanche que selon un haut responsable de la majorité, la question n’est
plus de savoir si l’article 49, alinéa 3 de la Constitution sera
utilisé, mais quand il le sera. Nous souhaiterions donc, puisque le Gouvernement
est représenté au banc, savoir si nous siégeons pour rien en ce dimanche matin
ou si nous pouvons poursuivre nos travaux, engagés depuis lundi, dans la plus
grande sérénité. (M. Stéphane Peu applaudit.)
M. Dino
Cinieri. Très bien !
Mme la
présidente. Ce n’est pas le Journal du dimanche qui élabore la
loi, monsieur Juanico. Par ailleurs, le recours à l’article 49,
alinéa 3 de la Constitution est du ressort exclusif du Gouvernement.
Mme Laurence
Dumont. Mais il est là, le Gouvernement !
M. Stéphane
Peu. C’est à lui que s’adressait la question !
Mme la
présidente. La parole est à M. Gilles Le Gendre, pour un
rappel au règlement.
M. Gilles
Le Gendre. Il se fonde sur l’article 100, alinéa 5, madame la
présidente.
Au rappel au règlement qui vient d’être fait, je répondrai
qu’il est inutile de polluer à nouveau nos débats du jour par des questions de
procédure. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Mme Nadia
Hai. Exactement !
M. Gilles
Le Gendre. Nous sommes tous mobilisés un dimanche, et notre collègue
Régis Juanico a raison de souligner l’engagement de l’ensemble des députés
présents pour débattre du fond du projet de loi.
Nous comprenons bien
l’intérêt des oppositions de brandir une menace que nous n’avons nous-mêmes
jamais évoquée et qui est celle de l’article 49, alinéa 3 de la
Constitution. Notre objectif est aujourd’hui de continuer, autant que faire se
peut, de débattre du fond de ce texte, et uniquement de ce texte. Il est inutile
de détourner l’attention ou d’émettre des hypothèses qui, de toutes les façons,
ne relèvent de la compétence de personne dans cet hémicycle.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Discussion des articles (suite)
Mme la
présidente. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des
articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 26836 à
l’article 1er.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. Je suis saisie de cinquante-et-un amendements pouvant faire
l’objet d’une discussion commune. Cette série comprend l’amendement
no 26836 et quinze amendements identiques déposés par les
membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, l’amendement
no 3223 et seize amendements identiques déposés par les membres du
groupe La France insoumise, l’amendement no 24637 et dix-sept
amendements identiques – l’amendement no 24638 et seize
amendements déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine, les amendements nos 26717 et suivants.
La
parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no
26863 et les quinze amendements identiques déposés par le groupe de la Gauche
démocrate et républicaine.
M. Stéphane
Peu. Cet amendement vise à rédiger l’alinéa 7 de manière à ajouter,
après le mot « retraite », la mention : « équivalente à
75 % des salaires perçus pendant la carrière ». Pourquoi ? Car
comme François Fillon l’avait merveilleusement expliqué devant un parterre de
financiers et de patrons, la retraite par points n’a qu’un seul mérite :
réviser les pensions à la baisse sans recourir ni au débat parlementaire ni à la
négociation avec les partenaires sociaux.
À ce stade de la discussion,
vous avez, en ce qui vous concerne, plus de mal à l’avouer. Nous n’avons
pourtant eu de cesse de vous demander, en commission spéciale, si vous prévoyiez
de sécuriser le montant des pensions, mais vous n’avez pas répondu. Certains
économistes de référence sur la question des retraites, à l’instar d’Henri
Sterdyniak, estiment que les pensions baisseront globalement de 22 % après
votre réforme. Nous voyons donc bien, avec votre refus d’éclairer la commission
spéciale puis l’Assemblée nationale sur vos intentions, que la réforme que vous
souhaitez mener n’a pour objectif, avec le recul de l’âge de départ à la
retraite, que la baisse des pensions.
C’est pourquoi il nous semble
important, et ce dès l’article 1er, de fixer un cadre à même de
garantir un niveau de pension au moins équivalent à celui que procure le système
actuel.
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Thibault Bazin, pour un rappel au
règlement.
M. Thibault
Bazin. Il se fonde, madame la présidente, sur l’article 100,
alinéa 5 de notre règlement, et porte sur la tenue de nos débats alors que
nous abordons, avec ces amendements identiques, le sujet essentiel du niveau des
pensions.
Car l’histoire est en train de se répéter ! Nous avons
siégé en commission spéciale et on nous a répété, jour après jour, que l’examen
du texte devait se poursuivre, alors que nous savions pertinemment, après dix
jours de travail, que nous n’irions pas au bout. Et aujourd’hui, alors qu’une
suspension de nos travaux est prévue à partir du 6 mars en raison des
élections municipales – c’est une tradition –, nous savons qu’au
rythme où nous allons, nous n’aurons pas achevé l’examen du texte d’ici là.
M. Frédéric
Petit. Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. On
l’a déjà dit !
Mme la
présidente. Cher collègue, veuillez conclure.
M. Thibault
Bazin. J’estime qu’il n’est pas sérieux de menacer l’examen du texte par
l’utilisation de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution…
M.
Jean-Jacques Bridey. On perd du temps, monsieur Bazin !
M. Thibault
Bazin. …et qu’il convient de prendre la résolution de continuer nos
travaux au-delà de la suspension liée aux élections municipales. Ce texte le
nécessite : il est important que nous ayons un débat de fond sur toutes les
questions qu’il soulève. Nous l’avons déjà bradé en commission, ne le faisons
pas à nouveau en séance publique ; les Français nous attendent sur ce
sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. C’est
de la procédure, pas un débat !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. Sur les amendements identiques nos 26836 et
identiques, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Sabine Rubin, pour
soutenir l’amendement no 3223 et les seize amendements identiques
déposés par les membres du groupe La France insoumise.
Ils font l’objet
de six sous-amendements nos 42158, 42162, 42160, 42159, 42163 et
42161.
Mme Sabine
Rubin. Il est prévu, à l’alinéa 7, « un objectif de garantie
d’un niveau de vie satisfaisant aux retraités ». Il s’agit d’une
formulation particulièrement floue : qu’entendez-vous par « niveau de
vie satisfaisant » ? (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Un député du groupe
LaREM. Nous en avons déjà parlé !
Mme Sabine
Rubin. Peut-être, mais il n’empêche que nous ne sommes toujours pas
éclairés. C’est pourquoi nos amendements visent à préciser que ce niveau de vie
sera « au moins égal au seuil de pauvreté, correspondant à 60 % du
revenu médian » et que « la réévaluation annuelle de ce seuil prend en
considération l’inflation annuelle ». Voilà une formulation qui me paraît
plus précise. Je vous invite donc à voter en faveur de nos amendements, qui nous
sortiraient du flou général entourant ce projet de loi.
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 42158.
M. Pierre
Dharréville. Les députés de la Gauche démocrate et républicaine ont,
avec leurs collègues insoumis, un petit débat rédactionnel, que nous serons
certainement en mesure de régler. Je préfère, pour ma part, la formulation que
nous proposons, mais je suis prêt à me rallier à celle de nos collègues si la
nôtre n’était pas retenue.
Pourquoi ? Car nous proposons de fixer
comme objectif un taux de remplacement au moins égal à 75 % pour l’ensemble
des pensions de retraite. Ce niveau nous semble atteignable et
raisonnable : vous pourriez vous engager à l’atteindre, mais vous ne le
faites pas. C’est pourquoi je vous ai interrogé à plusieurs reprises, monsieur
le secrétaire d’État, pour connaître le taux de remplacement que vous
escomptiez, mais je n’ai jamais entendu aucun engagement de votre part. Nous
souhaiterions également savoir quelles études vous prévoyez de produire sur ce
sujet au cours des années à venir, étant donné que cette réforme nous engage sur
des décennies – la fusée comprend plusieurs étages, comme ceux de la
génération 1975 ou de la génération 2004.
Je continue donc de vous
demander des explications, monsieur le secrétaire d’État, sur le taux de
remplacement. Évidemment, si ce sous-amendement n’était pas adopté, nous
pourrions au moins nous entendre sur le fait que le montant minimum des pensions
atteigne 60 % du revenu médian, lequel correspond au seuil de pauvreté.
Mais je vous propose de nous éclairer sur votre objectif en matière de taux de
remplacement.
Mme la
présidente. Les sous-amendements nos 42162 et 42160 de
M. Sébastien Jumel, 42159 et 42163 de M. Pierre Dharréville et 42161
de M. Sébastien Jumel sont défendus.
La parole est à
Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement
no 24637.
Mme
Emmanuelle Ménard. Cet amendement vise à renforcer la garantie d’un
système socialement juste et solidaire en s’assurant que les travailleurs ayant
cotisé sur de faibles revenus puissent bénéficier d’un niveau de vie non
seulement satisfaisant – c’est ce que votre texte prévoit –, mais
également décent et digne. Par ailleurs, il convient d’estimer que le niveau de
vie des retraités doit être comparable à celui des actifs. Il ne peut être
envisagé que les revenus s’abaissent tant à la retraite en comparaison avec ceux
de la vie active, au risque d’avoir des retraités vivant sous le seuil de
pauvreté.
À titre d’exemple, un cadre salarié bénéficie aujourd’hui de
55 %, en moyenne, de son dernier salaire. Il y a dix ans, ce chiffre
s’élevait à 60 % et on estime qu’il chutera à 42 % avec votre projet
de loi. C’est pourquoi il me semble nécessaire d’ajouter les mots « décent
et digne » après « satisfaisant ».
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir
l’amendement no 26717 et les quinze amendements identiques déposés
par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine .
M. Stéphane
Peu. Dans la continuité des amendements précédents, j’espère obtenir en
séance publique – à défaut de l’avoir eue en commission spéciale – une
clarification de la part du Gouvernement et de la majorité sur les conséquences
de la réforme s’agissant du niveau des pensions. Devant la commission spéciale,
le président du COR – Conseil d’orientation des retraites – a lui-même
dit que le niveau de vie relatif des retraités, qui s’élève aujourd’hui à
environ 105 % par rapport à l’ensemble de la population, allait tomber à
85 % à l’avenir. Initiée et assumée par les réformes précédentes, cette
orientation vers une baisse durable et définitive du niveau des pensions des
retraités et futurs retraités est accentuée par la vôtre. L’assumez-vous
véritablement devant les Français et la représentation nationale ?
Pouvez-vous confirmer les propos du président du COR et d’un certain nombre
d’économistes sur la baisse inéluctable des pensions de retraite à l’avenir,
conséquence de votre réforme ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la
commission spéciale pour le titre Ier, pour donner l’avis de la
commission.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. M. Juanico a
commencé par citer une liste d’activités que nous pouvons faire le dimanche
matin, mais il en a oublié une.
M. Régis
Juanico. La messe !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Exactement. Comme mon ambition n’est ni de
prêcher les convaincus ni de prêcher dans le désert, j’essaierai de favoriser le
dialogue.
Les différents amendements portent sur le niveau de vie
que l’on devrait s’engager à garantir.
La formulation « niveau de
vie satisfaisant » – nous en avons parlé hier soir, madame Rubin, je
ne me souviens plus si vous étiez présente – figurait déjà dans la loi de
2014, qui a fixé l’objectif d’un « niveau de vie satisfaisant pour tous les
retraités » ; je n’ai pas fait de recherches dans les textes
antérieurs. Il faut interpréter cet objectif comme permettant à chacune des
majorités successives de définir ce qu’est ce « niveau
satisfaisant » ; celui-ci peut varier suivant les majorités. En tout
cas, on comprend bien l’objectif.
J’en viens au niveau de 75 % des
salaires perçus pendant la carrière. En fin de soirée hier, afin de favoriser
l’endormissement des uns et des autres (Sourires), j’ai rappelé les
masses financières en jeu. La somme consacrée aux pensions s’élève aujourd’hui à
325 milliards d’euros, financés, pour les trois quarts environ, par les
cotisations et, pour le quart restant, par la solidarité nationale, sous forme
d’impôt ou de CSG. Avec cette somme, nous arrivons à servir des pensions qui
représentent en moyenne 70 % à 75 % des salaires constatés. Demain,
après la réforme, nous aurons la même somme divisée par le même nombre de
pensionnés ; les ordres de grandeur resteront les mêmes.
En
revanche, dans la mesure où nous envisageons davantage de redistribution dans
notre système, dans certaines situations, certains percevront moins que prévu
pour que d’autres perçoivent plus que prévu. On ne peut donc pas garantir le
niveau de 75 % des salaires pour l’ensemble des retraités. De surcroît, ce
niveau n’a pas le même sens selon que l’on touchait ou non un salaire
élevé.
Quant au niveau de 60 % du revenu médian, cela nous semble un
objectif très faible.
J’émets donc un avis défavorable sur les
amendements, qui graveraient un niveau dans le marbre et bloqueraient les
majorités futures.
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour un rappel
au règlement.
Mme
Emmanuelle Ménard. Je le formule sur le fondement de l’article 100,
alinéa 5, du règlement.
J’ai bien compris que votre but était
d’aller soit très vite, soit très lentement, en fonction du moment et de ce qui
vous arrange. Cependant, à force d’aller si vite, madame la présidente, vous
m’avez donné la parole pour défendre l’amendement no 24637, mais
non pour le no 24638, qui est passé à l’as.
Je ne fais guère
obstruction aux débats.
M. Marc Le
Fur. C’est vrai !
Mme
Emmanuelle Ménard. Je suis présente dans l’hémicycle depuis le début de
la semaine et je n’ai pas pris la parole très souvent. J’aimerais tout de même
pouvoir soutenir le peu d’amendements qu’il me reste à défendre. Je vous en
serais reconnaissante, madame la présidente. (Applaudissements sur plusieurs
bancs des groupes LR, UDI-Agir et LT. – Mme Yolaine
de Courson applaudit également.)
Mme la
présidente. J’ai en effet omis d’appeler un amendement, madame Ménard.
Ce n’était pas délibéré.
M. Stéphane
Peu. Il en a été de même pour nos amendements !
Mme la
présidente. Non, monsieur Peu : je les ai tous appelés.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. Vous avez donc la parole, madame Ménard, pour soutenir
l’amendement no 24638.
Mme
Emmanuelle Ménard. Selon nous, le niveau de vie des retraités doit être
comparable à celui des actifs ; on ne peut pas se contenter d’un niveau de
vie qui soit seulement « satisfaisant ». Vous avez rappelé hier,
monsieur le rapporteur, les définitions qui figuraient dans les lois
précédentes, mais le terme « satisfaisant » reste tout de même très
vague.
On ne peut pas abaisser le niveau des pensions au point que le
niveau de vie de l’assuré décroche à la retraite par rapport à celui qu’il a
connu pendant sa vie active. Le risque d’un tel décrochage, c’est une
augmentation du nombre de retraités percevant un revenu proche du seuil de
pauvreté ou égal à ce seuil.
En outre, l’exposé des motifs du projet de
loi fait état d’un objectif de liberté donnée à l’individu de travailler plus
longtemps, sans l’y forcer. Le décrochage du niveau de vie des retraités
obligerait certains à travailler plus longtemps, au-delà de l’âge légal et de
l’âge d’équilibre, et pousserait une partie d’entre eux vers des emplois
d’appoint nécessaires pour subvenir à leurs besoins.
Selon l’Organisation
de coopération et de développement économiques, les retraités français ont un
niveau de vie supérieur à celui des retraités des autres pays de l’OCDE…
M. Bruno
Millienne. Et à celui des actifs !
Mme
Emmanuelle Ménard. …grâce au système de retraite institué par le Conseil
national de la Résistance. Dans la mesure où vous souhaitez en conserver
l’esprit dans ce projet de loi et rester fidèle aux principes de justice sociale
en vigueur en France, vous vous devez de préserver les équilibres en matière de
niveau de vie. Nous le devons à nos retraités, qui ont travaillé toute leur vie.
Je le répète, ce n’est pas un cadeau qu’on leur fait, c’est un dû.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)
M. Thierry
Benoit. Nous ne pouvons pas suivre ! L’amendement n’apparaît pas
sur nos tablettes !
M. Marc Le
Fur. Il y a un problème sur nos appareils !
Mme la
présidente. C’est peut-être un problème technique.
La parole est
à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je souhaite répondre à
Mme Ménard.
Donner aux retraités le même niveau de vie qu’aux actifs
impliquerait, à court terme, d’abaisser leur niveau de vie ! En effet, le
niveau de vie des retraités s’établit actuellement à 106 % du revenu moyen.
Bien sûr, il y a des exceptions à cette situation : certains retraités
touchent des pensions faibles et connaissent la pauvreté. Néanmoins, le taux de
pauvreté est de 6 ou 7 % chez les retraités, alors qu’il atteint près de
30 % dans la tranche d’âge de 25 à 30 ans.
Je fais écho aux
discussions que nous avons eues hier sur les retraites agricoles. Ceux qui
vivent dans les campagnes – c’est mon cas, j’ai été maire d’une commune
rurale – savent que les retraités agricoles vivent chichement, modestement,
mais honorablement. En revanche, les jeunes couples qui ont des difficultés et
doivent se déplacer pour trouver un emploi ont souvent un niveau de vie
extrêmement modeste. Ils connaissent parfois une pauvreté beaucoup plus grande
que nos retraités. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites chargé des retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. La réponse
du rapporteur à l’intervention de Mme Ménard vient de l’illustrer, il est
difficile de raisonner en taux de remplacement, car celui-ci varie
considérablement selon les parcours professionnels. Il n’est pas du tout dans
mes intentions d’afficher un taux de remplacement unique ou principal, d’autant
que le taux proposé, 75 %, est inférieur aux 85 % du SMIC que nous
proposons pour la pension minimale. Autrement dit, il faudrait revoir à la
baisse nos ambitions en matière de justice sociale.
M. Pierre
Dharréville. C’est une plaisanterie !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Ce ne serait pas acceptable, et
telle n’est pas l’intention du Gouvernement.
Le rapporteur a bien décrit
la réalité : ce n’est pas la même chose de vivre avec 55 % de son
dernier revenu quand on est un cadre ou quand on a travaillé au SMIC, ou encore
quand on a eu une carrière plate comme ATSEM – agent territorial spécialisé
des écoles maternelles – ou fonctionnaire de
catégorie C.
Gardons-nous des idées de ce type, qui peuvent paraître
bonnes, mais relèvent davantage, à mon avis, de l’affichage…
M. Pierre
Dharréville. Affichage, mais encore ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …et ne tiennent pas compte de
la réalité des parcours professionnels.
Par ailleurs, je n’ai pas tout à
fait la même lecture que vous, monsieur Juanico, ni que vous, monsieur
Dharréville, qui vous êtes fait l’écho de publications diverses et d’avis
variés. Pour ma part, je regarde avec attention l’étude d’impact, qui explique
de manière relativement claire l’effet de la réforme sur les pensions moyennes
et médianes. Je vous renvoie à ce sujet au graphique 64 qui figure
page 182.
Comme je l’ai expliqué à plusieurs reprises au cours du
débat que nous menons depuis une semaine sur les principes généraux du futur
système – nous en sommes seulement à l’alinéa 7 de
l’article 1er –, la pension moyenne des femmes
augmentera de 6 % pour la génération née en 1980 et de 13 % pour la
génération née en 1990 ; celle des hommes sera stable pour la génération
née en 1980 et progressera de 6 % pour la génération née en 1990. Tout cela
est vérifiable.
J’en viens aux inquiétudes qui ont été exprimées.
J’ignore qui a eu la bonne idée de raconter que le niveau des pensions
baisserait, mais c’est à mon avis quelqu’un qui n’a pas examiné les choses dans
le détail.
M. Stéphane
Peu. C’est le président du COR !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je vous renvoie au
graphique 66, qui montre l’évolution de la pension moyenne en euros
constants.
En tout cas, il faut être très prudent dans l’emploi des
termes. Veillons à ne pas confondre taux de remplacement, montant de la pension,
pension moyenne et pension médiane. Il ne faut pas chercher à inquiéter
inutilement nos concitoyens…
M. Marc Le
Fur. Il ne faut pas les embrouiller non plus !
M. Stéphane
Peu. Il faut les éclairer, pas les enfumer !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il faut leur dire la
réalité : le niveau des pensions restera bon et satisfaisant. Mon avis est
donc défavorable.
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour un rappel au
règlement.
Mme
Caroline Fiat. J’ai attendu un peu pour le formuler, car le matin, nous
sommes tous un peu fatigués, nous nous réveillons, il faut du temps pour se
rendre compte des choses.
Nous nous sommes quittés hier soir, sous votre
présidence…
M. Bruno
Millienne et M. Frédéric Petit. Sur quel fondement faites-vous ce
rappel ?
Mme la
présidente. Pouvez-vous nous indiquer l’article qui motive votre rappel
au règlement, madame Fiat ?
Mme
Caroline Fiat. L’article 100, alinéa 5, madame la
présidente.
Hier soir, sous votre présidence, nos collaborateurs ont été
insultés. Je pense que des excuses… (Exclamations sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
N’importe quoi !
Mme
Caroline Fiat. Très régulièrement, vous vous dites choqués par des
remarques émises sur les bancs de la gauche, et vous demandez des excuses. Dans
le cas qui nous occupe, des excuses auraient pu être présentées dès ce matin.
Vous venez vous-même de rappeler, madame la présidente, que nous sommes là pour
parler non pas de ce qui se dit dans la presse, mais de ce qui se dit dans
l’hémicycle.
Concernant les fausses informations à propos du nombre de
sous-amendements, des excuses auraient été appréciées, mais je veux bien laisser
passer. S’agissant de nos collaborateurs, je ne laisserai pas passer. (M.
Éric Coquerel applaudit.)
Un député du groupe
LaREM. Cela n’a rien à voir !
Mme la
présidente. Je pense pouvoir dire, au nom de tous les collègues, notre
attachement profond à tous nos collaborateurs. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence
Dumont. Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, que l’adjectif
« satisfaisant » figurait déjà dans les textes. C’est exact, et je
vous en ai donné acte hier soir. Toutefois, vous avez ajouté que chaque majorité
pourrait définir ce niveau satisfaisant. Là, non ! Ce serait trop
simple !
