Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Deuxième séance du dimanche 23 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de Mme Annie Genevard
1.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (suite)
Rappels
au règlement
M. Jean-Luc
Mélenchon
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement
M. Jean-Luc
Mélenchon
M. Thibault
Bazin
Article 1er
(suite)
Amendements nos 303
, 403
, 42526
M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale
M. Olivier
Véran, ministre des solidarités et de la santé
Amendements nos 22731
, 214
, 11351
, 24639
, 504
, 42529
, 505
, 29408,
29409, 29410, 29411, 29412, 29413, 29414, 29415, 29416, 29417, 29418, 29419,
29420, 29421, 29422, 29423 , 42515
(sous-amendement) , 42396
(sous-amendement) , 42394
(sous-amendement) , 42517,
42518, 42519, 42530 (sous-amendements)
Rappel
au règlement
M. Marc
Le Fur
Article 1er
(suite)
Amendements nos 29392,
29393, 29394, 29395, 29396, 29397, 29398, 29399, 29400, 29401, 29402, 29403,
29404, 29405, 29406, 29407 , 42397
(sous-amendement) , 42398
(sous-amendement) , 42531
(sous-amendement) , 26720,
27983, 27984, 27985, 27986, 27987, 27988, 27989, 27990, 27991, 27992, 27993,
27994, 27995, 27996, 27997 , 42402,
42403 (sous-amendements)
Suspension
et reprise de la séance
Amendements nos 27998,
27999, 28000, 28001, 28002, 28003, 28004, 28005, 28006, 28007, 28008, 28009,
28010, 28011, 28012, 28013
Rappel
au règlement
Mme Mathilde
Panot
M. Olivier
Véran, ministre
Article 1er
(suite)
Rappel
au règlement
Mme Danièle
Obono
Mme la
présidente
Article 1er
(suite)
Amendement no 42522
Rappel
au règlement
M. Éric
Coquerel
Article 1er
(suite)
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Amendements nos 2544
, 4035,
4037, 4038, 4040, 4043, 4044, 4045, 4046, 4047, 4048, 4049, 4051, 4053, 4054,
4055, 4057, 4059
Rappels
au règlement
M. Damien
Abad
M. Philippe
Vigier
Mme Danièle
Obono
Mme Valérie
Rabault
M. Jean-Luc
Mélenchon
Mme Nadia
Hai
Suspension
et reprise de la séance
M. Fabien
Roussel
M. Patrick
Mignola
M. Damien
Abad
M. Gilles
Le Gendre
M. Éric
Coquerel
Article 1er
(suite)
Amendements nos 26722,
29691, 29692, 29693, 29694, 29695, 29696, 29697, 29698, 29699, 29700, 29701,
29702, 29703, 29704, 29705 , 42404
(sous-amendement) , 42405
(sous-amendement)
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
Amendements nos 29465
, 26724,
29661, 29662, 29663, 29664, 29665, 29666, 29667, 29668, 29669, 29670, 29671,
29672, 29673, 29674, 29675 , 42415
(sous-amendement) , 42412
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
Mme Mathilde
Panot
Article 1er
(suite)
Rappel
au règlement
M. Laurent
Saint-Martin
Mme la
présidente
Article 1er
(suite)
Amendements nos 9749
, 25342
, 38086
, 42466
(sous-amendement) , 42056
(sous-amendement) , 38762,
38735, 38736, 38737, 38738 , 42057
(sous-amendement) , 42468
(sous-amendement) , 42058
(sous-amendement) , 42059
(sous-amendement) , 42060
(sous-amendement) , 42062
(sous-amendement) , 11368
, 11370
, 26725,
29646, 29647, 29648, 29649, 29650, 29651, 29652, 29653, 29654, 29655, 29656,
29657, 29658, 29659, 29660 , 10914
, 9887
, 42421
(sous-amendement) , 42422
(sous-amendement) , 26815,
29723, 29724, 29725, 29726, 29727, 29728, 29729, 29730, 29731, 29732, 29733,
29734, 29735, 29737, 29738 , 24530
, 34260
Rappel
au règlement
M. Éric
Coquerel
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
Mme Annie Genevard
vice-présidente
Mme la
présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la
présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623
rectifié, 2683).
Discussion des articles (suite)
Mme la
présidente. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles
du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 303 à l’article
1er.
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour un rappel
au règlement.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Qui se fonde sur l’article 100 ayant trait à
l’organisation de nos débats. Je souhaite m’adresser à la présidence bien sûr
mais aussi aux deux ministres ici présents, ainsi qu’au président du groupe de
la majorité.
Selon la presse, la décision de recourir à
l’article 49, alinéa 3, est mure et serait prise mercredi prochain. Il
est de notre devoir de tenir compte de cette information. Certes, ce n’est pas
parce que c’est dans le journal que c’est vrai
(« Ah ! » sur divers
bancs) – il arrive même que ce soit l’exception, mais ne soyons pas
trop mordants.
Puisque nous ne voulons pas de cet article 49, alinéa 3,
je vous demande de nous faire connaître les conditions que vous posez pour nous
épargner le recours à cette option. Que nous proposez-vous ?
M. Frédéric
Petit. Ce n’est pas le Gouvernement qui décide de la façon dont nous
travaillons !
M. Jean-Luc
Mélenchon. C’est mon devoir d’évoquer cette question ici plutôt que dans
les couloirs, en cachette. Il ne s’agit pas de transmettre des informations par
courtoisie. C’est une démarche officielle : j’informe l’Assemblée. Je ne
vous propose pas une combine. Monsieur Fesneau, en tant que ministre chargé des
relations avec le Parlement, vous pouvez nous faire connaître vos conditions.
Vous n’êtes pas obligé de répondre immédiatement car cela pourrait perturber les
débats, mais je me tiens à votre disposition pour écouter vos propositions.
Mme Perrine
Goulet. Vous savez très bien ce qu’il faut faire ! Arrêtez de faire
l’innocent !
Mme la
présidente. La parole est à M. le ministre chargé des relations
avec le Parlement.
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur Mélenchon, je suis heureux de vous entendre faire une nouvelle
proposition qui n’en est pas vraiment une – c’est un peu ce qui s’est déjà
passé hier après-midi.
Tout d’abord, loin de nous l’idée de vous imposer
de quelconques conditions !
M. Frédéric
Petit. Évidemment !
M. Marc
Fesneau, ministre. Les conditions du débat, vous les
connaissez : elles ont été posées en conférence des présidents la semaine
dernière. Je pense à la proposition, que vous avez refusée, de fixer un temps
législatif programmé de 120 heures.
Mme Sylvie
Tolmont. Pour quoi faire ?
M. Marc
Fesneau, ministre. Deuxièmement, vous exercez votre droit
d’amendement – qui est un droit constitutionnel – en toute liberté, ce
qui est respectable. Simplement, quand dix-sept députés copient le même
amendement plusieurs milliers de fois, on aboutit à une obstruction. C’est la
situation que vous avez créée et dans laquelle nous nous trouvons. Au-delà du
fait que ce n’est pas à moi de vous dicter des conditions, la raison imposerait
que, compte tenu du nombre d’amendements redondants que vous avez déposés, vous
fassiez preuve de bonne volonté afin que nous puissions finir l’examen du projet
de loi dans les délais prévus par le service de la séance. Je rappelle que la
durée du débat était, à l’origine, de quinze jours et que nous l’avons prolongée
d’une semaine. Ce temps d’examen me semble nécessaire mais suffisant pour
débattre de la question des retraites. (Applaudissements sur plusieurs bancs
des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Si j’ai bien compris, monsieur le ministre, vous nous
informez que nous allons débattre jusqu’à la fin de cette période de trois
semaines. Donc tout va bien, il n’y aura pas de recours à l’article 49, alinéa
3, ça me va !
M. Gilles
Le Gendre. La ficelle est un peu grosse !
Mme la
présidente. La parole est à M. Thibault Bazin pour un autre rappel
au règlement.
M. Thibault
Bazin. Qui se fonde sur l’article 58, alinéa 1 et sur
l’article 50 relatif à l’organisation des débats. Le groupe Les
Républicains tient absolument à avancer – et je sais que c’est le cas
d’autres groupes de l’opposition dans l’hémicycle. Ni obstruction ni évitement
des débats de fond : avançons et faisons simplement notre travail de
député.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques,
nos 303, 403 et 42526.
La parole est à Mme Émilie
Bonnivard, pour soutenir l’amendement no 303.
Mme Émilie
Bonnivard. Je souhaite tout d’abord la bienvenue dans ce débat au
nouveau ministre des solidarités et de la santé, que je tiens – en tant que
députée des Alpes (sourires) – à féliciter.
Cet amendement de
Mme Anthoine vise à inclure dans le texte actuel les notions d’espérance de
vie en bonne santé et de durée de la retraite, un sujet dont nous avons déjà
longuement parlé ce matin. Je regrette que les amendements au contenu
comparable, défendus par mes collègues tout à l’heure, n’aient pas été
adoptés.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras, pour
soutenir l’amendement no 403.
Mme Valérie
Bazin-Malgras. Comme vous l’a dit Émilie Bonnivard à l’instant, nous
vous proposons de rédiger différemment l’alinéa 8 de l’article
1er. Vous le savez, notre régime de retraite sera, selon le COR, le
Conseil d’orientation des retraites, déficitaire de 15 milliards d’euros.
Ce déficit abyssal pourrait être réduit si vous assumiez la décision d’un recul
progressif de l’âge de départ à la retraite, comme nous le proposons. Le faire
passer de 62 à 64 ans rapporterait par exemple 20 milliards, une somme
non négligeable. Mais comme vous ne l’assumez pas, vous devrez massivement
baisser les pensions de retraite, ce qui fera de nombreux perdants. Je me
demande d’ailleurs comment il est possible de voter un tel article alors qu’on
ne connaît pas les conclusions de la conférence de financement, dont les travaux
n’avancent pas.
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir
l’amendement no 42526.
M. Marc Le
Fur. Messieurs les ministres, la différence entre votre projet, que nous
considérons comme funeste, et le nôtre, c’est que nous assumons une évolution de
l’âge de départ à la retraite alors que vous dissimulez cet âge.
M. Fabien
Roussel. Exactement !
M. Marc Le
Fur. Vous le dissimulez sous les noms d’âge pivot ou d’âge d’équilibre.
De fait, le départ à la retraite à 62 ans ne sera plus possible. Même
quelqu’un qui aura atteint les 43 années de cotisation ne pourra prendre sa
retraite à 62 ans qu’avec un malus. Il est très hypocrite de ne pas le
reconnaître. Nous n’avons pas le droit de raconter des blagues aux Français,
messieurs les ministres, nous nous devons de leur dire la
vérité.
L’équilibre financier du système constitue la priorité à nos yeux
et il faut garantir une pension aux retraités d’aujourd’hui comme de demain.
Nous estimons que votre projet de loi ne prend pas en considération ce minimum
d’honnêteté, de simplicité et de lisibilité indispensable lorsqu’on aborde des
questions de cette nature, qui concernent tous nos compatriotes.
Mme la
présidente. La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur
général de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission
spéciale. Nous avons déjà eu à plusieurs reprises des débats en commission
et en séance sur ces deux sujets. Aussi ne vous surprendrai-je pas en donnant un
avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la
santé, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Olivier
Véran, ministre des solidarités et de la santé. Je suis très
heureux de me joindre, pendant quelques heures, à vos débats, dont j’espère
qu’ils permettront d’avancer dans l’examen du texte et, pourquoi pas, d’adopter
l’article 1er d’ici à la tombée de la nuit. (Exclamations sur
divers bancs.) On peut rêver, mais le dimanche c’est aussi fait pour ça, ce
qui ne nous empêche pas de le passer à travailler ensemble !
M. Thibault
Bazin. C’est aussi fait pour se reposer !
M. Olivier
Véran, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable. Vous
souhaitez faire intervenir le critère de l’espérance de vie dans la définition
de l’âge minimal de départ à la retraite. Or, si nous souhaitons certes faire
évoluer l’âge d’équilibre en tenant compte des données relatives à l’espérance
de vie, nous considérons que l’âge minimal doit rester celui qui a été retenu il
y a quelques années : 62 ans.
Mme la
présidente. La parole est à M. Gilles Carrez.
M. Gilles
Carrez. L’unique objectif de toutes les réformes de retraites qui se
sont succédé a été de protéger le niveau des retraites, de le sauvegarder. Quand
on examine ces réformes de près, il faut reconnaître que toutes avaient une
dimension avant tout financière, que ce soit celle de 1993, celle de 2003, celle
de 2010 ou celle de 2014 que vous avez bien connue, monsieur le ministre,
puisque, en tant que député, vous étiez alors aux avant-postes – j’en
profite pour vous féliciter au passage pour votre récente nomination.
En
1993, lorsqu’on décide de prendre en compte les 25 meilleures années et
d’indexer les pensions sur l’inflation, c’est pour des raisons financières. En
2003, lorsqu’on commence à unifier les régimes des retraites de la fonction
publique et ceux du secteur privé, c’est pour des raisons financières. En 2010,
lorsqu’on a le courage de reporter l’âge légal de départ à la retraite de 60 à
62 ans, c’est pour des raisons financières. Et en 2014 – vous étiez
alors présent dans l’hémicycle –, lorsqu’on allonge progressivement la
durée de cotisation nécessaire, en augmentant le nombre de trimestres, pour
obtenir une retraite à taux plein et qu’on instaure le système de bonus-malus,
de surcote-décote, c’est encore pour des raisons financières.
Vous
comprendrez donc que, même avec la meilleure volonté du monde, même avec un
esprit constructif, on ne puisse pas admettre que la représentation nationale
soit totalement privée des éléments financiers qui constituent la base
nécessaire de toute réforme des retraites. On s’étonne aussi que les décisions
sérieuses soient prises à côté, dans le cadre d’une conférence de financement,
dont on ne sait d’ailleurs pas bien comment elle va se passer. J’ajoute que
– moi qui ai une certaine ancienneté dans cette maison – c’est la
première fois que je découvre un avis du Conseil d’État évoquant des projections
financières « lacunaires ». Tout cela n’est pas sérieux. Vous donnez à
votre réforme – pour laquelle vous nourrissiez de grandes ambitions –
un côté improvisé en refusant de nous en fournir les éléments
financiers.
J’ai fait des recherches – après tout nous avons encore
onze nuits de débat. J’ai consulté notamment l’étude d’impact pour comprendre
par exemple comment évoluerait la valeur du point, comment est calculée la
valeur de service, comment est calculé le taux de rendement à 5,5 %
– une donnée essentielle puisque cela signifie que 10 euros de
cotisation donnent droit à 55 centimes d’euros versés chaque année pendant
sa retraite. Nous ne disposons d’aucun de ces éléments d’explication. Je dois
dire que je me sens très malheureux : comment peut-on apprécier, et
a fortiori voter, un projet de loi lorsqu’on ne connaît aucun élément
financier et alors que l’enjeu représente plus de 230 milliards d’euros par
an ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Mme Emmanuelle Ménard applaudit aussi.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Nous sommes réunis un dimanche après-midi et, une fois encore,
monsieur le ministre, vous n’êtes pas clair. Il est tout de même incroyable que,
malgré tous nos efforts pour connaître la réalité de votre projet de loi, nous
ne sachions toujours pas quel est l’âge d’équilibre à partir duquel les salariés
pourront faire valoir leur droit à une retraite à taux plein, sans décote.
L’ensemble des députés, de la droite à la gauche, s’interroge. Comme vient de le
dire monsieur Le Fur, vous dissimulez l’âge d’équilibre. Vous ne donnez pas
les chiffres. Vous venez à l’instant de dire qu’il faudrait faire évoluer l’âge
d’équilibre. Mais quel est cet âge ? À partir de quel âge les salariés nés
en 1975, qui auront donc 62 ans en 2037, pourront-ils partir à la retraite
sans décote ? Il est incroyable que nous l’ignorions encore aujourd’hui.
Dans l’étude d’impact, l’âge de 65 ans est évoqué. Mais la loi ne dit rien
à ce sujet, pas plus que vous dans vos réponses. Il est regrettable que nous ne
puissions pas avoir ce débat de fond dans l’hémicycle.
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Pour prolonger les propos de M. Carrez, je vous invite à
consulter les pages 204 et 205 de l’étude d’impact. Toutes les réponses y
figurent. Si on prend l’exemple d’un salarié non-cadre à carrière ascendante qui
part à la retraite à 65 ans, sa pension s’élève, dans le système actuel, à
2 128 euros et, dans le futur système, à 2 094 euros
– elle est donc en baisse. Pour un salarié sans enfants qui touche un
revenu moyen durant toute sa carrière, on observe exactement la même chose, de
même que pour un salarié sans enfants payé au SMIC à temps complet durant toute
sa carrière. Si vous examinez ce document en détail, vous remarquerez que
l’augmentation ne concerne que les carrières fortement ascendantes.
Cela
signifie simplement – sans, donc, que ce soit explicité – que, pour
bénéficier de la réforme, l’âge d’équilibre n’est pas 64 ans mais
65 ans voire 66.
M. Stéphane
Peu. Il serait bon que le ministre le dise !
M. Philippe
Vigier. Sauf, il faut être honnête, pour ceux dont la carrière aura été
très ascendante et dont la retraite, avec le nouveau système, augmentera très
substantiellement. Il suffit donc de lire l’étude d’impact pour savoir que l’âge
pivot est au moins 65 ans.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle
Obono. Je tiens à appuyer les propos de notre collègue Carrez qui a
inscrit de façon très pertinente cette réforme dans la logique de toutes les
précédentes, avec cette particularité qu’elle est la moins bien préparée, donc
la plus improvisée de toutes, même si on peut au moins reconnaître une certaine
cohérence au ministre des solidarités et de la santé puisque, avant de prendre
ses fonctions, il était déjà à l’œuvre. Je note toutefois chez lui une
incohérence quand il indique que la majorité et le Gouvernement tiennent compte
de l’espérance de vie dans la détermination de l’âge d’équilibre.
Je
souhaite des précisions de sa part car il n’est en fait nullement tenu compte de
l’espérance de vie pour un certain nombre de métiers : les égoutiers vivent
en effet de sept à dix-sept ans de moins que la moyenne non seulement de la
population mais aussi de la catégorie des ouvriers et des ouvrières ; ces
derniers ont une espérance de vie inférieure de six ans par rapport à celle des
cadres ; cet écart est de treize ans entre les 5 % les plus riches et
les 5 % les plus pauvres. Or vous ne semblez prévoir que des dispositifs
individuels qui permettraient éventuellement de partir un peu plus tôt, ce qui
nous semble assez superficiel quand on considère les données que je viens
d’évoquer et qui, pour le coup, sont objectives, à la différence des revenus que
vous inventez au fil de la discussion.
La prise en considération de
l’espérance de vie doit figurer noir sur blanc dans le texte. Vous devez en tout
cas, monsieur le ministre, pour la clarté des débats, préciser vos propos et
peut-être, alors, nous convaincrez-vous et parviendrons-nous à finir l’examen de
l’article 1er.
Mme la
présidente. La parole est à M. Patrick Mignola.
M. Patrick
Mignola. Dans le cadre de l’exercice de clarification auquel nous devons
nous livrer, j’en reviens au financement du projet. Le niveau des pensions est
une de nos priorités, pour les retraités d’aujourd’hui comme pour ceux de
demain. Nous avons accepté de partager nos réflexion sur l’équilibre général du
financement du système de retraite avec les partenaires sociaux au sein de la
conférence de financement. Or nous avons besoin d’avancer dans l’examen du texte
afin d’en venir, enfin, au projet de loi organique.
M. Thibault
Bazin. Après l’application de l’article 49, alinéa 3 !
M. Patrick
Mignola. Tant que nous ne serons pas allés au bout de l’examen du projet
de loi ordinaire, nous ne pouvons pas aborder le projet de loi organique, donc
débattre des grands équilibres, de la valeur du point, du financement du
système. Il semble donc assez difficile, alors que nous passons autant de temps
sur l’article 1er, de vous convaincre, comme vous nous le
demandez, que le financement du système est équilibré.
M. Thibault
Bazin. Nous pouvons très bien en discuter avant d’aborder l’examen du
projet de loi organique !
M. Patrick
Mignola. Il ne sera possible d’en débattre avec la conférence de
financement que lorsque nous en viendrons au projet de loi organique. Donc
avançons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Monique Limon.
Mme Monique
Limon. Nous souhaitons instaurer un système de retraite plus
distributif, c’est pourquoi nous proposons de prendre en considération la
totalité de la carrière, donc les carrières hachées, les carrières plates,
plutôt que les carrières longues et les carrières ascendantes. Ainsi, notre
régime à points, beaucoup plus redistributif que le système en vigueur, je le
répète, bénéficiera aux plus vulnérables qui sont principalement les femmes.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Nous nous écartons
quelque peu de l’objet de l’amendement, à savoir l’espérance de vie en bonne
santé. Le système universel de retraite sera, je ne peux pas ne pas le dire,
plus lisible que le système en vigueur. Les règles en seront comprises par tous,
en particulier en ce qui concerne l’évolution de l’âge d’équilibre et les
spécificité liées aux métiers, à la pénibilité, et non au statut – comme
c’est le cas aujourd’hui, le système évoluant selon le bon vouloir des
gouvernements et selon la situation budgétaire du moment.
Hier, le
secrétaire d’État Pietraszewski a très bien montré l’illisibilité du système
actuel. Tout au long de sa vie professionnelle, un individu va changer à cinq ou
six reprises de situation dont il ne sera pas tenu compte. Moi-même j’ai
34 ans, j’ai commencé ma vie professionnelle en 2009 avec une promesse de
départ à la retraite à 60 ans. Depuis, nous sommes passés à 62 ans et
le nombre d’années de cotisation est passé de quarante-deux à quarante-trois.
Or, en maintenant le système de retraite actuel, nous ne devrions pas
cesser de subir de ces réformes qui, tous les quatre ou cinq ans, changeraient
les règles.
C’est pourquoi nous proposons de passer à un système
universel de retraite avec des règles beaucoup plus lisibles et donc beaucoup
plus démocratiques.
M.
Jean-Marie Sermier. Ça n’a rien à voir !
(Les amendements identiques nos 303, 403 et
42526 ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir
l’amendement no 22731.
M.
Jean-Marie Sermier. Je suis heureux de ce que vous nous ayez annoncé,
monsieur le ministre, que le débat allait se poursuivre. Il faut en effet éviter
d’utiliser la stratégie de l’enlisement. La discussion de ce matin m’a évoqué
ces citadins au volant de leur automobile sur les routes enneigées du
département du Jura et qui, plus ils patinent, plus ils accélèrent et finissent
complètement enlisés. C’est en effet le sentiment que m’a donné la majorité.
M.
Jean-Pierre Door. Il faut mettre des chaînes !
M.
Jean-Marie Sermier. Le présent amendement de Sébastien Leclerc est un
amendement de vérité puisqu’il s’agit tout simplement, à l’alinéa 8, après
le mot « liberté », d’insérer les mots « toute relative »
car on ne peut pas considérer qu’on puisse choisir un départ à la retraite à
62 ans quand on va être victime d’une super décote et qu’on n’a pas la
capacité financière de faire, précisément, ce choix. Il faut donc dire la vérité
aux Français, à savoir qu’un certain nombre d’entre eux n’auront pas la liberté
de choix.
La preuve en est que, ce matin, le ministre alors présent a
fondé son exemple, pour répondre à notre excellent collègue Le Fur, sur un
départ à la retraite à 64 ans. Aussi faut-il être clair. En adoptant cet
amendement, vous le serez vis-à-vis des Français.
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Nous sommes
parfaitement clairs ! Le système universel de retraite offrira la
possibilité aux Français de choisir le moment de leur départ à la retraite et
comment ils veulent finir leur carrière. Je tiens à rappeler que nous
maintenons, tout en les rendant plus lisibles, les cas de pénibilité,
d’incapacité et les départs à la retraite de ceux qui auront mené une carrière
longue. Avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan
Balanant. Je comprends la volonté de M. Sermier d’avancer mais
j’avoue être un peu nul pour conduire sur la neige… En Bretagne il n’y en a pas
souvent et je ne sais pas faire. Mais franchement, penser qu’avec cet amendement
on va pouvoir accélérer les débats, je n’y crois pas.
M.
Jean-Marie Sermier. Il s’agit de dire la vérité aux Français.
M. Erwan
Balanant. Sur le plan légistique, remplacer le mot :
« liberté », par les mots : « liberté toute relative »,
je prends les Français à témoin, c’est faire preuve d’une précision
extraordinaire.
M.
Jean-Marie Sermier. Arrêtez de faire de l’obstruction !
M. Thibault
Bazin. Oui, c’est de l’obstruction !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Si
nous, nous faisons de l’obstruction, alors…
M. Erwan
Balanant. Je ne fais pas de l’obstruction, je montre seulement que,
parfois, vous êtes en train, vous, d’en faire.
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. Vous n’avez pas à nous faire de procès d’intention et nous avons
le droit de présenter les amendements qui nous paraissent utiles au débat. Notre
collègue Leclerc a souhaité déposer celui-ci parce qu’il touche à la philosophie
même du texte. Le système des retraites relève d’un choix de société mais aussi
d’un choix individuel. Les Français doivent pouvoir déterminer par eux-mêmes le
moment de leur départ à la retraite, encore faut-il qu’ils le fassent en
connaissance de cause.
M.
Jean-Marie Sermier. Exactement !
M. Stéphane
Viry. Et lorsque les cosignataires de l’amendement proposent de préciser
que cette liberté est « toute relative », ils souhaitent appeler
l’attention des Français sur les conséquences que votre projet pourrait avoir
sur eux. Nous en revenons dès lors à la discussion que nous venons
d’avoir : avancer l’âge de 62 ans, c’est se moquer du monde, ce n’est
pas dire la vérité, c’est se masquer, c’est faire en sorte que cette réforme
soit une occasion manquée alors qu’il est nécessaire d’assurer l’équilibre
financier du système.
Soyons clairs : la question des retraites
revient à la capacité à vivre des personnes qui ne travaillent plus, donc au
montant de leur pension. Or si l’on ne se soucie pas du montant des retraites,
on passe totalement à côté du débat. C’est pourquoi il est essentiel d’admettre
qu’il faut appeler l’attention de tout un chacun sur ses choix de carrière pour
savoir quel sera le niveau de sa pension.
Un dernier mot, si vous le
permettez, madame la présidente : bien sûr que nous souhaitons débattre du
projet de loi organique – d’autant plus que son article 1er
porte sur la règle d’or ; mais ce n’est pas parce que le projet de loi
organique est important que nous devons bâcler l’examen du projet de loi
ordinaire.
M. Marc Le
Fur. Tout à fait !
M. Stéphane
Viry. Ce n’est pas parce que le Gouvernement a pensé que nous aurions pu
discuter en deux semaines des soixante-cinq articles d’un texte qui remet
totalement à plat le système des retraites, que nous devrions accepter de
saborder nos débats.
M. Roland
Lescure. En huit jours nous n’avons pas dépassé
l’article 1er !
M. Stéphane
Viry. La question est simple : il ne s’agit pas de mener un autre
débat. En 1993, en 2003 et en 2010, il s’agissait de modifier les paramètres du
système, alors qu’il est ici question de modifier le système lui-même. Il faut
donc admettre qu’une telle discussion prenne plus que deux semaines.
(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. J’ai compris que M. Gouffier-Cha avait décidé de
commencer la séance de cet après-midi avec humour. Je lui en suis reconnaissant.
Il nous explique en effet que le projet de loi va être plus lisible qu’il n’est.
Je trouve cela extraordinaire. La valeur d’acquisition du point est inconnue,
l’âge auquel on pourra bénéficier d’une retraite à taux plein est également
inconnu, cela d’après un revenu moyen d’activité par tête inconnu à ce jour. En
matière de lisibilité, il est très difficile de faire pire. Vous avez le sens du
paradoxe et essayez de nous vendre une réforme pour l’inverse de ce qu’elle est.
Vous ne parvenez jamais à nous montrer en quoi, pour quelqu’un qui commence sa
carrière ou qui est au milieu de sa carrière, le système que vous proposez est
lisible pour ce qui concerne l’âge de départ à la retraite et en ce qui concerne
le niveau des pensions.
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Je prolonge ma précédente intervention, cher Olivier Véran, et
vais tâcher de comprendre ce qui a présidé aux choix faits concernant les
carrières très ascendantes. Notre collègue Viry y a fait allusion :
certains n’auront pas le choix de partir à 62, 63 ou 64 ans. S’ils partent
à moins de 65 ans, leur retraite sera inférieure à ce qu’elle serait
aujourd’hui.
Prenons le cas d’un salarié cadre à carrière très ascendante
– c’est l’exemple figurant à la page 206 de l’étude d’impact. Qu’il
soit né en 1975, en 1980, en 1990 ou en 2003, s’il part à la retraite à l’âge de
62 ans, il aura en plus par mois, avec le nouveau système, de
200 euros, s’il est né en 1990, à 1 000 euros s’il est né en
2003. Ces salariés-là toucheront donc 25 % de plus à la retraite que ceux
qui sont au même poste et qui prennent leur retraite aujourd’hui. Ce que je ne
parviens pas à comprendre, monsieur le rapporteur général, c’est que eux
pourront partir plus tôt. Donc quelqu’un qui aurait une carrière très
ascendante, pourra même partir à 60 ans avec la même retraite que quelqu’un
qui, dans la même situation, part à la retraite aujourd’hui. Relisez donc la
page 206 de l’étude d’impact et vous verrez bien car, comme disait
quelqu’un, vous aurez les chiffres en toutes lettres sous les yeux…
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous
n’avez toujours pas répondu à nos questions : à quel âge pourra-t-on partir
à la retraite sans décote ? Aujourd’hui, les choses sont claires : un
jeune qui a commencé à travailler à 18 ans sait qu’il pourra prendre sa
retraite après quarante-trois ans de cotisation, à 61 ans. Avec votre
réforme par points, selon l’étude d’impact, un jeune qui a commencé à travailler
à 18 ans devra continuer jusqu’à 65 ans : pouvez-vous nous
confirmer qu’il devra bien travailler quarante-sept ans ?
Nous avons
besoin de parler de choses concrètes et de disposer de chiffres précis. Quel
sera l’âge d’équilibre du système par points à partir de 2037 ?
Mme la
présidente. La parole est à Mme Carole Grandjea.
Mme Carole
Grandjean. Au titre IV pour lequel je suis rapporteure et dont nous
aurons évidemment l’occasion de débattre…
M. Thibault
Bazin. Après les municipales !
Mme Carole
Grandjean. …nous traiterons de la gouvernance et du conseil
citoyen. Les conditions de départ à la retraite seront discutées grâce aux
outils de gouvernance que nous créerons. Je pense au particulier au conseil
d’administration de la Caisse nationale de retraite universelle, composé dans le
respect du paritarisme auquel nous croyons tous, éclairé par un conseil
d’experts et accompagné d’un conseil citoyen représentant les retraités et,
au-delà, l’ensemble des citoyens.
M. Raphaël
Schellenberger. C’est l’organisation de la non-décision et de
l’irresponsabilité !
