Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Première séance du lundi 24 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de Mme Annie Genevard
1.
Système universel de retraite
Rappel
au règlement
M. Régis
Juanico
Discussion
des articles (suite)
Article 1er
(suite)
Amendements nos 27542,
27543, 27544, 27545, 27546, 27547, 27548, 27549, 27550, 27551, 27552, 27553,
27554, 27555, 27556, 27557 , 42473,
42474 (sous-amendements)
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Rappel
au règlement
M. Éric
Coquerel
Article 1er
(suite)
Amendements nos 27558,
27559, 27560, 27561, 27562, 27563, 27564, 27565, 27566, 27567, 27568, 27569,
27570, 27571, 27572, 27573 , 42476,
42477 (sous-amendements)
Rappels
au règlement
M. Bastien
Lachaud
Mme la
présidente
M. Jean-Marie
Sermier
M. Patrick
Mignola
Article 1er
(suite)
Amendements nos 27574,
27575, 27576, 27577, 27578, 27579, 27580, 27581, 27582, 27583, 27584, 27585,
27586, 27587, 27588, 27589 , 42478
(sous-amendement)
M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale
Amendements nos 28089,
28090, 28091, 28092, 28093, 28094, 28095, 28096, 28097, 28098, 28099, 28100,
28101, 28102, 28103, 28104 , 29466
, 32363,
32364, 32365, 32366, 32367, 32368, 32369, 32370, 32371, 32372, 32373, 32374,
32375, 32376, 32377, 32378 , 42521
, 39552,
39555, 39556, 39560, 39564, 39567, 39571, 39575, 39579, 39583, 39585, 39694,
39696, 39698, 39699, 39700 , 39959,
39960, 39961, 39962, 39963, 39964, 39965, 39966, 39967, 39968, 39969, 39970,
39971, 39972, 39973, 39974 , 10913
Suspension
et reprise de la séance
Amendements nos 3975,
3977, 3978, 3980, 3982, 3984, 3985, 3987, 3990, 3991, 3992, 3994, 3998, 3999,
4001, 4002, 4003 , ,
26732,
28029, 28030, 28031, 28032, 28033, 28034, 28035, 28036, 28037, 28038, 28039,
28040, 28041, 28042, 28043 , 59
, 271
, 2552
, 42491
(sous-amendement) , 42492
(sous-amendement) , 35712,
35713, 35714, 35715, 35716, 35717, 35718, 35719, 35720, 35721, 35722, 35723,
35724, 35725, 35726, 35727 , 50
, 257
, 2545
, 42117
(sous-amendement) , 11375
, 11376
, 26731,
28044, 28045, 28046, 28047, 28048, 28049, 28050, 28051, 28052, 28053, 28054,
28055, 28056, 28057, 28058 , 497
, 42540
(sous-amendement)
Rappels
au règlement
Mme Mathilde
Panot
M. Jacques
Maire
Mme Célia
de Lavergne
M. Thibault
Bazin
Article 1er
(suite)
Amendements nos 24779
, 24157
, ,
24158
, 24438
, 24962
Rappel
au règlement
M. Jean-Pierre
Door
Article 1er
(suite)
Rappels
au règlement
M. Damien
Abad
M. Sébastien
Jumel
M. Ugo
Bernalicis
M. Bruno
Fuchs
Article 1er
(suite)
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
Mme Annie Genevard
vice-présidente
Mme la
présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la
présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623
rectifié, 2683).
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico, pour un rappel au
règlement.
M. Régis
Juanico. Rappel au règlement sur le fondement des articles 58 et
100 du règlement. Nous sommes lundi matin et la plupart d’entre nous siègent
sans interruption depuis une semaine pour examiner le projet de réforme des
retraites. C’est un vrai plaisir, d’autant plus que les débats, loin d’être
stériles, sont extrêmement riches comme nous avons pu le constater ce week-end
en débattant d’éléments clés de votre réforme, qu’il s’agisse de la pénibilité,
des retraites agricoles, de la valeur du point. Ces discussions permettent
d’éclairer le Parlement, même si nous souhaiterions obtenir davantage
d’informations précises, tout comme les Français.
Or, des échanges que
nous avons pu avoir avec des députés de la majorité ainsi que certains hauts
dirigeants ou hauts responsables de leurs groupes – ce qui est bien normal
lorsque l’on passe une semaine ensemble, vingt-quatre heures sur
vingt-quatre –, il ressort que les débats pourraient être interrompus à la
fin de la semaine, jeudi ou vendredi, par le recours à la procédure de
l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. (Exclamations sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Le Gouvernement pourrait-il nous
préciser ses intentions afin que nous puissions nous organiser en fonction des
perspectives ? Bien évidemment, nous continuerons à débattre dans la plus
extrême courtoisie avec la majorité et le Gouvernement. (Mêmes
mouvements.)
M. Frédéric
Petit. Ce n’était pas un rappel au règlement !
Discussion des articles (suite)
Mme la
présidente. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des
articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 27542 à
l’article 1er.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir
l’amendement no 27542 et les quinze amendements identiques déposés
par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qui font
l’objet de deux sous-amendements.
M. Alain
Bruneel. Cet amendement tend à insérer un nouvel alinéa après
l’alinéa 10 pour que figure à l’article 1er la mention d’un
objectif de justice sociale qui assure la réduction des inégalités entre les
assurés par la contribution de chacun à hauteur de ses moyens.
N’est-ce
pas le principe d’un bon système de retraite que de redistribuer les ressources
de manière équitable et juste et d’assurer un niveau de vie décent à ses
bénéficiaires ?
Vous nous expliquez que votre système est plus juste
et égalitaire que l’actuel. Pourtant, tous les syndicats s’accordent à
considérer que vous oubliez bon nombre de nos concitoyens. Votre réforme n’est
pas sociale puisque tout le monde y perd. Vous voulez baisser le niveau de
solidarité pour demander toujours aux mêmes de faire un effort. Les mères de
famille et même les femmes en général y perdront, tout comme les salariés qui
ont eu une carrière ascendante et d’autres catégories encore.
Le problème
n’est pas le système de retraite actuel mais la tendance du Gouvernement à
changer les règles du jeu.
Depuis quelques semaines, vous vous
revendiquez comme les dignes héritiers du système de la sécurité sociale tel
qu’il a été imaginé par Ambroise Croizat. Ce n’est pas le cas, nous le
certifions.
Vous abattez, par ce projet de loi, tout un pan de l’histoire
de notre pays, qui nous a permis de construire un système social juste et
solidaire, pour nous imposer un régime qui prône l’individualisme. Pour toutes
ces raisons, nous vous proposons d’introduire la notion de justice sociale dans
ce texte.
M. Fabien
Roussel. Très bien !
Mme la
présidente. Sur les amendements no 27542 et identiques,
je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de deux sous-amendements,
nos 42473 et 42474, à l’amendement no 27542,
pouvant faire l’objet d’une présentation groupée.
La parole est à
M. Bastien Lachaud, pour les soutenir.
M. Bastien
Lachaud. L’amendement no 27542 est important en ce qu’il tend
à réaffirmer que chacun cotise selon ses moyens. En effet, ce principe fondateur
de notre système social est contredit à l’article 13 de votre projet de
loi, qui prévoit que ceux qui gagnent de très hauts revenus – trois fois le
plafond annuel de la sécurité sociale, le PASS, soit plus de
10 000 euros par mois – ne cotiseront plus, sur les sommes supérieures
à 10 000 euros, qu’à hauteur de 2,8 % plutôt que de 28 %,
ces cotisations n’ouvrant pas de droits. Vous faites donc sortir les très hauts
revenus du système global par répartition. Comme par ailleurs la loi, dite
PACTE, relative à la croissance et la transformation des entreprises introduit
un nouveau plan d’épargne retraite et ouvre la possibilité d’y transférer les
sommes de l’assurance vie à des conditions fiscales très avantageuses – et je ne
parle même pas du régime fiscal des donations et des transmissions –, les très
hauts revenus pourront y placer l’argent non cotisé. Vous faites entrer le
système par capitalisation dans notre système social. Hélas, vous refusez de
l’admettre. C’est bien pour cette raison que vous donnerez sans doute un avis
défavorable à ces amendements et sous-amendements que nous nous obstinerons à
défendre.
Mme la
présidente. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la
commission spéciale pour le titre 1er.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Les amendements,
qui tendent à assigner au système universel de retraite « un objectif de
justice sociale assurant la réduction des inégalités entre les assurés »,
me semblent satisfaits par les dispositions de l’article 1er,
qu’il s’agisse de l’alinéa 5, où est affirmé un objectif d’équité, afin que
chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits, ou de l’alinéa 6, relatif aux
modalités de la solidarité. Rappelons qu’entre 20 % et 25 % de la
masse globale des pensions sera financée par l’impôt, ce qui permettra de
garantir une redistribution. Le régime de la réversion en fournit un exemple
parmi d’autres. En prévoyant de garantir au conjoint survivant 70 % des
ressources perçues par le foyer avant le deuil, nous témoignons d’une grande
solidarité, surtout au regard du dispositif actuel qui recouvre pas moins de
treize régimes de réversion différents.
Dans le système actuel, composé
de différents régimes, la solidarité joue selon des modalités différentes d’un
régime à l’autre. En uniformisant le système à toutes les professions, nous nous
inscrivons dans cet esprit de solidarité que vous revendiquez. Avis défavorable
aux amendements et aux sous-amendements.
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Monsieur
Lachaud, vous proposez, par vos sous-amendements, de remplacer le terme
« assurant » par « garantissant » et celui de
« réduction » par « diminution ». Dans ces conditions, je ne
suis pas certain que nous soyons repartis cette semaine pour des débats
extrêmement constructifs et de nature à intéresser les Français. Les Français
attendent que nous avancions dans l’examen du texte et non, comme vous le
faites, de rouvrir un débat, celui de la capitalisation, qui nous a occupés des
dizaines de fois la semaine dernière.
M. Bastien
Lachaud. Nous n’avons pas obtenu de réponse !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Tous les groupes de cet
hémicycle se sont exprimés sur ce point.
M.
Jean-Michel Jacques. Il n’était même pas là !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous avons certes une
divergence à ce sujet, peut-être est-ce ce que vous vouliez une nouvelle fois
souligner. Le système que nous prévoyons maintient un très haut niveau de
répartition. Il n’accorde pas au système de capitalisation une place plus grande
que celle qui existe déjà et ne concerne qu’une infime partie des pensions. Vous
le savez ; tout le monde le sait.
Tout le monde s’étant exprimé sur
ce point, il serait souhaitable que nous puissions avancer dans la discussion.
Avis défavorable aux amendements comme aux sous-amendements.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Il est frustrant de débattre d’amendements déposés à
l’article 1er alors qu’ils se rapportent en réalité à
l’article 13, dont nous attendons tous l’examen.
Revenons au fond.
Une fois de plus, vous nous accusez de faire sortir du système les revenus
au-delà de 120 000 euros. C’est faux. J’en ai assez de ces bruits que
vous faites courir ! Ces revenus restent dans le système mais les
cotisations sont plafonnées. Ainsi, une personne qui gagne
250 000 euros cotisera à hauteur de 35 000 euros et ces
cotisations seront versées au système général – et non, comme aujourd’hui, dans
le système complémentaire. Cessez de dire que ces salariés sortent du
système ; ils continueront à y contribuer.
(Mme Sandra Marsaud applaudit.) En revanche, pour eux,
la pension ne sera pas égale à 75 % de leur salaire : elle sera au
contraire divisée par deux puisqu’ils n’auront pu cotiser que dans la limite de
120 000 euros de revenus. Au-delà de ce seuil, leurs cotisations ne
leur permettront plus d’acquérir des points. Vous reprochez au nouveau système
de ne pas être assez redistributif mais en réalité, nous mettons fin aux très
hautes pensions de retraite ! Essayons d’atteindre l’article 13, vous
le constaterez par vous-mêmes ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes MODEM et LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. Personne ne peut être contre le principe d’une justice sociale et
l’introduction de mécanismes de régulation, quel que soit le régime de
protection sociale. Cependant, ne confondons pas tout. Les cotisations des
travailleurs reposent sur le salaire. Plus celui-ci est élevé, plus la
contribution au financement de la protection sociale est importante. Eu égard au
mode de financement, la justice sociale est déjà assurée.
En revanche, la
modification des plafonds de cotisation est une mesure que l’on peut
légitimement contester. C’est vrai, certains salariés ne cotiseront plus que
dans la limite de trois plafonds au lieu de huit. Le débat mérite d’être posé et
d’être mené aussi loin que nécessaire. Personne, dans cette assemblée, ne
pourrait accepter d’être privé d’un débat autour d’un texte aussi crucial que la
réforme des retraites.
Par ailleurs, si l’article 1er
suscite autant de d’amendements, c’est qu’il est mal rédigé.
M. Fabien
Roussel. Exactement.
M. Stéphane
Viry. C’est un article fourre-tout, hypocrite, destiné à se donner bonne
conscience. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.) Et
l’on s’étonne ensuite que des députés cherchent à faire valoir leur
opinion ? Par ailleurs, ce n’est pas de notre faute si l’Assemblée
nationale est satellisée à l’occasion de ce débat (Exclamations sur les bancs
du groupe MODEM), une partie du texte étant renvoyé à la conférence de
financement ou à des ordonnances. Tant que nous aurons le droit de parler, nous
parlerons ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et
SOC.)
M. Fabien
Roussel. Assumez votre texte !
Mme la
présidente. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. En effet, tant que nous aurons la parole, nous la prendrons, en
attendant un éventuel acte léonin du Gouvernement. (Exclamations sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme Sandra
Marsaud. Vous n’attendez que cela !
Mme la
présidente. Seul M. Vallaud a la parole.
M. Boris
Vallaud. Merci, madame la présidente. Nous sommes heureux de vous revoir
au perchoir.
Le Gouvernement a en effet fait le choix, pour les revenus
compris entre trois et huit PASS, d’inciter les plus riches à constituer leur
propre cagnotte. Il aurait pu tout aussi bien décider de rendre plus progressive
la part non contributive des cotisations sociales, mais il a préféré rendre
4 milliards d’euros de cotisations aux Français les plus riches, qui
représentent 1 % de la population, sans se préoccuper de savoir où il va
trouver les 3,7 milliards d’euros nécessaires chaque année pour financer
les pensions de ceux, aujourd’hui à la retraite, qui avaient cotisé jusqu’à huit
PASS. En vérité, 99 % des Français financeront les pensions des 1 % de
Français les plus riches.
Ce tour de passe-passe permet de réduire
l’écart interdécile entre les retraites les plus hautes et les retraites les
plus basses : en faisant sortir du système les 1 % de retraites les
plus riches, on réduit mathématiquement l’écart.
M. Frédéric
Petit. On ne les fait pas sortir !
M. Boris
Vallaud. Par ailleurs, je repose la question : quel sera le
rendement réel du système de retraite pour les salariés et pour les
indépendants ? Il me semble que, du fait de la part des cotisations non
contributives dans l’ensemble des cotisations des indépendants, le rendement
sera plus faible pour eux que pour les salariés. J’aimerais que des
justifications soient apportées à cette rupture d’égalité.
Mme la
présidente. La parole est à M. Alain Bruneel.
M. Alain
Bruneel. M. le rapporteur prétend que l’objectif de justice sociale
est inscrit parmi les grands principes du texte, mais je ne vois pas bien où la
solidarité s’exprime dans votre projet. Je rappelle qu’il prévoit vingt-neuf
ordonnances.
Par ailleurs, M. le secrétaire d’État nous dit :
« Les Français attendent que nous avancions. » J’étais dans ma
circonscription samedi dernier et ce n’est pas ce que j’y ai entendu. Les
Français de ma circonscription, et sans doute ceux du reste du pays, disent au
contraire : « Nous n’y comprenons rien, nous préférons le système
actuel, nous ne savons pas où nous allons, c’est une mauvaise réforme que l’on
nous présente. » (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Quand je leur ai dit que nous avions demandé un référendum et que
vous n’en aviez pas voulu, ils ont répondu : « C’est scandaleux. Nous
avons le droit de nous exprimer et de dire si nous voulons ou non de cette
réforme. » (Nouvelles protestations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Avant toute chose, et puisque M. le secrétaire d’État a
parlé de la forme, je souhaiterais que ce qui s’est passé hier ne se reproduise
pas. Hier, La France insoumise a défendu environ quarante amendements et
sous-amendements ; du côté de la majorité, les interventions ont été deux
fois plus nombreuses pour expliquer à l’opposition qu’elle faisait perdre du
temps. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Tous ceux qui
étaient là peuvent en témoigner. Il faut que cela cesse.
Nous proposons
depuis trois jours de réserver l’article 1er, dont le défaut
– c’est pour cela que nous y passons tant de temps – est d’énoncer des
principes à nos yeux contradictoires avec le fond du texte. Vous nous demandez
de passer au fond ; eh bien, passons au fond et revenons à l’examen des
articles. D’ailleurs, madame la présidente, d’après l’article 95,
alinéas 4 et 5 du règlement, vous avez la possibilité de réserver un
article même si le Gouvernement ou la commission ne l’ont pas demandé. Je
réitère donc notre proposition qui permettrait de discuter du fond avant de
revenir à l’article 1er, dont il sera alors manifeste que ses
dispositions sont contradictoires avec le reste.
Enfin, j’aimerais
répondre rapidement à M. Petit, car la pédagogie de répétition permet
d’éclairer le débat. Vous nous dites, monsieur Petit, que la diminution des
cotisations pour les revenus supérieurs à 10 000 euros par mois
permettra de réduire le nombre de pensions de retraite très élevées. Ce n’est
pas la vision que j’ai des retraites : moi, je suis pour que les gens
bénéficient d’un certain taux de remplacement par rapport à leurs revenus. Je ne
conteste pas le fait que, dans le système par répartition, une personne qui
touche un salaire important et qui a cotisé sur ce salaire puisse toucher la
pension correspondante. Je veux surtout éviter les retraites chapeau, dont le
projet de loi, au passage, ne parle absolument pas.
Ce que vous dites aux
personnes concernées, qui ne pourront plus se satisfaire du niveau de la pension
versée dans le système par répartition, c’est qu’elles devront investir dans un
système par capitalisation. J’en veux pour preuve l’article 65, entièrement
consacré à la publicité de la retraite par capitalisation.
Mme la
présidente. La parole est à M. Roland Lescure.
M. Roland
Lescure. Nous sommes lundi, il est neuf heures quinze et il reste
33 791 amendements à examiner : on nous propose de remplacer
« réduction » par « diminution », « constante »
par « continue » et – préparez-vous ! – dans quelques
minutes, M. Mélenchon nous proposera de remplacer « assurant »
par « garantissant » et Mme Obono de remplacer
« garantissant » par « assurant ». (Applaudissements sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Éric
Coquerel. Ça y est, ça recommence.
M. Fabien
Roussel. On y a droit à chaque fois !
M. Roland
Lescure. Si M. Juanico veut pouvoir organiser son week-end, pas de
problème : qu’il parle à ses voisins et leur fasse retirer les trois quarts
de leurs 33 791 amendements, et nous pourrons reprendre un débat
normal.
J’ai bien compris que ces amendements n’étaient qu’un prétexte
pour nous faire sauter comme des cabris d’un article à l’autre – en
l’occurrence, à l’article 13. Hier, nous avons ainsi passé en revue à peu
près la moitié du texte, de manière totalement désordonnée, puisque les auteurs
des amendements veulent donner l’impression que le projet de loi n’est pas
ordonné.
On nous propose une nouvelle fois de réserver
l’article 1er, c’est-à-dire de passer, encore une fois, d’un
article à l’autre. Mais, monsieur Coquerel, 33 791 amendements, dans
l’ordre ou dans le désordre, cela fait toujours
33 791 amendements ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
Parlons du fond. Nous avons aujourd’hui un
système par répartition inéquitable, injuste et non viable ; nous proposons
de le remplacer par un système par répartition équitable, juste et viable.
M. Fabien
Roussel. Des mots !
M. Roland
Lescure. Débattons-en, votons-le et appliquons-le !
(Applaudissements nourris sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel, pour un rappel au
règlement.
M. Éric
Coquerel. Il se fonde sur l’article 56. (Protestations sur
plusieurs bancs sur les bancs du groupe LaREM.)
Cessez vos propos
mensongers ! La majorité avait déjà inventé l’histoire des
700 000 amendements, alors que l’opposition n’en a évidemment déposé
un tel nombre. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Et voilà que M. Lescure nous explique…
Le vrai problème, c’est que
vous avez estimé, pour des raisons de convenance personnelle, que la réforme
devait être votée à l’issue de deux semaines de débat, avant les élections
municipales. Mais une réforme de cette envergure ne peut pas être adoptée si
rapidement. Nous proposons, nous, d’attendre les résultats de la conférence de
financement, qui aura lieu à la mi-avril, ce qui nous laissera sept à huit
semaines pour débattre. Ce serait démocratiquement préférable en nous permettant
à nous, parlementaires, de décider en connaissance de cause.
M. Erwan
Balanant. Retirez vos amendements répétitifs et nous pourrons
discuter ! Il n’y a que 6 800 amendements différents !
Mme la
présidente. Monsieur Balanant, s’il vous plaît.
M. Éric
Coquerel. Sept à huit semaines, ce ne serait pas trop pour débattre
d’une telle réforme et cela nous permettrait de discuter sans sentir en
permanence sur la tempe l’arme du 49.3 (Exclamations sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM)…
M. Bruno
Millienne. Alors pourquoi avez-vous refusé le temps législatif
programmé ?
M. Éric
Coquerel. …ni subir sans arrêt des interventions qui visent à
culpabiliser l’opposition. Arrêtez de considérer qu’il n’y a pas d’opposition
dans le pays et qu’elle n’a pas de droits.
Article 1er (suite)
(Les sous-amendements nos 42473 et 42474,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements no 27542 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 83
Nombre
de suffrages
exprimés 77
Majorité
absolue 39
Pour
l’adoption 11
Contre 66
(Les amendements no 27542 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Sur les amendements nos 27558 et identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, je
suis saisie par ce groupe d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est
annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à
M. Fabien Roussel, pour soutenir ces amendements, qui font l’objet de
plusieurs sous-amendements.
M. Fabien
Roussel. N’en déplaise à nos collègues de la majorité, tant que nous
aurons la parole, nous la prendrons ! Vous pouvez tout faire pour nous
empêcher de parler, nous continuerons de nous exprimer. (Bruit sur les bancs
des groupes LaREM et MODEM.)
M. Roland
Lescure. Allez-y, nous vous répondrons !
M. Fabien
Roussel. L’hémicycle est fait pour cela et il doit permettre un débat
calme et serein. Excusez-nous d’exister et d’être là pour faire vivre le débat.
Nous demandons le retrait du texte depuis le début. À défaut de cela, nous
essayons de l’améliorer comme nous le pouvons, en y introduisant des phrases et
des mots qui permettent de garantir une retraite digne aux salariés, aux
ouvriers et aux fonctionnaires, ainsi qu’à ceux qui font des travaux
pénibles.
Nous proposons d’ajouter un alinéa après l’alinéa 10 de
l’article 1er. Écoutez ces deux mots : « nous
proposons ». Nous ne faisons que cela, des propositions ! Nous ne
sommes pas un pari d’opposition, mais un parti de propositions. (Rires et
exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Ouvrez bien vos deux
oreilles : nous proposons d’assigner au système de retraite « un
objectif de progrès social garantissant la recherche constante d’une
harmonisation vers le haut des droits à la retraite ». Harmoniser vers le
haut les droits à la retraite : voilà le bel objectif qui aurait dû être
inscrit noir sur blanc dès le premier article du projet de loi. Or le système
que vous voulez instituer fait tout l’inverse.
Oui, nous tentons
d’améliorer un texte dont nous ne voulons pas et nous faisons des efforts en ce
sens. Vous dites que le système sera universel, juste et équitable ; il est
mauvais, mauvais et mauvais, mais nous essayons de l’améliorer malgré tout.
Acceptez-le.
Mme la
présidente. Les sous-amendements no 42476 de
M. Jean-Luc Mélenchon et no 42477 de Mme Danielle
Obono sont défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les amendements identiques précédents du
groupe de la Gauche démocrate et républicaine évoquaient un objectif de justice
sociale ; ceux-ci mentionnent le progrès social. Mêmes arguments et même
avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Je tenais à dire quelques mots sur le seuil de trois PASS :
la question a certes déjà été évoquée – de toute façon, tous les sujets sont
abordés à tout moment (Approbations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM) –, mais elle n’en demeure pas moins importante.
Entre trois et
huit PASS, exclure les gens du régime universel ne me paraît pas une bonne idée
pour la simple raison que, les cotisations étant plus importantes que les
pensions, leur participation rapporte de l’argent au système. Je ne dispose pas
des chiffres d’ensemble, mais les projections concernant le périmètre de l’AGIRC
– Association générale des institutions de retraite des cadres – font
état de 4,1 milliards d’euros de cotisations et de 3,5 milliards
d’euros de pensions entre 2025 et 2030. Nous avons donc intérêt à conserver le
système en l’état.