M. Pierre
Dharréville. Très juste !
Mme Laurence
Dumont. Si la définition ne vaut pas dans le temps pour toutes les
majorités, quelles qu’elles soient, nous n’allons pas être
d’accord !
Je vous ai donné la définition – certes, non
juridique – du terme « satisfaisant » : « conforme à ce
qui était attendu ». Cela ne peut pas varier d’une majorité à
l’autre !
Qu’implique cette définition ? Que, dès maintenant,
en lisant votre projet de loi, nous devrions savoir ce que chacun percevra comme
retraite dans le nouveau système. Or tel n’est pas le cas : avec ce texte,
personne ne comprend s’il touchera plus ou moins – ce sera moins,
vraisemblablement.
Prenons l’exemple du RMAT, puisque c’est le nouvel
acronyme à la mode. Tout le monde ici sait ce qu’est le RMAT, n’est-ce
pas ? Il s’agit du fameux revenu moyen d’activité par tête. Cela manquait…
(Murmures sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Personne n’a employé cet acronyme !
Mme Laurence
Dumont. Si j’en crois votre texte, ce nouvel indicateur sera absolument
essentiel. Or personne ne sait comment il sera défini, pas même l’INSEE. On
navigue à vue !
Si l’on veut éviter demain – c’est l’objectif
de tous les députés à gauche et, j’en suis sûre, bien au-delà – une
augmentation du taux de retraités pauvres, aujourd’hui relativement bas, il ne
faut sûrement pas adopter le texte tel qu’il est.
(M. Stéphane Peu applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. La rédaction de l’alinéa 7 soulève effectivement des
questions : « un objectif de garantie d’un niveau de vie satisfaisant
aux retraités ». Franchement, entre nous, qui sommes des législateurs…
Certes, cette disposition n’aura pas de portée normative, mais elle fixe l’un
des objectifs du futur système.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Peut-être pourrions-nous
avancer ?
M. Thibault
Bazin. Pour avancer, encore faudrait-il bien définir les
objectifs…
Il ne faut pas chercher à inquiéter, avez-vous dit, monsieur
le secrétaire d’État. Or c’est la rédaction même qui
inquiète !
Pourquoi votre réforme inquiète-t-elle ? Parce
qu’elle n’est pas financée,
Pourquoi votre réforme inquiète-t-elle ?
Parce que, dans votre usine à points, vous multipliez les variables : on
passera de deux variables dans le système actuel à quatre dans le futur
système.
Vous parlez de liberté, mais c’est une fausse liberté, une
liberté qui appauvrit. Dans le système actuel, les mères de famille sont libres
de partir en retraite à 62 ans sans décote. Dans le futur système, elles
subiront une décote. (Exclamations sur quelques bancs du groupe
MODEM.)
Pourquoi votre réforme inquiète-t-elle ? Parce que l’on
ne retrouve pas dans les articles du texte les promesses orales que vous faites
pour essayer de rassurer.
Pourquoi votre réforme inquiète-t-elle ?
Parce que nous savons ce que vous avez fait aux retraités depuis deux ans et
demi : augmentation de la CSG, sous-revalorisation des pensions.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous avons fait baisser le
chômage !
M. Thibault
Bazin. Comment peut-on vous faire confiance ? Il est normal que
l’on doute de votre réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. –
Exclamations sur quelques bancs des groupe LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Je suis ravi, chers collègues, de venir en séance un dimanche
matin pour me demander si la France doit préférer le mot « identique »
au mot « égal » ; ravi qu’on ait rassemblé la représentation
nationale pour des débats d’une telle importance. On nous a traités
d’amateurs…
M. Frédéric
Reiss. Quand on regarde l’article 1er…
M. Frédéric
Petit. …et de bricoleurs : rappelons que les bancs de la gauche ont
voté par scrutin public que la France voulait un système
« inéquitable ». Nous, nous irons jusqu’au bout !
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme Laurence
Dumont. Le débat ira jusqu’au bout ? C’est un scoop !
M. Frédéric
Petit. J’en viens à l’amendement : vous nous demandez d’inscrire un
chiffre – un seul –dans l’article 1er :
75 %. Or, aux articles 8 et 9, alinéa 7, vous obtiendrez les
réponses que vous demandez. C’est là que ces chiffres doivent figurer, pas dans
l’article 1er !
M. Philippe
Vigier. Allons à l’article 8 directement !
M. Frédéric
Petit. Il faut certes définir qui déterminera les modalités de calcul
des pensions, à quel moment. Mais ce ne sera pas le rôle du Parlement, ce sera
celui de la Caisse nationale de retraite universelle – CNRU – et des
partenaires sociaux – ce qui est bien normal ; c’est d’ailleurs ce
qu’Abroise Croizat avait décidé.
M. Stéphane
Peu. Respectez les morts !
M. Frédéric
Petit. Vous inscrivez dans l’article 1er que le taux de
remplacement sera de 75 %. Or nous avons exclu de l’assurance les salaires
supérieurs à 120 000 euros, de façon à réduire les inégalités de
retraite : comment voulez-vous être logiques et réduire les inégalités si
vous fixez un pourcentage unique ? Messieurs de la gauche…
Mme Laurence
Dumont. Madame !
M. Frédéric
Petit. …qui individualise le système, avec des chiffres pareils ?
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au
règlement.
M. Marc Le
Fur. Sur le fondement de l’article 100, alinéa 5.
Monsieur
Petit, je suis d’accord avec vous et je partage votre analyse. Vous nous dites
que nous en débattrons aux articles 8 et 9. Mais je crains que nous ne les
atteignions jamais ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Bruno
Millienne. Posez-leur la question à eux !
(M. Bruno Millienne désigne les bancs de gauche.)
M. Marc Le
Fur. C’est cela, la difficulté ! Comprenez qu’à partir du moment où
nous ne sommes pas sûrs d’atteindre ces articles, il est légitime que nous
posions la question, tant que nous le pouvons encore – donc à l’occasion de
l’article 1er ! (Mêmes mouvements.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Mettez-vous d’accord !
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Parlez-en à M. Jumel !
M. Marc Le
Fur. Monsieur Petit, laissez-nous nous exprimer, puisque nous n’avons
aucune assurance d’atteindre ne serait-ce que
l’article 5 !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Vous nous dites, monsieur le secrétaire d’État, de ne pas
inquiéter les gens inutilement. Ce n’est pas nous qui les inquiétons : ils
sont déjà très inquiets !
D’abord, ils vous connaissent. Ils vous
voient à l’œuvre depuis deux ans et demi.
M. Pascal
Lavergne. Savent-ils aussi que rien n’avait été fait
jusque-là ?
M. Pierre
Dharréville. Ensuite, la réforme a mis toute une partie du pays dans la
rue, justement parce que les gens sont très inquiets !
Mme Nadia
Hai. À part vos militants, il n’y a plus personne dans la rue !
M. Pierre
Dharréville. Rassurez-nous ! Tout à l’heure, M. le rapporteur
a expliqué que l’ordre de grandeur serait à peu près identique, 70 ou 75 %
– je ne trahis pas vos propos. Nous proposons de sanctuariser un minimum de
75 %. Si cela correspond à vos prévisions, l’inscrire dans le texte ne vous
coûte rien. L’article 1er fixe en effet des objectifs ; je
ne suis pas d’accord avec M. Le Fur : j’estime que cet
objectif-là doit apparaître dès l’article 1er. Ensuite, des
mécanismes permettent de garantir ou de ne pas garantir les objectifs que nous
fixons : c’est la logique de votre loi, je m’inscris dans cette logique. Je
propose d’inscrire dans cet article 1er un objectif
réel, et non un objectif fumeux.
Vous nous reprochez de faire de
l’affichage, mais si c’est le cas, comment appeler ce que vous faites ?
M. Daniel
Labaronne. La loi !
M. Pierre
Dharréville. Franchement, il est avéré que cet
article 1er est un article d’affichage ! Affichons donc des
mesures sérieuses, et tâchons de les mettre en application.
M. Frédéric
Reiss. C’est un vœu pieux !
M. Pierre
Dharréville. Monsieur le secrétaire d’État, vous critiquez nos
références : je vous confirme que nous n’avons pas les mêmes. Vous citez
l’étude d’impact, je me fonde sur des études menées par des économistes.
Stéphane Peu a cité Henri Sterdyniak, qui est un économiste très sérieux. Vous
contestez ses analyses : il serait intéressant d’en discuter avec lui –
nous l’avions invité pour ce faire à l’Assemblée nationale il y a quelques
jours.
M. Marc Le
Fur. C’est intéressant.
M. Pierre
Dharréville. Vous avez cité le graphique de la page 182 de l’étude
d’impact. Tous ceux auxquels nous accordons du crédit expliquent que les
pensions baisseront d’au moins 20 %. Or vous écrivez : « Les
pensions servies par le système de retraite seront en moyenne plus élevées dans
le système universel que dans le système actuel, en raison notamment d’un âge
moyen de départ plus élevé à la suite de la réforme. »
Mme la
présidente. Merci, cher collègue.
M. Pierre
Dharréville. Je termine. (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.) Je souligne : « en raison notamment d’un âge moyen de
départ plus élevé à la suite de la réforme. » Donnez-nous donc des
précisions sur ce point, cela nous intéresse ! (Applaudissements sur les
bancs du groupe GDR.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Catherine Fabre.
Mme
Catherine Fabre. Vous organisez un débat qui n’a ni queue, ni tête.
M. Pierre
Dharréville. Je le conteste !
M. Stéphane
Peu. Saluons les organisateurs du débat !
Mme
Catherine Fabre. Vous insérez des chiffres dans
l’article 1er, où ils n’ont rien à faire : c’est le lieu
des principes généraux ! Nous savons tous que les informations du type taux
de remplacement relèvent des articles 8 et 9 !
Nous passons
notre temps à discuter pour savoir s’il faut remplacer « pas » par
« jamais » : ce n’est pas sérieux !
En outre, vous ne
cessez de divulguer de fausses informations. Je vais essayer de remettre les
pendules à l’heure.
M. Pierre
Dharréville. Ah !
Mme
Catherine Fabre. Monsieur Bazin, vous affirmez qu’une mère de famille
peut partir à la retraite sans décote : ce sera aussi le cas demain !
Avec un enfant, elle aura droit à 5 % de majoration ; si elle veut
l’utiliser pour partir un an plus tôt, elle le pourra !
M. Pierre
Dharréville et M. Frédéric Reiss. Ça dépend à quel âge !
Mme
Catherine Fabre. Avec deux enfants, elle pourra partir deux ans plus
tôt. Les mères pourront donc partir sans décote,…
M. Pierre
Dharréville. À quel âge ?
M. Stéphane
Peu. Dans un cercueil ?
Mme
Catherine Fabre. …mais elles auront aussi la possibilité de percevoir
une pension majorée, ce qui n’est actuellement pas possible.
La deuxième
fausse information provient de Mme Dumont : l’INSEE est parfaitement
compétent pour établir le nouvel indicateur.
M. Régis
Juanico. Ils n’en veulent pas !
Mme
Catherine Fabre. L’Autorité de la statistique publique a justement
recadré les syndicats en leur disant qu’ils ne devaient pas faire de propagande
dans le cadre de leurs activités,…
M. Pierre
Dharréville. Elle est bien bonne !
Mme
Catherine Fabre. …et qu’il était tout à fait de la compétence de l’INSEE
d’établir cet indicateur, que cela ne posait aucun problème technique. Voilà
donc encore une information que je veux démentir. Je vous renvoie à l’article
paru hier ou avant-hier dans Le Figaro.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Stéphane
Peu. C’est votre bible ! Dans trois mois, ce sera Valeurs
actuelles !
Mme
Catherine Fabre. Troisième fausse affirmation : vous faites tous
croire que le « niveau de vie satisfaisant » ne correspond à rien. Or,
l’expression figure bien dans notre droit – dans le code de la sécurité sociale,
pour décrire le système de retraite, et dans la Charte sociale européenne. Nous
n’avons donc pas inventé le niveau de vie satisfaisant ; nous le reprenons
pour nous situer dans la continuité du système actuel de retraite et pour être
cohérents avec notre ambition.
Mme
Caroline Fiat. Parce que ça vous arrange !
Mme
Catherine Fabre. Les retraités sont aujourd’hui moins pauvres que les
actifs ; nous pouvons nous en féliciter, et nous voulons poursuivre en ce
sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Je profite de mon intervention pour saluer la victoire
écrasante de Bernie Sanders dans le Nevada, (Mme Caroline
Fiat applaudit) laquelle est selon moi plus prometteuse que la loi dont vous
nous imposez de débattre ! (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Erwan
Balanant. Sauf que Bernie Sanders est plus proche de nous que de
vous ! (Sourires.)
M. Éric
Coquerel. Ma parole est libre, chers collègues ! Cessez de
brailler, comme vous faites depuis deux jours, chaque fois que quelqu’un
parle ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. Monsieur Coquerel, vous avez la parole, dans le calme
– olympien.
M. Éric
Coquerel. Je voudrais revenir sur les avis de M. le secrétaire d’État et
de M. le rapporteur. Monsieur Pietraszewski, vous affirmez qu’il est
inutile de préciser que le taux de remplacement sera de 75 %, puisque vous
proposez 85 % du SMIC. Vous oubliez de dire que vous garantissez ce minimum
à des gens qui partiront plus tard, toujours plus tard.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Comme aujourd’hui !
M. Éric
Coquerel. L’article 10, puisque vous voulez évoquer les
dispositions concrètes des articles à venir, mentionne un âge d’équilibre que
les gens ne connaîtront pas au début de leur carrière, ni même au milieu.
M. Stéphane
Peu. Ni à la fin !
M. Éric
Coquerel. Vous mélangez donc le fait que des gens partent aujourd’hui à
la retraite avec une pension qui correspond à un taux de remplacement et le fait
que dans l’avenir, ils partiront plus tard – sans même savoir exactement à
quel moment ils le pourront. Ce sont des choses totalement
différentes !
Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur,
que la proportion du PIB consacrée aux retraites serait sensiblement la même et
qu’il n’y avait donc pas de raison de s’inquiéter. Mais là encore, vous
consacrerez cette valeur toujours plus tard pour ceux qui partiront à la
retraite ! C’est le fondement même de votre article 10 : il
prévoit notamment des calculs en fonction de l’espérance de vie et du nombre de
retraités qui partiront en même temps. Les gens qui partent aujourd’hui avec une
pension d’une valeur donnée devront désormais attendre, pour percevoir son
équivalent, d’atteindre 65, 66, 67 ou 68 ans.
Mme la
présidente. Merci, monsieur Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Nous y reviendrons à l’article 10, mais vous ne parlez
pas de la même chose !
M. Régis
Juanico. Il n’y aura pas de débat sur l’article 10 !
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements nos 26836
et identiques.
M. Frédéric
Petit. Les amendements équivalents !
Mme la
présidente. Merci, monsieur Petit, pour cette précision.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 87
Nombre
de suffrages
exprimés 76
Majorité
absolue 39
Pour
l’adoption 7
Contre 69
(Les amendements
nos 26836 et identiques ne
sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement no 42158 n’est pas
adopté.)
Plusieurs députés. Le
tableau n’affiche pas le texte !
Mme la
présidente. Pour la clarté du débat, l’amendement no 42162,
que je mets aux voix, vise, à la première phrase de l’alinéa 4, à
substituer au mot « correspondant » le mot
« équivalent ».
(Le sous-amendement no 42162 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement no 42160, qui
tend à substituer au mot « annuelle » les mots « chaque
année ». (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Celui-là, il est extraordinaire ! Quelle
profondeur !
M. Erwan
Balanant. J’avoue que je suis intellectuellement dépassé !
(Le sous-amendement no 42160 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 42159, 42163 et
42161, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix… (Protestations sur divers
bancs.)
M. Thierry
Benoit. On vote sans voir les amendements !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Si
vous écoutiez, peut-être qu’on y arriverait !
Mme la
présidente. Chers collègues, un petit point technique : au moment
du vote, vous devez regarder les écrans ; n’hésitez pas à appuyer sur les
flèches des tablettes pour revenir en arrière, étant donné le nombre
d’amendements identiques.
M. Marc Le
Fur. Ça ne marche pas !
M. Philippe
Vigier. On n’est pas en maternelle ! On appuie partout, ça ne
s’affiche pas !
M. Thibault
Bazin. Je préférais l’ancien monde !
(Les amendements nos 3223 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 24637 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements no 24638 et
identiques. (Protestations sur les bancs du groupe LR.)
M. Marc Le
Fur. Ils ne s’affichent pas !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Déposez moins
d’amendements ! (Approbations sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. Je partage votre avis : mettons-nous au rythme de la
technique !
Monsieur Benoit, la tablette se place par défaut sur le
dernier amendement examiné. Vous pouvez revenir aux précédents avec la flèche.
(Sourires et applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Thibault
Bazin. Si le nouveau système de retraite doit fonctionner aussi bien,
c’est inquiétant !
(Les amendements
nos 24638 et identiques ne
sont pas adoptés.)
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour un rappel au
règlement.
M. Thierry
Benoit. Madame la présidente, comme je vous apprécie – et je sais que
c’est réciproque (Sourires) –, je précise à l’intention des techniciens
et de l’administration que mes collègues et moi-même, comme d’ailleurs tous les
députés, nous efforçons de lire les amendements sur la tablette ; mais
quand nous voulons les suivre un par un en cliquant sur les flèches, rien ne se
passe, et quand nous appuyons en bas à gauche de l’écran pour accéder au suivi
automatique,… Ah ! Ça marche de nouveau ! (Rires et
applaudissements sur divers bancs.)
M. Bruno
Millienne. Alléluia !
M. Thierry
Benoit. Mais depuis une demi-heure, la tablette était bloquée sur
l’amendement no 26997 de M. Roussel. Il faudrait que les
services techniques s’efforcent de nous faciliter la tâche !
(Applaudissements sur divers bancs.)
Article 1er (suite)
Suspension et reprise de la séance
Mme la
présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures quarante-cinq, est reprise à neuf
heures cinquante-cinq.)
Mme la
présidente. La séance est reprise.
Sur les amendements identiques
nos 458 et 2549, le sous-amendement no 42150 et les
amendements identiques no 26856 et suivants, je suis saisie par le
groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Je suis saisie d’une série d’amendements pouvant faire l’objet
d’une discussion commune. Cette série comprend les amendements identiques
nos 458 et 2549, l’amendement no 3932, ainsi que
dis-sept amendements identiques – l’amendement no 26856 et
quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine et l’amendement no
38085 .
L’amendement no 458 fait l’objet de quatre
sous-amendements nos 42150, 42151, 42152 et
42347.
L’amendement no 26856 fait l’objet de trois
sous-amendements nos 42340, 42341 et 42353.
La
parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement
no 458.
Mme Jeanine
Dubié. Le projet de loi affirme que le système universel de retraite
doit permettre de garantir un niveau de vie « satisfaisant » aux
retraités. Reste que cette notion est très relative. Nous vous proposons donc de
remplacer l’adjectif « satisfaisant » par l’expression
« comparable à celui des actifs ». Il s’agit d’éviter que ceux qui
sortent d’une carrière précaire ne se retrouvent avec des pensions trop faibles
et de garantir à tous les retraités un taux de remplacement
correct.(Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
M. Frédéric
Petit. Un taux de remplacement à 100 % ?
Mme la
présidente. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour soutenir
l’amendement no 2549.
M. Marc Le
Fur. Et les sous-amendements à l’amendement no
458 ?
Mme Laurence
Dumont. L’amendement no 2549 tend à garantir aux retraités un
niveau de vie comparable à celui des actifs. Pour être satisfaisant, le niveau
de vie doit être prévisible, lisible. Or ces deux adjectifs sont ceux qui
correspondent le moins au projet de loi. En outre, il faut quantifier le rapport
entre revenu et retraite – et sur ce point, on est aujourd’hui dans le
brouillard.
M. Marc Le
Fur. Madame la présidente, l’amendement no 458 fait l’objet
de sous-amendements, qui n’ont pas été défendus !
Mme la
présidente. Monsieur le président Le Fur, pour la clarté des débats,
nous appelons les amendements avant les sous-amendements. Mais, bientôt, vous
présiderez à nouveau la séance.
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au
règlement.
M. Marc Le
Fur. Les sous-amendements sont normalement appelés après l’amendement
qu’ils tendent à modifier ! Sinon, cela n’a pas de sens ! Il convenait
donc d’appeler la série de sous-amendements après la défense de l’amendement
no 458 par Mme Dubié. C’est un principe constant.
M. Pierre
Dharréville. Mais il s’agissait d’amendements identiques !
Mme la
présidente. En effet.
M. Marc Le
Fur. Peu importe !
Mme la
présidente. Votre tour de présider reviendra vite, monsieur Le
Fur.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 42150.
M. Bruno
Millienne. Nous allons savoir quelle est la différence entre
« comparable » et « équivalent » !
M. Pierre
Dharréville. Nos échanges sont régulièrement pimentés par quelques
interventions d’une majorité Calimero, qui est un peu vexée de ne pouvoir
diriger les débats comme elle l’entend. (Protestations sur les bancs des
groupes LaREM.) Mais c’est ainsi : nous avons déposé de nombreux
amendements qui, si vous écoutez bien ce que nous disons, nous permettent de
défendre nos idées, de formuler des propositions, d’argumenter, d’interroger
M. le secrétaire d’État. Tel est notre but dans chacune de nos
interventions – et ceux qui n’ont pas bien entendu pourront lire le compte
rendu de nos débats.
Comme vous refusez toutes nos propositions, les
trois sous-amendements – que je défends de manière groupée pour vous être
agréable, madame la présidente – tendent à en faire plusieurs : on
suggère plusieurs mots, dans l’espoir que l’un, éventuellement, vous agrée.
(Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
La
continuité du niveau de vie est pour nous un élément essentiel : nous
souhaitons garantir la parité du niveau de vie entre actifs et retraités. C’est
pourquoi, avec Mme Dubié, nous vous proposons d’en faire un des objectifs
de l’article 1er.
M. Bruno
Millienne. Mais quelle est la différence entre « comparable »
et « équivalent » ?
M. Pierre
Dharréville. Suite à la remarque du rapporteur, je voudrais également
clarifier mon propos : nous suggérons effectivement que le taux de
remplacement soit, de manière générale, au moins de 75 %, mais que soient
également définis un plafond et un plancher, ce dernier devant être fixé à
100 % du SMIC.
M. Bruno
Millienne. Cela ne figure pas dans vos sous-amendements !
M. Pierre
Dharréville. C’est donc différent de ce que vous proposez. Nous pensons
que ces objectifs auraient pu figurer dans l’article 1er.
(M. Stéphane Peu applaudit.)
Mme la
présidente. Je considère donc que vous avez également défendu les
sous-amendements nos 42151 et 42152, monsieur
Dharréville.
Sur le sous-amendement no 42347, je suis
saisie par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole
est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement.
M. Marc Le
Fur. Je souhaite que le mot « travail » apparaisse comme l’une
des conditions du calcul de la retraite : d’où mon sous-amendement. Il est
des évidences qu’il faut rappeler : la retraite, c’est la conséquence du
travail, c’est un salaire différé.
Je vous propose, monsieur le
secrétaire d’État, le cas très précis d’une personne que je connais bien :
une jeune femme entrée aux hôpitaux de Paris comme agent hospitalier. Par la
suite, elle est devenue aide-soignante, puis infirmière.
Mme Cendra
Motin. Cela arrive, c’est la vie ! (Sourires.)
M. Marc Le
Fur. Elle a poursuivi sa progression et a terminé sa carrière infirmière
générale. Elle était donc l’interlocutrice du chef de service. Cette femme a
pris sa retraite, calculée – comme c’est le cas aujourd’hui –, en
fonction de son ultime indice, celui des six derniers mois. En l’occurrence, en
tant qu’infirmière générale, elle a terminé sa carrière fonctionnaire hors
classe de catégorie A. Demain, sa retraite sera calculée non pas sur son dernier
indice…
M. Thibault
Bazin. …mais sur ses quarante-deux années ! (Sourires.)
M. Marc Le
Fur. …mais sur l’ensemble de sa carrière. Elle a été partiellement agent
hospitalier, partiellement aide-soignante, partiellement infirmière,
partiellement infirmière générale : son niveau de retraite va donc
diminuer, peut-être même de moitié !
M. Bruno
Millienne. N’importe quoi !
M. Marc Le
Fur. Mais si, c’est exactement cela ! (Protestations sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.) Vous finissez à un niveau très élevé de
la fonction publique et, lorsque l’on calcule votre retraite… Alors, monsieur le
secrétaire d’État… (Mêmes mouvements.)
Madame la présidente, je ne
peux pas travailler dans ces conditions !
Mme la
présidente. C’est vrai, monsieur le président Le Fur. (Sourires)
Nous vous écoutons.
M. Marc Le
Fur. C’est précisément parce que ma question est pertinente qu’il y a
tout ce brouhaha ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais que vous m’expliquiez très
précisément la différence entre les niveaux de retraite dans ces deux cas de
figure, ceux de deux personnes ayant terminé leur itinéraire professionnel comme
infirmière générale à l’Assistance publique-Hôpitaux de
Paris.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 3932.
Mme
Emmanuelle Ménard. La notion de niveau de vie satisfaisant est floue.
Satisfaisant pour qui ? par rapport à quoi ? Le reflet des revenus
perçus durant la vie active devant être fondé sur des critères objectifs, il
vaudrait mieux lui substituer un autre mot, par exemple le terme
« décent ».
Je vous rappelle que les gilets jaunes n’étaient
pas sur les ronds-points uniquement pour protester contre la hausse des taxes
sur le carburant. On trouvait aussi parmi eux de nombreux retraités, dont le
niveau de vie, qui s’est terriblement dégradé depuis trois ans, notamment sous
l’effet de la hausse de la CSG, tend à s’éloigner de celui des
actifs.
Vous leur avez déjà imposé un double coup dur. En effet,
M. Macron trouvait normal d’augmenter de 1,7 point la CSG des retraités
aisés – c’est-à-dire, pour le Président de la République, de ceux touchant
plus de 1 200 euros par mois –, avant de faire marche arrière
toute lorsqu’il s’est rendu compte des difficultés matérielles dans lesquelles
il avait plongé tous ceux qui touchaient des petites retraites. S’en est suivie
la désindexation des retraites sur l’inflation : deuxième punition. Bref,
on peut dire que vous ne les aimez pas beaucoup, nos retraités (Protestations
sur quelques bancs du groupe LaREM) et qu’ils ont raison de se méfier de
votre réforme ! Encore une fois, la retraite n’est pas un cadeau que l’on
fait à nos retraités, mais la juste rétribution du travail de toute une vie.
(M. Nicolas Meizonnet applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir
l’amendement no 26856 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe GDR.
M. Stéphane
Peu. Je sais que certains ici s’agacent des amendements tendant à
remplacer certains mots. Il s’agit, cette fois, de remplacer le mot :
« satisfaisant » qui, vous en conviendrez, est une notion relativement
floue, voire gazeuse, par le mot : « dignité ».
M. Bruno
Fuchs. Parce que c’est plus précis ?
M. Bruno
Millienne. C’est tout aussi flou !
M. Stéphane
Peu. Je sais que le nouveau monde n’aime pas trop les références
historiques, mais je vous rappelle que la dignité est une notion qui figure dans
la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, texte auquel on peut,
me semble-t-il, légitimement se référer.
M. Thibault
Bazin. C’est vrai !
M. Stéphane
Peu. Cette déclaration reconnaît que tous les êtres humains possèdent
une dignité inhérente à leur condition et qu’ils « naissent libres et égaux
en dignité et en droits ». Or, aujourd’hui, dans notre pays, il existe des
retraités qui dorment dans leur voiture, dans le froid. Sur les 9 millions
de pauvres que compte notre pays, plus de 1 million sont des retraités. En
refusant de fixer une rémunération digne, en refusant les plafonds qui vous ont
été suggérés, en reculant l’âge d’équilibre et en ignorant la pénibilité des
métiers et les carrières longues, vous engagez une réforme qui va aggraver la
situation.
Il nous paraît extrêmement important de se référer à la
Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et d’inscrire dans
l’article 1er, qui pose des principes, la question de la
dignité.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir
l’amendement no 38085.
Mme Martine
Wonner. Cet amendement d’appel vise à assurer à l’ensemble des retraités
de notre pays que leur niveau de vie reste une réelle priorité. Certes, cette
affirmation découle du texte que nous examinons, mais je souhaitais réaffirmer
ici que la réindexation progressive de toutes les pensions de retraite au niveau
de l’inflation – encore jamais réalisée jusqu’à maintenant – est un
acte qui marque la volonté de la majorité. Mais il nous faudra bien sûr aller
plus loin.
Ainsi, cet amendement d’appel, loin d’être symbolique,
rappelle que la dignité du niveau de vie satisfaisant de nos retraités est une
exigence que nous n’oublions pas.
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir le
sous-amendement no 42340.
M. Éric
Coquerel. Je reviens sur la notion de « niveau satisfaisant ».
Manifestement, la majorité et le Gouvernement ne comprennent pas notre réaction,
arguant que l’intention reflétée par le terme « satisfaisant »
relevait de l’évidence. Le problème, c’est que depuis deux ans que vous
êtes arrivés au pouvoir, la perception de ce terme varie beaucoup, dans ce pays,
selon l’échelle des richesses. Par exemple, vous avez manifestement trouvé
satisfaisant que les 5 % de Français les plus riches se voient à eux seuls
accorder 25 % du gain de pouvoir d’achat – ce sont les chiffres. À
l’inverse, les 5 % de Français les plus modestes verront leur revenu
disponible diminuer de 45 euros l’an prochain. La notion de satisfaction
relève donc d’une logique assez curieuse !
Vous semblez avoir décidé
que trop d’aides personnalisées au logement – APL – étaient
distribuées aux plus défavorisés ; vous avez sorti des statistiques du
chômage tous les travailleurs très partiels du pays – ce qui vous arrange
bien, ensuite, pour chanter victoire sur le front de l’emploi ! Autrement
dit : non, nous ne vous faisons pas confiance s’agissant du terme
« satisfaisant ».
Depuis deux ans, votre satisfaction est de
gaver les plus riches du pays, au détriment de la quasi-intégralité des
Français, en particulier des plus pauvres. C’est donc pour cette raison que les
amendements que nous examinons sont bien évidemment nécessaires. Comme l’a dit
Stéphane Peu, le concept de « dignité » est, lui, compréhensible et
figure dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Pour vous, la
satisfaction, c’est toujours pour les plus riches.
Mme Yolaine
de Courson. I can’t get no… satisfaction…
(Sourires.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42341.
Mme
Caroline Fiat. Il vise à ajouter dans le projet de loi le mot :
« respectable ». On ne peut pas prendre le risque que quiconque se
retrouve pauvre, avec moins que ce qu’il touche actuellement. Que ce soit sur
nos bancs ou sur ceux d’en face, on vous présente de nombreux exemples
– celui de M. Le Fur était très bon – pour essayer de vous
prouver par a plus b que, avec cette réforme (Conciliabules sur les bancs du
groupe LaREM), pour quelques personnes qui vont y gagner beaucoup, bien des
gens vont y perdre. Et on a bien du mal à vous faire entendre raison ! D’où
ces amendements et sous-amendements, qui visent à… (L’oratrice s’interrompt
quelques secondes.)
M. Thibault
Bazin. On vous écoute, Caroline !
Mme la
présidente. Tout à fait, nous vous écoutons, madame Fiat.
Un député du groupe
LaREM. Elle a bugué.
Mme
Caroline Fiat. Non, non, « elle » n’a pas bugué ! Les
gens ne se rendent pas compte : lorsque l’on parle à deux ou trois, cela ne
semble pas beaucoup, mais multiplié par vingt petits groupes de discussion, cela
fait beaucoup de bruit. (Protestations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Mme la
présidente. Mes chers collègues, nous écoutons Mme Fiat dans le
calme – qui, à mes yeux, régnait pourtant jusqu’à présent. Je vous en prie,
madame Fiat, poursuivez.
Mme
Caroline Fiat. Nous souhaitons que toute personne dans notre pays puisse
toucher une pension de retraite respectable. D’où ce
sous-amendement.
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le
sous-amendement no 42353.
M. Marc Le
Fur. Notre souci, c’est de ne pas défavoriser ceux qui, après avoir
commencé à un niveau modeste, ont fait des efforts de progression. Leur
progression, c’est aussi celle de la société ! On a besoin de ces gens-là.
Mon souci est de défendre l’ouvrier devenu contremaître, le contremaître qui,
poursuivant son ascension, est devenu cadre. Aujourd’hui, on tient compte des
vingt-cinq meilleures années, puisqu’il est dans le privé ; demain, puisque
votre système de points repose sur l’intégralité de la carrière, on tiendra
compte des quarante-trois années. On va donc ramener les gens à leur condition
d’origine !
Votre système, c’est l’Ancien Régime !
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) On ramène les gens là où
ils étaient au départ.
M. Pierre
Dharréville. Très juste !
M. Marc Le
Fur. On ramène les gens là où ils ont commencé.
M. Stéphane
Peu. C’est vrai !
M. Marc Le
Fur. On leur dit : « Tu as commencé petit, tu finiras petit,
même si tu as fait des efforts de promotion ! »
J’ai évoqué
l’exemple d’une femme agent hospitalier devenue aide-soignante, puis infirmière
et infirmière générale : que deviendra-t-elle ? J’attends des réponses
de votre part. Vous niez ces progressions sociales, alors que nous y avons tous
intérêt. Notre sensibilité gaulliste nous pousse à les favoriser, parce qu’elles
concourent au succès de notre société. Votre système va les dévaloriser !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M.
Jean-René Cazeneuve. Vous défendez donc les régimes spéciaux ? Nous
saurons le rappeler à vos électeurs !
Mme la
présidente. Merci d’écouter M. le président Le Fur avec un
calme granitique.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ces amendements ressemblent peu ou prou à
ceux qui ont été débattus précédemment. Je ne suis pas sûr que remplacer
« satisfaisant » par « digne » ou « respectable »
rassurera davantage nos concitoyens. Leur annoncer qu’ils toucheront une
retraite d’un niveau « respectable » peut même en effrayer
certains.
M. Bruno
Millienne. C’est le but de ces amendements !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. M. Bazin a estimé que les quatre
variables apporteraient de la complexité. C’est pourtant peu ou prou le nombre
de variables existants dans le système actuel – le taux de service, le
nombre de trimestres, l’âge de départ –, qu’il faut en outre multiplier par
les quarante-deux régimes spéciaux. Cela donne 120 situations possibles, ce
qui peut compliquer les choses.
Notre système compte en effet quatre
variables, qui seront comme quatre indicateurs sur un tableau de bord. Ils
permettront aux partenaires sociaux de piloter le plus finement possible et
d’avoir une conduite souple, afin de tenir compte des
évolutions.
Monsieur Coquerel, il me semble que vous êtes profondément
attaché au système par répartition ; nous le sommes également. Le principe
d’un tel système consiste à financer les pensions d’aujourd’hui par les
cotisations d’aujourd’hui selon la proportion suivante : trois quarts de
cotisations et un quart de solidarité nationale. Les cotisations sont bien
l’élément central de ce système ; qui dit cotisations, dit masse salariale
et emploi. Travailler aux politiques de l’emploi est assurément la meilleure
façon de garantir des pensions plus élevées aux retraités. La masse salariale
d’une part, et le ratio actifs/pensionnés de l’autre sont déterminants. Une fois
ces éléments présents à l’esprit, les partenaires sociaux chargés de la Caisse
nationale de retraite universelle – CNRU – pourront piloter en prenant
les décisions les plus à même de résoudre cette
équation.
M. Le Fur nous interroge sur les progressions de
carrière. Nous sommes tous attachés à l’ascenseur social, aux progressions
sociales que le système par points reflète également.
M.
Jean-Marie Sermier. Mais non !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Un petit salaire produit moins de points
qu’un grand ; à cet égard, le système qui ne retient que les dernières
années peut sembler plus favorable. Mais, si nous sommes sensibles aux
progressions de carrière, nous le sommes également à l’intégration de tous dans
le système.
Prenons l’exemple d’un enfant issu d’une famille modeste
soucieuse d’activer l’ascenseur social ; il suivra des études et partira
sur de bonnes bases. Malheureusement, comme cela arrive à de nombreux
concitoyens, vers 45 ans, confronté à un problème, il perdra pied : ce
peut être un cancer précoce, un cancer qui touche ses enfants – j’ai en
tête une situation précise –, une séparation ou un licenciement. La
progression sociale peut ainsi s’arrêter brutalement et le système de retraite
que nous défendons en tient compte : à salaire équivalent, il accorde les
mêmes points, quel que soit le moment où le problème survient. Ce faisant, il
permet à chacun d’avoir une retraite digne et me semble donc
protecteur.
Cependant, dans certaines situations, les salariés ayant une
progression très régulière percevront un peu moins que dans l’ancien système.
Ils bénéficieront quoi qu’il en soit d’une proportionnalité. Quant à ceux qui
auraient dû avoir une telle progression, mais qui en ont été empêchés par un
accident de la vie, ils seront mieux pris en considération.
M. Pierre
Dharréville et M. Pierre Cordier. Mais non !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ce système permet de mieux répondre à ces
cas de figure. Avis défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Marc Le
Fur. Qui va répondre à nos questions.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Une journée sans une question
précise de M. le président Le Fur n’est pas une bonne journée !
Mais, avant de vous répondre, monsieur Le Fur, je dirai quelques mots aux
autres orateurs.
Monsieur Dharrévile, monsieur Coquerel, vous faites un
peu comme si la situation actuelle était figée et garantie. À plusieurs
reprises, j’ai rappelé que, lorsque nombre d’entre nous sont entrés dans la vie
active, dans les années 1980 et 1990, les dispositions relatives à la retraite
n’étaient pas celles d’aujourd’hui : prise en compte des
37,5 meilleures années, retraite à 60 ans, indexation des salaires
portés au compte reposant sur le salaire moyen par tête et non sur l’inflation.
Les choses ont bien changé ! Vous expliquez à nos concitoyens et à la
représentation nationale que tout restera stable : « Rassurez-vous,
nous savons, au parti communiste et à La France insoumise, nous avons la recette
magique pour vous garantir que rien ne changera et que 100 % de vos droits
et de votre situation resteront les mêmes dans le temps. »
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Pierre
Dharréville. Non, ça va s’améliorer !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous n’avez pas cette recette
magique, car elle n’existe pas. Le monde change. Les élus ont essayé, avec de la
bonne volonté, d’adapter le système de retraite pour qu’il puisse perdurer. En
conséquence, quelqu’un comme moi, par exemple, doit travailler aujourd’hui plus
longtemps qu’il ne le devait au moment de son entrée dans la vie active, suite à
la réforme Touraine. Je n’en fais pas grief à ceux qui l’ont votée, puisqu’ils
c’était avec la volonté de faire durer notre système. De même, ceux qui ont
décidé de désindexer les salaires portés au compte du salaire moyen par tête
l’ont fait en pensant à la stabilité budgétaire du système. Aujourd’hui,
M. Le Fur pense qu’il serait judicieux de faire travailler tout le
monde jusqu’à 65 ans ; moi je ne le pense pas.
M. Marc
Le Fur et M. Pierre Dharréville. Vous allez faire
pire !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous ne pouvez pas garantir à
nos concitoyens – et heureusement ! – que tout restera figé dans
un monde inerte. Ce serait une fausse promesse. Il faut prendre les choses à
bras-le-corps ; c’est ce que fait cette majorité en proposant un véritable
pacte social rénové, reconstruit, promouvant une solidarité intergénérationnelle
qui vivra dans le temps.
Monsieur Le Fur, vous prenez des cas
particuliers très précis, ce que j’apprécie.
M. Marc Le
Fur. Ils ont le mérite d’exister !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Sur le fond, vous avez raison
de vouloir valoriser la dynamique de progression sociale, dont les exemples sont
malheureusement trop peu nombreux. Il faut en effet plusieurs générations pour
sortir d’une situation difficile. Votre cas est donc non seulement très précis,
mais aussi très particulier.
Vous parlez des carrières ascendantes :
l’exemple d’un salarié devenant cadre figure à la page 204 de l’étude
d’impact. Il s’agit d’un cas développé par le Conseil d’orientation des
retraites – COR – dont les travaux sont régulièrement cités ici ;
il devrait donc faire l’unanimité. Ce salarié est gagnant dès 64 ans, parce
que notre système traduit la réalité des situations. Plus généralement, les
carrières ascendantes y gagneront, notamment parce que nous indexerons la valeur
du point au-dessus de l’inflation ; elle se fera, progressivement, sur le
revenu moyen par tête, qui est beaucoup plus dynamique. Dans le cas précis que
vous avez évoqué, monsieur Le Fur, celui de l’infirmière générale, je vous
invite à consulter l’exemple, peut-être un peu moins précis que le vôtre,
figurant à la page 215 de l’étude d’impact. Il montre qu’elle y gagnera,
parce que le salaire moyen a une évolution bien supérieure à celle du point
d’indice de la fonction publique.
Spontanément, en vous écoutant, on peut
se dire que vous avez levé un lièvre ; mais, dès que l’on examine les
données, on s’aperçoit que le Gouvernement a raison et que le système protégera
aussi les carrières ascendantes, comme l’a très bien dit le
rapporteur.
Le débat qui nous occupe ce dimanche matin est le même que
celui qui nous occupe depuis le début de la semaine : nous discutons des
différents alinéas de l’article 1er qui présente les principes
généraux du projet de réforme. Je ne dis pas que ces débats n’ont pas d’intérêt,
mais nos concitoyens préféreraient sans doute que nous débattions de leur future
retraite, des droits qui leur seront attribués et du minimum contributif, plutôt
que d’avoir une discussion sémantique sur le remplacement de
« satisfaisant » par « comparable ».
Vous interrogez
régulièrement le Gouvernement sur les raisons de la présence de tel ou tel
mot ; celui-ci pourrait à son tour interroger les députés sur le sens des
mots figurant dans les amendements. Ainsi, que signifie
« comparable » : identique, en proportion de, dans quelle
proportion ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Nous pouvons discuter sans fin, mais nos concitoyens attendent
plutôt que nous parlions concrètement de la façon dont vous, mesdames et
messieurs les députés, avez envie de débattre avec le Gouvernement de ce que
sera leur retraite. Avis défavorable. (Mêmes mouvements.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.
M.
Jean-Marie Sermier. La réforme des retraites est l’occasion de donner
des signes forts aux Français quant à la société que nous souhaitons et à son
évolution. Marc Le Fur vous a posé une question très précise ;
votre réponse ne l’était pas. Cependant, des éléments étaient
intéressants : vous avez établi une comparaison pour un départ à
64 ans. Ce faisant, vous indiquez clairement que vos calculs se basent sur
des départs à 64 ans et non plus à 62 ou 63 ans. C’est un signe, à
tout le moins une information, que vous donnez aux Français.
Vous avez
dit également que cette personne ayant eu une carrière ascendante gagnera un peu
plus à la retraite que si elle ne l’avait pas eue. Marc Le Fur l’a
rappelé : aujourd’hui, elle sait qu’elle bénéficiera d’une retraite
supérieure grâce à la prise en considération de la partie la plus avantageuse de
sa carrière. Vous dites qu’en ayant une carrière forte, on finit toujours par
gagner plus. Nous disons que cette personne gagnerait plus dans le système
actuel que dans celui que vous proposez. Et vous le reconnaissez ! Vous
confirmez d’une part que cette personne devra travailler jusqu’à 64 ans et
d’autre part qu’elle gagnera moins que dans le système actuel.