Mme Carole
Grandjean. Le titre IV nous permettra de revenir sur ces sujets sur
lesquels je tiens à travailler avec vous, car le Parlement doit se prononcer en
la matière. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je veux rassurer
M. Roussel : demain, le jeune qui a commencé à travailler à dix-huit
ans, pourra bénéficier du dispositif de retraite anticipée pour carrière longue
et partir à 60 ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Roland
Lescure. Et voilà !
M. Philippe
Vigier. Moi, je n’ai pas eu de réponse !
(L’amendement no 22731 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je suis saisie d’une série de vingt et un amendements
pouvant faire l’objet d’une discussion commune. Elle comprend les amendements
identiques nos 214, 11351, et 24639 ; les amendements
identiques nos 504 et 42529 ; les amendements identiques
no 505, no 29408 et quinze amendements
identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine, qui font l’objet de sous-amendements.
La parole est à
M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 214.
M. Dino
Cinieri. Il n’est pas tolérable que le projet de loi contienne de telles
béances quant aux critères de départ à la retraite. C’est pourquoi il faut
consacrer l’âge actuel qui est déjà difficile à atteindre pour beaucoup de
Françaises et de Français qui travaillent dur ou qui ont été mis hors du marché
de l’emploi à leurs dépens.
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir
l’amendement no 11351.
M. Marc Le
Fur. Chacun parle de ce qu’il connaît. Moi, dans ma circonscription, je
connais deux abattoirs qui transforment les produits carnés, l’un et l’autre
emploient près de 3 000 salariés. Cette activité concerne donc environ
6 000 personnes qui ont des conditions de travail et des horaires très
durs, et des salaires modestes. Elles souffrent en particulier de TMS
– troubles musculo-squelettiques. Monsieur le ministre, vous êtes médecin,
vous savez ce que sont les troubles du muscle et du squelette, mais, en général,
on en parle très peu, tout simplement parce qu’ils ne tuent pas, pourtant, quand
on en souffre, on est cassé.
Quand on travaille dans le froid – ce
qui est inéluctable dans un abattoir pour préserver la viande – et dans
l’humidité, et que l’on exécute des gestes répétitifs, les taux de TMS montent
en flèche. Les poignées, les coudes, les épaules et le cou sont touchés. Ces
problèmes sont très réels et très concrets. Que devrai-je annoncer demain à ces
salariés ? Ils se disent qu’une réforme est en cours et que l’on va penser
à eux. Je voudrais pouvoir leur donner des réponses très
précises.
Hélas ! je vais devoir leur expliquer que, même s’ils
attendent 62 ans pour prendre leur retraite, même s’ils ont cotisé
quarante-trois ans, ils partiront avec un malus, c’est-à-dire une retraite
réduite !
M. Pierre
Dharréville. Voilà !
M. Marc Le
Fur. C’est la réalité que vous nous préparez. Et que puis-je leur dire
de la prise en compte de leurs conditions de travail ? Que s’ils se
retrouvent vraiment dans l’incapacité de travailler, on leur fera la
charité ? Ce n’est pas ce qu’ils demandent ; ils veulent un droit à la
retraite.
Dans notre logique, la contrepartie de l’évolution de l’âge de
départ à la retraite, liée à l’allongement de l’espérance de vie, consiste à
tenir compte de la situation de salariés comme ceux des abattoirs. Ils sont au
travail, ils concourent à notre économie, ils concourent à nos exportations, ils
concourent à la qualité des biens consommés par nos compatriotes, mais ils
souffrent des troubles du muscle et du squelette. Que leur dites-vous, monsieur
le ministre ?
Mme la
présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 24639.
Mme
Emmanuelle Ménard. Je regrette que vous n’ayez pas accepté la
suppression de l’alinéa 8. Je l’ai dit ce matin, la « liberté de
choix » qu’il évoque n’existe pas, ou si elle existe, c’est seulement pour
ceux qui n’ont pas de difficultés financières et qui peuvent prendre du
« temps pour eux », comme je l’ai entendu dire.
Je soutiens en
conséquence un amendement de repli afin que l’objectif énoncé à l’alinéa 8
soit ainsi rédigé : « Un objectif de liberté de
choix pour les assurés, leur permettant, sous réserve d’un âge
minimum, tenant compte de la pénibilité des emplois et du nombre d’enfants
élevés par les assurés, de décider de leur date de départ à la retraite en
fonction du montant de leur retraite. »
Il me semble en effet
important de rappeler, dès l’article 1er, qu’au-delà de l’âge
minimum de départ à la retraite, la pénibilité doit être l’un des critères
permettant de partir plus tôt à la retraite. Il est également bon de préciser
que la réforme doit encourager la natalité : la prise en compte du nombre
d’enfants élevés par les assurés doit permettre de moduler l’âge minimum de
départ à la retraite à taux plein.
Mme la
présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques,
nos 504 et 42529.
La parole est à M. Thibault Bazin,
pour soutenir l’amendement no 504.
M. Thibault
Bazin. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, je vous
félicite à mon tour de siéger désormais sur les bancs du
Gouvernement.
L’amendement no 504, dont le premier
signataire est M. Pierre Cordier, vise à rappeler que la prise en compte du
nombre d’enfants élevés par les assurés doit permettre de moduler l’âge minimum
de départ à la retraite à taux plein.
Je rappelle que, dans le PLFSS pour
2020, nous avons de nouveau raboté l’indemnité journalière pour les mères de
familles nombreuses : on est passé d’un taux majoré de 66,6 % à un
taux majoré de 50 %. Cela fait partie de votre projet de société, mais
c’est une vision de la société que je ne partage pas.
Votre futur système
encourage l’individualisme alors que nous devrions continuer à valoriser la
solidarité, notamment la solidarité conjugale en préservant les droits
conjugaux. On fait le pari de séparations futures, avant les 4 ans de
l’enfant. Le couple qui ne se sépare pas sera finalement
perdant !
Aujourd’hui, un couple qui a trois enfants a droit à deux
types de majoration : des majorations de pension de 10 % pour le
troisième enfant, destinées à chacun des deux parents, et des majorations de
durées d’assurance qui peuvent permettre de bénéficier de plusieurs trimestres
supplémentaires par enfant. Aujourd’hui, les femmes concernées peuvent donc
partir sans décote à 62 ans en bénéficiant d’une majoration de pension de
10 %, qui vaudra aussi pour leur mari.
Demain, dans votre système,
les familles ayant trois enfants bénéficieront d’une majoration de pension de
5 % par enfant, plus une bonification de 2 %, autrement dit, la
majoration de pension s’élèvera à 17 %, mais elle se partagera au sein du
couple, et il n’y aura plus de majoration de la durée d’assurance.
Dans
ce système, si une femme prend sa retraite à 62 ans, elle se verra
appliquer une décote de 5 % par an par rapport à la pension qu’elle aurait
perçue à 64 ans. Sa majoration de 17 % sera rognée par la décote de
10 % due à son départ à 62 ans. Cette majoration ne sera finalement
plus que de 7 % pour elle seule, car son mari ne bénéficie plus des
10 %.
On passe donc d’un système où le couple pouvait partir à la
retraite à 62 ans avec une majoration de pension globale de 20 % à un
système dans lequel, au même âge, seule la femme bénéficiera d’une majoration de
7 %. Vous voyez bien que votre réforme ne fait pas que des gagnants :
il y aura aussi des perdants. J’aimerais qu’on ne les oublie pas !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Roland
Lescure. Vous avez mathématiquement raison, mais politiquement
tort ! (Sourires.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir
l’amendement no 42529.
M. Marc Le
Fur. Monsieur le ministre, les familles sont les grandes perdantes de
votre système, en particulier les femmes qui voient disparaître les huit
trimestres supplémentaires par enfant qui leur étaient systématiquement
attribués. Vous me direz que cette approche est une survivance, que, demain,
toutes les femmes travailleront, et qu’il y aura plus besoin de ces huit
trimestres. Il reste un problème : aujourd’hui, pour atteindre la durée de
la retraite à taux plein, seulement 20 % des femmes peuvent se passer de
leurs huit trimestres. Cette majoration que vous faites disparaître est
essentielle et elle est d’autant plus nécessaire que les familles ont eu un plus
grand nombre d’enfants.
Vous faites aussi disparaître la majoration de
pension de 10 % pour chacun des membres du couple. Vous faites disparaître
les pères. Vous appliquez la logique PMA : en matière de retraite, il n’y a
plus de père, il n’y a qu’un seul bénéficiaire. Or le propre de l’éducation d’un
enfant, d’une éducation stable, c’est d’être prodiguée à la fois par le père et
la mère ; vous y renoncez.
Notre collègue Thibault Bazin a
parfaitement expliqué que la suppression des deux majorations de 10 %,
remplacée par la majoration de 5 % par enfant, même bonifiée, constituait
une perte objective. Monsieur le ministre, essayez au moins de rétablir un peu
d’équilibre ! Nous avons besoin des familles pour l’équilibre de notre
système de retraite fondé sur les cotisations des actifs. Or les actifs de
demain sont les enfants d’aujourd’hui et de demain, qu’on le veuille ou non. Si
vous n’encouragez pas la natalité, si vous ne donnez pas des signes positifs aux
familles, notre système sera inéluctablement déséquilibré.
Mme la
présidente. Je suis saisie de dix-sept amendements identiques, les
nos 505 et 29408, ainsi que quinze amendements
identiques déposés par les membres du groupe de la de la Gauche démocrate et
républicaine. Ils font l’objet de plusieurs sous-amendements.
La parole
est à Mme Valérie Bazin-Malgras, pour soutenir l’amendement
no 505.
Mme Valérie
Bazin-Malgras. M. Pierre Cordier en est le premier signataire. Il
vise à compléter l’alinéa 8 par les mots : « tenant compte de la
pénibilité des emplois ». Le critère de pénibilité doit permettre de
moduler l’âge minimum de départ à la retraite à taux plein. Chaque emploi est
différent : on doit en tenir compte pour fixer l’âge de départ en retraite
et jauger la pénibilité pour les travailleurs.
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel pour soutenir
l’amendement no 29408 et les quinze amendements identiques déposés
par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Fabien
Roussel. Vous constatez, madame la présidente, que nous défendons une
longue série d’amendements identiques en ne prenant la parole qu’une seule
fois : il y a une seule intervention, mais nous espérons qu’elle nous
permettra d’obtenir au moins une réponse.
L’espérance de vie en bonne
santé des hommes est de 63,4 ans et celle des femmes de 64,5 ans. Mais
au-delà de ces chiffres, il faut prendre en compte la pénibilité : l’écart
d’espérance de vie entre un cadre et un ouvrier est de six ans et demi. Quant à
l’écart d’espérance de vie entre les 5 % des Français les plus riches et
les 5 % les plus modestes, il s’élève à treize ans. C’est la
réalité.
En 2017, vous avez décidé de renoncer à quatre des dix critères
de pénibilité. Exit les postures pénibles, le port de charges, les vibrations ou
l’exposition aux agents chimiques qui concerne 2,5 millions de
salariés !
Nous demandons que les personnes exerçant tous ces
métiers pénibles puissent partir en retraite plus tôt que les autres. À ce jour,
nous ne connaissons toujours pas l’âge d’équilibre que vous comptez proposer,
mais si vous le fixez à 65 ans, comme le fait votre étude d’impact, ceux
qui ont des métiers pénibles devront partir à 63 ans, ce qui est terrible.
Nous proposons de leur permettre un départ à 55 ans : voilà une
ambition pour notre pays au XXIe siècle ! Cela correspond à
peu près aux âges de départ qui ont été négociés dans certaines professions
protégées par des régimes spéciaux.
Mme la
présidente. Nous abordons les sous-amendements dont fait l’objet la
dernière série d’amendements identiques.
La parole est à M. Marc
Le Fur, pour soutenir le sous-amendement no 42515.
M. Marc Le
Fur. Monsieur le ministre, je veux obtenir des réponses s’agissant de
certaines activités professionnelles. J’ai évoqué le monde de l’agroalimentaire
– travail dans le froid et l’humidité, gestes répétitifs –, mais je
voudrais également mentionner ceux qui travaillent dans le domaine de l’aide à
la personne, auprès des personnes âgées. Ces employés travaillent au domicile
des patients, souvent dans des conditions délicates, et sont également soumis à
des formes de troubles musculo-squelettiques, TMS.
On pourrait également
évoquer le cas des caissières ; vous voudriez les faire disparaître des
supermarchés, mais aujourd’hui, beaucoup d’entre elles connaissent des TMS,
notamment au niveau des bras.
Ce sujet passe sous les radars – on
n’en parle pas dans la presse parisienne, car celle-ci ne fréquente pas ce
monde-là –, mais n’en demeure pas moins déterminant. Monsieur le ministre,
je compte sur vous personnellement ; je crois que ma confiance est fondée,
mais encore faut-il inclure dans le texte des éléments précis permettant à ces
gens, confrontés à ces difficultés et souvent cassés, de partir en retraite à
62 ans sans malus.
M. Pierre
Dharréville. Eh oui !
M. Marc Le
Fur. C’est élémentaire et ce n’est pas la mer à boire : c’est ce
qui se pratique aujourd’hui, donc ce n’est pas impossible. Ce n’est pas une
ambition démesurée, mais si on ne le précise pas, ce public, qui réunit des
centaines de milliers voire des millions de personnes, sera confronté à des
difficultés plus grandes encore.
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir le
sous-amendement no 42396.
M. Éric
Coquerel. Le sous-amendement propose de tenir compte de la pénibilité
des emplois « effectués tout au long de la carrière de l’assuré ». En
effet, comme le précise notre contre-projet, nous estimons que chaque trimestre
travaillé à un poste pénible doit donner des droits à partir plus tôt, sans
limitation d’âge ni de trimestres, et qu’il faut, en concertation avec les
partenaires sociaux, élargir la liste des facteurs de pénibilité.
C’est
tout l’inverse que vous vous apprêtez à faire : vous supprimez les régimes
spéciaux et proposez, à la place, une façon complexe de prendre en compte la
pénibilité. Premièrement, grands seigneurs, vous autorisez les personnes
souffrant d’une incapacité permanente, qui ont déclaré une maladie du fait d’un
travail pénible, à partir deux ans plus tôt. Deuxièmement, en revanche, vous
restreignez le champ de la prévention puisque le compte personnel de prévention
créé dans le cadre de la loi Pénicaud – les lois précédentes ont préparé ce
que vous êtes en train de faire – a éliminé quatre facteurs de
pénibilité : exposition aux postures pénibles, vibrations mécaniques,
risques chimiques et port de charges lourdes.
M. Erwan
Balanant. On en a déjà parlé hier. C’est Un Jour sans
fin !
M. Éric
Coquerel. Ces critères étaient pourtant très peu efficaces puisqu’entre
2015 et 2017, seules 406 personnes sont parties en retraite anticipée grâce au
dispositif.
Dans votre projet, quelques personnes auront bien la
possibilité de partir deux ans plus tôt, mais – attention ! –
sans forcément bénéficier des avantages liés à l’âge d’équilibre. Voilà la
manière dont vous tenez compte de la pénibilité. Si j’ai bien compris, comme
vous êtes quand même gênés aux entournures, vous prévoyez de nous dire que
certains métiers ne pourront plus être pratiqués au-delà d’un certain âge. On ne
sait pas bien ce que vous ferez des personnes concernées, mais la question
viendra dans le débat plus tard.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir le
sous-amendement no 42394.
Mme Danièle
Obono. Le sous-amendement appuie l’amendement de nos collègues. En
effet, c’est un des sujets qui rendent manifeste l’impasse de ce projet de loi.
On nous a dit que celui-ci créerait un système de retraite universel, dans
lequel le point aurait la même valeur pour tout le monde ; mais la
complexité du salariat, avec ses différents statuts et ses conditions de travail
variées, rend cette universalité impossible. Vous l’avez d’ailleurs
reconnu.
Je voudrais rebondir sur un exemple pris par notre collègue
Le Fur, qui montre qu’il n’y a pas besoin de moins, mais de plus de régimes
spéciaux – ou spécifiques, comme vous les avez renommés – puisqu’il
faudrait tenir compte de la réalité des conditions de travail des caissières ou
des salariés travaillant dans les métiers de la petite enfance ou de la
dépendance, qu’on a besoin de développer. Ces métiers présentent des conditions
de pénibilité particulières qui, sans être létales, handicapent les salariés
quand ils sont en activité et surtout quand ils – ou plutôt elles, car il
s’agit essentiellement de femmes – arrivent péniblement à la
retraite.
Ces situations sont abordées dans notre contre-projet. Beaucoup
de collègues l’ont lu et se sont étonnés de son caractère synthétique ;
quand on fait une étude d’impact truquée de 1 000 pages, il est
difficile de concevoir qu’on puisse développer des idées simples et efficaces en
quelques pages ! Si vous l’avez lu, vous savez que nous avançons une
proposition qui permettrait de tenir compte des conditions de pénibilité de ces
secteurs. Vous dites que les femmes qui y travaillent seront les grandes
gagnantes de la réforme, mais toutes les études – et pas seulement la
nôtre – montrent que ce n’est pas le cas.
Chers collègues, vous qui
dites souhaiter un débat de fond, voilà une proposition que nous mettons en
avant ; où sont vos contre-arguments qui viendraient expliquer pourquoi on
ne tiendrait pas compte de la pénibilité de ces secteurs pour améliorer le
système actuel ? Nous attendons vos réponses avec
impatience !
Mme la
présidente. Les sous-amendements nos 42517, 42518, 42519
et 42530 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l’avis de la
commission sur cet ensemble d’amendements en discussion commune et sur les
sous-amendements dont fait l’objet la dernière série d’amendements
identiques ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Beaucoup de choses
ont été dites, mais je voudrais revenir sur les amendements qui, en plus de la
compensation de la pénibilité, visent à attribuer au système de retraite un
objectif nataliste. On peut partager ces objectifs, mais qu’il s’agisse de la
prise en compte de l’état de santé ou de l’éducation d’enfants, le texte les
mentionne déjà à l’alinéa 6. Reconnaissons collectivement que nous avons
passé peu de temps sur cet alinéa, qui n’a fait l’objet que de
289 amendements (Sourires) ; je vais donc le
relire.
L’alinéa 6 dispose que le système universel de retraite vise
« un objectif de solidarité, au sein de chaque génération, notamment par la
résorption des écarts de retraites entre les femmes et les hommes, par la prise
en compte des périodes d’interruption et de réduction d’activité et de l’impact
sur la carrière des parents de l’arrivée et de l’éducation d’enfants, ainsi que
par la garantie d’une retraite minimale aux assurés ayant cotisé sur des faibles
revenus. À ce titre, le système universel de retraite tient compte des
situations pouvant conduire certains assurés, pour des raisons tenant à leur
état de santé ou à leur carrière, à anticiper leur départ en
retraite ».
Aussi, je pense que ces amendements sont satisfaits et
je vous demande de les retirer ; à défaut, avis défavorable.
Un
dernier point tout de même sur la question de l’égalité entre les femmes et les
hommes. Je rappelle qu’en 2018, 16 % des femmes – soit 80 000
d’entre elles – ont dû attendre 67 ans pour partir à la retraite sans
décote…
M. Fabien
Roussel. Supprimez cette décote !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. …et que seulement
deux tiers des droits sociaux bénéficient aux femmes. Demain, avec le système
universel, ces femmes pourront partir deux ans plus tôt, à taux plein, et toutes
les femmes bénéficieront de l’intégralité des droits familiaux. Il faut en
permanence souligner ces avancées. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
Avis défavorable à tous les amendements et sous-amendements
de la série.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier
Véran, ministre. D’abord, permettez-moi de souligner une
évolution sémantique intéressante. Quand j’ai quitté les débats sur la loi
relative au système de retraite, j’entendais sur les bancs de l’opposition
qu’avec cette réforme, il n’y aurait que des perdants. Aujourd’hui, plusieurs
interventions de l’opposition ont laissé entendre qu’il n’y aurait pas que des
gagnants. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Je note cette prise de conscience aiguë qui montre que, même s’il prend du
temps, l’examen du texte permet à chacun de se convaincre du fait qu’il laissera
un très grand nombre de Français gagnants par rapport au système actuel.
M. Stéphane
Peu. Dans six mois, nous serons tous convaincus…
M. Olivier
Véran, ministre. Plusieurs questions précises ont été posées,
notamment par les députés du groupe Les Républicains, que je remercie de
rester dans le cadre du texte examiné – c’est plus agréable que de faire
face à des discussions foisonnantes.
Je voudrais tout d’abord vous dire
que, comme aujourd’hui, la loi reconnaîtra demain les facteurs de pénibilité et
l’incapacité permanente, à partir de 10 %. Monsieur Le Fur, je vous
remercie pour votre question sur les TMS – à laquelle je suis aussi
sensible que vous. Pour les personnes qui se sont brisé les reins dans des
carrières difficiles, nécessitant des efforts physiques, et qui souffrent de TMS
entraînant une incapacité permanente de 10 %, la reconnaissance de cette
incapacité est effective aujourd’hui et le sera tout autant demain. Soyez assuré
que ces personnes pourront toujours partir en retraite sans décote, comme elles
le peuvent aujourd’hui : pour ces catégories, la règle sera toujours celle
d’une retraite à 60 ans à taux plein.
En revanche, ce qui va
changer, c’est que cette possibilité sera désormais ouverte aux fonctionnaires,
aux indépendants et à tous ceux qui relèvent aujourd’hui de régimes spécifiques
– qui, jusque-là, étaient exclus de ce dispositif.
M. Patrick
Mignola. Eh oui !
M. Olivier
Véran, ministre. Des centaines de milliers de Français
supplémentaires pourront donc bénéficier des dispositifs auxquels vous tenez
tant ; soyez-en satisfait avec nous !
Deuxième point : on
instaure un congé de formation à visée de reconversion professionnelle, d’une
durée de six mois, qui sera financé pour tous les salariés qui peuvent y
prétendre.
M. Erwan
Balanant. M. Le Fur n’écoute pas !
M. Olivier
Véran, ministre. Dans les métiers que vous avez cités, certaines
personnes qui ont dépassé 40 ou 50 ans et qui en ont assez car elles ont
mal au dos, voudraient faire autre chose ; pour cela, elles ont besoin
d’être formées, mais elles ne peuvent pas forcément arrêter de travailler car
cela coûterait trop cher et qu’elles ont besoin de rapporter de l’argent à la
maison. Ces personnes auront droit à six mois de congé de formation et de
reconversion professionnelle, intégralement payé, pour pouvoir changer de métier
et épargner leur santé pour le reste de leur vie active. (Applaudissements
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Pierre
Dharréville. Vous n’inventez quand même pas la formation
professionnelle !
M. Olivier
Véran, ministre. Par ailleurs, monsieur Le Fur, s’il est
important de reconnaître les TMS quand ils sont déjà installés, il est encore
plus intéressant de les prévenir. (Mêmes mouvements.)
M. Bruno
Millienne. Eh oui !
M. Olivier
Véran, ministre. Constater qu’à 60 ans, quelqu’un dont on
sait qu’il se brise les reins toute sa vie durant aura en effet les reins brisés
n’est pas très intéressant pour la personne. Ce que nous souhaitons, c’est
prévenir cette situation. Nous allons investir massivement dans la santé au
travail : c’est notamment l’objet de la visite en médecine du travail qui
sera systématiquement proposée, à l’âge de 55 ans, dans le cadre des
accords de branche (Mêmes mouvements), à tous les Français salariés quel
que soit leur emploi, si celui-ci présente des risques pour leur santé au regard
de leur carrière. Cette visite permettra d’anticiper avec eux le fait que, s’ils
continuent à travailler dans la même branche professionnelle, il sera trop tard
pour prévenir les dégâts. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Cette prévention, que nous souhaitons instaurer, est une très bonne
chose.
Monsieur Le Fur, vous semblez regretter un dispositif que
nous allons renforcer. Sachez qu’aujourd’hui, seuls 3 500 Français en
bénéficient. Croyez-vous qu’il n’y a pas plus de nos concitoyens qui voudraient
profiter de la prévention et d’une reconversion professionnelle ? Bien sûr
que si ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Erwan
Balanant. Bravo !
M. Olivier
Véran, ministre. Et nous allons les chercher pour augmenter le
taux de recours, car nous voulons protéger les Français qui ont souffert au
cours de leur vie professionnelle.
Dernier point. Vous avez également
parlé de l’âge de la décote. L’annulation de la décote n’interviendra plus à
67 ans, comme c’est le cas aujourd’hui. Les rapporteurs l’ont déjà rappelé,
et j’imagine que ce fait a été répété toute la semaine, mais j’y reviens encore
car c’est un point important. Plus personne ne sera obligé de travailler jusqu’à
67 ans pour pouvoir prendre sa retraite avec annulation de la décote. Ces
femmes, ces hommes, les gens qui ont commencé à travailler tôt ou qui ont
commencé tard, et qui jusqu’ici devaient trimer jusqu’à 67 ans, c’est fini,
c’est terminé ! (Mêmes mouvements.)
Mme Sandra
Marsaud. Quelle avancée !
M. Olivier
Véran, ministre. Mesdames et messieurs les députés de tous les
bancs, nous partageons votre sensibilité sociale à l’égard de celles et ceux qui
éprouvent de la souffrance physique au travail. J’espère vous avoir convaincus.
En tout cas, je donne, au nom du Gouvernement, un avis défavorable à l’ensemble
de ces amendements et sous-amendements. (Mêmes mouvements.)
M. Bruno
Millienne. Excellent !
Mme la
présidente. La parole est à M. Jacques Maire.
M. Jacques
Maire. M. le ministre ayant dit beaucoup de choses, je ne vais pas
revenir sur les points qu’il a abordés, mais j’aimerais rebondir sur les propos
de mon collègue Le Fur, élu d’un territoire proche d’un autre où je me suis
beaucoup investi. Nous avons tous, vous comme moi, eu à connaître la situation
de salariés qui développent des troubles musculosquelettiques – TMS –
car ils travaillent dans des abattoirs ou des entreprises de transformation de
viande, c’est-à-dire dans des lieux frigorifiés, à des tâches répétitives et
difficiles, par équipes.
Grâce à ce qui s’est passé la semaine dernière,
ces salariés verront leur situation s’améliorer très nettement. Le fait de
travailler dans un environnement réfrigéré à 5 degrés Celsius leur donnera
des points dans leur compte professionnel de prévention – C2P. Nombre de
ces salariés tournent aussi en équipe, dans un travail posté, c’est-à-dire
qu’ils sont soumis à une polyexposition qui était très mal reconnue jusqu’à
présent. Si le texte prospère jusqu’à son adoption, enrichi de ces amendements,
cette meilleure reconnaissance de la poly-exposition leur permettra d’avoir
15 points au lieu de 8, ce qui correspond à un quasi-doublement.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) Avant
même la conclusion de la conférence sociale, l’étape de la semaine dernière a
été très importante.
Pour répondre à nos collègues de La France insoumise
et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sur les critères de
pénibilité qui ont été supprimés, je dirai qu’évidemment les TMS sont mal
reconnus – exception faite de la question de l’invalidité. C’est pourquoi,
avec le Gouvernement, nous avons préparé un amendement qui sera examiné à
l’article 33 – je suis sûr que nous arriverons jusque-là – et qui
permettra, dans les accords de branche, d’identifier les postures, les
situations de travail et les métiers qui peuvent entraîner des TMS. Cette
disposition avait été supprimée en 2017, car jugée ingérable. Nous allons la
réintroduire de façon collective, dans quelques semaines. (Applaudissements
sur quelques bancs du groupe LaREM.– Exclamations sur les
bancs du groupe FI.)
Mme
Mathilde Panot. Ah ! La belle argumentation !
M. Raphaël
Gérard. De quoi vous plaignez-vous ?
Mme Danièle
Obono. On supprime, puis on remet…
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Les amendements examinés portent sur l’alinéa 8
de l’article 1er. J’avoue que nous avons un peu de mal à
suivre : avec tous ces amendements et sous-amendements, il faut se
concentrer pour essayer de faire son travail sérieusement…
J’ai
l’impression que nous sommes là en train de faire un index ; mais, au lieu
de le faire à la fin du texte, comme c’est généralement le cas dans un ouvrage,
on le fait à l’article 1er ! Je vais néanmoins vous
aider : les mesures concernant les enfants se situent aux articles 44
et suivants, celles sur la pénibilité arrivent à partir de
l’article 32.
Chers collègues, plutôt que de perdre notre temps dans
l’examen d’amendements qui n’ont d’autre objet que d’obtenir du temps de parole
– nous l’avons compris depuis un moment –, nous devrions avancer dans
nos travaux, car ce texte est très riche et il y a beaucoup à en dire sur le
fond.
M. Éric
Coquerel. C’est vous qui retardez le débat ! Vous faites de
l’obstruction !
M.
Jean-Paul Mattei. Nous en sommes aux amendements à l’alinéa 8 de
l’article 1er : franchement, ce n’est pas une bonne méthode
de travail !
Mme Danièle
Obono. Nous parlons de la pénibilité !
M.
Jean-Paul Mattei. Dernière chose : je suis un vieux jeune
député ; nombre d’entre nous ont, comme moi, eu une vie et des expériences
avant de siéger dans cet hémicycle. Vous n’avez pas le monopole de la
connaissance de la vie des gens ! Vous donnez l’impression que vous êtes
les seuls à connaître la vraie vie, et c’est un peu agaçant.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Marc Le
Fur. Rappel au règlement ! (M. Le Fur brandit
Nos Lieux communs, de Richard Ferrand.)
Mme la
présidente. Veuillez m’excuser, monsieur Le Fur, mais il ne semble
pas s’agir d’un rappel au règlement…
M. Marc Le
Fur. C’est vraiment un rappel au règlement, même si j’en profite pour
faire un peu de publicité à l’excellent livre de notre président, Nos lieux
communs. (Exclamations et rires sur divers bancs.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. On
n’a pas le droit de faire cela, madame la
présidente !
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au
règlement – sur quel article se fonde-t-il, cher collègue ?
M. Marc Le
Fur. Sur l’article 100, alinéa 5, madame la
présidente.
Monsieur Mattei, j’ai posé des questions auxquelles le
ministre a bien voulu répondre. Or c’est précisément le moment que vous
choisissez pour polémiquer à nouveau ! (Mme Danièle
Obono applaudit.)
M. Éric
Coquerel et M. Jean-Luc Mélenchon. Exact !
M. Fabien
Roussel. Vous ne pouvez pas vous en empêcher !
M. Marc Le
Fur. Nous discutons du fond. Je considère que les réponses du ministre
sont intéressantes : elles dénotent une volonté de traiter le sujet, même
si je ne crois pas vraiment à la possibilité d’une reconversion massive.
Quelques individus pourront se reconvertir, mais pour les salariés d’un
abattoir, il n’y a pas trente-six reconversions possibles dans la même
entreprise.
M. Philippe
Latombe et M. Gilles Le Gendre. Ce n’est pas un rappel au
règlement !
M. Marc Le
Fur. Il ne faut donc pas se faire trop d’illusions sur la reconversion.
Certes, il ne faut pas caricaturer le monde de l’agroalimentaire ; certes,
il convient de reconnaître qu’il y a déjà des choses qui s’y passent, mais…
Mme la
présidente. Monsieur Le Fur, je vous prie de conclure.