Par ailleurs, les 2,81 % de cotisations de
solidarité existent déjà. Et il serait faux de dire que le taux des cotisations
« déplafonnées » n’est que de 2,3 % dans le système actuel :
en réalité, comme toujours, la France crée une multitude de dispositifs.
D’autres cotisations de solidarité viennent s’y ajouter, ce qui aboutit, grosso
modo, à 3 % de cotisations pour les personnes à ce niveau de revenus. Nous
aurions donc intérêt à les garder au sein le régime universel que vous souhaitez
créer, dans la limite de huit PASS.
Mme la
présidente. La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien
Lachaud. M. Woerth n’a pas tout à fait tort. Prenons le cas d’une
cadre de 45 ans, qui gagne 243 000 euros par an : avec la
réforme que vous proposez, en travaillant jusqu’à 64 ans, elle verra sa
retraite annuelle amputée de près de 30 000 euros, soit
2 500 euros en moins par mois. Pensez-vous vraiment qu’elle laissera
son niveau de vie baisser de la sorte ? Bien sûr que non : elle
prendra l’argent qu’elle n’aura pas cotisé – parce que son taux de
cotisation sera passé de 28,12 % à 2,81 %…
M. Frédéric
Petit. Ce n’est pas vrai, c’est plafonné !
M. Bastien
Lachaud. …pour le placer dans un système par capitalisation. Dire que
les gens accepteront de perdre 30 000 euros par an sans rien faire, ce
n’est pas vrai : en exonérant de cotisations les très hauts revenus,
l’argent ira dans un système de retraite par capitalisation.
De plus,
avec cette exonération, vous allez perdre 4,8 milliards d’euros de
cotisations par an jusqu’en 2040, soit un manque à gagner total de
70 milliards d’euros. Qui va payer ces 70 milliards ? Qui va
financer les très hautes retraites pendant la période de
transition ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Bruno Fuchs.
M. Bruno
Fuchs. La question des huit PASS a déjà été discutée cinquante fois
depuis lundi dernier. Il y aura effectivement une perte de cotisations mais,
quand on regarde l’espérance de vie des cadres et le montant des pensions
versées dans la durée, on s’aperçoit que cela coûte beaucoup plus au système
général. Cela a été démontré par une grande partie des économistes – j’ai
cité Piketty plusieurs fois –, il est donc inutile de revenir sur le sujet.
Effectivement, sur le moment, nous perdrons des cotisations ; mais, dans la
durée, le système actuel avantage les hauts revenus.
Par ailleurs, on
nous suspecte de vouloir changer les règles du jeu. Mais nous revendiquons de
changer les règles du jeu ! Ce week-end, à Mulhouse, j’ai rencontré Éric,
chauffeur de bus : il va travailler jusqu’à 65 ans et touchera
1 200 euros de retraite, alors que l’un de ses collègues parisiens
travaillera jusqu’à 55 ans et touchera une retraite trois fois plus élevée.
C’est cela que nous voulons changer ! (Applaudissements sur les bancs
des groupes LaREM et MODEM.)
M. Bastien
Lachaud. Il faut étendre à Éric les avantages dont bénéficient les
chauffeurs parisiens !
M. Fabien
Roussel. Alignez le régime des chauffeurs mulhousois sur celui de la
RATP !
M. Bruno
Fuchs. J’ai évoqué hier le cas de Stéphanie, qui est danseuse à l’Opéra
du Rhin (Exclamations sur les bancs du groupe LR) : cet opéra
ne prévoit aucun régime spécial, contrairement à l’Opéra de Paris. Elle vit
aujourd’hui avec 500 euros. Je pense aussi à Inda, une jeune femme de
ménage. (M. Christian Jacob s’exclame.) J’ignore si
cette réflexion a été entendue, mais se moquer des gens qui doivent travailler
après avoir pris leur retraite est désobligeant. Voilà une personne qui a dû
travailler jusqu’à 67 ans et qui ne bénéficie même pas d’une véritable
retraite. Non seulement nous voulons changer les règles du jeu, mais nous le
revendiquons. Alors que vous vous êtes battus durant des années contre le
système actuel, vous voulez le maintenir ! C’est ce système que nous
voulons rendre plus juste. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Marie-Christine
Verdier-Jouclas.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. On m’a toujours dit que, lorsqu’on ne
veut pas voir les choses, c’est qu’on a une mauvaise vue ou qu’on est de
mauvaise foi. Le premier défaut se corrige, le second se combat. Sur le seuil de
trois PASS, nous vous avons déjà répondu à de nombreuses reprises : vous
faites donc preuve de mauvaise foi.
Tout à l’heure, une personne
extérieure à l’Assemblée nationale, à laquelle je faisais part de mon hésitation
à me rendre au Salon de l’agriculture, où je dois rencontrer des personnes,
plutôt qu’à venir en séance, m’a répondu : « Dans les deux cas, c’est
la même chose : c’est du spectacle. »
Mme
Marie-Christine Dalloz. Le spectacle, c’est vous qui le
faites !
M. Fabien
Roussel. Et voilà : ils remettent une pièce dans la
machine !
M. Éric
Coquerel. C’est infernal !
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Lorsque je me suis engagée en
politique, alors que je n’en avais jamais fait auparavant, jamais je n’aurais
cru que je serais associée à un spectacle pareil ! Jamais je n’aurais cru
que nous serions bloqués plus d’une semaine durant dans l’hémicycle à examiner
des sous-amendements plus délirants les uns que les autres.
M. Fabien
Roussel. Il fallait organiser un référendum !
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. À chaque échéance électorale, nous nous
désolons collectivement du niveau atteint par l’abstention. Continuons, chers
amis, continuons ainsi ! Le problème est-il que la démocratie ne s’exerce
que tous les cinq ans ou que nous attendions ce délai pour nous inquiéter du
taux d’abstention ? En poursuivant votre obstruction, en empêchant le vrai
débat que les Françaises et les Français attendent,…
M. Thibault
Bazin. Pour l’instant, c’est vous qui faites de l’obstruction !
Revenez-en aux amendements !
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. …vous favorisez l’abstention et, dans
deux ans, nous nous désolerons de nouveau tous ensemble que les gens ne soient
pas allés voter. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour un rappel au
règlement.
M. Bastien
Lachaud. Sur le fondement de l’article 100, alinéas 4 et
5.
C’est la même rengaine depuis plusieurs jours : nous voulons
avancer sur le fond et la majorité nous en empêche.
Madame la présidente,
en vertu de l’article 95, alinéa 4, aux termes duquel « la
réserve ou la priorité d’un article ou d’un amendement, dont l’objet est de
modifier l’ordre de la discussion, peut toujours être demandée »,
nous vous demandons solennellement la réserve de
l’article 1er, afin de passer à l’examen de l’article 2.
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Madame la
présidente, en vertu de l’article 95, alinéa 4, acceptez-vous de
décider la réserve de l’article 1er, afin que nous puissions
passer à l’examen de l’article 2 ? Pouvez-vous nous donner une réponse
précise ?
M. Frédéric
Petit. Elle vous a été donnée !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Cette
question a déjà été tranchée !
Mme la
présidente. Monsieur le député, cette prérogative appartient au
Gouvernement.
M. Bastien
Lachaud. Non !
Mme la
présidente. Le président de la séance peut certes décider la réserve
d’un article pour un motif technique, mais à l’évidence, votre demande est
d’ordre non pas technique mais politique. La décision appartient donc au
Gouvernement, quel que soit le fondement que vous invoquiez.
M. Bastien
Lachaud. Ce n’est pas ce que dit le règlement !
Mme la
présidente. Monsieur le secrétaire d’État y répondra peut-être
favorablement. (M. le secrétaire d’État fait un signe de
dénégation.) Apparemment pas.
M. Bastien
Lachaud. Ils préfèrent continuer leur cinéma !
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour un rappel
au règlement.
M.
Jean-Marie Sermier. Sur le fondement de l’article 100,
alinéa 5.
Cela suffit, chers collègues de la majorité, ces
invectives, ces leçons de morale qui durent depuis une semaine ! Vous avez
un moment reproché à nos collègues du groupe La France insoumise d’avoir déposé
un nombre incalculable d’amendements : peut-être aviez-vous alors raison.
Mais aujourd’hui, chacun peut le constater, c’est vous qui soufflez sur les
braises ! Les députés du groupe LR ne seront pas les otages d’une partie de
ping-pong entre une majorité et un groupe d’opposition qui font du théâtre.
(Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Chaque
fois que vous prenez la parole, chers collègues de la majorité, pour donner des
leçons de morale ou faire état d’arguments qui ne font pas avancer l’examen du
texte, vous prenez la responsabilité du blocage.
Les députés du groupe
Les Républicains, notamment Éric Woerth et Stéphane Viry, défendent un projet
très précis, que nous développons amendement après amendement. Si vous souhaitez
les adopter, nous en serons évidemment très heureux. Nous sommes là à seule fin
de faire des propositions pour la France. (Applaudissements sur les bancs du
groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Patrick Mignola, pour un rappel au
règlement.
M. Patrick
Mignola. Au double titre de l’article 100, alinéa 5, et de
l’article 95, madame la présidente.
En vertu de l’article 100,
alinéa 5, je dirai que nous ne sommes pas obligés de commencer la semaine
avec des pudeurs de gazelle hypocrite. (Protestations sur les bancs des
groupes LR et SOC.) Nous avons entendu des leçons de morale en provenance de
tous les bancs. Un excellent collègue du groupe Les Républicains a même
évoqué successivement les assistantes maternelles, les marins pêcheurs et les
salariés des abattoirs,…
M. Thierry
Benoit. Ils ont droit à toute notre reconnaissance !
M. Patrick
Mignola. …pour nous expliquer évidemment que contrairement à lui, nous
ne connaissions pas la vraie vie. Chacun fait son petit numéro ! Cessons de
nous donner des leçons !
Sur le fondement de l’article 95, je
rappelle que nous avons déjà évoqué la question de la réserve de
l’article 1er il y a vingt heures, sur les propositions d’un
collègue du groupe Les Républicains et d’un collègue du groupe La France
insoumise. Il serait bien de ne pas vivre Un jour sans fin.
M. Éric
Coquerel. Le jour sans fin, c’est vous qui nous le faites vivre !
Arrêtez donc de faire ce genre d’interventions !
M. Patrick
Mignola. Tous les jours, nous revivons exactement les mêmes
choses ! Je veux bien que nous passions d’un article à un autre, mais à
quoi cela servirait-il, puisque, à l’intérieur du même article, vous cherchez à
rétablir, par un amendement, un alinéa qu’un de vos précédents amendements
visait à supprimer ? Vous voulez jouer au bilboquet, alors que nous, nous
voulons participer un débat parlementaire ! (Applaudissements sur les
bancs des groupes MODEM et LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe
FI.)
Mme la
présidente. Je ne sais pas si vous mesurez à quel point vous dites tous
la même chose ! C’est pourquoi je n’accepterai plus de rappels au règlement
qui répéteront ce qui vient d’être dit. (Applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Je m’efforce autant que possible de satisfaire ceux qui
désirent un débat de fond en vous posant de nouveau ma question sur le taux de
rendement dont bénéficient les salariés et les indépendants, car il y a une
rupture d’égalité majeure entre eux. J’aimerais obtenir une réponse sur le
sujet.
Par ailleurs, les chiffres que M. Woerth a donnés, s’agissant
de la caisse de retraite AGIRC-ARRCO, sur le fait qu’à l’heure actuelle, entre
trois et huit PASS, le montant des cotisations est supérieur à celui des
pensions, démontrent que nous nous priverons de recettes. Il était possible de
moduler différemment le taux des cotisations non contributives pour améliorer le
caractère redistributif du système. Il est regrettable que tel n’ait pas été
votre choix.
Je tiens également à rebondir sur la question de l’Opéra de
Paris : ce n’est pas moi qui ai décidé d’évoquer ce sujet, c’est un député
de la majorité.
Les opéras des régions françaises proposent de nombreux
spectacles de qualité : toutefois, personne ne contestera la singularité de
l’Opéra de Paris.
Un député du groupe
LaREM. Et l’Opéra des Landes ?
M. Boris
Vallaud. Même l’Opéra des Landes ! Je n’ai pas la prétention de le
comparer à l’Opéra de Paris, en dépit de la qualité des spectacles qu’il monte.
Alors que l’Opéra de Paris fait partie des cinq plus grandes scènes lyriques du
monde, qu’il est même certainement la première si on prend en compte le nombre
de spectacles et de spectateurs, vous souhaitez aligner par le bas les régimes
de retraite applicables aux salariés des opéras français ! Comme si, pour
l’Opéra de Paris, la question de son attractivité auprès des chanteurs et des
danseurs n’était absolument pas fondamentale ! Je tiens à rappeler que la
subvention d’équilibre s’élève à 14 millions d’euros.
Vous
apprêtez-vous à augmenter les rémunérations de tous les agents de l’Opéra de
Paris pour les mettre au niveau de celles que perçoivent les agents des quatre
autres scènes lyriques mondiales, dont New York ? Vous ne le ferez
pas.
Alors que vous proclamez sans cesse que vous défendez la valeur
travail et la méritocratie, vous êtes en réalité favorables à un nivellement par
le bas. Vous voilà pris dans vos propres contradictions. (Applaudissements
sur les bancs du groupe SOC.)
M. Fabien
Roussel. Écoutez cette vérité !
(Le sous-amendement no 42476 n’est pas
adopté.)
(Le sous-amendement no 42477 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements no 27558 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 89
Nombre
de suffrages
exprimés 82
Majorité
absolue 42
Pour
l’adoption 8
Contre 74
(Les amendements no 27558 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Sur les amendements no 27574 et identiques,
je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour
soutenir ces amendements identiques du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
M. Alain
Bruneel. Ils tendent, après l’alinéa 10, à insérer un alinéa
tendant à assigner au système de retraite un objectif de renforcement des droits
familiaux et conjugaux.
Certes, le système actuel ne prévoit pas de
majoration pour le premier enfant – mais une majoration de 10 % à
partir du troisième enfant ; en revanche, la naissance d’un enfant ouvre
aujourd’hui des droits à des trimestres supplémentaires – huit dans le
privé et deux dans le public –, dont la validation disparaîtra du nouveau
système.
Selon une étude de l’Institut de la protection sociale, la mise
en place du régime universel fera surtout des perdantes, la majoration de
5 % ne venant pas compenser la baisse des pensions pour une personne qui,
par exemple, partirait à 62 ans.
Nous sommes favorables, non
seulement au maintien de l’ouverture de trimestres pour la naissance d’un
enfant, mais, en plus, à la création d’une bonification forfaitaire de la
pension de 600 euros annuels par enfant, pour compenser les effets de la
maternité sur la carrière des femmes.
Il nous paraît donc essentiel de
mentionner le renforcement des droits familiaux et conjugaux parmi les objectifs
assignés à la réforme des retraites.
Mme la
présidente. Le sous-amendement no 42478 de
Mme Mathilde Panot est défendu.
La parole est à M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale, pour donner l’avis
de la commission sur les amendements et le sous-amendement.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission
spéciale. Le sujet a déjà été débattu : avis défavorable, comme
précédemment.
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.
M.
Jean-Pierre Vigier. Monsieur le secrétaire d’État, vous avez eu raison
de parler de justice sociale – il le faut, en effet. Les gens qui ont travaillé
toute leur vie doivent pouvoir vivre dignement une fois à la retraite. Or, avec
votre réforme, le compte n’y est pas du tout ! Aujourd’hui, le taux de
remplacement s’élève en moyenne à 65 %. Or, si je prends, dans votre étude
d’impact, le cas de l’infirmier qui part à 64 ans, le taux de remplacement
passera pour lui à 56 %. Vous nous parlez de justice sociale : en
fait, votre réforme aura surtout pour conséquence un nivellement par le bas,
comme cela a déjà été souligné.
Par ailleurs, si le spectacle que nous
donnons aux Français est pitoyable, c’est de la faute du Gouvernement : en
effet, votre réforme est imprécise, elle n’est pas claire, elle est même
illisible.
Monsieur le secrétaire d’État, quel travail le
haut-commissaire aux retraites a-t-il fourni durant deux ans ? Il devait
négocier avec les partenaires sociaux, mais nous n’en voyons pas le résultat.
C’est de la faute du Gouvernement.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Merci
d’être venu !
Mme la
présidente. La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien
Lachaud. Madame la présidente, nous ne faisons pas la même lecture que
vous de l’article 95, alinéa 5 de notre règlement. La seule limite que
le Conseil constitutionnel a mise à la décision du président est « qu’il ne
saurait être recouru à la priorité de discussion de telle manière que cette
priorité prive d’effet les exigences de clarté et de sincérité du débat
parlementaire ». Nulle part une décision pour motif technique n’est
mentionnée.
Je vous donne acte, toutefois, que notre discussion actuelle
satisfait « les exigences de clarté et de sincérité du débat
parlementaire » : elle est donc utile et nécessaire.
S’agissant
du seuil des trois PASS et du fait que les salariés ne cotiseront plus sur les
revenus supérieurs à 120 000 euros, vous avez affirmé, monsieur Fuchs,
que la mesure serait rentable à long terme. Mais quand ? En quelle
année ? Toutes les études actuelles démontrent au contraire une perte nette
de 70 milliards à l’échéance de 2040. Vous pouvez nous garantir que la
question sera évoquée dans le cadre de l’article 13 ou nous répondre
maintenant sur le fond. En revanche, vous ne pouvez pas à la fois nous rétorquer
que nos affirmations sont fausses et renvoyer les éléments de réponse à plus
tard ! Cet entre-deux n’est pas acceptable.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine
Dubié. Il est effectivement important de faire mention des droits
familiaux et conjugaux dans l’article 1er, puisqu’il est celui
qui pose les grands principes. Je suis en effet convaincue, après analyse des
exemples que vous avez donnés, que votre dispositif est défavorable aux familles
nombreuses. Peut-être votre système est-il de nature à améliorer, grâce à la
majoration de 5 % par enfant, la situation des femmes qui en ont un ou
deux. Mais j’ai calculé qu’au-delà de trois enfants, il devenait moins favorable
que le système actuel.
C’est en particulier le cas pour ce qui concerne
la pension de réversion, comme nous l’ont démontré les associations de conjoints
survivants. En effet, si dans le régime général des salariés du privé, celle-ci
est plafonnée à 50 % du PASS, les régimes complémentaires, en revanche,
sont plus généreux, qui portent généralement ce taux à 60 %.
Il me
semble donc nécessaire de renforcer les droits familiaux et conjugaux.
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe
Latombe. Nous en revenons à nouveau à une discussion que nous avons déjà
eue à plusieurs reprises ; nous avons notamment débattu de ces sujets
durant plusieurs heures, samedi.
Vous avez voulu supprimer
l’alinéa 6, et vous cherchez aujourd’hui à en réinscrire l’objectif dans
l’article 1er. Je vous invite à relire l’alinéa 6 qui, tel
que nous l’avions rédigé, appelle à « la prise en compte des périodes
d’interruption et de réduction d’activité et de l’impact sur la carrière des
parents de l’arrivée et de l’éducation d’enfants ».
M. Erwan
Balanant. C’est exactement ce que réclame votre amendement !
M. Philippe
Latombe. En effet ! Or cet alinéa 6, vous avez voulu le
supprimer. Et vous souhaitez maintenant insérer des dispositions équivalentes
après l’alinéa 10 ? Votre amendement étant déjà satisfait, il serait
logique de le retirer.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Céline Calvez.
Mme Céline
Calvez. On revient encore une fois sur la question des droits familiaux.
Vous avez en effet voulu supprimer un objectif que vous souhaitez désormais
réinscrire dans le texte. Je vous invite à tout faire pour que l’on arrive très
rapidement à l’article 44, qui traite précisément de ce sujet.
Vous
dites que les parents de trois enfants seraient défavorisés, mais, pour être
mère de deux enfants, je ne vois pas en quoi mes premier et deuxième enfants
seraient moins « valables » qu’un éventuel troisième ! Je
m’explique : la majoration de pension que nous prévoyons vise à compenser
ce qui a ralenti nos carrières. Oui, on a dû s’arrêter, mais dès le premier
enfant, pas uniquement au troisième ! (Applaudissements sur les bancs du
groupe LaREM.)
Il faut arrêter de dire que c’était mieux
avant !
Ce n’est pas à ce stade de la discussion que nous pouvons
aborder le sujet ; il faut vraiment que nous puissions arriver à l’examen
de l’article 44 et y consacrer du temps.
M. Hervé
Saulignac. Eh bien passons à l’article 44 !
Mme Céline
Calvez. Nous avons plusieurs propositions à formuler – par exemple
orienter plutôt vers la mère les points pour enfants ou fixer un seuil minimal
de majoration – dont nous aimerions débattre avec vous. Ce n’est pas encore
aujourd’hui que nous pourrons le faire. Nous pouvons toujours nous étendre sur
les objectifs à atteindre, mais ce que nous voulons surtout, c’est discuter de
propositions concrètes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Mme la
présidente. Pour ce faire, il serait bon que chacun arrête, lorsqu’il
prend la parole, de dire qu’on perd du temps… Allons directement sur le fond,
car là, on perd du temps à dire qu’on en perd ! (Applaudissements sur
les bancs des groupes LR et SOC.)
M. Fabien
Roussel. Merci, madame la présidente !
Mme la
présidente. Madame Calvez, je précise que ce reproche ne vous est pas
adressé en particulier : d’autres intervenants ont fait la même
chose.
(Le sous-amendement no 42478 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements no 27574 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 78
Nombre
de suffrages
exprimés 77
Majorité
absolue 39
Pour
l’adoption 12
Contre 65
(Les amendements no 27574 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Sur l’amendement no 28089 et les quinze
amendements identiques déposés par le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine, je suis saisie par ce groupe d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour les soutenir.
M. Alain
Bruneel. Il vise à insérer, après l’alinéa 10, l’alinéa
suivant : « Un objectif de mise à contribution élargie de revenus,
avec notamment la mise à contribution des revenus financiers, pour garantir les
ressources du système. »
La distorsion du partage de la richesse au
profit du capital a été l’une des causes de la baisse des ressources du système
de retraite. Le groupe GDR a toujours proposé que les revenus financiers des
entreprises soient soumis à une contribution d’assurance vieillesse, au même
niveau que pour les revenus du travail. Un tel dispositif permettrait de
contribuer aux ressources du système de retraite à hauteur d’environ
30 milliards d’euros.
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Cher collègue, je crois que vous avez
confondu deux séries d’amendements : vous venez de défendre les
nos 32363 et identiques, alors que les amendements appelés
concernent l’objectif de participation des travailleurs.
M. Alain
Bruneel. Ah ? Pardon…
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ce n’est pas grave, cela
arrive.
Quoi qu’il en soit, la meilleure façon d’assurer la participation
possible des travailleurs, c’est de confier les clés du système à leurs
représentants, c’est-à-dire au paritarisme. On entend parfois qu’au bout du
compte, c’est le Gouvernement qui aura la main. Mais, lorsqu’il existe
quarante-deux régimes, il existe aussi quarante-deux conseils d’administration,
qui gèrent tous leur caisse dans un certain anonymat. À l’inverse, les décisions
de la Caisse nationale de retraite universelle – CNRU – seront
scrutées, passées à la loupe : de fait, son conseil d’administration aura
beaucoup plus de poids politique.
Le système dont nous envisageons
l’instauration est de nature à assurer un réel équilibre entre la démocratie
parlementaire et la démocratie sociale. Par conséquent, avis
défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Avis défavorable.
Depuis
une semaine, il y a eu de nombreuses redites dans les débats, mais la
gouvernance et le rôle des partenaires sociaux ayant encore été peu évoqués, je
prendrai quelques instants pour répondre sur le fond, même si ce sont des sujets
que nous aborderons dans le titre IV du projet de loi, dont Mme Carole
Grandjean est rapporteure.
Nous proposons une articulation entre deux
démocraties : d’une part, la démocratie politique, celle que vous incarnez
– c’est pour cela que, dans le cadre du projet de loi de financement de la
sécurité sociale, vous vous prononcerez tous les ans sur l’application de
certaines mesures du projet de loi ; d’autre part, la démocratie sociale, à
laquelle il faut donner sa chance afin qu’elle se réinvente au cours de la
deuxième partie du XXIe siècle, ce que permettra la gouvernance du
CNRU.
Tel est le cœur de ce beau projet collectif de solidarité, de
redistribution, de justice sociale qui, grâce aux partenaires sociaux, sur
lesquels nous nous appuierons, sera attentif aux plus vulnérables des futurs
retraités. Les partenaires sociaux sont prêts à endosser cette responsabilité.
Les modalités de l’articulation entre les deux formes de démocratie restent à
définir, mais le projet de loi prévoit d’ores et déjà de confier la gouvernance
du système à la CNRU et de donner aux députés le droit de valider ses
propositions.