La
question ne consiste pas à savoir s’il existera un système de retraite en
2050 : tout le monde le sait. La véritable question, celle que les jeunes
nous posent tous les jours, consiste à savoir quel sera le niveau des retraites.
Ces derniers ne croient plus qu’il sera suffisant en 2050 et ils s’inquiètent de
savoir comment faire. En parlant de retraite « satisfaisante », sachez
que vous adressez un signe extrêmement négatif aux jeunes générations.
M. Marc Le
Fur. Très bien !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Laurence Dumont.
Mme Laurence
Dumont. Je vous rejoins au moins sur un point, monsieur le secrétaire
d’État – ce qui n’est pas si mal, au bout d’une semaine. Le jeu de ping-pong
entre nous sera essentiel lorsque nous arriverons à la partie concrète du texte,
mais nous en sommes à l’article 1er et il nous faut éclairer les
Français. Permettez-moi donc, à ce stade du débat, de récapituler ce qu’est
cette réforme. Elle est inutile, bâclée et injuste. (Exclamations sur les
bancs du groupe LaREM.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Allons-nous refaire la discussion générale ?
Mme Laurence
Dumont. Elle est inutile parce que les efforts ont déjà été consentis –
c’est le Conseil d’État lui-même qui le dit : les réformes récentes ont
selon lui permis de sécuriser le financement du système de retraite. S’il existe
un problème, il tient non aux dépenses mais aux ressources, en raison de la
baisse du nombre de fonctionnaires, de la désocialisation des heures
supplémentaires, et ainsi de suite.
Ensuite, cette réforme est bâclée.
Deux années de consultation, la conférence de financement qui se tient pendant
nos débats à l’Assemblée – bref, le Conseil d’État, encore lui, est très
dur : l’étude d’impact, estime-t-il, ne répond pas « aux exigences
générales d’objectivité et de sincérité ». C’est du jamais vu ! C’est
pourquoi nous avons demandé la création d’une commission d’enquête sur l’étude
d’impact – demande à laquelle nous attendons encore qu’il soit
répondu.
Je ne reviens pas sur le calendrier parlementaire délirant,
puisque nous avons eu une semaine pour étudier les mille pages de l’étude
d’impact.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Quel
est le rapport avec l’amendement ?
Mme Laurence
Dumont. Je ne reviens pas non plus sur la valeur du point, qui est
indexée sur un indicateur inexistant, le « revenu moyen d’activité par
tête ». Combien va-t-on toucher ? La pension de retraite
augmentera-t-elle ? Vous êtes incapables de répondre à des questions aussi
simples.
Enfin, la réforme est injuste, avec un malus fondé sur l’âge
réel de départ à la retraite et non sur la durée de cotisation – c’est un
changement majeur. Au fond, votre seul objectif consiste à faire des économies
sur le dos des retraités !
M. Stéphane
Peu. C’est vrai !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Merci
pour cette discussion générale !
Mme la
présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry
Benoit. Au nom du groupe UDI-Agir, je prends position en faveur des
amendements de MM. Peu et Dharréville, qui sont du reste identiques à celui
de Mme Wonner et de plusieurs députés du groupe La République en marche. La
proposition consistant à préciser que le système de retraite fixe un objectif de
garantie d’un niveau de vie « digne » trouve un écho particulier chez
moi comme chez chacun d’entre nous.
M. Frédéric
Reiss. Absolument !
M. Thierry
Benoit. J’observe en effet qu’en 2020 plus encore qu’hier, nos
concitoyens, quels que soient leur niveau de vie et leurs possibilités, ont
besoin de considération, comme l’a montré le mouvement social de l’hiver
dernier. Or l’inscription dans le texte de la notion de dignité, que suggèrent
Mme Wonner et MM. Peu et Dharréville, est une belle proposition. En ce
dimanche matin, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je serais
fier que nous remplacions l’adjectif « satisfaisant » par
« digne ». Parler des retraites, c’est parler de l’avenir et de la
solidarité entre les générations. Que la dignité y préside me paraît essentiel.
Je soutiens donc ces amendements avec l’ensemble des membres de mon groupe.
(Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, GDR et
LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan
Balanant. En écho aux propos de mon ami Thierry Benoit et en réponse à
ceux de nos camarades de gauche, je suis d’accord sur le principe comme sur le
fond avec M. Peu. La dignité est en effet une notion que tout le monde
entend. Les amendements posent toutefois des difficultés légistiques – c’est un
autre sujet.
Si je vous dis que je suis d’accord avec vous, c’est parce
que c’est précisément pour cette raison que nous faisons cette réforme, qui
donnera des droits à ceux dont vous parlez. (Mme Monique
Limon applaudit.) Vous évoquez les retraités dans leur voiture :
de quoi s’agit-il ? C’est quoi, une personne qui a travaillé toute sa vie
pour finir par percevoir une pension ne suffisant pas à payer un loyer et à
vivre ?
M. Stéphane
Peu. C’est qui, plutôt que quoi !
M. Erwan
Balanant. En effet, je faisais référence à l’ensemble du système, mais
vous avez raison : qui est cette personne ? C’est un homme ou une
femme qui a connu un parcours difficile, qui a commencé par un premier métier et
qui, pour une raison x ou y – accident de travail ou pénibilité,
sujet sur lequel il faut travailler sur le fond en matière de prévention et dont
s’est saisi le MODEM – a connu une rupture de carrière. S’en est suivie une
période de galère, de petits boulots, de trimestres souvent incomplets,
d’inactivité et de chômage. Ce sont ces personnes qui bénéficieront de droits
nouveaux !
M. Marc Le
Fur. Mais non ! Au contraire !
M. Erwan
Balanant. Le nouveau régime que nous proposons favorisera ces
personnes.
Vous critiquez beaucoup l’étude d’impact du Conseil d’État.
M. Stéphane
Peu, M. Pierre Dharréville et M. Régis Juanico. Non, c’est
l’étude d’impact du Gouvernement, qui a donné lieu à un avis du Conseil
d’État !
M. Erwan
Balanant. En effet, vous avez raison : je faisais référence à
l’avis du Conseil d’État sur notre étude d’impact.
M.
Jean-Marie Sermier. Les mots ont un sens !
M. Erwan
Balanant. L’un et l’autre font état de grandes avancées concernant ces
situations.
Mme la
présidente. Il faut conclure, cher collègue.
M. Erwan
Balanant. Je suis d’accord pour débattre de dignité, mais faisons du
droit concret et permettons à ces travailleurs de bénéficier d’une situation
qu’ils n’ont pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane
Peu. Dans cet article 1er de principe qui donne un cadre
à la loi, mieux vaut utiliser les mots adéquats pour dire les choses. L’adjectif
« satisfaisant » ne se réfère à rien. Au contraire, la notion de
dignité fait référence à la Déclaration universelle des droits de l’homme de
1948 : autant s’y référer ! (MM. Thierry Benoit
et Philippe Vigier applaudissent.) Du reste, cela ne purge en rien le débat
que nous aurons ultérieurement sur la traduction concrète de cette notion dans
le projet de loi. En attendant, les mots sont importants. Au regard des textes
fondateurs de la République, parler de dignité et utiliser l’adjectif
« satisfaisant », qui ne repose sur rien, ne reviennent pas au
même.
D’autre part, je voudrais faire écho aux propos de
M. Le Fur. La reconnaissance de la progression dans le travail, du
mérite et de l’effort est une question dont, moi aussi, je suis souvent saisi
dans ma circonscription. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. Philippe
Vigier. Très bien !
M. Stéphane
Peu. Je pense à des exemples très précis : un ouvrier devenu
contremaître puis cadre, une couturière devenue cheffe d’atelier et ayant gagné
la confiance de son patron au point de devenir responsable d’une boutique, un
guichetier dans une banque devenu chef de bureau puis directeur d’agence, un
maçon devenu coffreur et désormais conducteur de travaux – je pourrais
multiplier les exemples.
Mme Émilie
Bonnivard. Oui, ils sont innombrables !
M. Philippe
Vigier. Très bien !
M. Stéphane
Peu. Dans le système actuel, avec la prise en compte des vingt-cinq
meilleures années, le mérite et l’effort sont pleinement reconnus. Au contraire,
comme l’a d’ailleurs reconnu le rapporteur, le fait de tenir compte de
l’ensemble de la carrière décourage le mérite, l’effort et la progression
sociale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI, UDI-Agir
et LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Ce qui est pénible dans ce débat, c’est que vous essayez
souvent de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
M. Bruno
Millienne. Et vous non ? C’est extraordinaire !
M. Éric
Coquerel. S’agissant des carrières complètes, monsieur le rapporteur
Turquois, vous pourrez dire ce que vous voulez en parlant par exemple de
progressions fulgurantes interrompues, mais, dans les faits, une pension
calculée sur la base d’une carrière complète sera toujours inférieure à une
pension calculée sur la base des vingt-cinq meilleures années.
M. Frédéric
Petit et M. Erwan Balanant. Non, c’est faux !
M. Éric
Coquerel. Vous pourrez prendre le problème dans n’importe quel sens,
mais cessez de nous raconter des fables ! Nous pourrions au moins avoir un
débat plus intéressant sur vos intentions.
Ensuite, le secrétaire d’État
nous dit que le monde change ; soit, mais il ne change pas à cause de je ne
sais quel deus ex machina, mais à cause des politiques menées ! Or,
vous avez raison, depuis une trentaine d’années, ces politiques visent à ce que
les revenus du travail baissent proportionnellement à la richesse produite au
profit des revenus du capital. C’est pour cette raison que la durée de
cotisation est passée de 37,5 années à 40 années, et que les pensions ne
sont plus calculées sur les dix meilleures années mais sur les vingt-cinq
meilleures.
Pour ma part, je regrette ces réformes ; cela étant,
celle-ci est différente. Jusqu’à présent, la priorité était donnée au règlement
des pensions selon des prestations définies. Dans le système que vous allez
instaurer, c’est l’inverse : avec la règle d’or, on ne garantira plus le
niveau des pensions mais l’équilibre financier du système, puisque la loi
pluriannuelle que vous allez faire adopter encadrera le niveau des pensions et
l’âge d’équilibre auquel on pourra partir à la retraite.
Au fond, le
système sera donc toujours glissant. Chaque année, comme beaucoup de collègues,
je reçois un décompte m’indiquant à quel niveau de pension je pourrai partir à
la retraite en telle et telle année. Ce ne sera plus le cas dans le système que
vous allez instaurer, puisque c’est par un vote au Parlement que seront définies
les prestations financières dont découlera le niveau des pensions.
Si
vous aviez pris ces mesures entre 2008 et 2012, lorsque, avec d’autres
mécanismes de solidarité nationale, les pensions de retraite ont évité à
l’économie de plonger parce que le marché privé était devenu atone, non
seulement le nombre de travailleurs pauvres aurait augmenté, mais, sur le plan
économique, vous auriez provoqué une catastrophe !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Monique Limon.
Mme Monique
Limon. Compte tenu des débats que nous avons, nous pouvons tous ici,
sans exception, reconnaître la dignité de la personne humaine ; cela ne
présente aucun problème et c’est tant mieux. En revanche, en l’état actuel du
droit, le terme de référence employé dans le code de la sécurité sociale et dans
la Charte sociale européenne est « satisfaisant ».
M. Stéphane
Peu. Mais ce n’est pas l’Europe, notre cadre, c’est la France ! Et
je vous parle de la Déclaration des droits de l’homme !
Mme Monique
Limon. D’autre part, l’amendement visant à remplacer les termes
« un niveau de vie satisfaisant » par « un niveau de vie des
retraités comparable à celui des actifs » manque selon moi d’ambition. Le
niveau de vie des retraités est d’ores et déjà supérieur de six points à celui
des actifs, et leur niveau de pauvreté est deux fois moins élevé – et tant
mieux ! Voilà ce que nous voulons conserver et améliorer en permettant à
tous les retraités de bénéficier en 2037 de 85 % du SMIC au moins, et en
octroyant une retraite minimale de 1 000 euros dès 2022, car c’est un
minimum incontournable. Oui, nous voulons maintenir et améliorer le niveau de
vie des retraités ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la
présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures quarante, est reprise à dix heures
cinquante.)
Mme la
présidente. La séance est reprise.
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour un rappel au
règlement.
Mme Laurence
Dumont. Nous avons eu cette nuit une discussion sur les déclarations du
Président de la République au salon de l’agriculture. (Exclamations sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Frédéric
Petit. Quel article ?
Mme Laurence
Dumont. L’article 145 du règlement.
Le Président a affirmé
qu’il était impossible de revaloriser les retraites agricoles, car cela
coûterait 1,1 milliard d’euros. Vous reconnaîtrez que ce n’est pas
grand-chose comparé aux 4 milliards d’euros que vont économiser ceux qui
gagnent plus de 120 000 euros par an.
M. Patrick
Mignola. C’est quoi ce rappel au règlement ?
Mme Laurence
Dumont. Hier, il a été évoqué, de manière peu claire, la nomination d’un
parlementaire en mission ou la création d’une mission parlementaire.
M. Roland
Lescure. Quel est le rapport ?
Mme Laurence
Dumont. Il est direct : nous souhaitons que le travail se fasse au
Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Qu’est-ce qu’un
député en mission ? C’est un député nommé par le Gouvernement pour une
période n’excédant pas six mois.
M. Thibault
Bazin. C’est un député aux ordres !
Mme Laurence
Dumont. Aux ordres, si l’on veut.
M. Erwan
Balanant. Mais non !
Mme Laurence
Dumont. La législature actuelle fait sauter la banque du nombre de
députés en mission, puisque quatre-vingt-neuf ont déjà été nommés.
(Protestations sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Thibault
Bazin. Quel scandale !
Mme la
présidente. La parole est à M. Patrick Mignola, pour un rappel au
règlement.
M. Patrick
Mignola. Il se fonde sur l’article 95, il me semble que c’est à cet
article que vous vouliez faire référence, madame Dumont.
Mme Laurence
Dumont et M. Régis Juanico. Pas du tout !
M. Patrick
Mignola. Articles 95 et 145.
S’il y a autant de
parlementaires en mission, c’est parce qu’il y avait beaucoup de problèmes dans
ce pays.
M. Frédéric
Reiss. Heureusement que vous êtes arrivés !
M.
Jean-Marie Sermier. Un problème, une mission !
M. Patrick
Mignola. C’est d’ailleurs probablement pour cela que cette majorité a
été élue !
Croyez bien que les parlementaires sont
indépendants ! Dans le groupe que j’ai l’honneur de présider, je connais
quelques personnes jalouses de leur indépendance, tout à fait capables de faire
valoir les intérêts de la mission pour laquelle elles ont été nommées.
Mme Laurence
Dumont. Quel est le rapport avec l’article 95, monsieur le
président ?
M. Patrick
Mignola. Nous avions un débat très important sur les épithètes
« satisfaisant » et « digne », mais, puisque vous voulez
revenir à la discussion de cette nuit, je le fais avec plaisir ! Nous
étudions un texte pour les retraités de demain, qui ne concerne pas ceux
d’aujourd’hui. Pourtant, sous l’impulsion de très nombreux députés, la majorité
a demandé au Gouvernement que la question des pensions des retraités actuels de
l’agriculture, du commerce et de l’artisanat puisse être réglée, mais celle-ci
relève du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Une
mission est donc nécessaire ; dans ce cadre, j’ai proposé au Premier
ministre de la confier aux deux rapporteurs généraux du PLFSS de l’Assemblée
nationale et du Sénat, pour qu’ils posent les termes du problème, recensent la
population concernée, évaluent le coût budgétaire et proposent un calendrier
d’application. Excusez du peu ! Pendant des années, sauf à une semaine des
élections législatives, vous n’étiez jamais intervenus. Nous, nous le
faisons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
M. Philippe
Latombe. Ça fait mal, ça, madame Dumont !
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Les mots ont un sens : nous avons connu un beau moment
hier, en insérant, dans les grands principes du système de retraite, celui de la
prise en compte du handicap, souhaitée sur tous les bancs. Nous pouvons
regretter de ne pas examiner les autres articles, mais peut-être irons-nous au
bout du chemin, comme je le préconise.
Monsieur le secrétaire
d’État, qualifier une retraite de « digne » revêt une signification
forte. Nous n’oublions pas les retraités dont le pouvoir d’achat a baissé et
nous connaissons tous ici des retraités qui exercent de petits boulots pour s’en
sortir et qui, de plus en plus nombreux, vont aux Restos du cœur. À la
page 203 de l’étude d’impact, il est écrit que, dans la plupart des cas, la
réforme conduira à une légère diminution des pensions perçues ou à leur
stabilité, leur augmentation ne concernant que les personnes partant en retraite
au-delà de l’âge pivot. En insérant le mot « digne », nous dirions que
nous n’avons pas oublié le mouvement des gilets jaunes ni la hausse de
0,3 % des retraites, prévue par la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2020, pour ceux percevant une pension de moins de
2 000 euros, taux inférieur à l’inflation, qui dégradera leur pouvoir
d’achat.
Essayons de nous rassembler sur un mot, car il y a un principe
derrière lui et un objectif derrière le principe. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LT et LR.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour un rappel au
règlement.
Mme Laurence
Dumont. Il se fonde sur l’article 70. Le président du groupe MODEM
a souhaité me répondre, sans que son propos ne constitue en rien un rappel au
règlement, sur les députés en mission, en expliquant leur nombre de
quatre-vingt-neuf par la quantité des problèmes que connaît notre
pays.
Voici quelques exemples de missions en cours : les
technologies quantiques, la sécurité des passages à niveau…
Plusieurs députés des groupes
LaREM et MODEM. Et alors ?
Mme Laurence
Dumont. …et, dernière mission en date, la coordination des actions
diplomatiques de la France et du Saint-Siège. (Applaudissements sur les bancs
du groupe LR.)
Le sort des retraités agricoles et le niveau de leur
pension sont d’un autre ressort. (Protestations sur les bancs du groupe
LaREM.) C’est donc bien à nous, ici, d’en débattre.
Mme Nadia
Hai. C’est indigne !
Mme la
présidente. La parole est à M. Erwan Balanant, pour un rappel au
règlement.
M. Erwan
Balanant. Sur le fondement de l’article 145 relatif aux missions
d’information. Madame Dumont, je suis parlementaire en mission en ce moment
(Exclamations sur de nombreux bancs) et suis pourtant ici en train de
travailler avec vous. Le sujet de ma mission, le harcèlement scolaire, me semble
assez important.
Vous me dites que je suis aux ordres, mais je vous
invite à voir comment je casse les pieds, matin, midi et soir, des cabinets
ministériels et des administrations centrales qui s’occupent du sujet.
M. Roland
Lescure. On vous fait confiance !
M. Erwan
Balanant. Tous les parlementaires en mission ont fait, grâce à la
qualité de leur travail, avancer les choses. Les passages à niveau, un sujet
anodin ? Franchement, madame Dumont ! (Applaudissements sur
les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Bruno
Millienne. C’est honteux !
M. Erwan
Balanant. Combien de morts à ces passages ?
Mme Laurence
Dumont. Et les technologies quantiques ?
M. Erwan
Balanant. Ne vous laissez pas embarquer dans une telle polémique !
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Viry, pour un rappel au
règlement.
M. Stéphane
Viry. Il se fonde sur l’article 95. Je peux comprendre que nous
puissions, à l’article 1er, qui constitue le socle du texte,
nous interroger sur la façon de travailler.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Cette
discussion part dans tous les sens.
M. Stéphane
Viry. Il est légitime de s’interroger sur le sens et l’utilité de ces
missions dévolues à des parlementaires. Sur le principe, nous sommes tous
d’accord, et reconnaissons que les majorités successives ont toujours câliné
certains de leurs députés,…
M. Roland
Lescure. On ne câline pas, on bosse !
M. Stéphane
Viry. …en leur confiant quelques occupations pour les maintenir dans le
ton et dans le rang.
M. Erwan
Balanant. Lamentable !
M. Régis
Juanico. Oui, en leur jetant des « nonos » !
M. Stéphane
Viry. Je déplore que, pour presque tous les textes de cette législature,
les rapporteurs et les membres du Gouvernement refusent toutes les demandes de
rapport formulées par les oppositions, alors qu’elles sont directement liées au
sujet du projet ou de la proposition de loi, pour que les missions soient
toujours dévolues à des collègues de la majorité. Voilà un moyen d’empêcher la
tenue de débats contradictoires !(Applaudissements sur les bancs du
groupe LR.)
Mme la
présidente. Chers collègues, j’informe l’Assemblée que le Gouvernement
vient de déposer un amendement no 42516 visant à compléter
l’alinéa 7 en insérant les mots « et digne » après le mot
« satisfaisant ». (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes
LaREM, MODEM, UDI-Agir et LT.– M. Stéphane Peu applaudit
également.)
M. Dino
Cinieri. C’est satisfaisant !
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour un rappel
au règlement.
M. Pierre
Dharréville. Madame la présidente, je m’abstiendrai de commenter cette
annonce. Tel n’est pas l’objet du présent rappel au règlement, qui se fonde sur
l’article 145. Je rappelle néanmoins que j’ai interrogé hier le
Gouvernement à ce sujet. Je me réjouis d’avoir obtenu quelques éclaircissements
supplémentaires. Il va de soi que la rédaction d’un rapport d’information ne
constitue pas une réponse satisfaisante au problème.
M.
Jean-Marie Sermier. Ni une réponse digne !
M. Pierre
Dharréville. Toutefois, je demanderai à André Chassaigne s’il envisage
de se porter candidat pour une telle mission, ce qui me semble tout indiqué.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC ainsi que sur
plusieurs bancs du groupe LR.)
Mme Émilie
Bonnivard. Mais oui !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir
l’amendement no 42516.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Notre débat n’a pas permis
d’achever l’examen de l’article 1er, qui dure depuis une
semaine. Espérons que le présent amendement permette de sortir de ce relatif
blocage !