M. Marc Le
Fur. Quoi qu’il en soit, monsieur Mattei, nous débattons actuellement du
fond. Essayons de traiter de ces questions.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Cessez donc de faire de l’obstruction, monsieur
Mattei !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Non, monsieur Mattei, nous ne perdons pas notre temps. Nous
évoquons un sujet essentiel (Soupirs sur les bancs du groupe MODEM),…
M. Bruno
Millienne. Comme hier soir, comme avant-hier soir, comme
avant-avant-hier soir…
M. Régis
Juanico. …sur lequel, de surcroît, le ministre vient de nous apporter un
certain nombre de réponses : c’est quand même très
intéressant !
Je remercie Marc Le Fur d’aborder la question des
troubles musculosquelettiques. Nous avons tous eu une expérience professionnelle
avant de devenir députés, disiez-vous, monsieur Mattei. Pour ma part, j’étais
chargé de mission à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de
travail à l’époque où ont été lancées les actions sur la qualité de vie au
travail. C’est pourquoi je connais bien les TMS.
Premiers responsables
des maladies professionnelles – 70 % du total –, les TMS sont une
pathologie des tissus mous qui affecte les articulations, les muscles, les
tendons, les coudes, provoquant le syndrome du canal carpien, des lombalgies,
des cervicalgies, le syndrome de la coiffe des rotateurs de l’épaule. Il s’agit
donc d’un problème majeur.
Le ministre annonce une mesure de
prévention : un bilan à l’âge de 55 ans.
M. Olivier
Véran, ministre. Je n’ai pas dit que l’on ne ferait que
cela !
M. Régis
Juanico. Or il importerait de prévenir l’usure professionnelle dès
l’entrée des jeunes dans la vie active, notamment en adaptant les postes de
travail. À cet égard, la somme de 100 millions d’euros, que vous avez
annoncée, me paraît très faible pour mener des actions à l’échelle nationale. Le
Fonds pour l’amélioration des conditions de travail permet déjà aux entreprises
d’adapter les postes de travail. En la matière, des progrès restent à
faire.
Toutefois, le réel enjeu, c’est la réparation. En la matière, je
le répète, vous avez créé un dispositif malthusien : sur injonction du
MEDEF, vous avez supprimé les quatre critères qui sont au cœur de la
pénibilité.
M. Fabien
Roussel. Exact !
M. Régis
Juanico. Vous avez exclu les caissières, la majeure partie des salariés
de l’industrie – agroalimentaire en particulier –, du secteur des
transports publics et aussi les égoutiers, du champ de la pénibilité. Or, si
l’incapacité permanente concerne quelque 2 000 salariés par an, les
TMS représentent, au bas mot, 50 000 cas par an – et encore : il
y a une sous-déclaration.
Mme la
présidente. Merci, monsieur Juanico.
M. Régis
Juanico. Nous devons donc essayer de remédier à cette situation et agir
avant l’âge de 65 ans.
M. Marc Le
Fur. Tout à fait !
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.
M.
Jean-Pierre Door. Certaines réactions me surprennent, notamment celle de
mon collègue Mattei. Nous n’avons pas de leçon à recevoir.
M. Julien
Borowczyk. Nous non plus !
M.
Jean-Pierre Door. En 2010, dans la loi portant réforme des retraites,
nous avions inscrit des critères de pénibilité sur des fondements médicaux,
associés à des pourcentages d’invalidité. Nous n’avons donc pas de leçon à
recevoir en la matière.
Dans le cas présent, il s’agit d’amendements à
l’article 1er, qui traite des principes généraux de votre
réforme. Or, dans cet article, il manque un mot : pénibilité.
M. Erwan
Balanant et M. Frédéric Petit. Il y est !
M.
Jean-Pierre Door. Il n’y est pas ! Relisez
l’article 1er ! C’est pour cela que certains de mes
collègues voudraient inscrire dans le texte qu’il faut tenir compte de la
pénibilité des emplois dans l’objectif de liberté de décider de la date de
départ à la retraite. Ce n’est pas plus compliqué que cela ! C’est simple
et cela demande à être admis sans discussion.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme
Mathilde Panot. Monsieur le ministre, vous nous expliquez qu’avec cette
réforme, vous allez protéger ceux qui ont le plus souffert dans la vie. Moi, je
voudrais vous parler à nouveau des personnes qui ont connu de plus ou moins
longues périodes de chômage, d’autant que la réforme de l’assurance chômage, que
vous avez passée en catimini l’été dernier, a réduit ou supprimé les droits de
1,3 million de personnes.
Avec vous, ce sera la double peine :
ceux qui ont été privés d’emploi vont aussi être privés de retraite. Votre
projet de loi comporte en effet cinq arnaques.
Premièrement, comme le
calcul portera désormais sur la carrière complète, les périodes de chômage vont
diminuer le montant des pensions de retraite des chômeurs et des
chômeuses.
Deuxièmement, vous promettez aux plus fragiles une pension de
1 000 euros, mais dans le cadre d’une carrière complète.
M. Erwan
Balanant. Nous avons dit hier ce qu’était une carrière
complète !
Mme
Mathilde Panot. D’après les propos tenus hier par le secrétaire d’État,
Laurent Pietraszewski, on arrive au calcul suivant. Une carrière complète
correspond à 516 mois, à raison de 50 heures au SMIC par mois.
Concrètement, ce sera moins favorable que 150 heures au SMIC par trimestre,
car celles-ci pouvaient être réparties sur les trois mois. C’est donc une
deuxième arnaque, dont les précaires seront les premières victimes.
M. Erwan
Balanant. Vous n’avez rien compris !
Mme
Mathilde Panot. Troisième arnaque : les chômeurs en fin de droit ne
cotiseront pas et ne gagneront donc pas de points, alors qu’ils peuvent le faire
dans le système actuel dans la limite de vingt trimestres.
Quatrième
arnaque : les chômeurs cotiseront moins que dans le système actuel où ils
le font sur la base de leur ancien salaire et non de leur indemnité de chômage.
Vous changez cela, notamment en retenant pour base l’allocation de retour à
l’emploi – entre 57 % et 75 % du salaire antérieur – ou
l’allocation de solidarité spécifique, de 502 euros par mois. Bonjour la
pension !
Cinquième arnaque : l’âge d’équilibre va créer une
trappe à pauvreté. Un chômeur de 62 ans sera obligé de prendre sa retraite,
puisqu’il ne pourra pas prolonger son activité. Il subira donc la décote de
10 % si l’âge d’équilibre est fixé à 64 ans. Et si l’âge d’équilibre
se situe à 65 ans, 66 ans ou 67 ans, ce sera encore pire !
D’ailleurs, un rapport de la Cour des comptes montre que, depuis 2010,
l’enveloppe dédiée aux chômeurs en fin de droits, âgés de 60 ans à
64 ans, a gonflé de 75 %, et que les montants versés au titre du RSA
ont augmenté de 157 %.
Avec vous, les chômeurs n’auront rien. Ils
n’auront pas de retraite. Pour vous, la retraite, c’est pour les riches !
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. Jean-Luc
Mélenchon. Eh oui ! Il faut que vous répondiez à
cela !
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Mme Panot vient d’avancer des arguments importants.
J’ajoute qu’alors que la moitié environ de ceux qui liquident leur pension ne
sont déjà plus dans l’emploi, on sait bien l’effet que produira un recul de
l’âge du départ.
Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que la réforme
ne changerait rien pour les personnes éligibles à l’actuel dispositif pour
carrière longue.
M. Olivier
Véran, ministre. Non, j’ai dit que ce serait mieux !
M. Pierre
Dharréville. À court terme, c’est peut-être vrai, mais les effets se
feront sentir sur les générations suivantes, puisque l’âge de départ va reculer,
y compris pour ces personnes-là – à moins que vous ne me
démentiez ?
Deuxième question, concernant les personnes qui ont
commencé à travailler entre 20 ans et 22 ans. À l’heure actuelle,
elles peuvent partir à la retraite à l’âge de 62 ans, sans décote, dès lors
qu’elles ont quarante-deux années de cotisations. Avec votre système, elles ne
pourront plus partir dans les mêmes conditions avant l’âge de 64 ans. Pour
ces personnes, le choix sera donc : soit un départ avec décote, soit un
départ deux années plus tard.
Vous dites que la retraite pourra être
anticipée de deux ans pour des raisons liées à la pénibilité du métier ;
mais que vous faites-vous des métiers qui conduisent à prendre une retraite
encore plus tôt ? Où en sont les discussions concernant les métiers qui
relèvent des régimes spéciaux ? J’ai déjà posé cette question hier, et vous
ne m’avez pas répondu. Quelle va être l’évolution pour ces métiers pour lesquels
l’âge de départ est actuellement de 55 ans ou
57 ans ?
Pour notre part, nous pensons qu’il faut élargir le
cadre actuel de la pénibilité car elle est insuffisamment reconnue. Nous avons
déjà eu cette discussion hier. Il faut, bien sûr, faire un effort de prévention
considérable, en modifiant les postes et l’organisation du travail. Il n’empêche
que les personnes qui vont partir à la retraite l’année prochaine ou au cours
des années suivantes auront eu une carrière marquée par la pénibilité, vous ne
pouvez pas le nier. Il ne faut donc pas opposer la prévention à la réparation.
S’il faut bien évidemment agir sur la prévention, vous ne pouvez utiliser cela
comme un argument pour refuser d’agir sur la réparation.
M. Olivier
Véran, ministre. Ce n’est pas ce que nous faisons !
M. Pierre
Dharréville. Ce sont là des arguties. Discutons de la prévention si vous
le voulez, mais parlons aussi de la réparation.
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean François Mbaye.
M. Jean
François Mbaye. Nous avons engagé hier cet intéressant débat sur la
pénibilité et l’exposition à certains facteurs de risque. Le questionnement
légitime de notre collègue Marc Le Fur a provoqué un échange intéressant
avec les rapporteurs et le ministre. Je note, monsieur Le Fur, que vous
jugez que les réponses du ministre ont été satisfaisantes.
M. Marc Le
Fur. Néanmoins, je n’ai pas dit qu’elles étaient complètes !
M. Jean
François Mbaye. Le fait qu’elles soient satisfaisantes est déjà un
progrès ! Ce serait encore plus satisfaisant si nous parvenions à examiner
l’article 26 et les articles 32 et 33.
M. Marc Le
Fur. C’est notre souhait !
M. Jean
François Mbaye. Parfait ! Si c’est votre souhait,
allons-y !
M. Éric
Coquerel. Vous n’avez qu’à réserver
l’article 1er !
M. Jean
François Mbaye. Pour ma part, je voudrais compléter l’excellente réponse
du ministre et les propos du rapporteur général. Vous avez cité un exemple
parfait : celui des salariés de l’agroalimentaire qui travaillent dans la
chaîne du froid. En général, ces personnes commencent à travailler très
tôt.
Le rapporteur général a indiqué tout à l’heure que le dispositif
pour les carrières longues serait maintenu, et le ministre a confirmé que la
pénibilité était bien prise en considération dans le projet de loi. Quant à
M. Dharréville, il vient de démontrer que, pour tenir compte de la
pénibilité, la majorité souhaite s’appuyer à la fois sur la prévention, sur la
reconversion et sur la réparation.
Faisons fructifier ces éléments et
profitons de la bonne volonté de M. Le Fur et des membres de son
groupe pour avancer jusqu’aux articles 26, 32 et 33 et concrétiser les
mesures relatives à la pénibilité dont nous discutons depuis lundi, et plus
particulièrement depuis hier soir. (Applaudissements sur quelques bancs du
groupe LaREM.)
M. Marc Le
Fur. Nous ne demandons que ça !
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Hier, en présence du secrétaire d’État chargé des retraites,
nous sommes parvenus à nous retrouver, sur tous les bancs, pour adresser un
message à nos concitoyens concernant la prise en charge du handicap. Ce matin,
nous avons de même s’agissant de l’exigence d’une retraite digne. Il me semble,
monsieur le ministre, que, sur la question de la pénibilité, le projet de loi
gagnerait à être enrichi, d’autant que des critères de pénibilité sont déjà
reconnus pour certaines professions comme les policiers, les gendarmes ou les
infirmières – celles-ci relevant d’ailleurs de votre ministère.
Le
rapporteur général et le rapporteur pour le titre II, M. Maire, ont
certainement en mémoire, comme nombre d’entre nous, les auditions de la
commission spéciale et nos discussions sur la question de la pénibilité et
l’abandon – c’est bien le mot – en 2017 de quatre critères.
La
nécessité de tenir compte de la pénibilité, réelle pour certaines professions,
mériterait donc de figurer dans les grands principes énoncés à
l’article 1er – je le dis en particulier pour notre
collègue Mattei, qui est un homme à principes ! (Sourires.)
M.
Jean-Paul Mattei. La pénibilité est mentionnée à
l’alinéa 6 !
M. Philippe
Vigier. Ce faisant, nous pourrions envoyer un message important aux
Français : sur les sujets sérieux, les députés peuvent discuter
sérieusement – et même s’entendre !
Mme la
présidente. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements.
Mme
Mathilde Panot. J’aimerais une réponse de la part du
ministre !
(Les amendements identiques nos 214, 11351
et 24639 ne sont pas adoptés.)
(Les amendements identiques nos 504 et 42529
ne sont pas adoptés.)
(Les sous-amendements nos 42515, 42396,
42394, 42517, 42518, 42519 et 42530, successivement mis aux voix, ne sont pas
adoptés.)
M. Marc Le
Fur. C’est dommage, ils étaient bien ces sous-amendements !
(Rires.)
Mme la
présidente. Sans doute, monsieur Le Fur, mais l’Assemblée a
tranché !
(Les amendements no 505 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de l’amendement no 29392 et
de quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine.
Ces amendements font l’objet de trois
sous-amendements, nos 42397, 42398 et 42531.
Sur les
amendements identiques, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
M. Bruno
Millienne. Ça faisait longtemps !
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir
l’amendement no 29392, identique aux quinze autres.
M. Stéphane
Peu. Par cet amendement, qui traite lui aussi de principes, puisque tel
est l’objet de l’article 1er, nous souhaitons soulever la
question de la pénibilité à travers le critère de l’espérance de vie en bonne
santé, que nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer.
M. Bruno
Millienne. Madame la présidente, M. Peu n’est pas signataire de
l’amendement ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la
présidente. Il s’agit d’une série d’amendements identiques, cher
collègue.
M. Stéphane
Peu. Nous pouvons présenter chacun un amendement, si vous
voulez !
M. Fabien
Roussel. C’est incroyable ! (Brouhaha.)
M. Bruno
Millienne. Toutes mes excuses, monsieur Peu.
M. Frédéric
Petit. Ça prouve que nous suivons !
M. Stéphane
Peu. M. Roussel a souligné tout à l’heure la sagesse de notre
groupe, qui a accepté de ne défendre qu’un seul des amendements identiques qu’il
a déposés, mais, si vous le souhaitez, nous pouvons revenir sur cette
sagesse !
Mme la
présidente. Cher collègue, pardonnons à M. Millienne sa remarque
infondée et reprenons.
M. Stéphane
Peu. Je reprends donc : l’amendement porte sur les grands principes
généraux du projet de loi et vise à aborder la question de la pénibilité en
mentionnant dans le texte l’indice qu’on appelle « espérance de vie en
bonne santé ». Certains ici remettent en cause la valeur de cet indice,
pourtant plus étayé et vérifié que l’indice dont il a été question en commission
spéciale, le revenu moyen d’activité par tête, le RMAT, dont personne ne sait à
quoi il correspond.
M. Roland
Lescure. Mais si !
M. Stéphane
Peu. Chacun comprend, en revanche, ce que recouvre l’indice d’espérance
de vie en bonne santé.
Puisque la réforme prévoit la mise en place d’un
système universel de retraite à points, elle devrait intégrer l’idée selon
laquelle, en fonction de l’endroit où l’on est né et où l’on vit, et surtout en
fonction du travail que l’on fait, on ne dispose pas tous des mêmes points de
vie.
Il existe un écart très important – plus d’une dizaine
d’années ! – entre l’espérance de vie des catégories sociales les plus
modestes, chargées des travaux les plus pénibles, et celle des cadres
supérieurs. Cet écart s’explique principalement par le travail, même si d’autres
facteurs doivent être pris en compte.
Nous vous demandons donc de
mentionner, à l’alinéa 8, l’indice d’espérance de vie afin de prendre en
considération la pénibilité du travail de certains de nos concitoyens.
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir le
sous-amendement no 42397.
M. Éric
Coquerel. Il précise, ce qui est important, que l’espérance de vie doit
être prise en compte selon chaque profession. J’ai évoqué tout à l’heure le
compte de pénibilité introduit par la loi pour la liberté de choisir son avenir
professionnel, dite loi Pénicaud, qui a réduit considérablement les critères de
pénibilité, mais demain, du fait du texte que vous nous proposez, on ne
considérera même plus qu’il existe une pénibilité particulière liée à l’exercice
d’un métier.
Prenons l’exemple des égoutiers, qui manifestent depuis
plusieurs mois, à juste titre. Leur espérance de vie est de dix-sept ans
inférieure à celle de la moyenne des Français. Dix-sept ans ! Pour eux, la
question n’est même pas l’espérance de vie en bonne santé : elle est
l’espérance de vie tout court !
Avec votre système, il est probable,
malheureusement, qu’une grande partie des égoutiers ne pourront pas profiter de
leur retraite le jour où ils atteindront l’âge d’équilibre – vous imaginez
aisément pourquoi…
Il est donc indispensable d’aborder la question de la
pénibilité par profession et non, monsieur le ministre, dans le cadre du
dispositif de reconversion que vous avez présenté tout à l’heure. Décréter, par
exemple, qu’un égoutier ne pourrait pas travailler plus que quarante-cinq ans
conduirait à infliger une double peine à cette profession. Non seulement je ne
crois pas à votre dispositif de reconversion,…
M. Jacques
Marilossian. Vous ne croyez à rien !
M. Éric
Coquerel. …mais une telle mesure reviendrait à se débarrasser de ces
gens-là après les avoir exploités quand ils étaient en bonne santé ! Voilà
comment vous concevez le compte de pénibilité.
La pénibilité doit être
envisagée par profession, ce qui donne lieu logiquement à des régimes spéciaux.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir le
sous-amendement no 42398.
Mme Danièle
Obono. Il vise à appuyer l’excellent amendement de nos collègues
communistes en tenant compte non seulement des professions différentes, mais
aussi des milieux sociaux.
Nous l’avons déjà souligné, des études et des
rapports bien plus sérieux que ceux que vous inventez au fur et à mesure de
l’examen du projet de loi ont mis en lumière les différences d’espérance de vie
qui existent selon les catégories sociales. Celle d’un cadre est bien plus
longue que celle d’un ouvrier, ce dont il faut tenir compte.
Avec ce
sous-amendement, nous voulons vous éviter de commettre des erreurs comme celles
que vous avez faites par le passé et que le rapporteur pour le titre II,
M. Maire, a lui-même reconnues : c’est votre majorité qui a décidé, en
2017, au terme de longs débats, de supprimer certains critères de pénibilité. Un
grand nombre d’entre vous cherchaient déjà à nous convaincre de votre bonne
volonté et de la justesse de vos intentions, en faveur du progrès social. Nous
expliquions alors, avec nos amendements, que vos mesures constituaient au
contraire une régression. Aujourd’hui, vous le reconnaissez : vous avez
commis une erreur grave et vous entendez la réparer.
Avec ces
sous-amendements et les nombreuses autres modifications que nous vous proposons,
nous souhaitons vous éviter de perdre deux ans supplémentaires. L’inscription à
l’article 1er d’indices et de critères étayés par des études de
référence permettrait d’atténuer les effets néfastes de votre projet de loi.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le
sous-amendement no 42531.
Mme
Mathilde Panot. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu aux
questions que je vous ai posées concernant les chômeurs. Ce sous-amendement me
permet d’y revenir.
Ce qui se profile, c’est un désastre social sans
précédent. Les chômeurs vont voir leur pension de retraite baisser parce que son
calcul se basera désormais sur la carrière complète et que leurs périodes
d’inactivité les priveront du minimum de 1 000 euros dont vous vous
glorifiez.
En outre, les chômeurs en fin de droit ne cotiseront pas pour
la retraite, contrairement à aujourd’hui, ce qui sera désastreux pour un grand
nombre d’entre eux – plus de la moitié des chômeurs en France ne sont pas
indemnisés.
Enfin, leur pension de retraite baissera parce qu’ils
cotiseront non plus sur la base de leur dernier salaire, mais sur celle de leur
allocation chômage, d’un montant bien plus faible.
Je voudrais revenir,
monsieur le ministre, sur la question de l’âge d’équilibre. Il a été dit dans la
presse que des personnes indemnisées depuis plus d’un an pourraient continuer de
l’être après 62 ans. Pouvez-vous nous le confirmer ?
D’autre
part, comment feront les chômeurs en fin de droits ? Ils seront
probablement obligés de prendre leur retraite et de subir une décote de
10 %, voire de 15 %, parce qu’ils n’auront pas atteint l’âge
d’équilibre.
Permettez-moi de rappeler que, dans le régime de
l’AGIRC-ARRCO – celui de l’Association générale des institutions de
retraite des cadres et de l’Association des régimes de retraite
complémentaire –, dont vous ne cessez de répéter qu’il fonctionne très bien
alors que la valeur moyenne des pensions a baissé de 16 % en dix ans, une
décote de 10 % est déjà appliquée aux personnes privées d’emploi
contraintes de partir à la retraite avant 63 ans.
Je rappelle que le
taux d’emploi des personnes âgées de 60 ans à 64 ans est de 31 %
seulement, et que le taux de retour à l’emploi au bout de douze mois pour un
chômeur de 60 ans n’est que de 20 %, contre plus de 50 % avant
50 ans.
J’attends des réponses, monsieur le ministre. Le rapport de
la Cour des comptes fait apparaître une explosion de la pauvreté dans notre
pays. Nul doute que la situation va encore s’aggraver avec cette réforme !
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. Éric
Coquerel. Remarquable intervention !
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir
l’amendement no 26720 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
Ces amendements font l’objet de deux sous-amendements,
nos 42402 et 42403.
M. Fabien
Roussel. J’espère qu’à l’issue de la défense de cette série
d’amendements identiques, nous obtiendrons des réponses précises du Gouvernement
aux questions que nous posons. La modification rédactionnelle que nous proposons
à l’alinéa 8 vise en effet à inscrire la prise en compte de la pénibilité à
l’article 1er.
L’espérance de vie à 60 ans stagne
dans notre pays depuis les années 2000. D’après des données statistiques de
2018, elle est de 63,4 ans pour les hommes et de 64,5 ans pour les
femmes, et se situe plutôt dans la moyenne basse européenne.
Or il se
trouve que plus les travailleurs sont âgés, plus les expositions qu’ils ont
subies tout au long de leur vie active sont susceptibles de provoquer des
maladies professionnelles. C’est ainsi le cas pour les personnels des EHPAD
– les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes –,
pour les caissières, les éboueurs, les chauffeurs routiers, les préparateurs de
commandes, les vigiles… Aujourd’hui, c’est plus d’un actif sur deux qui se dit
concerné par la pénibilité. Or on vient de nous dire que ceux dont les métiers
sont considérés comme pénibles devront travailler jusqu’à l’âge de 60 ans,
mais – nous garantit-on – sans subir de décote.
Ma première
question est donc la suivante : qu’en est-il pour ceux qui ont des métiers
pénibles mais répondant aux quatre critères que vous refusez de
réintégrer ?
Ma seconde question est encore plus précise :
qu’en est-il pour ceux qui bénéficiaient jusqu’à présent d’un départ en retraite
avant 60 ans – je pense aux ouvriers d’État, qui peuvent partir à
57 ans, aux aides-soignantes, qui, étant dans la catégorie active, peuvent
partir au même âge, aux cheminots et aux agents de la RATP, qui peuvent partir à
50 ans ou à 55 ans ? Tous devront-ils, eux aussi, partir à
60 ans et donc travailler plus longtemps alors qu’ils ont des métiers
pénibles caractérisés ?
Mme la
présidente. Les sous-amendements identiques no 42402 de
M. Bastien Lachaud et no 42403 de M. Alexis Corbière sont
défendus.
Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements
identiques et sur les deux sous-amendements ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Le débat sur ces
amendements a déjà eu lieu à plusieurs reprises hier et aujourd’hui. Toutes les
réponses ont été apportés.
M. Fabien
Roussel. Ah bon ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Aussi l’avis de la
commission est-il défavorable sur l’ensemble.
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M.
Jean-René Cazeneuve. Je peux comprendre que la prise en compte de
l’espérance de vie soit une idée séduisante. Il est vrai que la notion de
retraite n’est pas la même selon que l’intéressé meurt à 60 ans,
70 ans, 80 ans ou 90 ans. Néanmoins, si ce critère n’a jamais été
pris en compte dans les différentes réformes des retraites, ce n’est pas un
hasard : c’est qu’il s’agit d’une fausse bonne idée. Quels sont en effet
les critères les plus pertinents à prendre en considération ? S’agit-il du
lieu géographique, du sexe, du métier, du secteur ou encore de l’hygiène de
vie ? Par exemple, un ouvrier qui travaille dans le secteur du bâtiment et
des travaux publics n’a pas la même espérance de vie qu’un ouvrier du secteur
automobile. Et prenons les deux extrêmes en la matière : une institutrice
dans le Gers – Dieu sait qu’il y fait bon vivre – a une espérance de
vie de quinze ans à seize ans supérieure à celle d’un ouvrier dans le
Nord ; faut-il pour autant la faire cotiser quinze ans ou
seize ans de plus ?
M. Roland
Lescure. Bien sûr que non !
M.
Jean-René Cazeneuve. Je ne le crois pas et personne ne le
propose.
C’est bien pourquoi il faut travailler sur la notion de
pénibilité : c’est la solution pour tenir compte des décalages d’espérance
de vie. Je le pense d’autant plus qu’il n’y a pas de fatalité en la matière.
Privilège de l’âge, j’ai travaillé il y a trente-cinq ans dans une verrerie et
j’ai travaillé aussi pour des constructeurs automobiles ; je puis vous
assurer que la pénibilité dans ce dernier secteur a formidablement évolué en
trente ans, et c’est tant mieux. Il faut une mobilisation totale des pouvoirs
publics, des entreprises et des branches pour à la fois mieux définir la
pénibilité et la combattre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe
LaREM.)
M. Roland
Lescure. Excellent !
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je veux revenir sur le sous-amendement
no 42397 qu’a défendu mon collègue Coquerel, pour que l’on
comprenne bien l’état d’esprit qui est le nôtre. Nous sommes, d’une manière
générale, pour la diminution du temps de travail : par jour, par semaine,
par mois, par année – et sur toute la vie, avec l’abaissement de l’âge de
la retraite. Nous avons démontré que toutes les réductions du temps de travail
aboutissent à une augmentation de l’emploi et à une mise au vert de tous les
comptes sociaux,…
Mme Nadia
Hai. Ce n’est pas vrai ! Il suffit de voir les conséquences des
35 heures !
M. Jean-Luc
Mélenchon. …ce qu’a illustré la gestion par le gouvernement de Lionel
Jospin du passage aux 35 heures et les précédentes avancées dans ce
domaine, notamment après 1981.
Le régime de retraite que vous qualifiez,
vous, d’insupportable, c’est-à-dire les fameux régimes spéciaux – qui sont
treize en réalité –, était pour nous une préfiguration que l’on espérait
étendre à toutes les professions. Évidemment, pour répondre au collègue qui
vient de s’exprimer, il est très difficile de définir un critère de pénibilité
qui vaudrait du nord au sud, de l’est à l’ouest, et pour n’importe quelle
profession, comme si le port de charges lourdes avait le même sens dans tous les
métiers : ce n’est pas vrai, et je lui donne raison sur ce point. Il y a
donc une évaluation à faire. Or c’est précisément ce qui se faisait branche
d’activité par branche d’activité, et qui avait abouti à un départ en retraite
plus tôt dans certaines d’entre elles. Personne d’ailleurs n’a jamais proposé
que dans d’autres branches on parte en revanche plus tard, et nous ne le
proposerons jamais, quand bien même ce serait pour compenser les départs de ceux
qui prennent leur retraite plus tôt. Ce sont les gains de productivité qui
accroissent la part de richesse qui peut être consacrée, selon sa répartition
entre capital et travail, aux salaires, et donc aux cotisations sociales. Telle
est la règle générale d’organisation.
Avec ce qu’on vient de décider de
supprimer, s’agissant des régimes spéciaux, c’est tout un pan de l’histoire
sociale du pays qui est abrogée. (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Daniel
Labaronne. Mais non !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Cette histoire était pourtant le fruit d’une évaluation
sérieuse. D’habitude, c’est vous, collègues de la majorité, vous, le
Gouvernement, qui vous gargarisez des mots « les partenaires sociaux »
– pour ma part, je ne crois pas à ce type de partenariat social –,
mais le MEDEF en est lui-même à dire que vous commettez une erreur d’évaluation
parce que, par le passé, le patronat avait accepté de signer des
compromis ; ils ne nous étaient pas favorables, mais c’était mieux que
rien. L’évaluation de la pénibilité du travail doit s’effectuer par
branche : c’est ce que vous demandent même les branches patronales
– et pas seulement les branches ouvrières. Ce n’est pas en abolissant cette
question à coups de points que vous réglerez le problème de la pénibilité au
travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry
Benoit. Monsieur Mélenchon, vous dites que vous militez pour réduire le
temps de travail et pour une ouverture des droits à la retraite plus tôt, mais
on a vu ce qu’il en était dans les années 1980, lorsque François Mitterrand
a instauré l’âge de la retraite à 60 ans : cela a tenu le temps d’une
législature. En revanche, le débat liant la question de la retraite à celle du
travail – ce qu’évoquait ce matin Marc Le Fur – est intéressant. Je
sais que ce n’est pas l’objet de ce projet de loi, mais j’aimerais que, quand on
est dans la force de l’âge, par exemple de 20 ans à 55 ans, l’on
puisse travailler plus de 35 heures, c’est-à-dire 37 heures,
39 heures, voire 40 heures (Applaudissements sur de nombreux bancs
du groupe LR), et qu’au-delà de 55 ans, l’on puisse réduire le nombre
d’heures travaillées, et envisager ainsi une cessation progressive d’activité, à
travers la question du tutorat – on pourrait transmettre son savoir –
ou celle du cumul emploi-retraite. (Applaudissements sur quelques bancs du
groupe LR.) Peut-être y aurait-il là une solution pour certains métiers et
pour certaines filières, lorsque la pénibilité justifierait de réduire le temps
de travail après 55 ans. Mais faire croire qu’on peut ouvrir les droits à
la retraite plus tôt et travailler moins longtemps, et ainsi trouver la
solution, voilà qui nous distingue l’un de l’autre, monsieur Mélenchon.
(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR et sur certains bancs
des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. Il est légitime d’évoquer le rapport entre les retraites et le
travail, parce que redistribuer exige en amont de produire et que l’on produit
pendant la période de vie active. Il s’agit de savoir quel est le niveau
souhaitable des pensions et comment la nation peut dès lors atteindre le niveau
de production de richesses requis. Il va de soi que la question de la capacité à
produire se pose. On sait très bien que sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy,
la défiscalisation des heures supplémentaires avait permis de dégager de la
valeur et que les cotisations étaient à la hausse.
M. Marc Le
Fur. C’était le bon temps !