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Il n’existe pas quarante-deux régimes, il faut vraiment arrêter
de prétendre cela.
S’agissant des masses financières consacrées aux
droits familiaux, je vous ai déjà interrogé à plusieurs reprises, monsieur le
secrétaire d’État, sans obtenir de réponse, sur le graphique qui figure à la
page 811 de l’étude d’impact. Dans votre système, combien dépense-t-on en
matière de droits familiaux ?
M. Erwan
Balanant. On en a déjà parlé, le secrétaire d’État l’a
expliqué !
M. Éric
Woerth. Selon ce graphique réalisé par vos services, les masses
financières consacrées aux droits familiaux seraient, en 2050, moins importantes
qu’elles ne l’auraient été sans la réforme.
M. Thibault
Bazin. C’est vrai.
M. Éric
Woerth. Il y aurait donc moins de droits familiaux
qu’actuellement ? Même si je sais qu’il existe une majoration de la durée
d’assurance, elle n’est visiblement pas comptabilisée de la même manière. Tout
cela est extrêmement complexe, on n’y comprend plus rien.
Par ailleurs,
Mme Calvez a laissé entendre que, dans le système actuel, on n’avait
rien au premier enfant et tout au troisième. Non ! Il existe bien dès le
premier enfant une majoration de la durée d’assurance qui est de huit
trimestres. À ce dispositif s’ajoute une augmentation du montant de la pension
qui, il est vrai, n’est aujourd’hui obtenue qu’à partir du troisième enfant.
Cependant, comme vous supprimez les durées de cotisation, on ne sait plus très
bien où on en est !
Dans le système actuel, les femmes atteignent
plus rapidement une carrière complète et peuvent partir plus tôt avec une
retraite à taux plein, celle qu’elles auraient touchée à 62 ans et calculée
sur leurs vingt-cinq meilleures années. Je ne suis donc pas sûr que les femmes
soient gagnantes.
Quoi qu’il en soit, j’aimerais une réponse s’agissant
des droits familiaux, car vous en reversez moins dans le système que vous voulez
créer que dans le système actuel.
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Concernant la démocratie sociale, je ne suis pas d’accord avec
vous, monsieur le secrétaire d’État : ce que vous proposez change
profondément les choses. Il faut dire très clairement que non seulement vous
êtes en réalité en train d’étatiser le système des retraites, mais en plus que
vous le faites sur la base de considérants idéologiques, comme l’absence de
déficit à horizon de cinq ans. Comme vous l’avez fait avec le système de santé,
vous prévoyez de renvoyer les mesures relatives au pilotage financier du futur
système universel de retraite dans le projet de loi de financement de la
sécurité sociale – PLFSS . Cela permettra de s’assurer que l’État,
plutôt que ceux que vous appelez les partenaires sociaux – que je préfère
appeler les représentants des travailleurs, et qui œuvrent dans un esprit de
solidarité intergénérationnelle – décide de la trajectoire financière du
système. De plus, en interdisant le débat sur le niveau des cotisations
– ce que vous appelez le « coût du travail » –, vous posez
un deuxième verrou.
En réalité, tout sera cadré : la CNRU n’aura pas
le choix. Vous avez d’ailleurs utilisé un très bon terme, en parlant de
« s’appuyer » sur les partenaires sociaux. Ce n’est donc plus la même
chose que lorsqu’ils décidaient des règles de financement de la sécurité
sociale. Vous transformez considérablement le système et, dans celui que vous
proposez, les syndicats n’auront plus qu’à accepter le cadre défini par l’État
et le Parlement sur la base d’une politique d’austérité.
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Permettez-moi de défendre cet amendement, qui nous semble
important pour permettre aux organisations des travailleurs de participer aux
décisions sur le futur système de retraite. Que les députés communistes soient
présents pour défendre les travailleurs, c’est la moindre des choses : nous
n’en avons bien évidemment pas le monopole, loin s’en faut, mais dans ce
domaine, nous avons au moins une histoire et une fidélité.
Nous
souhaitons inscrire dans votre texte un objectif de participation des
travailleurs, afin de rappeler ce principe prévu dans le préambule de la
Constitution de 1946. Celui-ci dispose en effet : « Tout travailleur
participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective
des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. » Or, avec
le conseil d’administration que vous souhaitez instaurer, c’est tout l’inverse
qui se produit : avec votre régime de retraite par points, vous remettez en
cause la place des partenaires sociaux en les réduisant à un rôle de conseil. De
plus, ils seront soumis à votre règle d’or : faire des économies sur les
dépenses consacrées aux retraites.
Nous, nous voulons tout
l’inverse : donner des droits aux travailleurs et aux organisations
syndicales, et revaloriser le rôle des partenaires sociaux, notamment pour
garantir les droits des travailleurs et les harmoniser par le
haut.
C’était d’ailleurs le rôle conféré aux régimes spéciaux, qui
permettaient de garantir des droits spécifiques à certaines professions. Nous
vous avons proposé d’aligner les droits de toutes les autres professions sur
ceux de ces régimes, mais vous avez refusé.
M. Bruno
Millienne. Ils sont déficitaires !
Mme la
présidente. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Je suis heureux de constater qu’il existe sur ce sujet une
différence profonde entre nous, car le programme de La France Insoumise propose
non pas de renforcer les partenaires sociaux mais de créer un système
parallèle ; je ne comprends donc pas bien ce que recouvre le soutien aux
partenaires sociaux dont vous vous targuez.
Deuxièmement, je répète que
la salariée cadre de 45 ans que vous avez évoquée, percevant
240 000 euros par mois, ne cotisera pas à hauteur de 2,8 % dans
notre système : c’est faux ! Compte tenu du plafonnement de l’assiette
de cotisation jusqu’à 120 000 euros, elle payera
37 000 euros. Cela n’aboutit pas à un taux de 2,8 % de son
revenu ; vous le savez très bien !
M. Bastien
Lachaud. Le taux de 2,8 % s’applique au-delà de
120 000 euros !
M. Frédéric
Petit. Oui, ce qui signifie qu’elle payera 37 000 euros au
lieu de 38 000 ou 39 000 aujourd’hui ! Elle n’est donc pas
exonérée !
M. Bastien
Lachaud. Nous n’avons jamais dit cela. Vous êtes de mauvaise
foi !
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements nos 28089
et identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 82
Nombre
de suffrages
exprimés 77
Majorité
absolue 39
Pour
l’adoption 10
Contre 67
(Les amendements nos 28089 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. L’amendement no 29466 de M. Emmanuel
Maquet est défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’assigner au
système de retraite un objectif d’indépendance des assurés, leur permettant de
diversifier leurs sources de revenus à la retraite. Il s’agit d’une invitation à
la capitalisation, qui n’a pas sa place dans le projet dont nous discutons. Avis
défavorable.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte pour répondre à
M. Woerth quant à la baisse des droits familiaux en 2050, qu’il a évoquée.
Il ne vous aura pas échappé – et cela témoigne du sérieux de l’étude
d’impact – que les femmes qui seront retraitées en 2050 sont les mères
d’aujourd’hui. Or l’on constate actuellement une forte baisse de la natalité,
que j’illustrerai par des chiffres communiqués par le directeur de l’éducation
de mon département – dont la population est pourtant en croissance. En
2020, 771 élèves de moins sont attendus dans le primaire, après des baisses
d’effectifs de 618 élèves en 2019, de 356 en 2018 et de 500 en 2017.
M. Bastien
Lachaud. Et vous vous satisfaites de tels chiffres ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. La Vienne vient de perdre
2 700 élèves dans ses écoles primaires en l’espace de cinq ans.
M. Bastien
Lachaud. Il faut une politique familiale pour lutter contre ce
phénomène !
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il est bon que M. le
rapporteur ait pu fournir cet éclairage à M. Woerth. Nous avions néanmoins
déjà longuement débattu de cette question un soir, après que M. Le Fur
m’avait interpellé sur ce sujet précis. Dans la mesure où vous êtes très assidu
à nos travaux, monsieur Woerth, cela a dû se produire lors de votre seul moment
d’absence !
Quant à l’amendement, nous en avons également discuté
hier. L’article 1er évoque les objectifs du futur système
universel de retraite par répartition. Il ne serait pas cohérent d’y insérer des
dispositions relatives à la capitalisation ou à l’épargne retraite. Ces
placements ne peuvent relever que de choix volontaires, réalisés par les
Français qui le souhaitent. Il n’y a pas d’ailleurs de tabou à ce sujet ;
cela existe déjà, y compris dans la fonction publique. Mais ces pratiques ne
peuvent figurer parmi les objectifs d’un système universel de retraite par
répartition. Avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. Il s’agit de l’un des points importants restant en suspens. C’est
tout le problème des objectifs fixés par l’article 1er : ils se
révèlent parfois insincères ou incohérents par rapport au reste du texte. C’est
la raison pour laquelle il est important que nous puissions discuter du fond des
sujets.
Concernant les droits conjugaux et familiaux, nous sommes très
inquiets. Il existe en outre, je crois, un désaccord majeur entre nous. Madame
Calvez, la majoration de durée d’assurance octroyant des trimestres par enfant
existe déjà aujourd’hui, dès le premier enfant. Elle permet de partir en
retraite sans décote. Or, comme un fait exprès, les huit trimestres de
majoration correspondent aux 5 % par enfant prévus dans le nouveau système.
Les femmes ne seront finalement ni perdantes ni gagnantes ; leurs droits
resteront sans doute équivalents, dans le cas des mères de un ou deux enfants.
Il faudrait néanmoins s’intéresser dans le détail à d’autres aspects, comme les
interruptions de carrière.
La vraie question, soulevée par
Mme Dubié, concerne les mères de trois enfants, qui bénéficient aujourd’hui
du cumul des majorations de durée d’assurance et de la majoration de 10 %
pour chacun des deux membres du couple. La majoration supplémentaire de 2 %
attribuée à partir de trois enfants dans le futur système sera bien en deçà des
10 % attribués aujourd’hui à chacun des deux, même en tenant compte des
5 % déjà attribués pour chaque enfant. Il nous semble nécessaire de ne pas
se limiter à l’individualisation des situations mais de valoriser la solidarité
conjugale et familiale. Or force est de constater que certains couples seront
perdants.
L’un des péchés originels de votre réforme tient à votre
affirmation selon laquelle tous les Français seraient gagnants. En réalité, il y
aura aussi des perdants. Vous tardez à présenter des études de cas concernant
les parents avec enfants, mais j’espère qu’un jour cela sera fait. Tout le monde
ne sera pas gagnant.
Le Conseil d’État vous a signalé des abus de
langage, mais vous vous entêtez, à l’article 1er, à afficher des
objectifs que vous ne respectez pas.
Mme la
présidente. Merci, monsieur le député.
M. Thibault
Bazin. C’est tout le problème de l’article 1er, dont la
discussion traîne. Vous êtes responsables de cette situation.
Mme la
présidente. Merci, monsieur le député, mais votre intervention ne
portait pas tout à fait sur le sujet de l’amendement. (Sourires sur divers
bancs.) Le débat est certes passionnant,…
M. Patrick
Mignola. C’est un sujet que nous avions abordé hier et
avant-hier !
M. Thibault
Bazin. Oui, mais je réagissais aux propos de M. le secrétaire
d’État !
Mme la
présidente. …mais je vous invite à en rester au sujet abordé par les
amendements.
La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Le débat s’éterniserait moins si le Gouvernement ou le
rapporteur n’affirmait pas de contre-vérités à chaque intervention. Vous assurez
que la retraite par capitalisation n’a aucun rapport avec le projet de loi.
Encore une fois, chers collègues, je vous invite à lire l’article 65 :
il est entièrement consacré à la généralisation de la retraite par
capitalisation. C’est écrit ! J’ai bien compris que ces dispositions vous
embarrassaient tant que la majorité risquait de proposer un amendement destiné à
les intégrer dans une loi ultérieure, car aujourd’hui elles sont bien trop
visibles ! Quoi qu’il en soit, c’est bel et bien écrit. Le terme de
« généralisation » n’est pas anodin. Vous nous rétorquez en effet que
la retraite par capitalisation existe déjà aujourd’hui. Certes, mais elle n’est
pas généralisée ! Un article est entièrement consacré à cette
question.
Je voudrais par ailleurs revenir sur le cas, évoqué
précédemment, d’un salarié percevant très légèrement plus de
10 000 euros par mois. Il n’est pas vrai que la réduction de
cotisations – non seulement salariales, mais aussi patronales – aura
peu de conséquences. Au contraire ! Il suffit pour s’en convaincre de
consulter les chiffres avancés par l’AGIRC-ARRCO, qui a calculé qu’entre 2025 et
2040, la réduction de cotisations entraînerait un déficit de 3,5 à
4 milliards d’euros par an ! Cela donne une idée des masses
financières en jeu. En témoigne aussi l’exemple, certes extrême mais éclairant,
des clubs de football qui économiseront ainsi des centaines de millions d’euros
– les salaires des joueurs sont en effet largement au-dessus du plafond
prévu par la réforme.
Ce que vous affirmez est donc faux. L’abaissement
de huit à trois PASS du seuil des cotisations déplafonnées aura des incidences
pour le cotisant, qui sera approché par des organismes financiers lui proposant
de consacrer à la capitalisation une partie des sommes qu’il consacrait
autrefois à la retraite par répartition. Mais ce changement aura aussi des
incidences sur l’équilibre du régime lui-même.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Catherine Fabre.
M. Thibault
Bazin. Pour intervenir sur le sujet de l’amendement, j’espère !
Mme
Catherine Fabre. Je voudrais réagir au débat sur répartition et
capitalisation. Le projet de loi renforce la répartition, puisque certains
régimes par capitalisation seront supprimés par la réforme – notamment le
régime Préfon-retraite. Le renforcement de la répartition figure bien parmi les
objectifs du projet de loi. Arrêtons de faire peur en brandissant de fausses
affirmations !
Deuxièmement, je vous répète, monsieur Bazin,
que ce que vous avancez est faux. Vous affirmez que les majorations pour le
premier et le deuxième enfant seront équivalentes aux trimestres actuellement
octroyés. Non, ce ne sera pas le cas. De très nombreuses femmes ne bénéficient
pas actuellement de ces trimestres, quand bien même elles sont mères d’un ou
deux enfants.
M. Éric
Woerth. C’est le cas des fonctionnaires.
Mme
Catherine Fabre. Demain, la totalité des femmes pourront bénéficier
d’une majoration financière sur leur pension de retraite, dès le premier enfant
ainsi que pour le deuxième. Si elles le souhaitent, elles pourront transformer
cette majoration et l’utiliser pour partir un ou deux ans plus tôt en retraite.
Le système futur n’est donc pas du tout équivalent à
l’actuel !
Quant au troisième enfant, il ouvrira droit à une
majoration de 17 %, entièrement octroyée à la mère. La situation actuelle,
qui offre 10 % à chaque membre du couple, est très différente, car en cas
de séparation, la femme ne bénéficie plus que de 10 %. Le système que nous
proposons est donc très différent !
Enfin, j’irai encore plus loin.
Le nouveau système de retraite offrira une plus grande protection et une
meilleure réparation du préjudice de carrière aux mères de quatre enfants. Elles
bénéficieront en effet d’une majoration de 22 %, qui leur sera entièrement
réservée.
Comme vous pouvez le constater, ce nouveau système protégera
mieux les femmes et compensera beaucoup mieux les interruptions de carrière
liées à l’arrivée des enfants. La réforme que nous proposons permet d’atteindre
un équilibre et prend réellement en compte les évolutions de la
société.
Si nous étions parvenus à l’article 44, nous pourrions vous
présenter les amendements que nous avons déposés…
Mme la
présidente. Merci, madame la députée.
Mme
Catherine Fabre. …pour renforcer encore la solidarité envers celles qui
en ont le plus grand besoin, mais nous ne sommes pas à
l’article 44 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
Mme
Marie-Christine Dalloz. Ah ! Le nouveau système sera donc bien
meilleur ! (Sourires.)
(L’amendement no 29466 n’est
pas adopté.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir
l’amendement no 32363 et les quinze amendements identiques
déposés par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Fabien
Roussel. Il s’agit d’un nouvel amendement visant à améliorer le texte,
malgré tout. Il propose d’insérer à l’article 1er – un
article à tiroirs, que nous devons nous aussi améliorer ! – un
objectif de mise à contribution élargie des revenus, intégrant notamment les
revenus financiers, afin de garantir les ressources du système.
Cette
proposition est l’une des idées que nous avons développées dans le contre-projet
que nous avons présenté à la presse. Nous pensons en effet qu’il faudra mettre à
contribution les revenus financiers pour améliorer le système de retraite et
tenir compte de l’allongement de la durée de la vie. En 2018, 298 milliards
d’euros de revenus financiers n’ont été soumis à aucune cotisation pour notre
système de sécurité sociale et de retraite. Ces revenus financiers captent une
grande partie de la richesse créée et nous considérons qu’il serait juste de les
mettre à contribution sous la forme d’une cotisation sociale qui s’établirait au
même niveau que celle des employeurs. Une telle cotisation rapporterait
30 milliards d’euros et permettrait ainsi d’accroître la part du PIB que
nous consacrons à notre système de retraite. Pour nous, il y a un régime spécial
à éliminer à tout prix : c’est celui de la finance, qui ne contribue
aucunement à notre système de retraite. C’est la raison pour laquelle nous
faisons cette proposition que nous estimons juste.
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Vous souhaitez assigner au système de
retraite un objectif de mise à contribution élargie des revenus, notamment des
revenus financiers. Je perçois bien la cohérence de votre démarche, mais sachez
que la fiscalité continuera demain à financer les dispositifs de solidarité,
notamment au travers de l’affectation au Fonds de solidarité vieillesse
universel de la contribution sociale généralisée sur les revenus du capital.
M. Fabien
Roussel. Certes, mais les salariés payent eux aussi la CSG !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Oui, mais les revenus du capital
également !
M. Fabien
Roussel. Mais les salariés sont les seuls à payer les cotisations
sociales !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. J’émets donc un avis défavorable sur
l’amendement.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous avons évoqué ce sujet à
plusieurs reprises au cours des derniers jours, y compris tout à l’heure, avec
le groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Comme le rapporteur vous l’a
indiqué, les contributions à la CSG sont orientées vers la solidarité
nationale ; elles participent notamment au financement du minimum
vieillesse et des cotisations des personnes qui se trouvent au chômage. La CSG
est assise tant sur les revenus du capital que sur ceux du travail ; elle
continuera à l’avenir à contribuer à la solidarité comme elle le fait déjà
aujourd’hui. Avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Le rapporteur a répondu sur le fond à Éric
Woerth en précisant que la simulation sur les droits familiaux concernait les
femmes qui donnent naissance à un enfant aujourd’hui et intégrait donc une
baisse de la natalité. J’entends bien, mais ces femmes ont aujourd’hui entre 20
et 30 ans : dans vingt ans, elles ne seront donc pas encore à la
retraite. Je ne suis donc pas sûre que votre projection soit totalement juste.
Votre tableau est un peu perturbant.
Mme Fabre nous a expliqué que
le nouveau système permettrait d’améliorer nettement les droits familiaux. Mais
de qui se moque-t-on ? Un enfant permet d’obtenir une majoration de pension
de 5 %, mais on ne tient pas compte de la durée de cotisation : si la
femme prend sa retraite à 62 %, elle subit une décote de 5 %, ce qui
annule la majoration de pension.
Mme
Catherine Fabre. Oui, mais la naissance d’un enfant permettra d’obtenir
une majoration de pension ! C’est un progrès !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Non ! Vous pouvez ne voir que l’aspect
positif, mais il ne l’est vraiment que si la femme prend sa retraite à
64 ans. En réalité, vous êtes en train de mentir à l’ensemble des femmes,
dont les droits actuels sont plus avantageux que votre simulation pour les
quarante années à venir. À 62 ans, en effet, elles subiront une perte de
pension.
M. Philippe
Latombe. Ce n’est pas le sujet de ces amendements !
Mme la
présidente. J’invite chaque orateur à s’exprimer sur le sujet des
amendements examinés.
M. Philippe
Latombe et M. Bruno Millienne. Très bien !
Mme la
présidente. Tout à l’heure, en donnant son avis sur des amendements sans
aucun rapport avec les droits familiaux, M. le rapporteur a répondu à
M. Woerth, ce qui a rouvert la discussion sur ce sujet.
Mme
Danielle Brulebois. Le rapporteur fait ce qu’il veut, madame la
présidente ! Vous n’avez pas à commenter ses prises de parole !
M. Patrick
Mignola. Sur n’importe quel amendement, les députés du groupe Les
Républicains nous parlent de droits familiaux…
Mme la
présidente. Il s’agit d’une demande générale : efforçons-nous de
rester sur le sujet des amendements.
La parole est à M. Sébastien
Jumel.
M.
Sébastien Jumel. On m’a dit que Mounir Mahjoubi s’inquiétait de la santé
mentale de Pierre Dharréville et Sébastien Jumel. J’ai consulté : il semble
que tout va bien.
Mme Sylvie
Charrière. Est-ce vraiment le sujet de l’amendement ?
M.
Sébastien Jumel. Je tiens donc à rassurer celui qui s’est cru
vingt-quatre heures maire de Paris et qui s’inquiète de mon état de santé.
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et LR.)
M. Alain
Perea. Hors sujet !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Madame la présidente, vous ne pouvez pas laisser dire cela !
M.
Sébastien Jumel. Sur le fond, il semble que vous ayez fait le choix,
depuis le début du quinquennat, de câliner la finance. D’ailleurs, très
récemment, Oxfam a démontré, chiffres à l’appui, que l’ensemble des mesures
fiscales adoptées depuis le début de la législature avaient amélioré la
situation des 5 % de Français les plus riches,…
Mme
Danielle Brulebois. Ce que dit Oxfam n’est pas parole
d’évangile !
M.
Sébastien Jumel. …qui peuvent donc passer la nuit à compter les billets
que vous leur avez permis d’épargner.
M. Bruno
Millienne. La courbe du chômage s’est inversée !
M.
Sébastien Jumel. Je ne suis pas tout à fait surpris que vous repoussiez
l’amendement de mon excellent collègue Fabien Roussel, qui propose de mettre à
contribution les revenus du capital. Jusque-là, tout va bien !
Cela
dit, je suis un peu déçu. Je suis allé respirer la mer hier, et je pensais que
vous alliez donc faire défiler les amendements – avec deux fous de moins
dans l’hémicycle, les choses auraient pu se dérouler très simplement.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce
sont des digressions ! Madame la présidente, ce n’est pas
possible !
M.
Sébastien Jumel. Mais il semble que vous êtes vous-mêmes embourbés,
englués, et que vous patinez sur ce texte.
Mme la
présidente. Monsieur Jumel, veuillez rester sur le sujet des amendements
en discussion.
M.
Sébastien Jumel. J’ai le sentiment de ne pas y être pour
grand-chose.
Mme la
présidente. Mes chers collègues, nous examinons une trentaine
d’amendements par heure.
M.
Sébastien Jumel. Ce n’est pas si mal ! En moins de soixante-quatre
semaines, nous aurons fini !
Mme la
présidente. Ce n’est pas un rythme particulièrement lent. Cela est
relativement habituel.
M. Fabien
Roussel. C’est vrai ! Merci de ce rappel, madame la
présidente !
Mme la
présidente. Je tenais à le préciser, car on a parfois le sentiment que
peu d’amendements sont examinés. En réalité, notre rythme est relativement
habituel.
M. Régis
Juanico. Nous sommes même passés à un rythme de quarante-cinq
amendements par heure !
M. Philippe
Michel-Kleisbauer. La productivité s’améliore !
M. Régis
Juanico. En tout cas, nous n’avons jamais été aussi proches de la
fin ! (Sourires.)
(Les amendements
no 32363 et identiques
ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de dix-sept amendements pouvant être soumis à
une discussion commune. Cette série comprend l’amendement
no 42521 ainsi que l’amendement no 39552 et
quinze autres amendements identiques déposés par les membres du groupe de la
Gauche démocrate et républicaine.
Sur l’amendement
no 42521, je suis saisie par le groupe Les Républicains d’une
demande de scrutin public.
Sur les amendements no 39552
et identiques, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine d’une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés
dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Dino
Cinieri, pour soutenir l’amendement no 42521.
M. Dino
Cinieri. Cet amendement de M. Marc Le Fur et de plusieurs
députés du groupe Les Républicains vise à fixer un objectif de revalorisation
des pensions de retraite agricole en France continentale et dans les outre-mer,
tant pour les retraités à venir – ce que le Président de la République
appelle « le flux » – que pour les retraités actuels – le
stock.
Nous proposons donc d’insérer, après l’alinéa 10, l’alinéa
suivant : « 6° bis Un objectif de garantie d’un minimum de retraite
égal à 85 % du SMIC pour les exploitants agricoles qui partiront à la
retraite à compter de 2022 et les exploitants agricoles déjà
retraités ».
M.
Jean-Pierre Vigier. Très bien !