Le Gouvernement a pris note des observations formulées au
sujet de l’article 1er. Plusieurs députés ont rappelé que, s’il
est dépourvu de portée normative, il n’en est pas moins important car il permet
de fédérer les Français afin qu’ils soutiennent le projet de loi, qui est
essentiel pour notre capacité à vivre ensemble.
Le débat a très
clairement démontré que le mot « satisfaisant » ne pouvait pas
disparaître du texte, car il est en usage dans la législation en vigueur,
notamment à l’article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale. J’ai
pris note des interventions des uns et des autres à ce sujet, notamment de
M. Thierry Benoit, du président Vigier et de Mme Martine Wonner ;
je n’oublie pas celles émanant de certains bancs de la gauche et les propos
tenus par plusieurs membres du groupe Les Républicains, qui y sont
également sensibles.
M. Raphaël
Schellenberger. Nous y sommes particulièrement sensibles !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Les membres du groupe GDR ont
évoqué la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 en vue de
justifier l’ajout du mot « digne » au texte. Le Gouvernement propose
de retenir les deux mots, dans une volonté de parvenir à un compromis et
d’accélérer le rythme de nos débats. Mesdames et messieurs les députés, je
soumets cet amendement au vote de votre assemblée. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LaREM, MODEM, UDI-Agir et LT.)
M. Thierry
Benoit. Bravo !
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission sur cet
amendement ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je ne peux qu’émettre un avis favorable à
une telle initiative et vous inviter, les uns et les autres, à faire en sorte
que nous reprenions le débat sur le fond. Si les mots ont leur importance, le
fond en a également pour nos concitoyens.
Mme la
présidente. La parole est à M. le ministre chargé des relations
avec le Parlement.
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement. Je
formulerai quelques observations complémentaires.
Tout d’abord, je salue
l’évolution qui s’est produite depuis hier. Certains amendements visaient alors
à inscrire dans le texte que le système universel est inéquitable. Désormais,
nous examinons des amendements dont l’objet est plus conforme à la réalité des
débats : cela me semble une bonne chose. Bien entendu, je souscris aux
propos tenus à l’instant par M. le secrétaire d’État.
Ensuite – même
si tel n’est pas le sujet en l’occurrence –, si nous voulons donner corps aux
mots, nous devons éviter – comme j’ai parfois eu le sentiment de le voir hier –
d’égrener le dictionnaire des synonymes au point de perdre de vue le sens des
mots.
En l’espèce, le mot « digne » a un sens justifiant qu’il
soit ajouté au texte. Il l’est pour cette unique raison, et non en raison d’un
concours de synonymes, auquel j’ai parfois eu le sentiment que nous nous
livrions hier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
Si nous voulons donner du sens aux mots, il serait bon
d’aborder les articles de portée spécifique – ce à quoi certains s’opposent
depuis sept jours. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Éric
Coquerel. Nous vous l’avons proposé hier !
Mme Laurence
Dumont. C’est vous qui avez la main sur l’organisation du débat,
monsieur le ministre !
M. Marc
Fesneau, ministre. Oui, mais pas sur
l’obstruction !
Mme la
présidente. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. Nous soutenons l’introduction dans le texte de la notion de
dignité – il ne s’agit pas uniquement d’une précision sémantique. L’article
1er nous semble ainsi bien plus adapté et pertinent que dans sa
version initiale, qui se contentait du mot
« satisfaisant ».
Toutefois, un problème de fond demeure. La
modification du texte prévue par l’amendement sera-t-elle maintenue si le
Gouvernement fait usage de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution,
comme plusieurs médias l’ont annoncé ce matin – si nul ne sait quand, vous
semblez vous apprêter à soutenir cette démarche, chers collègues de la
majorité ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Gilles
Le Gendre. Qu’en savez-vous ?
M. Thibault
Bazin. Monsieur Le Gendre, puis-je m’exprimer ? Vous pourrez
prendre la parole ensuite !
M. Marc Le
Fur. Laissez-le parler !
M. Thibault
Bazin. La réponse à cette question est importante : à défaut, nous
avons l’impression de travailler pour rien, ce qui ne semble pas pertinent. La
modification proposée par le Gouvernement doit être maintenue, même en cas
d’usage de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. Monsieur le
secrétaire d’État, monsieur le ministre, pouvez-vous le confirmer ? Il
s’agit d’un point important. (Mêmes mouvements.)
Mme Émilie
Bonnivard. Chers collègues de la majorité, prenez le micro ! C’est
trop facile !
M.
Jean-Marie Sermier. Ils n’ont rien à dire !
M. Thibault
Bazin. Enfin, monsieur le ministre chargé des relations avec le
Parlement, votre intervention – à moins qu’elle n’ait eu pour objet de verser de
l’huile sur le feu – ne me semble pas judicieuse. Si nous voulons avancer, il
faut s’abstenir de multiplier les interventions mettant en valeur l’obstruction,
qui suggèrent qu’une complicité lie la majorité et les Insoumis. Il faut y
mettre un terme, avancer et travailler sur le fond ! (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Dino
Cinieri. Excellent !
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Je me félicite que le Gouvernement ait rédigé un amendement
visant à ajouter le mot « digne » à l’alinéa 7 de
l’article 1er. Cela démontre – même si nos débats ne
s’inscrivent pas toujours à ce niveau – que nous avons eu raison, depuis
plusieurs jours, de déposer des amendements visant à enrichir les principes
énoncés à l’article 1er.
Mme Valérie
Bazin-Malgras. C’est clair !
M. Régis
Juanico. Pourquoi nous concentrons-nous sur
l’article 1er de façon aussi insistante ?
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Depuis dix-huit jours !
M. Régis
Juanico. La réponse à cette question est simple : nous avons le
sentiment que nous ne pourrons pas examiner tous les articles du texte.
M. Dino
Cinieri. Absolument !
M. Régis
Juanico. Je l’ai rappelé ce matin dès l’ouverture de la séance. Ce n’est
pas moi qui le dis, mais un haut responsable de la majorité qui, s’exprimant
dans le Journal du dimanche, a affirmé que la question n’était pas de
savoir si le Gouvernement ferait usage de l’article 49, alinéa 3 de la
Constitution, mais quand.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Il ne
faut pas croire tout ce qu’on lit sur les réseaux sociaux !
M. Régis
Juanico. Il est donc normal que nous nous attardions sur
l’article 1er. Quoi qu’il en soit, j’estime que les débats que
nous avons eus hier au sujet de la pénibilité, des aidants familiaux, du
handicap et des retraités agricoles étaient de grande qualité.
Mme Émilie
Bonnivard. Tout à fait !
M. Régis
Juanico. Continuons ainsi ! J’aurais aimé que l’amendement
no 26856 émanant du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine soit adopté tel quel, et que le Gouvernement s’abstienne de le
modifier pour le reprendre à son compte, mais s’il est adopté, tant mieux.
M. Marc
Fesneau, ministre. Considérons que c’est une œuvre
commune !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès
Firmin Le Bodo. Nous voterons l’amendement du Gouvernement. Notre
collègue Thierry Benoit a indiqué tout à l’heure pourquoi nous avions soutenu
l’amendement défendu par M. Peu.
J’ai peu pris la parole jusqu’à
présent ; je me permettrai donc de raconter l’histoire d’une députée
prénommée Agnès, partie dans sa circonscription car elle était dépitée. Je suis
allée expliquer à nos concitoyens en quoi consistent des amendements de fond,
que nous n’avons jusqu’à présent guère pu défendre – nous en avons défendu deux
depuis lundi dernier –, des amendements virgule et des amendements
point-virgule. Ce matin, nous parlons de dignité ; il est urgent que nous
en rendions à nos débats ! (Applaudissements sur les bancs des groupes
UDI-Agir, LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je souscris à l’appel à la dignité des débats que vient de
lancer notre collègue. C’est ce à quoi nous nous efforçons depuis leur
ouverture. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Roland
Lescure. Avec un succès variable !
M. Pierre
Dharréville. L’amendement du Gouvernement démontre que le débat
sémantique est parfois utile. En l’espèce, nous avons eu un débat intéressant.
Je salue la créativité du Gouvernement s’agissant de la rédaction de
l’amendement. Nous ne sommes pas jaloux, et sommes prêts à le voter.
Une
retraite digne, cela a tout de même meilleure figure qu’une retraite simplement
satisfaisante. Rédiger ainsi le texte me semble être un acte fort. De même, la
notion de travail digne a du sens – elle fait même l’objet de débats à l’échelle
internationale. Nous débattons donc d’une modification porteuse de
sens.
Monsieur le secrétaire d’État, je tiens toutefois à vous mettre en
garde au sujet d’un léger décalage. Attention à la marche ! Pour le
combler, il faudra, entre la rédaction que nous adoptons ici et ce qui suit,
élever un peu le niveau. Autrement, je crains que le mot « digne » ne
perde un peu de son sens, ce que je ne souhaite pas.
M. Bruno
Millienne. Nous y voici !
M. Pierre
Dharréville. Je comprends donc l’amendement comme un appel à faire
évoluer la nature du texte par la suite. En tout état de cause, nous le
voterons. (M. Éric Coquerel applaudit.)
M. Roland
Lescure. Très bien !
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Nous le voterons également.
Au sujet du recours à
l’article 49, alinéa 3 de la Constitution, je vous invite à consulter
la presse, chers collègues de la majorité. Plusieurs d’entre vous ont évoqué
cette possibilité pour les heures à venir. Faites donc preuve d’une meilleure
coordination !
M. Gilles
Le Gendre. C’est une obsession !
M. Éric
Coquerel. Monsieur Bazin, ne tombez pas dans le piège tendu par les
Marcheurs visant à laisser penser que l’opposition que nous incarnons suivrait
un plan dont l’objectif est de favoriser le recours à l’article 49,
alinéa 3 de la Constitution.
M.
Jean-Paul Mattei. C’est le cas !
M. Bruno
Millienne. Le Grand Timonier qui vous dirige l’a dit !
M. Éric
Coquerel. Je vous fais aimablement remarquer que les amendements issus
de votre groupe dont nous débattons ce matin sont plus nombreux que les
nôtres.
Mme Émilie
Bonnivard. Comptons, on va rire !
M. Éric
Coquerel. Sur ce point, je vous appelle à faire preuve d’un peu de
solidarité démocratique entre les oppositions.
Enfin, je vous fais
observer, monsieur Fesneau, que nous avons proposé hier de réserver
l’article 1er afin d’en venir à l’examen des articles de
fond.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Aucun
sens !
M. Éric
Coquerel. Cela a fréquemment lieu. Ainsi, nous n’aurions pas besoin de
nous battre pour insérer dans le texte le mot « digne ».
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Rien
à voir !
M. Éric
Coquerel. En effet, j’ai bien peur que l’amendement du Gouvernement ne
soit bientôt contredit par les autres dispositions du projet de loi, au point de
rendre caduque l’évolution qu’il prévoit. Procéder comme nous le proposons
permettrait donc d’avancer plus vite sur l’article 1er. Nous
réitérons notre proposition :il serait plus simple d’en venir aux articles
suivants.
M. Frédéric
Petit. Vous avez déposé plusieurs dizaines de milliers
d’amendements !
M. Erwan
Balanant. « Tu pousses le bouchon un peu trop loin,
Maurice » !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Catherine Fabre.
Mme
Catherine Fabre. Ce débat démontre à quel point il est difficile, pour
certains groupes, d’admettre qu’il est possible de faire avancer les débats si
l’on se donne la peine de coconstruire la loi. Je me félicite que nous soyons
parvenus à débattre. Comme chacun peut le constater, si l’on joue le jeu de la
construction de la loi, nous sommes tout à fait ouverts aux propositions de
l’opposition et prêts à saisir les mains tendues.
M. Marc Le
Fur. Vous étiez contre tout à l’heure !
Mme
Catherine Fabre. L’amendement a le mérite de conserver le mot
« satisfaisant », en usage dans le droit en vigueur. Nous pouvons nous
en féliciter. Il ajoute le mot « digne », cher au philosophe Paul
Ricœur. Cette notion est fondamentale et porteuse de sens.
Il la définit
par l’idée que quelque chose est dû à l’être humain du fait qu’il est humain.
Nous pouvons collectivement nous féliciter d’avoir souscrit à cette définition.
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Mme Émilie
Bonnivard. Vous pouvez nous remercier !
M. Marc Le
Fur. Vous étiez contre tout à l’heure !
Mme la
présidente. Monsieur Le Fur, vous qui demandez le calme lorsque
vous intervenez, laissez parler notre collègue !
Mme
Catherine Fabre. J’espère que nous pourrons continuer ainsi. Notre
intérêt, à présent, est d’en venir aux articles de fond. Coconstruisons le texte
sur le fond, mes chers collègues ! Je vous y invite dès maintenant.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
UDI-Agir.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine
Dubié. « La vie parlementaire, c’est avant tout un champ de
bataille permanent où se succèdent guerres de tranchées et opérations commandos.
C’est le théâtre de manœuvres d’un conflit qui ne cesse à peu près
jamais ». Ces deux phrases sont extraites d’un livre intitulé Manuel de
survie à l’Assemblée nationale : l’art de la
guérilla parlementaire.
Le ministre Fesneau a démontré qu’elles sont
toujours d’actualité. Au moment même où M. le secrétaire d’État chargé des
retraites défendait un amendement de consensus visant à ajouter au texte le mot
« digne », il a fallu qu’il rappelle qu’une telle démarche avait du
sens, sous-entendant que les autres amendements n’en avaient pas. Franchement,
cela devient insupportable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes
LT, LR et GDR.)
Le groupe Libertés et territoires votera
l’amendement. Il remercie M. le secrétaire d’État chargé des retraites
d’avoir fait ce pas en direction des différents groupes de l’hémicycle. Pour le
reste, abstenons-nous d’envenimer la situation, car les responsabilités sont
partagées, et travaillons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes
LT, LR et GDR.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42150.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 120
Nombre
de suffrages
exprimés 113
Majorité
absolue 57
Pour
l’adoption 23
Contre 90
(Le sous-amendement no 42150 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 42151 et 42152,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42347.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 118
Nombre
de suffrages
exprimés 116
Majorité
absolue 59
Pour
l’adoption 28
Contre 88
(Le sous-amendement no 42347 n’est pas
adopté.)
M. Marc Le
Fur. C’était sur le travail ! On ne peut plus parler de travail
ici !
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 458 et 2549.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 119
Nombre
de suffrages
exprimés 117
Majorité
absolue 59
Pour
l’adoption 27
Contre 90
(Les amendements identiques nos 458 et 2549
ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 3932 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 42340, 42341 et
42353 ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 26856 et suivants.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 119
Nombre
de suffrages
exprimés 118
Majorité
absolue 60
Pour
l’adoption 28
Contre 90
(Les amendements identiques nos 26856
et suivants.)
(L’amendement no 42516 du
Gouvernement est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs
des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
Mme la
présidente. Sur le sous-amendement no 42345, je suis
saisie par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir
l’amendement no 40173 et les quinze amendements identiques déposés
par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qui font l’objet de deux
sous-amendements.
M. Pierre
Dharréville. Cet amendement vise à prendre en compte, pour le calcul de
la pension de réversion, les revenus perçus par un conjoint
décédé.
Aujourd’hui, ce calcul, dont les modalités varient selon les
régimes de retraite, est fondé sur la pension perçue par le conjoint décédé.
Pour un salarié, la pension de réversion représente aujourd’hui 54 % de la
retraite de base et 60 % de la retraite complémentaire.
Dans le
futur système, il est prévu de prendre en considération les revenus du couple.
La pension de réversion devra permettre de garantir, dites-vous, 70 % du
niveau de vie du couple. Est-ce réellement un progrès ? Nous aimerions des
précisions sur les effets réels de cette mesure, monsieur le secrétaire d’État.
D’après nos calculs, ceux-ci ne seront pas uniformes – il devrait y avoir des
perdants et des perdantes.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42345.
Mme
Caroline Fiat. À mon tour, je parlerai de Caroline, députée, qui n’est
pas retournée dépitée dans sa circonscription parce qu’elle s’est trouvée très
digne de rester ici, depuis lundi, pour défendre ses amendements et pour que
soient évoqués, dès la définition des principes généraux du futur système, des
sujets aussi essentiels que la pension de réversion. Il faut être clair avec nos
concitoyens dès le début !
Nous souhaitons compléter le très bon
amendement de nos amis du groupe GDR en insérant les mots : « ex-époux
ou concubin ». On oublie trop souvent que la pension de réversion peut
s’adresser à ces derniers.
Je considère que je fais preuve d’une grande
dignité en restant sur ces bancs pour défendre de tels amendements.
Mme la
présidente. Le sous-amendement no 42344 de
M. Michel Larive est défendu.
Quel est l’avis de la
commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. L’objet de l’alinéa 7 auquel se
rapporte l’amendement est d’assurer « un niveau de vie satisfaisant »
et désormais « digne » – c’est une belle avancée.
La question
de la réversion est abordée dans le titre III. Je vous invite à débattre des
avancées dans ce domaine – la garantie d’une pension correspondant à 70 %
du niveau de vie du couple. Examinons le fond. Un amendement du Gouvernement
devrait d’ailleurs permettre d’ajouter les ex-époux.
Il faut évidemment
tenir compte des situations particulières, mais ce n’est pas à ce stade du texte
qu’il convient de le faire. Avis défavorable.
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42345.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 97
Nombre
de suffrages
exprimés 82
Majorité
absolue 42
Pour
l’adoption 5
Contre 77
(Le sous-amendement no 42345 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42344 n’est pas
adopté.)
(Les amendements identiques nos 40173
et suivants ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Sur l’amendement no 24631, je suis saisie
par le groupe de la France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis
saisie d’un amendement no 24631 qui fait l’objet d’un
sous-amendement no 42464.
La parole est à
Mme Martine Wonner, pour soutenir l’amendement.
Mme Martine
Wonner. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a prévu
une revalorisation différenciée des pensions versées par les régimes de base,
notamment pour les retraites inférieures à 1,3 SMIC.
L’amendement
vise à ce que le système universel de retraite prenne en compte le niveau de vie
de chacun et veille à la situation des plus vulnérables.
(Le sous-amendement no 42464 est
retiré.)
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je comprends votre intention, madame
Wonner, mais ne confondons pas l’objectif – garantir un niveau de vie
satisfaisant et digne aux retraités – et les outils, parmi lesquels la
revalorisation des pensions afin d’éviter tout décrochage par rapport à
l’évolution des prix. Nous y reviendrons à l’article 11. Dans cette attente, je
vous invite à retirer l’amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je comprends votre
préoccupation, madame Wonner. Le rapporteur l’a bien expliqué, votre amendement
est satisfait sur le fond. Je vous demande donc de bien vouloir le
retirer.
Mme la
présidente. Je mets aux voix l’amendement no 24631.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 99
Nombre
de suffrages
exprimés 83
Majorité
absolue 42
Pour
l’adoption 12
Contre 71
(L’amendement no 24631 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Sur les amendements identiques nos 27314 et
suivants, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour
soutenir l’amendement no 27314 et les quinze amendements
identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine, qui font l’objet de deux sous-amendements.
M. Stéphane
Peu. Puisque nous examinons l’article 1er fixant le cadre de
la réforme, souvent qualifiée de systémique, il nous semble important d’évoquer
un problème soulevé par les retraités et les associations chargées de les
représenter depuis fort longtemps : la date de versement des pensions.
Cette réforme serait l’occasion d’y apporter une réponse.
La situation
est tout à fait anormale : depuis l’instauration de la mensualisation en
1986, les pensions sont versées le 8 du mois.
M. Régis
Juanico. C’est vrai.
M. Stéphane
Peu. Personne n’accepterait un versement à cette date-là. L’attente est
très forte sur un sujet qui touche la vie quotidienne de millions de
personnes.
Il s’agit de permettre aux retraités, en particulier aux plus
modestes, de ne plus avoir à supporter des découverts bancaires dus au seul fait
que leur pension est versée trop tard dans le mois tandis que l’échéance de
leurs dépenses telles que les loyers est fixée au début de chaque mois. Je ne
connais pas de loyer payable au 8 du mois.
Mme Cendra
Motin. Mais si !
M. Stéphane
Peu. Non ! C’est la raison pour laquelle il importe de fixer au
premier jour du mois la date de versement des pensions.
Lors des
précédentes réformes, notre groupe s’est toujours exprimé en faveur de la
correction de cette anomalie. Les gouvernement successifs – en 2010, en
2014 – ont répondu qu’ils comprenaient la proposition, la soutenaient,
qu’ils allaient la prendre en compte, l’étudier, mais qu’il ne fallait pas
forcément l’inscrire dans la loi ; tout cela sans le moindre effet depuis
1986 !
Mme la
présidente. Merci, cher collègue.
M. Stéphane
Peu. Puisque ce texte engage une réforme systémique, inscrivons enfin
dans la loi que les pensions sont versées le premier jour du mois !
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de deux sous-amendements,
nos 42350 et 42346, pouvant faire l’objet d’une présentation
groupée.
La parole est à Mme Sabine Rubin, pour les soutenir.
Mme Sabine
Rubin. Par ces sous-amendements, nous souhaitons appuyer l’amendement
que notre collègue Peu vient de défendre excellemment. Puisqu’il s’agit d’une
réforme de fond, systémique, pourquoi ne pas préciser la modalité de versement
des pensions de retraite pour faciliter la vie des gens ?
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Sur la forme, la question est très
technique alors que l’article 1er vise à poser des principes
généraux. Par ailleurs, l’important n’est pas la date du versement, mais sa
régularité : les bénéficiaires attendent la pension à une date précise, et
organisent leurs diverses échéances en fonction de celle-ci.
