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Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Première séance du mardi 25 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de M. Richard Ferrand
1.
Questions au Gouvernement
Coronavirus
M. Olivier
Faure
M. Édouard
Philippe, Premier ministre
Système
universel de retraite
M. Damien
Abad
M. Édouard
Philippe, Premier ministre
M. Damien
Abad
Épreuves
communes de contrôle continu du baccalauréat
M. Philippe
Latombe
M. Jean-Michel
Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse
Réforme
des retraites
M. André
Chassaigne
M. Édouard
Philippe, Premier ministre
Négociations
commerciales agricoles
M. Thierry
Benoit
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des
finances
Réforme
des retraites
M. Éric
Coquerel
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Coronavirus
Mme Valérie
Thomas
M. Adrien
Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la
santé
Coronavirus
M. Éric
Ciotti
M. Adrien
Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la
santé
Lutte
contre le séparatisme islamiste
M. Éric
Poulliat
M. Christophe
Castaner, ministre de l’intérieur
M. Éric
Poulliat
Coronavirus
Mme Marine
Brenier
M. Édouard
Philippe, Premier ministre
Agenda
rural
M. Daniel
Labaronne
Mme Jacqueline
Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les
collectivités territoriales
Revalorisation
des petites retraites
M. Sébastien
Jumel
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Prévention
du risque de submersion et d’inondation
M. Patrick
Loiseau
Mme Élisabeth
Borne, ministre de la transition écologique et solidaire
Soutien
aux agriculteurs
M. Maxime
Minot
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement
Accès
aux soins des personnes en difficulté
M. Jean-Michel
Clément
M. Adrien
Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la
santé
Retraites
des agriculteurs
M. Dominique
Potier
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement
Accès
à la haute fonction publique
Mme Laurianne
Rossi
M. Olivier
Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes
publics
Soutien
aux agriculteurs
M. Loïc
Prud’homme
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement
Lutte
contre la délinquance en Polynésie
Mme Nicole
Sanquer
M. Christophe
Castaner, ministre de l’intérieur
Nomination
à la Cour des comptes
M. Patrick
Hetzel
M. Gérald
Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics
M. Patrick
Hetzel
M. Gérald
Darmanin, ministre
Difficultés
des agriculteurs
M. Charles
de Courson
M. Christophe
Castaner, ministre de l’intérieur
M. Charles
de Courson
Situation
des éleveurs bovins
M. Jean-Paul
Dufrègne
M. Bruno
Le Maire, ministre de l’économie et des finances
M. Jean-Paul
Dufrègne
Mesures
en faveur du retour à l’emploi
Mme Marguerite
Deprez-Audebert
Mme Muriel
Pénicaud, ministre du travail
Lutte
contre les punaises de lit
Mme Mathilde
Panot
Mme Jacqueline
Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les
collectivités territoriales
Mme Mathilde
Panot
Réforme
du baccalauréat
M. Frédéric
Reiss
Mme Frédérique
Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de
l’innovation
Frais
bancaires
M. François
Jolivet
M. Bruno
Le Maire, ministre de l’économie et des finances
Lutte
contre le cancer
Mme Claudia
Rouaux
Mme Christelle
Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la
santé
Suspension
et reprise de la séance
2.
Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes
M. le
président
Mme
Sophie Moati doyenne des présidents de chambre de la Cour des comptes
M. Éric
Woerth, président de la commission des finances, de l’économie générale et du
contrôle budgétaire
M. Laurent
Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie
générale et du contrôle budgétaire
M. le
président
Suspension
et reprise de la séance
Présidence
de M. Hugues Renson
3.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (suite)
Rappel
au règlement
Mme Mathilde
Panot
M. Jacques
Maire
Article 2
(suite)
Amendement no 24927
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Amendements nos 11686
, 11687
, 26738,
29814, 29815, 29816, 29817, 29818, 29819, 29820, 29821, 29822, 29823, 29824,
29825, 29826, 29827, 29828 , 23428
, 42583
(sous-amendement) , 42558
(sous-amendement) , 42561
(sous-amendement) , 23429
, 42559
(sous-amendement) , 42562
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
M. Alexis
Corbière
Article 2
(suite)
Rappel
au règlement
M. Jean-Luc
Mélenchon
4.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
M. Richard Ferrand
M. le
président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
1
Questions au Gouvernement
M. le
président. L’ordre du jour appelle les questions au
Gouvernement.
Coronavirus
M. le
président. La parole est à M. Olivier Faure.
M. Olivier
Faure. Monsieur le Premier ministre, à ce jour, près de
80 000 personnes ont été contaminées par le coronavirus dans le monde.
En Europe, ce sont nos voisins et amis italiens qui sont aujourd’hui les plus
touchés. Je tiens à leur dire, en notre nom à tous, notre
solidarité.
Votre ministre de la santé est à Rome, avec ses homologues
européens car, à l’évidence, la réponse doit faire l’objet d’une coordination
étroite. Le pire n’est heureusement jamais certains, mais pour conjurer la
menace, il faut de la coopération, du sang-froid et de l’unité, pour permettre à
nos personnels soignants, déjà très durement éprouvés, de travailler dans les
meilleures conditions. Je tiens évidemment à saluer leur
dévouement.
S’agissant de cette épidémie, les polémiques et les
surenchères sont non seulement indécentes, mais encore dangereuses : il
n’est pas nécessaire d’ajouter à la crise un climat de psychose. C’est pourquoi
je vous demande, monsieur le Premier ministre, de faire toute la transparence
sur la gestion de cette épidémie. C’est la condition nécessaire pour créer un
climat de confiance, qui permette la mobilisation de tous et la stigmatisation
d’aucun. À cet égard, les manifestations d’hostilité envers nos compatriotes
d’origine asiatique sont tout aussi irrationnelles qu’inadmissibles.
Pour
ces raisons, je souhaite que, comme pour l’état d’urgence, vous réunissiez les
chefs de partis et présidents de groupes parlementaires. Je suggère également
que l’ensemble des élus – notamment nos maires, tant de métropole que
d’outre-mer – soient étroitement associés aux plans qui vont être
développés, car ce sont eux qui sont d’ores et déjà interpellés très directement
sur le terrain.
Monsieur le Premier ministre, dans ce combat-là, personne
ne doit ni ne saurait manquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe
SOC.)
M. le
président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Vous vous en doutez, la priorité
unique et absolue du Gouvernement est bien de protéger nos concitoyens contre le
risque sérieux d’une épidémie du coronavirus.
M. Thibault
Bazin. Pas les samedi et dimanche !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. S’il est apparu en Chine, tout
indique qu’il se transmet peu à peu partout dans le monde et que nous nous
trouvons dans une situation qui pourrait se traduire par une pandémie – ce
n’est pas moi qui le dis, mais l’organisation mondiale de la santé,
l’OMS.
Je vais répondre aux interrogations que vous avez formulées. Tout
d’abord, comme vous l’avez indiqué, le ministre des solidarités et de la santé,
Olivier Véran, est en effet aujourd’hui à Rome, où il rencontre ses homologues,
notamment ceux des pays frontaliers de l’Italie. Il est évident qu’une
coordination au niveau européen est indispensable pour faire face à la crise. La
France a d’ailleurs été le premier pays de l’Union européenne à l’appeler de ses
vœux. Même si nous sommes légèrement en dehors des compétences traditionnelles
de l’Union européenne, il est indispensable, au vu de la libre circulation des
personnes, de pouvoir se parler, prendre des décisions en commun et coordonner
les actions. En avance sur ses partenaires, c’est ce qu’a fait la France dès le
début de l’épidémie. Je me réjouis donc qu’Olivier Véran soit aujourd’hui à Rome
pour avancer en la matière. Vous indiquez à juste titre que le risque d’épidémie
impose une coordination parfaite et une information transparente : c’est ce
que nous faisons. Vous le savez, un point presse se tient tous les jours au
ministère des solidarités et de la santé. Le directeur général chargé du sujet
ou le ministre expose le plus précisément possible les faits, les incertitudes
– car il est tout aussi important de dire ce que nous ne savons pas que ce
que nous savons pas –, l’état de nos connaissances et les mesures que nous
prenons. Dans le même souci de transparence, j’ai adressé aujourd’hui à
l’ensemble des maires de France et des présidents des conseils départementaux et
régionaux, un courrier indiquant les mesures que nous avons déjà prises et
l’état de nos connaissances à ce jour. Cela étant, je préfère être parfaitement
clair : nos connaissances évoluent forcément avec les jours qui
passent ; pour faire face au problème, nous devons évidemment réactifs et
prendre, au fur et à mesure, les décisions qui s’imposent.
Un mot de
notre degré de préparation. Dès l’apparition du virus en Chine, nous avons
organisé, avec l’accord et en bonne intelligence avec les autorités chinoises,
le rapatriement vers le territoire national d’un certain nombre de nos
concitoyens. À la demande de certains pays européens, nous en avons profité pour
procéder au rapatriement de plusieurs citoyens européens. De l’avis général, les
opérations de rapatriement ont été remarquablement organisées. Je ne le dis pas
pour m’en satisfaire en tant que chef de gouvernement, mais parce que cela
signifie que les services de l’État et les élus locaux concernés, ainsi que
l’ensemble de ceux qui ont contribué à ces opérations, ont fait un remarquable
travail. Je tiens à les en féliciter. (Applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM, MODEM, SOC, GDR et FI.)
Il faut également saluer le
travail remarquable réalisé par les services de santé, les services
administratifs et les élus locaux lorsque des cas ont été identifiés aux
Contamines-Montjoie. Là encore, de l’avis général, les opérations ont été
remarquablement conduites (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.
– Mme Naïma Moutchou applaudit
également) et nous devons le dire, non pas pour garantir qu’il n’y aura
jamais de problème, mais pour se féliciter que le système français soit vigilant
et alerte sur ces sujets.
Enfin, nous avons veillé à ce que le dispositif
français soit prêt. L’ensemble des centres hospitaliers universitaires
– CHU – et soixante-dix hôpitaux supplémentaires disposant d’un
service d’aide médicale d’urgence – SAMU – sont particulièrement
vigilants et prêts, partout sur le territoire à accueillir d’éventuels malades.
Il n’y a actuellement aucun malade atteint du coronavirus hospitalisé en
France.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ah ?
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Aucun.
M. Thibault
Bazin. Vous n’en savez rien !
M. Pierre
Cordier. Comme d’habitude…
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Il n’y en a aucun à ce stade, mais
nous maintenons bien entendu notre vigilance et nous serons toujours
complètement transparents sur le sujet, car c’est une condition indispensable à
la confiance des citoyens.
Je suis un peu long, mais le sujet mérite que
ma réponse soit complète.
Monsieur le député, vous me demandez de réunir
à Matignon les présidents des partis politiques et des groupes
parlementaires : j’y suis bien entendu tout à fait disposé. Dans le même
esprit que le courrier que j’ai adressé à l’ensemble des maires et des
présidents de conseils départementaux et régionaux, je me tiens à la disposition
de l’ensemble des présidents de partis politiques et des groupes
parlementaires…
M. Maxime
Minot. Et nous ?
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, vous m’avez
entendu : j’ai indiqué « l’ensemble des présidents de partis
politiques et des groupes parlementaires ». Je suis à votre disposition
pour organiser une réunion qui permettra de vous informer très exactement de la
situation, même si nous devons être conscients que celle-ci exigera la prise de
mesures au fur et à mesure que nous en saurons plus. (Applaudissements sur
les bancs des groupes LaREM, MODEM et SOC.
– Mme Caroline Fiat applaudit
également.)
Système universel de retraite
M. le
président. La parole est à M. Damien Abad.
M. Damien
Abad. Monsieur le Premier ministre, une seule question se pose
aujourd’hui : s’agissant de la réforme des retraites (Exclamations sur
les bancs du groupe LaREM), allez-vous, oui ou non, utiliser l’article 49,
alinéa 3 ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. le
président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Merci de votre question, qui a le
mérite d’être simple. (Sourires. – Exclamations sur
quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Pierre
Cordier. Et claire !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Et claire ! Je ne suis pas sûr
d’être aussi concis dans ma réponse que vous l’avez été dans votre question,
monsieur le député.
Plusieurs députés du groupe
LR. Mais serez-vous aussi clair ?
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Je vais essayer. Comme vous le savez,
le Président de la République et la majorité se sont engagés à instaurer un
système universel de retraite par répartition et par points.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Venons-en aux faits !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. C’est un projet ambitieux, compliqué,
discuté…
M. Fabien Roussel et M.
Michel Herbillon. Discutable !
M. Thibault
Bazin. Mal rédigé !
M. Pierre
Cordier. Pas universel !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. …contesté. Je le dis
sérieusement : il est contesté, il est discuté…
M.
Jean-Paul Lecoq. Rejeté, surtout !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. …et c’est tout naturel. Après que
nous avons beaucoup travaillé et que nous en avons longuement discuté,
l’Assemblée nationale a été saisie de ce projet de loi qui, par construction,
fait l’objet d’une opposition et de propositions d’amendement : c’est
légitime, c’est ainsi que les choses doivent se passer à l’Assemblée
nationale.
Mme Elsa Faucillon et M.
Jean-Luc Mélenchon. Ah !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. J’observe que depuis maintenant plus
de huit jours que le projet de loi a été ici présenté, l’Assemblée
nationale a consacré beaucoup de temps à discuter certes de l’esprit de la
réforme…
M. Thibault Bazin et M.
Frédéric Reiss. De l’article 1er, surtout !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. …mais que neuf heures ont également
été consacrées à la discussion sur l’intitulé du titre Ier, et un
temps considérable passé à se poser la question de savoir s’il fallait remplacer
le terme « considérant » par « eu égard »,
« annuellement » par « chaque année » ou « chaque
année » par « annuellement » ! (Applaudissements sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Le temps consacré à ces échanges
– je ne le conteste pas, il est parfaitement respectable – ne me
paraît pas porter sur le sens profond d’une réforme ambitieuse pour l’ensemble
de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Fabien
Roussel. Dites la vérité sur l’âge d’équilibre !
M. Stéphane
Peu. À quel âge pourra-t-on partir à la retraite ?
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Autrement dit, mon ambition est
évidemment que le débat puisse avoir lieu, qu’il soit le plus sérieux, le plus
approfondi et – ne le prenez pas comme une critique – collectivement,
le plus intelligent possible…
Mme Elsa
Faucillon. Vous n’avez qu’à répondre aux questions !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. …car c’est la fonction éminente du
Parlement que de faire la loi. Mais, si après de très nombreuses heures de
débat…
Plusieurs députés du groupe
LR. C’est-à-dire maintenant !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. …nous constatons que cela n’est pas
possible, alors la Constitution autorise, le cas échéant – et vous le savez
bien –, le Premier ministre à utiliser l’article 49,
alinéa 3.
M.
Jean-Paul Lecoq. Il n’y a pas d’urgence !
M.
Sébastien Leclerc. Avant ou après les municipales ?
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Cela a déjà été le cas par le
passé.
M. Patrick
Hetzel. Pas dans ce cas-là !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. J’ai souvenir, monsieur le président
Damien Abad, de M. Édouard Balladur, Premier ministre…
M. Pierre
Cordier. Ce n’est pas une référence !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. …utilisant l’article 49,
alinéa 3 pour faire obstacle à de l’obstruction.
M. Patrick
Hetzel. Non, non ! C’est inconstitutionnel !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. J’ai souvenir, monsieur le président
Damien Abad, de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, utilisant
l’article 49, alinéa 3 pour que le débat puisse avancer et ne soit pas
stérile.
M. Damien
Abad. Pas sur une réforme des retraites !
M.
Jean-Paul Lecoq. Ce ne sont que vos amis !
M. Stéphane
Peu. Balladur, Raffarin, que des gagnants !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Je suis sûr que vous vous en souvenez
aussi bien que moi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM
et MODEM.)
M.
Sébastien Jumel. Cela s’est mal fini pour eux quand même !
M. Fabien
Roussel. Et en quoi cela rend-il l’article 49, alinéa 3
acceptable ?
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Autrement dit, lorsqu’il faut prendre
ses responsabilités, je le fais sans hésiter…
M. Fabien
Di Filippo. Quand ?
M. Pierre
Cordier. Dans quel délai ?
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. …et j’utilise la Constitution, rien
que la Constitution…
M.
Jean-Paul Lecoq. Encore heureux !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. …mais toute la
Constitution !
Il appartient à l’Assemblée nationale elle-même de
faire vivre le débat.
Mme Valérie
Boyer. D’organiser un débat désordonné !
M. Stéphane
Peu. C’est quoi l’âge d’équilibre ?
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Si le débat vit et qu’il permet
d’avancer dans de bonnes conditions, tant mieux, je le souhaite ! Mais à
partir d’un moment, il faut être clair :…
Mme Elsa
Faucillon. Quel est l’âge d’équilibre ?
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. …le Gouvernement s’est engagé à
instaurer un système universel de retraite par répartition et par points ;
et le fait majoritaire, ça existe ! (De nombreux députés des groupes
LaREM et MODEM se lèvent et applaudissent vivement.
– Protestations sur les bancs du groupe LR.)
M.
Sébastien Jumel. Certains sont restés assis ! J’ai les
noms !
M. le
président. La parole est à M. Damien Abad.
M. Damien
Abad. Monsieur le Premier ministre, vous le savez bien, depuis quelques
jours, l’examen des amendements suit un rythme classique dans la procédure
parlementaire.
Plusieurs députés du groupe
GDR. Exactement !
M. Damien
Abad. Malgré cela, aujourd’hui, vous ne fermez pas la porte à
l’utilisation de l’article 49, alinéa 3. Les Français doivent en
mesurer toutes les conséquences : l’article 49, alinéa 3, c’est
le passage en force, sans vote ! C’est l’adoption d’un texte qui n’est pas
financé !
M. Pierre
Cordier, rapporteur. Très juste !
M. Damien
Abad. C’est aussi, tout simplement, des centaines de questions sur les
agriculteurs, la pénibilité, les carrières longues, qui resteront sans réponse.
(Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LR, LT, SOC, GDR et FI.
– Protestations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Soyons clairs : jamais la droite n’a utilisé
l’article 49, alinéa 3 sur une réforme des retraites, ni en 1993, ni
en 2003, ni en 2010, et vous le savez parfaitement ! (Applaudissements
sur les bancs du groupe LR.)
Aujourd’hui, il existe une alternative.
Nous avons déposé une proposition de résolution qui formule une proposition très
claire : mettez sur la table un nouveau texte, financé, complet…
M. Fabien
Roussel. Exactement !
M. Damien
Abad. …et prévoyez le temps législatif programmé, ce qui évitera toute
obstruction parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Les Français en ont assez : entre les Insoumis, qui veulent bloquer le
texte et les indignés de la majorité, qui refusent le débat de fond…
M. Pierre
Cordier. Eh oui !
M. Damien
Abad. …ils vous renvoient dos à dos et regrettent le spectacle désolant
d’une guérilla parlementaire devenue irresponsable, inconséquente et, tout
simplement, incompréhensible.
Nous, Les Républicains, avons fait le choix
d’un débat sérieux et responsable.(Protestations sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.) Monsieur le Premier ministre, revenez à la raison,
respectez le Parlement et refusez l’article 49, alinéa 3 !
(Les députés du groupe LR se lèvent et applaudissent vivement.
– Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. J’aimerais vous répondre brièvement,
monsieur Abad, puisque la possibilité m’en est donnée. J’entends vos propos au
sujet du débat actuel ; vous êtes très critique quant à sa qualité et quant
à l’obstruction, que vous dénoncez. J’ai également pris connaissance de la
proposition que vous nous avez faite pour avancer. Je salue cette proposition
tout à fait respectable, qui présente néanmoins à mon sens un inconvénient
majeur : elle renvoie mécaniquement l’adoption de ce texte à 2021.
Plusieurs députés du groupe
LR. Non ! Elle la renvoie au mois de mai !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Elle la renvoie mécaniquement, pour
une raison simple liée au calendrier parlementaire. Or il se trouve que nous
souhaitons que cette réforme soit adoptée à temps pour que ses effets positifs
puissent entrer en vigueur à partir du 1er janvier 2022. Nous
nous y sommes engagés et tiendrons notre engagement.
M. Stéphane
Peu. Et les effets négatifs, c’est pour quand ?
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Je me permets d’ajouter que vous
venez de livrer, monsieur Abad, une charge contre l’utilisation de
l’article 49 alinéa 3 de la Constitution…
M. Michel
Herbillon. Contre son utilisation pour la réforme des
retraites !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. La Constitution exclurait-elle
certains sujets de l’article 49 alinéa 3 ? (Applaudissements
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) La charge à
laquelle vous vous livrez contre la Constitution de 1958 et contre cet article
en particulier me surprend singulièrement venant des bancs que vous occupez, et
je la déplore ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM
et sur certains bancs des groupes MODEM et UDI-Agir.)
Épreuves communes de contrôle continu du baccalauréat
M. le
président. La parole est à M. Philippe Latombe.
M. Philippe
Latombe. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation
nationale et de la jeunesse. Les épreuves communes de contrôle continu du
baccalauréat, dites E3C, ont pour vocation d’inciter les élèves à travailler
plus régulièrement et de permettre une évaluation plus juste de leur niveau
effectif. L’obtention du baccalauréat ne se joue plus uniquement sur une seule
épreuve par matière et récompense un travail sérieux et régulier sur une période
de deux ans.
Cependant, cette première édition des E3C s’est déroulée,
pour quelques établissements seulement – heureusement – dans un climat de grande
tension et de contestation.
Les lycéens se sont plaints de la surcharge
de travail, de la pression constante, de la mauvaise préparation, mais surtout
de l’inégalité de traitement entre les candidats, les mêmes épreuves n’étant pas
programmées en même temps pour tous. Pour leur part, les professeurs incriminent
les changements constants des programmes et des sujets, qui pénalisent fortement
le travail de préparation, mais aussi la réception tardive et au compte-gouttes
des informations sur les modalités de l’examen, et le silence des services
ministériels face à leurs questionnements. Les proviseurs, quant à eux, se
plaignent d’avoir à assurer à la fois l’organisation, la surveillance, le
secrétariat et la numérisation des copies des candidats…
M. Patrick
Hetzel. M. Latombe est-bien dans la majorité ?
M. Philippe
Latombe. …tout en faisant face au mécontentement, voire aux
débordements, des élèves, des professeurs et des parents d’élèves. Parmi les
couacs relevés, on peut citer la numérisation en noir et blanc de cartes de
géographie réalisées en couleurs par les élèves, que les correcteurs furent donc
dans l’impossibilité de corriger. Dans certains établissements, ce désarroi a
tourné à la colère et certaines épreuves n’ont pas pu se dérouler, en raison de
blocus.
M. Frédéric
Reiss. Il a raison !
M. Philippe
Latombe. Les résultats des E3C devant être intégrés au fur et à mesure
sur le site internet parcoursup, se pose la question de la notation des élèves
qui n’ont pas voulu ou pas pu composer. Pouvez-vous nous indiquer,
monsieur le ministre, quelle solution vous envisagez pour corriger les
dysfonctionnements observés à l’occasion de cette première édition des E3C, afin
de mener à bien une réforme dont le Mouvement démocrate soutient par ailleurs
les objectifs ?
M. le
président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale
et de la jeunesse.
M.
Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la
jeunesse. Je vous remercie d’avoir rappelé le sens du contrôle continu, qui
a un but : favoriser un travail continu, dès le début de la classe de
première et jusqu’à la terminale, en évitant le bachotage de fin de parcours. Il
a aussi pour objectif, c’est vrai, de permettre une notation plus authentique à
un moment où elle a une incidence, dans parcoursup, sur la suite du parcours du
candidat. C’est la raison pour laquelle il existe une grande cohérence entre la
mise en œuvre de parcoursup et la réforme du baccalauréat.
Vous avez
mentionné des perturbations en indiquant très brièvement, au début de votre
propos, que les établissements concernés étaient minoritaires. Dans 85 %
des cas, les épreuves se sont bien déroulées. Sur un total de 1,7 million
de copies attendues, plus de 1,6 million, soit l’immense majorité, ont déjà
été corrigées.
Les corrections s’effectuent grâce à la numérisation. Vous
avez évoqué cette méthode sous un angle négatif, mais je voudrais pour ma part
insister sur ses aspects positifs. La numérisation est une innovation
extrêmement intéressante qui permettra en particulier aux élèves, quand le
dispositif sera prêt, d’ici quelques semaines, de consulter leurs copies
corrigées sur internet. C’est une méthode totalement inédite, qui fait aussi
évoluer le travail en équipe tant en amont, au moment du choix des sujets, qu’en
aval, pour harmoniser les corrections.
L’instauration du contrôle continu
a entraîné une série de progrès, dont nous nous réjouissons. Il demeure bien sûr
des imperfections ; rien n’est jamais parfait. Je suis donc très ouvert à
la discussion sur les évolutions des E3C. Une deuxième session se déroulera
d’ici la fin de l’année scolaire. Vous le savez, il existe un comité de suivi du
baccalauréat qui rassemble, notamment, les organisations représentatives. Il
permettra sans doute de simplifier le dispositif pour remédier à certains des
problèmes que vous avez mentionnés. Nos objectifs sont la bienveillance
vis-à-vis des élèves et une préparation des épreuves en continu. Nous avons
reçu, de la part des établissements où les épreuves se sont déroulées sans
perturbations, des commentaires très positifs quant au niveau des élèves et
quant à leur concentration sur leur travail depuis le mois de
septembre.
Réforme des retraites
M. le
président. La parole est à M. André Chassaigne.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Vas-y André, déchire !
M. André
Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, la réforme des retraites
que vous avez engagée tourne au fiasco.
Un député du groupe
LaREM. C’est faux !
M. André
Chassaigne. À chaque étape, vous êtes confronté à l’échec. Son annonce a
déclenché un mouvement social inédit depuis le début de la
Vème République et un profond rejet dans l’opinion. Les
partenaires sociaux, dans toute leur diversité, restent extrêmement critiques.
Le Conseil d’État, dans un avis extrêmement sévère, alerte sur l’insécurité
juridique de votre réforme. Votre étude d’impact est fallacieuse. Votre texte
comporte aujourd’hui plus de trente ordonnances dont les contours sont
excessivement larges.