Mme la
présidente. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir
l’amendement no 39552 et les quinze autres amendements
identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
M. Alain
Bruneel. Un fou peut en cacher un autre !
(Sourires.)
Nos amendements sont assez proches de celui que vient
de défendre M. Cinieri. Nous proposons d’insérer, après l’alinéa 10,
l’alinéa suivant : « 7o Un objectif de garantie à tous les
agriculteurs retraités une pension au moins équivalente à 85 % du SMIC net
sur l’ensemble du territoire national ».
Cette question est
extrêmement importante.
M.
Jean-Pierre Vigier. C’est une question de justice sociale !
M. Alain
Bruneel. Si le projet de loi prévoit d’accorder aux exploitants
agricoles ayant liquidé leur retraite à partir de 2022 une pension d’au moins
1 000 euros par mois, force est de constater qu’aucune mesure n’est
prévue pour l’ensemble des agriculteurs déjà retraités.
Je rappelle que
les retraites agricoles se caractérisent par leur extrême faiblesse : un
agriculteur retraité touche une pension d’un montant moyen de 740 euros par
mois, et même de 350 euros dans les outre-mer. Rien ne justifie donc cet
arbitrage présidentiel en faveur de ce que le Président de la République appelle
« le flux », qui tourne le dos à une promesse de campagne. Aucune
raison digne ne peut être avancée pour priver les agriculteurs retraités de
cette mesure de revalorisation et maintenir 300 000 d’entre eux en dessous
du seuil de pauvreté.
Depuis des mois et des mois, nous vous interpellons
sur cette injustice, et le Gouvernement a multiplié les réponses dilatoires. Par
exemple, en mars 2018, le Gouvernement a décidé de bloquer, au Sénat, une
proposition de loi issue de notre groupe et adoptée à l’unanimité, en première
lecture, par l’Assemblée nationale. Ce texte visait à porter le minimum de
pension des retraités agricoles à 85 % du SMIC. (Exclamations sur
quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Alain
Perea. Ce texte avait été voté par l’Assemblée nationale quelques
semaines seulement avant les élections de 2017 !
Mme la
présidente. S’il vous plaît, mes chers collègues !
M. Alain
Bruneel. Mme Buzyn a expliqué devant le Sénat : « La
proposition de loi est […] prématurée au regard du débat qui va s’engager sur la
réforme de nos régimes de retraite. Ce débat sera notamment l’occasion de
préciser les modalités d’un système plus équitable […]. »
Mme la
présidente. Merci, monsieur Bruneel.
M. Alain
Bruneel. Voilà ce qui avait été dit ! Votre système de
retraite…
Mme la
présidente. Merci, monsieur le député.
Quel est l’avis de la
commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ces amendements portent sur un sujet dont
nous avons déjà longuement débattu.
M. Patrick
Mignola. Hier à la même heure !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. M. Bruneel a fait référence à une
proposition de loi de M. Chassaigne adoptée par l’Assemblée nationale, en
première lecture, à la fin de la précédente législature, quelques mois, voire
quelques semaines avant les élections.
M. Alain
Perea. Eh oui !
M. Christian
Jacob. Il n’est quand même pas interdit de voter des textes quelques
mois avant les élections !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il était très facile, pour la majorité
précédente, de voter des mesures dont elle n’assumerait pas les
conséquences ! De toute façon, la navette parlementaire était à peine
entamée et le texte devait encore être examiné par le Sénat. Nous ne sommes pas
tenus par ce genre d’engagement.
M. Boris
Vallaud. Ah bon ?
M.
Sébastien Jumel. C’est inacceptable !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous essayons d’apporter une réponse en
appliquant cette mesure aux agriculteurs prenant leur retraite à partir de
2022 : nous ne la limitons pas aux générations 1975 et suivantes, qui
prendront leur retraite à partir de 2037 et auxquelles s’appliqueront les autres
dispositions du projet de loi. C’est un engagement très fort, car une pension de
1 000 euros représente 85 % du SMIC alors que nous nous étions
arrêtés à 75 % du SMIC.
Nous avons également évoqué une mission…
M. Boris
Vallaud. Ah, une mission !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Vallaud, je ne vous coupe jamais
la parole. J’aimerais donc ne pas subir vos interruptions en permanence. C’est
vraiment désagréable.
M. Bruno
Millienne. Absolument ! Il faut respecter le rapporteur !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. En début de séance, votre collègue Régis
Juanico a souligné que les débats avaient été courtois ; j’aimerais qu’ils
le restent.
M. Boris
Vallaud. Je n’ai jamais été discourtois !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Pour ma part, j’essaie d’avoir ce style
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM) et à
défaut d’être courtois, j’essaie d’être Turquois en permanence.
(Sourires.)
Quoi qu’il en soit, je partage l’objectif visé par
l’amendement, et je veux vous dire tout mon attachement à la revalorisation des
retraites agricoles. Je vois la modestie des pensions de mes collègues
agriculteurs retraités. Il faut faire cet effort, qui doit intégrer aussi les
artisans, les commerçants et tous ceux qui connaissent la même situation. J’ai
déjà dit hier qu’en milieu rural, les agriculteurs retraités vivent modestement,
mais ceux qui connaissent le plus de difficultés sont les jeunes couples qui
doivent se déplacer pour essayer de trouver du boulot. Ils doivent être notre
priorité. Avis défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. En effet, ce sujet a été abordé
hier, à peu près à la même heure,…
M. Bruno Millienne et
M. Patrick Mignola. Absolument !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …et nous y sommes revenus en
fin de journée parce que M. Pierre Dharréville m’a reposé une question. Le
Gouvernement s’est donc exprimé à de nombreuses reprises sur ce sujet. Le
rapporteur, M. Nicolas Turquois, qui connaît bien voire très bien la
situation agricole, a fait à chaque fois des efforts pour répondre à la
représentation nationale, laquelle est donc très bien informée sur cette
question. Je me contenterai d’exprimer un avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Damien Abad.
M. Damien
Abad. Le problème, c’est que la manière dont vous avez présenté les
choses sur la pension minimale équivalant à 85 % du SMIC a créé de la
confusion dans la tête des agriculteurs. La quasi-totalité d’entre eux,
notamment ceux qui sont déjà à la retraite, ont cru comprendre qu’ils étaient
concernés ; ils ont considéré que cette mesure porterait non seulement sur
le flux, mais également sur le stock. Là encore, vous avez joué sur la confusion
et aujourd’hui, vous en payez les pots cassés. Le Président de la République a
dû clarifier cette question au salon de l’agriculture, et nous le
regrettons.
Nous savons qu’il s’agirait d’une mesure coûteuse, mais nous
connaissons aussi la crise que connaît le monde agricole et la réalité de votre
politique agricole, qui ne correspond pas aux attentes des agriculteurs. Ils ne
seront pas concernés par cette mesure sur la pension minimale, ils vont
certainement subir une baisse du budget de la politique agricole commune
– PAC –, et ils voient bien que la loi pour l’équilibre des relations
commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable
– la loi EGALIM – n’a pas été capable de leur assurer des prix qui
leur permettraient de vivre de leur production.
Monsieur le secrétaire
d’État, vous ne pouvez pas vous contenter de nous renvoyer, comme vous l’avez
fait hier, à une mission parlementaire sur le sujet. Il y a une urgence agricole
dans notre pays. Il faut que tout le monde l’entende ! Cessons
l’agri-bashing, cette attitude qui consiste à toujours pointer du doigt les
agriculteurs, comme des boucs émissaires. Cela aurait été un geste symbolique
fort que de tenir compte, dans ce projet de loi, des faibles revenus que
touchent les retraités agricoles, et de faire des propositions fortes en la
matière. Ce n’est malheureusement pas le cas. Nous le regrettons
particulièrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. La question des retraités agricoles revient très régulièrement
dans nos débats, tant en commission spéciale qu’en séance publique. On compte
1,3 million de retraités agricoles au régime spécifique de la Mutualité
sociale agricole – MSA –, dont une majorité de femmes. Leurs pensions
sont parmi les plus faibles dans notre pays : 750 euros par mois en
moyenne, et seulement 540 ou 550 euros par mois pour les femmes. Par
ailleurs, 300 000 retraités agricoles vivent en dessous du seuil de
pauvreté. Il s’agit bien évidemment d’un sujet qui doit nous unir.
On
entend dire que rien n’a été fait par le passé. Or nous avons démontré que deux
gouvernements, celui de Lionel Jospin puis celui de Jean-Marc Ayrault, avaient
revalorisé les pensions agricoles – certes insuffisamment.
M. Patrick
Mignola. C’est exactement le même débat qu’hier !
M. Régis
Juanico. Vous ne pouvez pas dire que la proposition de loi de nos
collègues du groupe GDR a été adoptée quelques semaines avant les élections,
qu’elle ne compte donc pour rien et que vous n’êtes pas tenus par cet
engagement.
Il y a ici même des parlementaires qui avaient voté avec nous
en faveur de cette proposition de loi et qui appartiennent aujourd’hui à la
majorité En Marche : ils ne seraient pas tenus par cet engagement qu’ils
ont eux-mêmes voté quelques semaines avant l’élection ? Il y va pourtant de
la continuité républicaine.
Le fait nouveau, c’est que le Président de la
République a dit mardi dernier aux groupes de la majorité qu’il ne tiendrait pas
son engagement de revaloriser les pensions de l’ensemble des retraités agricoles
et qu’il l’a répété au Salon de l’agriculture. C’est tout l’intérêt du débat sur
l’article 1er, qui balaie l’ensemble des sujets, que de nous
permettre de rouvrir le débat sur les retraites agricoles à la lumière de ce
fait nouveau et très important : le Président de la République nous dit
qu’il ne tiendra pas ses engagements. Nous sommes là pour les lui
rappeler.
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Je recommande aux journalistes qui nous écoutent ce
matin de visionner à nouveau toutes les conférences de presse ministérielles du
24 janvier et des jours suivants : ils constateront que la question
des retraites agricoles a été agitée comme un leurre d’espoir pour justifier
cette mauvaise réforme. C’est la première turpitude.
Seconde turpitude,
en commission spéciale le rapporteur Véran, devenu ministre depuis, s’engage à
ce que cette question soit examinée dans le cadre du PLFSS. Mais patatras !
Voilà que le Président de la République, avec le sens de la formule qui le
caractérise, siffle la fin de la partie en disant au Salon de
l’agriculture : « je ne vais pas gérer l’avenir et le passé en
même temps, je ne vais pas vous mentir. Voyez déjà ce qu’on se
tape ! »
La mission parlementaire que vous aviez sortie de je
ne sais quel chapeau pour enjamber l’obstacle du Salon de l’agriculture se
révèle donc être un leurre supplémentaire quand le Président de la République
dit qu’on ne bougera pas d’un poil, qu’on ne gérera pas le stock et qu’on
laissera sur la paille les 300 000 agriculteurs qui vivent en dessous
du seuil de pauvreté.
On nous dit en plus qu’une loi votée par
l’Assemblée et le Sénat n’engage pas le Parlement ! Quelle est cette
nouveauté juridique ? Et la continuité de l’État ? Et le respect de la
parole donnée ?
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Quel
rapport avec l’amendement ?
M.
Sébastien Jumel. Une mesure fait l’unanimité un jour et le lendemain on
recule ? Qu’est-ce que c’est que cette majorité de renoncement à la parole
donnée ?
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Oh ! ça va ! C’est bon !
M.
Sébastien Jumel. Alors oui, nous allons vous marquer à la culotte sur ce
sujet parce que chez les agriculteurs – je ne parle pas de la FNSEA, mais
de la base –, ça gueule ! Ils sont en colère et la pilule ne passe
pas !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Sylvia Pinel.
Mme Sylvia
Pinel. Notre groupe soutiendra l’ensemble de ces amendements relatifs à
la question extrêmement importante des retraites agricoles. Nous connaissons
tous, en effet, la faiblesse des pensions de ceux qui ont travaillé dans le
secteur agricole, en particulier des femmes. Le sujet est connu ; nous
avons multiplié les interpellations lors de l’examen des PLFSS successifs. Nous
avons ici même, à la fin du quinquennat précédent, adopté à l’unanimité – à
l’unanimité ! – une proposition de loi visant à revaloriser les
retraites agricoles. Mais une fois le texte devant le Sénat, le Gouvernement a
utilisé la procédure du vote bloqué – qui sera peut-être bientôt de nouveau
d’actualité – considérant que ce sujet devait être traité dans le cadre de
la réforme générale des retraites à venir.
Or voilà qu’on nous dit
aujourd’hui que ce projet de loi n’est pas le bon véhicule législatif pour
traiter le cas des personnes qui sont déjà retraitées : mais de qui se
moque-t-on ? On ne peut pas demander au Sénat d’attendre ce texte et, une
fois le texte arrivé, renvoyer la question à une mission
d’information !
Alors que le sujet est connu et que tout le monde
s’accorde à dire qu’il y a urgence, les artifices qui consistent à renvoyer le
sujet à plus tard ne sont pas dignes et l’attitude du Gouvernement n’est pas
cohérente. Vous avez vous-même reconnu, monsieur le secrétaire d’État, peut-être
sous le coup de l’exaspération de nous entendre l’évoquer régulièrement depuis
quelques jours, que le sujet était connu. Je vous prends au mot : puisque
le sujet est connu, renoncez à la mission d’information et adoptons ces
amendements.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Géraldine Bannier.
Mme
Géraldine Bannier. C’est la première fois que je prends la parole sur ce
texte. Même si je ne pense pas que ce sujet doive être abordé dans le cadre de
l’article 1er,…
M. Fabien
Roussel. Pourquoi pas ? Il y a tout dans l’article
1er !
Mme
Géraldine Bannier. …puisque c’est l’article 41 tendant à modifier
le code rural et de la pêche qui traite le sujet des agriculteurs, il me semble
toutefois important de dire que ce sujet des pensions agricoles n’est le
monopole d’aucun groupe parlementaire. (Applaudissements sur quelques bancs
du groupe LaREM.) Bien que l’actualité incite chaque groupe parlementaire à
une certaine surenchère à ce sujet…
M. Régis
Juanico. Quelle surenchère ? Je parle de reniement !
Mme
Géraldine Bannier. …il est important de rappeler que la majorité elle
aussi a l’intention de s’en saisir. Nous sommes une cinquantaine de
parlementaires à avoir déposé des amendements sur ce sujet et à proposer
85 % du SMIC pour l’ensemble des retraités agricoles. Nous ne contestons
donc pas que c’est un vrai problème, mais quand le Gouvernement nous dit qu’on
ne peut pas le traiter dans le cadre de ce projet de loi qui concerne les futurs
retraités et qu’il lancera une mission qui aboutira à un geste pour nos
agriculteurs, nous lui faisons confiance.
Plusieurs députés du groupe
GDR. Pas nous !
Mme
Géraldine Bannier. Nous, parlementaires de la majorité mobilisés sur ce
sujet, nous attendons des avancées concrètes car la situation des retraités
agricoles est inacceptable. Moi qui en côtoie depuis quarante ans, je vous
assure que ces situations sont simplement indécentes et indignes de notre pays.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry
Benoit. Nous avons en effet évoqué à plusieurs reprises la situation des
retraités agricoles. Certes le projet de loi trace une perspective pour les
retraités futurs – 1 000 euros à compter de 2022, puis 85 %
du SMIC net à partir de 2025 –, mais les amendements que nous examinons
posent la question de la situation des retraités agricoles actuels. On nous
opposera l’argument technique qu’elle relève du PLFSS. Je vais cependant voter
pour ces amendements, pour la simple et bonne raison qu’il est à mon avis de
notre responsabilité de députés de faire pression sur le Gouvernement et le
Président de la République, qui sont, je le sais, conscients du problème
– le secrétaire d’État l’a dit samedi, il l’a redit hier. Il faut que nous
soyons un certain nombre de députés à marteler ce message en votant ce type
d’amendements afin de souligner l’urgence du problème des petites retraites,
d’autant qu’il ne concerne pas que les agriculteurs, mais aussi un certain
nombre d’artisans, de commerçants et d’indépendants.
J’approuve votre
volonté de mettre en place une mission, monsieur le secrétaire d’État, mais il
faut aussi qu’on comprenne que certains ont une petite retraite parce qu’ils ont
peu cotisé et d’autres parce qu’ils n’ont pas une carrière complète. Je souhaite
que nous puissions, dans les meilleurs délais, dire aux Français quelle
trajectoire de rattrapage on propose à celles et ceux qui touchent de très
petites retraites. Nous sommes à mi-mandat : il est temps de proposer une
perspective, une trajectoire de rattrapage aux retraités agricoles, mais aussi
aux anciens artisans, commerçants et indépendants qui ont de petites retraites,
même si je sais que le Gouvernement ne peut pas tout régler d’un claquement de
doigts. (M. Bruno Fuchs applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Jacqueline Dubois.
Mme
Jacqueline Dubois. Nous sommes bien sûr ravis que le sujet des pensions
des agriculteurs soit à nouveau débattu dans notre assemblée parce que c’est un
sujet essentiel. Je vous assure que les agriculteurs de ma circonscription sont
absolument ravis et qu’ils soutiennent notre projet de loi. (Applaudissements
sur les bancs du groupe LaREM. – Protestations sur les bancs du groupe LR.)
Enfin on prend en compte une de leurs demandes qui est très importante ! ça
il faut le marteler !
Nous devons aussi bien sûr travailler pour
ceux qui, étant déjà à la retraite, ne bénéficieront pas tout de suite de cette
remise à niveau, et nous le faisons depuis déjà deux ans ! Je vous garantis
qu’il y aura une trajectoire. Le Président de la République s’y est engagé, non
seulement pour les agriculteurs, mais également pour les très nombreux
commerçants et indépendants qui touchent de toutes petites pensions.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M.
Jean-Marie Sermier. Bla bla bla !
Plusieurs députés du groupe
LR. Votez donc les amendements !
Mme la
présidente. La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo
Bernalicis. Comment peut-on prétendre, comme vous venez de le faire, que
le chef de l’État était déterminé à s’impliquer sur ces questions, qu’il y avait
une volonté politique ? La dernière fois qu’on l’a entendu sur ce sujet,
quand il vous a tous réunis au Palais, c’était pour vous dire que
1 000 euros pour tous les agriculteurs, ce ne serait pas possible,
qu’il n’y avait pas assez de moyens pour financer une telle mesure ! Cela
nous renvoie à la conférence de financement, dont on ne sait finalement pas
grand-chose sinon qu’elle continuera de se réunir après que nous-mêmes aurons
fini de discuter. Tout cela est lunaire !
Nous vous proposons des
amendements qui tendent à garantir un niveau de pension minimal aux retraités
agricoles et vous nous répondez qu’il faudrait laisser les choses en l’état sous
prétexte que vous vous seriez engagés, que la volonté politique est là. Nous ne
vous croyons pas ! Nous avons plutôt envie de croire ce que le chef de
l’État a dit quand il s’est exprimé devant vous ! Il a été moins hypocrite
puisqu’il a reconnu qu’il n’y avait pas de sous pour ça, que ce n’était pas
prévu dans le projet ni au titre de la transition ni plus tard. Les
agriculteurs, pas plus que les femmes, ne seront pas les « grands
gagnants » de votre réforme, c’est même plutôt le contraire, d’autant qu’il
y a aura de toute façon des inégalités flagrantes entre les gros et les petits
exploitants.
Tant que vous n’aurez pas fixé des prix rémunérateurs, le
problème restera entier : le montant de la retraite sera proportionnel aux
revenus du travail agricole. N’apportant aucune garantie, ni en amont ni en
aval, vous allez faire les poches à tout le monde, aux agriculteurs comme aux
indépendants, à moins d’accepter que votre texte leur garantisse une pension au
moins égale à 85 % du SMIC.
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il est bon de repréciser
quelques éléments, même s’ils ont déjà été évoqués.
L’engagement du
Président de la République et du Gouvernement – 1 000 euros à
partir de 2022 – concerne les générations qui n’ont pas encore liquidé leur
retraite. J’entends qu’on parle de ceux qui sont déjà en retraite, mais parlons
aussi de ceux qui n’ont pas encore liquidé leur retraite et qui sont très
nombreux. Vous savez que ce sont plus de 120 000 Français qui partent
tous les ans avec le minimum contributif. C’est le cas, c’est vrai, de nombreux
agriculteurs, mais aussi – car nous faisons la loi pour tout le monde – des
commerçants et des artisans, que je connais bien, et d’autres travailleurs
encore, qui, ayant peu cotisé, ont droit à une pension modeste.
Il nous
faut à la fois garantir la solidarité envers toutes ces catégories dès 2022
– ce que notre projet de système universel de retraite se propose de
faire –, mais aussi considérer la situation de ceux qui ont déjà liquidé
leur retraite, mais il faut le faire de façon sereine et informée.
M.
Jean-Marie Sermier. Pourquoi ne pas l’avoir fait depuis deux ans et
demi ?
Mme
Danielle Brulebois. Et vous, pourquoi ne l’avoir jamais fait ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il est vrai que ce sont souvent
les agriculteurs qui touchent les plus petites retraites, mais il n’y a pas
qu’eux et nous faisons la loi pour tous les Français. Donc faisons-le – des
parlementaires auront pour mission d’examiner ce sujet à fond. Prenons déjà acte
de ce formidable progrès social que nous allons collectivement, j’espère, faire
advenir : une pension de retraite minimale de 1 000 euros pour
tous les Français dès 2022. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
– M. Patrick Mignola applaudit également.)
Plusieurs députés du groupe
LR. Mensonges !
Mme la
présidente. Je mets aux voix l’amendement no 42521.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 98
Nombre
de suffrages
exprimés 96
Majorité
absolue 49
Pour
l’adoption 33
Contre 63
(L’amendement no 42521 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements no 39552 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 101
Nombre
de suffrages
exprimés 99
Majorité
absolue 50
Pour
l’adoption 34
Contre 65
(Les amendements no 39552 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de dix-sept amendements, le no
39959 et quinze amendements identiques du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine, et le no 10913, pouvant être soumis à une
discussion commune.
Sur les amendements no 39959 et
identiques, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour
les soutenir.
M.
Sébastien Jumel. Le paritarisme est consubstantiel à la gestion de la
sécurité sociale depuis son origine ; c’est un des grands principes
généraux de notre système. Or nous avons le sentiment – si ce n’est la
certitude – que vous lui portez un coup. Le conseil d’administration de la
future caisse nationale de retraite universelle pratiquera un paritarisme à
géométrie variable, de convenance, dont les seuils de représentativité seront
« bricolés » de telle sorte que la FSU en soit exclue. Qui plus est,
vous confiez à un comité d’expertise – en d’autres termes, à la Cour des
comptes – des prérogatives quant aux trajectoires financières et, après
délibération du conseil d’administration, quant à l’avis final. Le paritarisme à
la française s’en trouvera effacé, affadi, affaibli, vidé de sa substance
– sans compter que le dialogue social conduit depuis deux ans dans ce
domaine est une calamité : les sujets traités par la conférence de
financement sont décidés à l’avance, de même que leur périmètre et la date à
laquelle les discussions doivent aboutir. Nous avons là les ingrédients d’un
paritarisme inversé, laissant le Parlement maître des décisions lorsque les
partenaires sociaux ne tombent pas d’accord. Par ces amendements, nous
réaffirmons que le paritarisme constitue une valeur essentielle de la gestion de
la sécurité sociale.
Mme la
présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir
l’amendement no 10913.
M. Thierry
Benoit. À la liste des objectifs du système universel de retraite
énoncés dans l’article 1er, nous souhaitons ajouter un objectif
de démocratie sociale, matérialisé par un pilotage de la caisse de retraite
universelle par les partenaires sociaux, à parts égales entre les représentants
des assurés sociaux et des employeurs. Cet amendement du groupe UDI, Agir et
indépendants s’inscrit dans le droit fil des débats qui se sont tenus en
commission spéciale et dans l’hémicycle, dans lesquels la démocratie sociale a
tenu une large part.
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ces amendements me semblent pleinement
satisfaits. En effet, le conseil d’administration de la CNRU sera bel et bien
confié aux partenaires sociaux, à parts égales entre les représentants des
employeurs et des salariés. Mme Carole Grandjean et les autres rapporteurs
ont profondément travaillé ce sujet afin de vous expliquer en détail les
modalités d’application de ce fonctionnement paritaire. Je le répète, je suis
convaincu que les décisions du conseil d’administration d’une caisse de retraite
unique seront bien davantage scrutées par l’opinion et l’opposition que des
décisions émanant de caisses multiples. En cela, l’organisation unifiée
contribuera à un rééquilibrage de la démocratie représentative. Mon avis est
donc défavorable, même si je partage le principe défendu par ces
amendements.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. De toute évidence, nos
positions convergent en matière de paritarisme. Il nous reste à vous démontrer
que le projet développe concrètement ce principe – c’est tout l’objet des
articles 49 et 55. Je demande donc le retrait de ces amendements ; à
défaut, avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.