M. Stéphane
Viry. Nous, Les Républicains, considérons qu’il ne peut y avoir de débat
sur les retraites sans qu’on y adosse un débat sur un régime universel de
pénibilité. Notre contre-projet propose de créer un tel régime, qui
s’appliquerait aux salariés du privé, du public et aux indépendants. Il eût été
probablement nécessaire de réformer en amont ce qui relève de la santé au
travail pour pouvoir répondre aux questions que pose la réforme des retraites,
plutôt que d’essayer par la suite de trouver une cote mal
taillée.
Dernière observation : nous n’étions pas hostiles,
contrairement à la majorité et au Gouvernement, à poser dans ce débat la
question de la durée hebdomadaire de travail. À titre personnel, j’avais déposé
un amendement visant à augmenter la durée hebdomadaire à 37 heures, voire à
38 heures, ce qui aurait automatiquement engendré des cotisations
supplémentaires, abondant d’autant les ressources et consolidant ainsi le
système des retraites.
Il y a des divergences entre nous et la majorité
sur ce sujet de fond, mais il mérite d’être évoqué dans le cadre d’un débat sur
la réforme des retraites, parce que tout est lié. (Applaudissements sur
quelques bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. Nous allons à présent passer au vote.
Mme
Mathilde Panot. Nous n’avons toujours pas eu de réponse !
(Les sous-amendements nos 42397, 42398 et
42531, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements no 29392 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 123
Nombre
de suffrages
exprimés 113
Majorité
absolue 57
Pour
l’adoption 20
Contre 93
(Les amendements no 29392 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la
présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures
cinquante.)
Mme la
présidente. La séance est reprise.
Nous passons au vote sur les
sous-amendements aux amendements no 26720 et
identiques.
(Les sous-amendements nos 42402 et 42403,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 26720 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Sur les amendements no 2544 et identiques à
venir, je suis saisie par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Fabien Roussel pour soutenir
l’amendement no 27998 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Fabien
Roussel. Je profite de l’occasion pour souligner à nouveau que nous
n’avons pas reçu de réponse aux interrogations que nous avons formulées tout à
l’heure.
Mme
Mathilde Panot. Exactement !
M. Fabien
Roussel. J’ai posé des questions très précises concernant les métiers
bénéficiant actuellement d’un départ à la retraite anticipée pour pénibilité. Je
songe notamment aux aides-soignantes et aux ouvriers d’État, qui peuvent
aujourd’hui partir en retraite à 57 ans, ou encore aux conducteurs de bus,
qui peuvent partir dès 55 ans. Voyez-vous, les régimes spéciaux, dans notre
pays, ont toujours permis de tirer vers le haut les professions qui n’en
bénéficiaient pas. Pourquoi n’avons-nous pas aligné l’âge des départs en
retraite anticipée des conducteurs de bus du Havre, de Marseille ou de Lille sur
celui des conducteurs de bus de Paris ?
D’après ce que nous
comprenons du texte, si votre projet de loi était adopté, toutes ces personnes
– aides-soignantes, ouvriers d’État, ou conducteurs de bus – devraient
travailler jusqu’à 60 ans. (M. Roland Lescure
s’exclame.) Nous demandons une réponse précise sur ce point, monsieur
le ministre : toutes les professions qui peuvent actuellement partir à
57 ans devront-elles, à l’avenir, attendre 60 ans, comme vous semblez
le proposer ?
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série
d’amendements identiques ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. J’en reviendrai au
texte de l’amendement. Il vise à supprimer la fin de l’alinéa 8,
c’est-à-dire l’incitation faite aux Français de décider de leur âge de départ à
la retraite « en fonction du montant de leur retraite ». Contrairement
à ce que vous avancez dans l’exposé sommaire, il n’y a là aucune
« manœuvre » : il s’agit simplement de laisser aux assurés la
possibilité de décider librement de leur âge de départ à la
retraite.
Nous leur permettrons également, à travers le présent projet de
loi, de construire leur fin de carrière comme ils l’entendent. Comme je l’ai
rappelé tout à l’heure, les dispositifs de départ anticipé et de carrière longue
seront bien entendu maintenus.
Enfin, il va de soi que, dans ce cadre,
nos concitoyens devront être informés de leurs modalités de départ et du montant
de liquidation de leur retraite. C’est pourquoi nous créons, à l’article 12
– que nous examinerons, j’en suis certain, dans les prochains jours–, un
compte personnel de carrière, qui permettra à chacun de suivre l’évolution de
ses points tout au long de sa carrière.
Avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je souhaite faire suite au propos de notre collègue Benoit
sur la manière d’envisager la distribution du temps de travail libéré. Il
explique qu’il serait d’accord pour qu’on travaille davantage dans la force de
l’âge et moins le reste du temps.
Quant à nous, nous posons le problème
de la manière suivante : si l’on observe la tendance depuis deux siècles,
il apparaît qu’une heure de travail produit vingt-cinq fois plus aujourd’hui
qu’en 1830. Le temps de travail nécessaire global a quant à lui diminué de
moitié entre le début et la fin du XXe siècle, pour produire une
quantité de richesses vingt fois supérieure – quarante fois supérieure si
l’on se reporte à deux siècles en arrière. Cela signifie qu’on a augmenté la
quantité de richesses produites tout en diminuant le temps de travail nécessaire
pour les produire. Ne nous préoccupons pas des détails : ne considérons que
ces deux masses.
La question de la réduction du temps de travail se
résume donc à une seule chose : il s’agit de répartir le temps libéré par
l’activité des machines et les processus industriels qui permettent de produire
davantage en moins de temps. Il est normal, pour toute civilisation humaine,
d’aspirer à réduire le temps de travail réclamé à chaque personne. Aujourd’hui,
on peut considérer l’arrivée de l’intelligence artificielle soit comme une
malédiction qui détruit de l’emploi, soit comme un bienfait, en ce qu’elle
réduit le temps de travail nécessaire pour produire des richesses plus
grandes.
C’est ce temps libéré qu’il s’agit de se répartir, sous forme de
salaires ou de dividendes. Il n’y a pas d’autre issue pour ce qui est
produit.
M. Roland
Lescure. Bien sûr que si : l’augmentation de la
productivité !
M. Jean-Luc
Mélenchon. C’est pourquoi j’indiquais hier – en employant une
formule qui constitue certes un raccourci –, que la retraite est une
affaire de lutte de classes : parce qu’elle est au cœur de cette question
de la répartition du temps libéré. Il est possible de réduire le temps de
travail exigé de chaque personne, parce que les progrès du machinisme et de
l’intelligence artificielle permettent de réduire l’effort humain réclamé pour
assurer la production des richesses – à supposer qu’elles soient toutes
utiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Michel Lauzzana.
M. Michel
Lauzzana. En écoutant ces échanges, je suis frappé par le fait que
l’opposition semble vouloir, avec ce projet de loi, résoudre tous les maux de la
société accumulés depuis la guerre – mais ce n’est pas possible !
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.) Nous,
ce que nous voulons, c’est faire un bon projet de loi, qui règle le problème des
retraites,…
M. Éric
Coquerel. Il ne règle rien !
M. Michel
Lauzzana. …et non pas toutes les inégalités de la société. Nous voulons
régler les inégalités de redistribution, assurer une retraite à
1 000 euros à tout le monde, régler les inégalités entre hommes et
femmes et supprimer les régimes spéciaux, qui sont inégalitaires.
(Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
M. Éric
Coquerel. C’est ça : vous voulez régler par la
suppression !
M. Michel
Lauzzana. Ce sera bien suffisant !
Je le répète : ce
que nous voulons, c’est un bon système de retraite. Il ne s’agit pas de refaire
la société avec ce projet de loi, car ce serait infaisable. Vous vous plaignez
que ce projet loi soit complexe, et vous voulez le complexifier davantage, ce
qui alourdit nos débats. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes
LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Pour en revenir au débat que nous avions sur la prise en compte
de la pénibilité dans l’espérance de vie et l’espérance de vie en bonne santé,
je rappellerai la définition très précise de la pénibilité au travail sur
laquelle se sont entendus les partenaires sociaux en 2008, et qui s’accompagnait
de critères de pénibilité : « La pénibilité résulte de sollicitations
physiques et /ou psychiques de certaines formes d’activités
professionnelles qui laissent des traces durables, identifiables et
irréversibles sur la santé des salariés et susceptibles d’influer sur leur
espérance de vie. »
Certains de nos collègues ont rappelé, en
commission spéciale comme en séance publique, que des facteurs personnels et
privés pouvaient aussi influer sur la santé des travailleurs, comme l’hygiène de
vie ou les addictions, mais la pénibilité au travail relève d’un mode collectif,
et non de critères personnels. Aujourd’hui, certains salariés, exposés à des
conditions de travail pénibles, bénéficient de leur retraite moins longtemps que
les autres et leur état de santé est plus dégradé.
Monsieur le ministre,
étant donné qu’un bras de fer avec le MEDEF s’est terminé à votre désavantage en
2017, vidant de sa substance le dispositif de pénibilité, comment forcerez-vous
aujourd’hui le MEDEF à revenir la table des négociations pour discuter dans les
branches de la réparation, puisqu’il n’en veut pas et dit que vous allez
reconstituer des régimes spéciaux dans les régimes du
privé ?
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour un rappel au
règlement. Sur quel fondement souhaitez-vous le faire, chère collègue ?
Mme
Mathilde Panot. Sur le fondement de l’article 100, madame la
présidente.
Alors que le ministre est présent au banc, nous n’obtenons
aucune réponse. Tout à l’heure, l’un de nos collègues déclarait vouloir la
retraite à 1 000 euros pour tout le monde : plusieurs groupes ont
démontré que cette disposition ne s’appliquerait pas aux agriculteurs ni à ceux
qui n’ont pas effectué une carrière complète, mais cela n’a suscité aucune
réaction.
J’ai moi-même fait deux interventions pour évoquer la situation
des chômeurs, qui se trouveront dans une trappe à pauvreté à partir de l’âge de
62 ans, et n’ai pas non plus reçu de réponse. Ce qu’on nous répond, c’est
qu’une mission d’information sera consacrée aux agriculteurs, qu’il y aura des
ordonnances et que nous verrons plus tard. Alors que ce texte comporte déjà
vingt-neuf trous, on nous parle d’ordonnances et d’un indicateur qui n’existe
pas ! Ce n’est vraiment pas sérieux. Nous voudrions des réponses lorsque
nous vous posons des questions précises et qui démentent vos propos.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Inutile de crier !
Mme la
présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier
Véran, ministre. Madame Panot, vous avez choisi de nous
interroger en boucle sur des sujets qui sont des préoccupations majeures.
Je vous reconnais la volonté de traiter ces questions, que partagent du reste
tous les députés, quelle que soit leur couleur politique. Permettez-moi
cependant de vous rappeler que j’ai fait tout à l’heure une réponse
factuelle,…
M. Éric
Coquerel. Vous ne nous avez donné aucune réponse !
M. Olivier
Véran, ministre. …en soulignant le fait que l’opposition qui
siège à droite de l’hémicycle nous interpellait à propos d’un amendement et sur
des questions en lien avec l’article que nous examinions. J’ai, me semble-t-il,
pris tout le temps nécessaire pour répondre. (Applaudissements sur les bancs
des groupes LaREM et MODEM.)
Mme
Mathilde Panot. Notre amendement concernait les chômeurs !
M. Olivier
Véran, ministre. Je vous prie d’éviter les injonctions. Vous
participez aux débats depuis une semaine et devriez savoir que ce n’est pas
ainsi que cela fonctionne. Le débat n’est pas à la carte. (Mêmes mouvements.)
Interrogez-nous sur le texte, sur les articles et les alinéas, et prenez le
temps de lire vos propres amendements : cela vous évitera peut-être de
tourner en rond. En tout cas, nous ne tournerons pas très longtemps avec vous.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs
du groupe FI.)
M. Éric
Coquerel. Alors, que faites-vous là ?
Mme
Mathilde Panot. Commencez par éteindre votre téléphone, ça ira
mieux !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Une fois encore, on inverse les choses. Les réponses à toutes les
questions posées figurent dans le texte de loi ! S’il vous semble qu’il y a
des lacunes, par exemple aux articles 6, 8, 9, 29 ou 44, amendez donc ces
articles sur le fond,…
Mme Danièle
Obono. C’est ce que nous faisons !
M. Frédéric
Petit. …au lieu de demander à la représentation nationale de voter que
la France veut de l’inégalité ! (Applaudissements sur
quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les
bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. Monsieur le ministre, je vous remercie de reconnaître que notre
groupe veut travailler sur le texte. Permettez-moi toutefois un coup de
gueule : un député du groupe La République en marche a, une fois encore,
généralisé en parlant de « l’opposition ». Il y a ici plusieurs
groupes d’opposition ; merci de les respecter.
M. Bruno
Questel. Il a raison.
M. Thibault
Bazin. C’est d’autant plus nécessaire que, sur les questions dont nous
débattons, nos projets, nos stratégies, notre perspective de financement et
notre approche calendaire diffèrent.
M. Jean-Luc
Mélenchon. C’est vrai.
M. Thibault
Bazin. Je vous remercie donc, chers collègues de la majorité, de bien
vouloir respecter ces différences et de cesser de généraliser, car nous n’avons
pas, parmi les groupes d’opposition, le même rapport à cette réforme des
retraites. Respecter la diversité de nos groupes irait dans le bon sens.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur certains
bancs du groupe LaREM. – M. Philippe Vigier applaudit
aussi.)
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à Mme Danièle Obono, pour un rappel au
règlement – sur quel fondement souhaitez-vous le faire, chère
collègue ?
Mme Danièle
Obono. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 100 et porte
sur l’organisation de nos débats.
Je tiens, premièrement, à rappeler à
M. le ministre, qui est peut-être trop occupé à lire sur son portable et à
passer des coups de fil (Vives protestations sur les bancs du groupe
LaREM),…
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Quelle insolence !
Mme Danièle
Obono. …ou qui n’a peut-être pas eu le temps de relire la Constitution
depuis sa nomination, qu’il est bien ici pour répondre aux injonctions des
députés, car c’est le rôle du Gouvernement.
Deuxièmement, s’il avait lu
le sous-amendement de Mme Panot au lieu de pianoter sur son portable
(Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LaREM), il aurait vu que
ce sous-amendement portait sur le chômage, qui était précisément le sujet sur
lequel elle l’interrogeait.
Monsieur le ministre, si vous voulez que nous
continuions à avoir des discussions qui tournent en rond, continuez à pianoter
sur votre portable et à répondre à côté des questions ; nous continuerons à
poser des questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. –
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Bruno
Questel. Ça suffit !
Mme la
présidente. Chers collègues, veuillez noter que le rappel au règlement
sur le fondement de l’article 100 ne porte pas sur la conduite des
débats.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. Je vais maintenant mettre les amendements no
27998 et identiques aux voix.
(Les amendements no 27998 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Nous en venons à l’amendement no
42522.
Sur cet amendement, je suis saisie par le groupe Les Républicains
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Marc Le Fur, pour
soutenir l’amendement.
M. Marc Le
Fur. Je voudrais évoquer à nouveau les gens de mer, ce monde spécifique
qui travaille autour de la mer et qui compte aussi bien les pêcheurs que les
personnels de la marine marchande. Le débat que nous avons eu à leur propos dans
l’après-midi du 20 février s’est révélé insatisfaisant, et même inquiétant,
car le secrétaire d’État – ce n’était pas vous, monsieur le ministre, qui
étiez ce jour-là au banc – a précisé qu’il fallait actualiser ce régime et
le faire évoluer.
Je souhaiterais que vous nous donniez ici, dans
l’hémicycle, des réponses très concrètes – il semble en effet qu’on en
donne aux représentants des professionnels.
Premièrement, les personnels
concernés pourront-ils partir à 55 ans ? Puisqu’il semble que ce soit
de l’ordre du possible et que cela ait même été acté, je souhaiterais que cela
puisse être énoncé.
Deuxièmement, continueront-ils demain à cotiser sur
une assiette forfaitaire, comme c’est le cas aujourd’hui ? Il semblerait,
là encore, que cela ait été énoncé devant les organisations
professionnelles.
Troisièmement, quels seront les taux de cotisation et
comment évolueront-ils, en particulier pour les employeurs, sachant que notre
pays est soumis à une concurrence féroce, en particulier dans le monde des
armateurs et du transport maritime ? En effet, le secteur connaît une forte
internationalisation et l’augmentation des coûts risque de nous faire perdre des
marchés.
Monsieur le ministre, ces questions ne sont pas destinées à vous
piéger. Je souhaite simplement obtenir publiquement des réponses qui semblent
être déjà prévues pour les professionnels du monde de la mer.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Très bien !
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Monsieur Le Fur,
je ne sais pas ce qu’il en est du ministre, mais, pour ma part, vous me piégez
un peu, car cet amendement, déposé aujourd’hui me semble-t-il, n’a pas été
examiné par la commission. Je vous répondrai donc à titre personnel, non sans
préciser toutefois que je souhaite que cette question soit abordée lors de
l’examen de l’article 7, qui maintient l’assiette forfaitaire de
cotisations pour les gens de mer – dont, par ailleurs, l’article 33
maintient aussi le régime de pénibilité.
Voilà donc les premiers éléments
que je puis vous apporter, sachant que nous aurons à nouveau ce débat à la
faveur de l’examen des articles ultérieurs où il sera question des gens de mer.
Sur cet amendement, j’émets un avis défavorable.
M. Marc Le
Fur. Quid du départ à 55 ans ?
Mme la
présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. J’aurais souhaité que le rapporteur général
apporte à cette question de M. Le Fur la même réponse que celle qui
avait été faite en commission spéciale, confirmant le maintien du régime spécial
et du départ à 55 ans.
M. Marc Le
Fur. Qu’il le dise dans l’hémicycle !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Je reviendrai sur deux points. D’abord, il n’est
pas vrai de dire, comme l’a fait notre collègue du groupe MODEM, que les
réponses aux questions que nous posons depuis lundi figurent toutes dans le
texte. Soyons sérieux ! Si c’était le cas, nous n’en serions pas là où nous
en sommes aujourd’hui et nos concitoyens comprendraient tous ce que nous sommes
en train de faire. Or il règne aujourd’hui un flou artistique.
La
première de ces questions est celle du financement, dont on ne trouve aucune
trace dans le projet de loi : on se contente de nous renvoyer à la
conférence de financement.
Quant à la pénibilité, qui rejoint du reste la
question posée par M. Le Fur à propos des marins, c’est une thématique
sur laquelle j’ai beaucoup travaillé en 2010, rencontrant toutes les filières
professionnelles. Or aucune de ces professions ne m’a dit que le métier n’était
pas pénible, qu’il s’agisse d’une pénibilité physique ou psychologique.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Et voilà !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Il faut donc veiller à ne pas généraliser le
dispositif à toutes les professions, car il serait impossible de le financer. Du
reste, puisque le texte ne contient aucune mesure de financement, nous ne savons
pas où vous prenez les moyens financiers permettant d’assumer la notion de
pénibilité, dont on ne connaît de surcroît pas vraiment les contours.
Mme la
présidente. La parole est à M. Jimmy Pahun.
M. Jimmy
Pahun. Monsieur Le Fur, j’avais pour mission de faire rencontrer à
mon groupe les gens de ma profession maritime, et j’ai ainsi fait rencontrer à
M. Mattei et à M. Turquois les présidents des pensionnés de la marine
marchande, des armateurs de France et du comité régional des pêches maritimes et
des élevages marins. Les discussions n’ont aucunement été difficiles et elles
avancent bien.
M. Marc Le
Fur. Nous voulons des choses précises !
M. Jimmy
Pahun. Les choses précises viendront au fur et à mesure de la
discussion. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes GDR et
FI.)
M. Fabien
Roussel. C’est à chaque fois la même réponse !
Mme Danièle
Obono. Ce n’est pas sérieux !
M. Jimmy
Pahun. Les discussions que nous avons eues étaient sérieuses et
efficaces, et elles avançaient.
Hier, nous avons appris un autre petit
problème concernant les gens de mer, et particulièrement les pêcheurs. En effet,
alors que les armateurs avaient obtenu une baisse de leurs taxes patronales, ces
taxes devraient augmenter un peu avec la nouvelle réforme et nous devrons donc
travailler sur ce point, afin que l’augmentation ne soit pas trop rapide. De
fait, il est prévu de les porter de leur niveau actuel de 2 % à 28 %.
Certes, l’écart est-peut-être important, mais si plus personne ne cotise,
comment fera-t-on ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme
Mathilde Panot. Rendez-vous compte que nous parlons de l’ensemble de la
population française, des générations à venir et de casser l’intégralité du
pacte social qui, jusqu’ici, prévalait dans notre pays !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Il
n’est pas question de cela !
M. Jacques
Marilossian. Nous ne cassons rien du tout !
Mme
Mathilde Panot. Il est donc justifié que nous posions des questions
extrêmement précises sur ce que nous allons voter ; il n’est pas possible
de toujours les reporter à plus tard.
Je vous crois, monsieur Pahun,
lorsque vous dites avoir eu des discussions extrêmement sérieuses, mais
heureusement que M. Le Fur pose la question, car, tout de même, sur
les 15 000 marins français en activité, plus de 1 000 se blessent
chaque année, selon les chiffres ministériels. En 2016, la profession affichait
même un indice de fréquence d’accident supérieur de 23 % à celui du secteur
du bâtiment et des travaux publics, le BTP. Elle enregistre également le taux de
mortalité le plus élevé : le risque de mourir est dix-neuf fois plus
important que dans l’ensemble des professions françaises et six fois plus
important que dans le BTP.
Reconnaissez donc qu’il est justifié de poser
ce type de question, afin de savoir ce qu’il va se passer pour toutes les
personnes qui exercent ce métier.
Mme Sandra
Marsaud. Les réponses sont dans le texte !
Mme
Mathilde Panot. On ne peut balayer cela d’un revers de la main et
dire : « Vous verrez plus tard » ; ce n’est pas
possible ! Nous voulons savoir ce que l’on inscrit dans la loi et nous
soutiendrons cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Roland Lescure.
M. Roland
Lescure. Cela fait deux heures quinze que vous présidez, avec brio,
cette séance, madame la présidente, et nous avons successivement évoqué les
retraites des femmes, la pénibilité, l’espérance de vie en bonne et en mauvaise
santé, l’espérance de vie elle-même, le financement, les carrières longues, les
aides-soignantes…
Mme
Mathilde Panot. On évoque le fond !
Mme Danièle
Obono. L’article 1er traite des grands principes !
M. Roland
Lescure. …l’institutrice du Gers, le conducteur de bus de Paris et du
Havre,…
Mme
Mathilde Panot. Et les chômeurs !
M. Roland
Lescure. …et maintenant les marins, qui, monsieur Le Fur, sont
évoqués en toutes lettres dans le projet de loi, à l’article 7. Nous avons
également discuté des régimes spéciaux, des débuts et des fins de carrière, de
l’indicateur de revenu par tête – dont l’INSEE a déjà dit qu’elle était
prête à le créer –,…
M. Raphaël
Schellenberger. Quel mépris pour la démocratie !
M. Roland
Lescure. …et ce sans compter les milliers de sous-amendements
« point-virgule » ni, évidemment, les cours d’économie du président
Mélenchon – que nous écoutons toujours avec plaisir – sur le temps de
travail et la productivité, ce même M. Mélenchon qui oublie régulièrement
que la productivité ne tombe pas du ciel, mais qu’elle provient, non seulement
du travail des employés, mais aussi du capital et du progrès technique.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ah non ! Je vais vous le démontrer dans un
instant ! (Sourires.)
M. Roland
Lescure. Et lorsque vous ne nous donnez pas de cours d’économie,
monsieur le président Mélenchon, vous nous dites qu’il faut changer l’ordre
d’examen des articles pour sauter comme des cabris de l’un à l’autre. Nous
sommes à l’article 1er, alinéa 8, il reste
34 000 amendements et que nous les examinions dans l’ordre ou le
désordre, leur nombre restera le même.
Mme Danièle
Obono. Vous nous faites perdre notre temps, monsieur Lescure !
M. Marc Le
Fur. On parle des pêcheurs ! Répondez-nous sur les
pêcheurs !
M. Roland
Lescure. Mes chers collègues, nous avançons comme des canards sans tête,
ou plutôt comme des parlementaires sans tête. En réalité, nous n’avançons pas,
nous reculons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM. – Protestations sur les bancs des groupes LR et FI.)
M. Jacques
Maire, rapporteur de la commission spéciale. Hélas, c’est la
vérité…
M. Éric
Coquerel. Rappel au règlement !
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel, pour un rappel au
règlement – sur quel fondement le faites-vous, cher collègue ?
M. Éric
Coquerel. Mon rappel au règlement porte, madame la présidente, sur la
bonne tenue de nos débats. Pour répondre à ce qui vient d’être dit, si nous
passons autant de temps, c’est parce que vous nous demandez de discuter d’un
article 1er qui énonce des principes qui ne se matérialiseront
qu’ensuite dans votre projet loi.
M. Roland
Lescure. Votez-le donc !
M. Éric
Coquerel. Aussi, pour comprendre ce sur quoi nous votons, devons-nous
inévitablement évoquer des cas concrets. La pénibilité, par exemple, n’est pas
inscrite dans vos principes : cela change la donne. Pour savoir si elle
sera prise en considération,…
M. Jacques
Marilossian. Elle l’est : à l’article 33.
M. Éric
Coquerel. …nous devons donc aborder des cas concrets, comme celui des
gens de la mer. Autrement, cela signifierait que nous avançons en aveugle, que,
exactement comme dans votre projet de loi, nous nous contenterions de voter des
cases que des ordonnances compléteraient ensuite.
Nous vous proposons
donc, une fois de plus, de réserver l’article 1er, ce qui ne
nous pose pas de problème, et de passer à la suite. Nous reviendrions sur cet
article ultérieurement et cela nous permettrait de voter en connaissance de
cause en nous basant sur les avancées concrètes que vous nous promettez depuis
maintenant deux jours.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Nous avons
déjà échangé sur ce sujet, monsieur Le Fur, et vous avez profité de mon
absence pendant quelques heures pour poser une nouvelle fois la question. Le
président Lescure a dit que nous devions continuer d’avancer et je crois qu’il a
raison.
Vous le savez, monsieur Le Fur : j’ai écrit, avec
Jean-Baptiste Djebbari, aux organisations représentatives de la profession des
marins afin de confirmer que l’âge d’ouverture des droits à la retraite sera
bien fixé à 55 ans, après dix-sept ans de service – tout comme
aujourd’hui.
M. Marc Le
Fur. C’est quinze ans de service, aujourd’hui !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous maintenons leur régime
spécifique de l’ENIM – Établissement national des invalides de la
marine –, avec les mêmes conditions pour l’ouverture des droits à
55 ans et la possibilité du maintien d’une assiette
forfaitaire.
M. le député Pahun vous a informé de ce que les
discussions étaient intenses et avançaient bien. J’estime qu’il faut être clair
sur ces questions : comme je l’ai dit en commission spéciale, nous veillons
à ce que tous ceux qui, sur les côtes françaises, incarnent également notre pays
par leur activité économique, puissent continuer d’exercer leur profession et
voir conservées, dans la présente réforme des retraites, les spécificités que
nous avons progressivement construites avec eux – même s’il convient
également de faire évoluer le dispositif.
M. Marc Le
Fur. Confirmez-vous le maintien de l’assiette forfaitaire ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je confirme la possibilité du
maintien d’une assiette forfaitaire.
Mme la
présidente. Je mets aux voix l’amendement no 42522.
M. Marc Le
Fur. Pour les pêcheurs ! Vous n’allez quand même voter contre
cela ?
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 121
Nombre
de suffrages
exprimés 114
Majorité
absolue 58
Pour
l’adoption 27
Contre 87
(L’amendement no 42522 n’est pas
adopté.)
M.
Jean-Marie Sermier. Les marins s’en souviendront !
Mme la
présidente. Je suis saisie de dix-huit amendements identiques :
l’amendement no 2544 de Mme Valérie Rabault, ainsi que les
amendements no 4035 et identiques, déposés par les membres du groupe
La France insoumise.
Sur ces amendements identiques, je suis saisie par
le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin
est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à
Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement
no 2544.
Mme Valérie
Rabault. Je sais que nous avons déjà évoqué la question de la
soutenabilité économique et de l’équilibre financier, mais ce sont
60 milliards d’euros qui sont en jeu – un montant important,
donc – et nous n’avons toujours pas bien compris comment vous comptiez
atteindre cet objectif. Je sais aussi que vous nous avez indiqué que la
conférence de financement avait pour mission de rétablir en partie cet
équilibre, mais cela ne concerne que la période de transition, et pas la
suite.
Dans le système de retraite actuel – c’est écrit dans le
rapport du COR, le Conseil d’orientation des retraites –, environ 80 %
du montant des pensions versées sont financées par les cotisations, le reste
étant abondé par l’État ou par la branche famille de la sécurité sociale, par
l’intermédiaire de divers canaux. Ma question, monsieur le ministre, monsieur le
rapporteur général, mesdames et messieurs les rapporteurs, est donc la
suivante : cet arrangement, qui permet le financement de l’intégralité des
pensions, perdurera-t-il, tant dans la période de transition que dans le système
cible ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour soutenir
l’amendement no 4035 et les seize identiques déposés par le groupe La
France insoumise.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Le groupe La France insoumise demande la suppression de
l’alinéa 9 de l’article 1er au motif qu’il repose sur
l’argument de la soutenabilité économique.
Je ne donne pas de leçon
d’économie, monsieur Lescure, je ne suis qu’un modeste spécialiste de
l’humanisme au XVIe siècle. Cela n’a rien à voir, mais j’ai tout
de même appris, au long de ma vie, qu’on ne pouvait pas discuter d’économie sans
parler du travail qui produit la richesse ; il me semble qu’il s’agit d’une
règle de base.
M. Jacques
Marilossian. Pas du tout !
M. Roland
Lescure. Il n’y a pas que le travail, il y a aussi le capital !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je sais, cher ami, que vous souhaitez évoquer le capital,
mais, à nos yeux, ce n’est que du travail accumulé pris gratuitement, car la
part du travail qui n’est pas rémunérée en salaire et qui n’est pas investie en
matières premières ou en murs est une richesse produite gratuitement et
accumulée par l’une des deux classes. (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Jacques
Marilossian. Oh ! Ce n’est pas ça le capital !
M. Roland
Lescure. Et à part ça, vous ne nous donnez pas de leçons d’économie…
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ce n’est pas de l’économie, c’est du matérialisme historique
appliqué à l’économie !
M. Roland
Lescure. Si, c’est un cours d’économie !
M. Raphaël
Schellenberger. Et je ne suis pas sûr qu’il comprenne tout…
M. Jean-Luc
Mélenchon. Mon intention, monsieur Lescure, n’est en rien de donner des
leçons à qui que ce soit, mais simplement de préciser comment les mots sont
employés et quelle est notre vision de l’économie. Si l’on s’entend sur les
mots, au moins, on sait de quoi l’on parle ! (Exclamations sur les bancs
du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. S’il vous plaît, chers collègues, seul M. Mélenchon a
la parole.