La procédure accélérée a été déclenchée, malgré le
désaccord de toutes les oppositions. La commission spéciale a été interrompue
avant la fin de ses travaux. Quant à la présidence de notre assemblée, elle a
tenté autoritairement et inconstitutionnellement de supprimer des amendements de
l’opposition. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
Un député du groupe
LaREM. Ces propos sont scandaleux !
M. André
Chassaigne. Sans notre révolte, des milliers d’amendements n’auraient pu
être discutés. (Applaudissements sur les bancs des groupe GDR et FI
– MM. Dupont-Aignant et Lassalle
applaudissent également.) La majorité se repaît d’une prétendue obstruction,
ne supportant pas le véritable débat démocratique que nous avons engagé et
qu’elle voulait éviter à tout prix. Car ce débat mené grâce aux oppositions met
en exergue les nombreuses questions de fond auxquelles vous n’êtes pas capables
de répondre.
M. Fabien
Di Filippo. Il a raison !
M. André
Chassaigne. Vous avez réaffirmé votre attachement à cette réforme. Mais
pourquoi, monsieur le Premier ministre, vous enfermer dans un calendrier
lié aux élections ? Pourquoi vous bloquer sur une date butoir qui crée les
conditions d’une adoption profondément antidémocratique ?
Monsieur le
Premier ministre, imaginez-vous qu’une réforme qui réécrit notre pacte social
puisse ainsi être traitée et liquidée ? (MM. Dupont-Aignant et Lassalle
applaudissent.) Nous vous appelons, une fois encore, solennellement, à
retirer ce texte pour créer les conditions d’un débat serein dans le pays.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC.
– M. Reitzer applaudit également.)
Plusieurs députés du groupe
LaREM. Non, non !
M. le
président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Monsieur Chassaigne, vous connaissez
trop bien l’histoire politique française pour ignorer qu’un certain nombre de
textes fondateurs, y compris de notre système social et de santé, ont résulté
d’ordonnances. Ce fut le cas en 1958.
M. André
Chassaigne. Il y avait unanimité !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Croyez-vous vraiment qu’il y ait eu
unanimité en 1958, monsieur Chassaigne ? Je ne le crois pas !
D’ailleurs, vos prédécesseurs sur ces bancs ne portaient pas les auteurs des
réformes de 1958 dans leur cœur, et il n’y avait pas d’unanimité, vous le savez
très bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Soyons
sérieux !
M. André
Chassaigne et M. Stéphane Peu. Et en 1947 ?
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. En 1958, des ordonnances ont été
signées. Vous le savez parfaitement. Il me semble qu’elles sont essentielles
– c’est le moins que l’on puisse dire ! –, s’agissant de
l’organisation du dispositif de santé et de la sécurité sociale.
M. Pierre
Cordier. Comme si l’on pouvait comparer 1958 à aujourd’hui ! Rien à
voir !
M. Michel
Herbillon. Pas de comparaison possible !
M. Maxime
Minot. Concentrez-vous sur la réponse à la question !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Nous nous sommes engagés de façon
parfaitement démocratique – le Président de la République au moment de
l’élection présidentielle, la majorité lors des élections législatives –
…
M. Fabien
Roussel. Pas à reculer l’âge de la retraite !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. …sur un projet clair : un
système universel de retraite par répartition et par points. On peut tout à fait
entendre, monsieur Chassaigne, que vous soyez opposé à un système
universel. De même, on peut tout à fait entendre que certains soient opposés à
un système par points. Il se trouve néanmoins que c’est le projet qui a été
porté par la majorité.
M. Fabien
Roussel. Nous pourrions vous ressortir la profession de foi de La
République en marche !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Ce projet, sur lequel nous avons
travaillé, nous paraît apporter des garanties de progrès social
considérable…
M. André
Chassaigne. Non, c’est de la régression sociale !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. …dans des conditions de financement
extrêmement solides. La vérité, monsieur Chassaigne, c’est que si en 1945,
comme c’était initialement prévu, un système réellement universel et égalitaire
avait été instauré, personne ici aujourd’hui n’essaierait de le saucissonner en
quarante-deux régimes souvent peu équilibrés, et qui ne fonctionnent que grâce à
des transferts financiers extérieurs ! (Applaudissements sur les bancs
du groupes LaREM.) Telle est la vérité !
La majorité et le
Gouvernement sont donc engagés dans cette réforme. Nous avons soumis au
Parlement un projet de loi qui est discuté. Tant mieux !
M. André
Chassaigne. Pourquoi une date butoir ?
M. Fabien
Roussel. Pourquoi trois semaines seulement ?
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Monsieur Chassaigne, vous ne
pouvez pas dire que les dizaines de milliers d’amendements, souvent répétitifs,
qui n’ont aucune incidence sur le fond, auraient été déposés dans un autre but
que celui de ralentir, voire empêcher, l’examen en commission spéciale !
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Fabien
Roussel. Cela nous permet de découvrir la vérité !
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. C’est une tactique parlementaire que
l’on peut entendre, mais qui ne sert pas la qualité du débat. C’est mon avis
très sincère et, je crois, celui des Français ! (Applaudissements sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Négociations commerciales agricoles
M. le
président. La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry
Benoit. Merci, mon cher président. (Sourires sur les bancs du groupe
LR.)
Ma question s’adresse à madame la secrétaire d’État auprès
du ministre de l’économie et des finances. Cette semaine se tient le salon de
l’agriculture. C’est aussi la fin des négociations commerciales, les premières à
s’appliquer pleinement dans le cadre fixé par la loi pour l’équilibre des
relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une
alimentation saine, durable et accessible à tous, dite EGALIM. Les avis sont
unanimes pour souligner qu’à ce stade, le bilan de cette loi est plutôt
contrasté concernant la rémunération des agriculteurs.
M. Pierre
Cordier. C’est vrai !
M. Thierry
Benoit. Pendant six mois, avec une trentaine de députés dont le
rapporteur Grégory Besson-Moreau, nous avons enquêté sur la nature des
relations commerciales entre producteurs, industriels et
distributeurs.
Le constat est implacable. Depuis dix ans, la guerre des
prix fait des ravages. Cet état de tension n’existe nulle part ailleurs. La
valeur ajoutée créée par les producteurs s’est déplacée de l’amont vers l’aval,
au profit des distributeurs mais aussi de certains industriels. ll y a urgence à
mettre de l’ordre dans les négociations commerciales !
M.
Jean-Michel Jacques. Michel-Édouard Leclerc !
M. Thierry
Benoit. Le rapport de la commission d’enquête a été adopté en septembre
dernier à l’unanimité des députés représentant l’ensemble des groupes de
l’Assemblée nationale. Le Gouvernement est-il prêt aujourd’hui à traduire ces
propositions en actes ? Il s’agit tout d’abord d’encadrer les pratiques des
centrales de services domiciliées en Suisse, en Belgique ou au Luxembourg.
M. Fabrice
Brun. Eh oui !
M. Thierry
Benoit. Il s’agit ensuite de soumettre les regroupements des centrales
d’achat à autorisation préalable. Il faut aussi lutter contre les pratiques
commerciales abusives et enfin renforcer les moyens de contrôle de l’Autorité de
la concurrence et de la DGCCRF – Direction générale de la concurrence, de
la consommation et de la répression des fraudes.
En définitive, le
Gouvernement entend-il replacer les agriculteurs et les produits agricoles au
cœur des négociations commerciales ? (Applaudissements sur les bancs du
groupe UDI-Agir et sur certains bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du
ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie
et des finances. Je vous remercie de mettre en lumière le sujet des
relations entre distributeurs, industriels et producteurs. Il est effectivement
essentiel, et connaît une actualité particulière au moment du salon de
l’agriculture. Nous partageons le constat que vous avez dressé au cours de votre
mission avec le rapporteur Besson-Moreau.
M. Marc Le
Fur. Le futur ministre de l’agriculture ?
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Ce constat nous a conduits à
organiser les États généraux de l’alimentation, à adopter collectivement, au
sein de cette assemblée, la loi EGALIM, et à prendre des mesures qui tendent
aujourd’hui à rééquilibrer les relations entre distributeurs, industriels et
agriculteurs.
M. Pierre
Cordier. Demandez aux agriculteurs ce qu’ils pensent de la loi
EGALIM ! Ils sont très contents…
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Vous nous demandez si nous
suivons ces relations. C’est bien sûr le cas, puisque nous avons institué un
suivi mensuel des négociations en cours…
M. Marc Le
Fur. C’est un échec !
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État. …avec des ajustements très
réguliers des lignes de la DGCCRF quant à l’encadrement des promotions, par
exemple.
Vous nous demandez ensuite si nous encadrons les pratiques des
centrales de services domiciliées à l’étranger. Souvenez-vous qu’une enquête de
la DGCCRF a conduit à l’assignation, devant le juge, de l’enseigne Leclerc
pour ses pratiques dans ce domaine. La procédure s’est soldée par une amende de
117 millions d’euros. Il me semble qu’aucun Gouvernement n’était allé aussi
loin, avec autant de détermination, sur ce sujet.
M. Pierre
Cordier. Heureusement que vous êtes arrivés !
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je tiens aussi à rappeler
que la DGCCRF a mené 5 500 contrôles l’an dernier. Enfin, nous avons
renforcé les moyens de la lutte contre les pratiques commerciales abusives avec
l’ordonnance du 24 avril 2019.
Enfin, la loi EGALIM prévoit un
contrôle ex-post renforcé par l’Autorité de la concurrence.
M.
Jean-Pierre Vigier. On ne comprend rien !
M. Fabien
Di Filippo. C’est parce qu’elle n’a rien à dire !
Mme Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Trois contrôles sont d’ores
et déjà menés, et nous allons continuer dans ce sens, au service des
agriculteurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Réforme des retraites
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs jours, le
groupe La République en marche explique être prêt à soutenir l’utilisation, par
le Gouvernement, de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution.
Plusieurs députés du groupe
LaREM. C’est faux !
M. Éric
Coquerel. Cette soumission serait inédite. Un groupe politique, pourtant
majoritaire à l’Assemblée nationale, supplie le Gouvernement d’utiliser l’outil
le plus anti-parlementaire qui existe dans le pays. L’article 49,
alinéa 3 de la Constitution a toujours ou quasiment toujours été utilisé
par un gouvernement peu sûr de sa majorité.
Certains parlementaires de la
majorité reprochent même à l’opposition d’exister. (Protestations sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M.
Sébastien Leclerc. C’est vrai !
M. Éric
Coquerel. L’examen du texte serait trop cher, disent-ils. (Mêmes
mouvements.) L’opposition, que vous détestez, a pourtant été très utile.
Sans elle, les Français ne sauraient même pas que leur retraite sera calculée à
partir d’un indicateur qui n’existe même pas ! (Applaudissements sur les
bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Sans elle, de
nombreuses professions auraient été trahies sans même le savoir, comme les
agriculteurs ou les professeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI. – M. André Chassaigne applaudit également.)
M. Rémy
Rebeyrotte. Arcueil, monsieur Coquerel !
M. Éric
Coquerel. Contrairement à ce que prétend la propagande que vous déversez
dans les médias, en une semaine, le groupe La France insoumise, par exemple, n’a
défendu que 200 amendements. (Exclamations sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.) Mais pour chaque prise de parole de l’opposition, on compte
une intervention « ouin ouin » de votre majorité : c’est
l’obstruction par la pleurniche. Tout cela uniquement pour respecter un
calendrier tenant compte de vos intérêts électoraux ! Vous voulez que nous
abattions soixante-dix ans d’histoire sociale en deux semaines : autant
faire entrer un éléphant dans un entonnoir.
Monsieur le Premier ministre,
j’ai entendu votre réponse à la question de M. Abad. Manifestement, sous la
pression de votre majorité, vous envisagez d’utiliser l’article 49,
alinéa 3 de la Constitution comme un chantage, en décidant de la façon dont
l’opposition doit se comporter. Je veux vous éviter ce qui serait un pas
supplémentaire vers une dérive autoritaire : je vous propose donc
d’attendre les résultats de la conférence de financement. Cela ferait sept à
huit semaines de débats – moins que pour la privatisation de TF1. Rien de
trop pour une loi de telle importance ! Le groupe La France insoumise vous
a fait cette proposition, suivi par d’autres groupes, mais nous n’avons pas reçu
de réponse de votre part. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à
accepter cette proposition, qui serait une solution plus digne que le recours à
l’article 49, alinéa 3 ? (Applaudissements sur les bancs du
groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Monsieur
Coquerel, nous travaillons ensemble depuis de nombreuses heures. Nous avons pu
constater, tant en commission spéciale pendant près de dix jours que dans cet
hémicycle depuis plus d’une semaine, que nous avons à examiner des dizaines de
milliers d’amendements, voire de sous-amendements, émanant principalement de
votre groupe, pour savoir s’il faut placer la virgule avant ou après le mot ou
s’il faut remplacer un adverbe par un autre. (Applaudissements sur les bancs
des groupes LaREM et MODEM. – « C’est
faux ! » et
« Mensonges ! » sur les
bancs du groupe FI.)
Mme
Caroline Fiat. Il n’a jamais été question de virgule !
M. Éric
Coquerel. Répondez à ma question !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Ces sujets-là ne font pas
progresser le débat et ne nous emmènent pas sur le fond, je vous l’ai déjà dit
moi-même à plusieurs reprises. La véritable question à poser est la
suivante :…
M.
Sébastien Jumel. La pénibilité, l’âge pivot, la valeur du point, le taux
de remplacement, la retraite des femmes !
M.
Christian Hutin. La retraite des agriculteurs !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …à quoi servent tous ces
amendements, si ce n’est à ralentir et à empêcher le débat ?
(Protestations sur les bancs du groupe FI.) Vous avez réussi à organiser
de longs tunnels d’expression en déposant des dizaines de sous-amendements, qui
n’ont d’ailleurs pas été, si j’ai bien compris, du goût de l’ensemble de la
représentation nationale. Il existe d’autres oppositions que la vôtre, et j’ai
entendu les députés du groupe Les Républicains exprimer leur souhait de
travailler sur le fond (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes
LaREM et MODEM – Protestations sur les bancs des groupes FI) – ils ont
bien du mal à le faire, puisque vous passez votre temps à essayer de changer la
place des virgules ou les adverbes.
M.
Jean-Paul Lecoq. La division, c’est votre marque de fabrique !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Coquerel, je vous
invite à réfléchir au volume d’amendements que vous avez déposés. Ce volume
empêche la représentation nationale de travailler sur le fond. (Exclamations
sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. Éric
Coquerel. Répondez à ma question !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Le fond, c’est un projet de
justice sociale, un projet qui vise à reconstruire la solidarité entre les
générations (Exclamations redoublées sur les bancs des groupes FI et
GDR),…
M. le
président. Un peu de calme, mes chers collègues ! Écoutez la
réponse !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …à donner des droits nouveaux
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM), à permettre
aux retraités de 2022 de toucher une pension minimale de 1 000 euros,
à offrir à 5 millions de femmes une majoration de pension dès le premier
enfant. (Applaudissements continus sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Voilà la réalité du projet que nous vous proposons et que je vous
invite à venir discuter sur le fond dans cet hémicycle, tout à l’heure, à
dix-huit heures. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
M. Ugo
Bernalicis. Les députés de la majorité ne se lèvent pas ?
M. Éric
Coquerel. Vous n’avez pas répondu à ma question !
Coronavirus
M. le
président. La parole est à Mme Valérie Thomas.
Mme Valérie
Thomas. Monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités
et de la santé, l’épidémie de coronavirus Covid-19 gagne chaque jour un peu plus
de terrain. Depuis le mois de décembre et les premiers cas apparus en Chine, et
malgré une mobilisation importante des acteurs de la santé mondiale, notamment
de l’Organisation mondiale de la santé – OMS –, cette épidémie ne
cesse de prendre de l’ampleur. Le week-end dernier, c’est l’Italie qui s’est
retrouvée touchée de plein fouet : plusieurs villes ont été isolées, plus
de 250 personnes sont infectées et plusieurs décès sont à déplorer, faisant
de l’Italie le pays le plus touché d’Europe. Des foyers infectieux se retrouvent
désormais en Corée du Sud, au Japon, en Iran et dans plusieurs autres pays
– la liste s’accroît de jour en jour. Aujourd’hui, le bilan fait état de
plus de 80 000 personnes contaminées et de près de
2 700 morts, cela a été rappelé. Le virus passe désormais en
transmission communautaire, ce qui rend le contrôle beaucoup plus difficile et
présente le risque d’une introduction à partir d’autres foyers que la
Chine.
L’ensemble des forces de notre pays – chercheurs, médecins,
personnels de santé – sont mobilisées pour réagir au développement de la
maladie en France. Je tiens d’ailleurs à saluer leur engagement et à rappeler
que notre système est très probablement l’un des plus performants au monde pour
répondre à l’urgence. Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran,
est totalement mobilisé sur cette question ; il se trouve actuellement à
Rome.
Alors que certains tentent de lancer des polémiques irresponsables,
monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer le nombre de personnes
infectées par le virus dans notre pays à ce jour ? Pouvez-vous nous exposer
le plan qui pourrait être déployé en France si les cas de personnes porteuses du
Covid-19 venaient à se multiplier ? Est-il notamment prévu d’isoler des
parties de notre territoire où se trouveraient des foyers infectieux ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du
ministre des solidarités et de la santé.
M. Fabien
Di Filippo. Le remplaçant du remplaçant !
M. Adrien
Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la
santé. La situation en France est stable. Depuis le 24 janvier 2020,
douze cas d’infection au coronavirus ont été détectés dans notre pays.
Aujourd’hui, 25 février, onze patients sont désormais guéris. Il n’y a
donc, à ce jour, pas d’épidémie en France.
Le Gouvernement est pleinement
mobilisé. L’ensemble des services de l’État et des professionnels de santé sont
également pleinement mobilisés pour que la situation reste maîtrisée et pour que
nous soyons en mesure d’agir, le moment venu. C’est important de le rappeler,
car notre stratégie dépend du niveau de risque ; elle est surtout, comme le
rappelait le Premier ministre, adaptable et révisable à tout moment.
Tout
est mis en place pour freiner l’introduction du virus dans le territoire,
notamment par le dépistage des cas possibles – nous avons augmenté nos
capacités de diagnostic –, par l’isolement des malades et par le
contact-tracing, comme nous l’avons fait aux Contamines-Montjoie, qui est, aux
dires de tous, un cas d’école.
Si, demain, le virus commençait à circuler
en France, avec des transmissions que nous n’arriverions plus à expliquer, nous
pourrions être amenés à prendre des décisions visant à atténuer les effets d’une
vague épidémique. Le Premier ministre l’a dit tout à l’heure, le plan ORSAN REB,
qui doit permettre de prendre en charge les patients, y compris en cas
d’épidémie, a été activé par l’ensemble des agences régionales de santé dès le
11 février dernier. En lien avec le Premier ministre, le ministre des
solidarités et de la santé, Olivier Véran, a décidé d’activer soixante-dix
établissements sièges d’un SAMU – contre trente-huit actuellement –
pour augmenter nos capacités de réponse.
Mme Laurence
Dumont. Sauf dans les départements d’outre-mer !
M. Adrien
Taquet, secrétaire d’État. Vous pouvez évidemment compter sur la
mobilisation de l’ensemble des acteurs afin de continuer à éviter tout risque
pour notre pays. Nos concitoyens doivent être rassurés et confiants à ce sujet.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Maxime
Minot. La réponse était mal rédigée !
Coronavirus
M. le
président. La parole est à M. Éric Ciotti.
M. Éric
Ciotti. Je voudrais associer à ma question ma collègue Émilie Bonnivard,
députée de Savoie.
Monsieur le Premier ministre, le monde connaît depuis
quelques semaines une crise sanitaire majeure. L’Europe est désormais touchée,
puisque l’Italie voisine est affectée par l’épidémie : alors que trois cas
de coronavirus avaient été détectés vendredi, 300 personnes infectées sont
aujourd’hui dénombrées. Cette flambée qui touche l’Italie inquiète les
départements frontaliers voisins, lesquels sont aujourd’hui traversés par le
doute. Dans les Alpes-Maritimes, principale porte d’entrée de l’Italie en
France, de fortes inquiétudes s’expriment ; elles sont renforcées par le
sentiment, unanimement partagé par les élus, que la réponse est arrivée avec
retard ce week-end.
Aujourd’hui, nous attendons des mesures et des actes
très précis. Je pense d’abord à l’activation du plan pandémie, tel qu’il a été
instauré en 2011, pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.
M. Sylvain
Maillard. Bravo, vous avez réussi à citer Nicolas Sarkozy !
M. Éric
Ciotti. Je pense aussi à l’information systématique de toutes les
personnes qui traversent la frontière franco-italienne, qu’elle soit portuaire,
aéroportuaire ou terrestre, et à la possibilité de mettre en place un contrôle.
Jusqu’à hier, rien n’avait été fait. Je pense enfin à la mise en place de
détecteurs de fièvre et à la possibilité de pratiquer des tests de dépistage au
CHU de Nice, où ils ne seront possibles qu’à partir de lundi
prochain.
Monsieur le Premier ministre, le pire n’est jamais certain,
mais nous avons le devoir de nous y préparer. En la matière, un principe de
précaution s’impose. Jusqu’à ce jour, la France a été relativement épargnée,
mais nous savons que cela risque de ne pas durer. (Applaudissements sur les
bancs du groupe LR. – Mme Maina Sage et
M. Nicolas Dupont-Aignan applaudissent
également.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du
ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien
Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la
santé. Nous suivons évidemment avec une grande attention l’évolution de la
situation en Italie. Les personnes revenant de Lombardie ou de Vénétie font
l’objet des mêmes recommandations sanitaires que celles revenant de
Chine.
Au moment où je vous parle, M. le ministre Olivier Véran est
à Rome, avec les ministres de la santé des pays voisins, afin de déterminer les
prochaines étapes de la coopération européenne en termes de surveillance
épidémiologique et les mesures sanitaires à prendre pour assurer la sécurité
sanitaire de nos ressortissants. Vous le voyez, nous sommes en lien étroit avec
nos voisins européens afin d’agir ensemble face au risque
épidémique.
Vous le savez, la fermeture d’une frontière terrestre
n’aurait pas de sens et ne serait pas suffisante. Nous nous concentrons sur les
mesures qui marchent, comme le plan ORSAN REB que j’évoquais tout à l’heure, qui
a permis l’activation de soixante-dix établissements sièges d’un SAMU pour
augmenter nos capacités de réponse.
S’agissant plus précisément des
Alpes-Maritimes, vous le savez, un comité de suivi départemental réunit, autour
de la délégation territoriale de l’agence régionale de santé et de l’autorité
préfectorale l’ensemble des services de l’État concernés, le CHU de Nice, que
vous évoquiez, le conseil départemental et les principales communes du
département.
M. Pierre
Cordier. Il faudrait peut-être aussi donner des moyens aux conseils
départementaux !
M. Adrien
Taquet, secrétaire d’État. Sauf erreur de ma part, vous avez
participé vous-même à ces réunions. Au demeurant, un groupe de contact permanent
réunissant la préfecture des Alpes-Maritimes, la préfecture d’Imperia, en
Italie, et le consulat honoraire de France à Vintimille a été constitué.
M.
Jean-Pierre Vigier. Sortez de votre fiche !
M. Adrien
Taquet, secrétaire d’État. Vous pouvez compter sur l’ensemble des
acteurs sanitaires français, mobilisés au quotidien sur le terrain, comme sur
notre coopération et sur la solidarité européenne afin de protéger les
Françaises et les Français.
M. Raphaël
Schellenberger. C’est laborieux !
M. Adrien
Taquet, secrétaire d’État. Que cela soit l’occasion pour moi de
saluer l’ensemble des professionnels de santé qui veillent à la sécurité
sanitaire de nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
Lutte contre le séparatisme islamiste
M. le
président. La parole est à M. Éric Poulliat.
M. Éric
Poulliat. Monsieur le ministre de l’intérieur, à l’occasion d’un
déplacement à Mulhouse mardi dernier, le Président de la République a annoncé
des mesures fortes pour lutter contre le séparatisme islamiste. Il a insisté sur
un axe qui me paraît fondamental : le soutien aux initiatives culturelles,
éducatives et associatives sur le terrain.
M.
Sébastien Chenu. C’est du pipeau !
M. Éric
Poulliat. Lutter contre le séparatisme, c’est avant tout ramener tous
nos concitoyens dans le giron républicain. C’est rassembler notre pays autour
des valeurs qui font notre fierté à tous : la liberté, l’égalité et la
fraternité. La réponse doit donc être globale, et avant tout sociale et
culturelle.
M. Fabien
Di Filippo. Vous manquez de courage !
M. Éric
Poulliat. Il est de notre devoir de ramener la République partout où
elle a pu, disons-le clairement, s’effacer.
Lorsque j’ai travaillé, avec
mon collègue Éric Diard, sur la radicalisation dans les services publics l’an
passé,…
M. Sébastien
Chenu et M. Ludovic Pajot. Ah ! Nous sommes sauvés !
M. Éric
Poulliat. …nous avons constaté à quel point cette approche permet de
dépasser les tabous, de déconstruire les amalgames et de renouer le dialogue
avec tous les Français.
M. Marc Le
Fur. Pas d’amalgames ! (Sourires sur plusieurs bancs du groupe
LR.)
M. Éric
Poulliat. Monsieur le ministre, alors que le Président de la République
reçoit aujourd’hui les associations à l’Élysée, pouvez-vous nous indiquer
quelles sont les actions – interministérielles, je suppose – conduites
par le Gouvernement en matière de lutte contre le séparatisme, mais surtout pour
l’appropriation et le partage des valeurs de la République ?
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M.
Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Vous l’avez
rappelé, le Président de la République a présenté la semaine dernière un plan
d’action global. En effet, lutter contre le séparatisme islamiste, en
particulier dans certains de nos quartiers, implique d’agir sur tous les fronts,
d’abord, dans l’esprit de ce que nous avons engagé dès février 2018, en
s’opposant à toutes les dérives par rapport au respect des lois de la République
et en faisant en sorte que les préfets puissent conduire la reconquête
républicaine mètre carré par mètre carré, partout où elle a reculé.
Cette
stratégie d’entrave a porté ses fruits. Dans ces quinze quartiers nous avons
fermé quinze lieux de culte, douze établissements cultuels et culturels, quatre
écoles, mais aussi 150 débits de boisson, et redressé près de 19 millions
d’euros de cotisations, notamment sociales. En effet ce séparatisme s’organise
comme un écosystème global contre lequel il nous faut lutter.