M. Gérard
Cherpion. Vous prônez le paritarisme, mais s’agit-il d’un véritable
paritarisme ? À lecture du texte, on peut sérieusement en douter :
certes, les décisions seront prises par un conseil d’administration qui semble
paritaire, mais elles devront être validées par les ministres concernés. Votre
projet ne prévoit donc pas un paritarisme réel, tel qu’il est pratiqué avec
succès au sein de l’AGIRC-ARRCO, la caisse de retraite complémentaire des
salariés du privé, et dans lequel les partenaires sociaux endossent une
responsabilité pleine et entière. Votre système n’offre pas la certitude d’un
paritarisme de gestion, c’est pourquoi je suis favorable à ces
amendements.
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. C’est bien le Gouvernement qui a décidé de consacrer
l’article 1er aux principes généraux de la réforme. Le
paritarisme est certes évoqué dans les articles 49 et suivants, mais
puisque votre article 1er traite des principes, nous nous plions
à l’exercice.
Dans votre projet, le comité d’expertise indépendant aura
pour mission d’établir un rapport financier sincère du système de retraite, et
pourra soumettre des recommandations. À l’issue de ce rapport, si un ajustement
doit être opéré, le conseil d’administration devra choisir les paramètres. En
aval, le comité d’expertise remettra au Gouvernement un avis relatif aux mesures
préconisées par le conseil d’administration. Si celles-ci ne respectent pas la
règle d’or – que j’appelle la règle de l’or –, le Gouvernement prendra
l’avis du comité d’expertise pour ajuster le projet de loi de financement de la
sécurité sociale. En d’autres termes, le conseil d’administration
« enfilera des perles » ! Ce sera un think tank qui
échangera des amabilités, tout en laissant le comité d’expertise trancher et le
Gouvernement décider. Si telle est votre conception du paritarisme,
assumez-la ! La totalité des organisations syndicales, sans exception, a
dénoncé cette conception pour le moins particulière de la gouvernance. « Ne
t’occupe de rien, je m’occupe du reste » : voilà ce que vous proposez
aux organisations syndicales !
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements nos 39959
et identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 83
Nombre
de suffrages
exprimés 83
Majorité
absolue 42
Pour
l’adoption 22
Contre 61
(Les amendements nos 39959 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 10913 n’est pas
adopté.)
Suspension et reprise de la séance
Mme la
présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinquante-cinq, est reprise à onze
heures cinq.)
Mme la
présidente. La séance est reprise.
Je suis saisie de dix-sept
amendements, nos 3975 et identiques, déposés par les membres du
groupe La France insoumise et tendant à supprimer l’alinéa 11 de
l’article 1er.
Sur ces amendements, je suis saisie par le
groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin
est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à
M. Alexis Corbière, pour les soutenir.
M. Alexis
Corbière. Nous sommes favorables à la suppression de cet alinéa, car il
pose problème, quelle que soit l’opinion que l’on a par ailleurs de cette
réforme. J’en lis la première phrase : « Des indicateurs de suivi de
ces objectifs sont définis par décret. » Quand on est parlementaire, on
doit veiller à ce que l’utilisation du décret soit quasi inexistante. Dans le
cas présent, elle reviendrait à remettre au Gouvernement – et nos collègues
de la majorité font sans doute entièrement confiance au gouvernement actuel,
mais qu’en sera-t-il des suivants ? – le soin de définir les objectifs
annoncés plus haut dans le texte.
Monsieur le secrétaire d’État, j’espère
que vous aurez à cœur de répondre à ma question : de quelle manière sera
défini, par exemple, l’objectif de garantie d’un niveau de vie satisfaisant pour
les retraités ? Ce n’est pas un petit sujet. Nous aimerions connaître votre
réponse avant toute chose, car c’est à cela que l’on pourra juger de la qualité
de la réforme en cours. Avouez qu’il y a là un vaste flou : nous nous en
remettrions à une autre autorité, et je ne suis pas d’accord pour le faire. On
ne sait d’ailleurs toujours pas ce qui est prévu sur ce point.
Pour
toutes ces raisons, il serait plus sage de supprimer cet alinéa, qui porte en
lui la fin de l’actuel système des retraites, fondé sur le paritarisme et créé
notamment par les organisations syndicales issues du mouvement ouvrier. S’en
remettre à des décrets, c’est non seulement étatiser le système, mais faire en
sorte que cette étatisation ne soit pas même débattue ici, à l’Assemblée
nationale. Le Gouvernement fixerait seul les critères de réponse aux objectifs
énoncés à l’article 1er, que nous avions déjà critiqués, car ils
sont flous et incomplets. Encore une fois, pour rétablir une certaine
tranquillité, une certaine lisibilité, vous comprendrez que nous jugions
pertinent de supprimer purement et simplement l’alinéa 11. (M. Éric
Coquerel applaudit.)
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Il est défavorable.
Cher collègue, je vous renvoie à la discussion que nous avons eue hier. Ce sont
ces indicateurs qui vont donner une portée normative aux principes et aux
objectifs de l’article 1er. Aujourd’hui, ils sont fixés par
décret ; demain, il n’y a pas de raison qu’ils ne continuent pas de
l’être.
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’ai bien compris la volonté
politique exprimée par M. Corbière, mais la suppression de ces indicateurs
aurait surtout des conséquences concrètes et opérationnelles, car nous en aurons
besoin pour suivre le système universel de retraite. Avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo
Bernalicis. Ces indicateurs pourraient être inscrits dans le texte de
manière plus précise. Qu’ils figurent dans les projets de loi de finances ou
dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale, les indicateurs
de performance sont l’apanage de l’exécutif. Nous ne pouvons jamais en discuter.
Or, de mauvais indicateurs, c’est une mauvaise boussole : on ne s’engage
pas dans la bonne direction.
C’est là que réside le problème de votre
texte. Vous nous demandez de vous laisser la boussole, de vous laisser définir
la direction, de vous croire sur parole. Désolé, mais nous ne vous croyons pas,
qu’il s’agisse de cet alinéa ou des autres ! Nous ne croyons pas à votre
capacité de décliner des indicateurs de performance en rapport avec ce que vous
avez décrit quelques alinéas plus haut.
Concernant l’un de vos derniers
indicateurs en date, vous avez expliqué que c’était n’importe quoi qu’il y ait
autant d’avocats dans le pays, que le nombre d’avocats ait augmenté de 42 %
en dix ans, alors que le contentieux n’en avait pas fait autant. Mais il n’y a
pas que le contentieux dans la vie, il y a aussi le conseil ! C’est pour
cela que le Conseil national des barreaux est présent au salon de l’agriculture.
Non, les avocats n’élèvent pas de bêtes, mais ils font aussi du conseil
juridique auprès des agriculteurs. Cela fait partie de la bonne administration
de la justice, comme on dit ! Seulement, vous vous en fichez ; vous
préférez fermer les robinets et obliger les avocats comme les agriculteurs à
cotiser davantage, en insécurisant leur profession.
Par conséquent,
excusez-nous du peu, mais lorsque vous inscrivez dans un projet de loi que vous
voulez créer des indicateurs par décret, lorsqu’il faudrait vous faire confiance
parce que le décret constitue déjà l’usage en la matière, notre scepticisme est
complet ! À la limite, nous préférerions qu’il n’y ait pas d’indicateurs et
que le suivi des objectifs soit renvoyé au Conseil d’orientation des retraites
ou à d’autres experts, en tout cas à des gens plus à même de l’assurer. J’espère
en tout cas que vous ne confierez pas ces indicateurs à l’INSEE : arrêtez
de lui repasser des trucs dont on ne sait pas ce qu’ils deviendront, ni même ce
qu’ils doivent être !
Mme la
présidente. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. Nous arrivons à l’alinéa 11 : la discussion avance. Je
voudrais simplement rebondir sur un point qui me semble important et qui fera
l’objet de plusieurs amendements : la place du Parlement. Hier, un
amendement de notre collègue Firmin Le Bodo visant à associer le
Parlement au pilotage du système a été rejeté. Or le projet de loi compte près
de 110 décrets sur des sujets qui sont loin d’être mineurs, puisqu’ils
auront un impact direct sur les valeurs de liquidation et de service de la
retraite. Certains aspects restent flous, notamment en ce qui concerne la très
longue période de transition.
Plutôt que des décrets, monsieur le
secrétaire d’État, ne pourriez-vous pas envisager que le Parlement ait son mot à
dire, par exemple à l’occasion du PLFSS ? Cela nous permettrait d’être
davantage garants et de rendre des comptes devant la population concernant les
choix qui ont été faits sur les retraites. En effet, les décrets nous inquiètent
beaucoup.
Mme la
présidente. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. C’est une question assez simple qui, j’imagine, appelle une
réponse assez simple. Peut-on savoir à quoi ressembleront les indicateurs ?
J’imagine que le Gouvernement y a déjà réfléchi. J’aimerais surtout savoir si
ces indicateurs existent ou s’ils restent à inventer, à l’image de celui qui est
destiné à l’indexation de la valeur de service et de la valeur d’achat du
point…
Mme
Mathilde Panot. Bonne question !
M. Boris
Vallaud. auquel cas nous aimerions que la représentation nationale
puisse être éclairée.
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État. Monsieur le
secrétaire d’État ?…
M. Ugo
Bernalicis. Il est en train d’inventer l’indicateur !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je voudrais préciser aux
différents orateurs qui sont intervenus que leurs questions renvoient à des
éléments qui figurent dans le titre IV relatif à la gouvernance. Au moment
où vous me proposiez de prendre la parole, madame la présidente, je consultais
d’ailleurs le projet de loi pour pouvoir leur indiquer le passage précis où il
est question des indicateurs – qui seront l’objet de notre discussion lors de
l’examen de l’article 55.
M. Éric
Coquerel. Ça, c’est une réponse très claire !
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements nos 3975 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 79
Nombre
de suffrages
exprimés 67
Majorité
absolue 34
Pour
l’adoption 12
Contre 55
(Les amendements nos 3975 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Sur les amendements identiques no 26732 et
suivants, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie d’une série de trente-huit
amendements pouvant être soumis à une discussion commune. Cette série comprend
l’amendement no 26732 et quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, les
amendements identiques no 59, 271 et 2552, l’amendement no
35712 et quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la
Gauche démocrate et républicaine ainsi que les amendements identiques
no 50, 257 et 2545.
L’amendement no 59 fait l’objet
de deux sous-amendements nos 42491 et 42492.
L’amendement
no 50 fait l’objet d’un sous-amendement no
42117.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir l’amendement
no 26732 et les quinze amendements identiques déposés par les
membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Alain
Bruneel. L’amendement 26732 prévoit de supprimer les mots :
« par décret » et de les remplacer par les mots : « après
concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs
représentatives au niveau national et interprofessionnel ».
Cela me
semble important, car le rôle des organisations syndicales est au cœur du débat
et celles-ci ont des propositions à vous faire. On nous dit qu’un dialogue
social est mené depuis deux ans, mais celui-ci n’existe pas ! Mieux
vaudrait parler de monologue ! Le dialogue suppose certes une concertation
et des propositions, mais il doit aboutir à des négociations autour d’un projet
satisfaisant pour les citoyens. Ce n’est pas le cas. Voilà pourquoi nous
redemandons que les organisations syndicales soient au cœur du débat et que
celui-ci ne se fasse pas à sens unique avec un gouvernement qui décide tout
seul, à la place des Français. Je rappelle aussi que de nombreuses
manifestations ont lieu actuellement ; il serait bon de réfléchir à la
tenue d’un référendum !
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir
l’amendement no 59.
M.
Jean-Pierre Door. Depuis le début de cette discussion consacrée à
l’article 1er, vous tissez un sacré voile d’ignorance sur les
réalités et sur vos intentions. Nous sommes perdus dans vos certitudes. Vous
savez que le Conseil d’État a signalé les erreurs et les lacunes qu’il a
relevées dans votre projet de loi, mais vous en faites fi, vous ne les prenez
pas en considération. Nous demandons par cet amendement, comme nous l’avons déjà
fait avec le précédent, de garantir davantage de sécurité juridique. Nous
souhaitons que le Gouvernement prenne en considération les observations
formulées par le Conseil d’État en se faisant assister, si j’ose dire, par cette
institution extrêmement sérieuse. Cela permettrait de coller davantage à la
réalité du terrain et de mieux nous éclairer sur cette réforme des retraites que
vous avez souhaitée et qui ne nous plaît pas du tout.
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir
l’amendement no 271.
M.
Jean-Pierre Vigier. Compte tenu des nombreuses erreurs, lacunes et
imprécisions que le Conseil d’État a malheureusement relevées lors de l’examen
préalable de ce projet de loi, il apparaît essentiel que le Gouvernement puisse
être accompagné et assisté par cette institution au moment de la préparation des
décrets et autres actes réglementaires qui viendront compléter cette
loi.
Mme la
présidente. La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir
l’amendement no 2552.
M. Boris
Vallaud. C’est l’occasion pour moi de poser une question supplémentaire
au secrétaire d’État. Je me suis reporté à l’article 55, qui ne fait
référence à des indicateurs de suivi que pour l’objectif de soutenabilité
économique et financière du système. Je ne trouve aucune mention d’indicateurs
liés aux objectifs de solidarité, de garantie de niveau de vie satisfaisant, de
liberté de choix ou de lisibilité des droits. Tout cela ne figure pas à
l’article 55. Je réitère donc ma question. Il me semble pour le moins
compliqué de mettre au point un indicateur qui définirait une norme, dans la
mesure où les objectifs que j’ai cités n’ont pas de dimension
normative.
Mme la
présidente. Le sous-amendement no 42491 de
M. Bastien Lachaud est défendu.
La parole est à M. Éric
Coquerel, pour soutenir le sous-amendement no 42492.
M. Éric
Coquerel. Je compléterai l’excellente question de mon collègue Boris
Vallaud. Si j’ai bien compris, monsieur le secrétaire d’État, vous avez répondu
à nos questions relatives aux indicateurs de suivi en nous renvoyant à
l’article 55, dans lequel figurent les éléments donnés à l’instant par
M. Vallaud. L’alinéa 14 prévoit que « cette délibération est transmise
au Gouvernement et au comité d’expertise indépendant des retraites au plus tard
le 30 juin de la première année de la période quinquennale mentionnée au
premier alinéa ». Si j’ai bien lu, nous découvrirons la nature de ces
indicateurs de suivi au plus tard le 30 juin, donc après le vote de la loi.
Pouvez-vous me le confirmer ?
Mme la
présidente. Sur les amendement identiques no 35712 et
suivants, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour
soutenir l’amendement no 35712 et les quinze amendements
identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
M.
Sébastien Jumel. Vous proposez l’instauration d’indicateurs de suivi des
objectifs généraux assignés à votre nouveau système de retraite, qui seront
définis par décret et qui contribuent au pilotage du système de retraite. Par
cet amendement, nous vous invitons à prendre ledit décret « après
concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs
représentatives au niveau national et interprofessionnel ». Nous voudrions
évidemment éviter que la technocratie impose ses choix au détriment du
paritarisme.
Dans votre projet de loi, l’essentiel des dispositions sont
renvoyées aux ordonnances, aux décrets. Comme on l’a dit à plusieurs reprises,
ce n’est plus un texte mais un gruyère – les trous, c’est l’air qu’on donne
aux salariés ; la pâte cuite correspond aux fonds par
capitalisation.
Les députés ne sont pas là pour signer des chèques en
blanc, sans étude d’impact ni trajectoire financière, sans simulations
individuelles ou réelle concertation. C’est ce que nous rappelons avec cet
amendement, qui vise à garantir la consultation de l’ensemble des organisations
syndicales représentatives avant l’élaboration du décret sur les indicateurs de
suivi des objectifs.
Mme la
présidente. Sur l’amendement no 50, je suis saisie par
le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le scrutin
est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Je suis saisie de
trois amendements identiques no 50, 257 et 2545 ; le premier
fait l’objet d’un sous-amendement no 42117 .
La
parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement
no 50.
M. Gérard
Cherpion. C’est un amendement d’appel, puisqu’il prévoit que le décret
est pris « en Conseil d’État ». Cependant, la question qu’il aborde est
plus vaste. Nous avons déposé sur ce texte des amendements visant à faire en
sorte que la décision soit prise dans le cadre de la loi de financement de la
sécurité sociale plutôt que par décret, afin que les parlementaires puissent se
prononcer. Ces amendements avaient été jugés recevables et commission, ils ont
été jugés irrecevables en séance – je ne reviendrai pas
là-dessus.
Le Conseil d’État vous a toutefois adressé un carton jaune à
propos des vingt-neuf ordonnances que vous avez prévues. Il souligne que
« le fait, pour le législateur, de s’en remettre à des ordonnances pour la
définition d’éléments structurants du nouveau système de retraite fait perdre la
visibilité d’ensemble qui est nécessaire à l’appréciation des conséquences de la
réforme et, partant, de sa constitutionnalité […] ». Le renvoi aux
ordonnances concerne des points essentiels – comme la fixation de la part
des cotisations donnant lieu à l’attribution de points – abordés dans
quatorze articles, ce qui est beaucoup.
Permettez-moi de vous rappeler
que l’article 34 de la Constitution dispose que « la loi fixe les
règles concernant […] l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des
impositions de toutes natures […] » et que « les lois de financement
de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre
financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs
de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi
organique. » Permettez-moi enfin de souligner que l’article LO. 111-3
du code de la sécurité sociale dispose que la loi de financement de la sécurité
sociale « fixe les charges prévisionnelles des organismes concourant au
financement des régimes obligatoires de base » et que peuvent y figurer les
dispositions « relatives à l’assiette, au taux et aux modalités de
recouvrement des cotisations modifiant les règles relatives aux cotisations et
contributions affectées aux régimes obligatoires de base ou aux organismes
concourant à leur financement […] ».
Au regard des vingt-et-un
renvois au décret, je ne saurais être exhaustif. Il est clair que votre objectif
est non seulement de contourner le Parlement mais, plus encore, de le déposséder
de ses pouvoirs au mépris des règles constitutionnelles et organiques, faisant
peser sur ce texte un risque juridique majeur.
Mme la
présidente. La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir
l’amendement no 257.
M. Thibault
Bazin. Comme l’a excellemment démontré mon collègue et voisin lorrain
Gérard Cherpion, il existe sur ce point un vrai risque d’inconstitutionnalité.
Vous ne pouvez pas conserver les modalités que vous avez définies, puisque notre
Constitution vous invite à agir dans un sens contraire. Il faut absolument
passer par le PLFSS : c’est un enjeu essentiel, au risque que vos
dispositions soient déclarées inconstitutionnelles. Nous sommes là pour vous
aider.(Sourires) Nous vous invitons donc très clairement à modifier votre
texte sur ce point.
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir
l’amendement no 2545.
M. Régis
Juanico. Ces amendements sont extrêmement importants, comme vient de le
dire notre collègue Bazin, dans la mesure où toutes les discussions que nous
avons depuis lundi dernier sur l’article 1er visent à dissiper
l’épais brouillard qui entoure les objectifs généraux de votre réforme du
système de retraite. Il ne s’agit pas simplement d’éclairer le Parlement
– on connaît d’ailleurs les réserves émises par le Conseil d’État –
mais, ce faisant, de permettre aux Français d’y comprendre quelque chose. Les
questions de nos concitoyens sont, au fond, assez basiques : à quel moment
pourrai-je partir à la retraite ? Avec quel montant de pension ? Et
dans quelles conditions ? Sur toutes ces questions, il apparaît, après
avoir décortiqué ici tous vos objectifs généraux – la lisibilité, la
garantie du maintien du niveau de vie, la liberté de choix – que vous êtes
aujourd’hui en difficulté pour apporter des réponses précises.
Cet épais
brouillard, il faut le dissiper. C’est pourquoi le Conseil d’État a un rôle
majeur à jouer auprès du Gouvernement pour l’élaboration d’un certain nombre
d’indicateurs de suivi des objectifs – même si pour la liberté de choix de la
date du départ à la retraite, par exemple, l’indicateur sera relativement
compliqué à mettre au point… Compte tenu de ces réserves, de l’avis du Conseil
d’État, qui est des plus sévères sur l’indigence de l’étude d’impact, sur le
fait que de nombreux paramètres vont évoluer jusqu’au dernier moment – une
grande incertitude règne en effet quant à l’âge d’équilibre ou à la valeur du
point… –, il sera bien difficile aux Français de choisir le moment de leur
départ à la retraite.
Mme la
présidente. Le sous-amendement no 42117 de
M. Sébastien Jumel est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur
l’ensemble de ces amendements et sous-amendements ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Les indicateurs de
suivi reprendront les éléments utilisés par le COR ou par le comité de suivi des
retraites, le CSR. Il faut d’emblée savoir, pour répondre à notre collègue
Bazin, que ces indicateurs relèvent du règlement et non pas de la loi ; je
ne vois donc pas en quoi il y aurait un risque d’inconstitutionnalité. Ensuite,
nombre de ces indicateurs existent déjà, monsieur Vallaud ; ils seront
actualisés. Ils ont été définis par décret simple, à la suite de la loi de 2014.
C’est le cas de la durée moyenne de versement de la pension projetée sur
vingt-cinq ans, du niveau de vie des retraités rapporté à celui de l’ensemble de
la population… Point n’est besoin d’associer le Conseil d’État à leur
actualisation. Je vous renvoie, concernant l’ensemble de ces indicateurs, au
décret simple no 2014-654 du 20 juin 2014, relatif au
comité de suivi des retraites.
J’en viens aux amendement no
26732 et identiques, qui visent à « réinstaurer un véritable dialogue
social » à l’occasion de la création des indicateurs. Il n’y a pas lieu
d’employer le verbe « réinstaurer » : jusqu’à présent, ce
dialogue était absent, les indicateurs ayant été créés par décret. En revanche,
il appartiendra peut-être au Gouvernement, à l’occasion de leur mise à jour, d’y
associer, et c’est souhaitable, l’ensemble des partenaires sociaux. Reste que
c’est le nouveau système universel qui instaure une gouvernance paritaire et qui
associe les partenaires sociaux, en tout cas davantage que dans le système
actuel.
Aussi, je demande le retrait des amendements et sous-amendements,
faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Le Gouvernement est très touché
de la sollicitude de M. Bazin et de la volonté du groupe Les Républicains
d’aider le Gouvernement. Je ne doute pas qu’il s’agit d’une volonté
républicaine, quoique… elle est peut-être teintée d’une certaine malice.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Voyons, pas du tout !
M.
Sébastien Jumel. Avec Thibault Bazin ? Jamais ! (Sourires
)
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Cela étant, elle est clairement
exprimée et j’en prends acte.
J’en reviens au fond. Monsieur Bazin,
monsieur Cherpion, le Conseil d’État n’a pas du tout considéré que le décret qui
fixe les indicateurs devait lui être soumis. Il n’aurait pas manqué, sinon, de
le préciser.
J’ai par ailleurs indiqué à M. Dharréville avant-hier, il me
semble, que le texte que nous avons retenu est celui du Conseil d’État. Nous
avons tenu compte de l’avis de ce dernier ; le texte est donc juridiquement
solide. On m’a objecté, il y a quelques jours, le cas des enseignants et des
enseignants-chercheurs ; mais le Gouvernement assume son engagement
politique vis-à-vis de ces professions, le signal fort qu’il leur envoie.
M. Régis
Juanico. Si c’est comme pour les retraites agricoles…
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. La concertation entre
Jean-Michel Blanquer et les enseignants a déjà commencé. Des crédits ont été
débloqués pour 2021 et nous sommes en train de définir le nouveau parcours
professionnel des enseignants, en tenant compte d’une rémunération qui doit être
actualisée et qui leur garantira un niveau de retraite équivalent à celui de
l’ensemble des fonctionnaires de catégorie A. Il faut donc être très clair
sur le fait que le Conseil d’État joue son rôle de conseil juridique du
Gouvernement et que le Gouvernement l’écoute. Mais on peut aussi se féliciter –
et vous en serez d’accord, puisque Les Républicains sont un parti de
gouvernement – que le Gouvernement prenne des décisions politiques fortes et les
inscrive dans la loi.
M. Vallaud souhaite être éclairé sur un certain
nombre d’indicateurs.
M. Ugo
Bernalicis. Oui, indiquez-nous !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. C’est un peu la difficulté avec
ce texte : certaines questions sont sans aucun doute légitimes…
M. Ugo
Bernalicis. Ah !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …mais elles n’ont visiblement
pas fait l’objet d’un travail très pointu lors de l’examen des projets de loi
précédents. Le rapporteur général a très bien expliqué que plusieurs indicateurs
de suivi existaient déjà, qu’ils étaient intéressants et qu’ils pourraient
évoluer.
M. Ugo
Bernalicis. Lesquels ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. M. Jumel souhaiterait
qu’ils soient définis en concertation avec les partenaires sociaux. Ce sera le
cas ; ces indicateurs seront donc intéressants. Voilà pourquoi j’émets un
avis défavorable.
M. Ugo
Bernalicis. Sophisme de confort !