M. Jean-Luc
Mélenchon. La soutenabilité économique dont il est question dans cet
alinéa est une soutenabilité comptable, pas une soutenabilité économique ;
cela revient à la règle d’or, à la règle de l’équilibre financier. Or la règle
de l’équilibre financier n’existe pas par elle-même, elle n’existe qu’en
relation avec le partage qui s’opère entre le capital et le travail à partir de
la richesse produite. Voilà pourquoi nous ne croyons pas en ce critère. Si vous
nous disiez que vous indexez la progression de la somme mise à la disposition
des retraites – les fameux 14,5 % du PIB – à proportion de la
progression de la richesse produite, nous pourrions alors nous entendre, parce
que cela signifierait que lorsque la société humaine produit davantage, une
partie de ce surplus est dédié au temps de la retraite. Cela a un sens
civilisationnel, tandis que ce qui est proposé ne revêt qu’un sens
comptable.
Et, toujours sans vouloir jouer au donneur de leçons
(« Ah ! », sur les
bancs du groupe LaREM), les dernières réductions du temps de travail qui ont
été instaurées…
Mme la
présidente. Veuillez conclure, monsieur Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Dans ce cas, je vous dirai la suite tout à l’heure. Je suis
sûr que vous allez être convaincu, cher collègue Lescure !
(Sourires.)
Mme Nadia
Hai. La suite au prochain épisode…
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements
identiques ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Sur ces amendements
identiques visant à supprimer un alinéa qui fixe l’objectif de soutenabilité
économique et d’équilibre financier du futur système universel, la commission a
émis un avis défavorable. L’équilibre du système de retraite n’est ni une option
politique ni une obsession comptable, contrairement à ce que l’on peut entendre.
La soutenabilité économique du système est ce qui doit nous permettre de le
pérenniser et de garantir aux générations futures de disposer d’un système
universel de retraite.
S’agissant de l’équilibre actuel et futur du
système, sachez, madame Rabault, qu’il reposera toujours sur la même
répartition, avec 80 % de cotisations et 20 % de transferts de
fiscalité et autres mécanismes de solidarité. Nous discuterons de ces questions
lors de l’examen de l’article 58 du projet de loi, qui fait partie du
titre IV, pour lequel notre collègue Carole Grandjean est
rapporteure.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous connaissez mon avis,
monsieur le président Mélenchon, sur les stratégies de suppression d’alinéas. Si
cela vous permet d’exprimer et de développer votre pensée politique – ce
que j’entends –, cela ne permet pas de résoudre les problèmes concrets qui
se posent aux Français et d’avancer dans la discussion de ce texte. Avis
défavorable.
Mme
Mathilde Panot. Le chômage n’est pas un problème concret qui se pose aux
Français ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Gilles Carrez.
M. Gilles
Carrez. Je souhaiterais prolonger la question de madame Rabault. Je
crois que nous sommes tous d’accord : environ 20 % des dépenses de
retraite continueront d’être financées au titre de la solidarité par le recours
à différentes taxes, aux côtés des cotisations. Or un autre élément aura une
incidence sur les finances de l’État, à hauteur, me semble-t-il, de
5 milliards à 10 milliards d’euros par an. Cet élément n’est
absolument pas chiffré précisément, et a fait l’objet d’un courrier récent de la
part de notre rapporteur général de la commission des finances, M. Laurent
Saint-Martin, et de notre collègue Émilie Cariou. En effet, dès lors que les
fonctionnaires verseront des cotisations retraite sur leurs primes – ce qui
est une bonne chose –, il faudra bien que l’État verse, en parallèle, des
cotisations en tant qu’employeur.
En outre, étant donné que les
fonctionnaires de l’État, ainsi que, j’appelle votre attention sur ce point, les
fonctionnaires des collectivités territoriales et hospitaliers, notamment de
catégorie C,…
M. Raphaël
Schellenberger. Eh oui ! Cela représente des masses
importantes !
M. Gilles
Carrez. …subiront une perte objective avec le système par points en
comparaison avec la prise en compte des six derniers mois de carrière, il
conviendra de la compenser.
M. Philippe
Vigier. Absolument !
M. Gilles
Carrez. Vous avez prévu une loi de programmation pluriannuelle pour ce
qui concerne les fonctionnaires de l’État ; or ce type de texte, dans un
pays dont la dette publique dépasse les 100 % du PIB, relève de promesses
qui n’engagent véritablement que ceux qui y croient. Soyons
réalistes !
La même question se posera d’ailleurs s’agissant des
fonctionnaires des collectivités territoriales : qui paiera ? La
charge reviendra-t-elle aux collectivités, dont on supprime une ressource
importante avec la taxe d’habitation et qui sont aujourd’hui étranglées ?
Et il en va de même pour la fonction publique hospitalière.
Se pose
encore la question, que nous avons évoquée en commission spéciale, des baisses
de la contribution sociale généralisée – CSG – visant à contrebalancer
les augmentations de cotisation pour les professions indépendantes : il
faudra bien qu’elles soient compensées au budget de la sécurité sociale.
Lorsque l’on ajoute tout cela, on s’aperçoit qu’il y a beaucoup
d’incertitudes, lesquelles se chiffrent en milliards. Nous souhaiterions donc
obtenir des réponses plus précises, monsieur le secrétaire d’État.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Raphaël
Schellenberger. Nous n’avons pas de réponses !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Célia de Lavergne.
Mme Célia
de Lavergne. S’agissant de ces amendements comme de l’ensemble de nos
débats depuis huit jours, je voudrais que nous soyons tout à fait au clair sur
ce que nous sommes en train de faire. Cela permettra d’ailleurs à ceux qui nous
regardent de bien comprendre ce qui se passe ici, dans l’hémicycle.
Que
les choses soient bien claires, il ne s’agit pas là d’un travail
parlementaire.
M. Marc Le
Fur. Mais si ! Gilles Carrez vient de poser des questions de
fond !
M. Fabien
Roussel. Et voilà, c’est reparti !
Mme Célia
de Lavergne. Un bon travail parlementaire ne consiste pas à lancer trois
ou quatre idées en l’air, aussi belles soient-elles : la pénibilité par-ci,
les femmes par-là. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LR, FI et
GDR, qui finissent par couvrir la voix de l’oratrice.)
Cela ne
consiste pas non plus à faire un concours de synonymes, ni à invectiver, ni à
exiger tout de suite une réponse à une question qui n’a rien à voir avec le
projet de loi. (Les exclamations se poursuivent.)
Mme la
présidente. Mes chers collègues, s’il vous plaît !
M. Bruno
Questel. Laissez-la parler !
M.
Jean-Marie Sermier. Vous préparez le recours au 49.3 !
Mme Célia
de Lavergne. Ce n’est pas cela, le travail parlementaire !
M. Fabien
Roussel. C’est incroyable ! Utilisez le 49.3 puisque vous le
souhaitez ! Fermez l’Assemblée nationale !
Mme Célia
de Lavergne. En tant que politiques, ayons un débat d’idées. Un débat
sur le fond, nous sommes pour. Nous, députés de la majorité, avons bien montré
ces derniers jours que nous sommes capables, comme d’autres, de bien défendre
les idées qui nous portent.
Mais cela, ce n’est pas un travail
parlementaire ; ne vous moquez pas de nous ! (Nouvelles
exclamations sur les mêmes bancs. Un pupitre claque.) Faire la loi, c’est
façonner ligne à ligne, idée après idée, amendement sur le fond après amendement
sur le fond,…
M.
Jean-Marie Sermier. La majorité ne veut plus avancer !
Mme Célia
de Lavergne. …des mesures structurées, structurantes, qui vont changer
la vie des Français. (Exclamations persistantes.)
Mme la
présidente. Laissez Mme de Lavergne poursuivre, s’il vous
plaît, vous réagirez ensuite.
Mme Célia
de Lavergne. Comment en sommes-nous arrivés là ? À cause de
qui ? À cause de quoi ? De 31 000 amendements vides de sens,
qui bloquent notre institution !
Un député du groupe LR.
Qui êtes-vous pour en juger ?
Mme Célia
de Lavergne. Ce n’est pas cela, faire la loi. Ce n’est pas cela, le
travail parlementaire. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.) À
cause de nos collègues insoumis et communistes, soutenus par les socialistes,
nous parlementons davantage que nous ne faisons notre travail parlementaire.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les
bancs des groupes LR, FI et GDR. – Invectives de banc à banc.)
M. Damien
Abad. Rappel au règlement !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je demande une suspension de séance !
Mme la
présidente. Je donnerai d’abord la parole au président Abad pour un
rappel au règlement, puis nous suspendrons la séance à la demande du président
Mélenchon.
Rappels au règlement
Mme la
présidente. Vous avez la parole, monsieur Abad.
M. Damien
Abad. Chers collègues, quand M. Gilles Carrez, ancien président de
la commission des finances, s’exprime dans cet hémicycle, la logique voudrait
que l’on respecte à la fois l’homme et la fonction (Applaudissements sur les
bancs des groupes LR et LT), d’autant qu’il n’a jamais, vous le savez, fait
preuve de démagogie.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Nous,
nous l’avons laissé parler !
Mme Nadia
Hai. C’est hallucinant ! Il y aurait donc des sous-députés dans cet
hémicycle ?
M. Damien
Abad. Depuis le début du débat, le groupe Les Républicains assume ses
responsabilités et fait preuve de sérieux. Les questions posées par
M. Carrez sont au cœur même du sujet, et vous le savez très bien, monsieur
le secrétaire d’État. Premièrement, comment allez-vous compenser, lors du
passage au régime à points, les pertes de pension de retraite subies par
certains agents de la fonction publique, notamment les fonctionnaires de
catégorie C et les enseignants ? Deuxièmement, ce coût sera-t-il
supporté par l’État ou par les collectivités locales ?
L’alinéa que
nous examinons vise à fixer « un objectif de soutenabilité économique et
d’équilibre financier ». Or, malheureusement, il n’y a plus ni
soutenabilité économique ni équilibre financier dans votre réforme des
retraites, puisqu’il n’y a plus ni âge pivot, ni report de l’âge légal de
départ.
Nous vous demandons simplement de respecter les orateurs, les
débats et notre groupe, qui, depuis le début, fait des propositions et souhaite
débattre du fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur
plusieurs bancs des groupes SOC, LT, FI et GDR. – Exclamations sur les bancs du
groupe LaREM.)
Nous en avons assez d’être victimes du ping-pong oral
entre les insoumis et la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe
FI.)
M. Jean-Luc
Mélenchon. Voilà que c’est encore de notre faute ! C’est
incroyable !
M. Damien
Abad. Ça suffit ! Nous en avons marre d’être pris en otages, comme
la majorité des Français qui nous écoutent. (Applaudissements sur les bancs
du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour un rappel au
règlement.
M. Philippe
Vigier. Chers collègues du groupe La République en marche, je tiens à
préciser qu’il s’agit du troisième rappel au règlement que je fais en dix jours,
ce qui n’est pas beaucoup.
M. Damien
Abad. Exactement !
M. Philippe
Vigier. Je ne comprends vraiment pas cette attaque frontale de certains
d’entre vous. Que cherchez-vous à obtenir de la sorte ?
Damien Abad
l’a très bien dit : lorsque Gilles Carrez s’exprime, il a autorité pour le
faire – il est député depuis quelques années. Lorsque Laurent Saint-Martin
écrit au Premier ministre pour évoquer le problème du financement, il a autorité
pour le faire.
M.
Dominique Potier. Valérie Rabault aussi lorsqu’elle pose des
questions !
M. Damien
Abad. Très juste !
M. Philippe
Vigier. Pourquoi ne voulez-vous pas aborder ce débat ? C’est le
moment !
En aucun cas vous ne pouvez dire que le groupe Libertés et
territoires fait de l’obstruction. Nous n’avons déposé que quatre-vingts
amendements et pas un seul sous-amendement. Or vous voulez nous renvoyer
uniquement à un match entre vous et ceux qui ont déposé des milliers de
sous-amendements. C’est intolérable et intenable ! Ça suffit !
M. Damien
Abad. Il y en a marre !
M. Philippe
Vigier. Vous aussi, vous prenez le Parlement en otage ! Je vous le
dis clairement : nous resterons jusqu’au bout et nous ne nous
laisserons pas faire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et
LR. – Mme Sylvie Tolmont applaudit aussi. –
Exclamations.)
Mme la
présidente. Mes chers collègues, s’il vous plaît ! Il y a plusieurs
demandes de rappel au règlement. Je vous prie d’écouter les orateurs.
La
parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle
Obono. Je fais ce rappel sur le fondement de l’article 100,
alinéa 5, du règlement, compte tenu de mises en cause.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Quelles mises en cause ?
Mme Danièle
Obono. Depuis le début de ce débat, les membres des différents groupes
d’opposition interviennent sur le fond, en argumentant de manière très précise.
Du côté de la majorité, 90 % des interventions consistent à se plaindre que
les groupes d’opposition posent des questions au Gouvernement et insistent. À
l’instant, un collègue s’est même permis de venir nous enjoindre de nous taire,
parce que nous réagissions à une interpellation.
Il serait temps, selon
moi, que les députés de la majorité se calment et aillent respirer un peu,
qu’ils acceptent le débat parlementaire, qui est ce qu’il est. Il nous a permis
de déposer ces sous-amendements… (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Bruno
Questel. Vous paralysez le débat !
Mme Danièle
Obono. Chers collègues, voyons, calmez-vous ! Nous avons encore de
longues heures de discussion devant nous, parce que c’est un débat important.
Les personnes qui nous regardent attendent de nous que nous prenions ces
questions au sérieux. Contrairement à ce qui a été dit tout à l’heure, la
pénibilité n’est pas une idée en l’air ; elle renvoie à des réalités très
graves vécues par nos concitoyens et nos concitoyennes. Pour notre part, nous
prenons ces questions au sérieux.
Mme la
présidente. Merci, madame Obono…
Mme Danièle
Obono. C’est pourquoi nous espérons de votre part un minimum de respect
et nous attendons des réponses du secrétaire d’État.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ça
va ! On a compris !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour un rappel au
règlement.
Mme Valérie
Rabault. Je fais moi aussi un rappel sur le fondement de
l’article 100, alinéa 5.
Chers collègues de la majorité, je ne
comprends pas que vous interveniez comme vient de le faire
Mme de Lavergne chaque fois que nous posons des questions financières.
Comme si la question des équilibres financiers ne devait pas faire partie du
débat ! Comme si demander comment vont s’établir ces équilibres revenait à
faire de l’obstruction ! Je vous le dis : je trouve cela très
choquant.
Je remercie le rapporteur général, qui, lui, manifestement, n’a
pas considéré que c’était de l’obstruction, puisqu’il nous a donné une réponse
claire. Je souhaiterais que l’on puisse aborder aussi les questions financières
dans le cadre de ce débat sur les retraites. C’est tout de même la base du
système et un élément qui détermine les équilibres. (Applaudissements sur les
bancs des groupes SOC, LR, LT et GDR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. J’ai demandé une suspension de séance pour que l’on puisse
revenir au calme.
Dans une discussion, il y a une logique. Vous n’allez
pas nous dire cinquante fois que nous avons déposé trop d’amendements, et nous,
vous expliquer cinquante fois que, si nous l’avons fait, c’est parce que nous
pensons que le débat sera bloqué à un moment donné…
M. Jacques
Marilossian. …et que vous avez donc décidé de le faire dès le début.
M. Jean-Luc
Mélenchon. …et que nous avons rattaché tout ce que nous pouvions aux
premiers articles du projet de loi afin de discuter toutes les questions qui
nous importent. Cela, vous le savez : il ne sert donc à rien de réitérer
ces échanges.
Quant à savoir ce qui est du débat parlementaire et ce qui
n’en est pas, si l’on se réfère à l’histoire, on n’a pas fini de rigoler !
Une fois, à cette tribune, le grand Jaurès s’est pris un coup de poing dans la
figure, ce qui ne s’était jamais vu. Une autre fois, il a expliqué ce qu’était
le socialisme. Personne à l’époque n’est venu lui dire de se taire au motif que
ce n’était pas le sujet mis en débat ce jour-là !
Mme Perrine
Goulet. Vous n’êtes pas Jaurès !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je pense qu’on a raison, lorsqu’on est un législateur, de se
référer au cadre large dans lequel le débat s’inscrit. Nous rejetons une logique
comptable, nous vous expliquons une logique historique, et vous dites que je
vous donne des cours… Que voulez-vous donc, à la fin ? Une opposition qui
ne s’oppose pas, qui ne demande pas de supprimer les dispositions du projet de
loi, et qui ne vote pas ? Cela n’existe pas !
Dans ces rappels
permanents, il y a quelque chose de totalitaire… (Exclamations et rires sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Oui, de totalitaire ! Le
totalitarisme, c’est ce côté absolument global : vous ne nous offrez aucune
possibilité d’entrer dans une discussion. (Mêmes mouvements.)
M. Bruno
Millienne. Vous ne pouvez pas dire ça !
M. Jean-Luc
Mélenchon. En effet, quoi que nous disions, vous êtes contre et vous
criez. (Mêmes mouvements.)
Oui, l’autoritarisme, c’est souvent
l’antichambre du totalitarisme. Il est temps pour vous de faire preuve de
retenue. J’ai demandé une suspension de séance. Buvez un bon coup, respirez un
bon bol d’air frais, cela ira mieux ensuite !
Mme la
présidente. Je propose que nous achevions la série de rappels au
règlement avant la suspension. (Approbation.)
La parole est à
Mme Nadia Hai, pour un rappel au règlement.
Mme Nadia
Hai. Je prends la parole uniquement pour la bonne tenue de nos débats.
Je trouve vraiment scandaleux les propos que M. Abad a tenus à
l’instant : nous devrions le respect à M. Carrez ; en revanche,
quand Célia de Lavergne s’exprime, les pupitres claquent, les insultes
fusent d’un côté et de l’autre de l’hémicycle, on ne manifeste aucun
respect. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Vives
exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Raphaël
Schellenberger. Quel scandale ! C’est vous qui êtes responsables de
ce bordel !
Mme Nadia
Hai. Y a-t-il des sous-députés dans cette assemblée ? Je ne le
crois pas. Nous avons tous été élus au même titre que M. Carrez, que
vous-même, monsieur Abad, ou que quiconque ici. Je ne crois pas qu’il y ait de
place pour la misogynie dans cet hémicycle. Il y a lieu de respecter les débats.
(Mme Mathilde Panot s’exclame avec vivacité.)
Mme la
présidente. Madame Panot, s’il vous plaît !
Mme Nadia
Hai. Vous voyez, ça continue ! J’appelle, comme le président
Mélenchon, au calme et au respect de chacun et chacune d’entre nous dans cet
hémicycle. (Brouhaha.)
Mme la
présidente. Je n’ai pas entendu d’insultes proférées, madame Hai. Si tel
avait été le cas, elles auraient été sanctionnées.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Il y
en a eu de tous les côtés !
Suspension et reprise de la séance
Mme la
présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept
heures cinquante.)
Mme la
présidente. La séance est reprise.
La parole est à M. Fabien
Roussel, pour un rappel au règlement – sur quel fondement le formulez-vous,
cher collègue ?
M. Fabien
Roussel. Sur le fondement de l’article 100, alinéa 5, madame
la présidente.
M. Philippe
Vigier. Il a appris ! (Sourires.)
M. Fabien
Roussel. Le droit d’amendement a encore une fois été remis en cause par
deux interventions successives interpellant les groupes sur le contenu du débat
et des amendements. Comme si nous ne pouvions pas avoir un débat de fond projet
de société contre projet de société à l’Assemblée nationale !
Mme Sylvie
Tolmont. C’est exactement cela !
M. Fabien
Roussel. Notre projet diffère de celui de la droite, et du vôtre, chers
collègues. Nous examinons là une série d’amendements concernant le financement
des retraites ; la droite pose des questions en ce sens. Quant à nous, nous
nous interrogeons sur la taxation du capital : nous voulons savoir pourquoi
il n’y a pas de cotisations sociales sur le capital. Or le débat est
impossible : chaque fois que nous posons une question, vous prenez la
parole pour nous opposer les 41 000 amendements qui ont été
déposés.
M. Jimmy
Pahun. Avançons !
M. Fabien
Roussel. Ces amendements portent sur un texte fondamental. Vous trouvez
le chiffre de 41 000 excessif : combien d’amendements vos petits cœurs
souffriraient-ils ? (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
C’est insupportable ! Quel nombre serait acceptable, selon vous : 200,
500 ? Est-ce que 1 000, ça passe ? Mais 1 500, c’est
trop ? Mince alors !
Mme Michèle
Peyron. Quelle démagogie !
M. Fabien
Roussel. Nous sommes dans l’hémicycle, à l’Assemblée nationale. S’il
n’est pas possible de débattre ici, en examinant le nombre d’amendements
nécessaire pour vous pousser à dire la vérité et débattre au fond des sujets qui
nous préoccupent, où ce débat aura-t-il lieu ? Dans la rue ? C’est
vraiment ce que vous voulez ? J’ai l’impression que pour vous, il ne
faudrait plus d’hémicycle. J’ai même entendu dire que cela coûtait cher
– 1,5 million d’euros la journée. Mais rasez-la, l’Assemblée
nationale !
M. Gilles
Le Gendre. Allons !
M. Fabien
Roussel. Laissez le pouvoir aux mains d’un seul homme – c’est
d’ailleurs ce que vous faites. C’est effectivement un régime autoritaire que
vous voulez instaurer – et c’est insupportable ! (Applaudissements
sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Patrick Mignola, pour un rappel au
règlement – sur quel fondement le formulez-vous, cher collègue ?
M. Patrick
Mignola. Sur le fondement de l’article 100, alinéa 5, madame
la présidente.
Disons la vérité : nous pouvons, les uns comme les
autres, êtes gagnés par l’énervement – au bout d’une semaine, c’est
compréhensible. Celui-ci se traduit parfois par des postures, ou des mots peu
amènes – à vrai dire, je n’en ai pas tant entendu. On ne recourt pas si
souvent à l’article 70, alinéa 2 du règlement : les insultes sont
rares. Mieux vaut éviter d’employer de grands mots et de monter sur nos grands
chevaux.
M. Marc Le
Fur. Très bien !
M. Patrick
Mignola. En tant que président d’un des deux groupes de la majorité, et
conforté par les échanges que nous avons eus pendant les quelques minutes de la
suspension de séance, que la présidente a très légitimement accordée, je crois
pouvoir affirmer que nous avons du respect les uns pour les autres.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LaREM et LT.
– M. Stéphane Peu applaudit
également.)
M. Marc Le
Fur. Très bien !
M. Patrick
Mignola. Chacun peut s’exprimer ; des stratégies différentes
peuvent être employées : de projet, de contre-projet, de ralentissement
– chacun peut légitimement en adopter, continuons d’y avoir recours. En
revanche, vous devez aussi comprendre, au sein des oppositions, qu’il est
difficile pour la majorité d’avoir l’impression de réécrire dans
l’article 1er l’ensemble des soixante-cinq articles du projet de
loi. Nous avons le sentiment que vous faites preuve d’une volonté de
ralentissement, ce qui ne nous convient pas. Toutefois, cela n’empêche pas le
respect de perdurer entre nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes
MODEM, LaREM et LT.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour un rappel au
règlement.
M. Damien
Abad. Rappel au règlement au titre de l’article 70.
Au
préalable, je veux dire que je partage complètement votre opinion, monsieur
Mignola. C’est d’ailleurs ainsi que nous opérons, au sein du groupe Les
Républicains, depuis le début de l’examen du texte – je crois que personne,
dans cet hémicycle, ne me contredira.
M. Bruno
Questel. C’est vrai !
M. Damien
Abad. Je regrette d’autant plus l’attitude de Mme Hai, qui nous a
reproché de proférer des insultes, alors que notre groupe intervient depuis le
début sur des questions de fond, sérieusement et de manière responsable. Plus
grave, elle fait état d’une présupposée misogynie – nous avons réécouté ses
propos avec attention. Cela révèle d’ailleurs l’état d’énervement des
troupes.
J’en appelle donc au président du groupe La République en
marche, M. Le Gendre : il faut que tout le monde revienne à la
raison et que nous fassions preuve d’un respect mutuel. C’est ainsi que notre
groupe agit depuis le début : nous sommes numériquement le premier groupe
d’opposition, pourtant nous sommes aussi le groupe qui écoute le plus, tout en
intervenant dès que nous le jugeons nécessaire.
Il faut raison garder et
éviter que les collègues de la majorité prennent la parole à hue et à dia, pour
dénoncer tel ou tel fait : l’hémicycle mérite mieux qu’un ping-pong verbal,
des insultes, des invectives ou un semblant de débat. Nous voulons parler du
fond, et aller jusqu’au bout de l’examen du texte. Je suis certain que
Mme la présidente de la commission spéciale, M. le ministre chargé des
relations avec le Parlement et M. le secrétaire d’État en seront d’accord
et qu’ils attesteront du respect dont font preuve les membres du groupe Les
Républicains. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Gilles Le Gendre, pour un
rappel au règlement.
M. Gilles
Le Gendre. Il est lui aussi fondé sur l’article 100.
Je suis
tout à fait d’accord avec ce qui vient d’être dit et je joins ma voix à celle
des présidents Abad et Mignola pour appeler au respect et à la dignité des
débats – nous y tenons tous.
Cependant, il est troublant de
constater qu’à chaque rappel au règlement, tout le monde se pare des plumes de
la vertu : considération pour les règles de la démocratie, bonne foi,
engagement, volonté de débattre sur le fond, respect des points de vue
adverses ; or la réalité, c’est qu’après sept jours de débat, nous en
sommes à la moitié de l’article 1er d’un texte qui en comporte
soixante-cinq.
Mme Sylvie
Tolmont. Et alors ?
M. Damien
Abad. Ce n’est pas le sujet !
M.
Jean-Pierre Door. Et c’est parce que vous le voulez bien !
M. Gilles
Le Gendre. Je me garderai bien d’ajouter la moindre critique susceptible
de relancer la polémique, toutefois je constate une contradiction folle entre la
volonté d’avoir un débat efficace, démocratique et riche, et le fait qu’au bout
de sept jours, nous n’en soyons encore qu’à la moitié de
l’article 1er ! J’accorderais le plus grand crédit à ces
déclarations de bonne volonté si elles étaient suivies d’actes capables de
démontrer, pour nous comme pour les Français qui nous regardent, que nous sommes
prêts à aller jusqu’au bout de la discussion du texte.
M. Damien
Abad. Il faut le dire aux membres de votre groupe !
M. Gilles
Le Gendre. Au bout de sept jours, nous n’en avons pas la preuve !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du
groupe MODEM.)
M. Fabien
Roussel. Faudrait-il que nous supprimions nos amendements ?
M. Jean-Luc
Mélenchon. Il est belliqueux, Le Gendre !
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel, pour un rappel au
règlement – sur quel fondement le formulez-vous, cher collègue ?
M. Éric
Coquerel. Sur le fondement de l’article 56, pour la bonne tenue des
débats, madame la présidente.
J’ai apprécié l’intervention de
M. Mignola, qui estime que le ralentissement du débat peut être la
conséquence d’une stratégie légitime de l’opposition. Néanmoins, je souhaite
rappeler les motivations de ce choix : la volonté de faire adopter le texte
en deux semaines était surréaliste !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Voilà !
M. Éric
Coquerel. Toute la question est là : nous examinons une loi
structurelle. Quoi qu’on en pense, elle touche l’un des piliers du patrimoine
social français.
M.
Jean-Pierre Door. Oui !
M. Éric
Coquerel. Vous avez décidé de la faire adopter en deux semaines :
ce n’est pas possible ! Là est le problème, depuis le début. Monsieur
Le Gendre, en quoi serait-il scandaleux de débattre pendant sept jours de
l’article 1er, qui contient les principes du texte, et
conditionne par conséquent toute la suite ?
Il faut
vous y faire : pour un projet de loi de ce type, on devrait prévoir, sans
avoir besoin de se heurter à ce sujet, sept ou huit semaines de discussion.
L’autre jour, M. Woerth a évoqué une durée de deux mois : cela
n’aurait rien d’inédit.
M. Fabien
Roussel. Elle serait conforme à l’histoire du Parlement.
M. Éric
Coquerel. La difficulté tient à votre seule volonté de faire adopter le
texte à tout prix avant les élections municipales, pour respecter votre
calendrier. Si vous admettiez enfin que ce n’est pas possible, les choses
iraient beaucoup mieux ! (Mme Danièle Obono
applaudit.)
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Carole Grandjean.
Mme Carole
Grandjean. Chacun de nous est bien conscient de l’importance de débattre
des ressources du système de retraite, par lequel nous sommes tous concernés. La
part importante que jouent les cotisations dans une logique assurantielle
n’occulte pas celle des autres ressources qui financent le système universel,
dont nous discuterons – c’est important – lors de l’examen du
titre IV, dont je suis la rapporteure, notamment à
l’article 58.
À l’article 1er, la question des
ressources n’est pas abordée. Elle le sera, je le répète, à l’article 58.
Nous traiterons alors des cotisations, du Fonds de solidarité vieillesse
universel – FSVU – ou du produit des placements effectués par le Fonds
de réserves universel – FRU. Je rappelle que 80 % des ressources
seront issues des cotisations, ce qui recouvre actuellement une réalité très
variable : les cotisations employeurs assurent 95 % des ressources
dans certains régimes, et seulement 40 % dans d’autres.
Nous aurons
donc de vrais débats sur le financement du système. La question des ressources
issues du capital sera également abordée, puisque la CSG sur le capital abonde
déjà à hauteur de 12 milliards d’euros la solidarité vieillesse. Ce seront
des discussions importantes, mais pour l’heure, nous devons préserver à
l’article 1er la référence qui sera prise en compte dans la
future gouvernance de la Caisse nationale de retraite universelle et qui sera
débattue à l’article 58. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements no 2544 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 108
Nombre
de suffrages
exprimés 104
Majorité
absolue 53
Pour
l’adoption 16
Contre 88
(Les amendements
no 2544 et identiques
ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Nous en venons à l’amendement no 26722 et
aux quinze amendements identiques déposés par le groupe de la Gauche démocrate
et républicaine.
Ils font l’objet de deux sous-amendements,
nos 42404 et 42405.
Sur ces amendements identiques, je
suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande
de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour
soutenir l’amendement no 26722.
M. Stéphane
Peu. Par cet amendement, nous tentons de formuler une proposition, pour
la énième fois depuis ce matin. Si nous souscrivons à l’impératif de
soutenabilité financière du système de retraite sur le long terme, nous
souhaitons récrire l’alinéa 9 en reprenant les termes actuels du code de la
sécurité sociale, selon lequel la pérennité financière du système est assurée
par des contributions équitables, c’est-à-dire réparties équitablement tant
entre les générations – afin d’éviter la concurrence que le projet de loi
risque hélas d’instaurer – qu’au sein de chaque génération, d’une part en
fonction du niveau de revenus et d’autre part entre les revenus tirés du travail
et ceux tirés du capital – à l’heure où le premier est plus lourdement
sollicité que le second.
Dans sa proposition de loi pour une retraite
universellement juste, notre groupe propose de mettre à contribution les revenus
du capital pour financer le système de retraite de sorte à tout le moins que les
dividendes, qui ne cessent d’augmenter, abondent le régime de retraite et la
sécurité sociale dans la même proportion que les revenus du travail. Cette
proposition n’a rien d’extravagant, elle relève simplement de la justice.
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir le
sous-amendement no 42404.