Vous l’avez
évoqué, il nous faut construire une stratégie globale, qui s’appuie sur la
répression chaque fois que c’est nécessaire mais aussi sur la reconquête
républicaine. Cette dernière doit être menée à plusieurs niveaux. Un des champs
que le Président de la République a évoqué la semaine dernière est celui de
l’indépendance face aux influences étrangères. C’est la raison pour laquelle il
a annoncé la suppression des enseignements en langues et cultures étrangères à
partir de septembre. C’est la raison pour laquelle il a souhaité que nous
engagions très rapidement un plan pour mettre un terme à la pratique de mise à
disposition d’imams détachés par des pays étrangers.
Il nous faut
travailler aussi sur la question du financement, non pas pour punir un culte,
comme certains le proposent aujourd’hui, mais pour faire en sorte que le
financement se passe dans la transparence et le contrôle. Enfin, vous avez
raison, il est indispensable que nous agissions au plus près du terrain, à la
fois avec les collectivités locales et les associations. C’est le sens de la
réunion organisée cet après-midi par le Président de la République.
M. le
président. La parole est à M. Éric Poulliat.
M. Éric
Poulliat. Il est urgent, monsieur le ministre, de rétablir la promesse
républicaine dans l’ensemble des territoires et pour tous nos
concitoyens.(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Coronavirus
M. le
président. La parole est à Mme Marine Brenier.
Mme Marine
Brenier. Monsieur le Premier ministre, depuis le 7 janvier, la Chine
d’abord et désormais le reste du monde, connaissent une épidémie extrêmement
virulente du coronavirus.
Le 26 janvier, le maire de Nice, Christian
Estrosi, a écrit à la ministre de la santé pour demander qu’un comité d’experts
composé de médecins infectiologues et de pharmaciens soit constitué pour
proposer des actions rapides et concrètes afin que nous soyons prêts dans les
meilleurs délais.
Lors d’une réunion organisée hier à la préfecture des
Alpes-Maritimes, le maire de Nice, en tant que président du conseil de
surveillance du CHU, a demandé des moyens humains et matériels supplémentaires
pour détecter le virus et garantir la prise en charge des patients. Nous tenons
à ce propos à saluer l’engagement de tous les professionnels de santé. Mobilisés
à Nice, ils ont travaillé avec les universités chinoises sur la progression de
l’épidémie.
La situation est préoccupante et exige de la part de tous une
coopération responsable. Le temps d’incubation du virus étant de quatorze jours
et les patients sains difficilement détectables, le virus risque, comme le nuage
de Tchernobyl, de ne pas s’arrêter à nos frontières.
Voilà pourquoi nous
demandons la garantie qu’au CHU de Nice, comme dans les établissements
sanitaires, les moyens nécessaires à la détection et la prise en charge des
patients soient mobilisés sans perdre une seconde ; que tous les praticiens
de santé médicaux et paramédicaux constituent des éléments de relais et de
vigilance pour faire face à toutes les inquiétudes et que les collectivités
soient informées ; qu’enfin, en association avec les ARS, agences
régionales de santé, les services de l’État et les collectivités territoriales,
l’industrie pharmaceutique soit mobilisée pour empêcher la pénurie de masques et
de certains médicaments.
Monsieur le Premier ministre, il est essentiel
que les pouvoirs publics puissent garantir à nos concitoyens que nous sommes
prêts à affronter l’épidémie. La France a su démontrer par le passé qu’elle
pouvait s’organiser face à de tels risques. Nos collectivités seront mobilisées
en responsabilité aux côtés de l’Etat. Je vous remercie de nous communiquer
votre plan d’action pour assurer la santé des Français.
M. le
président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard
Philippe, Premier ministre. Votre question porte, après d’autres,
sur les mesures prises par le Gouvernement, l’État et l’ensemble des services de
santé pour préparer la France à l’hypothèse, de plus en plus probable, d’une
transmission et d’une diffusion du coronavirus sur le territoire
national.
Vous aurez remarqué que nous prenons ce sujet très au sérieux.
C’est la raison pour laquelle, dès que ce virus est apparu en Chine, nous avons
veillé, en bonne intelligence avec les autorités chinoises, à rapatrier tous les
ressortissants français qui se trouvaient à Wuhan et à les placer en
quarantaine, en France, afin de pouvoir suivre l’évolution de leur état
sanitaire. Ces opérations se sont bien déroulées, grâce à l’engagement très
grand des services de l’Etat, mais aussi grâce à l’accueil remarquable des élus
locaux dans les communes où nous avons choisi de placer ces
concitoyens.
Nous avons ensuite pris un certain nombre de mesures pour
préparer notre système de soins. Nous avons ainsi mis en alerte les CHU, qui
sont les mieux armés pour accueillir le cas échéant les personnes susceptibles
d’être infectées. Nous avons veillé à ce que dans chaque département, un hôpital
– celui qui héberge les équipes du SAMU – soit en mesure d’accueillir dans de
bonnes conditions les éventuels malades qui développeraient des complications
imposant leur hospitalisation. Nous avons veillé à passer les commandes
nécessaires pour que les soignants disposent des matériels utiles. Nous avons
veillé à ce que les instituts de recherche, qui font l’honneur et la fierté de
nos concitoyens, soient les premiers à identifier les caractéristiques de ce
virus. Ça a été le cas, et nous veillons à ce que la capacité de notre système à
produire des tests et à les utiliser soit à la hauteur des enjeux. Nous avons
réussi à faire passer la capacité de production et d’analyse de ces tests
de 400 à 1000 tests par jour. C’est évidemment décisif pour
distinguer les cas réels des fausses alertes – il ne vous a pas échappé que
toutes les alertes qui ont été signalées sur le territoire national depuis
quelques jours se sont révélées fausses, et c’est tant mieux.
Je
comprends bien entendu l’inquiétude et les interrogations des territoires
limitrophes de l’Italie. Les décisions prises par les autorités italiennes ont
pu conduire des responsables français à se demander s’ils ne devaient pas
prendre les mêmes décisions – par exemple interrompre le carnaval de Nice, comme
celui de Venise l’a été. J’ai eu l’occasion de m’en entretenir dès dimanche soir
avec le maire de Nice car, bien entendu, nous veillons à ce que les décisions
prises, les analyses proposées le soient en bonne intelligence avec les élus
locaux qui ont à répondre aux questionnements, voire à prendre des décisions
localement. Nous sommes convenus d’appliquer ce qui est la doctrine française en
matière de gestion des risques épidémiques : tant que le virus ne circule
pas sur le territoire national, il n’est pas utile de prendre des mesures de
prévention.
Il convient en revanche de faire en sorte que notre système
soit prêt et c’est ce que nous faisons. J’ai envoyé, je l’ai dit tout à l’heure,
un courrier à l’ensemble des maires et des exécutifs locaux. Nous faisons monter
en puissance le système de santé pour qu’il soit opérationnel le moment venu et
j’aurai l’occasion, avec l’ensemble des présidents de groupe et des présidents
de parti politique d’évoquer l’état du risque sur le territoire national et la
réponse que nous sommes en mesure d’y apporter. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Agenda rural
M. le
président. La parole est à M. Daniel Labaronne.
M. Daniel
Labaronne. Jeudi dernier, dans les Vosges, monsieur le Premier ministre,
vous avez présidé le premier conseil interministériel sur les ruralités. Ce
comité intervient un an après qu’un accord a été passé entre vous-même et Vanick
Berberian, président de l’Association des maires ruraux de France. Cet accord
portait sur l’élaboration d’un agenda rural, c’est-à-dire un plan national en
faveur des territoires ruraux.
Vous avez installé une mission
« agenda rural » qui a fait 200 propositions. À l’occasion du congrès
de l’Association des maires ruraux, vous avez décidé d’en retenir 173 et vous
avez pris l’engagement de tenir un comité interministériel six mois après ce
congrès qui s’est tenu en septembre. L’engagement a été tenu.
Ce comité
interministériel fait suite à des comités de suivi des propositions de l’agenda
rural, sous l’autorité de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des
territoires.
Je veux souligner la rapidité de l’application des
propositions de l’Agenda rural, mais aussi le fait que ces propositions doivent
s’inscrire dans la durée car, si nous avons une politique de la ville depuis une
quarantaine d’années, nous n’avions pas de véritable politique en faveur de la
ruralité. Le Gouvernement s’est engagé à mener une telle politique sur le long
terme. Dans le cadre de ce comité interministériel, vous avez fait un certain
nombre de propositions en ce qui concerne les petites lignes ferroviaires ou le
déploiement du numérique dans les territoires ruraux.
Monsieur le Premier
ministre, pouvez-vous nous rappeler dans quel contexte l’agenda rural a été
lancé ? Qu’en attendez-vous en matière de revitalisation de nos territoires
ruraux ?
M. le
président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des
territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme
Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des
relations avec les collectivités territoriales. Je rappelle que le Premier
ministre a annoncé l’Agenda rural le 20 septembre dernier, à l’occasion du
congrès de l’Association des maires ruraux de France, qui avait lieu à
Eppe-Sauvage, dans le département du Nord. Le gouvernement français a été le
premier à suivre l’initiative d’Agenda rural européen lancée par le
Parlement européen, avec le soutien de Vanick Berberian, le président de
l’Association des maires ruraux.
Le Premier ministre a confié le soin de
réfléchir à la construction de cet agenda à une mission composée d’élus ruraux,
dont vous-même, monsieur le député, mission qui m’a remis fin juillet un rapport
intitulé « Ruralités : une ambition à partager ».
Il faut
le souligner, cet agenda rural est le premier plan d’action d’un gouvernement en
faveur des ruralités qui regroupe des enjeux aussi larges :
transition écologique, agriculture, éducation, santé, formation, emploi,
mobilités, culture, développement économique. Il traduit ainsi une vision
globale de la ruralité et, pour assurer son exécution, le Gouvernement a imaginé
des comités interministériels aux ruralités réguliers – vous l’avez rappelé, le
premier s’est tenu dans les Vosges sous l’autorité du Premier ministre – et des
comités de suivi très réguliers auxquels beaucoup de ministres participent. Le
dernier a eu lieu en novembre.
Beaucoup a été fait depuis cette décision,
notamment en ce qui concerne le soutien aux petits commerces, le prolongement
des zones de revitalisation rurale jusqu’à fin 2020 pour les 4 000 communes
qui devaient en sortir et, bien sûr, la médecine en milieu rural.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
Revalorisation des petites retraites
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Monsieur le Premier ministre, vous avez déclaré le 11
décembre dernier devant le Conseil économique, social et environnemental :
« avec le nouveau système, nous réglons les problèmes des petites retraites,
notamment celles des agriculteurs. ». Pour sa part, au Salon de
l’agriculture, il y a un an, Emmanuel Macron disait : « je ne peux pas
avoir d’un côté des agriculteurs qui n’ont pas de retraite et de l’autre un
statut de cheminot et ne pas le changer. »
M. Pierre
Cordier. De toute façon il dit n’importe quoi !
M.
Sébastien Jumel. Je veux vous rafraîchir la mémoire tant vous avez usé
de cet important sujet d’une retraite agricole digne, qui fait consensus, comme
d’un argument de foire, pour mieux vendre votre réforme des retraites rejetée
par les Français.
Cette même ficelle à ballots a été utilisée pour
bloquer l’adoption de la proposition de loi Chassaigne en 2018 au Sénat. «
Il est trop tôt ; revenez en troisième semaine, lors de l’examen de la
formidable réforme que nous préparons. »
On voit le résultat :
la parole donnée est trahie.« Voyez déjà tout ce qu’on se tape », a
dit Macron au même salon de l’agriculture. Vous tentez de faire passer une carne
pour un bon cheval !
Les mauvais maquignons que vous
êtes sont démasqués : non seulement les anciens exploitants vivant sous le
seuil de pauvreté n’en bénéficieront pas, mais votre promesse de pension
minimale à 1 000 euros exclut les exploitants aux carrières
incomplètes – lesquelles restent à définir – : ils continueront
donc de percevoir l’ASPA, l’allocation de solidarité aux personnes âgées !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Nicolas
Dupont-Aignan applaudit aussi.)
Mme Valérie
Rabault. Il a raison !
M.
Sébastien Jumel. Vous avez attelé la charrue de la réforme des retraites
derrière les agriculteurs, et ils récoltent aujourd’hui une moisson de larmes,
au moment même où vous offrez 4 milliards d’euros à ceux qui touchent les
plus hauts revenus !
Croyez-nous, monsieur le Premier ministre, nous
reviendrons à la charge lors de l’examen en deuxième lecture de la proposition
de loi d’André Chassaigne – car pour nous, les promesses faites doivent
être des promesses tenues. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes
GDR, SOC et FI.)
M. le
président. Monsieur le député, plutôt que « Macron », vous
pourriez dire « le Président de la République » : cela ne
gâterait rien ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M.
Sébastien Jumel. Chez moi, on dit comme ça !
M. Fabien
Di Filippo. Les questions sont libres !
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Nous avons
débattu de ce sujet à plusieurs reprises en commission spéciale et dans
l’hémicycle. Comme vous le savez, l’engagement du Président de la République et
du Gouvernement en faveur des petites retraites est total.
M. Stéphane
Peu. Non !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Cet engagement sera tenu, tout
particulièrement pour les retraités agricoles : dès 2022, leur pension
équivaudra à 85 % du SMIC.
M. Sébastien
Jumel et M. Jean-Paul Dufrègne. Et aujourd’hui ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je le répète, les engagements
du Gouvernement seront tenus. Ils visent tout particulièrement ceux qui
perçoivent des petites pensions – notamment les retraités agricoles, qui
ont souvent cotisé sur la base de 800 heures payées au SMIC et qui, à ce
titre, atteignent des durées de cotisation assez significatives.
(« Trahison ! » sur
les bancs du groupe GDR.)
Demain, non seulement les exploitants
agricoles verront leurs cotisations baisser – le minimum passera à
600 heures payées au SMIC –…
M. Fabien
Roussel. Et aujourd’hui ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …mais, comme tous les autres
libéraux et indépendants, ils bénéficieront d’une révision de l’assiette de la
CSG. (Mêmes mouvements.) Au total, le niveau de charges des agriculteurs
devrait baisser de 40 %.
M. Stéphane
Peu. Comment voulez-vous que les gens aient confiance avec des mots
pareils ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Les agriculteurs qui prendront
leur retraite dès 2022 se trouveront dans une situation bien meilleure que celle
jamais apportée par une quelconque majorité depuis plus de trente ans !
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Stéphane
Peu. Ce n’est pas la question !
M. Vincent
Descoeur. 1000 euros pour les carrières complètes, mais combien pour les
carrières incomplètes ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Voilà la réalité : le
Gouvernement travaille à rendre la vie des retraités les plus modestes
– notamment des retraités agricoles – plus belle que celle que vous
leur avez laissée quand vous avez quitté le pouvoir ! (Applaudissements
sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Vincent
Descoeur. On en reparlera !
Prévention du risque de submersion et d’inondation
M. le
président. La parole est à M. Patrick Loiseau.
M. Patrick
Loiseau. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition
écologique et solidaire. Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, un
événement climatique d’une extrême violence a touché la France et le littoral
atlantique. La conjonction de la tempête Xynthia et de fortes marées a
occasionné une submersion marine sans précédent et d’importantes inondations.
J’ai une pensée pour les quarante-sept personnes qui ont trouvé la mort dans cet
événement ; vingt-neuf résidaient dans la commune de La Faute-sur-mer
située dans ma circonscription, en Vendée. C’était il y a tout juste dix ans.
Nous commémorerons ce tragique événement dimanche prochain, et je vous remercie,
madame la ministre, de participer à cet hommage.
Depuis, une prise de
conscience collective s’est produite concernant l’urbanisation outrancière qui
touche notre littoral – parfois au mépris des règles existantes –, la
vétusté et la fragilité de nos ouvrages de protection et, surtout, notre
vulnérabilité face à l’urgence climatique. Partout dans le monde, ces phénomènes
s’intensifieront et se multiplieront. Le dernier rapport du GIEC – Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat –, consacré aux
océans et à la cryosphère, démontre ainsi qu’à l’horizon de 2100, le niveau de
la mer risque d’augmenter d’un mètre à certains endroits du littoral atlantique.
Il y a quelques semaines, l’Agence européenne pour l’environnement a confirmé ce
constat alarmant.
À la suite de la tempête Xynthia, de nombreuses
initiatives ont été prises pour anticiper et gérer ce type d’événements :
plans de rénovation des digues, programmes de prévention des inondations, plans
d’action… Malheureusement, les acteurs locaux se heurtent parfois à une forte
complexité administrative. L’urgence est pourtant réelle, et nous devons
redoubler d’efforts pour garantir la sécurité de nos concitoyens face à la
montée des eaux et aux catastrophes naturelles dues au dérèglement climatique.
Quelles mesures proposez-vous pour assurer une prévention et une gestion des
risques optimales et garantir la sécurité des populations vivant sur le
littoral ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
M. le
président. La parole est à Mme la ministre de la transition
écologique et solidaire.
Mme
Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et
solidaire. Je serai dimanche dans les territoires touchés par la tempête
Xynthia, en Vendée et en Charente-Maritime, pour commémorer les dix ans de cet
événement dramatique. Nul n’a oublié la violence de cet épisode dans lequel
quarante-sept personnes ont trouvé la mort. Cette tempête a contribué à une
prise de conscience de notre vulnérabilité face aux phénomènes de submersion
marine qui sont appelés à s’amplifier sous l’effet du dérèglement climatique.
Aujourd’hui, 17 millions de nos concitoyens sont concernés par le risque de
submersion et d’inondation. Dès 2011, le plan submersions rapides a permis
d’apporter des outils aux territoires concernés. Nous avons franchi une étape
supplémentaire le 12 février dernier, grâce à deux grandes décisions prises
par le conseil de défense écologique. Les procédures seront accélérées, et une
garantie financière sera accordée pour faire face au risque de submersion et
d’inondation. En particulier, les délais d’élaboration des programmes d’action
pour la prévention des inondations diminueront de moitié, car la majorité des
procédures seront déconcentrées. Dans le même temps, nous créerons de nouveaux
outils pour permettre aux territoires de contrer le risque de retrait du
littoral ; citons notamment un nouveau permis de construire destiné à des
occupations temporaires dans les territoires menacés à moyen terme. Nous sommes
donc pleinement mobilisés pour accompagner les territoires et apporter des
solutions construites dans la proximité avec les élus.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques
bancs du groupe MODEM.)
Soutien aux agriculteurs
M. le
président. La parole est à M. Maxime Minot.
M. Maxime
Minot. « Si ça continue, il va y avoir un drame ! Maxime, j’ai
la boule au ventre chaque fois que je monte sur mon tracteur. » Que
répondre à Christophe, cet agriculteur de ma circonscription, victime une
nouvelle fois de menaces alors qu’il travaillait dans son champ ? Lui
répondre que je le soutiens, bien sûr, et qu’il ne doit pas céder au désespoir.
Pourtant, comment l’en convaincre alors que ce gouvernement et cette majorité le
méprisent ? (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Oui, vous le méprisez quand vous ne faites pas le nécessaire
pour consolider la PAC – politique agricole commune ! Oui, vous
le méprisez quand vous faites voter des lois nourrissant des espoirs déçus, qui
n’améliorent rien sauf votre conscience, et qui plombent la production !
Oui, vous le méprisez quand Jupiter, descendant au Salon de l’agriculture, lui
dit droit dans les yeux que rien n’est possible pour sa
retraite !
Et pourtant, qui est-il, lui parmi tant d’autres ?
Un agriculteur qui, du lever au coucher du soleil, travaille une terre qu’il a
su respecter et apprivoiser avec un niveau d’exigence inégalé, bien loin des
sachants « boboïsés ». Un agriculteur qui ne demande rien d’autre que
vivre décemment de son travail et transmettre sa passion à la génération
suivante. Un agriculteur respectueux de la loi et de toutes les contraintes
administratives, là où tant d’autres – y compris ceux qui l’accusent –
les bafouent trop souvent. Il est le passé, l’héritier d’un savoir-faire
mondialement reconnu et le gardien de notre identité rurale. Il est le présent,
capable d’évoluer pour se confronter aux défis de demain, à condition qu’on
n’exige pas plus de lui qu’on exige de soi-même. Il est le futur, car sans lui,
qui nous nourrira demain en nous évitant le tout-OGM et les produits d’une
qualité médiocre dont personne ne veut ?
M. Pierre
Henriet. Arrêtez d’être démago !
M. Maxime
Minot. La France restera-t-elle la France sans ses agriculteurs ?
Monsieur le Premier ministre, nous connaissons tous la réponse à cette question.
Alors, battez-vous pour eux, pour nous ! Quand entendrez-vous enfin nos
propositions en faveur du monde agricole ? (Applaudissements sur les
bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec
le Parlement.
M. Pierre
Cordier. Le futur ministre répond !
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement. Votre
propos n’échappe pas toujours à la caricature, monsieur Minot, reconnaissez-le.
Quoi qu’il en soit, nous partageons tous la volonté de défendre l’agriculture et
les agriculteurs dans l’ensemble du territoire. Au-delà des mots, il y a des
actes. La loi EGALIM…
M. Maxime
Minot. C’est un échec !
Laissez-moi répondre, s’il vous
plaît ! Ne faites pas de l’obstruction aux questions au Gouvernement !
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Marc
Fesneau, ministre. Vous avez raison de soulever la question du
revenu des agriculteurs : la loi EGALIM vise précisément à le défendre, en
particulier dans son titre I er.
M. Thierry
Benoit. Quel échec !
M. Marc
Fesneau, ministre. Non, monsieur Benoit. Comme l’a rappelé à
l’instant Mme Agnès Pannier-Runacher, cette loi a permis des avancées
positives ; la profession agricole le reconnaît d’ailleurs. Nous devons
aussi évoluer dans d’autres domaines. Le Président de la République, le
Gouvernement et le ministre de l’agriculture ont ainsi annoncé que si la loi ne
produisait pas les résultats attendus, il faudrait la faire évoluer.
M. Thibault
Bazin. C’est le cas !
M. Marc
Fesneau, ministre. Il n’y aura pas d’agriculture et
d’agriculteurs sans revenus !
Peut-être avez-vous mal suivi
l’actualité de l’Union européenne ce week-end, monsieur Minot.
M. Thibault
Bazin. Non !
M. Marc
Fesneau, ministre. Si la tentative d’accord sur un budget
européen a échoué, c’est parce que le Président de la République s’est opposé à
une proposition qui sacrifiait l’agriculture sur l’autel du budget européen.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM. –
Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Thibault
Bazin. Merci Manu !
M. Marc
Fesneau, ministre. Le vote du budget européen nécessite
l’unanimité. Or le Président de la République a affirmé que nous n’accepterions
pas le budget tel qu’il était présenté, car il sacrifiait
l’agriculture.
Enfin, nous avons besoin de redonner confiance aux
agriculteurs, et c’est collectivement – Gouvernement, majorité et
opposition – que nous pourrons le faire. En matière de revenus, c’est grâce
à la politique agricole que nous mènerons ces prochaines années que nous
pourrons redonner confiance aux agriculteurs. (Applaudissements sur les bancs
du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme Émilie
Bonnivard. Quelle langue de bois !
M. Thibault
Bazin. Stéphane Travert, reviens !
M. Pierre
Cordier. Pour un futur ministre, ce n’est pas
terrible !
Accès aux soins des personnes en difficulté
M. le
président. La parole est à M. Jean-Michel Clément.
M.
Jean-Michel Clément. Il y a bientôt trois ans, un enfant de cinq ans,
scolarisé dans une école maternelle de la Vienne, décédait d’une tuberculose
transmise par une enseignante remplaçante ayant exercé dans plusieurs écoles. Un
an après cette tragédie, les craintes de contagion persistaient.
Il
existe une population où la prévalence de la tuberculose est dix fois plus
élevée que dans le reste de la population : les sans-abri. Parmi eux
figurent des demandeurs d’asile qui sont d’autant plus éloignés du parcours de
soins qu’un décret, publié le 30 décembre dernier, leur impose un délai de
carence de quatre-vingt-dix jours pour accéder aux soins, auquel s’ajoute le
délai d’instruction des dossiers.
M.
Jean-Paul Lecoq. Qui a signé ce décret absurde ?
M.
Jean-Michel Clément. Ce décret, qui expose notre pays à un problème de
santé publique majeur, constitue un recul sans précédent dans la prise en charge
médicale des personnes exposées à de graves problèmes de santé en raison de
mauvaises conditions d’hygiène et de soins…
Mme
Mathilde Panot. Il y a quand même des virus !
M.
Jean-Michel Clément. …à l’heure où la propagation du coronavirus
s’accentue. Cette décision participe d’un déni de réalité qu’il faut
reconsidérer.
Aussi, monsieur le Premier ministre, au nom de la
protection de la santé publique et du principe d’humanité, le groupe Libertés et
territoires vous demande si vous comptez abroger ce décret imposant aux
personnes fragilisées un délai de carence de quatre-vingt-dix jours pour accéder
aux soins.
Comme Michel Castellani l’a demandé au ministre des
solidarités et de la santé il y a deux jours, nous attendons également des
mesures visant à contrôler l’état sanitaire des personnes qui débarquent en
Corse en provenance de pays exposés au coronavirus, comme
l’Italie.
Enfin, de nombreux pays africains ne pourront pas faire face au
coronavirus. L’inquiétude grandit parmi nos ressortissants et nos expatriés.
Quelle réponse leur apporterez-vous, ainsi qu’aux États africains, dont les
équipements de soins sont insuffisants et qui ne manqueront pas d’en appeler à
notre aide ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LT, SOC et
MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du
ministre des solidarités et de la santé.
M.
Jean-Paul Lecoq. Difficile de répondre !
M. Adrien
Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la
santé. Je vous remercie pour cette question, qui appelle notre attention sur
les difficultés rencontrées par certaines populations sensibles dans notre pays
et à l’étranger. Je vous apporterai deux éléments de réponse. Aujourd’hui, le
coronavirus ne circule pas sur notre territoire. Notre stratégie est corrélée au
niveau de risque ; elle peut être adaptée et révisée à tout moment pour
tenir compte, entre autres, du degré d’exposition élevé de certaines
populations. Une circulaire a été envoyée hier à tous les établissements
scolaires à ce sujet, et cet après-midi, le Premier ministre a adressé un
courrier à l’ensemble des municipalités, des départements et des établissements
placés sous leur tutelle – comme les conservatoires de musique – leur
demandant d’appliquer les dispositions nécessaires à l’égard des personnes
revenant de zones à risque, qu’il s’agisse de la Chine ou du nord de
l’Italie.