Mme la
présidente. La parole est à M. Christian Jacob.
M. Christian
Jacob. Je reviens sur le risque d’inconstitutionnalité qui a été évoqué.
Le rapporteur général a tenté de répondre, mais ce risque est bien réel :
quand on reprend l’avis du Conseil d’État, on constate qu’il y a un risque
juridique – et j’ajouterai même un risque politique. Aux termes de
l’article 34 de la Constitution, en effet, la loi fixe « l’assiette,
le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures
[…] ». Or il y a une incertitude sur tous ces points.
(M. Ugo Bernalicis applaudit.) Vous avez suspendu la
mesure de financement de l’âge pivot à la conférence de financement. Nous ne
savons donc pas, aujourd’hui, quelle assiette globale sera retenue. On ne
connaît pas les taux, car vous les renvoyez à un décret. Le risque juridique est
donc évident.
Le risque politique et démocratique n’est pas moindre. Nous
examinons un projet de réforme du système des retraites, dont le budget est
d’environ 320 milliards d’euros, sans débattre de son financement ici, à
l’Assemblée. On nous répond que ce n’est pas grave, que nous n’avons qu’à voter
le texte tel quel et qu’on s’occupera du financement après. Avouez qu’il y a là
non seulement une incertitude, mais surtout de vrais risques à tous les niveaux.
Le risque démocratique a déjà été évoqué. Je crois que c’est vous, monsieur le
secrétaire d’État, qui avez parlé de démocratie représentative et de démocratie
sociale ; mais il n’y a qu’une démocratie, incarnée par les représentants
du peuple. Et les représentants du peuple, aujourd’hui, sont bafoués, méprisés,
dans la mesure où ils ne vont pas voter le financement de ce nouveau système de
retraite. Nous ne le voterons pas, puisque tout est renvoyé aux ordonnances ou
reporté après la conférence de financement. Peut-être le Sénat aura-t-il – lui –
à se prononcer, mais l’Assemblée ne le pourra pas. Le risque
d’inconstitutionnalité est donc réel, et vous n’y avez pas répondu.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Monique Limon.
Mme Monique
Limon. Nous estimons que les ordonnances sont préférables aux décrets
parce qu’elles reviennent devant le Parlement,…
M. Boris
Vallaud. Cela n’a rien à voir !
Mme Monique
Limon. …ce qui permettra de prendre le temps de la réflexion concernant
la phase de transition. Nous sommes ici pour définir le cadre général de la loi.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Ensuite, en ce
qui concerne la place des partenaires sociaux, nous souhaitons la création d’une
instance indépendante qui apportera son expertise à la CNRU dans le cadre du
pilotage financier. En effet, le comité d’experts qui sera mis en place aura
pour mission d’orienter et d’évaluer le pilotage financier du système, sans pour
autant se substituer aux décideurs. Voilà qui nous convient.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Ugo
Bernalicis. Comment un député peut-il se réjouir qu’on légifère par
ordonnances ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Ce débat montre à quel point il est nécessaire que nous
discutions. En ce qui concerne les indicateurs de suivi des objectifs, M. le
secrétaire d’État nous a renvoyés à l’article 55 du texte. Ces indicateurs
sont censés contribuer au pilotage du système universel de retraite. Or vous
renvoyez à un article qui ne concerne que le pilotage financier ;
seulement, en théorie, le pilotage du système ne saurait se réduire à son aspect
financier. Vous admettez donc vous-mêmes que, contrairement à ce qui se passe
avec le système en vigueur, la priorité ne sera plus donnée à la définition des
prestations, mais à l’équilibre financier du système pendant la première période
de cinq ans prévue par l’article 55, sans que les cotisations soient
augmentées. La liberté de la CNRU sera donc conditionnée par l’équilibre
comptable. Vous ne pouviez pas mieux le signifier, monsieur le secrétaire
d’État.
Quant à la question de M. Jacob sur la constitutionnalité, je la
trouve excellente. Notre collègue Limon souligne que les ordonnances reviendront
à l’Assemblée. Mais nombre de conditions de la transition entre le système en
vigueur et le système à venir – objet de la conférence de
financement – ne seront connues qu’après que nous aurons voté le
texte ! C’est aberrant ! (M. Ugo Bernalicis
applaudit.) Au lieu de faire circuler la rumeur selon laquelle le conseil
des ministres de mercredi prochain décidera l’application de l’article 49,
alinéa 3, de la Constitution – j’aimerais d’ailleurs bien une réponse
de votre part sur ce point, monsieur le secrétaire d’État : est-ce vrai ou
non ? (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) En effet, cela
bruisse de partout… –, au lieu, donc, de faire ce chantage,…
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Restez-en donc au texte !
M. Éric
Coquerel. …vous feriez mieux de renvoyer le vote du texte après les
conclusions de la conférence de financement. Ce serait raisonnable du point de
vue de la durée, puisque nous disposerions de sept semaines pour débattre, et
raisonnable du point de vue de la constitutionnalité du projet de loi que vous
voulez nous imposer. sur les bancs du groupe FI.)
M. Francis
Chouat. En 1946 aussi, on a légiféré par ordonnances !
Mme la
présidente. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Je rappelle à notre collègue qui a dit préférer les ordonnances
aux décrets que les seconds relèvent de l’article 37 de la Constitution,
tandis que les premières interviennent dans le domaine de la loi, défini à son
article 34. Autrement dit, cela n’a rigoureusement rien à voir : nous
sommes là dans la distinction entre domaines législatif et réglementaire.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
– M. Sébastien Jumel applaudit également.)
Mais vous ne serez pas déçus, car vous aurez les deux :
27 ordonnances et 110 décrets. (M. Ugo Bernalicis
applaudit.)
Un certain nombre d’indicateurs existent déjà, je n’en
disconviens pas. Reste que je suis curieux d’avoir un exemple concret avec un
indicateur de suivi de l’objectif de liberté du choix de la date de départ à la
retraite ! Quid aussi d’un indicateur de suivi de l’objectif de lisibilité
des droits constitués par les assurés tout au long de leur vie active ? Il
serait donc plutôt intéressant d’avoir l’avis du Conseil d’État – lequel
Conseil d’État vous a tout de même rappelé ce que devait être une étude d’impact
et que celle que vous avez élaborée n’était pas au niveau.
J’en viens à
l’engagement du Gouvernement vis-à-vis des enseignants. S’il vaut ce que valait
l’engagement du Gouvernement et du Président de la République s’agissant des
agriculteurs à la retraite, on peut douter de cette parole !
Je
rappelle ce que disait au Sénat, le 7 mars 2018, M. Christophe
Castaner, à l’époque secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement,
lorsqu’il avait été fait obstacle à l’adoption de la proposition de loi visant à
assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles, votée par
l’Assemblée nationale à l’unanimité : « Si le Gouvernement a déposé un
amendement et demandé un vote bloqué ce soir, c’est non pas pour vous demander
de renoncer à ce texte ou pour vous faire hurler, mais pour reporter son entrée
en vigueur au 1er janvier 2020 ». Quant à Mme Agnès
Buzyn, alors ministre des solidarités et de la santé, elle affirmait, lors de la
même séance : « Oui, vous pouvez compter sur mon engagement, pour que
la question des retraites des agriculteurs soit pleinement prise en compte lors
de la réforme des retraites. » S’il est vrai que ni l’un ni l’autre ne sont
là aujourd’hui pour tenir leur parole, nous avons un peu de mal à croire à vos
engagements !
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. J’ai le sentiment soudain de rajeunir et d’assister à
un cours de droit constitutionnel de première année. Une collègue nous
disait : nous avions le choix entre le décret et les ordonnances ;
vous devriez être satisfaits, nous avons privilégié les ordonnances. Mais ce
n’est pas comme cela que ça marche ! Il y a un domaine législatif, défini à
l’article 34 de la Constitution, dont l’article 37 précise que
« les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un
caractère réglementaire ». Seules ces dernières peuvent faire l’objet d’un
décret : on ne fait pas ce que l’on veut de la Constitution : ce n’est
pas du bricolage ! En revanche, il est clair qu’avoir recours vingt-neuf
fois de suite aux ordonnances signale le respect que l’on porte au
Parlement.
Je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler que Conseil
d’État a considéré que les projections financières de votre réforme n’étaient ni
sincères ni crédibles,…
M. Thibault
Bazin. Eh oui !
M.
Sébastien Jumel. …que les saisines pour avis des organisations
concernées avaient été trop tardives et que les délais dont il avait lui-même
disposé pour analyser le texte étaient trop brefs pour assurer la sécurité
juridique du projet de loi. Tout le long de son avis, le Conseil d’État fait la
critique du recours systématisé aux ordonnances dans un domaine aussi complexe
et dans un délai aussi bref. Fermez le ban ! (Sourires sur de nombreux
bancs du groupe LR.)
Si, en plus de tout cela, les membres du Conseil
d’État lisent qu’au cours de nos débats vous nous expliquez qu’après avoir
beaucoup hésité entre les décrets et les ordonnances, vous avez choisi les
secondes pour nous faire plaisir, ils se demanderont, comme moi-même, sur quelle
planète juridique vous vivez ! Franchement, je n’en sais rien…, mais je
vais me replonger dans mes cours de droit de première année.
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements nos 26732
et identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 102
Nombre
de suffrages
exprimés 92
Majorité
absolue 47
Pour
l’adoption 15
Contre 77
(Les amendements nos 26732 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Nous en venons au vote des amendements 59 et identiques, qui
ont fait l’objet de sous-amendements.
(Les sous-amendements nos 42491 et 42492,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements identiques nos 59, 271 et
2552 ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements no 35712 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 95
Nombre
de suffrages
exprimés 90
Majorité
absolue 46
Pour
l’adoption 18
Contre 72
(Les amendements no 35712 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Nous en venons au vote des amendements identiques
nos 50, 257 et 2545 qui font l’objet d’un sous-amendement.
(Le sous-amendement no 42117 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 50, 257 et 2545.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 96
Nombre
de suffrages
exprimés 94
Majorité
absolue 48
Pour
l’adoption 23
Contre 71
(Les amendements identiques nos 50, 257 et
2545 ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques,
nos 11375 et 11376.
La parole est à M. Jean-Pierre
Door, pour soutenir l’amendement no 11375.
M.
Jean-Pierre Door. Monsieur le secrétaire d’État, le terme
« universel » est votre totem, mais je crois qu’il est devenu inadapté
tant sont nombreuses les exceptions progressivement accordées au fur et à mesure
que vous reconnaissez les spécificités des uns ou des autres. Parce que le mot
« universel » ne correspond plus du tout à la réalité de votre projet,
il convient de le supprimer à l’alinéa 11.
Comme nous n’irons
certainement pas jusqu’à l’article 4 – si nous y arrivons, ce sera en
tout cas avec difficulté –, je veux profiter de mon intervention pour vous
parler des médecins libéraux, sujet que nous avons déjà abordé lors des travaux
de la commission spéciale. Leur caisse autonome fonctionne bien, elle est en
autogestion et ils n’ont rien demandé à personne, ni au Gouvernement ni à
quiconque. Ils n’ont cessé d’expliquer à votre prédécesseur et à vous-même
qu’ils souhaitaient conserver leur caisse, la Caisse autonome de retraite des
médecins de France, et rester en dehors du système universel.
Lorsqu’ils
ont eu communication de votre réforme et qu’ils ont fait leurs comptes, le ciel
leur est tombé sur la tête. Au-delà de trois fois le plafond annuel de sécurité
sociale, le PASS, leur pension sera réduite de 26,7 %. Elle sera donc
largement inférieure à ce qu’elle est aujourd’hui. Autrement dit, avec votre
texte, les futurs médecins libéraux auront des petites retraites. Vous les
poussez à la capitalisation, seule possibilité pour eux de conserver une
retraite correcte par rapport à celle qui leur est servie aujourd’hui. Pourquoi
leur appliquer un régime « universel » qui ne l’est déjà plus ?
Laissez-leur leur caisse spécifique, comme ils le
souhaitent !
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Avis défavorable. Monsieur
Door, il s’agit d’un sujet que vous abordez de façon récurrente…
M. Thibault
Bazin. Mais on n’en avait pas parlé aujourd’hui !
(Sourires.)
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous pouvez comprendre que le
rapporteur général vous dise que cette question a déjà été abordée plusieurs
fois. Vous estimez que nous ne proposons pas un système universel ; nous
vous répondons qu’il sera universel parce que les mêmes règles s’appliqueront à
l’ensemble des Français, et que ces derniers consentiront les mêmes efforts pour
obtenir les mêmes droits.
Vous défendez par ailleurs un projet politique.
Dont acte ! Il me semble assez proche de la proposition que présentaient
les professions libérales – au-delà d’un PASS interviendraient des
spécificités professionnelles ou statutaires. Ce n’est pas l’approche du
Gouvernement.
En effet, aujourd’hui, de nombreux médecins ont déjà des
parcours qui les amènent à s’affilier à des caisses différentes. Certains
passent de l’exercice libéral au salariat. Vous avez raison, les choses sont
différentes pour des spécialistes qui exercent dans un domaine extrêmement
pointu ; cependant, pour la majorité des médecins, la notion de parcours
différencié peut avoir du sens.
Nous sommes et nous avons été très
attentifs à la pérennité de l’activité économique des professions libérales.
Nous aborderons la question à l’article 21 : nous avons choisi de
compenser l’augmentation des cotisations vieillesse en alignant l’assiette de
CSG des indépendants et des salariés sur celle des salariés. S’agissant des
libéraux, nous devons faire progresser les cotisations vieillesse – j’ai
conscience que cela ne concerne pas les médecins, j’y viens –, et prévoir
une baisse des charges, en particulier de la CSG.
Enfin, nous voulons une
augmentation des pensions, et cela vaut pour les médecins, comme pour les
avocats. Il s’agira d’une augmentation significative pour les avocats aux
revenus les plus faibles, puisqu’elle sera supérieure à 10 %. S’agissant
des médecins, la situation est en quelque sorte inversée, puisque leur taux de
cotisation est supérieur à 28,12 %.
J’ai rencontré à plusieurs
reprises les représentants des médecins – mon équipe l’a fait aussi, ainsi
que le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye avant moi. Comme les avocats, ils
nous demandent si leur caisse de retraite pourra perdurer dans le cadre d’une
délégation de gestion de service. Je leur ai répondu « oui », en leur
demandant quel était leur projet : veulent-ils seulement conserver une
caisse, ou ont-ils des perspectives particulières, par exemple de maintien d’un
haut niveau de cotisation afin de construire un étage d’assurance
supplémentaire ?
Tout cela doit se construire avec eux. Je le leur
dis, comme à l’ensemble des professions libérales : le Gouvernement est à
l’écoute des projets qu’ils voudraient nous proposer. Vous les connaissez bien,
monsieur Door, et je sais qu’ils n’ont pas pu vous tenir un autre discours. J’ai
été très clair, je leur ai dit : venez avec votre projet, regardons sa
viabilité économique ! J’ai ajouté que, bien sûr, les dispositions de
délégation de gestion de service pourraient s’appliquer à eux comme aux autres.
Construisons cela ensemble, ai-je ajouté !
Je rappelle qu’il n’y a
pas d’urgence. Il ne s’agit pas de prévoir un dispositif pour la semaine
prochaine ; nous disposons de toute la période de transition pour le
construire. Nous allons essayer de ne pas prendre dix-sept ans
(Sourires), mais nous avons du temps. Nous disposons du temps nécessaire
et suffisant pour bien faire les choses, avec les médecins comme avec d’autres.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. Sur les amendements no 26731 et identiques,
je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie-Christine
Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Depuis que nous avons commencé l’examen d’un
projet de loi qui vise à mettre en place un système « universel », de
très nombreuses questions se posent sur cet adjectif. Nous avons évoqué
successivement le cas des avocats, des pompiers – au sujet desquels on nous
renvoie à une proposition de loi de la majorité –, des agriculteurs, et des
femmes à travers la question des droits familiaux. Nous parlons des médecins,
mais il y a aussi eu les marins et les danseurs, et j’en oublie sans aucun
doute. Chaque fois que nous évoquons une profession, il y a un flou. Où est
l’universalité de votre système ?
Le Conseil d’État, dans son avis
sur le projet de loi, « estime que les différences de traitement maintenues
entre assurés relevant du système universel de retraite et rattachés, le cas
échéant, à des régimes distincts établis par le projet de loi, doivent donc être
justifiées, par les mêmes motifs que ceux que retient le Conseil constitutionnel
pour l’appréciation au sein d’un même régime du principe d’égalité devant la loi
et devant les charges publiques ». Il faut prendre cela en compte, parce
que ne sont prouvées ni l’universalité de votre réforme, ni l’égalité et la
justice de ses principes.
Le Conseil d’État vous appelle à vous reprendre
en main, si vous me permettez l’expression. En réalité, sur tous les sujets que
nous avons abordés, vous êtes en train d’embarquer les Français dans une
malhonnêteté intellectuelle : on l’a dénoncé ce matin à propos des
femmes ; il en va de même pour les avocats ; Jean-Pierre Door vient
d’évoquer les médecins. Quant aux agriculteurs, vous ne dites à aucun moment que
pour leur assurer une pension de retraite équivalente au SMIC, il faudra qu’ils
aient cotisé en proportion ; sinon, c’est un mensonge.
Mme la
présidente. La parole est à M. Julien Borowczyk.
M. Julien
Borowczyk. Je voudrais revenir sur la question des médecins. Je
m’opposerai à mon confrère : le système actuel ne fonctionne pas très bien.
Monsieur Door, vous parliez des médecins qui s’interrogeaient sur les revenus
dépassant trois PASS ; je ne suis qu’un petit généraliste, mais il s’agit
quand même d’un niveau de revenus assez important. Par ailleurs, dans notre
système, la part des retraites par capitalisation est déjà énorme.
Comme
l’a évoqué le secrétaire d’État, des discussions sont en cours, marquées par une
volonté d’écouter tout le monde – les médecins et toutes les autres
professions – pour comprendre précisément les attentes des uns et des
autres. Nous devons anticiper l’évolution des professions, entre secteur libéral
et salariat : c’est une nouvelle façon d’exercer dont nos jeunes confrères
ont besoin.
Il faut souligner un point important, dont on n’a pas
beaucoup parlé : le texte permettra aux médecins de partir à la retraite
plus tôt. C’est une très bonne réforme qui leur assure le même niveau de
pensions avec, contre toute attente, moins de capitalisation et un départ à la
retraite plus précoce. Je trouve donc que s’agissant des médecins, les
discussions sont plutôt positives. (Applaudissements sur plusieurs bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Ce n’est plus Un jour sans fin puisqu’on a un petit
exemple nouveau !
Monsieur Door, je voudrais revenir sur les
30 % de pension que perdraient les médecins libéraux au-delà de trois PASS
– votre ami qui gagne 250 000 euros par an perdrait ainsi
2 400 euros par mois. À notre avis, quand on a une pension de l’ordre
de 7 000 ou 8 000 euros par mois, il est bon de ramener des
cotisations dans le système général : cela doit représenter quelque
100 milliards d’euros par an.
M.
Sébastien Jumel. Sauf que ce n’est pas vrai !
M. Frédéric
Petit. Le système général est un régime solidaire chargé de réduire les
inégalités ; au-delà de 8 000 euros par mois, on n’est pas obligé
de garder le calcul proportionnel pour en arriver à des pensions du régime
général à 15 000 ou 20 000 euros par mois. Jusqu’à
8 000 euros par mois, très bien ; au-delà, il faut rapporter les
pertes que vous décrivez à la nature solidaire du système de retraite.
M.
Sébastien Jumel. Vous pratiquez la méthode Coué !
M. Frédéric
Petit. C’est la définition même de la réduction des inégalités.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Bastien
Lachaud. N’importe quoi !
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Depuis huit jours, on a plusieurs fois fait référence à
Ambroise Croizat. Sur le fond – on l’a compris –, son héritage est
réduit en lambeaux ; mais même sur la forme, n’est pas Croizat qui
veut ! Ce ministre communiste du travail avait envie de rassembler tout le
monde ; souhaitant l’unanimité sur son texte, il voulait réconcilier la
France et non la diviser. Dès la première page de son discours du 8 août
1946, Ambroise Croizat s’adresse aux médecins dans ces
termes :
« Je m’adresse donc, au-delà de cette Assemblée, aux
représentants du corps médical, dont je ne sous-estime pas la haute conscience,
qui a toujours tenu une place très importante dans notre pays. Nous respectons
d’une façon toute spéciale cette fonction honorable qui ne cesse de rendre de
grands services à la population de notre pays.
M’adressant donc au corps
médical, je lui demande d’éliminer toute crainte, en vue d’une collaboration
loyale et sans réserve avec la sécurité sociale. »
Je vous renvoie
au texte fondateur de la sécurité sociale pour souligner que si sur le fond,
vous n’êtes évidemment pas au niveau du Conseil national de la Résistance, il
vous faut également faire des efforts sur la forme pour vous concilier les
médecins, qui ont aussi vocation à être des acteurs à part entière du projet.
Vous n’y êtes pas, les interventions de nos collègues l’ont démontré.
Mme la
présidente. La parole est à M. Bastien Lachaud.
M. Bastien
Lachaud. Je voudrais revenir sur les propos de M. Petit sur les
trois PASS et les huit PASS. Prenons un autre exemple, monsieur Petit :
votre ami qui gagne 329 000 euros par an. Si on gardait le plafond
actuel à huit PASS, il paierait 28,12 % de cotisations sur la totalité de
cette somme, et l’entreprise cotiserait 16,68 % du même montant.
M. Frédéric
Petit. Mais pas au régime général !
M. Bastien
Lachaud. Si on baisse le plafond à trois PASS, ces taux de cotisation
resteront valables jusqu’à 120 000 euros, mais descendront ensuite,
sur la part de salaire entre 120 000 et 329 000 euros, à
2,81 % pour le salarié et à 1,69 % pour l’entreprise, ce qui
représente 209 000 euros. Au total, sur cette part de salaire
au-dessus de 120 000 euros, ce sont 53 000 euros qui
échapperont au régime de retraite au titre des cotisations salariales et
31 330 euros au titre des cotisations patronales.
M. Frédéric
Petit. Il cotisera à sa complémentaire !
M. Philippe
Latombe. Et les montants des pensions servies ?
M. Bastien
Lachaud. Donc pour un seul employé payé 329 000 euros par an,
votre réforme représente 84 300 euros bruts qui échappent chaque année
au système de retraite par répartition pour aller nourrir le système par
capitalisation. C’est un fait ! (Applaudissements sur les bancs du
groupe FI.)
(Les amendements identiques nos 11375 et
11376 ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. L’amendement no 26731 et les quinze
amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate
et républicaine sont défendus.
Quel est l’avis de la
commission ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général.
Défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Cet amendement à
l’article 1er, déposé par le groupe GDR, vise à substituer au
mot « universel » le mot « inéquitable ». Ce débat n’a pas
beaucoup d’intérêt : on l’a renouvelé à de multiples reprises, ce qui
explique que nous en soyons toujours à l’article 1er,
alinéa 11 aujourd’hui à midi. Avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Cécile Rilhac.
Mme Cécile
Rilhac. Monsieur Jumel, je vous rappelle qu’hier, nous avons eu un débat
très intéressant sur le terme « universel » et que nous avons
introduit dans le texte le mot « dignité » grâce à un amendement
déposé par votre groupe. L’amendement en question faisant référence à la
Constitution et à la Déclaration universelle des droits de l’homme, vous
reconnaissez donc vous-mêmes le caractère universel du système que nous
proposons.
M.
Jean-Marie Sermier. Vous perdez du temps, c’est de l’obstruction !
Laissez le débat se dérouler.
Mme Cécile
Rilhac. Le système de retraite que nous créons est universel, mais
certainement pas uniforme – nous tenons compte de la diversité des
carrières de nos concitoyens – ni inéquitable. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements no 26731 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 92
Nombre
de suffrages
exprimés 79
Majorité
absolue 40
Pour
l’adoption 11
Contre 68
(Les amendements
no 26731 et identiques ne
sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Je suis saisie d’un amendement no 497 qui
fait l’objet d’un sous-amendement no 42540.
La parole est
à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement.
M.
Jean-Marie Sermier. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous parlez d’un
système de retraite universel ; mais si universalité il y a, que veut-on en
faire ? Pour nous, l’universalité, c’est aussi la solidarité. Elle doit
servir aux plus modestes, à nos concitoyens qui ont travaillé dans des métiers
difficiles, subissant intempéries, port de charges lourdes ou stress. Il
convient d’inscrire dans la loi qu’un système universel de pénibilité sera créé
à partir de ce texte, de façon à permettre aux personnes les plus abîmées par la
vie de partir en retraite un peu plus tôt. C’est ce que propose l’amendement de
notre collègue Pierre Cordier.
Mme la
présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir le
sous-amendement no 42540.
M. Dino
Cinieri. C’est un sous-amendement de précision
rédactionnelle.