M. Peu
donne l’exemple des loyers. Les locataires – je le sais d’expérience, je
loue un logement –…
M. Raphaël
Schellenberger. Monsieur a du patrimoine !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …peuvent demander à décaler la date de leur
versement si cela les arrange. Si la sécurité sociale et la CNRU considèrent un
jour qu’il est techniquement possible de verser les pensions plus tôt,
peut-être serait-ce mieux, mais un tel amendement nous éloigne considérablement
des objectifs du projet de loi. Il touche à des questions techniques
– auxquels les organismes compétents pourront peut-être répondre – et
n’a pas sa place dans cet article.
Avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. Pour débattre des retraites, il faut penser aux retraités. La
réforme proposée concernera des hommes et des femmes, au quotidien. Le système
ne doit pas être envisagé uniquement d’un point de vue théorique ou
macro-économique.
Comme tous nos collègues, je reçois à ma permanence des
retraités qui viennent m’exposer leurs problèmes de pouvoir d’achat et leurs
difficultés de fin de mois.
M. Marc Le
Fur. Tout à fait !
M. Stéphane
Viry. La discussion, à l’instant, portait sur la « dignité ».
Puisque nous refondons entièrement le système de retraite et fixons ses
principes, je peux comprendre que l’on demande à ce que la Nation s’assigne
l’obligation que les caisses versent les pensions au 1er du
mois.
L’exemple des loyers est parfaitement juste. Le bailleur exige
toujours d’être payé le premier jour du mois. Si la pension de retraite est
versée quelques jours après, cela peut entraîner, pour ceux qui n’ont aucune
réserve financière, toute une série de problèmes – découverts bancaires,
insolvabilité –, avec des conséquences dommageables.
La question de
la date du versement des pensions n’est ni accessoire, ni anecdotique. Le
système de retraite que nous refondons doit être concret et utile pour les
retraités ; c’est donc un très bon amendement. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LR et GDR. – M. M’jid
El Guerrab applaudit également.)
Mme la
présidente. La parole est à M. M’jid El Guerrab.
M. M’jid El
Guerrab. Je suis tout à fait d’accord avec les orateurs précédents, même
si l’amendement peut paraître un peu trop précis. Les retraités que nous
rencontrons dans nos permanences nous font part des problèmes suscités par la
date de versement de leurs pensions. Ils ne sont pas les seuls : le même
problème se pose pour les allocations ou les bourses scolaires de certains
étudiants. Parfois, ces derniers ne touchent pas leurs aides pendant deux ou
trois mois, sans comprendre pourquoi ; cela les place dans des situations
très compliquées et les oblige à s’endetter.
Même si la date de versement
peut sembler un détail anodin, elle peut entraîner des situations
dramatiques.
Monsieur le secrétaire d’État, même si la proposition
défendue par M. Peu ne relève pas du domaine de la loi, peut-être peut-elle
être reprise dans les décrets d’application. Il faut fixer une obligation en la
matière au futur organisme de versement des pensions de retraite, afin que les
retraités disposent dès les premiers jours du mois de leur pension sur leur
compte.
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Peu.
M. Stéphane
Peu. Si nous avons déposé cet amendement à
l’article 1er, c’est justement parce que nous ne considérons pas
qu’il s’agit d’une question technique.
Je vous donne un exemple très
concret des conséquences en matière de loyer. Dans ma circonscription, 25 %
des locataires de HLM sont des retraités. Aucun bailleur social n’accepte que
les loyers soient versés après le 5 du mois – et encore, ils demandent
souvent que ce soit avant. On peut négocier une fois, en cas de retard ou de
difficulté particulière, mais pas tous les mois.
Si, le 5 du mois,
le loyer n’est pas payé, des pénalités sont appliquées, ajoutant aux difficultés
des personnes concernées. Ce n’est pas une petite question technique, mais une
question majeure pour des millions de personnes, qui touche à leur dignité.
M. M’jid El
Guerrab. C’est très important !
M. Stéphane
Peu. Le débat est récurrent depuis 1986. Je ne doute pas que vous
souhaitiez régler le problème. Mais si les gouvernements successifs ont tous
indiqué qu’ils souhaitaient le faire, personne n’est allé jusqu’au
bout.
Puisque le présent projet engage une réforme systémique, je propose
d’inscrire dans le marbre de l’article 1er que les retraites
sont payées le premier jour du mois ; c’est une question de dignité.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – Mme
Sylvia Pinel applaudit également.)
M. Bruno
Millienne. Et votre dignité à vous ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. On ne peut qu’être d’accord avec ce qui est, selon
moi, un amendement d’appel. Je suis très sensible à cette question. Souvent, les
baux privés stipulent que le loyer sera payé dans les quinze premiers jours du
mois, afin d’éviter ce type de problèmes ; je connais moins la pratique des
bailleurs publics.
Toutefois, comme l’article 1er dont nous
débattons ici traite des principes généraux, l’amendement n’a pas sa place ici –
même si je comprends votre proposition et suis d’accord avec vous.
Un
point me gêne un peu. Vous demandez un scrutin public, si bien que si nous
votons contre l’amendement, vous pourriez nous faire passer pour opposés à cette
mesure.
Mme Nadia
Hai. Exactement !
M.
Jean-Paul Mattei. Or ce n’est pas du tout le cas. Simplement,
l’amendement n’a pas sa place ici.
C’est cette question de méthode, et
l’usage qui est fait de ces scrutins publics, qui motive mon intervention. Nous
sommes favorables à la mesure…
Mme Sylvie
Tolmont. Votez l’amendement !
M.
Jean-Paul Mattei. …mais pas à son inscription dans cet article.
(« Bravo ! » et
applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Cendra Motin.
Mme Cendra
Motin. Je suis un peu étonnée par cet amendement, qui ne traite pas de
principes mais de questions purement réglementaires. Tous les retraités
connaissent aujourd’hui les dates de versement de leurs pensions – le
30 du mois pour le régime général et le premier jour ouvré du mois pour les
retraites complémentaires de l’AGIRC-ARRCO, par exemple.
La date actuelle
de versement des pensions n’est donc guère éloignée de celle que vous
demandez.
Par ailleurs, quand vous prétendez que « tous les
salariés » sont payés à la fin du mois, vous oubliez de nombreux salariés
qui exercent des métiers compliqués, dans le BTP, la restauration, la sécurité
et le gardiennage, et j’en passe, qui ne sont pas payés avant le dixième jour du
mois.
Ce qui importe n’est pas la date, mais la régularité du versement,
et le fait que les pensions et les salaires soient d’un niveau digne – ce à quoi
nous travaillons aujourd’hui ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du
groupe LaREM.)
(Les sous-amendements nos 42350 et 42346,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements no 27314 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 103
Nombre
de suffrages
exprimés 100
Majorité
absolue 51
Pour
l’adoption 26
Contre 74
(Les amendements nos 27314 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir
l’amendement no 27361.
M. Thibault
Bazin. La question centrale de votre réforme est celle du pouvoir
d’achat – celui des retraités d’aujourd’hui et de demain, mais aussi celui des
actifs : elle concerne tout le monde. Il est donc important de prendre le
temps d’aller jusqu’au bout de l’examen de ce texte.
Je me fonde sur le
bribes d’informations que vous avez bien voulu nous donner à l’issue des travaux
de la commission spéciale, monsieur le secrétaire d’État, et sur ce que l’on
sait des travaux de la conférence de financement. Pour les actifs, vous comptez
ouvrir la possibilité d’augmenter les cotisations salariales, ce qui diminuera
leur pouvoir d’achat.
Je pense à toutes les professions indépendantes,
qui verront leurs cotisations augmenter ; elles doubleront, même, pour les
infirmières, alors que leur rémunération est fixée par l’assurance
maladie ; elles augmenteront aussi pour les avocats, qui dépendent, pour
une grande part, de l’aide juridictionnelle, dont le montant est limité. Leur
pouvoir d’achat sera affecté .
Si beaucoup d’actifs français
perdront à cette réforme, préservez au moins le niveau de pension des
retraités ! C’est le sens de l’amendement déposé par mon collègue Julien
Aubert ; il vise à assigner au futur système de retraite un objectif de
garantie du pouvoir d’achat et à interdire toute baisse du niveau des pensions
de retraite.
Supposons qu’une majorité ou un gouvernement estime que les
retraités ont un niveau de vie satisfaisant, ou que certains considèrent
– à tort – que les retraités sont des nantis. Grâce à cet amendement,
nous pourrions nous assurer que le niveau des pensions ne baissera jamais.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Bazin, je ne peux que partager
votre objectif : il ne faut pas baisser le montant des pensions de
retraite. Distinguons, si vous le voulez bien, la forme et le fond.
Nous
avons inscrit à l’article 55 du présent projet de loi et à
l’article 1er du projet de loi organique que le niveau des
retraites ne pourrait pas baisser. Ce sera donc inscrit dans le
marbre.
Quant au fond, comment s’assurer que cet engagement ne sera pas
simplement nominal ? Il faut garantir le niveau des pensions en euros
constants, en prenant en compte ne serait-ce que l’inflation. La meilleure
garantie en la matière, c’est qu’il y ait suffisamment d’actifs pour assurer le
financement du système par répartition. Il faut donc travailler sur les
politiques de l’emploi.
M. Thibault
Bazin. Et sur la politique familiale !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. En conclusion, les deux projets de loi
apportent les garanties que vous demandez – à l’article 55 pour le projet
de loi ordinaire et à l’article 1er pour le projet de loi
organique. Le fait que le niveau des pensions et la valeur du point ne peuvent
pas baisser est inscrit dans le marbre. Les politiques de l’emploi rendront cela
possible.
Par ailleurs, la valeur du point sera indexée sur la
progression des revenus et non pas sur l’inflation – avec cette deuxième option,
la valeur des pensions se serait érodée.
Avis défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Bazin, nous avons déjà
longuement débattu cette semaine, avec d’autres membres de votre groupe, sur ces
sujets – notamment sur les professions libérales. Vous savez que si les
cotisations vieillesse de ces dernières augmenteront, ce ne sera pas forcément
le cas de l’ensemble de leurs charges sociales, notamment grâce à un abattement
sur l’assiette de la CSG. Je ne relance pas ce débat, que nous avons eu à
trois, quatre, cinq, six reprises –je finis par ne plus savoir.
Le
rapporteur vous l’a confirmé : le montant des pensions ne pourra pas
baisser, et c’est très clairement indiqué dans le projet de loi. J’aimerais bien
que nous avancions. J’ai exprimé tout à l’heure ma volonté de trouver des
compromis, afin que nous progressions dans l’examen du texte et que le débat
puisse enfin répondre aux préoccupations des Français. Ces questions sont
traitées à l’article 55 ; je vous propose d’en reparler plus
tard.
Mme la
présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric
Reiss. L’amendement s’inscrit dans le même esprit que le no
24631 défendu tout à l’heure au nom de Mme Bagarry par Mme Wonner – nous
regrettons d’ailleurs qu’elle l’ait finalement retiré.
Le principe de
l’indexation des retraites est inscrit dans la loi – nous savons très bien que
les pouvoirs publics ont tendance à se soustraire à cette obligation.
M. Frédéric
Reiss. Nous considérons pour notre part que le pouvoir d’achat des
retraités actuels et futurs doit être garanti. L’inquiétude suscitée par votre
projet tient pour une grande part à l’incertitude dans laquelle les Français se
trouvent. Ce n’est pas la conférence de financement qui les rassurera :
c’est la raison pour laquelle nous soutenons cet amendement.
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Le présent amendement, qui vise à maintenir le niveau des
pensions, me semble intéressant. Il m’offre l’occasion de rappeler que dans
votre projet, les pensions sont bien indexées sur l’inflation, mais qu’il
n’existe à cet égard aucune garantie – d’où l’intérêt d’inscrire cette
disposition à l’article 1er, dans les principes généraux du
texte, afin de ne pas s’autoriser à y déroger par la suite. Les alinéas 3
et 4 de l’article 11 instituent en effet la possibilité d’une dérogation au
principe d’indexation sur l’inflation. L’alinéa 3 prévoit ainsi que
« par dérogation au premier alinéa, la revalorisation annuelle peut être
effectuée selon un coefficient fixé […] » et
l’alinéa 4 poursuit : « le coefficient fixé […] », etc.
M. Pierre
Dharréville. Il est donc évident, monsieur le secrétaire d’État,
qu’il y aurait un intérêt à inscrire ce cliquet dans la loi…
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Non, c’est faux.
M. Pierre
Dharréville. …pour que l’on ne puisse pas être tenté de désindexer les
pensions de l’inflation – comme cela s’est déjà produit, je suis au regret
de vous le rappeler, depuis que vous êtes arrivés au pouvoir en 2017.
Mme Sabine
Rubin. Eh oui !
Mme la
présidente. La parole est à M. Patrick Mignola.
M. Patrick
Mignola. Bien sûr, nous poursuivons tous l’objectif d’interdire une
baisse des pensions. C’est une façon efficace de clarifier le débat, mais aussi
de rassurer les Français, qu’ils soient pensionnés d’aujourd’hui ou de demain.
J’ai été sensible aux propos de notre collègue Bazin qui redoute qu’à
l’avenir, une majorité ou un gouvernement puisse décider de revenir sur ce
principe qui, comme l’a rappelé M. le rapporteur, sera inscrit dans le
projet de loi organique.
M. Patrick
Mignola. Cependant, la meilleure garantie que nous puissions apporter
aux Français réside dans la gouvernance de la future CNRU.
M. Frédéric
Petit. Bien sûr !
M. Patrick
Mignola. Le fait de confier cette gouvernance aux partenaires sociaux,
comme cela est prévu au titre IV du projet de loi ordinaire, que nous
examinerons ultérieurement…
M. Thibault
Bazin. Après les municipales !
M. Patrick
Mignola. …et de partager la responsabilité entre eux et les acteurs
politiques – Gouvernement et Parlement –, constitue une double
garantie pour les Français. Si l’article 1er n’est pas le bon
endroit pour inscrire l’objectif de maintien du niveau des pensions, celui-ci
n’en est pas moins un droit réel que nous devons aux Français en acceptant une
gouvernance partagée avec les partenaires sociaux. Il me semblait important de
le rappeler ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe
MODEM.)
(L’amendement no 27361 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir
l’amendement no 40366 et les quinze amendements identiques déposés
par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ces
amendements font l’objet de deux sous-amendements, nos 42351 et
42352.
M. Pierre
Dharréville. Le présent amendement poursuit le même but d’une façon
différente ; il propose d’inscrire dans le texte l’objectif de
non-décrochage du niveau de vie des retraités par rapport à celui des actifs.
Notre collègue Stéphane Peu a rappelé il y a quelques heures que ce
décrochage était annoncé dans les estimations du COR. Nous estimons que l’on ne
peut s’y résoudre – d’autant plus que le système que vous défendez
aggravera la situation. L’objectif de conservation d’une parité des niveaux de
vie nous semble devoir être inscrit dans les principes directeurs du projet de
loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la
présidente. Sur les amendements no 40366 et identiques,
je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir le
sous-amendement no 42351.
M. Éric
Coquerel. Ce sous-amendement me permet de revenir sur le sujet du revenu
moyen d’activité par tête. Notons d’abord qu’il ne s’appliquera pleinement qu’à
partir de 2045 puisque, d’ici là, vous prévoyez une indexation basée à la fois
sur l’évolution annuelle des prix, c’est-à-dire l’inflation, et sur celle du
revenu moyen d’activité par tête. De surcroît, il est précisé que cela ne se
fera que par défaut : il n’existe donc pas d’assurance que la valeur du
point acquis sera bel et bien indexée sur ce revenu moyen.
M. Éric
Coquerel. L’une de nos collègues du groupe
La République en marche a défendu tout à l’heure le revenu moyen
d’activité par tête, en nous demandant pourquoi nous vous cherchions querelle à
ce sujet. J’aimerais tout de même vous rappeler qu’en commission, il vous a
fallu du temps – c’est le moins que l’on puisse dire – pour expliquer
la façon dont vous indexeriez les pensions, avec cette astuce consistant à
inventer un indicateur, le revenu moyen d’activité par tête, qui n’existe pas
aujourd’hui.
M. Éric
Coquerel. Vous pouvez toujours dire que l’INSEE trouve le procédé
satisfaisant, mais les critères sur la base desquels il travaillera seront
déterminés par le Gouvernement, et non par la loi. Vous nous invitez donc, avec
ce projet de loi, à voter une mesure sur laquelle nous n’avons pas de prise et
dont l’indicateur, le revenu moyen d’activité par tête, sera fixé par le
Gouvernement et n’existe pas encore. On peut s’interroger : pourquoi ne
prenez-vous pas comme référence le salaire moyen qui est, lui, connu de
l’INSEE ?
M. Jean-Paul
Mattei, M. Bruno Millienne et M. Frédéric Petit. Parce qu’il
n’y a pas que des salariés !
M. Éric
Coquerel. Je vais vous dire pourquoi : en un an, le revenu
d’activité de l’ensemble des ménages a augmenté de 2,5 % alors que les
salaires moyens augmentaient de 2,9 %. Vous allez rétorquer qu’il faut
tenir compte des indépendants. Dans ce cas, pourquoi ne pas permettre aux
indépendants de bénéficier de la même progression que celle des salaires,
puisque c’est en raison de la progression moindre de leurs revenus qu’il existe
une différence entre le revenu d’activité et les salaires ?
Mme la
présidente. Je vous remercie, cher collègue.
M. Éric
Coquerel. Je conclurai sur ce point : le revenu moyen d’activité
par tête que vous inventez sera moins avantageux qu’un calcul basé sur le
salaire moyen connu, lui, de l’INSEE.
M.
Jean-Paul Mattei. Pas du tout !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je voudrais répondre à l’argumentation de
M. Coquerel. Tout d’abord, nous fixerons l’évolution des pensions a minima sur
le niveau de l’inflation, qui sert de base à la règle actuelle. Nous ferons donc
mieux qu’aujourd’hui.
M. Pierre
Dharréville. Mais il y aura des dérogations possibles !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Deuxièmement, nous nous efforçons de
représenter le plus fidèlement possible la distribution des revenus. Aux
70 % de salariés correspond un indice de progression des salaires ;
nous avons deux autres indices pour les 17 % de fonctionnaires et les
11 % d’indépendants – la somme approchant bien de 100 %. Nous
avons donc bien trois indices et une répartition proportionnelle.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. L’INSEE est souvent mis en cause, alors que
sa capacité à mettre en place des indices est reconnue.
M. Éric
Coquerel. Personne ne le met en cause !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il le fait régulièrement, sur d’autres
sujets.
M. Pierre
Dharréville. Les personnels de l’INSEE ne sont pas assez nombreux, mais
ils sont très efficaces !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Appuyons-nous donc sur l’expertise de
l’INSEE puis apprécions si, dans le temps, l’indicateur est assez robuste.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Quant à la transition progressive d’un
système à l’autre, elle relève simplement du pilotage. Nous ne pouvons pas
passer brusquement d’une règle à une autre, sans en mesurer les conséquences. Il
est nécessaire de prendre du temps pour passer d’un calcul fondé aujourd’hui sur
l’inflation à un calcul fondé sur le revenu moyen. Le conseil d’administration
de la CNRU aura d’ailleurs le loisir d’accélérer cette transition si bon lui
semble. Ce sont des éléments de pilotage.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Sur le fond, nous pourrions choisir
n’importe quel indice ou même prévoir que les pensions progressent deux fois
plus vite que les salaires. Mais nous devons être responsables. Nous tenons
compte de la progression de la richesse nationale, directement liée à celle des
revenus d’activité dans leur ensemble. L’adoption de cette méthode me semble
constituer une démarche responsable. Nous ne voulons pas promettre la lune, mais
faire profiter nos futurs retraités des fruits de la croissance, comme les
autres.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. L’objectif de non-décrochage proposé par
l’amendement nous semble modeste. Nous sommes plus ambitieux en fondant, à
terme, l’indicateur sur l’évolution des salaires. L’avis de la commission est
donc défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il est défavorable. Je
souhaiterais que nous puissions avancer dans l’examen du texte. Encore une fois,
nous consacrons beaucoup de temps aux principes généraux. Nous en sommes
toujours à l’alinéa 7 de l’article 1er ; nous n’avons
pas avancé. Notre débat est nourri par des éléments très clairs de la part de
M. le rapporteur, mais il porte sur des sujets évoqués aux articles 55
et 11. Avançons dans la discussion du texte, et ne passons pas de longues heures
sur des sujets dont vous savez pertinemment que nous les aborderons plus
tard !
M. Marc Le
Fur. Nous n’en aurons pas l’occasion !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine
Rubin. En effet, vous avez raison : nous devons avancer sur les
articles 11 et 55. J’aimerais néanmoins rappeler – une nouvelle
fois – qu’en 2019, vous avez dérogé à la règle d’indexation des pensions de
retraite sur l’inflation : elles n’ont augmenté que de 0,3 % alors que
l’inflation s’établissait à 1,6 %. Cela démontre que l’équilibre prévaut
sur les lois de la sécurité sociale – comme nous le constaterons aussi en
examinant les articles 55 et 11. Si l’article 55 met en œuvre les
conditions d’une indexation sur l’inflation, l’article 11 y fixe quant à
lui des conditions – la fameuse règle d’or – qui l’emporteront sur
l’indexation. Il est donc nécessaire de mettre les deux articles en conformité
dès l’article 1er, parmi les grands principes que vous
défendez.
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. C’est tout l’enjeu de ce débat : nous fixons un cadre.
Je voudrais d’abord souligner que personne, sur ces bancs, n’a mis en cause
l’INSEE. Tout au plus pouvons-nous dire que l’Institut a, lui aussi, souffert
des politiques d’austérité ces dernières années – mais ce n’est pas le
sujet qui nous occupe aujourd’hui. Vous avez demandé à l’INSEE de vous
construire un indice sur mesure. Cela sera fait, bien sûr, de façon
irréprochable. Votre choix de ne pas indexer la valeur du point sur les
salaires, mais sur un nouvel indice, est clair. Or ce n’est pas ce que vous
aviez annoncé. Disons les choses telles qu’elles sont !