Je le redis : aujourd’hui, tout est fait pour freiner la
progression du virus sur le territoire français. Nous dépistons les cas
éventuels, nous avons augmenté nos capacités de diagnostic, nous isolons les
malades.
M.
Jean-Paul Lecoq. Vous les empêchez de se soigner ! Vous ne répondez
pas à la question !
Mme Laurence
Dumont. Répondez sur le décret !
M. Adrien
Taquet, secrétaire d’État. Un ensemble de procédures a été mis en
place dans ce but, comme la semaine dernière aux Contamines-Montjoie. Encore une
fois, si le virus devait circuler en France, nous adapterions ces procédures,
ainsi que les recommandations adressées à nos concitoyens. Un certain nombre
d’entre eux s’interrogent par exemple sur le fait que nous n’avons pas annulé
d’événements sportifs : cela ne signifie pas que nous n’en annulerons pas
demain, en fonction de l’évolution de la situation.
Retraites des agriculteurs
M. le
président. La parole est à M. Dominique Potier.
M.
Dominique Potier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Cette année, le Salon de l’agriculture, c’est une alerte et un
appel.
L’alerte provient du 1,3 million d’agriculteurs et de paysans
qui, s’ils n’ont pas de patrimoine, vivent leur retraite dans des conditions
indignes. Les réponses que nous avons entendues ne sont pas satisfaisantes.
Elles ne peuvent pas l’être. Afin d’établir la vérité des faits, je voudrais
rappeler que les groupes communiste et socialiste ont proposé tout un panel de
processus législatifs – je pense à la proposition Peiro, à la proposition
Chassaigne. Nous proposons des solutions de financement dans nos amendements.
J’en citerai deux. L’une vise à augmenter la part de solidarité de ceux que vous
exonérez aujourd’hui de cotisations ; il y a là des marges de manœuvre
importantes. L’autre consisterait tout simplement à taxer les revenus du
capital : 3 % du produit de cette taxation suffiraient à assurer la
dignité des retraites agricoles. (Applaudissements sur les bancs des groupes
SOC et GDR. – Mme Maud Petit proteste.) Dans l’état de
fracturation où se trouve notre société, il n’est pas possible que les
propositions du Parlement, réuni pour débattre de cette question, se heurtent à
une fin de non-recevoir. Ce serait un diktat du Président de la
République.
Après l’alerte, j’en viens à l’appel. Aujourd’hui, un tiers
des agriculteurs vont partir en retraite dans les cinq ans, la moitié dans les
dix ans. S’il n’y a pas de relève, si la libéralisation du marché foncier se
poursuit, nous assisterons à la destruction des emplois, de la valeur
économique, de la valeur écologique telle que l’a définie le Groupe d’experts
intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC.
(Mme Valérie Rabault et M. Boris
Vallaud applaudissent.) Il nous faut donc garantir cette relève. Cela passe
par une régulation des marchés aux échelons national, européen et international,
par un partage du foncier.
Nous étions ce matin dix-huit organisations,
dont les cinq syndicats agricoles, neuf organisations non gouvernementales et
trois organisations de territoires. Il y avait là Jean-Michel Clément,
Jean-Bernard Sempastous. Nous vous garantissons le soutien de 80 % du
Parlement, tous bords confondus : faites cette loi foncière ! Sans
justice foncière, pas de relève agricole, et pas d’agro-écologie !
(Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR ainsi que sur quelques
bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec
le Parlement.
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement. Vous me
permettrez de répondre à la deuxième partie de votre intervention, qui portait,
si j’ai bien compris, sur la question foncière. Je voudrais saluer – et ce
n’est pas seulement pour vous faire plaisir – le travail que vous faites,
avec un certain nombre de vos collègues, sur ce sujet qui nous préoccupe autant
que vous.
Reconnaissons tout d’abord que ce que l’on appelle
l’accaparement des terres ou la question foncière n’est pas un phénomène tout à
fait nouveau. C’est d’ailleurs pour cela que nos aînés, il y a cinquante ou
soixante ans, avaient décidé de se doter d’outils de régulation.
L’agrandissement des exploitations n’est pas non plus une nouveauté : il a
résulté progressivement de la mécanisation, de la quête de productivité. Le fait
nouveau que vous avez raison de signaler, c’est que l’organisation des
exploitations, parfois le dévoiement des lois, donnent à cet agrandissement un
caractère parfois démesuré.
Des éléments sont sur la table : le
ministre de l’agriculture a décidé de lancer des groupes de travail, auxquels
vous participez, sur un certain nombre des sujets que vous mettez en évidence.
M.
Dominique Potier. Nous n’y sommes pas associés !
M. Marc
Fesneau, ministre. Vous pouvez y contribuer, puisque des
contributions sont prévues. Cela permettra de travailler sur les questions de
fiscalité, de transmissibilité des exploitations, ainsi qu’à des outils de
régulation plus en adéquation avec la situation actuelle, puisque sont en train
de se créer des sociétés qui peuvent essayer de dévoyer les choses.
La
question foncière est une question centrale, mais non la seule qui se pose en
matière d’installation des agriculteurs. Vous le savez : avant toute chose,
il faut leur garantir un revenu, essayer de faire en sorte que les exploitations
puissent être reprises dans les conditions nécessaires à leur viabilité
économique. La deuxième question est celle de la transmissibilité des
exploitations, qui ne se limite pas à l’aspect foncier. Il y a des outils de
production qui ne sont pas adaptés, et c’est sans doute sur ce point que nous
aurons besoin de sociétés de portage.
Enfin, nous croyons qu’une
politique agricole commune, la PAC, est nécessaire en vue d’accompagner les
transitions de l’agriculture d’une manière claire pour les agriculteurs. Nous
avons besoin d’informations à moyen et long terme en matière de transition
écologique et d’agro-écologie. Il s’agit non seulement de la question foncière,
mais de redonner confiance aux agriculteurs français. (Applaudissements sur
quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Accès à la haute fonction publique
M. le
président. La parole est à Mme Laurianne Rossi.
Mme
Laurianne Rossi. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État
auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Mardi dernier, maître
Frédéric Thiriez remettait au Premier ministre les conclusions de la mission que
lui avait confiée le Président de la République en vue de refonder le
recrutement, la formation et la gestion des carrières de nos hauts
fonctionnaires.
Lors de sa conférence de presse du 25 avril 2019, le
chef de l’État avait exprimé la volonté d’ouvrir l’accès à la haute fonction
publique, encore trop peu représentative de notre société, et d’en transformer
la gestion tant humaine que statutaire. La crise des gilets jaunes a également
révélé le souhait de nos concitoyens d’en finir avec des situations qui
s’apparentent parfois à des rentes. Aussi, le rapport Thiriez comprend trois
parties : « Décloisonner », « Diversifier » et
« Dynamiser ».
« Décloisonner » en créant, pour tous
les futurs cadres supérieurs des sept grandes écoles de service public, une
formation initiale commune : trois semaines de préparation militaire, trois
semaines consacrées à l’encadrement des jeunes effectuant leur service national
universel et quatre mois de stage opérationnel sur le
terrain.
« Diversifier » en instaurant de nouvelles modalités
de recrutement dans les grandes écoles, sans remettre en cause, bien évidemment,
le principe du concours, seule garantie de l’égalité d’accès aux emplois publics
proclamé par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789. Nous savons que le recrutement de nos hauts fonctionnaires
demeure, hélas, concentré sur les enfants de familles exerçant des professions
intellectuelles supérieures. Il nous appartient de lutter contre ces mécanismes
de reproduction sociale.
« Dynamiser » enfin, car depuis trop
longtemps, pour citer le rapport, l’État s’intéresse davantage au statut qu’aux
personnes. La direction générale de l’administration et de la fonction publique
sera ainsi renforcée.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous
préciser le calendrier du Gouvernement pour mettre en œuvre ces préconisations,
et nous dire celles qui vous semblent prioritaires ? (Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du
ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier
Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des
comptes publics. Vous l’avez dit, M. Thiriez a remis son rapport au
chef du Gouvernement, qui m’a chargé d’en instruire les quarante-deux
propositions, en lien avec les membres du Gouvernement. La première de nos trois
priorités consiste à diversifier et améliorer la carrière des hauts
fonctionnaires. Nous voulons que ceux qui, au sortir des écoles de la haute
fonction publique, se destinent à des missions d’inspection et de juridiction
puissent au préalable acquérir une expérience au sein de l’administration active
et dans le cadre de missions prioritaires. Nous voulons aussi que ceux qui n’ont
pas accès aux grands corps à l’issue de leur scolarité dans les écoles de
service public se voient offrir, au cours de leur carrière, une autre chance d’y
accéder, ce qui permettra de diversifier l’accès aux fonctions de haute
direction.
Nous souhaitons en effet créer un tronc commun, afin que
l’ensemble des hauts fonctionnaires reçoive en partage le même enseignement, les
mêmes valeurs de l’État. Ce tronc commun comportera des périodes de stage, des
périodes de valorisation de l’engagement citoyen, soit par l’encadrement du
service national universel, soit par d’autres moyens. Pour le déterminer, nous
nous appuierons sur les propositions du rapport Thiriez.
Enfin, nous
voulons surtout diversifier l’accès à la haute fonction publique. Il nous faut
pour cela réfléchir aux modalités des concours, les rendre peut-être moins
académiques, moins universitaires, favorisant la prise en compte des capacités
et des potentiels de leadership, du savoir-être et de la volonté de mener une
carrière à bien. Il nous faut aussi accroître l’égalité des chances en matière
d’accès aux écoles de la haute fonction publique. Nous comptons créer rapidement
davantage de classes préparatoires « égalité des chances », de
systèmes de bourses et d’accompagnement, pour aider des jeunes issus de familles
ou de territoires défavorisés à préparer ces concours et casser ainsi les
déterminismes sociaux, encore extrêmement présents. Nous voulons le faire dès le
mois d’avril ; le ministre de l’éducation, la ministre de l’enseignement
supérieur et moi-même soumettrons au Premier ministre des propositions en ce
sens. Toutes les dispositions nécessaires à l’instauration du tronc commun, à la
diversification du recrutement et à une meilleure gestion des carrières
trouveront leur place dans une ordonnance permise par la loi du 6 août
2019, qui sera présentée avant la fin du second trimestre. (Applaudissements
sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Soutien aux agriculteurs
M. le
président. La parole est à M. Loïc Prud’homme.
M. Loïc
Prud’homme. Monsieur le Premier ministre, j’étais hier au Salon de
l’agriculture, alors que résonnaient encore dans les allées les renoncements du
Président de la République. De son propre aveu, il ne consacrera pas un centime
de plus aux agriculteurs déjà retraités. Pire encore, la retraite agricole à
1 000 euros que vous avez promise pour 2022 demanderait aux chefs
d’exploitation d’avoir cotisé chaque mois l’équivalent de 50 heures au SMIC
pendant 516 mois, sans interruption. Autant dire qu’il s’agit d’une
chimère, d’un enfumage de plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
– Mme Laurence Dumont applaudit également.) Voilà pour le
présent ; l’avenir n’est pas plus rassurant.
Le président Macron
mise sur les discussions concernant le budget européen de la PAC pour faire mine
de s’intéresser à l’avenir et aux revenus de la profession. La PAC n’est pas
qu’un tiroir-caisse, c’est avant tout une politique, mais quelle
politique ? C’est la question que se posent les agriculteurs. Relocaliser
les productions, produire sainement, garantir des prix planchers et un revenu
paysan, sortir des pesticides, créer de l’emploi ? Il est urgent d’opérer
une refonte de notre modèle agricole pour qu’il réponde aux urgences climatiques
et environnementales (Applaudissements sur les bancs du groupe FI), pour
qu’il permette à nos producteurs de vivre décemment, pour les affranchir de leur
dépendance aux firmes agrochimiques.
Vos numéros de communication, comme
celui que vous avez orchestré autour d’un agribashing fantasmé,…
M. Vincent
Descoeur. Pas tout à fait !
M. Loïc
Prud’homme. …ne suffiront pas à faire croire à votre volonté de protéger
l’agriculture française et ses paysans, alors que se signent à tour de bras des
accords de libre-échange tels que le funeste Accord économique et commercial
global, le CETA, avec le Canada. La question que nous devons nous poser
collectivement est la suivante : quel contrat social la nation veut-elle
signer avec ses agriculteurs ? Dans cette perspective, il n’est pas
concevable que le plan stratégique national de la PAC, dont dépend l’avenir de
notre agriculture, soit uniquement discuté dans les couloirs du ministère.
Monsieur le Premier ministre, je vous le demande solennellement : quand
allez-vous ouvrir le débat parlementaire indispensable au sujet de ce
plan ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et
GDR.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec
le Parlement.
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement. Votre
question vient compléter les précédentes, si je puis dire. Tout d’abord, comme
M. Minot l’a souligné à juste titre, un certain nombre d’agriculteurs sont
victimes d’un agribashing qui n’a rien de « fantasmé ».
M. Vincent
Descoeur. En effet ! Il est réel !
M. Marc
Fesneau, ministre. Allez sur des exploitations agricoles,
discutez avec des agriculteurs, parfois menacés à la limite de leur champ pour
des motifs injustes, et vous verrez si ce ne sont pas des choses qui
existent ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
M. Frédéric
Reiss. Vous avez raison ! Et certains d’entre nous les
entretiennent !
M. Marc
Fesneau, ministre. Je propose donc que nous évitions d’y tomber.
Ensuite, vous réclamez des instances démocratiques pour parler du budget de la
PAC. Je vous rappelle qu’il sera débattu au Parlement européen, où vous avez
d’ailleurs des députés. Nous pourrons en discuter ici aussi. Respectons les
institutions démocratiques où vous-même avez souhaité être
élu !
Enfin, vous posez la question des outils de la PAC et de ce à
quoi elle doit servir. Au fond, le Gouvernement est d’accord avec vous : la
PAC doit d’abord garantir un revenu aux agriculteurs, leur permettre d’améliorer
leur compétitivité et leur productivité.
M. Vincent
Descoeur. Et de compenser les handicaps naturels !
M. Marc
Fesneau, ministre. Il ne faut pas non plus oublier que les pères
fondateurs de l’Europe ont conçu la PAC afin de nourrir celle-ci. Nous ne devons
jamais nous écarter de sa dimension quantitative. Ce serait une erreur de dire
que nous n’avons pas de vrais enjeux en la matière, y compris ceux liés au
changement climatique et aux aléas qui en résulteront. En second lieu, la PAC
doit servir à la transition. Encore une fois, vous avez raison : il faut
mener à bien des transitions écologiques.
M. Loïc
Prud’homme. Vous n’avez pas de plan stratégique pour la
France !
M. Marc
Fesneau, ministre. Arrêtez de me parler d’un plan
stratégique ; je vous parle de la PAC, qui d’ailleurs en est un !
(Protestations sur les bancs du groupe FI.) Si nous défendons son budget
avec autant de vigueur, c’est parce que, sans cela, il n’y aura pas de politique
agricole, et ce sont les agriculteurs français qui en souffriront le plus. En
proposant de la nationaliser, vous commettriez une grave erreur. Cela ne nous
empêche pas d’en débattre dans cet hémicycle ; mais nous avons besoin de
faire évoluer un certain nombre d’outils, et la PAC servira à cela.
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Lutte contre la délinquance en Polynésie
M. le
président. La parole est à Mme Nicole Sanquer.
Mme Nicole
Sanquer. Ma question s’adresse au ministre de l’intérieur. Le mois
dernier, tout en indiquant que la délinquance était contenue sur notre
territoire, le haut-commissaire de la République en Polynésie française a établi
des priorités en la matière : la lutte contre les drogues, la lutte contre
les violences familiales, la poursuite des actions de prévention et de
répression dans le domaine de la sécurité routière.
Vous n’ignorez pas,
monsieur le ministre, que la Polynésie française est l’un des territoires les
plus touchés par les violences intrafamiliales, et que le taux d’infractions à
la législation sur les stupéfiants pour 1 000 habitants y est deux
fois supérieur à celui de l’hexagone. Il y a quinze jours, Mme la ministre des
outre-mer, en mission en Polynésie, a déclaré la « guerre » à l’ice,
une drogue de synthèse qui fait des ravages sur nos îles.
Il ne se passe
pas une semaine sans qu’une saisie soit réalisée. Ces chiffres témoignent de
l’ampleur du fléau auxquels nos douaniers et nos policiers doivent faire face.
Cependant, ils souffrent d’un manque d’effectifs et souhaiteraient recevoir des
renforts pour mener à bien leurs missions de contrôle et de surveillance, en mer
comme sur terre.
De surcroît, nos tribunaux sont engorgés par
l’accroissement du nombre de comparutions immédiates.
Suite aux assises
territoriales de la sécurité intérieure en outre-mer, qui donneront lieu à la
parution du Livre blanc de la sécurité intérieure, les premières annonces faites
le 13 février portent notamment sur le renforcement de la sécurité en
Martinique, avec l’envoi de moyens supplémentaires.
Vous nous avez
rappelé à cette occasion, monsieur le ministre, que la sécurité intérieure en
outre-mer était une priorité de votre action. Ces mots sont forts et je me
réjouis que vous exprimiez toute la considération que méritent les
outre-mer.
Cependant, pour passer des paroles aux actes, nous avons grand
besoin de moyens supplémentaires en Polynésie française ! Quelles mesures
comptez-vous prendre pour pallier le manque de moyens dans le domaine de la
sécurité intérieure et selon quel calendrier ? (Applaudissements sur les
bancs du groupe UDI-Agir. – Mme Jeanine Dubié applaudit
également.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M.
Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Vous avez raison,
madame la députée, la délinquance enregistrée en Polynésie française revêt un
caractère particulier. Si elle est plus basse que dans le reste des outre-mer,
elle est marquée par deux fléaux : les violences intrafamiliales et le
trafic de drogues et de stupéfiants. Nous portons une attention particulière à
la sécurité en Polynésie française, en nous attachant tout spécialement à ces
sujets.
Nous avons ainsi fait progresser de dix-huit le nombre de
policiers et de gendarmes mobilisés dans le territoire. Nous y avons en outre
maintenu la présence permanente d’un escadron, essentiellement pour garantir le
maintien de l’ordre public lorsque c’est nécessaire, mais aussi pour assister
nos forces dans leur lutte contre ces fléaux. Malgré ces mesures, les trafics
restent élevés, en particulier le trafic de stupéfiants, même si les résultats
se sont nettement améliorés durant les deux dernières années.
Ainsi,
653 affaires ont été traitées l’année dernière, contre 459 l’année
précédente. Je vous ferai parvenir le bilan précis et complet de l’année 2019
dès qu’il aura été actualisé. Il est important que vous en ayez connaissance. Je
peux d’ores et déjà vous dire, cependant, que plus de dix kilos de stupéfiants
de type Ice ont été saisis en 2019. Cette drogue de synthèse, essentiellement
produite au Japon mais qui déferle dans toute la région du Pacifique, est
extrêmement dangereuse.
Nous devons aller plus loin. Les cinquante-cinq
mesures du plan national de lutte contre les stupéfiants seront ainsi adaptées
aux particularités locales de la Polynésie pour tenir compte de la réalité
géographique de ce trafic, qui a surtout pour origine l’Australie et les
États-Unis, mais également l’Amérique du sud. Je vous propose, madame la
députée, que nous y travaillions ensemble en nous appuyant sur les chiffres que
je vous communiquerai.
Nomination à la Cour des comptes
M. le
président. La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick
Hetzel. Monsieur le Premier ministre, alors que la Cour des comptes
dénonce aujourd’hui un redressement des comptes publics à l’arrêt, que la dette
publique atteint 100 % du produit intérieur brut, menaçant notre
souveraineté en nous plaçant entre les mains de nos créanciers, alors que vous
condamnez les générations futures à payer le prix de votre refus du moindre
effort budgétaire, nous venons d’apprendre que vous aviez l’intention de nommer
à la tête de la Cour des comptes et du Haut Conseil des finances publiques une
personne qui n’a aucune compétence en la matière. C’est du jamais vu !
M. Damien
Abad. Scandaleux !
M. Patrick
Hetzel. En somme, le Gouvernement se préoccupe davantage du sort de ses
amis à recaser que de l’avenir de nos comptes publics. Vous faites passer la
connivence avant la compétence.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi
avez-vous aussi peu de considération pour nos institutions ? Pourquoi
négligez-vous à ce point la France et ses comptes publics ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre de l’action et des
comptes publics.
M. Gérald
Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur
le député, je pensais que votre question porterait sur les comptes publics, mais
je m’aperçois que vous vous livrez à des attaques ad hominem. Je ne puis vous
répondre que par le silence. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick
Hetzel. Monsieur le Premier ministre, en arrivant au pouvoir, vous aviez
promis aux Français que rien ne serait plus comme avant, que le copinage ne
serait plus de mise dans le nouveau monde, que la compétence l’emporterait avant
tout.
M. Roland
Lescure. C’est vrai.
M. Patrick
Hetzel. Force est de constater que votre nouveau monde est bien pire que
l’ancien. On ne compte plus les ministres contraints de quitter le Gouvernement
pour des affaires, ni les turpitudes à tous les étages de votre majorité. Que
devient la France, dans tout cela ? (Applaudissements sur les bancs du
groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald
Darmanin, ministre. Le problème, lorsqu’on écrit la réplique
avant d’avoir entendu la réponse du Gouvernement… (Exclamations sur les bancs
du groupe LR.)
M. Pierre
Cordier. Il n’y a pas eu de réponse !
M. Gérald
Darmanin, ministre. … c’est qu’on est complètement hors
sujet ! Vous en êtes réduit à commenter des rumeurs, à attaquer
personnellement des membres du Gouvernement.
Mme Valérie
Boyer. Démentez, dans ce cas !
M. Gérald
Darmanin, ministre. Il me semblait que vous étiez membre du
groupe Les Républicains. Le républicanisme suppose de ne pas
insulter…(Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Maxime
Minot. Quelle condescendance !
M. Gérald
Darmanin, ministre. …de ne pas s’énerver, de ne pas s’exciter, de
ne pas crier – c’est très mauvais pour le cœur. (Mêmes
mouvements)
Si vous n’aviez pas lu votre papier, je vous aurais
peut-être répondu au sujet des comptes publics.
M. Pierre
Cordier. Les chiffres sont tellement mauvais…
M. Gérald
Darmanin, ministre. Surtout, vos propos sont erronés. La dette
publique n’a pas atteint 100 % du PIB…
M. Pierre
Cordier. Ah bon ?
M. Gérald
Darmanin, ministre. …puisque nous avons, au contraire, ramené le
déficit public à 2,2 % du PIB. (Applaudissements sur quelques bancs du
groupe LaREM.) Je me suis d’ailleurs permis, monsieur le député, de
photocopier la lettre que j’ai écrite avec M. Le Maire au Premier président
de la Cour des comptes, car je pensais que vous étiez attaché aux comptes
publics et que vous m’interrogeriez à ce propos. Je constate malheureusement,
pour le déplorer, que vous préférez commenter des rumeurs de façon
malveillante.
M.
Jean-Marie Sermier. Vous ne lisez pas la bonne réponse !
Mme Valérie
Boyer. Pas de chance, on ne vous a pas passé les bonnes
fiches !
Mme
Bérengère Poletti. C’est du remplissage !
M. Gérald
Darmanin, ministre. Je sais que les campagnes électorales
énervent, mais il faut savoir prendre son temps. Respirez par le nez, soufflez
par la bouche, tout va bien se passer ! (Applaudissements sur quelques
bancs du groupe LaREM.) Si M. l’huissier veut bien vous transmettre la
copie de ce courrier, je suis certain que vous le lirez avec attention et en
tirerez profit pour poser une question la prochaine fois. (Vives exclamations
sur les bancs du groupe LR – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
M. Pierre
Cordier. Minable !
M. le
président. Mes chers collègues, puisque ce sujet vous passionne, sachez
qu’après les questions au Gouvernement, le rapport annuel de la Cour des comptes
nous sera présenté. Je compte sur votre présence pour me sentir un peu moins
seul que d’habitude. Cette remarque vaut pour tous les députés.
(« Nous serons
là ! » sur les bancs du groupe
LR.)
M. Damien
Abad. Nous ne sommes pas des ministres déserteurs !
Difficultés des agriculteurs
M. le
président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de
Courson. Monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le ministre de
l’agriculture et de l’alimentation, l’inquiétude des exploitants agricoles et
viticoles devant le blocage des discussions sur le futur budget de la politique
agricole commune se double d’une exaspération face à la multiplication des vols
de toutes natures – GPS, tracteurs, carburants, etc.
Pour prendre un
exemple, dans la nuit du 31 janvier au 1er février, un
drame s’est produit à Ambrières, petite commune de la Marne située dans ma
circonscription. Jean- Louis Leroux, agriculteur de cette commune, a été
victime de plus de cinquante cambriolages au cours des cinq dernières années.
Entendez-vous bien, messieurs les ministres ? Cinquante cambriolages, dont
quatre depuis le début de l’année !
Cette nuit-là, dès le
déclenchement de l’alarme, il a contacté les forces de gendarmerie avant de se
rendre au-devant des cambrioleurs, accompagné de son frère.
Hélas, alors
que les deux frères tentaient de retenir les malfaiteurs en attendant les
gendarmes, un coup de feu est parti et a blessé grièvement l’un des trois jeunes
voleurs sans que Jean-Louis Leroux ait eu l’intention de blesser
quiconque.
Devant un tel drame, qui aurait pu survenir à n’importe quel
endroit du territoire, quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour
éviter que d’autres de même nature ne surviennent ?
D’autre part, le
Gouvernement peut-il informer la représentation nationale de l’état des
négociations relatives au budget de l’Union européenne, en particulier celui de
la politique agricole commune ? (Applaudissements sur plusieurs bancs
des groupes LT et UDI-Agir.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M.
Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Vous avez raison de
rappeler les tensions permanentes auxquels sont soumis les agriculteurs,
monsieur le député, notamment du fait de vols divers. En 2019,
7 500 vols et plus de 1 600 cambriolages ont été dénombrés
dans le milieu agricole. Les auteurs font parfois partie de filières organisées
– c’est souvent le cas pour les vols de GPS. Je salue, à cette occasion, le
travail des forces de police et de gendarmerie, qui sont parvenues à démanteler
il y a peu un réseau international de ressortissants lituaniens qui avait réussi
à dérober 700 GPS pour un coût global de près de 5 millions d’euros.
La criminalité internationale est organisée et les vols se multiplient, qu’il
s’agisse de matériels, d’animaux, voire de productions agricoles. C’est pourquoi
nous devons agir.
N’oublions pas non plus les faits d’intrusion – près
d’un millier, liés à la défense de la cause environnementale, légitime
lorsqu’elle en reste au stade de la discussion, illégale lorsqu’elle conduit à
enfreindre les lois que vous votez. Ces moyens d’action se sont multipliés
contre le monde agricole l’année dernière. Ce sont bien des violences que
subissent les agriculteurs, mais aussi les animaux, qui sont parfois tués au
cours de ces opérations.
Nous devons nous mobiliser pour lutter contre
ces actions inacceptables. Nos forces, en particulier les gendarmes, le sont.
Près de 2 000 gendarmes sont aujourd’hui spécialisés dans
l’accompagnement du monde agricole – pas à temps plein –, pour mieux le protéger
et permettre des communications en direct.
Nous avons créé il y a
quelques mois, au sein de la gendarmerie nationale, une cellule que j’ai
présentée hier au Salon de l’agriculture, Déméter, destinée à améliorer notre
coordination avec le monde agricole et à renforcer la protection que nous lui
devons.
Je ne réponds pas à la question relative au budget de la PAC,
mais je crois que d’autres ministres, en particulier le Premier ministre, se
sont exprimés à ce sujet. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de
Courson. Certes, vous avez créé une cellule Déméter ; mais
M. Leroux avait équipé sa ferme – dans laquelle il n’habitait pas – de
caméras. Suite à leur déclenchement, il a immédiatement alerté les gendarmes,
qui sont arrivés sur les lieux peu après lui car leur temps de trajet était plus
long. Votre réponse n’est pas satisfaisante : les agriculteurs et les
viticulteurs ont le sentiment qu’il n’y a plus d’État. (Applaudissements sur
plusieurs bancs des groupes LT et UDI-Agir.)
Situation des éleveurs bovins
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Monsieur le Premier ministre,
« Idéale » : ainsi se prénomme la magnifique vache charolaise
égérie du salon international de l’agriculture. Cette race, avec la Limousine,
la Blonde d’Aquitaine ou encore l’Aubrac, constitue la majeure partie du
troupeau allaitant. Ce sont des animaux élevés pour leur viande de haute
qualité. Porté par la coopérative SICABA – société d’intérêt collectif agricole
de Bourbon l’Archambault –, le premier label rouge en viande bovine adulte est
né en 1974, dans ma circonscription de l’Allier, en plein cœur du bocage
bourbonnais.
Ces animaux pâturent dans des prairies dites naturelles,
jamais labourées, et qui participent à la biodiversité à laquelle nous sommes
tous attachés. Ces exploitations d’élevage, souvent situées en zones dites
défavorisées simples, ne peuvent pas prétendre au même niveau d’aide que les
exploitations en zone de montagne, par exemple.
Ce mode d’élevage est
aujourd’hui menacé ; le moral n’y est plus. Le député Jean-Baptiste Moreau
déclarait lui-même ce week-end, au Salon de l’agriculture, qu’il fallait
intervenir le plus vite possible, notamment au niveau de la filière de la viande
bovine, car les prix de vente ne correspondent plus du tout aux coûts de
production. Il ajoutait que dans son département comme dans d’autres, de plus en
plus d’éleveurs jetaient l’éponge et vendaient leur cheptel. Les prairies sont
alors labourées, ce qui va à l’encontre de la nature !
M. Pierre
Cordier. Il a raison !
M.
Jean-Paul Dufrègne. La loi pour l’équilibre des relations commerciales
dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, dite loi EGALIM,
avait suscité de l’espoir. Elle n’est malheureusement pas au rendez-vous. De
surcroît, les premières discussions autour de la future PAC ne sont pas
encourageantes.
Ma question est simple : avez-vous la volonté de
sauver l’élevage bovin allaitant en France, et comment ? Ou laisserez-vous
faire le marché, comme dans d’autres domaines, en continuant de signer des
traités où les distorsions de concurrence ne sont pas acceptables, ce que les
députés communistes dénoncent régulièrement ? (Applaudissements
sur les bancs du groupe GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe
SOC.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des
finances.
M.
Jean-Paul Lecoq. Idéal !
M. Bruno Le
Maire, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le
député, « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la
France ».
M.
Jean-Paul Lecoq. Nous avons eu le même manuel d’histoire !
M. Bruno Le
Maire, ministre. Personne, ici, ne pourrait imaginer la France
sans l’une ou l’autre. Personne ne pourrait imaginer la France sans la
Charolaise, l’Aubrac, la Rouge des prés, la Blonde d’Aquitaine, la Salers, la
Limousine.
M. Éric
Straumann. Ni la Vosgienne !
M. André
Chassaigne. Ni la Charentaise !
M. Bruno Le
Maire, ministre. Ni la Normande, mais je voudrais garder un peu
de temps pour vous répondre.
Je reconnais bien volontiers que ces races
et leurs éleveurs sont aujourd’hui confrontés à des difficultés
considérables : des difficultés de prix, des difficultés naturelles, celles
causées par le rat taupier dans les prairies naturelles – phénomène contre
lequel nous avons beaucoup lutté ces dernières années… Mais la première est le
prix de vente insuffisant. Je suis le premier à reconnaître que la loi EGALIM
– loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole
et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous –,
qui a donné d’excellents résultats sur beaucoup de plans…
M. Pierre
Cordier. Ah bon ? Lesquels ?
M. Bruno Le
Maire, ministre. … ne donne pas ceux qui étaient attendus sur la
question de la rémunération des éleveurs de bovins allaitants. Les prix ne sont
pas au rendez-vous pour des éleveurs qui sont à la peine, qui n’ont pas les
revenus qu’ils devraient avoir, qui fournissent un travail exceptionnel, qui
produisent des bêtes de qualité – que chacun a pu voir au Salon de
l’agriculture – et dont les efforts ne sont pas justement rémunérés.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et
UDI-Agir.)
Quelle est la réponse ? La première, c’est une
meilleure organisation de la filière. Il y a quelques années, je m’y suis
employé dans d’autres fonctions ; le travail à faire reste encore
important.
M. Pierre
Cordier. C’est le même discours qu’il y a trois ans !
M. Bruno Le
Maire, ministre. La deuxième, c’est de revoir ce qui mérite
d’être revu dans la loi EGALIM pour les éleveurs de bovins allaitants. Nous
sommes prêts, avec Didier Guillaume, à améliorer le texte pour faire en sorte
que les contraintes soient plus fortes et que les éleveurs soient mieux
rémunérés.
La troisième réponse réside évidemment dans la politique
agricole commune. Le Président de la République l’a dit et se bat pour
cela : nous sommes prêts à ce que soient prises des mesures spécifiques
pour les secteurs les plus menacés, au premier rangs desquels les éleveurs de
bovins allaitants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
M. Pierre
Cordier. Ce ne sont pas des mots que nous voulons, ce sont des
actes ! Parler c’est bien, agir c’est mieux !
M. André
Chassaigne. Ce n’était pas trop mal, vous avez quelques
restes.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne – pour saluer
la pie noire bretonne, j’imagine. (Sourires.)
M. Thierry
Benoit. Excellent !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Avec plaisir, monsieur le président. Merci, monsieur
le ministre, d’avoir reconnu les difficultés particulières de ce secteur. Je
répète qu’il y a urgence, car le moral est bas et trop d’exploitations
disparaissent. (Applaudissements sur les bancs du groupe
GDR.)
Mesures en faveur du retour à l’emploi
M. le
président. La parole est à Mme Marguerite Deprez-Audebert.
Mme
Marguerite Deprez-Audebert. Ma question s’adresse à Mme la ministre
du travail.
Madame la ministre, les chiffres de l’emploi s’améliorent
globalement, mais il reste des poches de résistance et nous allons entrer dans
le dur. Le combat pour lutter contre le chômage a plusieurs armes ;
l’innovation en fait partie, et vous en êtes convaincue, j’en suis
sûre.
Dans ma région des Hauts-de-France, où le chômage est encore trop
élevé malgré une amélioration sensible en 2019 et où des postes restent malgré
tout à pourvoir, le service public de l’emploi local – SPEL – et la
ligue d’athlétisme ont organisé un « job dating » plutôt innovant et
efficace : vendredi dernier, au stade de Liévin, dans le Pas-de-Calais, a
eu lieu la deuxième édition de l’opération « du stade vers l’emploi ».
Des demandeurs d’emploi et des recruteurs potentiels se sont rencontrés
anonymement lors d’épreuves sportives avant de se présenter pour de véritables
entretiens d’embauche.
La perspective du boom économique lié aux Jeux
olympiques de Paris n’est pas la seule à l’origine de cet événement auquel vous
avez assisté et même participé, madame la ministre. En effet, ce premier contact
à travers le sport permet une sensibilisation au respect des règles, du
collectif, du partenaire et au dépassement de soi, autant de valeurs inhérentes
au sport. La rencontre a également été l’occasion de faire connaître aux
demandeurs d’emploi des métiers ignorés ou en tension. Cette opération
d’inclusion par le sport était destinée à des candidats plutôt jeunes, peu ou
pas diplômés, peu familiers des stades et issus de territoires parfois
oubliés ; elle leur a permis de se faire repérer par leur comportement ou
leur savoir-être, souvent aussi importants que les compétences.
Un an
après la première édition, près de 75 % des participants à l’opération
avaient trouvé un emploi. Madame la ministre, de telles actions n’ont-elles pas
vocation à se multiplier dans l’hexagone ? Quelles autres initiatives
innovantes seriez-vous prête à encourager ? (Applaudissements sur les
bancs du groupe MODEM. – M. Rémy Rebeyrotte applaudit
également.)
M. le
président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel
Pénicaud, ministre du travail. Madame la députée, je vous
remercie de votre présence auprès de moi à Liévin vendredi dernier. En effet, le
sport fait partie des leviers vers l’emploi : il permet de casser les codes
classiques du recrutement, de retrouver confiance en soi et de déceler des
potentiels.
Oui, l’innovation fait partie des armes de lutte contre le
chômage. Le taux de chômage baisse de manière significative : dans votre
département, il est passé de 11,6 % à 10,2 % en deux ans, mais c’est
encore beaucoup. Même si le nombre de contrats à durée indéterminée est plus
élevé que jamais, que les taux d’emploi et d’apprentissage sont meilleurs que
jamais, nous ne devons laisser personne au bord du chemin. Les innovations sont
nombreuses : le même jour, votre collègue Anne-Laure Cattelot nous a
présenté une autre innovation très intéressante dans le département du
Nord.
Le sport fait partie des leviers à mobiliser. Grâce au soutien du
ministère du travail et du comité d’organisation des Jeux olympiques et
paralympiques de 2024, l’expérimentation lancée dans le Nord et reprise à Liévin
sera multipliée dans soixante-dix villes. Il est extraordinaire de constater que
l’on arrive à faire embaucher quatre candidats sur cinq rien qu’en changeant le
regard des recruteurs sur les demandeurs d’emploi ! Cela donne de l’espoir
et montre qu’il faut recruter sur les compétences, sur le potentiel, sur la
motivation, et pas seulement sur le curriculum vitae.
D’autres
expérimentations ont été menées dans le domaine du sport et à travers le plan
d’investissement dans les compétences. Nous finançons Toutes championnes, tous
champions en Seine-Saint-Denis, Sport dans la ville à Lyon, et l’Agence pour
l’éducation par le sport a travaillé sur le recrutement des invisibles avec des
animateurs sportifs. En partenariat avec le comité d’organisation de la coupe du
monde de rugby, la fédération française de rugby vient d’ouvrir un CFA
– centre de formation des apprentis – comparable au CFA de football de
Montpellier et des CFA partenaires de l’UCPA – Union nationale des centres
sportifs de plein air.
Je serai le 24 mars au salon de l’alternance
dans le sport avec la ministre des sports pour encourager toutes ces innovations
qui font partie des outils de lutte contre le chômage. (Applaudissements sur
quelques bancs du groupe LaREM.)
Lutte contre les punaises de lit
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme
Mathilde Panot. Monsieur le Premier ministre, « Héberger des
punaises de lit est un calvaire, elles empêchent de dormir, elles mordent
douloureusement, elles épuisent, elles usent les nerfs à devenir fou. Pour les
contenir, j’ai prévenu ma famille, mon entourage et n’ai plus reçu d’amis chez
moi, ni ne me suis rendue chez eux ». Cet enfer quotidien est celui de
centaines de milliers de familles dans notre pays.
Depuis huit mois,
notre groupe parlementaire vous demande, aux côtés de l’association Droit au
logement, de la Confédération nationale du logement, de l’association nationale
de défense des consommateurs et de l’intercollectif de Marseille, de reconnaître
les punaises de lit comme un problème de santé publique. Nous avons organisé une
manifestation, signé des pétitions, fait du porte à porte d’information, aidé
des familles à désinsectiser leurs logements, demandé des rendez-vous auprès du
ministère de la santé et de celui du logement, rédigé une proposition de
résolution.
Huit mois plus tard, vous commencez à vous saisir du
problème. Enfin ! Mais la déception est à la hauteur des attentes : un
site Internet, un numéro de téléphone payant et une mission parlementaire !
Pourtant, les solutions, on les connaît : lorsque le nombre de logements
infestés explose, lorsque les punaises de lit prolifèrent dans tous les lieux du
quotidien – hôpitaux, écoles, bibliothèques, résidences étudiantes, maisons
de retraite, prisons, trains, et même salles de cinéma –, il faut agir
d’urgence.
Qu’attendez-vous pour reconnaître le fléau des punaises de lit
comme un problème de santé publique ? Qu’attendez-vous pour interdire les
insecticides des entreprises privées vendus à prix d’or, inefficaces et nocifs
pour la santé et l’environnement ?(Applaudissements sur
les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe
GDR.) Il faut arrêter cette course cupide dans laquelle le
gain s’obtient à partir du malheur des gens. Qu’attendez-vous pour mettre de
l’argent sur la table pour lutter contre les punaises de lit à l’échelle du
pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le
président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des
territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme
Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des
relations avec les collectivités territoriales. Madame la députée, je vous
remercie pour votre question. Les punaises de lit sont en effet un fléau qui
touche tout type d’habitat, neuf comme ancien. Vous l’avez rappelé, elles se
déplacent facilement dans les vieux meubles ou dans les valises et peuvent être
présentes dans des lieux publics, comme les cinémas.
Le 21 février,
le Gouvernement a lancé un plan de prévention et de lutte contre les punaises de
lit dans l’habitat. Il est vrai que votre groupe réclamait un plan
d’urgence ; il a d’ailleurs été reçu par le cabinet de M. Julien
Denormandie à ce sujet. Le ministère de la cohésion des territoires et des
relations avec les collectivités territoriales a voulu faire du lancement un
moment fort pour informer les particuliers sur le risque d’infestation de leur
logement, à travers une campagne menée sur les réseaux sociaux et l’ouverture
d’un site internet qui a déjà reçu 16 000 visites depuis sa création il y a
quelques jours, ce qui prouve son utilité.
Par ailleurs, un accord
a été signé vendredi dernier avec les représentants de la filière de la
désinsectisation, et tous les particuliers pourront faire appel à des
prestataires qualifiés et certifiés d’ici la fin de l’année.
Nous devons
également nous préoccuper du coût des traitements, qui peut être dissuasif pour
une partie de la population. C’est la raison pour laquelle la députée Cathy
Racon-Bouzon sera prochainement missionnée pour aborder toutes les questions que
soulève le sujet, qu’elles soient techniques, organisationnelles, juridiques ou
financières. Des échanges ont déjà eu lieu dans cette perspective avec les
assureurs et se poursuivent. Dans le cadre de ses travaux, Mme Racon-Bouzon nous
fera des propositions adaptées à la situation des ménages qui subissent ce
fléau. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot.
Mme
Mathilde Panot. Nous voulons un gouvernement avec une politique
coordonnée, pas un centre d’appels ! (Exclamations sur les bancs du
groupe LaREM.) M. Denormandie nous a reçus ; il a dit à la presse
qu’il avait été touché personnellement par les punaises de lit. La ministre
Agnès Buzyn a toujours refusé de nous recevoir. Faut-il attendre que Matignon
soit infesté par les punaises de lit pour que vous traitiez enfin le sujet avec
sérieux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
Réforme du baccalauréat
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric
Reiss. En l’absence du ministre de l’éducation nationale, j’adresse ma
question à M. le Premier ministre. Les épreuves communes de contrôle
continu – E3C – ont cristallisé un malaise profond dans l’éducation nationale.
M. le ministre a d’ailleurs répondu tout à l’heure à une question sur les
failles des E3C.
De fait, c’est toute la réforme du baccalauréat qui
inquiète les élèves, les familles et les enseignants. Les attendus peu
explicites de l’enseignement supérieur, le grand oral et de nouvelles inégalités
sont autant de facteurs d’inquiétude de cette réforme stressante. Des élèves
cèdent à des crises d’angoisse ; l’abandon d’une spécialité en terminale
provoque des choix cornéliens chez les élèves et représente un réel casse-tête
pour les chefs d’établissement.
Dans le cadre d’une mission flash menée
avec ma collègue Géraldine Bannier, nous avons relevé que la carte des
spécialités demeure peu accessible aux élèves et à leurs parents, car tous les
établissements ne proposent pas les onze spécialités. Nous proposons de rendre
possible le maintien de trois spécialités en terminale et d’intégrer des
mathématiques dans le tronc commun. L’option mathématiques complémentaires,
financée par les lycées sur leur dotation propre, comme toutes les options,
n’est pas la solution.
Je crains fort qu’il y ait de mauvaises surprises
en terminale, avec peu de moyens pour une deuxième option et un coup fatal porté
aux langues anciennes, aux langues régionales ou encore aux sciences de
l’ingénieur. Monsieur le Premier ministre, la réforme bénéficiera-t-elle
d’ajustements suite aux difficultés constatées ? (Applaudissements
sur les bancs du groupe LR.)
M. Thibault
Bazin. Surtout pour les sciences de l’ingénieur, c’est
important !
M. le
président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement
supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme
Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la
recherche et de l’innovation. Monsieur le député, permettez-moi d’excuser
Jean-Michel Blanquer, qui est actuellement avec le Président de la République
pour une réunion de travail avec des associations nationales de l’éducation
populaire.
Vous interrogez le ministère de l’éducation nationale sur la
réforme du baccalauréat. Avant de vous répondre, je voudrais rappeler ce qui a
guidé les transformations que nous avons menées conjointement, Jean-Michel
Blanquer et moi : permettre aux élèves de construire un projet qui leur
ressemble, lutter contre l’échec en licence grâce à Parcoursup et à la réforme
du lycée, lutter résolument contre l’autocensure et accompagner toute notre
jeunesse dans ses choix et dans la construction de son projet de
formation.
Dans cette perspective, un bac couperet, un bac bachotage
n’avait pas de sens. C’est pourquoi le contrôle continu a été introduit parmi
les épreuves, et je pense que c’est très important. De même, le grand oral
permettra à chacun des futurs bacheliers d’être capable de prendre la parole en
public, ce qui est une capacité essentielle.
Les séries d’épreuves
communes de contrôle continu ont eu lieu. Elles ont parfois été perturbées là où
certains avaient décidé de mettre le désordre, mais elles sont aujourd’hui
quasiment terminées – seules 5 % des épreuves n’ont pas encore été
passées.
Est-ce à dire qu’il n’y a pas d’inquiétudes légitimes ?
Bien sûr que non. C’est pourquoi Jean-Michel Blanquer a proposé un comité de
suivi de la réforme pour proposer des évolutions ; il se réunira dans le
courant du mois de mars. Notre objectif est de faire travailler et réussir les
élèves dans leur formation. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Reiss.
M. Frédéric
Reiss. Madame la ministre, la réforme s’applique dans la douleur. Un
enseignant de mon département, qui pense sérieusement quitter l’éducation
nationale, déclare : « Du fait des dernières réformes aux paramètres
très flous, je ressens une totale perte de sens, je suis usé. Certains
s’effondrent, moi j’abdique. »
M. André
Chassaigne. C’est une réalité !
M. Frédéric
Reiss. Madame la ministre, il est temps de redonner le moral à ces
enseignants qui se dévouent corps et âme pour notre jeunesse. Et la réforme des
retraites ne contribue pas à les rassurer ! (Applaudissements sur les
bancs du groupe LR. – M. André Chassaigne applaudit
également.)
Frais bancaires
M. le
président. La parole est à M. François Jolivet.
M. François
Jolivet. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, préserver
et augmenter le reste à vivre des Français est une préoccupation du
Gouvernement : c’est du reste à ce titre que, fin 2018, vous avez
souhaité que les banques s’engagent à limiter les frais bancaires, notamment
ceux des personnes fragiles qui sont exposées à des difficultés plus importantes
que d’autres.
Déjà, en 2017, l’Union nationale des associations
familiales et 60 millions de consommateurs dénonçaient cette situation et
rappelaient qu’un client en difficulté sur cinq était prélevé, chaque année, de
plus de 500 euros de frais pour incidents de paiement.
Comme vous,
je pense que les frais bancaires ne peuvent pas devenir une source récurrente de
rémunération des banques. Ils doivent être l’exception. Désormais gérés de
manière robotisée, ils s’imputent d’ailleurs sans charge de travail et ne
prennent pas en compte les situations individuelles. L’humain n’est plus au
rendez-vous.
Votre ministère a diligenté à votre demande de récents
contrôles pour vérifier si les engagements pris par les établissements
financiers étaient respectés. Globalement, oui, et il faut s’en réjouir :
plus d’1 million de personnes dans notre pays en ont bénéficié. Il
semblerait toutefois que quelques-uns ne les aient pas respectés. La
responsabilité sociétale ou sociale ne saurait être réduite à une annexe
supplémentaire au compte rendu d’activité annuel des entreprises : elle
doit se vérifier dans les faits.
Monsieur le ministre, quelles actions
vous apprêtez-vous à conduire pour que ces établissements reviennent dans
le droit chemin ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des
finances.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Et de l’agriculture ! (Sourires.)
M. Bruno Le
Maire, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le
député, les établissements financiers avaient pris à la fin de l’année 2018
trois engagements devant le Président de la République et son ministre de
l’économie et des finances : le premier était de plafonner et de geler en
2019 les tarifs bancaires pour tous les Français ; le deuxième était de
plafonner à 25 euros par mois et 300 euros par an les frais
d’incidents bancaires pour les publics fragiles, et à 20 euros par mois et
200 euros par an les frais des bénéficiaires de l’offre spécifique, à
savoir les publics encore plus fragiles. Ils avaient pris un troisième
engagement : augmenter le nombre des bénéficiaires de l’offre spécifique,
qui n’étaient alors que 300 000 – un chiffre bien insuffisant par rapport
au nombre de Français qui peuvent bénéficier de cette offre très avantageuse,
puisqu’elle limite considérablement les frais bancaires.
Nous avons
demandé à l’ACPR – Autorité de contrôle prudentiel et de résolution –
et à la DGCCRF – Direction générale de la concurrence, de la consommation
et de la répression des fraudes – d’assurer le contrôle. Ce n’est donc pas
un contrôle politique, mais un contrôle totalement indépendant qui a été
assuré.
Les premières conclusions nous permettent d’affirmer que les
banques ont tenu leurs engagements.
M. Éric
Straumann. Pas toutes !
M. Bruno Le
Maire, ministre. C’est le succès d’une méthode
contractuelle : les banques ont tenu les engagements qu’elles avaient pris.
Les tarifs bancaires de tous les Français ont bien été gelés en 2019 ; les
frais d’incidents bancaires des publics fragiles et des bénéficiaires de l’offre
spécifique ont bien été plafonnés ; enfin, ces derniers sont passés de plus
de 300 000 à 490 000, soit une augmentation de 40 %.
M. Pierre
Cordier. Oui, mais depuis les taux d’intérêt ont baissé.
M. Bruno Le
Maire, ministre. Il reste toutefois des actions à mener. Quelques
établissements n’ont pas respecté les règles du jeu.
M. Éric
Straumann. Tout à fait !
M. Bruno Le
Maire, ministre. Je ne veux pas qu’ils jettent l’opprobre sur le
reste de la profession. Nous souhaitons donc que les noms de ces établissements
soient rendus publics, afin que les Français sachent lesquels n’ont pas respecté
les règles. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
Lutte contre le cancer
M. le
président. Avant de lui donner la parole, je suis heureux de souhaiter
la bienvenue à Mme Claudia Rouaux, devenue députée de la troisième
circonscription d’Ille-et-Vilaine le 11 février dernier, en remplacement de
notre regretté collègue et ami François André. (Applaudissements sur tous les
bancs.)
Madame Rouaux, vous avez la parole.
Mme Claudia
Rouaux. Monsieur le Premier ministre, c’est avec une grande émotion que
je siège dans cet hémicycle en succédant à François André, récemment disparu des
suites d’un cancer.
Cette maladie est la première cause de mortalité en
France. En 2018, le nombre de nouveaux cas de cancers est estimé à 382 000
et le nombre de décès à 157 400. Ce constat s’explique par l’augmentation
et le vieillissement de la population, la persistance de comportements à risque
ou encore l’absence d’une bonne hygiène de vie, qui est facteur de
protection.
Le Plan cancer 2014-2019 a mis l’accent sur la prévention, le
dépistage et la lutte contre les inégalités de santé, pour permettre à chacun de
bénéficier de la même qualité de soins et des progrès de la
recherche.
Dans un rapport publié en avril 2019, l’Institut national du
cancer souligne les avancées obtenues, mais met en lumière des retards en
matière de transfert des innovations technologiques, pour dépister la maladie,
d’accès à l’innovation et de maillage territorial, pour garantir l’accès à des
soins de qualité sur l’ensemble du territoire.