Avec l’amendement no 497, nous voulons créer
un système universel de pénibilité afin que les assurés en situation
d’incapacité permanente due à leur situation professionnelle puissent bénéficier
d’un âge de départ avancé. Nous en avons déjà parlé, mais je veux rappeler que
dans mon département de la Loire, par exemple, de nombreux ouvriers de la
sidérurgie ont une carrière difficile à cause de la chaleur des fourneaux et du
port de charges lourdes – même si la modernisation de l’industrie a permis
des progrès. Les agriculteurs devraient également bénéficier de ce système.
M. Régis
Juanico. Très bien !
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. S’agissant de la
pénibilité, il ne faut pas se contenter de discours : il faut leur préférer
les actes.
M.
Jean-Marie Sermier. Vous en avez là l’occasion !
M. Régis
Juanico. Rétablissez les quatre facteurs de pénibilité que vous avez
supprimés !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. C’est ce que nous
faisons avec le système universel de retraite, notamment en élargissant le
compte de pénibilité.
M.
Sébastien Jumel. Moins quatre, ce n’est pas un élargissement !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Avec la réforme, le
nombre de bénéficiaires de ce compte passera de 227 000 à
446 000.
Par ailleurs, des amendements déposés par le Gouvernement à
l’article 33 – sur lesquels notre collègue Jacques Maire comme le
secrétaire d’État ont eu l’occasion de s’exprimer à plusieurs reprises depuis le
début de nos débats – nous permettront d’aller encore plus
loin.
Demande de retrait, ou avis défavorable.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Sermier, le rapporteur
général vous a dit que le sujet de la pénibilité serait traité de façon complète
dans le titre II, qui mentionne les départs anticipés liés à la pénibilité.
Mais il est également évoqué à l’alinéa 6 de l’article 1er,
que certains groupes d’opposition souhaitaient supprimer. L’alinéa, qui a
heureusement été maintenu par une large majorité, inclut les départs anticipés
liés à la pénibilité dans la liste des dispositifs de solidarité. Je suggère le
retrait de l’amendement et du sous-amendement ; à défaut, avis
défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. La pénibilité est un sujet important. On l’a déjà évoqué, mais
comme nous ne sommes pas du tout sûrs d’arriver au bout du texte, il faut bien
aborder les sujets avant qu’ils ne disparaissent de la discussion
parlementaire !
Nous n’avons pas la même conception de la
pénibilité, et la vôtre manque de clarté. C’est la droite qui, contre l’avis du
patronat, a introduit la notion de pénibilité dans un texte sur les
retraites.
M. Thibault
Bazin. C’est vrai !
M. Éric
Woerth. Le problème ne doit pas être abordé par métiers. Or lorsque vous
l’évoquez, y compris dans la conférence de financement, on parle de discussions
par métiers et par branches. Il ne s’agit donc pas d’un système universel, mais
d’un système par métiers, ce qui est assez différent. Le compte de pénibilité
doit faire gagner des points supplémentaires permettant la reconversion des
salariés, et non agir sur l’âge de départ à la retraite.
Il est très
important que la pénibilité, au sens universel du terme, concerne absolument
tout le monde et de la même manière. On doit constater l’usure – au moins
physique pour le moment, peut-être psychologique quand on saura l’évaluer –
d’une personne qui est exposée à certains risques pendant sa carrière. Cela
s’applique alors à tout le monde, et on ne se retrouve pas à créer un régime
spécial pour chaque type de pénibilité. La pénibilité doit être réellement
universelle.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Très bien !
Mme la
présidente. Sur l’amendement no 24779, je suis saisie
par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Sur les
amendements nos 24157 et identiques, je suis saisie par le même
groupe d’une autre demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Sébastien
Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Puisque cette réforme fixe un âge d’équilibre qui
repousse le départ à la retraite, elle va dégrader la situation des gens qui
exercent des métiers pénibles : ceux qui ont une moins bonne espérance de
vie en bonne santé que les autres ne seront pas épargnés.
Soyons
lucides : notre débat ne va pas aller à son terme. Nous le savons, et vous
le savez mieux que nous puisque vous en avez décidé ainsi et que vous
connaissiez le jour et l’heure de la fin des débats avant même que le texte
n’ait été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale. (Exclamations sur
les bancs du groupe LaREM.)
Moi, j’ai des questions à poser,
notamment sur l’article 7, qui renvoie à des ordonnances. Comment
allez-vous prendre en compte la pénibilité du travail de marin ? Prenons le
cas d’un marin qui assure des liaisons transmanche par marées de quinze jours,
qui travaille douze heures de suite dans des conditions de pénibilité avérée.
Des éléments tels que le statut des marins, l’âge de départ anticipé à la
retraite, la pension de réversion versée aux veuves de marins décédés, les taux
de cotisation en fonction de la catégorie, vont-ils être
garantis ?
J’ai appelé le président de la Fédération nationale des
associations de pensionnés de la marine marchande. Il m’a dit : silence
radio, on n’a aucune information. J’ai appelé les représentants CGT des marins
retraités. Ils m’ont dit : on n’a aucune information. J’ai pourtant appelé
une fédération d’associations qui n’est pas réputée pour être
crypto-révolutionnaire et un syndicat qui a une légitimité pour discuter du
sujet.
Cela illustre ce que nous disons : les ordonnances sont des
chèques en blanc et des leurres pour éviter de régler les problèmes et d’avoir à
en affronter trop en même temps. Pouvez-vous nous répondre sur les questions de
pénibilité, à ce moment du débat ? L’arme nucléaire va être
actionnée : le Président de la République va appuyer sur le bouton et nous
n’allons pas examiner le texte. Pouvez-vous répondre à nos questions ?
Mme
Catherine Fabre. Ce n’est pas croyable !
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe
Latombe. À nos collègues qui nous reparlent de pénibilité, je rappelle
que ce thème a fait l’objet de nos débats samedi et dimanche. Nous examinons
l’article 1er, dont l’alinéa 6 dispose : « À ce
titre, le système universel de retraite tient compte des situations pouvant
conduire certains assurés, pour des raisons tenant à leur état de santé ou à
leur carrière, à anticiper leur départ en retraite. »
Ce principe
tient donc compte de la pénibilité…
M.
Sébastien Jumel. Non !
M. Philippe
Latombe. …pour permettre à certains d’infléchir leur parcours
professionnel pour ne pas aggraver les effets de la pénibilité ou d’anticiper
leur départ en retraite. Vous nous demandez d’inscrire un principe qui figure
déjà à l’alinéa 6 de l’article 1er !
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jacques Maire.
M. Jacques
Maire. Je ne répondrai pas sur les marins, monsieur Jumel, mais je
voudrais réagir à l’interpellation de M. Woerth, qui reprend à son compte
une espèce de formulation rapide du MEDEF…
M. Éric
Woerth. Ce n’est pas du tout du MEDEF !
M. Jacques
Maire. …selon laquelle l’exclusion des quatre facteurs de pénibilité
nous conduit finalement à recréer des régimes spéciaux.
Il est important
de refaire le point de façon un peu précise sur ce sujet dont nous débattons
depuis plusieurs mois, en dehors de cet hémicycle, avec les partenaires
sociaux.
Vous le savez, monsieur Woerth : il y a déjà des accords
concernant les facteurs exclus qui définissent des critères de pénibilité dans
certaines branches. Il n’y en a pas assez ; il faut aller plus loin. Pour
notre part, nous souhaitons trouver un autre système. C’est à raison que le
MEDEF explique que certaines entreprises – notamment les PME –
n’arrivent pas à définir l’enregistrement de la manutention de chaque charge
lourde dans certains métiers. Cet autre système est à créer par des accords de
branche, et non par l’État. Il nous appartient d’examiner ensuite les
conséquences à en tirer.
Nous adressons ici un message solennel aux
partenaires sociaux. En première lecture,…
M. Thibault
Bazin. Est-ce qu’on ira jusqu’au bout ?
M. Jacques
Maire. …nous faisons le pari que la conférence sociale, qui n’a pas
terminé ses travaux, notamment sur la pénibilité, parviendra à tirer les
conséquences de ces métiers pénibles en matière de risques ergonomiques et de
réparation.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Vous n’arrivez pas à expliquer !
M. Jacques
Maire. C’est à eux de nous faire des propositions. Si, au moment de la
deuxième lecture, les partenaires sociaux n’ont pas réussi à élaborer un
dispositif de réparation pour les situations correspondant aux facteurs exclus,
nous prendrons nos responsabilités. (Exclamations sur quelques bancs du
groupe LR.)
M. Éric
Woerth. C’est une usine à gaz, vous le savez
bien !
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour un rappel au
règlement.
Mme
Mathilde Panot. Mon intervention se fonde sur l’article 80-1 du
règlement, qui prévoit que « les députés veillent à prévenir ou à faire
cesser immédiatement toute situation de conflits d’intérêts dans laquelle ils se
trouvent ou pourraient se trouver, après consultation le cas échéant, du
déontologue. »
Madame la présidente, pour une fois que je siège dans
cet hémicycle, je souhaiterais vous rendre un petit service. La semaine
dernière, j’ai jeté un coup d’œil sur les cours de la bourse et je souhaite
alerter l’un d’entre vous : d’après Euronext, celui d’AXA a baissé de
1,45 % vendredi. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
D’ailleurs, le titre d’AXA n’a fait que chuter la semaine passée :
après avoir enregistré un repli de 3,47 % jeudi dernier, il a baissé
d’environ 5,22 % sur cinq jours. (Mêmes
mouvements.)
Monsieur Jacques Maire, j’ai lu dans votre
déclaration d’intérêts que vous possédiez 13 836 parts chez AXA, pour un
total de 358 935 euros. (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.) J’ai donc cru bon de vous prévenir. Non seulement vous y avez des
parts, mais vous avez passé dix ans à la direction de cette compagnie : aux
ressources humaines, au développement international, à la tête de la stratégie
européenne, en qualité de président de la filiale hongroise.
Plusieurs députés du groupe
LaREM. Fait personnel !
Mme
Mathilde Panot. AXA, n’est-ce pas le célèbre assureur qui se réjouit de
la réforme des retraites de votre gouvernement et qui compte BlackRock à son
capital ? Si je comprends bien, si AXA vendait plus d’assurances à la suite
d’une politique publique favorable, le cours de son action monterait, ce qui
vous enrichirait davantage.
M.
Jean-René Cazeneuve. Ce n’est pas un rappel au règlement !
Mme
Mathilde Panot. Est-ce que j’ai bon, monsieur Jacques Maire ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Où est le rappel au
règlement ?
Mme
Mathilde Panot. L’article 2 de la loi relative à la transparence de
la vie publique définit la notion de conflit d’intérêts comme « toute
situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou
privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice
indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».
Pour résumer,
vous allez tirer un bénéfice privé de cette réforme dont vous êtes l’un des
artisans. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) D’ailleurs, vous
avez dû aussi en arriver à cette conclusion, puisque vous annoncez à
Libération que vous avez vendu vos parts. Ils vous ont relancé plusieurs
fois pour savoir quand vous les aviez vendues, sans obtenir de réponse.
Avez-vous demandé à la déontologue s’il s’agissait d’un conflit
d’intérêts ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur
quelques bancs du groupe LR. – Vives exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Mme la
présidente. Chers collègues, Mme Panot a fait un rappel au
règlement sur un fondement qui existe dans le règlement. M. Maire peut décider
d’y répondre au titre d’une mise en cause personnelle ; ce n’est donc pas
la peine de vous émouvoir.
La parole est à M. Jacques Maire.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du
groupe MODEM.)
M. Jacques
Maire. Effectivement, je n’ai pas passé ma vie à courir les mandats
électoraux. (Mêmes mouvements.) Je n’ai pas passé ma vie à cumuler les
fonctions. (Mêmes mouvements.) Je n’ai pas passé ma vie dans le confort
d’une carrière particulière, et je suis extrêmement fier d’avoir donné dix ans
de ma vie à un groupe français qui compte parmi les fleurons de notre pays à
l’international.(Mêmes mouvements.) Et je le dis avec une
assurance…
M. Hervé
Saulignac. Avec beaucoup d’assurance, même : une très chère
assurance !
M. Jacques
Maire. … et une sérénité totales : je suis absolument convaincu que
les Français ne veulent pas de députés qui soient des professionnels de la
politique pendant quarante ans.
M. Alain
Bruneel. Ça ne veut rien dire !
M. Jacques
Maire. Tout ce qui me concerne figure évidemment dans ma déclaration à
la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique – HATVP. Je n’ai
absolument aucune information supplémentaire à livrer. Il me semble que ma bonne
foi, mon éthique et mon exigence sont connues sur l’ensemble de ces bancs.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Célia de Lavergne.
Mme Célia
de Lavergne. En tant que vice-présidente de la commission spéciale, je
voudrais intervenir sur la qualité et la bonne tenue de nos débats. En tant que
parlementaire et en tant que vice-présidente, je trouve que nous venons
d’assister à quelque chose de très grave. Sur le ton comme sur le fond, cette
mise en cause personnelle ne donne pas une bonne image de notre démocratie, de
notre Parlement. Nous sommes capables de bien mieux – nous l’avons démontré dans
le débat d’idées.
Quels que soient le texte et le député, je ne souhaite
pas qu’une sorte de chasse aux sorcières totalement injustifiée ait lieu dans
l’hémicycle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Ugo
Bernalicis. Quand il n’y a pas de sorcières, il n’y a pas de
problèmes !
Mme Célia
de Lavergne. Nous devons travailler sur le fond des sujets. Chacun de
nous a un parcours et poursuit un objectif d’intérêt général.
M. Ugo
Bernalicis. Ça, c’est moins sûr !
Mme Célia
de Lavergne. Je souhaite que nous fassions cela dans le respect les uns
des autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. Je souhaite faire un rappel au règlement sur le même fondement
que celui invoqué par Mme Panot.
Nos parcours professionnels, qui
viennent enrichir notre mandat de parlementaire, doivent être respectés.
Personne n’a de leçons à donner, mais nous devons néanmoins apprendre à avoir
certains réflexes lorsque des sujets peuvent être en lien avec une activité
passée.
En ce qui me concerne, j’ai travaillé dans le logement et le
président Jacob m’avait chargé d’être orateur de mon groupe sur la loi portant
évolution du logement, de l’aménagement et du numérique – ELAN. La
déontologue nous invite à une chose : préciser, lors de la première prise
de parole dans les débats, que l’on a exercé une activité dans le domaine. Après
cela, tout le monde est au courant. Cela contribue à la clarté et à la
lisibilité, tout en évitant que le débat soit ensuite perturbé par ces sujets
qui pourraient interférer.
Nous devons tous prendre ces réflexes. Cela
étant dit, nous devons maintenant avancer dans l’examen du texte : nous
avons fort à faire et il reste bien des questions en suspens à traiter.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
–M. Frédéric Petit applaudit aussi.)
Mme la
présidente. Il me semble que le débat sur ce sujet est clos.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. Nous passons donc au vote sur l’amendement et le
sous-amendement que nous avons examinés.
(Le sous-amendement no 42540 n’est pas
adopté.)
(L’amendement no 497 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de cinq amendements,
nos 24779, 24157, 24158, 24438 et 24962, pouvant être soumis à
une discussion commune.
Les amendements nos 24157, 24158,
24338 et 24962 sont identiques.
La parole est à Mme Brigitte Kuster,
pour soutenir l’amendement no 24779.
Mme
Brigitte Kuster. Je profite de cet amendement, qui vise à maintenir le
régime autonome de retraite des avocats, pour présenter celui que j’ai déposé
dans le cadre de l’article 2. Je préfère le faire maintenant, parce
qu’avant que nous en arrivions à l’article 2…
La Caisse nationale
des barreaux français – CNBF – a démontré la bonne gestion des
cotisations des avocats puisqu’elle dispose, à date, de près de
2,5 milliards d’euros de réserves ; d’ici à 2025, ces réserves
devraient atteindre 3,5 milliards d’euros.
Telle que prévue, la
réforme va augmenter le niveau des cotisations des avocats, tout en réduisant
celui de leurs pensions. Le régime universel prévoit, selon les cas, des
augmentations de cotisations pouvant aller jusqu’à 60 %.
Rappelons
que les avocats sont des auxiliaires du service public de la justice. À ce
titre, la spécificité de leur profession justifie l’existence d’une caisse
autonome offrant des garanties – un minimum de 17 000 euros de pension
de base pour tous les avocats, quel que soit le volume de leurs cotisations –,
ce qui permet d’assurer la représentation des clients les plus
démunis.
En supprimant cette garantie, le projet de loi prend le risque
d’une répercussion de la hausse des cotisations sur les justiciables. Les droits
de la défense en seraient inévitablement atteints, de même que la garantie des
droits et l’accès au juge.
Cet amendement prévoit que la Nation garantit
le maintien du régime de retraite des personnes affiliées de plein droit à la
CNBF. Il y va de l’intérêt des avocats, mais également des Français dans leur
ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir
l’amendement no 24157.
M.
Jean-Pierre Vigier. S’agissant de la caisse de retraite autonome des
avocats, franchement, monsieur le secrétaire d’État, je ne vous comprends
pas ! Les avocats ne vous ont rien demandé,…
M. Ugo
Bernalicis. Les Français non plus, d’ailleurs !
M.
Jean-Pierre Vigier. …leur caisse est autonome et même excédentaire, et
ils sont solidaires avec la nation puisqu’ils reversent environ
100 millions d’euros par an au régime général.
Votre réforme va leur
infliger une triple peine : leur cotisation va doubler, passant de
14 % à 28 % ; leur retraite, d’un montant mensuel de
1 600 euros en moyenne, sera abaissée à 1 000 euros ;
et surtout, leur fonds de réserve, qui atteint aujourd’hui 2,5 milliards
d’euros, va disparaître au bénéfice du régime universel. Je crains fort que
votre réforme ne conduise à la disparition des petits cabinets !
Nous demandons au Gouvernement de revenir sur les mesures
envisagées pour la caisse de retraite autonome des avocats. Encore une fois, ils
ne vous ont rien demandé, ils ne coûtent rien et ils sont solidaires avec la
nation !
L’amendement vise donc à maintenir le régime autonome de
retraite des avocats.(Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir
l’amendement no 24158.
M. Pierre
Vatin. Sur ce sujet déjà largement évoqué, j’attends les réponses que
vous allez nous apporter, monsieur le secrétaire d’État.
Comment
ferez-vous, en particulier, pour appliquer un abattement spécial de CSG à une
profession particulière, alors que la CSG, si je comprends bien la fiscalité,
est un impôt universel ?
Mme la
présidente. Pardonnez-moi, monsieur Vatin : vous n’êtes pas
signataire de cet amendement. Vous ne pouvez donc pas le soutenir, mais vous
pourrez reprendre la parole ultérieurement si vous le
souhaitez.
L’amendement no 24158 de M. Brun est
défendu.
La parole est à Mme Sylvia Pinel, pour soutenir
l’amendement no 24438.
Mme Sylvia
Pinel. Cet amendement, dont nous devons l’initiative à Paul-André
Colombani, a pour objectif de maintenir le régime autonome de retraite des
avocats.
La Caisse nationale des barreaux français n’est pas
financée par l’État – elle n’est pas alimentée par la solidarité
nationale ; au contraire, elle reverse 100 millions au régime
général.
Cette caisse garantit l’indépendance des avocats, qui sont, nous
le savons, des acteurs indispensables de notre système judiciaire. Ils
permettent l’accès au droit des justiciables. Or la hausse des taux de
cotisation induite par votre réforme rendra plus coûteux le recours à leurs
services. Certains Français n’y auront donc plus accès.
Je m’inquiète par
ailleurs du maillage territorial de la profession, puisque votre projet va
fragiliser les jeunes avocats et certains cabinets, en particulier ceux qui
auront des problèmes de trésorerie, dont les clients sont principalement les
bénéficiaires de l’aide juridictionnelle. Cette réforme favorisera les cabinets
importants, bien souvent implantés dans les villes et dans les métropoles, et se
fera donc au détriment d’une partie du territoire et de nos concitoyens, qui
auront plus difficilement accès à la justice et au droit.
Mme la
présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir
l’amendement no 24962.
M. Dino
Cinieri. Actuellement, les avocats cotisent à un régime de retraite
totalement autonome, la Caisse nationale des barreaux français, créée en 1948
– 1948 ! –, qui ne coûte rien à l’État et qui est solidaire,
puisqu’elle reverse 100 millions d’euros au régime général.
La
nationalisation de leur régime serait injuste, car celui-ci, autofinancé, à
l’inverse de ceux de la SNCF, de la RATP ou d’EDF, payés par les contribuables,
n’a pas eu recours à l’État. Il n’a pas à être affilié au régime universel,
puisqu’il est excédentaire.
Cette nationalisation serait également
injuste car la retraite complémentaire, pour laquelle les avocats cotisent en
fonction de leur revenu, permet une redistribution solidaire des fonds de cette
corporation.
De nombreux professionnels du droit estiment que la réforme
aura un effet très négatif sur le statut des jeunes collaborateurs avocats dans
plusieurs barreaux et qu’un risque réel pèse sur l’accès au droit des Français,
de nombreux cabinets étant menacés de fermeture – ce qui créera des déserts
juridiques et judiciaires dans notre territoire.
Le projet de loi prévoit
que les cotisations retraite des avocats passeront de 14 % à 28 % sans
bénéfice pour les pensions. Il se pourrait même que les avocats les plus
modestes voient leurs pensions baisser de près de 30 %.
L’amendement
propose par conséquent de maintenir le régime autonome de retraite des avocats.
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Nous avons débattu de
ce sujet à plusieurs reprises en commission et dans l’hémicycle. Mon avis, qui
n’a pas varié, est défavorable.
J’aimerais toutefois souligner que nous
maintenons l’activité de la CNBF, qui continuera à fonctionner dans le cadre
d’une convention avec la future CNRU – nous discuterons de cette nouvelle
caisse lorsque nous examinerons l’article 54 du projet de
loi.
J’ajoute que nous ne touchons pas au fonds de réserve des avocats,
et qu’à aucun moment leur indépendance n’est remise en cause par la mise en
place du système universel de retraite. Pas davantage d’ailleurs que celle des
magistrats, des membres du Conseil constitutionnel ou des
parlementaires.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il est défavorable, pour
plusieurs raisons.
Le dernier argument du rapporteur est intéressant.
Vous êtes, mesdames et messieurs les députés, attentifs – à juste titre – à
votre indépendance, mais aucun d’entre vous ne s’inquiète de ce que votre régime
de retraite rejoigne le système universel. Les membres du Conseil
constitutionnel, pour qui la question revêt pourtant une certaine acuité, ne
s’en inquiètent pas non plus, me semble-t-il. Il faut donc savoir raison
garder.
Par ailleurs, comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises, j’ai
rencontré les représentants des avocats bien avant d’être nommé au Gouvernement
et je n’ai pas hésité à ouvrir le dialogue avec eux à un moment où, déjà, ils
exprimaient des réticences quant au système universel. Depuis plusieurs mois,
avec la garde des sceaux et le Premier ministre, nous les rencontrons
régulièrement à l’occasion de séances de travail destinées à trouver des
solutions, car nous pensons que les avocats ont une place importante dans notre
société et qu’ils contribuent à la justice au quotidien. La mise en place du
système universel de retraite ne changera rien à cela.
Monsieur Vigier,
vous avez affirmé que le Gouvernement allait capter les réserves des avocats.
C’est faux !
M. Ugo
Bernalicis. C’est vrai !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Non seulement c’est faux, mais
aucune des dispositions prévues par le projet de loi ne vous permet de tenir un
tel propos !
M. Damien
Abad. Elles vont financer la transition !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Puisque vous affirmez aussi
facilement cette contrevérité, que chacun pourra vérifier facilement, vous allez
sans doute nous dire que les réserves des professions libérales et de
l’AGIRC-ARRCO – Association générale des institutions de retraite des
cadres et Association des régimes de retraite complémentaire – vont aussi
disparaître !
C’est tout simplement faux.
M. Ugo
Bernalicis. Non, c’est vrai !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je suis très attaché à la
discussion du texte sur le fond, mais je me refuse à débattre d’affirmations
erronées.
Avec M. Vatin, vous avez également évoqué, monsieur
le député, l’importance qu’attachent les avocats aux mécanismes de
redistribution au sein de leur profession. Par ma voix et par celle du
haut-commissaire aux retraites, dans son rapport du 18 juillet 2019 pour un
système universel de retraite, le Gouvernement s’est toujours engagé à les
maintenir. Nous devons construire cette redistribution avec les avocats…
M. Ugo
Bernalicis. Il n’y a rien à construire !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …et réfléchir à la manière dont
elle peut être financée. C’est précisément notre intention.
Comme cela a
été souligné lors des échanges constructifs que nous avons eus avec Jean-Pierre
Door, nous pourrions tout à fait trouver des voies de rapprochement avec les
professions libérales. Je suis certain que nous en trouverons également avec les
avocats, et dans un climat serein. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Ugo
Bernalicis. C’est mal barré ! Ils bloquaient le tribunal de Paris
ce matin !