M. Éric
Coquerel. Ce sous-amendement me permet de revenir sur la notion de
soutenabilité, dont M. Mélenchon a eu raison de dire que, dans votre
système, elle était comptable et non pas économique, c’est-à-dire fondée sur la
confrontation entre le capital et le travail.
J’ajoute un élément dont
vous conviendrez pour une fois, je l’espère, que ce sera un des résultats
concrets de votre réforme.
Aujourd’hui, le montant de la retraite est
calculé sur un salaire de référence, dans un système à prestations définies. En
d’autres termes, on commence par définir des prestations, tenues pour
prioritaires, et l’on y consacre ensuite les budgets nécessaires – selon
des règles qui nous plaisent ou non, mais qui existent.
Vous allez
inverser les choses : ce qui devient prioritaire, c’est l’équilibre
comptable du système, les taux de remplacement devenant une variable
d’ajustement.
En outre, vous ajoutez deux verrous. D’une part, vous
imposez un équilibre comptable sur cinq ans. J’ai rappelé ce matin à quel point
une telle disposition aurait été nocive pendant la période comprise entre 2008
et 2012, durant laquelle le maintien du montant des retraites a permis, en
soutenant un tant soit peu la consommation, de maintenir l’économie française à
niveau. D’autre part, vous vous interdisez d’élever le montant des cotisations
car vous refusez d’augmenter ce que vous appelez le coût du travail, et nous son
prix.
C’est en raison de ce double verrou que vous ne pouvez pas garantir
l’âge d’équilibre ni le niveau des pensions, qui dépendront, je le répète, de
l’équilibre comptable. Vous inversez l’ensemble de la logique
actuelle.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir le
sous-amendement no 42405.
Mme Danièle
Obono. Pour éclaircir les principes qui structurent la réforme, nous
proposons de préciser que l’objectif de pérennité financière doit aussi être
économique. Il est temps de sortir de votre logique comptable, que nous
contestons, et d’ouvrir le champ à tous les domaines de l’économie, qui peuvent
être sociaux autant que financiers.
Nous avons illustré notre position
par des exemples. La soutenabilité, la pérennité et la durabilité du système de
retraite que vous visez doivent s’appuyer sur la réalité de la vie sociale,
puisque les conditions de travail doivent s’adapter en fonction des secteurs
professionnels et des catégories socio-professionnelles.
Notre
proposition vous offre un moyen de sortir de l’ornière et de renoncer à votre
obsession financière, que ne tarderont pas à remettre en cause les déséquilibres
que vous provoquerez – nous y reviendrons au fil de l’examen des
articles – avec cette enveloppe de près de 70 milliards dont nul ne
sait comment elle sera financée. Il est temps d’élargir la focale, car enfin,
nous parlons bien ici d’un système de protection sociale et de sécurité
sociale !
Mme la
présidente. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la
commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Ces sujets ont
déjà été abordés. La rédaction proposée dans les amendements fait disparaître
toute référence à l’équilibre et à la soutenabilité du système de retraite.
C’est pourtant sur ceux-ci que repose la pérennité d’un système par répartition,
ainsi que son avenir et la confiance qu’il inspire – et qui fait défaut
aujourd’hui. Avis défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Avis défavorable.
Mme Grandjean s’est très bien exprimée sur le sujet. Le FSV bénéficie
aujourd’hui de 12 milliards d’euros de CSG, au titre de la contribution sur
le capital, et de 4,4 milliards au titre du prélèvement social de
solidarité sur les revenus du capital. Au lieu d’opposer en permanence travail
et capital, ce qui ne me semble pas très sain, mieux vaut trouver des équilibres
entre eux. Nous l’avons fait aujourd’hui et le ferons encore demain, via le
FSVU.
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Après de telles réponses, je tiens à défendre l’amendement.
Nous ne cherchons pas à opposer le travail et le capital, mais à inscrire parmi
les grands principes de votre texte la possibilité de les faire participer tous
deux au financement du système de retraite. N’est-ce pas le but de nos débats,
que de vous proposer d’autres options que les vôtres ? Vous prévoyez de
ramener la part des richesses consacrée par notre pays au financement du système
de retraite de 14 % aujourd’hui à 12,9 % en 2050, alors qu’elle a
toujours augmenté depuis 1950.
M. Jacques
Marilossian. Pas du tout !
M. Fabien
Roussel. Nous aimerions quelques précisions sur cette mesure dont le
coût est estimé à 23 milliards d’euros.
Nous proposons pour notre
part de porter à 17 % la part du PIB consacrée au système des retraites et
d’asseoir à cette fin une cotisation sur le capital. Nous voulons en débattre.
C’est pourquoi nous souhaitons inscrire cette proposition dans
l’article 1er, qui énonce les grands principes de la
réforme.
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. Sur ce sujet, nous assumons nos divergences avec les groupes FI et
GDR. Pour notre part, nous considérons que la question du financement est
essentielle. Nous avons d’ailleurs défendu un amendement tendant à inscrire au
premier rang des principes énoncés dans l’article 1er la
soutenabilité économique et l’équilibre financier, dont tout le reste découle.
Les retraites, et plus généralement la protection sociale ne sauraient être
détachées de l’économie ni de la démographie d’un pays.
M. Marc Le
Fur. Bien sûr !
M. Stéphane
Viry. Elles en font partie. Sur ce sujet, il faut être réaliste et
responsable. On ne pourra pas pourvoir aux besoins de nos compatriotes si on ne
s’assure pas de la compétitivité de notre économie. C’est pourquoi on ne peut
dissocier les retraites de l’équilibre économique et social de notre pays, ni
les considérer indépendamment de leur financement, comme voudrait le faire
l’autre partie de l’opposition. Nous ne voterons donc pas les amendements.
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Un échange précédent a été interrompu à cause de différents
incidents ; je reprends donc mon intervention.
Je disais que
l’évaluation économique est plus intéressante que l’évaluation comptable. C’est
le sens de l’amendement défendu par Éric Coquerel.
Notre collègue Lescure
s’est étonné de mon propos, et un autre député a expliqué qu’il ne fallait pas
attendre du régime des retraites qu’il règle tous les problèmes d’inégalité du
pays. Toutes, non, bien sûr ; mais un grand nombre, oui ! En
particulier, il est possible de résorber les inégalités qui s’expriment à
l’arrivée à l’âge de la retraite grâce à une certaine organisation des
retraites.
La question est, au fond, celle de la juste répartition des
richesses produites entre capital et travail – le retraité étant,
évidemment, du côté du travail.
Nous touchons ici à la question de
l’équilibre économique durable. Je vous rappelle que les trois années qui ont
suivi la réduction du temps de travail à trente-cinq heures ont été les plus
créatrices d’emploi de tout le siècle. C’est un fait, nullement une invocation
idéologique !
M. Raphaël
Schellenberger. Vous faites bien de rappeler que vous avez été
socialiste !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Il a été ainsi possible de passer d’un déficit des caisses
sociales de 5,2 milliards d’euros – retraite incluse – en 1997 à
un excédent de 800 millions d’euros,…
M.
Jean-Marie Sermier. C’était la période de la cagnotte de
Jospin !
M. Jean-Luc
Mélenchon. …puis de 1,2 milliard en 2001. Quand on crée
100 000 emplois, on gagne 1,3 milliard d’euros.
Par
conséquent, la réduction du temps de travail – au sens de répartition du
temps libéré pour la production de richesses entre capital et travail –
détermine le nombre de personnes qui travailleront, et donc les recettes, qui
financeront notamment les retraites. Ne dites pas que c’est abstrait, il n’y a
rien de plus concret que cela !
Quelqu’un a-t-il un autre modèle
économique à proposer ? La théorie du ruissellement peut-être ? Les
résultats sont nuls ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Dominique Potier.
M.
Dominique Potier. Je veux réagir aux propos tenus par le secrétaire
d’État à l’instant – c’est seulement ma deuxième prise de parole, on ne
pourra pas dire que j’ai beaucoup ralenti l’examen du texte.
Il tient
pour malsaine une discussion sur la répartition de l’effort entre le capital et
le travail. Au contraire, cette discussion est profondément saine : nous
soutiendrons la proposition de nos collègues communistes, qui a toute sa place
au sein de l’article 1er, parce qu’elle est principielle. Oui,
monsieur Viry, cette proposition participe de la consolidation du dispositif sur
le plan des principes, même s’il se trouve que la discussion du financement a
été dissociée de celle de la réforme systémique
Durant l’après-guerre,
les écarts entre capital et travail n’avaient rien à voir avec ce qu’ils sont
aujourd’hui. Sans même aller chercher les travaux de Thomas Piketty, les études
de l’OFCE montrent qu’ils se sont creusés. Cette question ne doit pas être
taboue : il est même extrêmement sain de la poser.
Par un amendement
déposé à l’article 13, nous proposons de mobiliser 20 à 30 milliards
d’euros de revenus du capital. Cela représente vingt à trente fois la somme
nécessaire pour permettre aux paysans les plus pauvres, ceux qui n’ont pas pu
acquérir de patrimoine, de retrouver la dignité que leur doit la
nation.
Mes chers collègues, un débat apaisé, bien posé, marqué par le
respect, bien organisé, selon un bon calendrier et avec une étude d’impact bien
préparée aurait pu permettre de dessiner des points d’accord, et de faire
aboutir des conciliations sur des sujets majeurs.
(Les sous-amendements nos 42404 et 42405,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements no 26722 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 112
Nombre
de suffrages
exprimés 110
Majorité
absolue 56
Pour
l’adoption 11
Contre 99
(Les amendements no 26722 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir
l’amendement no 29465.
M. Dino
Cinieri. Outre le fait que le mot « soutenabilité » est un
néologisme vraisemblablement issu de l’anglais « sustainability », il
semble faire double emploi avec l’objectif d’équilibre financier énoncé juste
après.
C’est la raison pour laquelle le présent amendement vise à
assigner au système de retraite, à la place d’un objectif de soutenabilité, un
objectif de « performance », plus en lien avec notre souci de
croissance du PIB et d’augmentation du pouvoir d’achat.
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. L’idée de remplacer le mot
« soutenabilité » par celui de « performance » dans ce texte
me semble manquer d’à-propos. S’il est évident que la part des prélèvements
sociaux joue sur les équilibres financiers et économiques, la notion de
performance n’a rien à voir avec le système de solidarités nécessaires que sont
les retraites. Avis défavorable.
Mme la
présidente. Sur les amendements no 26724 et identiques,
je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Damien
Abad. L’alinéa 9 nous place au cœur du sujet : faut-il exclure
la question financière de la discussion du projet de loi sur les
retraites ?
Le projet de loi fixe un objectif de soutenabilité
économique et d’équilibre financier des retraites. Cet objectif est
louable : le problème est que vous ne vous y tenez pas dans le reste du
texte, puisque vous avez supprimé l’âge pivot.
Si l’auteur de
l’amendement, Emmanuel Maquet, propose d’inscrire la notion de performance,
c’est pour garder à l’esprit les questions de croissance économique et
d’évolution du produit intérieur brut.
Au-delà des questions de
sémantique, la question est de savoir si les objectifs que vous présentez à
l’article 1er sont respectés dans la suite du texte. Or on voit
bien que le système a perdu son équilibre financier. Le Conseil d’orientation
des retraites – COR – annonce qu’il faudra financer un déficit annuel
de 15 à 20 milliards d’euros à partir de 2025, et de 22 milliards
d’euros à partir de 2030 : c’est dire que la question financière se
pose !
Monsieur le secrétaire d’État, avez-vous prévu de résoudre
cette équation financière en piochant dans le Fond de réserve des retraites, en
utilisant le produit de la CRDS – contribution pour le remboursement de la
dette sociale – ou en faisant les poches des caisses de retraite autonomes
et complémentaires ? Une autre solution serait de revenir sur votre choix
en matière d’âge d’équilibre. Il y a là un choix fondamental, qui est essentiel
pour nous, comme vous le savez.
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe
Latombe. Je reviens sur la définition du mot
« soutenabilité », qui est au cœur de votre amendement. Est
soutenable, ou durable, « un développement qui répond aux besoins des
générations présentes – en particulier des plus démunis – sans
compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres
besoins ». Telle est la définition donnée aux élèves de terminale qui
étudient les sciences économiques, et qu’on trouve aussi dans le dictionnaire.
Il ne s’agit donc pas d’un anglicisme.
Vous souhaitez remplacer ce mot
par celui de « performance ». C’est pire ! Vous voulez assigner
au système de retraite un objectif de performance économique et
financière : son but serait d’accumuler autant de réserves que possible, en
redistribuant aussi peu que possible !
M. Dino
Cinieri. Ce n’est pas du tout ça !
M. Philippe
Latombe. Le projet de loi vise l’inverse : redistribuer, afin que
le système reste viable pour les générations futures.
Les jeunes, dans ma
circonscription, s’intéressent peu aux principes généraux du système : ils
nous demandent de leur garantir qu’ils auront une retraite ! Notre objectif
est bel et bien de disposer d’un système soutenable,…
M. Damien
Abad. Sans report de l’âge de la retraite ?
M. Philippe
Latombe. …c’est-à-dire que la redistribution doit profiter aux plus
démunis et que le dispositif perdurera pour les générations futures. Le mot
« performance » n’est donc pas le bon. (M. Bruno
Millienne applaudit.)
(L’amendement no 29465 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de seize amendements du groupe GDR,
no 26724 et identiques, qui font l’objet des deux
sous-amendements nos 42415 et 42412.
La parole est à
M. Fabien Roussel, pour soutenir les amendements.
M. Fabien
Roussel. Ils visent à préciser que les objectifs financiers sont
poursuivis « dans le respect de la justice sociale ».
Vous
voulez faire croire que votre réforme des retraites est juste, alors que vous
prenez pour seuls objectifs « la soutenabilité économique » et
« l’équilibre financier ». Quant à nous, nous nous soucions du respect
de la justice sociale.
Votre réforme des retraites, comme cela a été dit,
n’est pas financée. Non seulement vous voulez ramener la part du PIB consacrée
aux retraites à 12,9 %, mais en plus vous comptez priver notre système de
retraite de plusieurs dizaines de milliards d’euros de financement.
Nous
ne souhaitons pas que cet équilibre financier soit atteint aux dépens des
salariés, notamment ceux qui exercent des travaux pénibles, ceux qui travaillent
dans la fonction publique, ou les aides-soignantes, qui peuvent aujourd’hui
partir à la retraite à 57 ans.
Pour notre part, nous préférons
garantir aux salariés qu’ils pourront partir à la retraite suffisamment tôt,
quand ils exercent des métiers pénibles, et de surcroît avec une bonne pension.
Nous ne voulons pas que l’âge de départ à la retraite et le montant des
retraites servent de variables d’ajustement.
L’objectif d’équilibre
financier doit donc être poursuivi dans le respect de la justice sociale. Une
fois cette précision ajoutée à l’article 1er, relatif aux
principes du système, il sera possible d’insérer dans les articles suivants les
règles de financement correspondantes.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir le
sous-amendement no 42415.
Mme Danièle
Obono. Il vise à préciser les termes utilisés par nos collègues du
groupe de la Gauche républicaine et démocrate, parque nous partageons leur
objectif de justice sociale.
Je reviens à la discussion sur les rapports
entre capital et travail : comme l’a dit Dominique Potier, elle est au cœur
de la question des retraites.
Les retraites sont une part du salaire
socialisé. Celles et ceux qui produisent les richesses doivent-ils en profiter,
lorsqu’ils sont en activité, grâce à un salaire décent ? Nous avions
proposé d’augmenter le salaire minimum, et de dégeler le point d’indice pour les
fonctionnaires. Notre pays est un des plus actifs et des plus riches au monde.
Ces richesses doivent profiter à la majorité, y compris lors de la retraite
– le fruit de ce travail.
Il faut donc faire figurer la
justice sociale dans l’article 1er. Une fois que ces termes
auront été inscrits noir sur blanc parmi les principes du système de retraite,
nous pourrons en faire découler les mesures nécessaires.
Nous avons
constaté – tout comme différents experts, jusqu’au Conseil d’État –
qu’en l’état actuel du texte, cet objectif de justice sociale ne peut être
atteint. Au contraire, la réforme accroîtra les injustices et les
inégalités.
Inscrivons donc cet objectif de justice sociale dans le
projet de loi ; nous pourrons ensuite, au cours de l’examen du reste du
texte, vérifier si les mesures que vous proposez permettent de l’atteindre. Nous
pourrons alors voter en connaissance de cause.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le
sous-amendement no 42412.
Mme
Mathilde Panot. L’amendement défendu par M. Fabien Roussel concerne
notre modèle social. Nous pouvons être fiers qu’en France, le pourcentage de
retraités pauvres soit parmi les plus faibles d’Europe.
Je repose ma
question de tout à l’heure, en espérant obtenir une réponse, maintenant que le
représentant du Gouvernement au banc a changé. Qu’en est-il des personnes au
chômage qui atteignent l’âge de 62 ans ? Elles ne peuvent pas
poursuivre leur activité jusqu’à 64 ans, puisqu’elles n’en ont pas.
Qu’est-il prévu dans ces cas ?
La question est importante, monsieur
le secrétaire d’État, parce que seules 30 % des personnes entre 60 et
64 ans ont un emploi : cela fait du monde au chômage !
N’allez-vous pas créer une nouvelle trappe de pauvreté ?
Je citerai
de nouveau, puisque vous n’étiez pas là tout à l’heure, le rapport de la Cour
des comptes relatif aux fins de carrière, publié en octobre 2019. Il montre
que, depuis 2010, l’enveloppe dédiée aux chômeurs en fin de droit âgés de 60 à
64 ans a augmenté de 75 %, et le montant du RSA versé à la
tranche d’âge entre 60 et 64 ans de 157 %. La pauvreté a déjà
explosé !
Avec l’instauration d’un âge d’équilibre à 64 ans
– encore suis-je optimiste, puisqu’il sera repoussé ensuite –
qu’est-il prévu pour les chômeurs, qui devront partir à la retraite en subissant
une décote de 10 % et avec des allocations moindres, à cause des
dispositions que vous avez insérées dans la réforme ?
Mme la
présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Roussel, vous avez parlé plusieurs
fois des 12,9 % du PIB.
M. Fabien
Roussel. Oui.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous avons eu l’occasion, hier et
avant-hier, d’apporter à plusieurs reprises l’explication correspondante, mais
je crois que vous n’étiez pas présent. Le sujet a été largement évoqué, nous ne
pouvons y revenir en permanence.
En matière de justice sociale, certains
députés se sont émus de la situation des agriculteurs, ainsi que d’autres
professions. Nous cherchons à intégrer tout le monde dans le même régime de
retraite, pour que la solidarité nationale profite à tous. Aujourd’hui, l’une
des causes majeures de dysfonctionnement de certains régimes est leur
démographie déclinante : 400 000 agriculteurs actifs ne peuvent
pas assumer une retraite honorable à 1,3 million d’agriculteurs retraités.
Leur intégration au système universel est l’exemple même de la justice sociale
que nous souhaitons instaurer. Tous au service de tous : c’est la meilleure
définition que nous pouvons donner à notre projet. (Applaudissements sur
quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Le sous-amendement défendu par
Mme Obono vise à substituer « en respectant un objectif de » à
« dans le respect de ». C’est assez caractéristique d’une pratique qui
nous empêche d’avancer sur le fond du débat.
S’agissant des amendements
du groupe GDR, je crois qu’il nous faut poser des objectifs de soutenabilité
financière, car il est important que le système soit à l’équilibre. Nous aurons
ainsi un système durable et solide, qui nous permettra d’appliquer les nouveaux
droits que la majorité défend, notamment le minimum de retraite dès 2022.
Défavorable.
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour un rappel au
règlement.
Mme
Mathilde Panot. Sur la base de l’article 56. Cela fait trois fois
que je pose la même question concernant les chômeurs, et trois fois que je
n’obtiens aucune réponse. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Les chômeurs sont 6 millions : cela concerne un paquet de
gens !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ce n’est pas un rappel au
règlement !
Mme
Mathilde Panot. J’aimerais bien avoir au moins une fois une réponse du
Gouvernement. Que se passera-t-il, pour un chômeur de 62 ans, avec un âge
d’équilibre à 64 ans ?
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.
M.
Jean-Pierre Door. La soutenabilité économique et financière d’une
véritable réforme des retraites est au cœur du projet des Républicains, comme
l’a expliqué tout à l’heure Stéphane Viry. À cet égard, nous restons dans le
vague, y compris s’agissant de la conférence de financement : elle est en
route, mais elle est en perdition, puisque des partenaires sociaux l’ont
quittée.
Des membres de la majorité, par la plume du nouveau président de
la commission des finances, que je félicite d’ailleurs pour sa nomination…
Mme Nadia
Hai. Il est rapporteur général.
M.
Jean-Pierre Door. …ont envoyé un courrier au Premier ministre pour
s’inquiéter de cette situation. Est-il possible de connaître la réponse du
Premier ministre ?
Mme la
présidente. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle
Obono. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez lu et relu notre
sous-amendement, mais vous n’avez pas répondu sur le fond, et c’est bien là le
problème. J’ai expliqué qu’il s’agissait d’un sous-amendement de précision. Nous
soutenons l’amendement de nos collègues communistes et nous voulons y ajouter
les termes « dans le respect d’un objectif de justice
sociale. »
Pourquoi voulons-nous cette précision ? Monsieur le
rapporteur, vous avez pris l’exemple des agriculteurs et des
agricultrices : précisément, vous prétendez intégrer cette catégorie et lui
faire bénéficier de la solidarité nationale. Pourtant le débat nous a montré
qu’une partie des agriculteurs et des agricultrices ne sont pas inclus dans
l’objectif – que d’ailleurs vous ne créez pas. Nous avions soutenu des
propositions permettant d’améliorer les revenus et les retraites des
agriculteurs et agricultrices, mais vous les avez rejetées.
Si nous
insistons pour que cela soit inscrit noir sur blanc dès l’énoncé des principes
de la loi, c’est par expérience : celle de vos refus, mais aussi celle des
flous qui sont apparus grâce à nos discussions. C’est pour cela que nous voulons
cette précision. Cette fois, il ne s’agit pas d’un amendement de
suppression : expliquez-nous, au fond, pourquoi vous refusez d’inscrire
cela noir sur blanc !
Mais vous ne répondez pas au fond et nous
serons obligés d’y revenir, dans l’article 1er ou dans les
suivants. Vous refusez d’assurer l’objectif de justice sociale : au moins,
ça, c’est clair !
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Laurent Saint-Martin, pour un rappel
au règlement.
M. Laurent
Saint-Martin. Sur la base de l’article 70, alinéa 3, puisque
j’ai été cité par M. Door. Cela me permettra de contextualiser ce courrier
envoyé au Premier ministre, qui a déjà été évoqué à plusieurs
reprises.
Je respecte éminemment Gilles Carrez, mais vous ne parlez pas
de la même chose : le financement du système universel de retraite
– SUR – est très important, bien qu’il n’ait pas tout à fait sa place
dans cet article, mais ce courrier concernait les conséquences de la réforme sur
le prochain projet de loi de finances, c’est-à-dire le prochain budget de
l’État. Aucun rapport avec le SUR à proprement parler !
Les
cotisations, qui continueront à financer à hauteur de 80 % le futur régime
universel de retraites, comme l’a bien expliqué le rapporteur, sont l’objet de
notre débat. Le courrier que vous citez, monsieur Door, n’a pas de rapport
direct ni avec l’article 1er ni avec le texte en général.
M.
Jean-Pierre Door. Bien sûr que si !
M. Laurent
Saint-Martin. Il se rapporte à des débats que nous aurons à l’occasion
des examens successifs des prochains budgets.
Le débat relatif au
financement mérite du sérieux et de la précision. Le SUR est une chose, et la
conférence de financement s’y rapporte ; les budgets de l’État en sont une
autre.
Mme la
présidente. Monsieur Saint-Martin, l’article 70 du règlement
concerne les sanctions. Fort heureusement, il n’y a pas eu d’injure, de menace
ou de trouble à l’ordre public. La mise en cause pour faits personnels figure à
l’article 58. Je me permets un peu de pédagogie au passage et j’invite
chacun à consulter attentivement ce bréviaire qu’est notre règlement !
M. Laurent
Saint-Martin. C’est que je n’ai pas l’habitude de faire des rappels au
règlement !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Sacha Houlié.
M. Sacha
Houlié. Je souhaite tout d’abord procéder à quelques rappels concernant
les principes de cette réforme. Le financement actuel fait l’objet de la
conférence de financement, lancée à la demande des parlementaires et des
syndicats ; elle doit parvenir à équilibrer le système dans la perspective
de l’application de la réforme. Par ailleurs, le financement futur est réglé à
l’article 10 du texte, auquel je ne désespère pas que nous arrivions. Cet
article introduit un âge d’équilibre, et le système est donc tout à fait
financé.
M. Raphaël
Schellenberger. Ça y est, voilà les éléments de langage !
M. Sacha
Houlié. Par ailleurs, je vous propose de nous arrêter sur une situation
personnelle comme vous les chérissez. Hier, j’étais à Poitiers et je faisais du
porte-à-porte avec une dame de 64 ans qui s’appelle Claude.
M. Raphaël
Schellenberger. Ah, la campagne municipale !
M. Sacha
Houlié. Cette femme est aujourd’hui chercheuse d’emploi : elle n’a
pas suffisamment cotisé et doit, pour partir à la retraite, atteindre l’âge
d’annulation de la décote, soit 67 ans. Elle m’a expliqué que si elle était
retraitée, elle percevrait exactement le même montant que celui qu’elle perçoit
en tant que chercheuse d’emploi, ce qu’elle trouve stupide, et que la réforme
lui serait tout à fait profitable ! C’est pourquoi il serait bon de voter
l’article 1er, ainsi que l’article 10, dont pourraient
bénéficier un tiers des Français concernés par la non-annulation de la décote.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Pour justifier qu’il n’est pas nécessaire d’inscrire dans cet
alinéa l’idée de justice sociale, M. le rapporteur prend l’exemple des
agriculteurs. Quel mauvais exemple, après ce que nous venons de vivre et après
les déclarations du Président de la République ! Ce dernier en effet avait
dit que la retraite des agriculteurs serait traitée dans le présent texte. Cette
promesse avait été faite après que le président Chassaigne avait défendu, ici
même, la retraite du monde agricole et avait obtenu un vote majoritaire de cette
Assemblée, lors de la précédente législature. Une fois ce texte arrivé au Sénat,
il a été bloqué par votre majorité et rejeté : le Président de la
République a alors promis que la retraite des agriculteurs figurerait dans le
prochain projet de loi. Hier, patatras, il a annoncé que c’était impossible
parce que cela coûte 1,1 milliard.
Pour notre part, notre
proposition de loi assurait le financement de cette retraite agricole en
augmentant de 0,1 point la taxe sur les transactions
financières.
Oui, il est important d’inscrire dans le marbre d’un texte
de loi les principes de justice sociale, parce que lorsque cela n’est pas écrit,
vous y dérogez à chaque fois ! (M. Stéphane Peu
applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. J’ai bien écouté vos explications, chers collègues de la France
insoumise, sur ces amendements et sous-amendements. Vous voulez nous faire
ajouter ici les termes de « justice sociale » et de « modèle
social », qui figurent déjà dans l’alinéa 2 sous la forme de pacte
social. Mais alors, je ne comprends pas pourquoi vous avez voulu nous faire
voter à plusieurs reprises, en scrutin public, l’inscription dans cet article
des termes « inéquité
sociale » !(Mme Carole Grandjean
applaudit.)
(Les sous-amendements nos 42415 et 42412,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements identiques
no 26724 et suivants.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 103
Nombre
de suffrages
exprimés 102
Majorité
absolue 52
Pour
l’adoption 13
Contre 89
(Les amendements identiques no 26724
et suivants ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques,
nos 9749 et 25342.
La parole est à M. le rapporteur,
pour soutenir l’amendement no 9749.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Cet amendement a été adopté en commission,
à l’initiative de M. Orphelin et ses collègues. Il vise à insérer la notion
de contributions à caractère solidaire. Il a une portée avant tout symbolique,
mais il nous a semblé important de le faire figurer dans le texte.
M.
Dominique Potier. Deux poids, deux mesures !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir
l’amendement no 25342.
Mme Martine
Wonner. Il a été présenté par Matthieu Orphelin en commission, comme le
rapporteur vient de l’expliquer. Je confirme l’intérêt des cotisations
contributives et de leur redistribution solidaire.
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Cet amendement, défendu en
commission spéciale par Mme Gaillot me semble-t-il, avait fait l’objet d’un
avis favorable du Gouvernement. La commission spéciale n’ayant pu aller à son
terme, je renouvelle ici cet avis favorable, comme je m’y étais engagé, et je me
réjouis que cet amendement ait été repris par la commission.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. On parle souvent de la loi bavarde, mais là,
franchement, c’est encore plus que bavard ! Un régime par répartition est
par nature solidaire : en ajoutant la notion de solidarité, on fait très
fort ! Bref, le régime par répartition est solidaire avec des contributions
solidaires…
Nous avons évoqué précédemment la notion de soutenabilité. À
titre d’illustration, j’ai pris le budget de la France : la dette, due pour
partie à nous, pour partie à vous, atteint 98 % du PIB. Si les taux
d’intérêt venaient à augmenter, la dette française serait-elle soutenable pour
le budget ?
En réalité, vous nous demandez de voter une réforme des
retraites sans aucune vision ni mesure financière. Le rapporteur général de la
commission des finances vient de reposer la question : quelles seront les
conséquences sur le budget ? Nous ne parlons pas ici du budget de l’année
prochaine et de l’année suivante, mais des quarante années à
venir !
Autre ambiguïté liée, cette fois-ci à l’amendement précédent
sur l’agriculture : quelle version faut-il retenir ? Le principe du
« en même temps » nous égare quelque peu, en effet, entre un Président
de la République qui passe plus de dix heures au salon de l’agriculture et fait
des séances de câlinothérapie avec les agriculteurs, leur affirmant qu’il les a
entendus,…
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Chirac y passait jusqu’à dix-sept heures et tous les présidents y sont
allés ! Ce n’est pas correct !
Mme
Marie-Christine Dalloz. …et vous, députés de la majorité, dont la
démarche à l’égard du monde agricole est plutôt tiède, voire froide. Où est la
vérité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Permettez-moi de réagir à la présentation que le rapporteur a
faite de cet amendement adopté par la commission spéciale : le fait
d’ajouter les mots « à caractère solidaire » aurait une « portée
symbolique ». Autrement dit, toutes nos propositions antérieures n’avaient
aucune portée symbolique : le respect de la justice sociale, par exemple,
n’a pas de portée symbolique ! Vous parlez d’obstruction et de logorrhée
lorsque nous déposons des amendements, mais ajouter « à caractère
solidaire », ce n’en est pas ! Bref, vos amendements sont justes et
les nôtres ne sont pas justes.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Celui-ci a été adopté par la
commission spéciale !
M. Fabien
Roussel. La justice sociale, non, le caractère solidaire,
oui !
Franchement, je ne comprends pas du tout la présentation de
cet amendement – que je soutiendrai, du reste, car j’en partage le libellé.
Mais je ne vois pas pourquoi vous refusez d’ajouter les mots « justice
sociale », qui permettraient d’encadrer ce projet de loi tellement plein de
trous qu’il en perd toute matière !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Faudrait-il aussi ajouter le
terme « inéquitable » ?