Or donner une forte
impulsion à l’innovation en santé et garantir l’accès aux progrès thérapeutiques
est une exigence. C’est le cas de l’immunothérapie, accessible à certains
patients en complément de protocoles de soins conventionnels comme la chirurgie,
la chimiothérapie et la radiothérapie. Les résultats sont
encourageants.
Notre pays doit rester pionnier dans le domaine de la
santé. Les Français sont légitimement attachés à leur système de santé, qui est
le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Soutenir la recherche clinique,
renforcer la prévention, développer les diagnostics précoces, mieux accompagner
les malades, faciliter l’accès rapide et équitable aux innovations
thérapeutiques, tels sont les défis qui doivent susciter l’espoir et permettre
de guérir un plus grand nombre de malades.
Aussi, quels engagements
comptez-vous prendre pour intensifier les efforts dans la lutte contre le cancer
dans le cadre d’une future stratégie ? (Applaudissements sur de nombreux
bancs.)
M. le
président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du
ministre des solidarités et de la santé.
Mme
Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des
solidarités et de la santé. Madame la députée, je vous remercie de votre
question. Je sais votre émotion et chacun dans cet hémicycle partage la peine
des proches du député François André.
Chaque année, le cancer touche près
de 380 000 nouvelles personnes et est cause de 160 000 décès. C’est
une épreuve difficile dont un grand nombre d’entre nous ont malheureusement déjà
fait l’expérience en accompagnant un proche.
Vous m’avez interrogée
– c’est légitime – sur l’action du Gouvernement. Depuis quinze ans,
nous avons observé des avancées majeures. Aujourd’hui, plus de 3,7 millions
de personnes en France vivent avec un cancer ou en ont guéri. De grands progrès
en matière de prévention, de soins et de recherche ont été réalisés pour réduire
le tabagisme en France, améliorer le dépistage – je pense notamment à celui
du cancer du col de l’utérus – ou garantir la qualité et la sécurité des
prises en charge.
Sur le terrain de la recherche, de nouvelles thérapies
cellulaires et génétiques se développent et redonnent de l’espoir à nombre
d’entre nous. Les immunothérapies font l’objet de travaux pilotés par l’Institut
national du cancer pour identifier, encadrer et évaluer l’impact de la mise en
œuvre de ces nouvelles thérapies.
La lutte contre le cancer sera
poursuivie, mais elle devra en plus répondre à de nouveaux défis :
renforcer la prévention, sachant que 40 % des cancers sont évitables ;
réduire les séquelles – deux personnes sur trois souffrent de séquelles
significatives durant cinq ans après un diagnostic de cancer ; continuer de
faire progresser la recherche.
Plusieurs travaux sont en cours. Les
résultats de l’évaluation du Plan cancer 2014-2019 seront présentés à la fin du
mois d’avril au ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, et à la
ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation,
Frédérique Vidal. La stratégie décennale de lutte contre le cancer sera
présentée en 2020. Le plan européen de lutte contre le cancer, auquel la France
contribuera, sera présenté à la fin de l’année. Nous sommes présents et
continuerons de l’être. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures
vingt.)
M. le
président. La séance est reprise.
2
Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes
M. le
président. L’ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour
des comptes.
Mes chers collègues, je souhaite, en votre nom à tous, la
bienvenue à Mme Sophie Moati, présidente de la troisième chambre de la
Cour, qui assure, en sa qualité de doyenne des présidents de chambre, l’intérim
des fonctions de Premier président.
Cette présentation, traditionnelle,
témoigne du très vif intérêt que nous portons tous ici, sur ces bancs, aux
travaux de la Cour et aux échanges nombreux et fructueux entre celle-ci et notre
assemblée. L’assistance régulièrement apportée par la Cour à l’Assemblée
nationale, conformément à la mission qui lui est constitutionnellement impartie,
constitue à l’évidence un atout majeur pour la connaissance et l’expertise des
députés de tous bords, et donc pour la qualité des travaux, notamment de
contrôle et d’évaluation, conduits dans notre maison. Elle s’exprime lors de
rendez-vous toujours attendus, tant en séance publique qu’auprès des commissions
et du comité d’évaluation et de contrôle. Elle trouve également un prolongement
dans la sphère administrative grâce à la certification des comptes de
l’Assemblée par la Cour.
Pour toutes ces raisons, madame la présidente,
nous porterons une grande attention et un intérêt certain aux travaux exposés
dans le rapport annuel que vous allez nous présenter.
La parole est à Mme
Sophie Moati, doyenne des présidents de chambre de la Cour des comptes.
Mme Sophie Moati doyenne des
présidents de chambre de la Cour des comptes. Monsieur le président, en
application de l’article L. 143-6 du code des juridictions financières,
j’ai l’honneur de vous remettre le rapport public annuel de la Cour des comptes.
(Applaudissements sur divers bancs.)
Je vous remercie, monsieur le
président, de ces mots de bienvenue et de l’accueil que vous réservez, cette
année encore, à notre institution. Ils traduisent, comme vous l’avez noté, la
qualité des liens qui unissent les juridictions financières et le Parlement.
Sachez combien nous y sommes attachés. Tout au long de l’année, en effet, notre
juridiction est mobilisée pour assurer la mission que lui a confiée la
Constitution en son article 47-2 : assister le Parlement dans le contrôle
du Gouvernement. À ce titre, l’année 2019 aura donné lieu à des échanges très
nombreux entre la Cour et le Parlement : ce sont en effet plus de
400 travaux qui vous ont été transmis, dont quinze rapports réalisés à la
demande du Parlement. L’année 2020 augure d’échanges tout aussi nombreux, et
nous nous en réjouissons.
C’est en ma qualité de doyenne des présidents
de chambre de la Cour des comptes que me revient l’honneur de m’exprimer
aujourd’hui devant vous. Comme vous le savez, Didier Migaud a rejoint la
présidence de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique il y a
un mois, et nous ne savons pas encore qui lui succédera. Permettez-moi de lui
rendre hommage devant vous, au nom de notre institution, pour la qualité et
l’intensité de son engagement au service des juridictions financières et, à
travers celui-ci, au service de notre pays et de nos concitoyens.
M. Pierre
Cordier. Un très bon président !
Mme Sophie Moatidoyenne des
présidents de chambre de la Cour des comptes. C’est d’ailleurs Didier Migaud
qui a supervisé, jusqu’à son départ et de bout en bout, la confection et la
délibération du rapport qui vous est remis aujourd’hui.
La publication de
ce rapport est un événement important pour notre institution. Elle nous offre,
année après année, l’occasion d’un contact privilégié avec les citoyens et les
décideurs publics, à la faveur d’un exercice d’information, de décryptage et
d’explication de l’action publique dans sa très grande diversité.
Pour
demeurer en phase avec les attentes de nos lecteurs – qui sont, bien sûr,
les autorités publiques et les décideurs, mais aussi les citoyens – nous
avons fait de ce rapport un produit en constante évolution. C’est
particulièrement le cas de cette édition 2020. Nous tirons en effet des
enseignements des échanges quotidiens et des courriers directement adressés aux
juridictions financières par nos concitoyens, dont les attentes se sont, en
quelque sorte, précipitées et cristallisées au moment du grand débat
national.
Quelles sont leurs interrogations et leurs attentes ?
D’abord, le besoin de plus de transparence et de pédagogie dans la mise en œuvre
et les résultats des politiques publiques déployées sur notre territoire.
Ensuite, l’importance qu’ils accordent au coût et à la qualité des services
publics financés par leurs contributions. Enfin, une plus grande
responsabilisation des décideurs publics.
Ces attentes ont inspiré des
modifications importantes de notre rapport annuel, tant sur le fond que sur la
forme. Permettez-moi d’en dire quelques mots.
Pour ce qui est, d’abord,
des thèmes abordés, nous avons souhaité traiter davantage de sujets intéressant
la vie quotidienne de nos concitoyens. C’est le cas, par exemple, des chapitres
dédiés aux aides personnelles au logement, les APL, ou à la restauration
collective.
Pour ce qui est, ensuite, des messages exprimés, nous nous
sommes attachés à ce que les différents chapitres de ce rapport rendent mieux
compte de la qualité des services rendus aux usagers. Cette performance de
l’action publique, nous l’apprécions d’ailleurs sur le long terme, grâce à
l’exercice de suivi des recommandations auquel nous nous livrons. À chaque
chapitre de ce rapport, nous avons ainsi eu le souci de constater le chemin
parcouru par les administrations depuis nos derniers contrôles, et il se révèle
parfois significatif. Dans le cas des éco-organismes, par exemple, notre rapport
met en évidence des progrès indéniables de gestion réalisés depuis de précédents
contrôles de la Cour, même si la performance de ces organismes peut être
améliorée et leur régulation par l’État renforcée.
À l’inverse, bien sûr,
nous déplorons parfois l’absence de mise en œuvre de préconisations émises par
le passé. C’est le cas dans l’enquête réalisée sur les abattoirs publics, dont
la situation, malgré les alertes répétées et les recommandations que nous avons
formulées depuis les années 1990, n’a cessé de se dégrader.
La
restitution complète de notre exercice de suivi des recommandations figure à la
fin du tome 2 de ce rapport. Elle montre notamment que, trois ans après
avoir été émises, près des trois quarts des recommandations que nous avons
formulées sont partiellement ou totalement mises en œuvre par les entités
contrôlées.
Pour ce qui est, enfin, de la structure de ce rapport,
l’édition 2020 offre une innovation substantielle : nous avons choisi
de consacrer neuf chapitres du rapport à un thème transversal, celui du
numérique au service de la transformation de l’action publique.
Autre
évolution : la réalisation d’un véritable rapport d’activité, disponible
dès les premiers jours de l’exercice suivant, qui permet d’avoir, sous une forme
que nous espérons attractive, une vue d’ensemble des travaux des juridictions
financières et des moyens mis en œuvre pour les accomplir.
Voilà pour la
méthode. J’en viens aux principaux constats formulés dans ce rapport. Ils sont
au nombre de trois.
Le premier porte sur l’état de nos comptes publics.
La Cour constate que la situation de nos finances publiques s’améliore lentement
– trop lentement. Notre pays se démarque ainsi de beaucoup de ses voisins,
qui ont réalisé ces dernières années des efforts de redressement plus
conséquents. Notre retard relatif va perdurer, car l’année 2020 ne permet
pas d’entrevoir de réels progrès dans le redressement structurel des comptes
français.
Face à cette situation, notre pays dispose pourtant de marges.
C’est le deuxième message – et, à vrai dire, le cœur de ce rapport. Au fil
des chapitres, nous signalons en effet des situations de mauvaise utilisation de
l’argent public.
M.
Jean-Louis Bricout. Oh là là !
Mme Sophie Moatidoyenne des
présidents de chambre de la Cour des comptes. Nous identifions aussi des
politiques publiques en faveur desquelles les moyens aujourd’hui mobilisés
pourraient l’être plus efficacement. Nous mettons enfin en lumière de bonnes
pratiques à généraliser et des exemples de transformations réussies du service
public.
En matière de transformation publique, l’outil numérique offre
justement d’évidentes marges d’efficacité et d’efficience pour les usagers comme
pour les administrations. Il le permet toutefois à condition que soient réunies
et prises en compte un certain nombre d’exigences, à défaut de quoi l’action
publique s’expose à des échecs coûteux ou à retarder les bénéfices attendus de
tels projets.
C’est le sens du message formulé dans la partie thématique
de ce rapport, à laquelle je consacrerai le troisième temps de cette
présentation.
Je commencerai donc par vous exposer la situation de nos
comptes publics. La Cour avait noté, dès juin 2019, dans son rapport sur la
situation et les perspectives des finances publiques, que l’évolution de la
situation des finances publiques de la France était préoccupante. Le constat
fait en ce début d’année confirme ce diagnostic : l’amélioration
structurelle des comptes publics, c’est-à-dire celle que l’on évalue après avoir
retiré les mesures exceptionnelles et l’effet de la conjoncture, devrait ainsi
être très faible en 2019 ; aucune amélioration n’est prévue en
2020.
Selon les prévisions du Gouvernement, le déficit effectif
s’établirait à 3,1 points de PIB en 2019. Il serait donc en progression de
0,6 point par rapport à 2018.
M. Fabien
Di Filippo. Ce n’est pas ce qu’a dit M. Darmanin tout à l’heure. Il
faudra le lui signaler !
Mme Sophie Moatidoyenne des
présidents de chambre de la Cour des comptes. Cette situation était attendue
compte tenu du cumul, en 2019, du crédit d’impôt pour la compétitivité et
l’emploi, le CICE, et des allègements de cotisations patronales qui le
remplacent. Au total, il explique à lui seul un déficit de 0,8 point de
PIB.
Ce déficit effectif est aussi supérieur à la prévision, établie en
loi de finances initiale à 2,8 points de PIB, en raison des mesures
décidées à la suite des mouvements sociaux de l’automne 2018 et qui ont conduit
à des renoncements de hausses d’impôts et de taxes, à des baisses
supplémentaires de prélèvements obligatoires et à des dépenses nouvelles. Malgré
certaines mesures en recettes et des économies en dépenses, le coût net de ces
mesures est estimé à 9 milliards d’euros en 2019, soit 0,4 point de
PIB.
Si l’on neutralisait tous les effets des mesures exceptionnelles ou
temporaires et les effets de la conjoncture – nuls en 2018 comme en 2019,
car la croissance constatée est au niveau de la croissance potentielle –,
le solde structurel s’établirait à 2,2 points de PIB. L’amélioration
structurelle de nos comptes publics est donc très lente : elle est de
0,1 point de PIB seulement par rapport à 2018 et de 0,2 point par
rapport à 2017. Conséquence immédiate : la dette publique aura certainement
continué de croître en 2019, pour atteindre 98,8 points de PIB, alors que,
selon les prévisions de la loi de finances, elle était censée reculer.
La
France a peu tiré profit de l’environnement économique et financier favorable
qui prévaut au sein de la zone euro depuis 2015. Elle se démarque ainsi
nettement de ses partenaires européens, tant sur le plan du déficit effectif que
sur ceux du déficit structurel et de la dette publique.
M. Marc Le
Fur. C’est très important !
Mme Sophie Moatidoyenne des
présidents de chambre de la Cour des comptes. En 2019, l’amélioration
structurelle des comptes publics s’était poursuivie, certes lentement. L’année
2020 marquerait pour sa part un arrêt singulier dans la réduction du déficit
structurel, qui resterait à 2,2 points de PIB, en décalage avec nos
engagements européens. Les pouvoirs publics ont en effet choisi d’accentuer la
baisse des prélèvements obligatoires, ce qui pèse sur le redressement de nos
comptes.
La loi de finances pour 2020 prévoit une baisse des prélèvements
de près de 10 milliards d’euros, principalement à destination des ménages,
avec la baisse de l’impôt sur le revenu et la dernière tranche de suppression de
la taxe d’habitation pour 80 % des ménages. Ces mesures annoncées au
printemps 2019 portent à plus de 17 milliards d’euros, soit 0, 7 point
de PIB, le coût des mesures décidées à la suite du mouvement social de l’automne
2018, qu’elles concernent des baisses ou des renonciations à des hausses de
prélèvements ou encore des dépenses nouvelles.
En outre, ces baisses
supplémentaires de prélèvements ne sont pas compensées par un effort de maîtrise
accrue de la dépense publique. Par conséquent, la dette publique ne refluerait
pas. Ce ralentissement puis cet arrêt prévu de la réduction du déficit
structurel de la France apparaissent singuliers, alors que la croissance
économique de notre pays est plus favorable que les années précédentes. Ils nous
écartent de nos engagements européens, mais aussi de la trajectoire fixée il y a
tout juste deux ans par la loi de programmation des finances
publiques.
Le Gouvernement doit présenter au printemps prochain une
trajectoire actualisée des finances publiques. Aussi la Cour des comptes
souligne-t-elle qu’il est important que cette trajectoire prévoie une réduction
du déficit structurel ambitieuse, cohérente avec les règles européennes et ne
repoussant pas en fin de période de programmation l’essentiel des efforts à
accomplir. Elle appelle également de ses vœux un renforcement de l’effectivité
du cadre pluriannuel, pouvant passer par une révision des règles
organiques.
Cette trajectoire ambitieuse de réduction de notre déficit
n’est pas hors de portée. Pour redonner du souffle à nos comptes publics, les
juridictions financières identifient, rapport après rapport, de nombreuses
marges de manœuvre dans le fonctionnement quotidien des administrations
publiques et dans le déploiement des politiques nationales et territoriales. Les
différents chapitres de ce rapport public annuel en constituent autant
d’exemples, dont nous espérons qu’ils seront utiles aux pouvoirs
publics.
La Cour met d’abord en lumière des situations de gestion qui
conduisent à une mauvaise utilisation des moyens publics. C’est le cas du
chapitre consacré aux aides personnelles au logement, les APL. Elles bénéficient
aujourd’hui à un peu plus de 6,5 millions de ménages, mais leur gestion
particulièrement complexe conduit au versement de nombreuses prestations
indues ; nous avons estimé le montant de ce « trop perçu » à plus
d’un milliard d’euros pour 2018.
Les usagers du service public sont les
premiers pénalisés par ces situations de mauvaise utilisation des deniers
publics. C’est le cas des patients traités pour insuffisance rénale chronique
terminale, une maladie en expansion qui touche près de
88 000 personnes et coûte plus de 4 milliards d’euros à
l’assurance maladie. La prise en charge des malades privilégie aujourd’hui pour
moitié des modes de dialyse lourds, contraignants pour les patients et coûteux
pour la collectivité. À l’inverse, la greffe, qui leur offre un meilleur confort
de vie tout en étant moins onéreuse, ne nous semble aujourd’hui pas assez
développée.
Des marges financières existent aussi dans les
territoires ; notre rapport en offre plusieurs exemples. Ainsi, entre 2012
et 2017, 45 millions d’euros ont été consacrés par les collectivités
territoriales à la desserte aéroportuaire de la Bretagne. Or, sur les huit
plateformes bénéficiaires, 80 % du trafic se concentre aujourd’hui sur
l’aéroport de Brest.
Mme
Véronique Louwagie. Si, maintenant, la Bretagne nous coûte cher…
Mme Sophie Moatidoyenne des
présidents de chambre de la Cour des comptes. À l’inverse, l’activité des
petites infrastructures se réduit régulièrement face, notamment, à la
concurrence de l’offre ferroviaire et faute d’une stratégie nationale globale de
mobilité. La solution, bien souvent, tient donc à la capacité des pouvoirs
publics à réinterroger, repenser, reconfigurer les conditions et les modalités
de leurs interventions. S’agissant de la restauration collective, l’enquête
réalisée par les chambres régionales des comptes auprès de quatre-vingts
communes a permis d’identifier des pratiques de gestion économe, notamment par
le biais de mutualisations et la mise en place de centrales d’achat. Elles
permettent d’alléger significativement cette lourde charge pour la collectivité
publique, tout en garantissant un service de qualité aux
familles.
D’autres bonnes pratiques sont aussi mises en lumière dans ce
rapport. La Cour a voulu par exemple rendre compte de la transformation engagée
par le groupe La Poste face aux mutations majeures de l’activité postale.
Le volume de lettres à distribuer accuse en effet, année après année, une baisse
spectaculaire : de 18 milliards en 2008, le nombre de plis distribués
sur notre territoire est tombé à 9 milliards en 2018 et sera probablement
proche de 5 milliards en 2025. Cette baisse ampute le chiffre d’affaires de
La Poste de près de 500 millions d’euros par an et fragilise son
modèle économique.
En 2016, la Cour avait donc recommandé des adaptations
profondes du fonctionnement du réseau de distribution postale pour assurer sa
pérennité. Elle constate aujourd’hui que ces transformations ont pour partie été
engagées, à travers la modernisation de son outil industriel, la réorganisation
des tournées des facteurs, une écoute plus grande des attentes des clients. Face
à l’ampleur des défis à relever, elles devront cependant être
amplifiées.
Nous avons voulu rendre compte de cette capacité d’adaptation
du service public aux mutations de la société et aux besoins des citoyens, à
travers la nouvelle partie thématique de ce rapport, consacrée au numérique. Les
neuf chapitres de cette partie, sans offrir une vision exhaustive du sujet,
fournissent quelques exemples des enjeux et bénéfices liés à la digitalisation
du service public, tout en fixant des conditions de réussite exigeantes pour en
tirer le meilleur parti.
Notre rapport rappelle d’abord le fort potentiel
d’amélioration des services rendus aux citoyens et aux usagers grâce à l’outil
numérique. L’informatisation des procédures leur évite notamment de se déplacer,
en leur donnant par exemple la possibilité de suivre à distance l’avancement de
leurs démarches administratives. L’outil numérique permet aussi aux
administrations de faire des économies. Ainsi, le coût d’instruction d’une
demande de logement social en ligne est-il trois fois inférieur à celui d’une
demande effectuée à un guichet physique.
En dehors de ces gains nets,
l’essor du numérique permet aussi des redéploiements de ressources publiques
bénéfiques aux usagers. À titre d’exemple, le projet de dématérialisation des
demandes d’autorisations d’urbanisme conduit par le ministère de la transition
écologique et solidaire pourrait permettre une économie estimée à près de
7 millions d’euros par an à partir de 2022. Surtout, les agents concernés,
ainsi déchargés d’un suivi chronophage de dossiers en version papier, pourraient
alors consacrer davantage de temps à conseiller les demandeurs et à les
accompagner dans leurs démarches.
Au fil des exemples, cette partie
thématique permet de distinguer les conditions essentielles à la réussite du
processus de transformation numérique. J’en mentionnerai brièvement quatre même
si, bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive. La première est la qualité de
l’accompagnement et de la formation des agents chargés du déploiement de l’outil
numérique. C’est le sens du chapitre que nous consacrons aux ressources humaines
des ministères économiques et financiers.
La qualité du pilotage des
projets informatiques constitue un autre facteur de réussite déterminant. Le
Système d’information des ressources humaines de l’éducation nationale, le
SIRHEN, offre à cet égard un contre-exemple lourd d’enseignements. Après avoir
investi depuis plus de dix ans près de 400 millions d’euros et mobilisé
largement ses personnels pour déployer ce programme, le ministère a cessé son
développement en 2018, après de trop nombreuses difficultés de pilotage et de
gestion.
Troisième condition, alors que l’illettrisme numérique touche,
d’après l’INSEE, près de 7 % de nos concitoyens, l’accompagnement des
usagers s’avère essentiel afin que l’outil numérique ne crée pas de situation de
non-recours aux droits. Ce risque, dit de fracture numérique, se pose tout
particulièrement pour les populations fragiles.
Enfin, pour offrir tous
ses bénéfices, le développement de l’outil numérique doit aller de pair avec une
remise à plat et, bien souvent, une simplification des procédures
administratives. C’est le constat que fait la Cour à propos de la gestion des
cartes grises, dans le chapitre qu’elle consacre à la dématérialisation de la
délivrance de titres en préfecture.
M. Fabrice
Brun. Le grand flop de la délivrance de carte grise en un
clic !
Mme Sophie Moatidoyenne des
présidents de chambre de la Cour des comptes. Ces différents chapitres
mériteraient, bien sûr, des développements plus importants tant les enjeux
qu’ils soulèvent sont divers et riches. Mais c’est sur un message d’optimisme
raisonné que je voudrais achever cette intervention. Comme je l’ai rappelé il y
a quelques minutes, la situation financière de notre pays est fragile, la France
accusant un retard relatif par rapport à ses voisins dont beaucoup ont engagé,
eux, un véritable redressement de leurs comptes publics.
La situation
financière dans laquelle se trouve notre pays n’est toutefois pas inéluctable,
bien au contraire. Au fil de nos travaux, nous identifions des marges nombreuses
d’économies, de réallocation, de transformation des services publics, partout
sur notre territoire. L’utilisation de ces marges peut tout à fait aller de pair
avec le maintien, voire l’amélioration de la qualité du service rendu aux
usagers : un niveau élevé de dépenses en faveur d’un service public n’est
pas un gage de qualité de service pour nos concitoyens.
Beaucoup demeure
donc à faire pour accroître la performance de nos dépenses, mais les
administrations publiques disposent d’une réelle capacité de transformation,
d’évolution, d’adaptation aux besoins de leurs usagers. Nous en sommes les
témoins privilégiés. Notre rapport n’est donc pas là pour « épingler »
ou « étriller » qui que ce soit, comme nous le lisons ou l’entendons
trop souvent : il est d’abord et avant tout un outil d’information des
citoyens et d’aide à la décision des pouvoirs publics, dont nous mesurons bien
la complexité des interventions. Ce faisant, les juridictions financières
entendent accompagner les administrations publiques dans leurs processus de
transformation, les conseiller, mettre en valeur les leçons des succès autant
que celles des échecs rencontrés. (Applaudissements sur les bancs des groupes
LaREM, MODEM, SOC, LT, UDI-AGIR et LR.)
M. le
président. La parole est à M. le président de la commission des
finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric
Woerth, président de la commission des finances, de l’économie
générale et du contrôle budgétaire. Nous nous retrouvons, comme chaque
année, pour la présentation du rapport public, qui permet de rappeler
l’importance du travail d’évaluation des politiques publiques réalisé par la
Cour des comptes, mais aussi l’importance de l’articulation de celui-ci avec la
mission de contrôle et d’évaluation que la Constitution confie au Parlement,
ainsi que M. le président l’a rappelé. Cette articulation va bien au-delà de ce
rendez-vous annuel. La Cour des comptes a réalisé en 2019 pas moins de quinze
rapports pour le Parlement, vous l’avez souligné, madame la présidente, dont six
à la demande de la commission des finances de l’Assemblée. La Cour des comptes
participe aussi, depuis maintenant deux ans, au printemps de l’évaluation,
notamment au moyen des nombreuses auditions de magistrats par les rapporteurs
spéciaux, mais aussi par le biais des rapports qu’elle publie, cela en
complément des notes d’exécution budgétaire. Enfin, on peut se réjouir du fait
que la Cour ait, en 2019, avancé son calendrier de présentation au Parlement des
informations sur l’état des finances des collectivités territoriales et de la
sécurité sociale au mois de juin.
M. Pierre
Cordier. Pourvu que cela dure, monsieur le président !
M. Éric
Woerth, président de la commission des finances. En bref, je me
félicite des relations efficaces et régulières que le Parlement, et notamment la
commission des finances, entretient avec la Cour.