Mme la
présidente. La parole est à M. Damien Abad.
M. Damien
Abad. Pourquoi casser ce qui fonctionne ? Pourquoi remettre en
cause le régime autonome des avocats, qui ne coûte pas un euro d’argent public
au contribuable français ?
M. Thibault
Bazin. Qui rapporte, au contraire !
M. Damien
Abad. Au contraire, en effet. (M. Ugo Bernalicis
applaudit.)
Pourquoi casser un système qui est juste ? La
pension minimale des avocats est supérieure de 400 euros à celle que vous
proposez dans le régime universel.
Pourquoi casser un système
efficace, qui dégage 2 milliards d’euros de réserves ? Pourquoi casser
un système qui permet à chacun de partir à la retraite au moment de son
choix ?
M. Ugo
Bernalicis. Parce que ce sont des dogmatiques !
M. Damien
Abad. La suppression du régime autonome de retraite des avocats n’a tout
simplement aucun sens. Vous devez revenir sur cette mesure ! Il n’y a pas
d’autre solution possible !
Le grand problème de votre projet de
loi, c’est qu’au lieu d’aboutir à un système universel, il aboutit à un système
uniforme, qui casse les spécificités des métiers.
Vous dites que la CNBF
est maintenue : d’accord, mais à quel prix ? À quoi sert une caisse de
retraite quand elle ne peut plus prélever elle-même les cotisations ? Cela
n’a pas de sens !
M. Ugo
Bernalicis. Exactement !
M. Damien
Abad. Vous dites aussi, monsieur le secrétaire d’État : « Ne
vous inquiétez pas, dormez tranquilles, chers amis avocats, vous bénéficierez
d’un abattement de CSG ! ». Pouvez-vous certifier devant la
représentation nationale que cette mesure est constitutionnelle ?
Pouvez-vous nous garantir qu’elle ne sera pas remise en cause dans les projets
de loi de finances futurs ?
M. Ugo
Bernalicis. Il n’en a pas parlé !
M. Damien
Abad. C’est un abattement de papier, une chimère ! Les avocats
l’ont bien compris, la mesure est anticonstitutionnelle. Et quand bien même elle
serait validée, elle serait remise en cause dans le prochain projet de loi de
finances. (M. Ugo Bernalicis applaudit.)
Vous
avez dit, enfin, qu’il ne serait pas touché aux réserves du régime des avocats.
Certes, mais vous faites pire : vous les asséchez en demandant aux avocats
de financer eux-mêmes la transition de leur régime vers le système universel,
qui leur sera moins favorable… (M. Ugo Bernalicis applaudit.)
M.
Jean-Jacques Bridey. Cela s’appelle la solidarité !
M. Damien
Abad. Franchement, il faut savoir raison garder ! Revenez sur la
suppression du régime autonome des avocats : tout le monde en sortira
grandi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo
Bernalicis. Il est vraiment mesquin d’affirmer que la CNBF est
maintenue ! Les avocats continueront de s’occuper de la gestion
administrative de leurs retraites pour appliquer votre réforme pourrie… Peut-on
vraiment parler d’une victoire ?
Vous dites que vous ne toucherez
pas à leur fonds de réserve. Certes, vous n’y touchez pas formellement ;
mais, en plus de faire passer leur cotisation de 14 % à 28 %, vous
leur demandez de se payer la vaseline de transition ! (Exclamations sur
les bancs du groupe LaREM.)
Voilà à quoi serviront les
réserves : les avocats vont financer eux-mêmes la transition de leur régime
vers le système universel de retraite ! C’est tout à fait scandaleux !
Vous ne leur apportez aucune garantie sur le sujet !
Lorsqu’on parle
de l’indépendance des avocats, on ne parle pas de l’indépendance de leur caisse
de retraite. Votre réforme remet en cause l’économie générale des cabinets, et
notamment celle des plus petits d’entre eux. Elle remet en cause la capacité de
la profession à accepter ou refuser les dossiers en toute indépendance, au tarif
de son choix. Telle est la réalité !
L’article 45 du projet de
loi d’accélération et de simplification de l’action publique confie le travail
des avocats aux assureurs. Il est cohérent avec vos velléités en matière d’aide
juridictionnelle – celle-ci relèvera désormais d’avocats salariés, qui
deviendront des salariés pauvres parce que leurs clients seront des pauvres,
dans le cadre d’appels d’offres auprès de gros cabinets – et avec les
mesures prévues dans le présent projet de loi. En vérité, vous voulez diminuer
le nombre des avocats !
Les chiffres sur la démographie des avocats
que vous présentez dans le rapport du Conseil d’orientation des retraites ne
tiennent pas la route ! Nous avons besoin de davantage d’avocats :
leur nombre par habitant est moins important en France que dans les autres pays
européens.
Quant au libre choix de l’avocat, en vigueur dans de nombreux
pays, si vous y croyiez vraiment, vous l’inscririez dans la Constitution !
Or cela ne faisait pas partie des mesures prévues par la réforme
constitutionnelle. C’est pourtant le cas dans de nombreux pays !
Mme
Mathilde Panot. Excellent !
M. Bastien
Lachaud. Bien dit !
Mme la
présidente. Je vous invite à soigner le langage et les images que vous
utilisez, monsieur le député.
La parole est à M. Sébastien
Chenu.
M.
Sébastien Chenu. L’important est d’anticiper les conséquences de la
réforme des retraites que vous imposez aux Français. Or ces conséquences ont
déjà été observées pour d’autres professions indépendantes. Aujourd’hui, il n’y
a plus de médecins de campagne, plus de médecins de famille, et les maires et
les élus locaux s’échinent à trouver des solutions pour les faire
revenir.
Demain, du fait de votre réforme, il n’y aura plus d’avocats de
proximité, et je sais que l’on y reviendra ici un jour pour déplorer ses
conséquences en ce qui concerne les avocats. Vous êtes en train d’abîmer
l’attractivité de cette profession au détriment en particulier, évidemment, des
petits cabinets et des modestes avocats isolés, ceux qui font de l’aide
juridictionnelle au quotidien. Vous êtes en train d’’« uberiser » et
de paupériser la profession d’avocat, au bénéfice des gros cabinets.
Mes
collègues et moi demandons à notre assemblée de ne pas avoir une vision
dogmatique de la question et de reconnaître que la Caisse nationale des barreaux
français ne pose aucun problème : elle fonctionne, n’y touchez pas !
Laissez les avocats gérer cette caisse eux-mêmes – il n’y a à cet égard
aucune garantie dans ce que le texte prévoit. Sinon, demain, on ne pourra que
déplorer que vous ayez tué les avocats de proximité.
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour un rappel au
règlement.
M.
Jean-Pierre Door. Sur le fondement de l’article 100, alinéa 5,
madame la présidente, pour rappeler que nous débattons du maintien des caisses
autonomes, en l’espèce celle des avocats. Je voudrais revenir un instant sur
celle des médecins…
Mme la
présidente. Monsieur Door, ce n’est pas un rappel au règlement.
M.
Jean-Pierre Door. Mais si, madame la présidente, pour répondre à ce qui
a été dit. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)…
Mme la
présidente. Non : ce n’est vraiment pas possible.
M. Thibault
Bazin. Un peu d’indulgence, madame la présidente !
M.
Jean-Pierre Door. Une seule observation, adressée à M. le
secrétaire d’État (Mêmes mouvements), parce que j’ai tout à l’heure été
interpellé sur le fait que les médecins à trois PASS étaient rares. Je
tiens seulement à préciser que les caisses concernées ont confirmé que jusqu’à
un PASS, leur pension serait réduite de 37 %, à deux PASS de 32 %, et
à trois PASS de 26 %. Il ne faudrait pas en plus qu’ils soient soumis à la
CSG.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Laetitia Avia.
Mme
Laetitia Avia. Pour en revenir à la question des avocats, je note qu’on
a entendu beaucoup de contrevérités, mais également des éléments d’information
véridiques. Est-ce que la CNBF assure une bonne gestion de la retraite des
avocats ? La réponse est oui, et c’est pourquoi nous la maintenons comme
organe de gestion des retraites et des réserves, et comme interlocuteur
unique.
M. Damien
Abad. Mais elle est vidée de son sens !
Mme
Laetitia Avia. Est-ce qu’il y aura une baisse des pensions ?
M. Hervé
Saulignac. Oui !
Mme
Laetitia Avia. La réponse est non.
M. Damien
Abad. Le montant minimum va baisser !
Mme
Laetitia Avia. Il faut absolument combattre cette contrevérité : la
pension augmentera de 13 % pour un revenu annuel de 32 000 euros,
de 24 % pour un revenu annuel de 40 000 euros et de 11 %
au-dessus. Non, il n’y aura pas de baisse des pensions, il faut arrêter de
prétendre le contraire et d’agiter un chiffon rouge ! (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
S’agissant des cotisations, il
n’y aura pas d’augmentation jusqu’en 2029 – et je me permets de rappeler
que la CNBF a d’ores et déjà voté une augmentation des cotisations.
M.
Jean-Jacques Bridey. Eh oui !
Mme
Laetitia Avia. Leur taux ne passera pas de 14 % à 28 %. Il
faut, là aussi, se reporter à ce qui est vraiment prévu dans le
texte.
Quant à l’abattement de 30 %, il ne concernera pas que les
avocats, mais toutes les professions libérales (Mme Cendra Motin
applaudit), et j’invite ceux qui s’interrogent sur son caractère
constitutionnel à lire le paragraphe 52 de l’avis du Conseil d’État : il
confirme que cette interrogation n’a pas lieu d’être. (Mme Cendra Motin
applaudit.) Cet abattement compensera l’absence de prise en charge d’une
partie de la cotisation par l’employeur.
Le vrai sujet, ce sont les
petits cabinets et l’avenir de la solidarité qui existe aujourd’hui entre
ceux-ci et les gros cabinets à forts revenus. Car cette solidarité est une
richesse de la profession d’avocat et elle doit être préservée. C’est bien
pourquoi le Gouvernement a déposé un amendement à cet effet.
Ainsi sera
maintenu ce qui fonctionne bien dans la profession : on restera dans un
système solidaire, qui est à valoriser.
M. Ugo
Bernalicis. Et comment ? Avec de la poudre de
perlimpinpin ?
Mme
Laetitia Avia. Vous demandez, monsieur Abad, pourquoi il faut changer
les choses. Mais c’est parce que – toutes les études le montrent – le système ne
fonctionne déjà plus aujourd’hui ; et ce sera pire encore d’ici quelques
années.
Plusieurs députés du groupe
LR. C’est faux !
M. Ugo
Bernalicis. Vous mentez !
Mme
Laetitia Avia. Doit-on détourner le regard et attendre d’être contraint,
demain, de réformer le régime de retraite des avocats, ou anticiper en apportant
dès aujourd’hui des solutions pour tous ? (Applaudissements sur de
nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Damien
Abad. Aucun avocat ne vous croit !
M. Ugo
Bernalicis. Allez-y, continuez à intervenir : vous encouragez la
grève !
Mme la
présidente. La parole est à M. Hervé Saulignac.
M. Hervé
Saulignac. Nous venons d’assister à une belle plaidoirie de maître Avia,
mais je ne suis pas certain qu’elle convainque l’ensemble des avocats de ce
pays. Je suis moi-même allé à la rencontre des avocats de mon département, qui
connaissaient ce texte par cœur et avaient apprécié de manière très fine les
risques. Et j’ai découvert une réalité de leur métier, que je ne connaissais
pas. Je suis l’élu d’un département rural, l’Ardèche, où 70 % des avocats
travaillent seuls. Ils n’ont ni cabinet ni associés, et ont déjà anticipé pour
certains ce qui va leur arriver : pour les uns, cela consiste à rechercher
un travail salarié, pour d’autres, à se séparer de sa secrétaire ou à la faire
passer à temps partiel. Ne sous-estimez pas le mouvement des avocats : ils
sont absolument déterminés et convaincus que la méthode que vous employez à leur
égard est incompréhensible. Leur caisse, qui est équilibrée et même
excédentaire, contribue au financement du régime général ; elle n’a donc
nul besoin de la solidarité nationale. Ils ne comprennent pas l’autoritarisme
dont le Gouvernement fait preuve à leur égard.
Comme c’est à la mode et
que j’ai cru comprendre que le Gouvernement maniait parfois la formule du
retrait provisoire,…
M. Damien
Abad. Qu’il passe à la formule du retrait abrogatoire !
M. Hervé
Saulignac. …je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de prononcer
le retrait provisoire du dispositif, ce qui vous permettra de reprendre avec eux
des discussions apaisées et de trouver une sortie par le haut.
Plusieurs députés du groupe
LR. Très bien !
Mme la
présidente. La parole est à M. Bruno Fuchs.
M. Bruno
Fuchs. Il y a un conflit social, mais une grande partie des avocats
discutent bien sûr avec les parlementaires, mais aussi avec le Gouvernement.
M. Ugo
Bernalicis. Pipeau !
M. Bruno
Fuchs. Mais on voit, jusque dans cet hémicycle, nombre de partis
politiques faire preuve de beaucoup de démagogie et s’engouffrer dans cette
brèche. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe LR.)
M. Damien
Abad. C’est vous le démago !
M.
Jean-Jacques Bridey. Laissez-le parler !
Mme la
présidente. Poursuivez, monsieur Fuchs.
M. Bruno
Fuchs. Vous me répondrez après si vous le souhaitez, mes chers
collègues.
M. Thibault
Bazin. On n’aura pas le droit !
M. Bruno
Fuchs. Vous avez un exemplaire du règlement à votre disposition,
saisissez-vous en si je me trompe.
Une partie de l’hémicycle prétend
défendre les avocats alors qu’une des premières dispositions de son
contre-projet, c’est de siphonner l’ensemble des réserves de leur caisse !
(« Eh oui ! » sur
quelques bancs du groupe LaREM.) C’est tout de même assez
paradoxal.
Gouverner, c’est prévoir. Rappelons d’abord que dès lors que
le système est universel, il n’y a pas de raison de ne pas intégrer les avocats
dans ce régime général de solidarité, qui fonctionnera à 99 % selon le
principe de la répartition. Prévoir, ai-je dit : leur démographie était de
dix actifs pour un inactif il y a quinze ans, le ratio est de 4,1 pour 1
aujourd’hui ; que se passera-t-il dans dix ans ou dans quinze ans ?
Peut-être le ratio sera-t-il de 2 pour 1, voire de 1 pour 1… Nul ne le sait. Il
s’agit donc de protéger les avocats par les dispositions proposées dans ce
texte.
La question qui demeure bien évidemment en suspens, c’est la
conclusion des négociations. Et je demande à cet égard à tous les acteurs, au
Gouvernement comme aux avocats, de revenir à un état d’esprit plus constructif.
C’est la nature de cette négociation qu’il convient d’apaiser, mais les mesures
elles-mêmes n’ont pas à être remises en cause. On a bien vu qu’il n’y aura pas
d’augmentation des cotisations d’ici à 2029, et que l’objet des négociations
porte donc uniquement sur la période de 2029 à 2040. (M. Brahim Hammouche
applaudit.)
Mme la
présidente. Je crains que l’emploi du terme « démagogie »
n’ait suscité quelques rappels au règlement, monsieur Fuchs. (Approbation
sur les bancs du groupe LR.)
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Damien Abad, pour le premier rappel
au règlement.
M. Damien
Abad. En effet, madame la présidente. Une remarque liminaire : ce
n’est pas parce qu’on ne pense pas comme vous, monsieur Fuchs, qu’on est dans la
démagogie. Je respecte votre position et vos arguments même si ce ne sont pas
les miens, je ne vous traite pas de démagogue, et j’aimerais que la réciproque
soit vraie. À toujours traiter les oppositions de démagogiques, on crée de
l’antiparlementarisme, ce dont ni vous ni moi ne voulons.
Sur le
fondement de l’article 100, mon rappel au règlement vise à poser à
M. le secrétaire d’État une question d’ordre constitutionnel : notre
groupe ayant des doutes sur la constitutionnalité de l’amendement gouvernemental
sur les abattements, avez-vous aujourd’hui des arguments permettant de rassurer
la représentation nationale et, au-delà, vous engager à ce que cette disposition
fiscale ne soit pas remise en cause dans les prochaines lois de finances ?
Il y a un besoin à ce stade d’éléments concrets, parce que c’est aujourd’hui un
marché de dupes.
M. Frédéric
Petit. Ce,’est pas un rappel au règlement !
M. Damien
Abad. Il faut des réponses claires. Les avocats demandent à notre
assemblée une chose : ne pas les faire entrer dans un régime universel ne
correspondant pas au régime autonome qui leur permet actuellement d’avoir un
niveau de vie convenable après leur retraite. Je souligne par ailleurs qu’ils
partent à la retraite à 65 ans en moyenne :ils n’ont aucune leçon à
recevoir de qui que ce soit sur leur contribution au système de la solidarité
nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
– M. Ugo Bernalicis et
M. Alain Bruneel applaudissent également.)
Mme la
présidente. Monsieur Jumel, sur quel article se fonde votre rappel au
règlement ?
M.
Sébastien Jumel. Il se fonde sur l’article 100, alinéa 5,
l’opposition ayant été traitée de démagogique, ce qui n’est évidemment pas
acceptable. La majorité et le Gouvernement oublient une chose : le Conseil
national des barreaux continue de dire que le Gouvernement n’apporte aucune
réponse aux droits acquis à la retraite dans le système actuel. Par ailleurs,
Mme Avia a menti devant la représentation nationale : si la pension
augmentera de 13 % pour des avocats ayant gagné 32 000 euros sur
l’année, elle omet de préciser que ce calcul intègre un taux de cotisation qui
sera multiplié par deux.
M. Thibault
Bazin. Il a raison !
M.
Sébastien Jumel. Le Conseil national des barreaux en fait la
démonstration. Enfin, la constitutionnalité de la mesure de compensation rend
notre groupe plus que dubitatif, car nous sommes certains qu’elle est
inconstitutionnelle comme contrevenant au principe de l’égalité devant l’impôt.
Monsieur le secrétaire d’État, précisez ce qu’il en est !
M. Hervé
Saulignac. Quelle technique juridique !
Mme la
présidente. La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo
Bernalicis. J’invoque un fait personnel au titre de l’article 58,
alinéa 1, et mon rappel au règlement se fonde sur l’article 100,
madame la présidente. Je tiens à redire, à destination de certains collègues qui
ne savent pas lire ou qui ne veulent pas comprendre, ce que rappelle le
contre-projet sur les retraites de notre groupe : il n’est pas question
pour nous de prendre dans les réserves de la caisse autonome des avocats, mais
de savoir qu’à l’heure où nous parlons, il y a 150 milliards de réserves
dans diverses caisses, y compris dans celle du régime général, ce qui permet de
voir venir. Les avocats eux-mêmes financent leurs réserves pour pouvoir les
utiliser le moment venu, c’est-à-dire seulement quand ils en décideront.
M. Frédéric
Petit. Vous défendez donc la capitalisation, maintenant !
M. Ugo
Bernalicis. Le problème, c’est que vous allez les obliger, monsieur le
secrétaire d’État, à taper dans leurs réserves pour appliquer votre réforme
pourrie. Vous pouvez faire semblant de ne pas savoir lire, chers collègues, mais
c’est bien de cela dont on est en train de parler !
Mme la
présidente. Monsieur Bernalicis, ce n’est pas vraiment un rappel au
règlement ni un fait personnel. (« Eh
oui ! » sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Ugo
Bernalicis. C’est une mise en cause personnelle, dont j’ai fait l’objet
à travers celle de notre contre-projet, et mon rappel au règlement porte sur la
tenue de nos débats.
Mme la
présidente. Mais vous êtes en train de réintervenir sur le fond des
amendements, ce qui ne peut relever d’un rappel au règlement ni d’un fait
personnel.
M. Ugo
Bernalicis. Madame la présidente, saviez-vous que la Caisse nationale
des barreaux français gère aussi l’action sociale des avocats et que, demain, ce
ne sera plus possible ? Voilà aussi la vérité de ce qu’ils mettent en
place !
Mme la
présidente. Que les choses soient claires : on ne peut pas utiliser
un article du règlement, en l’espèce l’article 100, pour relancer le débat
sur le fond.
M.
Sébastien Jumel. Moi, je ne le fais jamais !
(Sourires.)
Mme la
présidente. Monsieur Fuchs, votre rappel au règlement est-il vraiment
indispensable ? Sur quel fondement ?
M. Bruno
Fuchs. Sur le fondement de l’article 100, alinéa 5, comme mes
collègues. (Mouvements divers.)
Mme la
présidente. Ne serait-ce pas pour réintervenir sur le fond ?…
M. Bruno
Fuchs. Non, pas du tout. il s’agit seulement de préciser mes propos
précédents : je n’ai cité personne en évoquant des propos démagogiques. Si
certains se sont sentis visés, je comprends qu’ils aient réagi, mais je répète
que je n’ai cité personne.
Mme la
présidente. Vous avez cité tous les groupes.
M. Bruno
Fuchs. C’était une constatation d’ordre général. (Applaudissements
sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Thibault
Bazin. Mais arrêtez de généraliser !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.
M.
Sébastien Jumel. Un peu de sagesse dans ce monde de brutes !
M. Thierry
Benoit. Lorsqu’on soutient le principe du système universel de retraite
par points, ce qui est mon cas, ce qui est le cas des centristes depuis
plusieurs législatures, je ne vois pas d’obstacle à ce qu’il soit élargi un jour
aux professions libérales. Leurs caisses autonomes sont bien gérées en 2020, de
par leurs ressources et de par leur démographie, mais le jour où la situation
aura changé, peut-être que les gestionnaires de ces caisses souhaiteront
intégrer le système universel.
Je fais partie de ceux qui veulent
améliorer les conditions de retraite des petits exploitants agricoles, des
artisans et des indépendants, donc de celles et ceux qui ont des pensions
modestes. Sur ce point, l’universalité du nouveau système va demander des
efforts de solidarité aux gens qui ont aujourd’hui de beaux revenus et de belles
retraites. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. –
M. Frédéric Petit applaudit également.)
Il me
semble que le fait d’intégrer certaines professions dans un système universel
permettrait de renforcer la solidarité. (M. Jacques Maire applaudit.) En
revanche – je terminerai par là –, le groupe UDI, Agir et indépendants
a déposé un amendement no 10916…
Mme la
présidente. Nous y viendrons, monsieur Benoit.
M. Thierry
Benoit. …visant à sanctuariser les caisses autonomes qui existent
actuellement. Il y a là un enjeu important pour assurer la transition vers le
système universel. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine
Dubié. Le débat autour de la retraite des avocats me paraît
symptomatique de la façon dont ce projet de réforme a été géré et de
l’accélération du calendrier imprimée depuis le mois de décembre. Je crois que
le Gouvernement n’a pas pris suffisamment de temps pour approfondir les
négociations, avec les représentants des salariés – la preuve en est que
ces négociations se poursuivent en parallèle de nos débats dans
l’hémicycle –, mais aussi avec l’ensemble des acteurs.
Car si on
parle beaucoup des avocats, ils ne sont pas les seuls concernés. La question
touche toutes les caisses autonomes, lesquelles, s’étant organisées de manière
corporatiste, ne demandent rien à la solidarité nationale…
M. Jacques
Maire. Et pour cause !
Mme Jeanine
Dubié. …et assurent aussi – reconnaissons-le – des prestations
d’action sociale au sein de leur régime, comme notre collègue Bernalicis l’a
rappelé.
M. Ugo
Bernalicis. Eh oui !
Mme Jeanine
Dubié. Cette dimension n’est pas suffisamment prise en
considération.
Je m’inquiète aussi pour les territoires ruraux ou de
montagne, parce que certaines dispositions contenues dans le projet de loi
risquent d’y fragiliser la représentation des professions libérales.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe FI.)
Un proverbe
me vient à l’instant à l’esprit : « Qui trop embrasse mal
étreint. » Il me semble que c’est tout le problème de cette réforme.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur plusieurs bancs du groupe
LR.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix l’amendement no 24779.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 82
Nombre
de suffrages
exprimés 77
Majorité
absolue 39
Pour
l’adoption 20
Contre 57
(L’amendement no 24779 n’est pas
adopté.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 24157, 24158, 24438 et 24962.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 77
Nombre
de suffrages
exprimés 75
Majorité
absolue 38
Pour
l’adoption 20
Contre 55
(Les amendements identiques nos 24157,
24158, 24438 et 24962 ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Pour votre information, chers collègues, nous avons examiné,
depuis le début des débats en séance, trente amendements par heure. Ce matin,
nous en avons examiné cinquante-deux par heure. (Approbation sur divers
bancs. – M. Ugo Bernalicis
applaudit.)
M. Thierry
Benoit. Attention, c’est limité à quatre-vingts !
Mme la
présidente. Je livre cette information à vos réflexions avant la
poursuite de nos débats.
La suite de la discussion est renvoyée à la
prochaine séance.
2
Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la
présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze
heures :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un
système universel de retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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