Mme la
présidente. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle
Obono. Je soutiendrai cet amendement tout en faisant part de mon
étonnement suite aux propos du rapporteur et du secrétaire d’État, celui-ci
n’ayant pas jugé bon de relire le texte de l’amendement et n’ayant fait preuve
d’aucune ironie ni condescendance. Pourtant, lorsque nous proposons d’ajouter au
texte des précisions qui ne sont pas seulement symboliques mais qui renvoient à
des notions plus compréhensibles et inclusives, permettant de tracer les lignes
de force d’un texte qui en manque, nos interventions sont jugées inutiles et
assimilées à de l’obstruction. Je suis surprise, même si je ne voudrais pas vous
soupçonner de faire preuve de partialité ou d’antiparlementarisme à l’égard de
l’opposition et d’adhérer à toutes les propositions de la majorité. Il est tout
de même étonnant que vous refusiez l’ajout de précisions relatives à la justice
sociale alors qu’un simple adjectif supplémentaire recueille votre avis
favorable.
M. Mustapha
Laabid. Merci, on a compris !
Mme Danièle
Obono. Cela justifie l’ensemble des sous-amendements que nous défendrons
pour améliorer le texte et en préciser les termes. Si vous acceptez l’amendement
dont nous parlons, je ne doute pas que vous accepterez les sous-amendements
suivants !
M. Mustapha
Laabid. Merci, c’est bon !
Mme Danièle
Obono. Merci de faire tant de bruit, cher collègue : cela me permet
de poursuivre en rappelant la question de Mme Panot sur les chômeurs, qui,
loin d’être symbolique, était très précise. Vous devriez, monsieur le secrétaire
d’État, avoir des éléments concrets à apporter sur cette question du chômage
qui, en matière de solidarité, est tout de même un enjeu majeur !
Mme la
présidente. La parole est à M. Dominique Potier.
M.
Dominique Potier. Il y a manifestement dans l’acceptation de cet
amendement deux poids, deux mesures, mais passons : ce n’est guère
important. Sur le fond, je parle un peu le Matthieu Orphelin – je ne suis
pas dans sa tête, mais pas non plus très loin. Son idée d’une contribution
solidaire n’est pas éloignée d’une notion que nous, socialistes, allons
défendre : la progressivité de la contribution solidaire en fonction des
revenus. En soutenant cet amendement, nous soutenons donc l’idée en vertu de
laquelle on ne doit pas participer à la solidarité de la même manière selon que
l’on gagne un ou dix SMIC. Je défendrai un amendement à l’article 13 visant
à créer une cotisation non pas fixe, autour de 2 % environ, mais variable
entre 1 % et 5 % afin de réduire les inégalités par cette contribution
solidaire. C’est le seul intérêt que présente à cet instant l’acceptation du
présent amendement.
Mme la
présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Permettez-moi de préciser que cet
amendement a été adopté en commission spéciale. En tant que rapporteur, je suis
tenu de respecter le travail de la commission, où la discussion s’était tenue,
comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, à l’initiative d’Albane Gaillot.
C’est ce travail de commission qui rend cet amendement différent. Quant à
l’amendement visant à faire mention de la justice sociale, vous avez voulu
l’introduire à l’alinéa 9, relatif à l’équilibre financier ! C’est
l’alinéa 6 qui porte sur la solidarité, et nous l’examinions hier. C’est
une simple question de cohérence rédactionnelle.
Mme
Mathilde Panot. Et ma question ?
Mme la
présidente. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès
Firmin Le Bodo. Le groupe UDI, Agir et indépendants votera en faveur de
ces amendements qui s’inscrivent dans le même état d’esprit que le débat de ce
matin sur l’adjonction à l’adjectif « satisfaisant » du mot
« digne », initialement proposée par le groupe communiste.
M. Thierry
Benoit. Excellent !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Cela vaut mieux, en effet, que
d’ajouter le terme « inéquitable » !
(Les amendements identiques nos 9749 et
25342 sont adoptés.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements,
nos 38086, 38762, 38735, 38736, 38737 et 38738, pouvant être
soumis à une discussion commune, chacun d’entre eux faisant l’objet d’un ou de
plusieurs sous-amendements.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour
soutenir l’amendement no 38086.
Mme Martine
Wonner. Pour ne pas rouvrir le débat sur l’espérance de vie en bonne
santé, je me contenterai de dire que cet amendement est défendu.
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir le
sous-amendement no 42466.
M. Fabien
Roussel. J’en profite pour défendre l’amendement ! Il visait à
prendre en compte la notion d’espérance de vie en bonne santé à l’âge du départ
à la retraite. Nous souhaitons préciser qu’il s’agit de l’âge
« légal » de départ à la retraite, autrement dit 62 ans. Il ne
faut s’en tenir à « l’âge de départ » tout court : on ignore
jusqu’où ce projet de loi nous emmènera !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir le
sous-amendement no 42056.
Mme Danièle
Obono. Dans la foulée des explications de M. Roussel, nous estimons
nécessaire de préciser les termes de l’amendement de Mme Wonner et de ses
autres signataires en indiquant qu’il s’agit de l’âge légal de départ à la
retraite. Dans ce débat, la majorité entretient le plus grand flou entre l’âge
de départ et l’âge légal de départ. Vous prétendez ne pas relever l’âge légal
mais, en réalité, l’âge effectif de départ augmentera de fait en raison de votre
dispositif. Il nous semble donc important de prévoir un âge légal de départ à la
retraite moins élevé pour certaines professions, parce que nous tenons compte
des différences d’espérance de vie et des conditions de travail qui la
réduisent. Cette précision ajouterait de la clarté à nos débats.
Mme la
présidente. Sur le sous-amendement no 42056, je suis
saisie par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Nous en venons, dans la discussion commune, aux cinq
amendements nos 38762, 38735, 38736, 38737 et 38738, qui peuvent
faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à Mme Annie
Chapelier, pour les soutenir.
Mme Annie
Chapelier. N’étant pas de celles qui prennent le plus souvent la parole,
je saisis cette occasion pour demander à l’ensemble de mes collègues de tomber
d’accord sur un point : aucun groupe ici ne peut se targuer de savoir mieux
qu’un autre ce qu’est la vraie vie. Chacun d’entre nous possède une expérience
professionnelle qui lui permet d’étayer ses propos.
M. Dino
Cinieri. Cela a déjà été dit !
Mme Annie
Chapelier. L’amendement no 38762 vise à considérer
l’espérance de vie en bonne santé à 65 ans pour les différentes catégories
professionnelles comme un paramètre essentiel et de même niveau que la
démographie générale. Nous en avons déjà beaucoup discuté mais je soulignerai
deux points.
Tout d’abord, l’espérance de vie en bonne santé, aucun
médecin ne le niera ici, est une notion reposant sur plusieurs facteurs et ne
dépend pas que du travail et de sa pénibilité.
Permettez-moi de présenter
une vision du travail quelque peu différente de celle qui nous a été exposée. Le
travail n’est pas forcément subi ; il peut être choisi et permet aussi de
se réaliser et de rester en bonne santé – même si certains d’entre vous en
sourient. Toutes les professions ont une incidence sur la santé, mais elles
produisent également des effets positifs. Le travail, c’est avant tout une
aspiration. Ici même, nous travaillons tous – et certains d’entre nous ont
déjà dépassé l’âge légal de la retraite, ce qui ne les empêche pas de rester en
bonne santé.
J’enfonce des portes ouvertes. Ce sont peut-être des lieux
communs, mais je rappelle que si nous débattons des retraites, c’est pour
permettre à chacun de profiter de cette période où nous ne travaillons
plus ; encore faudrait-il pour cela remettre le travail à sa juste
place.
Un dernier mot : s’agissant de l’espérance de vie en bonne
santé, on cite souvent l’exemple de la Suède, où ce paramètre est pris en
compte, en affirmant que cela a eu une influence défavorable sur l’âge de départ
à la retraite. Les Suédois ont fait ce choix mais leur espérance de vie en bonne
santé est l’une des plus élevées d’Europe. S’ils ont fait ce choix, c’est aussi
parce qu’ils ont privilégié la prévention et d’autres paramètres bien différents
de ceux auxquels nous travaillons ici.
(« Merci ! » et
applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le
sous-amendement no 42057, à l’amendement
no 38762.
Mme
Mathilde Panot. En effet, chère collègue, le droit à une retraite digne
est précisément l’objet de notre débat. C’est là le point de clivage entre
nous : nous contestons la capacité de cette réforme à accorder à toutes et
à tous le droit à une retraite digne.
Ce sous-amendement vise à tracer
l’un des axes forts de notre contre-projet, à savoir l’âge de départ à
60 ans. Nous l’avons dit et le répéterons : la diminution du temps de
travail est le véritable progrès historique, obtenu depuis plus d’un siècle et
demi. De ce point de vue, votre projet de loi constitue une régression
historique.
M. Philippe
Latombe. Oh !
Mme
Mathilde Panot. Dans les toutes premières usines, il était souvent
interdit aux ouvriers de porter une montre, et pour cause : le patron
trafiquait régulièrement l’horloge de l’atelier. (Exclamations sur les bancs
du groupe LR.)
En 1840, la journée de travail durait officiellement
dix-sept heures.
M. Jacques
Marilossian. Nous sommes au XXIe siècle !
Mme
Mathilde Panot. Elle a été ramenée à quatorze heures en 1905, puis à
douze et dix heures, avant l’instauration de la journée de huit heures en 1919
et celle de sept heures avec la loi sur les trente-cinq heures. En clair, la
durée journalière de travail a été divisée par deux en France depuis le
XIXe siècle, malgré les protestations et les plaintes du
patronat et sans aucun dommage pour la production, bien au contraire, puisqu’un
salarié d’aujourd’hui, vous le savez, produit trois fois plus qu’un salarié de
1970. C’est pourquoi nous proposons ce sous-amendement.
Enfin, s’agissant
des personnes qui sont au chômage à 62 ans, je n’ai toujours pas obtenu de
réponse. Si vous souhaitez demander une suspension de séance pour appeler
Mme Pénicaud, monsieur le secrétaire d’État, nous y sommes disposés !
(« Oh là là ! » sur
les bancs du groupe LaREM.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Nous
en déciderons nous-mêmes !
Mme
Mathilde Panot. En attendant, j’aimerais avoir une réponse !
M. Bruno
Millienne. Vous ne débattez pas, madame Panot ; vous
éructez !
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir le
sous-amendement no 42468 à l’amendement
no 38762.
M. Fabien
Roussel. Par ce sous-amendement, nous proposons d’ajouter les termes
« différents métiers ». Nous partageons le propos de Mme Panot
sur l’espérance de vie et souhaitons que les salariés puissent en bénéficier dès
60 ans, et non 65 ans comme le propose Mme Chapelier. Pour ce
faire, nous proposons de tenir compte des différents métiers, puisque la
pénibilité est une question sensible sur laquelle il est difficile de voir
clair. La précision est donc importante.
M.
Jean-Michel Jacques. On en parle depuis ce
matin !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42058 à l’amendement
no 38735.
Mme
Caroline Fiat. Nous n’avons jamais contesté que, dans certaines
professions, des personnes aient envie et choisissent de travailler très
tard : 67, voire 68 ans… Le sous-amendement propose simplement que
ceux qui se sentent fatigués à 60 ans, qui veulent arrêter, puissent partir
à la retraite. Voilà l’objet de notre sous-amendement.
M. Bruno
Millienne. Il n’est pas très égalitaire.
Mme
Caroline Fiat. Nous n’obligeons pas tout le monde à partir à
60 ans. Mais ceux qui subissent le travail, ceux dont le corps ne suit plus
et qui veulent se reposer doivent pouvoir partir à la retraite à cet âge sans
perdre d’argent – ce dernier point étant très important. Il y a des
professions qui fatiguent, et dans ces professions, on doit pouvoir partir à
60 ans sans perdre d’argent.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir le
sous-amendement no 42059, à l’amendement
no 38736.
Mme Danièle
Obono. Il vise à préciser que l’espérance de vie dont il est question
dans l’amendement défendu par Mme Chapelier est l’espérance de vie
« en bonne santé ».
Nous faisons une nouvelle tentative pour
vous convaincre d’apporter cette précision dans l’alinéa 9. De l’expérience
professionnelle qu’a chacun d’entre nous, comme notre collègue le rappelait tout
à l’heure, nous savons que l’espérance de vie en bonne santé diverge selon les
catégories professionnelles et sociales. Nous ne disons pas que vous n’en êtes
pas conscients : simplement, nous n’en tirons pas les mêmes conséquences
que vous. Nous pensons nécessaire d’insérer cette notion dans le texte, afin que
la réalité dont nous pouvons tous témoigner ne soit pas, pour les salariés, une
régression collective et individuelle.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42060, à l’amendement
no 38737.
Mme
Caroline Fiat. En lisant ce sous-amendement, je me disais que si les
propositions dont nous discutons étaient adoptées aussi facilement que celles
portant sur le handicap et sur la dignité du niveau de vie, tout irait très
vite.
Ce matin, un collègue a fait de l’humour sur les calculs
rénaux : ayant travaillé en néphrologie, je vous assure que les médecins
préfèrent laisser le calcul passer tout seul, même si la douleur est forte. Ce
qu’il faut analyser, c’est la cause du calcul : si le régime alimentaire
avait été bon par exemple, il ne se serait peut-être pas produit. De même, si
nos amendements avaient été votés dès le départ, nous aurions pu avancer très
vite.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour soutenir le
sous-amendement no 42062, à l’amendement
no 38738.
Mme
Mathilde Panot. Il vise à entendre la notion d’espérance de vie
« en bonne santé selon les catégories professionnelles ».
Nous
avons déjà évoqué en commission spéciale le courrier de la secrétaire d’État
Marlène Schiappa, dans lequel elle s’inquiétait de l’absence de prise en compte
de la pénibilité du travail des puéricultrices, techniciennes de surface et
femmes de chambre. Porter des bébés toute la journée ou faire des lits à la
chaîne, souligne-t-elle, s’avère physiquement et parfois psychologiquement
difficile, alors que la manutention manuelle de charges et les postures pénibles
ont été exclues des critères de pénibilité, et que le Gouvernement refuse de
considérer la douleur psychologique.
Les égoutiers vivent, en moyenne,
cinq ans de moins que les autres ouvriers et dix-sept ans de moins que
l’ensemble de la population. Il importe de tenir compte, dans l’âge de départ à
la retraite, de l’espérance de vie en bonne santé selon les catégories
professionnelles. Parmi les personnes les plus pauvres de notre pays, une sur
quatre ne voit pas un seul centime de sa retraite. Si ce fait est négligé, cette
proportion progressera fortement, et ceux qui exercent les professions les plus
difficiles auront encore plus de mal à avoir une retraite digne.
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Madame Wonner, je vous remercie de
n’avoir pas développé votre amendement, reconnaissant ainsi implicitement que
nous avions déjà longuement discuté de la prise en compte de l’espérance de vie
en bonne santé. Nous arrivons à la limite de cette discussion générale à
rallonge, dans laquelle les scrutins publics sont demandés à tort et à
travers : ils n’ont plus de sens, on ne regarde même plus qui vote quoi,
ils ne visent qu’à ralentir la procédure.
La seule précision que
j’apporterai est pour Mme Panot : nous aborderons la question du
chômage, au travers de l’attribution de points en période d’inactivité, à
l’article 42. C’est pour bientôt !
Avis défavorable.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe
Latombe. J’adhère aux propos du rapporteur. Je vous en prie, mes chères
collègues, nous avons eu la même discussion pendant deux heures ce matin, à
propos de l’alinéa 6 : lisez le compte rendu des débats, tous les
arguments y figureront ! Nous ne pouvons pas revenir sans cesse sur le
sujet. Nous avons donné toutes les réponses ce matin. Si vous n’étiez pas là,
reprenez le compte rendu des débats et vous aurez les réponses à vos
amendements. Soyons clairs, vous êtes simplement en train de faire de
l’obstruction. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jacques Marilossian.
M. Jacques
Marilossian. Ce matin, je suis intervenu dans le débat sur la notion
d’espérance de vie en bonne santé. Pour les collègues qui n’étaient pas en
séance, j’ai cité Michèle Delaunay, ancienne ministre déléguée aux personnes
âgées et à l’autonomie,…
Mme
Marie-Christine Dalloz. Socialiste !
M. Jacques
Marilossian. …qui a parfaitement démontré que cette notion n’existait
pas.
Qui aujourd’hui peut croire qu’une personne de 65 ans n’est pas
en meilleure santé aujourd’hui qu’il y a trente ans ? Oui, il y a trente
ans, des gens de 65 ans étaient en moyenne ou mauvaise santé, d’où
l’abaissement, par François Mitterrand, de l’âge de départ à la retraite de 65 à
60 ans. Mais quarante ans plus tard, la science et la médecine ont accompli
de tels progrès que les gens de 65 ans sont, en général, en bonne
santé ! Et, comme le disait l’ancienne ministre, ils le sont pour au moins
dix ans. Peut-être commence-t-on à avoir des problèmes à partir de 75 ans,
mais arrêtez de nous expliquer que les gens de 65 ans sont en mauvaise
santé ! Certains peuvent, bien entendu, avoir des soucis de santé, mais la
très grande majorité d’entre eux sont vifs.
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Je vais également me répéter, car la majorité a un problème
avec la notion d’espérance de vie en bonne santé. Résumons-nous : l’âge
moyen de liquidation des retraites dans le secteur privé s’élève à
63,5 ans, mais avec le secteur public et les autres catégories actives, il
est de 62 ans.
L’âge d’équilibre pénalisera toutes les personnes
partant à la retraite avant 65 ans, par le biais d’une décote et d’un malus
financier.
L’espérance de vie en bonne santé, ou sans incapacité
– j’espère que vous ne remettez pas en cause cet indicateur –
correspond au nombre d’années que peut espérer vivre une personne sans être
gênée dans ses activités quotidiennes. Bien sûr, des facteurs personnels jouent
en la matière : les « travailleurs » ne travaillent pas
vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! Mais il y a aussi les conditions de
travail pénibles, qui influent sur la santé, l’espérance de vie en bonne santé
et l’espérance de vie générale. La pénibilité au travail correspond à des
sollicitations physiques ou psychiques qui laissent des traces durables et
identifiables sur la santé des travailleurs.
Vous dites que ceux qui
exercent un travail pénible pourront, en théorie, partir à 60 ans, mais ce
ne sera pas le cas : un départ à 60 ans les pénaliserait doublement,
par rapport à l’âge légal de départ à la retraite, 62 ans, et surtout à
cause de la décote. Vous définissez donc un âge théorique, mais les gens devront
travailler plus longtemps, y compris ceux qui souffrent d’une pénibilité au
travail.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme
Caroline Fiat. Ce matin, je n’ai pas pris le temps de répondre aux
collègues qui trouvaient subjective la notion d’espérance de vie en bonne santé.
Mais toutes les preuves médicales, par catégorie professionnelle, par emploi ou
par nombre d’années travaillées, ne sont pas subjectives, elles !
(Mme Mathilde Panot aplpaudit.)
Le travail de
nuit induit des troubles du sommeil, des baisses de vigilance, des pathologies
gastro-intestinales,…
M. Jacques
Marilossian. Rien à voir avec la question !
Mme
Caroline Fiat. …des accidents, des problèmes de fertilité et durant la
grossesse, des troubles métaboliques, des pathologies cardio-vasculaires et des
cancers du sein chez la femme.
M. Julien
Borowczyk. Cela n’a rien à voir avec le texte !
Mme
Caroline Fiat. Bien sûr, on se remet effectivement très vite d’un cancer
à 65 ans… Si vous me dites que tout cela n’influe pas sur l’espérance de
vie en bonne santé, il y a un problème !
M. Philippe
Latombe et M. Bruno Millienne. Nous n’avons jamais dit
cela !
Mme
Caroline Fiat. Selon sa profession et ses horaires de travail, on peut
développer des pathologies qui jouent sur l’espérance de vie en bonne santé.
C’est prouvé médicalement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe
MODEM.)
Nous ne sommes pas d’accord. Vous avez vos idées,
messieurs, mais j’ai encore le droit de partager mes convictions ici, comme de
demander des scrutins publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Brahim Hammouche.
M. Thibault
Bazin. Vous n’êtes pas obligé de reprendre la parole, cela ralentit le
débat !
M. Brahim
Hammouche. Je reconnais là l’humour lorrain… Je vous offrirai des
macarons tout à l’heure, monsieur Bazin !
On peut toujours
dresser la liste des pathologies induites par les cycles de travail, notamment
celui de nuit, mais il faut relire l’alinéa 6, chers collègues. Si vous
niez ce qui est écrit noir sur blanc, on ne peut plus parler rationnellement.
« À ce titre, le système universel de retraite tient compte des situations
pouvant conduire certains assurés, pour des raisons tenant à leur état de santé
ou à leur carrière, à anticiper leur départ en retraite ». Si on fait le
catalogue de ces causes, on oubliera des pathologies et on exclura ceux qui en
souffrent. Cet alinéa n’est peut-être pas significatif pour vous, mais, pour un
médecin, il l’est ! (Vifs applaudissements sur plusieurs bancs des
groupes MODEM et LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. J’aimerais réagir aux propos tenus tout à l’heure par
M. le rapporteur, qui a été provocateur – l’un et l’autre vont
ensemble ! Monsieur le rapporteur, voici que vous nous reprochez de
demander des scrutins publics. Demander un scrutin public, c’est faire de
l’obstruction ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Vous en demandez sans cesse !
M. Fabien
Roussel. Et exercer son droit de vote, c’est quoi, se rebeller ?
Faire la révolution ?
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. C’est
un peu facile !
M. Fabien
Roussel. M. Blanquer vient de déclarer sur une chaîne d’information
continue que nous sommes les ennemis de la démocratie. Je trouve cela
gonflé ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Entre
ceux qui nous accusent ici de faire de l’obstruction au motif que nous demandons
des scrutins publics et M. Blanquer qui nous traite d’ennemis de la
République… J’estime qu’il est particulièrement scandaleux de traiter
l’opposition de la sorte. Les ennemis de la démocratie sont ceux qui ne veulent
pas d’opposition et qui font tout pour l’éliminer ! (Applaudissements
sur les bancs des groupes GDR et FI.)
Mme la
présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. On m’accuse de faire rimer provocateur avec
rapporteur. Je ne trouve pas ça très élégant.
Monsieur Roussel, le droit
d’amendement est de valeur constitutionnelle ; mais si on le transforme en
logorrhée, cela finit par devenir antiparlementaire. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.) Les scrutins publics sont très utiles pour
identifier des spécificités politiques ; une avalanche de scrutins publics
leur fait perdre tout sens.
Nous sapons là les fondements mêmes du
Parlement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Je vous invite à y réfléchir. À cette aune, le citoyen lambda qui suit nos
débats nous confond, vous et nous.
(« Non ! » sur les
bancs du groupe FI.)
M. Fabien
Roussel. Aucun risque !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il finit par se demander à quoi servent les
parlementaires, sinon à discuter de tout et de rien en se répétant à l’envi.
M. Fabien
Roussel. Il saura faire la différence entre vos propos et les
nôtres !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Telle est l’impression que nous donnons à
nos concitoyens. Je regrette : nous travaillons là à saper les fondements
du parlementarisme, et par là même ceux de la démocratie. (Applaudissements
sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Loïc
Prud’homme. Mettons-nous en rang par deux et ne discutons plus de
rien ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
M. Bruno
Millienne. C’est tout ce que vous avez à dire ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. J’aimerais dire un mot d’un phénomène qui hélas se reproduit.
Quasiment toutes les heures, il faut qu’il y ait à une escarmouche, toujours sur
le même sujet. Dans le pire des cas, les rappels au règlement s’enchaînent,
parfois au point de devoir suspendre la séance. Cela pose problème. Nous
souhaitons que l’examen du texte avance. Il faut bien dire que personne ne gagne
à cette situation.
Mme Monique
Limon. Nous sommes d’accord !
M. Stéphane
Viry. Je donne quitus à M. le rapporteur, comme à notre collègue
Roussel, de dire des choses également importantes. Ce que je considère, c’est
que ce sont les conditions de dépôt et d’examen du texte, quoi que l’on pense du
fond, qui heurtent nos institutions. (M. Loïc Prud’homme
applaudit. – Exclamations sur les bancs du
groupe LaREM.) De grâce ! Dès lors que le Gouvernement a décidé de nous
faire travailler sans recourir à la procédure du temps législatif programmé, ce
qui explique la cacophonie qui règne,…
M. Fabien
Roussel. Je confirme !
M. Stéphane
Viry. …tâchons d’en sortir par le haut et évitons de faire une crise de
juvénilité par heure !
Quant aux propos prêtés à M. Blanquer,
s’il les a tenus, ils constituent une faute politique. Il est insupportable,
pour un député, quel que soit le groupe auquel il appartient, d’être insulté de
cette façon. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR ainsi que sur
les bancs des groupes GDR et FI et parmi les députés non
inscrits.)
(Le sous-amendement no 42466 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix le sous-amendement
no 42056.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 97
Nombre
de suffrages
exprimés 85
Majorité
absolue 43
Pour
l’adoption 9
Contre 76
(Le sous-amendement no 42056 n’est pas
adopté.)
(L’amendement no 38086 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements nos 42057 et 42468,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 38762 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42058 n’est pas
adopté.)
(L’amendement no 38735 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42059 n’est pas
adopté.)
(L’amendement no 38736 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42060 n’est pas
adopté.)
(L’amendement no 38737 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42062 n’est pas
adopté.)
(L’amendement no 38738 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Sur les amendements no 26725 et identiques,
je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
Nous en venons à deux amendements identiques,
nos 11368 et 11370.
La parole est à M. Thibault
Bazin, pour soutenir l’amendement no 11368.
M. Thibault
Bazin. Chers collègues, nous avançons : déjà
8 000 amendements examinés ! Il en reste moins de
34 000 ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Je crois même que l’examen de plus de 8 000 amendements en une
semaine constitue un record de la législature. À ce rythme, d’ici quelques
semaines, nous aurons examiné l’ensemble du texte.
Mme Danièle
Obono. Attendez de voir la suite !
M. Thibault
Bazin. L’amendement no 11368 est un amendement de cohérence
avec les positions défendues par le groupe Les Républicains depuis le début
de nos travaux. Il vise à supprimer le mot « universel » à la seconde
phrase de l’alinéa 9.
Nous en sommes convenus tout au long de la
semaine écoulée : la réforme, contrairement aux propos d’affichage tenus au
grand public, n’est pas universelle. Elle instaure cinq régimes de retraite qui
ne seront pas tous soumis, comme l’a rappelé le Conseil d’État, aux mêmes
règles.
Ainsi, un euro cotisé n’offrira pas les mêmes droits à tous.
Certains salariés relevant des régimes spéciaux continueront à partir en
retraite à un âge moins avancé que celui auquel partiront les autres ;
d’autres continueront à bénéficier de leur régime complémentaire.
Ce
matin, le ministre Fesneau affirmait que les mots ont un sens. Prenons-le au mot
et supprimons le qualificatif – abusif, comme le rappelle le Conseil
d’État – d’« universel » ! (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir
l’amendement no 11370.
M. Pierre
Vatin. Il est identique au précédent et porte sur le terme
« universel ». Mais le mot « universalité » pourrait lui
aussi faire l’objet d’un débat.
J’étais absent de l’hémicycle hier et ce
matin car j’étais dans ma circonscription, et lorsque les gens me parlaient du
projet de loi sur les retraites, ce n’était pas à propos de l’obstruction ou de
la durée des débats : tous espéraient que nous irions au terme de l’examen
du texte. Les Français sont très inquiets du risque d’utilisation de
l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce
n’est pas vrai du tout !
M. Pierre
Vatin. Il faut, me semble-t-il, être très attentif à cette préoccupation
et mener à terme l’examen du texte. Les Français nous en seront reconnaissants
et ne déploreront pas le temps que nous y aurons passé.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Très franchement, si je prends
la parole, c’est pour indiquer à M. Vatin et à ses collègues que leur
groupe a déjà déposé des amendements bien plus intéressants que ceux-ci
– ils en conviendront. Il serait préférable, je le dis au président Abad,
d’en revenir à un débat de fond, comme nous en avons eus à plusieurs reprises,
plutôt que de se repencher une nouvelle fois sur le mot « universel ».
À ce sujet nous avons des divergences, dont nous avons pris acte. Passons à
autre chose ! Avis défavorable.
M. Damien
Abad. Ces amendements auraient dû être abordés avant !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Monsieur le secrétaire d’État, je
regrette : nos amendement traitent du fond !
Peut-être
avez-vous une part de responsabilité dans le dépôt d’amendements de ce
genre : depuis qu’il est question de votre réforme des retraites, vous
mettez en avant son universalité.
Nous sommes bien d’accord – je
l’ai appris de votre bouche cette semaine : ce n’est pas la retraite qui
est universelle, mais le système, si du moins j’ai bien retenu les leçons qui
nous ont été dispensées. Toutefois, un système universel doit précisément
s’adresser aux Françaises et aux Français de façon universelle.
M.
Jean-René Cazeneuve. Vous vous répétez !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Or, le constat est tout de même que vous créez
cinq régimes de retraite, qui n’ont pas du tout les mêmes règles, et qu’en leur
sein de nombreuses catégories distinctes coexistent, comme nous l’avons prouvé.
Par conséquent, faisant preuve d’une logique irréprochable, nous proposons la
suppression du mot « universel », car votre réforme des retraites n’a
rien d’universel.
(Les amendements identiques nos 11368 et
11370 ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir
l’amendement no 26725 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Stéphane
Peu. Il porte également sur la présence du mot « universel » à
l’alinéa 9. Nous avons déjà évoqué le sujet à l’occasion d’autres
alinéas : nous considérons qu’appliquer le qualificatif d’universel à la
réforme dont nous débattons est impropre.
Toutefois, s’agissant de ces
amendements portant sur l’alinéa 9, nous aurions préféré être en mesure de
les retirer.
J’avoue ne pas comprendre les arguments qui nous ont été
opposés pour refuser de formuler la question de l’équilibre financier du système
de retraites telle qu’elle l’est déjà dans le code de la sécurité sociale,
prévoyant un équilibre entre les générations et les revenus, ainsi qu’entre la
participation du capital et celle du travail. Repousser nos arguments en nous
reprochant d’opposer systématiquement le capital et le travail est un peu court,
voire un peu caricatural.
Comme l’a rappelé tout à l’heure Dominique
Potier, il ne s’agit pas d’un sujet mineur. J’ai même lu récemment une tribune
cosignée par le président du groupe UDI-Agir, celui du groupe MODEM et quelques
autres, constatant que le sujet du partage des richesses dans ce pays, et
singulièrement du différentiel entre l’évolution de la rémunération du capital
et celle du travail au cours des dernières années, soulève des interrogations et
mérite un débat.
Nos amendements ne sont donc pas le fruit d’une
mauvaise lecture, d’une lecture marxiste de la situation de notre pays. À
nos yeux, en posant la question de la contribution du capital aux cotisations
sociales, notamment aux cotisations retraite, nous posons la question plus large
du partage des richesses, qui est une question cruciale pour notre pays, comme
le démontre l’examen de l’évolution de la rémunération des uns et des autres au
cours des dernières années.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je me suis permis tout à
l’heure de dire ce que je pensais, de manière très républicaine, des amendements
contestant le qualificatif d’universel. Ma réponse est la même pour tous les
groupes.