Le rapport de cette
année innove sur plusieurs points, en retenant un thème d’étude transversal, en
assurant une analyse des recommandations antérieures concentrée sur
l’année n - 3 et en ne distinguant plus le tome consacré au suivi
des travaux antérieurs de celui consacré aux observations nouvelles. En effet,
le rapport retient une approche globale, dans laquelle les suites données aux
observations ou recommandations antérieures sont intégrées dans les analyses de
chaque politique publique choisie.
Certains chapitres rejoignent nos
préoccupations du moment. Je pense en particulier, ce qui ne vous étonnera
guère, à l’étude du régime de retraite complémentaire de l’Association générale
des institutions de retraite complémentaire des cadres et de l’Association pour
le régime de retraite complémentaire des salariés – AGIRC-ARRCO –, qui
vous permet d’examiner la fusion de ces deux structures et de la replacer dans
le contexte de la réforme des retraites. En analysant la façon dont la valeur
d’achat du point a évolué plus rapidement que sa valeur de service, vous montrez
que le rendement du régime a diminué, passant de 6,56 % en 2015 à
5,99 % en 2018.
M. Marc Le
Fur. Intéressant !
M. Éric
Woerth, président de la commission des finances. Cela ne fait que
confirmer nos craintes d’une éventuelle sous-indexation de la valeur de service
par rapport à la valeur d’achat dans le futur régime unique par points que
propose le Gouvernement – crainte que j’imagine partagée sur tous les
bancs. Votre inquiétude quant à la question de l’utilisation des réserves de
l’AGIRC-ARRCO retient notre attention. Vous évoquez enfin la période de
transition, qui devrait être mise à profit pour améliorer l’efficience du régime
complémentaire et préparer l’unification des structures de gestion. Il s’agit
là, sinon d’une alerte, du moins d’un signal qui appelle notre vigilance à
l’heure où nous débattons du futur système universel.
Votre thème d’étude
transversal, le numérique au service de la transformation de l’action publique,
permet d’analyser en détail plusieurs politiques publiques. Vous montrez comment
le développement du numérique peut s’inscrire dans une démarche d’évolution et
de restructuration d’une administration, au service des usagers. Je ne
reviendrai pas sur ce que vous avez dit, de façon très légitime, sur la
qualification des personnels. Vous relevez quelques cas tout à fait instructifs
d’un projet de transformation numérique pouvant devenir une source de
difficultés, voire une impasse ou, pire, une catastrophe annoncée. Je pense au
projet de remplacement de tous les systèmes d’information gérant les
1,1 million d’agents du ministère de l’éducation nationale, le projet
SIRHEN. Les difficultés ont été telles qu’après treize années de conduite
heurtée, l’arrêt total du programme a été décidé en 2018. C’est une impasse
terrible, que vous documentez : 400 millions d’euros, pas moins,
auront été investis dans un outil qui ne sera jamais opérationnel, et le
ministère doit développer de nouveaux outils pour moderniser ses systèmes
d’information et de gestion des ressources humaines. Or la Cour avait, dès 2016,
fait part de toutes ses réserves sur ce projet et émis des
recommandations.
En outre, le taux de suivi total ou partiel est
satisfaisant, puisque s’élevant à presque 76 % pour les recommandations de
l’année 2016. On suit plus facilement les recommandations lorsqu’il s’agit
d’organisations plutôt que des politiques publiques en elles-mêmes. Sans doute
cela reflète-t-il le fait que les recommandations de gestion sont en général
plus faciles à appliquer. Il ne faudrait toutefois pas que cela conduise à une
forme de renoncement et que la Cour des comptes et les commissions des finances
des deux assemblées deviennent les seuls gardiens du temple déserté de la bonne
conduite des politiques publiques.
Nous retrouvons par ailleurs dans
votre rapport annuel les analyses attendues sur la situation des finances
publiques, sur lesquelles vous êtes revenue en détail et que j’aborderai à mon
tour, car nous nous y retrouvons nous-mêmes sur plusieurs points.
Cette
année, vous confirmez les inquiétudes déjà exprimées l’an dernier par le Premier
président Migaud : la France présente en 2019 un déficit public de
3,1 % du PIB, en hausse de 0,6 point par rapport à 2018. C’est donc la
seconde année consécutive de détérioration du déficit public, alors même que
nous ne traversons pas de crise économique. Évidemment, la transformation du
CICE en allégements de charges y est pour beaucoup mais, d’un point de vue
structurel, rien ne change. La baisse de la dette rapportée au PIB qui était
espérée lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2019 ne s’est quant à
elle pas non plus matérialisée, et nous atteignons, fin 2019, un endettement
public à hauteur de 98,8 % du PIB, soit 2 385 milliards d’euros.
Le Gouvernement a fait le choix d’une baisse des prélèvements obligatoires,
principalement en faveur des ménages, à la suite, en particulier, des gilets
jaunes. Ainsi, le taux de prélèvements obligatoires est passé de 45 % à
44 % entre 2018 et 2019. Toutefois, cette baisse ne s’est pas accompagnée
d’une dépense publique moins dynamique, puisque cette dernière a crû de
1,7 % en valeur en 2019, pour s’élever à près de 54 % du
PIB.
Replacée dans le cadre européen, comme le rapport public a le souci
de le faire, notre situation n’en apparaît que plus préoccupante. Vous le dites
clairement : la France « a vu sa position se dégrader au fil des
années relativement à ses partenaires » et elle dispose de moins de marges
de manœuvre pour affronter un éventuel choc à venir. Vous relevez par ailleurs
avec lucidité qu’« aucun des grands agrégats de finances publiques n
’afficherait d’amélioration en 2020 : une fois neutralisé l’effet des
mesures exceptionnelles et temporaires, le déficit effectif comme le déficit
structurel seraient presque inchangés, de même que la dette ». Ce constat a
un goût d’autant plus amer que la seconde moitié des années 2010 constituait,
avec une croissance retrouvée – 1,5 % en moyenne sur la période
2015-2019 –, une période favorable à la consolidation des finances
publiques. Nous avons dilapidé le potentiel de redressement de nos finances
publiques. Le refinancement avantageux de notre dette n’a fait que nous
déresponsabiliser un peu plus et a conduit à raboter les dépenses
d’investissement public, passées en moyenne de 3,9 % du PIB sur la période
2011-2014 à 3,4 % du PIB sur la période 2015-2019. Enfin, l’écart à la
trajectoire des pays européens et à celle de la loi de programmation des
finances publiques est très inquiétant. Je milite pour que l’examen du prochain
projet de loi de programmation ne soit pas différé.
Nous devrions fournir
un effort substantiel de réduction de la dépense publique ; or, même si
nous inventons des cadres de pilotage de la croissance de cette dépense, force
est de constater que ce n’est pas le cas. Nous devrions également fournir un
effort substantiel de réduction de notre dette publique. L’opium des taux
d’intérêt bas nous insensibilise dangereusement à l’ampleur de cette dette et
peut faire craindre, en cas de hausse des taux, un effet boule de neige qui
serait catastrophique pour notre capacité à financer nos dépenses et à
investir.
Au lieu de ces efforts, nous pouvons relever avec la Cour des
comptes que « le redressement des finances publiques, déjà très graduel au
cours des dernières années, est aujourd’hui quasiment à l’arrêt », et qu’il
n’est même plus vraiment défendu par le ministre de l’action et des comptes
publics lui-même. La Cour des comptes demeure, avec les commissions des finances
de l’Assemblée nationale et du Sénat et avec la direction du budget, l’une des
quatre dernières institutions de la République qui résistent à cet abandon.
Mme
Véronique Louwagie. Tout à fait !
M. Éric
Woerth, président de la commission des finances. Au moment où
l’on bâtit un système de retraite en omettant son financement, l’abandon de nos
objectifs de finances publiques est très inquiétant. Et pourtant, il s’agit de
notre souveraineté financière, rien de moins, gage de notre richesse nationale
et de notre capacité à redistribuer celle-ci. L’avenir de notre pays, et je suis
sûr que la Cour tout entière partage cette opinion, ne s’inscrit durablement ni
dans le déficit ni dans la dette. L’avenir de la France réside plus que jamais
dans le redressement de nos finances publiques. (Applaudissements sur les
bancs du groupe LR. – MM. Philippe Vigier et Charles de Courson applaudissent
aussi.)
M. Gilles
Carrez. Très bien !
M. le
président. La parole est à M. Laurent Saint-Martin, rapporteur
général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle
budgétaire.
M. Pierre
Cordier. Comment va-t-il s’en sortir ?
M. Laurent
Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de
l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est la première fois que
j’ai l’honneur, en tant que rapporteur général du budget, d’intervenir devant
l’hémicycle et devant trois de mes éminents prédécesseurs, à l’occasion de la
présentation du rapport public annuel de la Cour des comptes. La Constitution
prévoit que la Cour des comptes « assiste le Parlement dans le contrôle de
l’action du Gouvernement », « dans le contrôle de l’exécution des lois
de finances » et dans « l’évaluation des politiques publiques ».
En 2018, par exemple, près de 190 travaux de la Cour ont été remis au
Parlement. Il s’agit notamment des rapports d’enquête réalisés au titre du
2o de l’article 58 de la loi organique relative aux lois
de finances, la LOLF, qui nourrissent les travaux des rapporteurs spéciaux dans
le cadre du printemps de l’évaluation. Le rapport annuel de la Cour des comptes
a pour ambition d’éclairer citoyens et parlementaires sur la situation des
finances publiques et sur l’efficacité des politiques publiques que financent
les impôts des contribuables.
Nous sommes en train de vivre un moment
important de l’année budgétaire, car il brosse un premier tableau de la
situation d’ensemble des finances publiques à l’issue de l’automne budgétaire.
Ma grille de lecture sera sensiblement différente de celle du président
Woerth : la Cour fait un constat que je souhaite particulièrement saluer,
dans le sens où la situation de nos finances publiques s’améliore – même s’il
est vrai que le rythme de cette amélioration est plus lent que chez certains de
nos partenaires européens, mais il est aussi plus humain. La responsabilité, ce
n’est pas couper à tout va dans la dépense publique pour afficher un bon bilan
comptable. C’est, au contraire, proposer une trajectoire qui réponde aux
aspirations des Français, qui tienne compte de l’état de la société et des
tensions qui traversent le pays.
Certes, il faut le reconnaître, et nous
le disons depuis plusieurs mois, nous dévions de la trajectoire des finances
publiques pour 2022 telle que définie en 2018, dès lors que le déficit
structurel s’établirait à 0,55 point au-dessus de la prévision
initiale : il s’agit d’un écart de 13 milliards d’euros en 2020 par
rapport aux dispositions de la loi de programmation des finances publiques.
Cette déviation, relativement maîtrisée au regard de l’enjeu, relève d’un choix
que nous assumons pleinement : celui de favoriser massivement le pouvoir
d’achat des Français et de baisser plus rapidement leurs impôts…
M.
Jean-Paul Dufrègne. Ceux des riches !
M. Laurent
Saint-Martin, rapporteur général. …qu’aucune autre majorité
n’avait eu le courage de le faire.
M. Pierre
Cordier. Nul besoin d’être courageux pour baisser les impôts !
M. Laurent
Saint-Martin, rapporteur général. On n’a jamais autant baissé les
prélèvements obligatoires des ménages depuis douze ans.
Assumer cet écart
ne signifie pas pour autant renoncer à l’objectif de maîtrise des finances
publiques – ce serait trop facile. Je partage le constat de la Cour sur la
nécessité d’adopter une nouvelle loi de programmation des finances publiques,
qui tienne compte à la fois des mesures d’urgence évoquées et de l’évolution de
la conjoncture économique. La trajectoire du projet de loi de programmation des
finances publiques qui devrait être prochainement déposé devra être crédible et
documentée. Si les futures baisses d’impôts sont connues, les efforts en
dépenses publiques doivent l’être tout autant. Il importe à tous, Gouvernement
et Parlement, d’identifier les économies budgétaires qu’exige le respect de nos
engagements – et j’y veillerai. Les travaux de la Cour montrent d’ailleurs
qu’il est souvent possible de faire mieux avec moins, à condition d’être
ambitieux dans la transformation de l’action publique.
En ce qui concerne
l’exercice 2020, la Cour des comptes valide les hypothèses budgétaires retenues
lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2020. Le déficit public devrait
s’établir à 2,2 % du PIB, soit 53,5 milliards d’euros. Le solde
structurel demeurerait stable à 2,2 % du PIB. La dette publique reculerait
légèrement, à 98,7 % du PIB, contre 98,8 en 2019. Pour ce qui est des
recettes, les mesures nouvelles de la loi de finances initiale pour 2020
devraient conduire à une baisse des prélèvements obligatoires de
10 milliards d’euros pour les contribuables. Les recettes augmenteraient
toutefois de 3,2 %, principalement du fait de la hausse spontanée des
prélèvements obligatoires. Cet apparent paradoxe a fait l’objet de nombreux
commentaires lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2020, qui me
poussent à dissiper ici tout malentendu : le fait que les recettes fiscales
augmentent ne signifie en rien que les impôts des Français augmentent. Cela
signifie, au contraire, que la politique de la majorité paie.
Le
prélèvement à la source a par exemple permis d’améliorer le recouvrement de
l’impôt sur le revenu sans alourdir la fiscalité. La reprise de l’activité
économique dope les recettes issues de la fiscalité des entreprises. La réforme
de la fiscalité du capital, en encourageant la reprise de l’investissement
productif, rapporte davantage à l’État que l’ancien système. Le revenu global
des Français augmente grâce à la reprise de l’emploi à un niveau inédit depuis
2008, que nous devons aux mesures prises par notre majorité depuis 2017.
(Mme Olivia Grégoire, Mme Laetitia
Saint-Paul et M. Jean-Paul Mattei
applaudissent.)
Les dépenses sont mieux maîtrisées que sous les deux
quinquennats précédents : leur croissance en valeur devrait être contenue à
1,7 % du PIB.
M. Charles de
Courson. C’est seulement une moindre hausse !
M. Laurent
Saint-Martin, rapporteur général. Maîtriser les finances
publiques, c’est aussi l’art d’intégrer à l’élaboration de notre trajectoire
budgétaire des facteurs sur lesquels nous n’avons pas ou peu de prise. Trois de
ces facteurs nous ont été favorables, sachons le reconnaître : la reprise
de l’économie mondiale, la baisse de la charge de la dette et la baisse de la
contribution à l’Union européenne. Nous devons assumer notre choix de les
exploiter afin de concilier maîtrise de la dépense publique, stabilisation de la
dette et gains massifs de pouvoir d’achat pour tous les Français.
Deux
autres facteurs seront moins favorables. Je serai attentif à ce que leur impact
soit pris en compte. Je pense au trou d’air qu’a connu notre économie à la fin
de l’année 2019, et au ralentissement actuel de l’économie mondiale dû en
particulier à l’épidémie de coronavirus.
L’Assemblée nationale et la Cour
des comptes sont aussi, par nature, des forces de proposition. J’ai apprécié, à
la lecture du tome II du rapport public annuel 2020, l’attention inédite
portée à une thématique qui m’est chère : le rôle du numérique dans la
transformation de l’action publique. Le chapitre consacré à la nécessité de
« disposer des personnels qualifiés pour réussir la transformation
numérique » a particulièrement retenu mon attention.
Mme Valérie
Rabault. C’est un excellent chapitre !
M. Laurent
Saint-Martin, rapporteur général. En qualité de rapporteur
spécial, j’avais moi-même été à l’origine, en 2018, d’une demande de la
commission des finances à la Cour des comptes, afin que cette dernière réalise
une enquête, en application du 2o de l’article 58 de la LOLF
– loi organique relative aux lois de finances –, sur les systèmes
d’information de la DGFIP – direction générale des finances
publiques – et de la DGDDI – direction générale des douanes et droits
indirects. Les conclusions de la Cour ont alimenté mon rapport spécial, rendu
public en juin 2019 dans le cadre du printemps de l’évaluation.
Je
suis heureux de constater que la Cour des comptes a eu de la suite dans les
idées en étendant cette enquête à l’ensemble des ministères économiques et
financiers. C’est la démonstration que la relation entre le Parlement et la
Cour, dont parlait le président de la commission des finances, constitue bien un
cercle vertueux.
Mon rapport spécial et le rapport annuel de la Cour font
le même constat que la transformation numérique des ministères se heurte à un
évident problème de ressources humaines. En matière de recrutement d’ingénieurs
des systèmes d’information et de communication, de fidélisation des agents et
d’attractivité salariale, il existe encore une marge de progrès. Les nouveaux
outils de gestion et de recrutement, prévus par la loi du 6 août 2019 de
transformation de la fonction publique, sont autant de leviers qui doivent nous
permettre d’atteindre nos objectifs.
Le rapport annuel fournit des
éclairages très intéressants sur des thèmes ciblés comme les drones militaires
aériens, la desserte aéroportuaire de Bretagne – sujet cher au président de
notre assemblée –, la gestion de l’École polytechnique… Je ne vous les
citerai pas tous, mais, au-delà des quelques cas « épinglés », je
retiens plus particulièrement l’analyse de la Cour sur les transformations du
service postal auquel les Français sont attachés tant par principe que par
nécessité. Le cas du groupe La Poste est une belle illustration des défis
de la transformation publique qui vise à maintenir les missions traditionnelles
du service public dans un environnement économique concurrentiel tout en
s’adaptant aux attentes nouvelles de nos concitoyens.
Pour la première
fois, en 2018, le service universel postal a été déficitaire alors que le
commerce en ligne connaît une croissance phénoménale. La Poste a mené des
projets ambitieux pour tirer les conséquences de ces changements rapides et
radicaux. Ils ont certes permis d’importantes améliorations, mais la Cour ne
manque pas de souligner à juste titre que La Poste doit encore faire des
progrès pour « coller » aux besoins des citoyens. Les usagers
n’attendent pas avant tout des délais d’acheminement plus courts, ils veulent
plutôt avoir la certitude que les livraisons seront bien réalisées. J’en ai fait
le constat en décembre dernier, lorsque 140 habitants de ma circonscription
m’ont alerté sur des dysfonctionnements persistants dans la distribution du
courrier remontant à l’été 2019.
Pour poursuivre avec La Poste, elle
doit aussi s’appuyer davantage sur l’atout formidable constitué par son réseau
de facteurs pour tirer profit de nouveaux relais de croissance en développant,
par exemple, le portage à domicile des repas pour les seniors. La clause d’étape
dans le contrat d’entreprise signé avec l’État devrait permettre de prendre en
compte les recommandations de la Cour.
Nul doute que les nombreuses
observations de la Cour fournies par le rapport annuel seront reprises par mes
collègues députés, notamment ceux d’entre eux qui sont rapporteurs spéciaux. Le
printemps de l’évaluation sera une excellente occasion de se saisir de ce
rapport et d’en faire prospérer les propositions. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM. – Mme Lise Magnier
applaudit également.)
M. le
président. Mes chers collègues, la richesse du rapport annuel a permis
au président de la commission des finances, M. Éric Woerth, et au
rapporteur général, M. Laurent Saint-Martin, de nous éclairer de lumières
différentes, ce qui n’est pas la moindre qualité de ce travail.
Madame
Sophie Moati, madame la présidente, l’Assemblée nationale vous donne acte du
dépôt du rapport de la Cour des comptes.
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit
heures quinze, sous la présidence de M. Hugues
Renson.)
Présidence de M. Hugues
Renson
vice-président
M. le
président. La séance est reprise.
3
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le
président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623
rectifié, 2683).
Discussion des articles (suite)
M. le
président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles du
projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 24927 à
l’article 2.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à Mme Mathilde Panot, pour un rappel au
règlement.
Mme
Mathilde Panot. Je souhaite faire un rappel au règlement sur le
fondement de l’article 80-1 qui dispose que « les députés exercent
leur mandat au profit du seul intérêt général et en toute indépendance ».
Hier, je prenais à témoin l’ensemble des Français et des Françaises ainsi que
les députés de cet hémicycle des soupçons de conflit d’intérêts pesant sur
M. Jacques Maire, rapporteur du projet de loi relatif au système de
retraites, du fait de sa détention d’actions de la société AXA.
Pour
rappel, monsieur Maire, dans votre déclaration d’intérêts, vous disiez posséder
13 836 parts d’AXA pour un total de 358 935 euros. Par la suite,
soutenu par votre entourage, vous annonciez à la rubrique Checknews de
Libération que vous aviez vendu vos parts. Mais ce matin, on apprend par
ce même site – et vous avez confirmé l’information à l’AFP – qu’il
s’agissait d’un mensonge et que vos parts n’avaient pas été
vendues.
Comme on peut vous comprendre ! La société AXA elle-même
profite de la période politique actuelle pour faire la publicité de son épargne
retraite avec pour argument la dégradation attendue du niveau des pensions à
cause de la réforme.
Je rappelle aux collègues que l’article 80-1,
alinéa 3 de notre règlement me donne raison…
M. Thibault
Bazin. C’est bon, avançons !
Mme
Mathilde Panot. …puisqu’il dispose qu’un conflit d’intérêts est entendu
comme toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts
privés de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant,
impartial et objectif du mandat ».
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Très
intéressant !
Mme
Mathilde Panot. Vous annoncez, monsieur Maire, vouloir saisir la
déontologue ; mais vous le faites après quatre semaines de débat en
commission et en séance. Vous devez vous en expliquer !
Et par
pitié, comme le chantait Didier Super, manipulez-nous mieux ! Cela se voit
quand même beaucoup que cette réforme est faite pour les banques et les
assurances, par les banquiers et les assureurs ! (Exclamations sur les
bancs du groupe LaREM.) D’abord, la Légion d’honneur à BlackRock ;
maintenant, un actionnaire d’AXA comme rapporteur du texte. Monsieur Maire, vous
ne pouvez pas être rapporteur de cette loi sans créer le soupçon !
(M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.)
Mme Cendra
Motin. Insupportable !
M. le
président. Madame Panot, merci pour ce rappel au règlement, dont j’ai
bien pris note. Le sujet a déjà été abordé hier,…
Mme
Mathilde Panot. Il y a des éléments nouveaux !
M. le
président. …mais puisqu’il est mis en cause, M. Maire répondra très
rapidement. Ensuite nous pourrons revenir sur les questions de fond – j’ai cru
comprendre que c’était le souhait de chacun – en poursuivant l’examen du
texte.
La parole est à M. Jacques Maire.
M. Jacques
Maire. Je suis désolé que cette question nous fasse perdre du temps à
tous ! Madame Panot, vous savez qu’il existe à l’Assemblée nationale une
personne chargée de déterminer s’il y a ou non un problème de déontologie ;
ce n’est pas une députée de La France insoumise, mais une déontologue.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
J’ai
fait état de ma situation, totalement transparente, à la Haute Autorité pour la
transparence de la vie publique – HATVP – et je n’ai jamais remis ma
déclaration en cause. J’ai saisi aujourd’hui même la déontologue pour qu’elle se
prononce sur le sujet ; je vous remercie de l’avoir rappelé. Je pense que
s’agissant de cette déclaration, nous n’irons pas plus loin.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Article 2 (suite)
M. le
président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir
l’amendement no 24927.
Mme Valérie
Rabault. Au fil des débats que nous menons depuis une semaine, on se
rend compte que si certaines professions – marins, danseurs d’opéra… –
bénéficient d’un régime de retraite spécifique, c’est parce qu’au cours des
quarante ou cinquante dernières années, les spécificités de leur métier ont été
reconnues. Il n’y a pas lieu de parler de régime spécial.
Comme cela a
été rappelé il y a quelques jours, les marins, en particulier, seront
défavorisés par le nouveau système que vous envisagez d’instaurer. Pour leur
éviter cela, nous souhaitons qu’ils continuent à bénéficier d’un régime
spécifique.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la
commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Avant de donner
mon avis sur l’amendement, je tiens à exprimer mon soutien à mon collègue
Jacques Maire, que j’ai apprécié en tant que corapporteur. C’est la première
fois que je travaillais avec lui et je veux souligner sa grande humanité et son
grand professionnalisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM. –
M. Vincent Bru applaudit également.)
L’amendement
no 24927 vise à exclure le régime des marins du système
universel. Hier soir, M. Le Fur avait défendu un amendement similaire,
invitant à prendre en compte les spécificités des métiers. Je propose d’en
discuter à l’article 7 qui traitera des différentes professions en tenant
compte de leurs particularités. Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Nous avons
évoqué ce sujet à plusieurs reprises. Je confirme que la reconnaissance des
spécificités, que nous avons évoquée hier soir lors de nos échanges avec
M. Le Fur, est toujours d’actualité, mais que celles-ci seront prises
en considération à l’intérieur du système universel de retraite. Avis
défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Marc Le Fur.
M. Marc Le
Fur. L’amendement que vient de défendre Mme Rabault permet de
poursuivre nos échanges sur les gens de mer. À métier spécifique, retraite
spécifique ! En effet, les deux sont liés.
Vous m’avez répondu
– et je vous en sais gré, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le
rapporteur – sur plusieurs points, notamment l’âge de départ à 55 ans
et le salaire forfaitaire servant de base au calcul des pensions. Restait la
question très délicate des cotisations patronales.
En effet, il s’agit de
métiers très concurrentiels. Nos pêcheurs sont très concurrencés et le seront
encore plus avec le Brexit. Quant à nos marins, il n’y a pas plus concurrentiel
que les métiers de la marine marchande, puisque l’affréteur choisit le plus
offrant ou le moins cher. La question des cotisations patronales est donc
majeure dans la mesure où leur augmentation risque d’engendrer des surcoûts qui
nous feraient perdre des marchés, et donc des emplois dans le monde de la
mer.
Comment va-t-on aménager le régime de retraite des marins ? Je
comprends que nous ne puissions pas entrer dans les détails budgétaires à ce
stade, mais je souhaiterais avoir quelques précisions à ce sujet.
M. le
président. La parole est à Mme Catherine Fabre.
Mme
Catherine Fabre. Chers collègues, j’ai du mal à vous suivre quand je
vois cet amendement et d’autres qui suivront, notamment concernant l’Opéra de
Paris ! Nous venons de terminer l’article 1er, sur lequel
vous avez déposé de nombreux amendements dénonçant le fait que nous ne créions
pas un régime réellement universel. Vous vouliez aller beaucoup plus loin dans
l’universalité ; puristes, vous nous expliquiez que dès lors que nous
reconnaissions certaines spécificités, notamment celles des marins – que
nous voulons intégrer au régime universel, mais en tenant compte des
particularités de ce métier –, le système à venir n’était pas universel.