M. Pierre
Dharréville. Je reviens sur ce que j’ai indiqué il y a quelques
instants, monsieur le rapporteur. Permettez-moi de lire l’alinéa 4 de
l’article 11 :« Le coefficient fixé en
application du deuxième alinéa ne peut
être inférieur à celui prévu au
premier alinéa que dans la mesure
nécessaire au respect de la trajectoire financière[…] ».
Tout est dit ! La trajectoire financière primera et le niveau des pensions
sera la variable d’ajustement. C’est ce que nous affirmons depuis le début de la
discussion. L’inscription, à l’article 1er, de l’objectif de
non-décrochage constitue donc une nécessité absolue. À défaut, vous nous ferez
avaler cette couleuvre à l’article 11, alors que nous n’en voulons pas et
qu’elle ne correspond pas à ce que vous avez annoncé.
Mme la
présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je vous invite tous à mieux étudier vos
dossiers. En page 23, le rapport Delevoye de juillet 2019 évoque
l’évolution du revenu moyen par tête. Il peut nous arriver– moi le
premier – de parler d’évolution des salaires, mais nous le faisons par
commodité de langage. Le revenu moyen figure bien dans le projet de loi !
Travaillons sur le fond ! Je vous invite à relire le rapport !
M. Pierre
Dharréville. Ce n’est pas la même chose !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Si : il s’agit bien le revenu moyen
par tête !
(Les sous-amendements nos 42351 et
42352, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements no 40366 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 107
Nombre
de suffrages
exprimés 106
Majorité
absolue 54
Pour
l’adoption 22
Contre 84
(Les amendements
no 40366 et identiques ne
sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir
l’amendement no 29360 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
Ces amendements font l’objet de deux sous-amendements,
nos 42356 et 42357.
M. Stéphane
Peu. Le présent amendement, judicieusement placé à
l’article 1er, porte toujours sur les principes du projet de
loi. Depuis le début de la discussion sur la réforme des retraites, la majorité
et le Gouvernement ont souvent fait la promotion d’une idée que l’on pourrait
qualifier de sophiste : les Françaises et les Français vivent plus
longtemps.
M. Stéphane
Peu. De ce fait, il vous paraît parfaitement justifié d’augmenter la
durée de vie passée au travail.
Or, si les Français vivent plus
longtemps, c’est en grande partie grâce à deux grandes réformes, à deux grandes
avancées sociales : l’abaissement de l’âge à la retraite à 60 ans et
la réduction du temps de travail hebdomadaire. Cela est largement étayé et
reconnu.
M. Julien
Borowczyk. La réduction du temps de travail n’y est absolument pour
rien !
M. Stéphane
Peu. Partout où l’on prend le chemin inverse, l’espérance de vie baisse.
Aujourd’hui, dans des pays dits développés, en particulier aux États-Unis,
l’espérance de vie baisse.
Mme Olga
Givernet. Ce n’est pas du tout lié au temps de travail !
M. Stéphane
Peu. Cela est bien évidemment lié au travail et au report incessant de
l’âge de départ à la retraite.
C’est la raison pour laquelle nos
amendements visent à intégrer à l’article 1er la notion d’âge
décent. Si l’on considère qu’on peut vivre en bonne santé jusqu’à 63 ans,
il y a fort à parier que votre réforme empêchera de nombreux Français, notamment
ceux qui auront connu des carrières longues et exercé des métiers pénibles,
d’espérer passer un certain temps de retraite dans de bonnes conditions de vie
et en bonne santé. Voilà pourquoi il nous paraît très important d’intégrer la
notion de décence de l’âge du départ à la retraite à l’endroit du texte où sont
exposés les grands principes du nouveau système – je ne vois pas où nous
aurions pu déposer ces amendements, si ce n’est à
l’article 1er.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42356.
Mme
Caroline Fiat. Nous souhaitons compléter l’alinéa 2 de l’amendement
no 29360 par les mots « déterminé après la prise en compte
de l’espérance de vie en bonne santé de chaque profession ». En cela, nous
nous inscrivons dans la logique de l’amendement déposé par nos collègues
communistes.
Cette précision nous paraît essentielle lorsqu’on connaît
les disparités entre différentes professions en termes d’espérance de vie et
d’espérance de vie en bonne santé. Un article de Mediapart nous
expliquait par exemple qu’un égoutier avait cinq ans d’espérance de vie en bonne
santé de moins qu’un ouvrier.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Si c’est écrit dans
Mediapart…
Mme
Caroline Fiat. Tout cela doit être pris en compte dès l’énoncé des
principes du nouveau système. On ne peut pas faire de généralités : les
conditions de vie sont différentes selon les professions exercées. On entend
toujours dire que, parce que l’on vit plus longtemps, il va falloir travailler
plus longtemps. Pour certains métiers, ce n’est pas possible : des
personnes décèdent très tôt du fait de leur profession. Par nos amendements et
sous-amendements, nous voulons vous alerter sur le sujet ; nous souhaitons
que la notion d’espérance de vie en bonne santé selon la profession soit
intégrée dans les principes du nouveau système de retraite.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Sabine Rubin, pour soutenir le
sous-amendement no 42357.
Mme Sabine
Rubin. Il s’inscrit dans la même veine que le sous-amendement défendu
par Mme Fiat. Je voudrais cependant rappeler quelques chiffes. La
différence entre l’espérance de vie d’un ouvrier et celle d’un cadre est de sept
ans, ce qui est considérable. Quant à l’écart d’espérance de vie entre les
5 % les plus riches et les 5 % les plus pauvres, il est de treize ans.
Cela vaut donc le coup d’ajouter cette notion parmi les grands principes de
justice.
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Cela fait dix fois que nous débattons de ce
sujet, alors que nous n’en sommes qu’à l’article 1er. Je
commence à me demander si vous avez vraiment envie d’examiner les articles de
fond…
Mme
Caroline Fiat. Mais oui !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …car je crois que vous serez alors en
difficulté.
Mme
Caroline Fiat. Pas du tout !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. À l’article 1er, nous ne
parlons que de la forme. Certes, nous pouvons discuter à l’infini, mais opposons
plutôt nos arguments sur les articles de fond, lorsque ces sujets y seront
abordés ! Avis défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Tous ces débats sont
passionnants, mais ils ne nous font pas avancer dans le texte : depuis ce
matin, nous examinons toujours le même alinéa.
M. Patrick
Mignola. Eh oui ! Au septième jour de débat, nous n’en sommes qu’à
l’alinéa 7 de l’article 1er !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Comme l’a dit le rapporteur, il
faut vraiment que nous puissions examiner les articles suivants, à moins que
vous n’en ayez pas envie – mais dans ce cas,
dites-le !
Monsieur Peu, vous avez lancé un débat passionnant sur
l’espérance de vie, mais vos affirmations sont contredites par la réalité. Vous
avez déclaré que l’espérance de vie baissait dans les principaux pays
industrialisés ; or le seul endroit où elle baisse, c’est aux États-Unis,
en raison d’une crise sanitaire liée à la surconsommation de médicaments et
d’opiacés. Il n’est pas possible d’en faire une généralité : on ne peut pas
débattre sur de telles bases !
Nous devons avancer dans l’examen du
texte, madame la présidente. Avis défavorable. (Applaudissements sur quelques
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Julien Borowczyk.
M. Julien
Borowczyk. Je rejoins les propos de M. le secrétaire d’État.
N’oublions pas la baisse de la mortalité infantile ni les formidables progrès de
la médecine depuis de nombreuses années, qui contribuent à l’augmentation de
l’espérance de vie.
M.
Jean-Marie Sermier. Ce n’est pas le sujet !
M. Julien
Borowczyk. N’oublions pas non plus que nous prenons en compte la
pénibilité. La notion assez subjective d’espérance de vie en bonne santé n’est
pas aussi scientifique que vous voulez bien le dire.
Depuis le début de
nos débats, vous faites un mauvais calcul : celui de l’obstruction
parlementaire permanente. Nous sommes dimanche mais je ne suis pas chien, je
vais vous offrir une consultation médicale gratuite : avec votre mauvais
calcul, vous nous faites une colique néphrétique démocratique. (Rires et
applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Protestations sur
de nombreux bancs des groupes LR, FI et GDR.)
M. Marc Le
Fur. On avançait bien, et voilà !
M. Thibault
Bazin. Encore une fois, vous mettez de l’huile sur le feu !
M. Julien
Borowczyk. Un calcul n’est qu’une petite gêne, mais il obstrue tout. Je
vous le dis une bonne fois pour toutes : il existe de nombreuses solutions
pour l’évacuer. Et on se souvient toujours de la personne qui nous aide à
évacuer un calcul, alors que le calcul lui-même est vite oublié puisqu’il part
dans les lieux d’aisance. (Nouveaux applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe
LR.)
M.
Jean-Marie Sermier. Arrêtez de faire de l’obstruction ! Parlez du
texte !
Mme la
présidente. S’il vous plaît, mes chers collègues, profitons du calme
dominical !
M. Marc Le
Fur. C’est M. Borowczyk qui a rompu le calme dominical !
M.
Jean-Marie Sermier. Revenez sur le fond ! Il faut
avancer !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine
Rubin. Je comprends la préoccupation de M. le secrétaire d’État.
D’ailleurs, nous vous avons proposé une ordonnance pour soigner ce mal :
c’est de réserver les amendements restants à l’article 1er et de
passer directement à l’article 2. (Vives exclamations sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. Frédéric
Petit. Vous avez déposé des milliers d’amendements à
l’article 2 !
Mme Sabine
Rubin. Vous avez refusé le traitement que nous vous proposions.
M. Bruno
Millienne. Retirez plutôt vos amendements et sous-amendements !
Mme la
présidente. S’il vous plaît, mes chers collègues !
Mme Sabine
Rubin. Nous assistons à un tel dialogue de sourds que c’est plutôt
l’orthophoniste qu’il faudrait consulter. (Exclamations persistantes sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme Nadia
Hai. Revenez à la raison !
Mme la
présidente. S’il vous plaît, mes chers collègues ! On ne s’entend
plus !
M. Pierre
Dharréville. Monsieur Borowczyk, ne chouinez pas comme cela ! Nous
avons un débat serein, et vous pouvez y participer sans problème. Joignez-vous à
nous !
Ce débat nous intéresse car il nous semble important. Il
porte sur les principes de notre système de retraite que vous êtes en train de
bouleverser. Cela mérite une vraie discussion entre nous, et nous sommes en
train de l’avoir. Je vois bien que cela vous déplaît et que certains d’entre
vous aimeraient écourter cette discussion pour aller plus vite.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Écourter ? Mais cela fait
déjà une semaine que nous débattons !
M. Patrick
Mignola. Ce que vous pouvez être cynique !
M. Pierre
Dharréville. Pour notre part, nous pensons qu’il est nécessaire
d’approfondir cette discussion.
Tout à l’heure, monsieur le rapporteur,
vous avez évoqué la question de l’indexation de la valeur du point sur les
revenus et non sur les salaires. Vous dites que vous avez été précis et vous me
renvoyez au rapport Delevoye. C’est très bien, mais je vous fais observer que
l’évolution des salaires et l’évolution des revenus sont deux choses
différentes.
Vous avez donc demandé la création d’un indicateur sur
l’évolution du revenu moyen. Le 11 décembre 2019, Édouard Philippe
déclarait que la loi prévoirait « une indexation progressive non pas sur
les prix, comme aujourd’hui, mais sur les salaires, qui, dans notre pays,
augmentent plus vite que l’inflation » Je n’invente rien : c’est ce
qu’a déclaré le Premier ministre dans son discours devant le Conseil économique,
social et environnemental, qu’il a longuement préparé. Si ce n’est plus
d’actualité, il faut le dire.
M. Bruno
Millienne. Cela vous dérange, quand bien même la nouvelle disposition
serait plus favorable ?
M. Pierre
Dharréville. Ce n’est plus ce qui est prévu, et vous l’avez dit
– dont acte. Vous créez donc un nouvel indice, qui sera moins favorable aux
retraités car il n’augmentera pas à la même vitesse que le salaire moyen.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous en avons déjà parlé dix
fois…
M. Pierre
Dharréville. Cela paraît évident, mais il faut le dire ! Je lis par
ailleurs : « À l’INSEE, on reconnaît "avoir appris par la presse
l’existence de ce sujet". »
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Cela
prouve que l’INSEE est indépendant !
M. Pierre
Dharréville. « Jean-Luc Tavernier, son directeur général, indique
que, pour l’heure, l’institut statistique "n’a pas été saisi" d’une demande de
construction d’un nouvel indicateur. Même si "le Gouvernement et le Parlement
sont autorisés à demander des productions statistiques, comme l’est la société
civile, cela est de toute façon réalisé de façon indépendante", rappelle
M. Tavernier. »
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous n’allez quand même pas
nous lire tout le journal !
M. Pierre
Dharréville. Je ne le remets pas en cause.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Émilie Bonnivard.
Mme Émilie
Bonnivard. Je reviens au débat sur la nécessité d’inclure la notion
d’espérance de vie en bonne santé dans les principes généraux du texte. Nous
savons très bien que l’espérance de vie diminue en fonction des risques et de la
pénibilité du travail propres à certains métiers – je pense au travail de
nuit, au travail posté, ou encore à la situation des égoutiers, que nous avons
longuement évoqués hier. Cela relève du factuel. M. Borowczyk dit que c’est
subjectif, mais on sait très bien que ceux qui exercent un travail pénible et
ont commencé à travailler jeunes ont une espérance de vie moindre. Je regrette
que notre incapacité à objectiver cette notion de façon tout à fait
satisfaisante nous conduise à renoncer à l’inscrire dans le projet de loi.
M. Pierre
Dharréville. Très juste !
Mme Émilie
Bonnivard. Nous devrions être ambitieux, dans le cadre du progrès social
que vous invoquez pour mener cette réforme, en nous donnant les moyens
d’objectiver ces faits pour les inscrire dans le texte au lieu de les balayer
d’un revers de main. Celles et ceux qui sont confrontés, dans leur profession, à
des risques et à des facteurs de pénibilité plus importants, ayant un impact
réel sur leur espérance de vie, doivent les voir reconnus dans le cadre de ce
projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M.
Jean-Marie Sermier. Excellente intervention !
Mme la
présidente. La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan
Balanant. Encore une fois, je partage un certain nombre de constats
dressés par nos camarades communistes,…
M. Raphaël
Schellenberger. Vos camarades ? Avez-vous la carte du
parti ?
M. Erwan
Balanant. …mais pas complètement. Il est vrai que des avancées sociales
ont permis d’augmenter significativement l’espérance de vie des Français.
Au-delà des réformes citées par M. Peu, la France mène une politique de
soins et de prévention qui a permis cette amélioration manifeste. Il n’y a pas
que la retraite à 60 ans qui a fait augmenter l’espérance de vie des
Français ! Cela serait d’ailleurs assez contradictoire avec l’un de vos
combats, que le groupe MODEM mène également, à savoir la reconnaissance de la
pénibilité. En effet, c’est généralement pendant la période de travail que l’on
connaît la pénibilité. Il convient de trouver des outils permettant de prendre
celle-ci en compte. Nous avons un certain nombre de propositions sur ce sujet,
mais nous ne pouvons pas encore en parler puisqu’elles seront discutées plus
tard, à l’article 27.
Par ailleurs, je veux réagir à la volonté des
députés du groupe La France insoumise d’inscrire toutes les professions dans le
projet de loi. Chers collègues, vous avez perdu l’occasion de déposer
11 000 amendements supplémentaires, puisque 11 000 métiers
sont répertoriés à Pôle emploi. (Applaudissements sur quelques bancs du
groupe LaREM. – Exclamations sur divers bancs.)
M. Raphaël
Schellenberger. Bonne idée ! Madame la présidente, accordez-leur
une suspension de séance pour qu’ils puissent déposer ces amendements !
M. Erwan
Balanant. Le problème, c’est que cette liste de métiers sera rapidement
périmée puisque, selon Pôle emploi, 85 % des métiers de 2030 n’existent pas
encore. Aussi, vous voyez bien qu’une inscription de tous ces métiers à
l’article 1er serait tout à fait contre-productive.
(Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du
groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Nous avons eu une discussion très riche sur la question de la
dignité, qui a abouti à l’adoption d’un amendement du Gouvernement assez
semblable à celui du groupe GDR. Il est donc normal que nous puissions aussi
nous attarder sur la question d’un départ à la retraite « à un âge
décent ».
Notre collègue Julien Borowczyk peut garder pour lui son
ordonnance et ses métaphores médicales, qui étaient presque scatologiques.
(Protestations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Nos oreilles ont entendu bien pire !
M. Régis
Juanico. Cependant, ses propos étaient très intéressants. On entend une
petite musique selon laquelle l’espérance de vie en bonne santé serait un
indicateur fragile.
M. Éric
Girardin. Subjectif !
M. Régis
Juanico. Le Gouvernement n’a toujours pas apporté de réponse à cette
question. Il s’agit tout de même d’un indicateur statistique de la direction de
la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques des ministères
sociaux, consolidé par Eurostat pour être utilisé au niveau européen. Il
consiste à calculer le nombre d’années qu’une personne peut espérer vivre sans
être limitée dans ses activités quotidiennes. Pour ce faire, on se base sur un
questionnaire adressé à un échantillon de 14 000 ménages. Bien sûr, on
peut toujours améliorer ce questionnaire, mais les questions « avez-vous
une maladie chronique ? »…
Mme Cendra
Motin. Ce n’est pas la seule question !
M. Régis
Juanico. …ou « êtes-vous limité, depuis au moins six mois, à cause
d’un problème de santé dans les activités que les gens font
habituellement ? » permettent, selon les statisticiens, de construire
un indicateur assez solide.
Si vous contestez la robustesse de cet
indicateur, proposez des améliorations, mais cessez de nier le fait que, plus on
part tard en retraite, plus on le fait dans un état de santé dégradé. L’INSEE
nous dit qu’un travailleur pauvre sur quatre meurt avant d’avoir atteint l’âge
légal du départ à la retraite. Ce sont des réalités ! (Protestations sur
les bancs du groupe LaREM.) Ce sont les dernières données de
l’INSEE.
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour un rappel au
règlement.
Mme
Caroline Fiat. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article
70.
M. Balanant a exprimé le souhait que nous déposions de nouveaux
amendements. Si nous avons proposé que soit précisé qu’il s’agit de
« chaque profession », c’est parce que nous savons que certaines
auront disparu. Ne nous faites donc pas passer pour ce que nous ne sommes pas.
Nous travaillons nos sujets et nous savons bien que de nouvelles professions
apparaîtront demain.
J’attire l’attention de tous sur le fait que les
débats se passaient bien ce matin jusqu’à ce qu’on entende des noms d’oiseaux,
« comédiens », « tartuffes », qui ne contribuent pas à la
sérénité des débats.
Article 1er (suite)
(Les sous-amendements nos 42356 et 42357,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements nos 29360
et identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de dix-sept amendements,
nos 29376 et suivants, qui font l’objet de deux
sous-amendements nos 42362 et 42387.
La parole est à
M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement no 29376 et les
amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate
et républicaine.
M. Stéphane
Peu. Je voudrais dire au préalable qu’il ne sert à rien d’essayer de
nous provoquer par des propos vexatoires : vous n’arriverez pas à nous
énerver.
M. Raphaël
Schellenberger. Même pas Balanant !
M. Stéphane
Peu. Pas plus que vous n’arriverez à nous faire ravaler nos convictions.
Je ne cesserai pas de répéter cette phrase du Conseil d’État qui dit de ce
projet de loi qu’il « procède à une réforme du système de retraite inédite
depuis 1945 et destinée à transformer pour les décennies à venir un système
social qui constitue l’une des composantes majeures de notre contrat
social ».
Plusieurs députés du groupe
LaRem. Nous sommes d’accord !
M. Stéphane
Peu. Excusez du peu – c’est le cas de le dire ! (Sourires.)
Cela mérite quelques jours de discussion ! Il y a des pays qui ont mis
dix ans à réformer leur système de retraite.
M. Olivier
Marleix. Mieux vaut le faire dans la précipitation !
M. Stéphane
Peu. Nous n’en demandons pas autant, mais vous pouvez multiplier vos
critiques, nous continuerons à dérouler nos convictions sur cette réforme des
retraites, notamment sur cet article 1er, qui est l’article des
principes, car, quand on s’attaque à une réforme d’une telle ampleur, on ne peut
pas éluder les principes.
La retraite, c’est un aussi un temps libre,
pour le repos, pour la famille, mais aussi pour la vie sociale. Tout le monde
ici sait que, sans les retraités, il n’y aurait plus d’associations, plus de
clubs sportifs. Il y aurait beaucoup de problèmes de garde d’enfants sans papis
et mamies disponibles pour s’occuper des gamins, mais pour tout cela il faut des
papis et des mamies en bonne santé.
C’est pourquoi nous proposons
d’introduire la notion de temps libre en bonne santé dans les éléments
essentiels de la retraite, de façon à garantir une vie sociale active.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la
présidente. Sur les amendements no 29376 et identiques,
je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Coquerel, pour
soutenir le sous-amendement no 42362.
M. Éric
Coquerel. Il s’agit toujours de tenir compte des problématiques de
pénibilité et d’inégalité entre les travailleurs face à la retraite. Il faut
toujours rappeler qu’un ouvrier vit en moyenne six ans de moins qu’un
cadre ; la différence est même plus importante si l’on considère
l’espérance de vie à soixante ans, qui devrait être le critère pris en compte.
L’écart est double entre les 5 % les plus pauvres et les 5 % les plus
riches.
C’est pourquoi nous demandons que ces questions d’espérance de
vie et d’espérance de vie en bonne santé, dont chacun sait qu’elle régresse dans
notre pays, soient introduites à cet alinéa.
Monsieur Balanant, ce n’est
pas l’article 27 qui traite de la pénibilité mais les articles 32 et suivants.