Monsieur Peu, votre groupe a pu développer à de nombreuses
reprises sa vision politique ou macroéconomique de la réforme des retraites. Un
amendement visant à remplacer « universel » par
« inéquitable » me paraît franchement peu intéressant et peu
valorisant pour nos travaux.
M. Stéphane
Peu. C’est pour cela que j’aurais préféré pouvoir le retirer, je l’ai
dit !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous avez pu développer votre
analyse – je vous ai écouté avec intérêt – sur la répartition entre
capital et travail. C’était autrement intéressant, et d’autres députés ont
rebondi. Mais le présent amendement ne tire pas nos débats vers le haut. Avis
défavorable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe
Latombe. Vous souhaitiez retirer l’amendement ? Mais vous demandez
un scrutin public ! Je ne comprends pas tout.
Quoi qu’il en soit,
vous le maintenez. Si je comprends bien, à chaque occurrence du mot
« universel », vous proposerez de le remplacer par
« inéquitable ». Le débat a déjà eu lieu, nous n’allons pas
recommencer systématiquement. Les blagues les plus courtes sont vraiment les
meilleures. À un moment, il faut arrêter ! (Applaudissements sur
plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Stéphane
Peu. Ce n’est pas une blague.
Mme la
présidente. Monsieur Latombe, je crois que cette question a été tranchée
par le président.
La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Il faut que vous acceptiez le débat,…
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce
n’est pas un débat !
M. Fabien
Roussel. …la confrontation, projet de société contre projet de société.
M. Philippe
Latombe. Ce n’est pas un projet de société !
M. Fabien
Roussel. Nous ne voulons pas de la retraite par points à laquelle vous
accolez le mot « universel » pour faire croire qu’elle serait juste.
C’est la raison pour laquelle, projet contre projet, à chaque fois qu’il sera
possible de montrer que d’autres choix existent, ceux que vous appelez les
ennemis de la démocratie, comme vient de le faire Jean-Michel Blanquer, seront
là pour présenter d’autres propositions. Nous le ferons à chaque fois dans cet
hémicycle qui est le lieu idéal du débat et de la confrontation et qui permet
aux citoyens de savoir exactement ce que chaque député a voté ou pas.
M. Alain
Bruneel. Exactement !
M. Stéphane
Peu. Bravo !
M. Bruno
Fuchs. Il est où le projet de société ?
M. Alain
Bruneel. Pas chez vous !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle
Obono. Je tiens à relever la contradiction dans les interventions du
secrétaire d’État, du rapporteur et des membres du groupe de La République en
marche.
Il y a quelques instants, le groupe GDR et celui de La France
insoumise ont défendu des amendements qui visaient à inscrire noir sur blanc
dans le texte les notions de justice sociale ou de durabilité. Leur adoption
aurait justifié que le rapporteur et le secrétaire d’État demandent le retrait
de ceux dont nous discutons.
M. Jacques
Marilossian. C’est déjà dans le texte !
Mme Danièle
Obono. Mais vous avez refusé systématiquement les propositions de cette
nature, par lesquelles nous souhaitons nous assurer que tout soit cadré
– ce qui n’est pas vraiment pas le cas pour l’instant.
Et
maintenant, vous nous reprochez de dire de ce texte ce qu’il est ! Cela ne
vous dérange pas de répéter certains termes, dès lors qu’ils conviennent à la
majorité, mais ceux que nous proposons, vous ne les acceptez pas.
M. Stéphane
Baudu. Soyez convaincants…
Mme Danièle
Obono. C’est nous qui sommes censés être convaincus par vos
arguments ! En l’état actuel, le texte doit mentionner clairement le
caractère inéquitable de votre système de retraite, c’est parfaitement normal.
Soyez cohérents : puisque vous refusez tous nos amendements visant à
compléter le texte, vous ne pouvez pas ensuite vous plaindre que nous affirmions
qu’il n’est pas universel.
Mme la
présidente. La parole est à M. Damien Abad.
M. Damien
Abad. On voit bien pourquoi nous n’avançons pas et pourquoi ce texte
pose tant de difficultés. D’un côté, la majorité et le Gouvernement présentent
un article non normatif : l’article 1er est une pétition de
principe, dépourvue de portée normative. Et vous avez décliné un si grand nombre
d’objectifs que vous vous exposez inévitablement à une rafale d’amendements qui
eux non plus n’ont pas de caractère normatif.
M. Fabien
Roussel. Voilà ! Assumez vos choix !
M. Damien
Abad. Voilà pourquoi nous assistons à ce ping-pong verbal qui bloque les
débats. Sans cet article 1er, ou s’il avait été plus court,
simple, limpide, nous aurions pu entrer tout de suite dans la discussion et nous
ne serions pas face à tous ces amendements sans portée normative de La France
insoumise.
M. Fabien
Roussel. Eh oui !
M. Damien
Abad. Nous le répétons depuis le début. Pour garantir un débat de fond,
vous pouviez soit réduire l’article 1er, soit examiner un autre
article, comme vous l’a proposé Guillaume Larrivé. Vous renvoyez la balle, mais
vous êtes coresponsables de la situation. (Applaudissements sur les bancs du
groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Cendra Motin.
Mme Cendra
Motin. J’ai vraiment l’impression de tourner en rond. Tous ces débats
ont déjà eu lieu lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi…. et dimanche
on recommence ! Pourtant, nous n’avons plus d’arguments à nous opposer,
nous les avons tous épuisés. J’ai l’impression de vivre Un jour sans fin.
Ce n’est pas cela le travail législatif. Cette succession ininterrompue de
monologues, ce n’est pas du débat.
Mme Danièle
Obono. Quel est le propos ?
Mme Cendra
Motin. Madame Obono, vous répétez à l’infini que vous souhaitez
remplacer « universel » par « inéquitable ». Cela
n’améliorerait en rien le texte !
Mme Danièle
Obono. C’est votre point de vue.
Mme Cendra
Motin. Prétendre écrire que nous faisons des incantations générales pour
donner une apparence d’humanisme à une réforme délétère, en quoi est-ce
constructif ?
M. Fabien
Roussel. Il ne fallait pas écrire l’article 1er !
M.
Jean-Marie Sermier. Vous êtes coresponsables !
Mme Cendra
Motin. Vous faites semblant depuis huit jours de vouloir discuter d’un
texte que vous avez reconnu vouloir détruire. Nous tournons en rond, nous n’y
arriverons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Fabien
Roussel. Nous sommes les ennemis de la démocratie !
Mme Danièle
Obono. À quoi sert cette intervention, madame ? À perdre du
temps ?
M. Pierre
Vatin. Intervention dilatoire !
Mme Danièle
Obono. Toutes vos interventions consistent à vous plaindre !
Mme la
présidente. Permettez-moi une observation, mes chers collègues. Nous
sommes entrés dans une sorte de circularité : répétition d’amendements, et
répétition de protestations due à la répétition d’amendements… Je propose que
nous tranchions le nœud gordien et que nous avancions. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.)
La parole est à M. le
rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Pour répondre à M. Abad sur le
caractère non normatif de l’article 1er, que je ne conteste pas,
je lis l’avis du Conseil d’État. Celui-ci estime « qu’à l’instar de
principes et objectifs définis en préambule des précédentes lois réformant les
retraites » – lois du 21 août 2003 de M. Fillon, loi du
9 novembre 2010 de M. Woerth, loi du 20 janvier 2014 de Mme
Touraine –…
M. Damien
Abad. D’accord, mais n’utilisez pas le 49.3 dans ce cas !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Abad, je ne vous ai pas
interrompu. Je poursuis : « ces dispositions apparaissent par
elles-mêmes dépourvues de valeur normative ». Le Conseil d’État
« considère cependant que leur place dans la loi peut être admise dès lors
qu’elles se rattachent, à travers le suivi dont ces objectifs feront l’objet par
un comité d’expertise, aux conditions de pilotage du système de retraite ».
Les objectifs et indicateurs sont indiqués à l’alinéa 11.
Il s’agit,
en effet, d’un article qui définit des ambitions, des principes, comme dans les
précédentes lois, y compris celles adoptées par vous lorsque vous étiez dans la
majorité.
M. Damien
Abad. Si nous allons jusqu’au bout du texte, pas de problème !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Dès lors que des indicateurs de suivi sont
établis, l’article est conforme à la Constitution.
M. Stéphane
Viry. Ce n’est pas le sujet !
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. En écho, je voudrais dire que
les dispositions de l’article 1er sont ultra-classiques dans un
texte relatif aux retraites. Je l’ai dit il y a quelques jours, dans un échange
fort courtois, à Éric Woerth : nous pourrions décider collectivement
d’avancer dans l’examen du texte, après avoir passé plusieurs jours, ce qui est
déjà énorme, sur les principes généraux ! Nous sommes toujours à
l’alinéa 9. Sans vouloir exercer une quelconque contrainte, il me
semblerait intéressant que la représentation nationale fasse le choix
d’avancer.
M. Éric
Coquerel. Cela a été proposé ! Et par Les Républicains, et par
nous !
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements identiques
no 26725 et suivants.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 94
Nombre
de suffrages
exprimés 81
Majorité
absolue 41
Pour
l’adoption 11
Contre 70
(Les amendements identiques no 26725
et suivants ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo,
pour soutenir l’amendement no 10914.
Mme Agnès
Firmin Le Bodo. Je suis heureuse, en ce dimanche, de défendre le
troisième amendement du groupe UDI, Agir et indépendants, sur les 120 que nous
avons déposés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et
plusieurs bancs du groupe LaREM.) Nul doute que celui-ci est
constructif.
Il vise, en effet, à préciser que le Parlement est associé
au pilotage du système universel de retraite, dans le même esprit qu’un
amendement à venir prévoyant l’avis du Parlement sur la nomination du directeur
général de la Caisse nationale de retraite.
Mme la
présidente. Sur les amendements no 9887 et identiques,
je suis saisie par le groupe La République en marche et par le groupe de la
Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
(Exclamations sur les bancs des groupes LR et GDR.)
Le scrutin est
annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Quel est l’avis de la
commission sur le no 10914 ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Le Parlement est bien plus qu’associé au
pilotage du système de retraite puisqu’il en définit les règles, les principes
et les conditions d’encadrement – c’est précisément le sens de nos débats.
La mention d’une association du Parlement à un système qu’il crée
et qu’il aménagera lors de chaque projet de loi de financement de la sécurité
sociale me semble un peu superflue. Je demande donc le retrait ; à défaut,
avis défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’invite Mme Firmin
Le Bodo à retirer son amendement. Nous partageons la même ambition,
peut-être faut-il le redire. Si nous avions avancé à un autre rythme, peut-être
serions-nous déjà au titre IV relatif à la gouvernance, qui rassemble
toutes les dispositions de nature à sécuriser l’intervention du
Parlement !
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M.
Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le
rapporteur, je vais essayer de vous convaincre. Le fait de définir des règles,
ce n’est pas la même chose que d’être associé au pilotage concret, quotidien,
année après année, ce qui serait la moindre des choses.
Le Parlement est
associé au pilotage de très nombreux organismes et de très nombreux mécanismes
de gestion. Pas seulement parce qu’il vote les normes, mais parce que certains
de ses membres siègent dans des conseils d’administration.
On dit, à
juste titre, que le Parlement est un des piliers du pacte social français. Les
partenaires sociaux participent évidemment au pilotage, mais ceux qui répondent
in fine devant les Français, ce sont les parlementaires, les responsables
politiques.
Mme Firmin Le Bodo a raison de dire que le
Parlement doit donner son avis – je le dis maintenant pour ne pas, je
l’espère, le répéter, lors de l’examen de l’amendement concerné. Il doit pouvoir
auditionner et approuver la nomination du futur directeur général de la Caisse
nationale de retraite.
Nous demandons que le Parlement soit intégré de
plein droit à ce conseil, ce qui ne me semble guère problématique pour le
Gouvernement ou la majorité, surtout que ce sont des représentants de la
majorité qui seront désignés !
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Monsieur le secrétaire d’État, vous vous souvenez certainement
que, lors de l’audition des partenaires sociaux en commission spéciale, ceux-ci
ont insisté, à côté de la notion de démocratie sociale, sur celle de démocratie
parlementaire, en expliquant qu’il serait bon que le Parlement soit associé au
pilotage du système de retraite.
Avant d’aboutir à un projet de loi, nous
aurons passé deux semaines en commission et plusieurs en séance. Comme je vous
l’avais dit au nom de mon groupe en réponse à la déclaration de politique
générale du Gouvernement, la confiance est nécessaire. Or les parlementaires ici
présents, issus de tous les territoires français, métropolitains et d’outre-mer,
bénéficient de cette confiance. C’est donc sur eux que vous devez vous appuyer
pour mener à bien un projet d’une telle envergure.
Car le système de
retraite que nous sommes en train d’élaborer est complètement nouveau, puisque
vous avez souhaité une profonde transformation. Le Parlement doit donc avoir un
droit de regard sur l’application de cette réforme, à travers le projet de loi
de financement de la sécurité sociale mais aussi de façon plus générale en étant
associé au pilotage, comme l’ont dit Mme Firmin Le Bodo et mon
collègue de l’UDI Jean-Christophe Lagarde. C’est un gage de confiance. De même,
une réponse précise de votre part concernant la valeur du point constituerait un
gage de confiance. Saisissez cette occasion qui se présente à vous et vous
constaterez que l’ensemble des députés vous suivront. Monsieur le secrétaire
d’État, la réponse vous appartient.
M. Damien
Abad. Très bien !
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. Je suis surpris que M. le rapporteur demande le retrait d’un
amendement déposé par des membres de la majorité. Cet amendement se situe dans
la droite ligne de ce que nous défendons tous ici. Si la protection sociale,
dont on parle souvent, est effectivement constitutive de notre pacte
républicain, le rôle important joué par le Parlement en est une autre
composante.
Le Parlement doit être totalement intégré et impliqué dans le
pilotage du nouveau système : c’est de droit. Il ne doit pas occuper une
place secondaire dans ce dispositif mais en être constitutif, consubstantiel.
C’est la raison pour laquelle je ne comprends pas la demande de retrait. Il va
de soi que sur un sujet d’une telle importance – la protection sociale
représente tout de même plus de 300 milliards d’euros – le Parlement a
son mot à dire. C’est une question de principe et de droit. Nous voterons donc
l’amendement proposé par notre collègue. (Applaudissements sur plusieurs
bancs des groupes LR UDI-Agir et LT.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Patrick Mignola.
M. Patrick
Mignola. Pour ma part, je comprends très bien la position du rapporteur
et du secrétaire d’État, qui considèrent que l’amendement sera forcément
satisfait par les dispositions figurant dans le titre IV relatif à
l’organisation et à la gouvernance du système.
De même que ce matin nous
avons ajouté la notion de dignité à l’intérieur de
l’article 1er, il me semblerait utile d’y ajouter un principe
démocratique – car au fond, la démocratie consiste à partager le pouvoir.
Il s’agit en l’espèce d’accepter que la démocratie sociale et la démocratie
parlementaire se partagent le pouvoir. De même que le titre IV prévoit de
laisser aux partenaires sociaux le soin de gérer le futur système, il serait
utile de redire solennellement dans l’article qui fixe les principes du texte
– et sans nuire à l’équilibre général et à la présentation de
l’article – que le Parlement est pleinement responsable devant les Français
du futur système que nous devrons organiser. (Applaudissements sur quelques
bancs des groupes MODEM, UDI-Agir et LT.)
M. Stéphane
Viry. Très bien !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Carole Grandjean.
Mme Carole
Grandjean. Je veux simplement préciser que plusieurs amendements déposés
par les rapporteurs et par des membres du groupe La République en marche mettent
en avant le rôle du Parlement. Certains proposent d’améliorer son information,
par le biais d’un rapport qui lui serait remis en cas de délibération non
conclusive du conseil d’administration, ou encore lors de la nomination du
directeur. D’autres prévoient que des députés et sénateurs intègrent le conseil
de surveillance. Ces amendements seront discutés lors de l’examen du
titre IV, dont je suis la rapporteure. (Applaudissements sur quelques
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Stéphane
Viry. Ce n’est pas assez !
(L’amendement no 10914 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques,
l’amendement no 9887 de la commission spéciale et seize amendements
identiques du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qui font
l’objet de deux
sous-amendements.
La
parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no
9887.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Cet amendement, proposé par le groupe GDR
et défendu par M. Dharréville, avait été adopté en commission. Il prévoit
d’intégrer la prise en compte des gains de productivité dans le pilotage du
système.
Si vous me permettez une plaisanterie amicale, j’aurais pu
déposer un sous-amendement visant à compléter « gains de
productivité« » par « de l’examen des amendements en séance
publique » ! (Sourires et applaudissements sur divers
bancs.)
Mme Danièle
Obono. Il est taquin !
Mme la
présidente. La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir le
sous-amendement no 42421.
M. Loïc
Prud’homme. La question des gains de productivité n’est pas anodine.
Avant d’y revenir, j’aimerais répondre à Cendra Motin, qui se lamentait de nous
entendre répéter depuis quelques jours que ce nouveau système de retraites
n’était pas réellement universel puisque bon nombre de professions en ont été
exclues. De votre côté, vous répétez depuis trois mois que s’il faut procéder à
une réforme, c’est parce que le ratio actifs-retraités, qui était hier de 4 pour
1, est passé aujourd’hui – ô grand malheur – à 1,7 pour 1 et que, pour
cette raison, et à moins d’adopter vos bonnes résolutions, le système
s’effondrera d’ici à la fin de la semaine.
Vous omettez cependant
– et vous le faites sciemment, chers collègues – de parler de
l’augmentation de la productivité observée simultanément. Le niveau de la
productivité est aujourd’hui trois fois supérieur à celui de l’époque où on
comptait quatre actifs pour un retraité, si bien qu’à productivité constante, le
ratio est aujourd’hui en réalité de 5,1 pour 1, à comparer aux 4 pour 1 d’il y a
quarante ans.
Les arguments que vous répétez à l’envi ne tiennent pas.
C’est pourquoi il est important de préciser, dans ce projet de loi qui n’est ni
universel, ni juste, ni équitable, qu’il faut tenir compte de l’augmentation de
la productivité. Arrêtons de raconter que le système va s’effondrer, c’est une
ineptie.
Mme la
présidente. Le sous-amendement no 42422 de
M. Bastien Lachaud est défendu.
La parole est à M. Fabien
Roussel, pour soutenir l’amendement no 26815 et les quinze
amendements identiques déposés par les membres du groupe Gauche démocratique et
Républicaine.
M. Fabien
Roussel. C’est peut-être le seul amendement qui sera accepté, sur les
quelque 10 000 qui auront été présentés par notre groupe. C’est bien la
preuve que nous sommes aussi force de proposition et que nous pouvons réussir à
convaincre.
M. Marc
Fesneau, ministre. C’est la première preuve, alors…
Mme Nadia
Hai. Nous sommes ouverts !
M. Fabien
Roussel. Mais quelle énergie faut-il déployer pour parvenir à faire
adopter un amendement sur 10 000 ! C’est bien la preuve qu’en matière
d’ouverture, vous avez encore une marge de progression importante !
M. Bruno
Millienne. Il y en a 9 999 de trop !
M. Fabien
Roussel. Il a fallu des heures de discussion en commission pour réussir
à faire comprendre que les gains de productivité observés entre 1950 et
aujourd’hui ont été rendus possibles grâce à la réduction du temps de
travail.
Mme Danièle
Obono. Exactement !
M. Fabien
Roussel. Cela démontre que ces deux phénomènes ne sont pas incompatibles
et que l’on peut relever l’ambitieux défi que constitue l’allongement de la
durée de la vie sans pour autant demander à nos concitoyens de travailler plus
longtemps.
Cet amendement vise donc à intégrer les mots « gains de
productivité » dans l’alinéa 9. Ce n’est pas une question de
sémantique, c’est une question de fond. Il est simplement regrettable de devoir
discuter pendant des heures pour pouvoir intégrer trois ou quatre mots dans ce
projet de loi.
M. Patrick
Mignola. C’est une faible productivité !
M. Fabien
Roussel. Cela prouve en tout cas que nous sommes force de proposition et
que nous sommes loin d’être des ennemis de la démocratie. (Applaudissements
sur les bancs du groupe GDR.)
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je précise tout d’abord, monsieur Roussel,
que c’est le deuxième de vos amendements que nous adoptons, après celui qui
concernait les aidants.
(« Ah ! » sur divers
bancs.) L’avis est défavorable sur les sous-amendements et favorable sur
l’amendement.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Même avis. Je tiens à préciser
qu’il n’avait pas fallu des heures en commission spéciale pour adopter cet
amendement, puisque ma réponse avait duré environ deux minutes. J’avais souligné
– comme on peut le vérifier dans le compte rendu – qu’il me paraissait
pertinent de reprendre dans cet article les travaux du COR, notamment concernant
les perspectives de gains de productivité. Tout aussi rapidement, je donne donc
un avis favorable à l’amendement de la commission spéciale et un avis
défavorable aux sous-amendements.
(Les sous-amendements nos 42421 et 42422,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements identiques
no 9887 et suivants.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 108
Nombre
de suffrages
exprimés 108
Majorité
absolue 55
Pour
l’adoption 105
Contre 3
(Les amendements no 9887 et
identiques sont adoptés.)
(Applaudissements sur divers
bancs.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques,
nos 24530 et 34260.
La parole est à M. Stéphane
Viry, pour soutenir l’amendement no 24530.
M. Stéphane
Viry. L’article 1er fixe les objectifs du système de
retraite. Comme je l’ai dit il y a quelques instants, nous considérons que ce
système ne peut pas être hors-sol. Il doit tenir compte des réalités, notamment
économiques, et en particulier le PIB.
Un des enjeux majeurs d’un système
de retraite est son financement, c’est-à-dire la nécessité de trouver les
ressources qui seront ensuite redistribuées en fonction des besoins sociaux. Les
cotisations des travailleurs font partie de ces ressources. Si l’on veut assurer
un financement pérenne, il y a deux possibilités pour obtenir plus
d’argent : augmenter les cotisations ou cotiser un peu plus longtemps. Nous
considérons que c’est cette deuxième voie que doit emprunter notre pays pour
pérenniser le système des retraites et en particulier pour assurer, à terme, le
paiement des pensions.
Nous avons la crainte que, par faiblesse, ou au
fil du temps, on finisse par revenir sur le principe de non-augmentation des
cotisations. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons intégrer dans
l’article 1er l’idée que le système de retraite universel ne
devra pas alourdir la charge fiscale des assurés, ce qui entraînerait soit une
baisse du pouvoir d’achat des salariés, soit une baisse de la compétitivité de
nos entreprises. Nous ne souhaitons ni l’un ni l’autre. Inscrivons cette règle
d’or : il ne faut pas augmenter les cotisations sociales liées au système
de retraite.
Mme la
présidente. L’amendement no 34260 de M. Marc
Le Fur est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces
amendements identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je commencerai par une précision :
pour moi, les cotisations sont des prélèvements obligatoires et ne relèvent pas
de la fiscalité. Sur le fond, notre intention n’est nullement d’augmenter la
charge fiscale des assurés. Les cotisations sont l’un des leviers à la
disposition de la majorité – et des suivantes – pour garantir les
retraites, avec le niveau des pensions et la durée d’activité. Il serait dès
lors curieux d’introduire cette interdiction dès l’article 1er.
Avis défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. C’est bien parce que le
Gouvernement ne souhaite pas augmenter les prélèvements obligatoires, les
cotisations sociales, que nous avons expliqué qu’il y aurait un âge d’équilibre
et que, pour garantir la robustesse de notre système et la solidité des nouveaux
droits, il faudrait, sans les contraindre, inciter les Français à travailler un
peu plus longtemps. C’est tout l’objet de la réforme. Reste que la gouvernance
doit disposer de tous les outils nécessaires, qu’elle doit pouvoir s’exprimer,
faute de quoi nous conclurions un marché de dupes avec la démocratie sociale.
Et, je l’ai dit tout à l’heure, le Parlement aura ensuite à s’exprimer à
l’occasion de chaque projet de loi de finances. Avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Damien Abad.
M. Damien
Abad. Monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, je vous
remercie pour votre franchise. Nous avons compris, ce soir, que vous auriez
recours à la hausse des cotisations pour équilibrer financièrement le système de
retraite.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Exactement !
M. Damien
Abad. Vous l’avez dit clairement, ouvertement, et c’est bien. Jusqu’à
présent, en effet, vous avanciez masqués ; vous nous répondiez qu’il n’y
aurait pas forcément de hausse des cotisations, et que vous décideriez même
d’abattements – qui sont pourtant inconstitutionnels, vous le savez très
bien – comme vous en avez promis aux avocats. Nous venons donc de
comprendre que les Français exerçant des professions libérales, que les
indépendants, que de nombreux Français qui partiront à la retraite subiront une
hausse des cotisations, puisque vous ne voulez pas inscrire son interdiction
dans la loi. Vous avez dit en substance, et c’est du reste tout à fait
respectable, que vous ne vouliez pas vous lier les mains, que vous ne vouliez
pas renoncer a priori à cette possibilité.
Nous en prenons acte. C’est
une grande différence entre nous. Nous considérons, pour notre part, qu’il ne
faut pas augmenter les cotisations parce qu’il s’agirait d’une hausse d’impôts
déguisée qui pèserait sur les Français, et nous sommes de même opposés à une
baisse des pensions. C’est votre choix, pas le nôtre – votre projet, pas le
nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Là, nous allons suivre l’avis du ministre. Cela arrive !
Je ne sais pas, monsieur Abad, si vos propos sont aussi résolus qu’il apparaît,
mais vouloir interdire qu’on touche aux cotisations, c’est un parti pris
politique extraordinaire.
M. Damien
Abad. Nous l’assumons !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Il n’est pas meilleur moyen de décréter que, dorénavant, la
sécurité sociale ne peut avoir d’autres ressources que la fiscalité !
Mme Danièle
Obono. Bien sûr !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ce n’est pas du tout notre avis. Nous pensons que la
répartition repose sur l’extraction d’une part de la richesse là où elle est
produite, à savoir dans l’entreprise et au moment où l’on paie ses cotisations.
Cotisations patronales ou cotisations salariales, la source est exactement la
même : on ne peut pas prendre davantage que ce qui est produit. Il faut
pouvoir changer le niveau des cotisations.
Pour notre part, et nous
savons bien que ce n’est pas le Gouvernement qui le fera, nous augmenterons les
cotisations parce que nous augmenterons les salaires ; et nous augmenterons
les salaires davantage que les cotisations, de manière que la hausse de ces
dernières soit indolore pour le salarié.
M. Damien
Abad. Vous augmenterez le salaire brut…
M. Jean-Luc
Mélenchon. Il n’y a pas trente-six sources possibles. Si vous voulez
financer un système de solidarité, ou vous prenez à la production de la
richesse, ou vous prenez à l’impôt.
M. Damien
Abad. Nous proposons, nous, de repousser l’âge légal de départ à la
retraite !
M.
Jean-Marie Sermier. Il faut cotiser plus longtemps !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Et, de grâce, qu’on en finisse avec ce concept foireux de
prélèvements obligatoires, qui n’a pas de signification un tant soit peu
rigoureuse. On y inclut des cotisations sociales et des impôts, mais pas toutes
les autres dépenses contraintes, comme l’assurance responsabilité civile ou
l’assurance automobile, qu’on n’a pas la possibilité de ne pas payer ! Par
conséquent, les prélèvements obligatoires sont un concept fumeux qui, de plus,
ne signifie pas la même chose d’un pays à l’autre et donne lieu à des
comparaisons ridicules et toujours au détriment de la France et de ses
travailleurs.
Mme la
présidente. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Pour augmenter les cotisations à hauteur de deux points de PIB et
pour que ce soit indolore, il faut augmenter les salaires de 15 ou 16 %. Je
ne sais pas comment vous y arriverez…
Par ailleurs, il me semble qu’il
ressort des propos du secrétaire d’État qu’il faudrait jouer sur le troisième
pilier, c’est-à-dire l’âge de départ à la retraite. J’ai lu avec une grande
attention la proposition de La France insoumise, qui entend ramener cet âge de
départ pour tout le monde à 60 ans, avec un taux plein à partir de quarante
annuités. Dès lors, je ne vois pas comment les avocats pourront partir à
60 ans – et encore moins comment les médecins pourraient partir
en-dessous de 67 ans ! Je ne comprends pas votre système.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Nous vous l’expliquerons.
M. Frédéric
Petit. Je remercie le secrétaire d’État qui, au lieu de faire de la
vieille politique d’opposition entre la droite et la gauche,…
Mme
Marie-Christine Dalloz. Arrêtez !
M. Frédéric
Petit. …a rappelé que le système de retraites comptait trois paramètres
et qu’il fallait trouver un système de pilotage qui les rassemble en une seule
unité, à savoir le point.
(Les amendements identiques nos 24530 et
34260 ne sont pas adoptés.)
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel, pour un rappel au
règlement.
M. Éric
Coquerel. Mon intervention se fonde sur l’article 56 du règlement
et concerne la bonne tenue des débats, en réaction à l’intervention de
Mme Motin. J’ai bien compris que tout l’enjeu pour la majorité est de faire
monter la pression pour justifier l’application de l’article 49,
alinéa 3, de la Constitution. Dans toutes vos interventions, en effet, vous
ciblez les Insoumis, qui défendraient des amendements inutiles.
M. Bruno
Fuchs. C’est la réalité !
M. Éric
Coquerel. Nous avons, depuis ce matin, défendu trente-cinq amendements
et sous-amendements. Quiconque, ici, soutient qu’il est exagéré de défendre
trente-cinq amendements au cours d’une journée comme celle-ci a du
toupet.
Par contre, laissez moi vous dire qu’il se passe quelque chose
avec les journalistes aux alentours de la salle des séances… De très nombreuses
déclarations, y compris de la part des membres du Gouvernement, reviennent à
nous mettre le 49.3 sur la tempe, pour faire pression sur les débats. Ce n’est
pas correct. (Murmures.)
Quand un gouvernement utilise le 49.3,
en général, c’est qu’il n’est pas sûr de sa majorité. Or je ne sache pas que
vous en soyez là.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Mais,
ça n’a rien à voir avec un rappel au règlement !
M. Éric
Coquerel. Menacer d’un 49.3 uniquement pour accélérer les débats en
fonction d’un calendrier parlementaire décidé par la majorité, c’est ajouter à
la difficulté de la situation. (Brouhaha crescendo.) Je vais vous le dire
clairement :…
M.
Jean-René Cazeneuve. Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme la
présidente. S’il vous plaît, chers collègues…
M. Éric
Coquerel. …le groupe de la France insoumise ne veut pas de 49.3.
(Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Nous voulons
pouvoir débattre sereinement, le temps que nécessite l’examen d’un tel projet de
loi. Il serait de bon ton que vous arrêtiez cette espèce de chantage que vous
exercez sur nous depuis trois jours depuis l’extérieur de l’hémicycle.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Très bien !
Mme la
présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
2
Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la
présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures
trente :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un
système universel de retraite..
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures dix.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
|