Apparemment, vous n’êtes pas au courant. (Protestations sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. Raphaël
Schellenberger. Ce sont toujours ceux qui en savent le moins qui causent
le plus !
M. Erwan
Balanant. Monsieur Coquerel, je suis là depuis lundi, contrairement à
vous !
M. Éric
Coquerel. Je vous informe !
M. Erwan
Balanant. Je vais vous informer, moi aussi, vous allez voir !
Mme la
présidente. La parole est à M. Bruno Millienne.
M. Bruno
Millienne. Monsieur Juanico, ce que vous disiez tout à l’heure sur
l’espérance de vie en bonne santé est intéressant. Il serait effectivement
intéressant qu’on travaille sur un indicateur, mais pas sur un indicateur
déclaratif, comme c’est le cas aujourd’hui : je ne connais personne qui se
sente à soixante-cinq ans en meilleure santé qu’à trente ans ! Ce n’est que
du déclaratif. Faisons quelque chose de scientifique. Je n’ai aucun problème
là-dessus.
Si l’on y ajoute le temps libre en bonne santé, cela va être
compliqué !(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jacques Marilossian.
M. Jacques
Marilossian. Après m’être absenté quelques instants, je constate que le
débat reste empreint de mauvaise foi et de contre-vérités.
On vient de
nous parler d’espérance de vie en bonne santé. Je voudrais citer les propos
d’une personne qui sait de quoi elle parle puisqu’elle a été ministre déléguée
chargée des personnes âgées et de la dépendance : il s’agit de Mme Michèle
Delaunay, interrogée récemment par Le Monde. « Je n’ai trouvé nulle
part une définition précise du calcul de l’espérance de vie en bonne santé,
dit-elle. Celui-ci prend en compte les difficultés ou déficits impactant la vie
quotidienne depuis six mois, mais cela me paraît discutable. » Elle
considère donc que cette notion n’a rien de scientifique. Elle rappelle qu’on
soulage aujourd’hui des douleurs de hanche avec une prothèse et qu’on peut
réparer une cataracte en une heure d’intervention. Elle rappelle surtout que les
progrès médicaux qui ont doublé l’espérance de vie en un siècle ont aussi
énormément amélioré l’état de santé des personnes âgées. M. Mélenchon
disait que c’était la réduction du temps de travail qui avait sauvé des vies.
Non ! C’est surtout le progrès médical.
M.
Jean-Marie Sermier. Assez d’obstruction ! Revenez au
fond !
M. Jacques
Marilossian. Mme Delaunay poursuit : « Nos parents ont
vécu à partir de la soixantaine dans la souffrance de mal voir et de mal
entendre, avec des douleurs articulaires quasi quotidiennes. Aujourd’hui, nous
devenons de plus en plus réparables : les prothèses de hanche, de genou et
d’épaule se sont banalisées, tout comme les aides auditives[…] Les
boomeurs ont devant eux encore un tiers de leur vie, et celle-ci peut être
active, parce qu’ils sont moins freinés dans leur quotidien. »
M. Thibault
Bazin. Nous voudrions avancer !
M. Jacques
Marilossian. C’est d’ailleurs pour cela que la majorité a développé le
reste à charge zéro pour les lunettes, les prothèses auditives et les prothèses
dentaires. Ce sont bien les retraités en bonne santé qui vont en profiter
largement.
Arrêtez donc de nous bassiner avec ce concept qui n’a rien de
scientifique !(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Je vais continuer à bassiner les oreilles de notre collègue
Marilossian avec cet indicateur. Il m’avait servi exactement la même réplique en
commission spéciale. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M.
Jean-Paul Mattei. Parce que c’est toujours le même argument !
M. Régis
Juanico. Je vous rappelle quand même, après Boris Vallaud il y a
quelques jours, qu’un amendement déposé par ceux qui étaient à l’époque nos
collègues de groupe, M. Ferrand et M. Véran, proposait d’introduire ce
concept d’espérance de vie en bonne santé.
Je dis simplement ce qu’est
l’état actuel des connaissances scientifiques. Il s’agit d’un critère
statistique consolidé au niveau européen et utilisé par les ministères de la
santé et du travail. Si c’est ce que vous remettez en cause, dites-le
clairement ! Ou bien améliorez l’outil.
M. Bruno
Millienne. C’est du déclaratif !
M. Régis
Juanico. Un échantillon déclaratif, ce n’est pas un bon échantillon
scientifique ? Vous voulez rire ! Et l’enquête emploi, qu’est-ce
d’autre ? On peut certes toujours l’améliorer, en donnant plus de moyens
financiers.
Je maintiens par ailleurs ce que j’ai dit tout à
l’heure : selon l’INSEE, 24 % des hommes qui touchent moins de 614
euros par mois décèdent avant l’âge légal de 62 ans. Ce que je veux dire de
façon plus générale, c’est que plus vous avancez en âge, plus votre corps
s’abîme. Aujourd’hui 20 millions de personnes souffrent d’une affection de
longue durée – ALD – et 1,4 million sont dépendantes. Cela représente des
milliards d’euros à la charge de l’État.
Les dégâts physiologiques étant
plus importants à 65 ans, le nouveau système va contraindre ces personnes à
aller puiser dans leurs réserves physiques, dégradant ainsi l’état de santé
général. Il s’avérera donc finalement plus coûteux que le système
actuel.
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Il est tout simplement hallucinant de balayer ainsi d’un
revers de main la notion d’espérance de vie en bonne santé, qui existe depuis
très longtemps et dont il faut se préoccuper…
M. Bruno
Millienne. Ce n’est pas du tout ce que nous faisons !
M. Pierre
Dharréville. …d’abord parce que nous ne sommes pas tous égaux en la
matière. Les chiffres prouvent que c’est plus compliqué pour un ouvrier que pour
un cadre. Ces indications ont une certaine objectivité, vous ne pouvez pas le
nier.
Vous prétendez ensuite que cet indicateur n’est pas le fruit d’une
enquête scientifique : en quoi n’est-elle pas scientifique ?
M. Bruno
Millienne. C’est du déclaratif !
M. Pierre
Dharréville. Ce n’est peut-être pas une enquête médicale mais
scientifique, elle l’est incontestablement. Elle a été conduite par des
chercheurs, des gens qui savent de quoi ils parlent. Je trouve que votre manière
de présenter les choses est tout à fait saugrenue. Certes, l’enquête se fonde
sur des déclarations, mais peut-on considérer que la manière dont les gens
appréhendent leur état sanitaire n’est pas la bonne ?
M. Bruno
Millienne. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Pierre
Dharréville. Il faut bien sûr prendre cela en compte. Ils sont sans
doute les mieux placés pour parler de leur propre santé.
Tout cela est
quand même assez abscons. Je vous invite à revenir à la raison et à prendre au
sérieux cet indicateur, dont la robustesse n’est pas contestable, même si on
peut toujours l’améliorer.
C’est la raison pour laquelle nous pensons
qu’inscrire dans la loi cette notion d’un âge décent de départ à la retraite a
du sens. L’espérance de vie en bonne santé est un des indicateurs sur la base
desquels on peut définir cet âge décent. Or vous êtes en train de fixer un âge
de départ à la retraite au-delà de l’espérance de vie en bonne santé, ce qui est
d’une violence symbolique assez forte.
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Je n’ai pas bien compris votre argument des prothèses :
quelqu’un à qui on aura posé des prothèses parce qu’il aura été usé par la
fatigue ou après un accident du travail devra être considéré comme en
bonne santé ? C’est cela que vous proposez comme définition
scientifique ? C’est vraiment intéressant ! (Exclamations sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.) Qu’une majorité qui nous propose
d’acquérir des points à un niveau inconnu, pour une valeur de service inconnue
et un revenu moyen d’activité inconnu remette en question le caractère
scientifique de l’indicateur de l’espérance de vie en bonne santé, cela ne
manque pas de sel ! (Mêmes mouvements.)
(Les sous-amendements nos 42362 et 42387,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements
nos 29376 et identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 108
Nombre
de suffrages
exprimés 93
Majorité
absolue 47
Pour
l’adoption 9
Contre 84
(Les amendements
nos 29376 et identiques
ne sont pas adoptés.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la
présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à douze heures
quarante.)
Mme la
présidente. La séance est reprise.
Je suis saisie de plusieurs
amendements identiques, no 2550 de M. Régis Juanico,
no 3938 de Mme Emmanuelle Ménard, no 23007
et identiques déposés par les membres du groupe La France insoumise,
no 27967 et identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine.
La parole est à M. Régis Juanico, pour
soutenir l’amendement no 2550.
M. Régis
Juanico. Il traite de la liberté donnée aux assurés de choisir la date
de leur départ à la retraite, principe figurant dans
l’article 1er, alinéa 8. Par nature, cet objectif est
inaccessible. En faisant de l’âge d’équilibre – injustice sociale
majeure – un élément central de la transformation du système de retraite,
vous incitez nos concitoyens à retarder leur départ à la retraite pour échapper
à un malus financier majeur.
Prenons l’exemple d’une infirmière en soins
généraux de grade 1 à l’hôpital public, qui atteint le dernier échelon de
son grade en fin de carrière. Elle gagne 2 774 euros bruts par mois,
et percevra donc, dans le système actuel, une pension de retraite de
1 900 euros. Dans le futur système retenant pour base le salaire moyen
de l’ensemble de la carrière, soit 2 180 euros bruts, elle percevra
une pension de 1 494 euros : elle perdra donc 406 euros
mensuels, soit une perte sèche dépassant 97 000 euros pour vingt ans
de retraite. Cet exemple extrêmement concret démontre que nos concitoyens
n’auront pas la liberté de choisir la date de leur départ à la retraite, sans
compter qu’ils subiront une baisse de pension.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 3938.
Mme
Emmanuelle Ménard. Il vise à supprimer l’alinéa 8 de
l’article 1er qui consacre la liberté de choix. Comment peut-on
prétendre que les assurés choisiront leur âge de départ à la retraite, et, dans
le même temps, affirmer que, pour bénéficier du taux plein, ils devront
travailler jusqu’à un âge donné ? Une véritable liberté de choix suppose
une absence de contrainte. En l’occurrence, la contrainte est bien réelle :
elle réside dans le niveau de pension auquel l’assuré pourra accéder, notamment
lorsqu’il ne dispose pas de marge de manœuvre financière.
Votre liberté
de choix est en fait un problème de riches : pour les personnes qui se
trouvent en difficulté financière, la question ne se posera malheureusement pas.
Vous n’avez pas le courage de dire aux Français qu’avec le vieillissement de la
population, les actifs devront travailler plus longtemps et cotiser davantage
pour bénéficier d’une retraite décente.
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir
l’amendement no 23007 et les seize amendements identiques
déposés par les membres du groupe La France insoumise.
M. Éric
Coquerel. Il vise à supprimer l’alinéa 8, qui invoque « un
objectif de liberté de choix pour les assurés, leur permettant, sous réserve
d’un âge minimum, de décider de leur date de départ à la retraite en fonction du
montant de leur retraite ». C’est sans doute l’alinéa le plus indécent de
l’article 1er. En réalité, votre projet ne donne qu’une liberté
de choix : être un travailleur pauvre ou être un retraité pauvre. Être un
travailleur pauvre, parce que vous reculez sans cesse l’âge de départ à la
retraite à taux plein – votre fameux âge d’équilibre –, et que vous
diminuez les pensions en prenant pour base la totalité de la carrière plutôt que
les vingt-cinq meilleures années. Tant qu’ils n’auront pas atteint l’âge
d’équilibre, nos concitoyens seront condamnés à continuer à travailler. Affirmer
qu’il y a une liberté de choix, c’est nier la situation d’une écrasante majorité
de nos concitoyens à l’égard du travail et de la retraite.
C’est
tellement évident qu’un article ultérieur autorise le travail à temps partiel
non pas avant, mais après l’âge légal : vous avouez ainsi qu’une fois cet
âge atteint, il faudra travailler à temps partiel pour survivre jusqu’à l’âge
d’équilibre. Je vous rappelle qu’un senior sur deux arrive à l’âge de la
retraite en travaillant. Cet alinéa est tout simplement indécent.
(Mme Caroline Fiat applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir
l’amendement no 27967 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Pierre
Dharréville. L’alinéa 8 est pour nous l’un des exemples de la
duplicité des auteurs de ce texte et de ses faux-semblants. Il a trait à un
prétendu objectif de liberté de choix. Nous en avons débattu en commission
spéciale, monsieur le rapporteur, et vous avez ajouté ici même, en séance, qu’il
s’agirait d’une liberté contrainte. De fait, cette liberté de décider de sa date
de départ n’existe que sous réserve d’un âge minimum.
Nous voulons des
garanties : ce sont précisément elles que cet alinéa fait voler en éclats.
Dans votre système, l’âge minimum sera aléatoire, évolutif, et reculera à mesure
que nous avancerons. C’est le principe même de votre réforme. Nous, nous pensons
qu’il faut garantir un âge de départ à la retraite. Je rappelle que l’âge
d’équilibre ne renvoie pas à un équilibre humain, mais à l’équilibre financier
du système. Or, en créant cet âge d’équilibre, c’est-à-dire un âge légal de
départ à taux plein, vous le découplez de l’âge légal minimum, qu’il finira par
supplanter.
Nous nous opposons à cette mesure, au cœur des nœuds de votre
réforme, dont le but est à la fois de diminuer les pensions et de reculer l’âge
de départ, obligeant ainsi plus de seniors à travailler ou à se retrouver au
chômage.
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements
identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous avons largement débattu de cet
objectif au préalable. Entre autres, la notion d’âge minimum a été explicitée il
y a quelques jours, à la suite d’une question de Philippe Vigier. Je ne peux
qu’espérer que nous atteindrons le titre II…
M. Thibault
Bazin. Après les municipales !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …afin que notre excellent collègue Jacques
Maire puisse nous détailler le fonctionnement de l’âge d’équilibre et des
possibilités de partir plus tôt ou de valoriser un départ plus tardif. Avis
défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Même avis. Ces amendements
demandent la suppression du huitième alinéa de l’article 1er. Ce
n’est pas faute d’avoir tenté, durant cette semaine de débats, de trouver des
consensus et des compromis afin que la représentation nationale puisse avancer
dans l’examen du texte. Je comprends que vous demandiez la suppression de cet
alinéa pour des raisons politiques, mais celles-ci, d’un point de vue
opérationnel et pragmatique, sont loin de la réalité.
La réalité est la
suivante : dans le secteur privé, 10 % de nos concitoyens partent avec
une décote, 13 % avec une surcote ; dans la fonction publique,
15 % avec une décote, 30 % avec une surcote ; parmi les
exploitants agricoles, 5 % avec une décote, 27 % avec une surcote. La
liberté de choisir son âge de départ fait partie de l’existence des Français. Il
faut la faire vivre, lui donner corps, l’encadrer, et en parler au bon moment de
l’examen du texte, dans le titre II, comme l’a dit le rapporteur.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine
Dubié. Je me situe dans la continuité de mon intervention, il y a
quelques heures, au sujet de l’alinéa 6 et de la garantie d’une retraite
minimale. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, vous nous avez
dit qu’il y aurait une condition de 176 trimestres pour bénéficier de cette
garantie. Or l’alinéa 8 nous dit que, sous réserve d’avoir atteint l’âge
d’équilibre de leur génération, les assurés pourront choisir de partir à la
retraite en fonction du montant dont ils disposeront.
Le nombre de points
acquis croissant avec le salaire, un cadre qui gagne bien sa vie, et dont la
retraite sera donc supérieure au minimum de 1 000 euros, pourra-t-il
décider de partir au bout de trente-sept ou trente-neuf ans d’activité, dès lors
qu’il aura atteint l’âge pivot ? Il n’aura pas cotisé quarante-trois ans,
ce que je trouve injuste. On ne peut imposer à ceux qui ont de faibles revenus
de travailler plus longtemps, et permettre à ceux qui ont la chance de percevoir
des revenus supérieurs de partir au moment où ils estiment que la multiplication
de leur nombre de points par la valeur de service du point donne un résultat qui
leur convient.
Mme la
présidente. La parole est à M. Didier Martin.
M. Didier
Martin. Ce point n’est pas un détail, car il révèle les orientations
idéologiques. Nous nous revendiquons sociolibéraux, nous croyons à la liberté,
ce qui heurte les convictions des antilibéraux que vous êtes.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. –
Mme Sylvie Tolmont proteste.) Le choix de l’âge de la
cessation d’activité professionnelle et du départ à la retraite repose certes
sur la solidarité des générations qui travaillent, mais aussi sur la
responsabilité de celui qui fait ce choix. Tout l’enjeu consiste à donner à
chacun les moyens de choisir son avenir professionnel, ce que nous avons fait au
moyen d’une loi, et les moyens de choisir son rythme de travail.
Les
générations actuelles ne sont pas enfermées dans une carrière linéaire,
monolithique ; elles choisissent d’alterner les périodes d’activité et de
temps libre, consacré à élever leurs enfants ou tout simplement à se ressourcer.
Nous sommes obligés de dépasser l’idéologie quelque peu datée selon laquelle le
travail serait aliénant, asservissant, facteur d’accidents et de mortalité, même
si nous devons au demeurant lutter contre cela. À l’heure actuelle, le travail
permet aussi l’épanouissement, l’affirmation et la socialisation de l’individu.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Nous nous trouvons à une étape symbolique, au-delà de
la moitié des alinéas de l’article 1er, après sept jours de
débats. Si je fais rapidement le calcul, il nous faudra siéger en permanence
pendant un an et demi pour arriver au bout du texte, et cela grâce à vous.
Un député du groupe LR.
Si vous ne parliez pas tout le temps, aussi !
M. Bruno
Millienne. Et si vous, vous écoutiez !
M.
Jean-Paul Mattei. Cela étant dit, je voudrais m’intéresser deux minutes
au fond, au problème de l’indexation des retraites. Faisons un peu de droit.
Monsieur Dharréville, vous avez cité tout à l’heure l’alinéa 2 de
l’article 11, à propos de la revalorisation des retraites au
1er janvier de chaque année. Selon vous, l’alinéa 4 de ce
même article crée le risque d’une baisse du taux de revalorisation en fonction
de facteurs économiques. Mais ce taux ne s’appliquerait qu’à condition d’être
validé par la loi avant le 1er janvier de l’année considérée.
C’est le législateur qui aura compétence en la matière.
M. Pierre
Dharréville. C’est vrai !
M.
Jean-Paul Mattei. Rassurez-vous : ce texte, nous allons l’adopter.
De toute façon, il y aura des élections en 2022…
M. Thibault
Bazin. Ah !
M.
Jean-Paul Mattei. …et le peuple français jugera si cette réforme lui
convient.
M. Thibault
Bazin. Les conséquences iront beaucoup plus loin !
M.
Jean-Paul Mattei. Nous verrons à ce moment-là. (Applaudissements sur
les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Stéphane
Peu. Organisez un référendum, ça ira plus vite !
M. Pierre
Dharréville. Eh oui !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Sabine Rubin.
Mme Sabine
Rubin. Ce n’est même plus de la duplicité, c’est de l’hypocrisie.
Puisque nous en sommes aux grands principes, je voudrais détourner une phrase de
La Fontaine : selon que l’on est riche ou pauvre, la liberté n’est pas
du tout la même.
M. Bruno
Millienne. Tout, mais pas La Fontaine ! La mémoire de
La Fontaine est plus sacrée que la personne de Mélenchon !
Mme Sabine
Rubin. Je veux bien que vous soyez libéraux, mais n’entretenons pas
l’horrible confusion entre liberté et libéralisme. Nous ne sommes plus au
XVIIIe siècle.
M. Bruno
Millienne. Nous ne sommes pas non plus en 1917 !
Mme Sabine
Rubin. L’expérience du libéralisme a montré que tout le monde ne
jouissait pas de la même liberté. Voilà la tartufferie, voilà le mensonge !
À aucun moment vous ne nous avez donné, en matière de justice fiscale, la
moindre garantie que tout le monde aurait la même liberté de partir sereinement
à la retraite.
Mme la
présidente. La parole est à M. Raphaël Schellenberger.
M. Raphaël
Schellenberger. Je viens d’entendre à la fois M. le secrétaire
d’État et M. Mattei monter sur leurs grands chevaux pour nous expliquer
qu’un amendement de compromis a été trouvé ce matin, et que nous continuons
pourtant de ne pas avancer. La majorité est en train d’organiser l’enlisement du
débat, dont vous essayez de nous faire porter la responsabilité. Cela devient un
peu trop visible. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. –
Protestations sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Vous
nous rendez responsables de votre incapacité à conduire cette réforme, censée
être l’un des symboles du quinquennat. Vous êtes en train de vous rendre compte
qu’elle a été mal préparée, que vous aviez un haut-commissaire qui, pendant deux
ans, n’a pas fait grand-chose, et vous essayez de rejeter la faute sur nous.
C’est proprement scandaleux ! (Exclamations sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.) Non, monsieur Mattei, les Français ne pourront pas juger en
2022 ; votre réforme est tellement floue, son application si lointaine, que
ce n’est sûrement pas en 2022 qu’il sera possible d’en mesurer les
conséquences ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme
Emmanuelle Ménard. Je ne crois pas être antilibérale, bien au contraire,
mais j’avoue être sidérée de ce que j’ai entendu. Vous parlez de pouvoir choisir
de prendre des périodes de temps libre pour soi : dans quel monde
vivez-vous ? Pensez-vous que les hommes qui nettoient le matin les allées
des supermarchés avec leur machine imaginent une seconde de prendre du temps
pour eux ? Ils n’ont pas le choix : ils sont obligés de travailler
jusqu’au bout ! Vous êtes les dignes représentants des métropoles. Vous ne
vivez pas dans le même monde que le reste des Français ! (Exclamations
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Ce que vous dites est sidérant.
Atterrissez donc un peu !
(Les amendements identiques nos 2550
et identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
2
Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la
présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze
heures :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un
régime universel de retraite et du projet de loi organique relatif au système
universel de retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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