(« Pas nous ! » sur
les bancs du groupe GDR.) Et vous voulez maintenant exclure certaines
professions – marins, danseurs de l’Opéra de Paris, etc. – du champ
d’application de ce système ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M.
Jean-René Cazeneuve. Excellent !
M. Marc Le
Fur. Vous en avez bien exclu la Banque de France, alors il faut aussi
vous occuper des marins !
Mme
Catherine Fabre. Finalement, vous voulez maintenir l’existant
– quarante-deux régimes autonomes ou spéciaux –, sans rien changer.
C’est d’autant plus étonnant que s’agissant par exemple de l’Opéra de Paris
– la question sera examinée un peu plus tard, nous le savons pour l’avoir
déjà traitée en commission –, la proposition de régime spécial ne concerne
que les danseurs de cet établissement et non l’ensemble des danseurs français,
dont le métier présente les mêmes spécificités.
M. Marc Le
Fur. On est en train de parler de marins !
Mme
Catherine Fabre. Je ne comprends pas cette position, que je trouve très
conservatrice et pas du tout réformiste. Cet amendement nous donne l’occasion de
réaffirmer notre volonté d’aller plus loin dans l’universalité et de faire en
sorte que l’ensemble des professions dont la spécificité est reconnue intègrent
malgré tout le régime universel. (Mêmes mouvements.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Madame Fabre, nous contestons en effet que le système que
vous créez soit universel. Nous pensons de plus qu’il abaisse les droits. En
l’occurrence, nous craignons que ce soit le cas pour les marins.
Si je
comprends bien, monsieur le secrétaire d’État, vous prenez des engagements, mais
j’aimerais que ceux-ci soient précis. En effet, les marins obéissent à des
règles particulières, que nous avons évoquées en commission spéciale : leur
métier les amène à s’éloigner de leur domicile pour plusieurs jours lorsqu’ils
partent pour une marée ; c’est un métier très pénible et dangereux. En
effet, on sait combien la mer recèle de périls pour tous ceux et toutes celles
qui y naviguent et surtout y travaillent régulièrement.
En tant que
député d’un territoire littoral qui compte nombre de pêcheurs, de femmes et
d’hommes liés aux activités de la mer, je connais la particularité de ces
métiers ; elle doit être réellement prise en compte et nous souhaitons nous
assurer qu’elle le sera.
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Nous débattons maintenant depuis plusieurs jours et la
majorité exprime souvent le souhait de nous voir avancer. Comme vous, nous
sommes soucieux de progresser dans l’examen du texte ; d’ailleurs, nous
avons beaucoup progressé puisque toute une série de faits sont maintenant
vérifiés. Ainsi, nous savons désormais que la valeur du point n’offre aucune
garantie quant au niveau des pensions ; que les femmes, qu’on présentait
comme les grandes gagnantes de la réforme, ne le sont pas ; que les
agriculteurs, qui devaient se voir octroyer une pension de retraite de
1 000 euros, ne seront finalement que 40 % à en
bénéficier.
À l’heure où l’on discute de l’article 2, qui définit le
champ d’application de la loi, nos collègues ont réitéré certaines affirmations
sur lesquelles je pensais que nous ne devrions pas revenir. Par exemple, vous
avez redit qu’il y avait actuellement quarante-deux régimes. Je pensais
pourtant, parce que nous l’avons répété, qu’il était établi entre nous que
c’était faux. Il n’y a pas quarante-deux régimes.
Mme
Catherine Fabre. Si !
M. Adrien
Quatennens. Non, les statistiques du ministère du travail – une
instance sérieuse – n’en reconnaissent que vingt-trois,…
M. Erwan
Balanant. Hier, c’était dix !
M. Adrien
Quatennens. …et le Conseil d’orientation des retraites, dix-huit.
Quarante-deux, c’est le résultat d’une espèce de combinaison confuse qui vise à
introduire dans les esprits l’idée qu’il y en aurait trop.
Qui plus est,
vous avez à nouveau répété que la réforme tendait à instaurer un régime
universel. Moi qui reprends à cette heure nos débats, je pensais qu’il était
entendu que ce n’était pas le cas. Le Conseil d’État a rappelé que le projet de
loi prévoyait au moins cinq régimes différents, sans compter les
dérogations.
Pour nous, votre système créera bien plus que quarante-deux
régimes : il y aura autant de régimes que d’âges d’équilibre différents. Or
vous prévoyez que l’âge d’équilibre – qui, au passage, n’a jamais disparu
du projet de loi, même provisoirement – se décale génération après
génération. Vous êtes les plus grands faiseurs de régimes
spéciaux !
Au demeurant, c’est votre marque de fabrique.
Rappelons-nous qu’en matière de droit du travail, vous aviez créé autant de
droits différents que d’entreprises, en cassant une règle universelle : le
code du travail. Alors arrêtez de parler d’universalité et de quarante-deux
régimes : aucun des deux n’existe.
M. le
président. La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs.
Mme Michèle
de Vaucouleurs. Ma circonscription ne compte pas de marins, donc tout en
écoutant la discussion, je suis allée voir ce qu’il en était de leur régime et
je lis qu’en matière de réforme des retraites, les marins ont déjà obtenu des
garanties. C’est Ouest-France qui le dit, le 19 décembre 2019, en
précisant que les spécificités de leur régime seront conservées et intégrées
dans le régime général.
M. Marc Le
Fur. C’est un excellent journal, mais ce n’est pas le Journal
officiel !
Mme Michèle
de Vaucouleurs. S’agissant de votre demande, monsieur Le Fur,
« l’harmonisation des cotisations sur un taux unique universel
– 28,12 %, dont 11,25 % de part salariale et 16,87 % de part
patronale – se fera sur un temps long – quinze à vingt ans – pour
la part patronale, afin d’éviter une hausse brutale des cotisations ».
M. Marc Le
Fur. C’est Ouest-France aussi ?
Mme Michèle
de Vaucouleurs. « Elle se fera sur un temps court pour la part
salariale, vu la proximité des taux actuels – 10,85 % – et futurs
[…]. » Ainsi, des garanties ont déjà été données aux marins il y a un mois
et demi. Tout n’est pas encore réglé, mais on est en bonne voie de négociation
avec la profession.
M. Pierre
Dharréville. C’est dans la loi qu’il faut inscrire les
garanties !
M. le
président. La parole est à M. Paul Christophe.
M. Paul
Christophe. Après dix jours de commission spéciale et huit jours
d’examen en séance, on en est encore parfois à ressasser les vieilles rengaines.
En effet, mon cher collègue, le titre de la loi évoque un système – et non
un régime – universel de retraite. Cela tombe bien car le Conseil d’État a
justement précisé que ce n’était pas un régime, mais un système universel que
nous souhaitions instaurer. On peut lui faire confiance !
(M. Erwan Balanant applaudit.)
Pour ce qui est
des marins, on est en train de revivre à l’infini la même histoire. On en a
débattu en commission, puis dans le cadre du débat sur
l’article 1er ; on est passé aux agriculteurs, mais
aujourd’hui on revient aux marins.
M. Thibault
Bazin. Allez, avançons !
M. Paul
Christophe. Étant élu d’une circonscription côtière et né dans un autre
département marin, je suis aussi très attentif à ce sujet. Il est clair qu’une
attention particulière y a été portée lors des concertations et négociations.
Rappelons que l’Établissement national des invalides de la marine
– ENIM –, chargé du régime spécial de sécurité sociale des marins, est
très déficitaire. La solidarité nationale lui vient en aide pour combler ce
déficit patent.
Lors de l’examen du titre V, dont je suis le
rapporteur et qui est relatif à la période de transition et aux droits
constitués, vous pourrez constater que cette préoccupation reste d’actualité et
qu’il ne s’agit, en aucun cas, de renoncer à la solidarité nationale. Nous
voulons même la conforter par la prise en considération de la
pénibilité.
M. le
président. La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie
Rabault. Bien que n’ayant pas de marins dans ma circonscription, je
souhaitais réagir pour faire observer que si l’ENIM a été créé avant les
retraites, sous Louis XIV, c’est bien parce qu’il y avait des spécificités
à prendre en considération. Peut-être souhaitez-vous faire table rase d’un
régime qui existe depuis plus de 400 ans, mes chers collègues, mais s’il a
été construit, c’est bien parce que ces spécificités ont un sens pour la vie des
marins.
M. Marc Le
Fur. Tout à fait !
Mme Valérie
Rabault. Vous nous citez un article de Ouest France pour nous
rassurer. J’ai du respect pour ce quotidien, mais c’est ici qu’est faite la loi,
et ses articles sur le sujet sont susceptibles d’évoluer au gré des mesures que
nous allons adopter. Ce qui compte, ma chère collègue, c’est ce que nous
votons.
Mme Michèle
de Vaucouleurs. Des garanties ont été données !
Mme Valérie
Rabault. Vous voulez faire entrer les marins dans votre système
universel composé de régimes spécifiques – je reprends vos propos, mon cher
collègue, que j’ai bien écoutés. Il n’empêche que, à ce stade du débat, nous
n’avons pas de garantie.
Mme Michèle
de Vaucouleurs. Pour vous, rien ne constitue une garantie !
Mme Valérie
Rabault. Avec tout le respect que j’ai pour Ouest France, son
article ne constitue pas une garantie au regard de la loi.
(L’amendement no 24927 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements identiques,
nos 11686 et 11687.
La parole est à M. Fabrice Brun,
pour soutenir l’amendement no 11686.
M. Fabrice
Brun. Nous souhaitons supprimer le mot « universel » à
l’article 2, comme il conviendrait d’ailleurs de le faire dans tout le
texte. Vous me répondrez que nous avons déjà eu ce débat, et nous pouvons en
convenir.
En revanche, l’article 2 nous fournit le sujet d’un autre
débat, qui ne fait que commencer, sur la situation des avocats pour lesquels
l’universalité proposée est un leurre. Pourquoi tenons-nous tellement à porter
ici la voix des avocats ? Nous voulons témoigner du fait que cette
profession est fragilisée par la refonte des tribunaux d’instance, par la
réforme de l’aide juridictionnelle et par la numérisation – et même
l’uberisation – de la justice.
Il faut mesurer aussi les grandes
disparités qui existent dans cette profession. À cet égard, j’aimerais vous
entendre dire avec nous que les avocats ne sont pas des nantis. Pour éclairer
nos débats, je vais prendre l’exemple de mon département, l’Ardèche, qui compte
330 000 habitants et est donc représentatif de cette belle France des
territoires. En Ardèche, les deux tiers des avocats ont des revenus annuels
inférieurs à 35 000 euros et, pour la plupart, ils tirent la moitié de
leur activité de l’aide juridictionnelle. Rappelons que cette activité est
rémunérée à hauteur de 256 euros par dossier.
Nous avons déjà
dénoncé le hold-up que vous organisez sur cette caisse autonome qui ne coûte pas
un sou au contribuable et qui alimente déjà la solidarité nationale à hauteur de
80 millions d’euros par an. Pour ma part, je voudrais ajouter que, dans ce
contexte de fragilité, il est suicidaire d’augmenter leurs cotisations. Ce n’est
pas votre abattement sur la contribution sociale généralisée – CSG –
qui réglera le problème : cette disposition est insuffisante mais aussi
nulle et non avenue puisqu’elle est inconstitutionnelle.
Une fois de
plus, dans cet hémicycle, nous vous alertons solennellement sur le risque de
voir disparaître les avocats de proximité, avec tout ce que cela comporte comme
menaces pour les greffes et les emplois induits. Après les déserts médicaux, se
profilent les déserts judiciaires.
M. le
président. Merci, monsieur Brun.
M. Fabrice
Brun. Pour conclure, monsieur le président, je dirai que tout le monde a
le droit d’être défendu, et ce, en tout point du territoire.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les amendements concernés demandent la
suppression du mot « universel » et j’y suis défavorable. Comme vous
l’avez rappelé, cher collègue, nous en avons déjà longuement débattu.
En
ce qui concerne les avocats, vous avez fait un très bon diagnostic de la
situation, comme ce fut le cas, hier, pour les agriculteurs. Les avocats sont
plus nombreux et certains d’entre eux rencontrent des difficultés, notamment
parce que leur activité dépend beaucoup de l’aide juridictionnelle et de
dossiers liés au droit de la famille qui sont parfois mal rémunérés. Si certains
avocats ont des situations confortables, beaucoup d’entre eux ont des
difficultés.
Nous devons répondre aux difficultés de ces avocats comme
nous devons le faire pour les agriculteurs ou les pêcheurs : la retraite
n’est que le reflet de la vie professionnelle ; la pension est faible quand
les revenus l’ont été.
M. Fabrice
Brun. Alors, il ne faut pas augmenter les cotisations !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les questions relatives aux avocats seront
abordées plus loin,…
M. Fabrice
Brun. Peut-être !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …au moment où nous en viendrons à
l’intégration de leur régime dans le système universel.
Quant à vous,
monsieur Quatennens, il va falloir renouveler vos arguments. Pour résumer, vos
interventions portent tantôt sur la contestation de l’existence de quarante-deux
régimes – hier, à un moment où vous étiez absent, j’ai indiqué que ces
quarante-deux régimes étaient parfaitement définis à la page 194 du
rapport –,…
M. Ugo
Bernalicis. Ce sont des combinaisons !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …tantôt sur les seuils de huit ou trois
PASS, tantôt sur les conséquences de la réforme pour les femmes ou pour les
agriculteurs.
M. Ugo
Bernalicis. Sans parler des avocats ! Ou des chômeurs ! En
fait, cela concerne tout le pays !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Vous tournez en boucle sur ces thèmes.
Essayez de travailler sur le fond, ça changera ! (Applaudissements sur
les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur le député Brun, je
comprends que le sujet des avocats puisse vous tenir à cœur mais il me semblait
que nous l’avions déjà traité hier soir en étant à peu près exhaustifs. Nous
avons des différences d’appréciation, ce que je peux comprendre aussi, mais il
est explicitement prévu dans le projet de loi – je vous ai donné les références,
par exemple l’alinéa 22 de l’article 50 – que les réserves de toutes
les caisses autonomes spécifiques ne seraient pas touchées. C’est dans le texte,
on ne peut plus en douter.
M. Fabrice
Brun. Vous dites qu’ils doivent contribuer, participer !
M. Ugo
Bernalicis. Et l’amendement que vous avez déposé à ce sujet ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous en revenons toujours au
même débat alors que vous souhaitez, il me semble, que nous avancions dans
l’examen du texte. Convenons que nous ne sommes pas d’accord sur le sujet et
qu’il y a encore du travail à faire avec les avocats – qui ont toute leur
place dans le système universel. Réaffirmons que les avocats, comme tous les
membres de professions libérales, resteront propriétaires des réserves qu’ils
ont constituées et qui resteront à leur main – ce qui est très bien comme
cela. Cherchons des solutions, même si j’ai bien compris que le projet du groupe
LR était différent du nôtre – le président Woerth, hier, semble avoir approuvé
le résumé que j’en avais fait.
Notre projet propose une large
universalité. Le vôtre consiste à la limiter à un PASS, en laissant vivre des
cas spécifiques par statut et par métier.
M. Fabrice
Brun. Et on n’augmente pas les cotisations !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Souffrez que nous ne soyons pas
d’accord ! Par ailleurs, il n’arrivera rien de négatif aux avocats, mais –
et vous avez raison sur ce point, monsieur Brun – il reste du travail à
faire pour alléger les charges de ceux dont les revenus sont relativement
modestes – autour de 30 000 euros annuels.
M. Fabrice
Brun. Merci de le reconnaître, monsieur le secrétaire d’État !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je le répète, nous réalisons ce
travail avec les représentants des avocats. Nous avons préparé des amendements
sur le sujet, afin notamment de maintenir une péréquation entre les cabinets
d’avocats prospères et ceux qui le sont moins, par exemple ceux qui dépendent de
l’aide juridictionnelle. La représentation nationale aura donc l’occasion de
s’exprimer sur le sujet.
Mon avis est donc défavorable, mais je voulais
prendre le temps de renouer le dialogue en dépit de la controverse.
M. Fabrice
Brun. Merci !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Du reste, la controverse est
toujours intéressante parce qu’elle fait avancer le débat.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ah, vous voyez bien !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Voilà qui est plus aimable, monsieur le secrétaire d’État,
que les propos tout à fait désagréables de M. Turquois ! Pourquoi,
monsieur le rapporteur, voulez-vous dicter à M. Quatennens ce que doivent
être ses arguments ? Dites que vous les rejetez, mais évitez de faire des
commentaires sur leur articulation ou leur caractère répétitif.
Du reste,
pourquoi répète-t-il ses arguments ? Parce que l’une de nos collègues,
Mme Fabre, a dit qu’elle ne nous comprenait pas. Si vous ne nous comprenez
pas, on vous explique.
M. Erwan
Balanant. Nous aussi, on vous explique !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Vous ne comprenez pas pourquoi nous réclamons des régimes
particuliers, que vous appelez spécifiques, alors que nous reprochons à votre
système de ne pas être universel. Bien sûr ! C’est vous qui avez commencé
en disant : il y a quarante-deux régimes, c’est illisible, donc nous
faisons un régime universel. Nous vous avons dit dès le début que ce n’était pas
possible : les régimes spéciaux ont une longue histoire et répondent à des
nécessités liées aux métiers qu’ils concernent.
Il est donc parfaitement
naturel de parler du régime de retraite des marins qui, cela a été rappelé, a
quatre siècle, même s’il a évidemment changé depuis sa création. Il faut dire
que la marine faisait l’objet d’un soin méticuleux. Figurez-vous que le roi
Louis XIV alla jusqu’à faire planter, dans la forêt de la Joux, des sapins
dont certains s’y trouvent toujours.
M. Erwan
Balanant. Ce sont des chênes !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Vous pouvez aller voir cette plantation de sapins
(« Des
chênes ! » sur quelques bancs des
groupes LaREM et MODEM) destinés à la marine nationale : c’est un
monument du colbertisme français
M. Erwan
Balanant. Le bois de sapin ne convient pas à la construction
navale !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Voilà pourquoi nous sommes obligés de vous expliquer que ces
régimes, que vous rebaptisez « spécifiques », répondent à des
nécessités. Par conséquent, le système n’est pas universel. Il n’y a qu’une
chose qui soit universelle : la transformation en points de ce qui était
autrefois évalué en trimestres cotisés. Ces points sont votre seule invention,
et vous les avez créés pour préparer la capitalisation. (Applaudissements sur
les bancs du groupe FI.)
M. Adrien
Quatennens. C’est de la poudre de perlimpointpoint !
(Sourires.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M.
Jean-René Cazeneuve. À gauche de notre hémicycle, les députés sont
favorables aux régimes spéciaux, aux régimes autonomes. C’est assez logique,
même si dans le même temps, ils nous reprochent d’en créer de nouveaux alors
que, somme toute, ils devraient être contents !
Ma surprise vient
plutôt de vous, mes chers collègues qui siégez sur les bancs de droite, dont
j’attendrais éventuellement une clarification. Dans vos programmes successifs,
vous vous êtes prononcés contre les régimes spéciaux. De même, au cours des
débats – M. Woerth, par exemple, l’a dit hier à propos de la pénibilité –
vous avez réclamé un socle d’universalité. Êtes-vous, oui ou non, pour la fin
des régimes spéciaux ? Dites-le nous pour que nous puissions enfin
comprendre votre position, au lieu de nous balader en disant une fois oui, une
fois non. (Applaudissements sur les quelques bancs du groupe
LaREM.)
Pour notre part, nous sommes cohérents depuis le début. Nous
sommes favorables au régime universel. Pourquoi ? En regroupant tous les
Français et en mettant plus d’argent, nous créons un régime beaucoup plus
robuste, pérenne et capable de résister aux fluctuations démographiques de tel
ou tel métier.
M. Fabrice
Brun. Toutes les professions concernées sont vent debout contre votre
réforme !
M.
Jean-René Cazeneuve. Nous sommes pour un régime universel parce qu’il
est plus protecteur pour l’ensemble des Français. (Applaudissements sur les
bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Je ne savais pas que M. Cazeneuve était communiste
– la nouvelle réjouira M. Jumel ! Un régime universel, valant
pour tout le monde quelles que soient les situations, correspond à une vision
très collective des choses.
Pour notre part, nous souhaitons un socle
commun de droits – nous avons retenu un seuil de prélèvement de un
PASS – et des régimes autonomes pour tenir compte des particularités de
certaines professions.
M. Marc Le
Fur. Tout à fait !
M. Éric
Woerth. Dans ce cadre, nous prônons une fusion entre le secteur privé et
le secteur public : nous voulons que les salariés et les fonctionnaires
soient traités de la même manière, tout en faisant en sorte que puissent vivre
des régimes totalement autonomes, comme celui des avocats. Il y a une
logique ! Vous nous reprochez de nous répéter mais nous avons visiblement
besoin de le faire puisque cette information n’était pas parvenue jusqu’à vos
oreilles.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Vous en redemandez !
M. Ugo
Bernalicis. Cela ressemble à de l’obstruction…
M. Éric
Woerth. S’agissant des avocats, ce sont les plus modestes qui vont
souffrir du régime que vous voulez leur imposer : leurs cotisations vont
terriblement augmenter. Ces avocats ne croient pas à vos propositions de
compensation au travers de mécanismes du type réduction d’assiette de CSG,
notamment parce que ces mesures sont fragiles et qu’elles peuvent être remises
en cause chaque année. Tout cela crée une instabilité, une insécurité pour ces
professions qui n’en ont franchement pas besoin.
En réalité, c’est la CSG
et la ponction sur la caisse des avocats qui paieront le régime de transition
pour les avocats. Il s’agit, en quelque sorte, d’un droit d’adhésion au régime
universel !
Vous ne cessez de répéter, enfin, que des travaux sont
en cours sur le projet de loi. Il ne devrait y avoir, selon moi, qu’un seul lieu
possible pour ces travaux : l’Assemblée nationale !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Bruno Fuchs.
M. Bruno
Fuchs. En ce qui concerne les avocats, la discussion que nous devons
avoir avec eux, dans un climat de confiance, ne doit pas se limiter à la
question des retraites. Cette question, au fond, est d’ailleurs assez
simple : la négociation a beaucoup progressé puisqu’ils ont désormais
l’assurance que leur cotisation n’augmentera pas avant 2029. Compte tenu de
l’abattement de 30 % sur l’assiette de la CSG et de l’augmentation de
2 % des cotisations décidée par la CNBF, la Caisse nationale des barreaux
français, il reste à trouver le moyen de compenser l’augmentation de 5,5 à
6 % prévue pour la période 2029 à 2040. Or il semble possible d’avancer sur
ce point dans le cadre de la négociation. Un accord ne semble plus très
loin.
J’entends les avocats, notamment ceux de ma circonscription, dire
que 40 % des cabinets vont fermer, mais ce n’est pas sérieux !
M. Éric
Diard. Pourquoi ?
M. Bruno
Fuchs. Parce que ce n’est pas la réalité !
M. Ugo
Bernalicis. Mais si ! Et cela n’est pas seulement dû à la réforme
des retraites !
M. Bruno
Fuchs. Au contraire, dans le cadre des discussions qu’ils mènent avec le
Gouvernement, les avocats ont l’opportunité de définir des conditions plus
favorables pour leur profession – c’est d’ailleurs le cas également des
agriculteurs et d’autres professions en difficulté.
M. Marc Le
Fur. Il faut le faire pour les agriculteurs ! Vous ne faites rien
pour eux !
M. Bruno
Fuchs. La position de nos collègues du groupe Les Républicains est
facile – ils critiquent –, mais permettez-moi de rappeler que Nicolas
Sarkozy avait demandé, en septembre 2007, au gouvernement de l’époque de mettre
un terme aux régimes spéciaux et que cinq ans plus tard ils étaient toujours là,
malgré des mesures dont le coût a été estimé à 5 milliards d’euros.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les
bancs du groupe LR.)
Vous le voyez, chers collègues, il est plus
difficile d’agir que de critiquer ! Vous avez eu cinq ans pour réformer les
régimes spéciaux, le président Sarkozy vous l’avait demandé, mais vous ne l’avez
pas fait. (Vives protestations sur les bancs du groupe LR.)
M. Ugo
Bernalicis. Laissez donc votre place, nous sommes prêts à la
prendre !
M. le
président. La parole est à M. Hubert Wulfranc.
(M. Bruno Fuchs échange des propos avec
M. Éric Diard.) Chers collègues, si vous voulez
poursuivre la discussion, faites-le en dehors de l’hémicycle.
M. Thibault
Bazin. Monsieur le président, défendez Sarkozy : il a fait des
choses !
M. le
président. Vous avez la parole, monsieur Wulfranc.
M. Hubert
Wulfranc. Nous parlons d’universalité, mais que recouvre ce concept en
réalité ? Revenons sur le fond de votre système prétendument
universel.
Certaines professions ont légitimement acquis des
droits : ce sont les fameux régimes spéciaux. Grâce à cela, elles
bénéficient de pensions convenables et même meilleures que d’autres salariés.
Néanmoins, et nous vous le répéterons tant qu’il faudra, l’objectif de nos
différentes propositions est de tirer vers le haut les pensions de retraite et
non, sous couvert de présenter le nouveau système comme universel, de tirer vers
le bas les régimes spéciaux ! Or – revenons, ici aussi, aux
fondamentaux – des recettes sont disponibles pour améliorer les droits à la
retraite d’autres professions.
Je pense notamment aux salariés d’une
filière en forte croissance, celle du traitement des déchets – nous avons
tous en mémoire la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie
circulaire récemment adoptée. Le caractère pénible des conditions de travail de
ces salariés sur le terrain doit, selon nous, être reconnu afin qu’ils
bénéficient de pensions bien supérieures à celles que vous promettez. Il en va
de même de la filière de l’hôtellerie et de la restauration,…
M. le
président. Merci, monsieur Wulfranc.
M. Hubert
Wulfranc. …à laquelle on promet un bel avenir dans notre pays mais qui
dont les salariés ne bénéficient pas de pensions de retraite à la hauteur de
leurs conditions de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe
GDR.)
(Les amendements identiques nos 11686 et
11687 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir
l’amendement no 26738 et les quinze amendements identiques
déposés par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Pierre
Dharréville. Il s’agit d’amendements pour nous mettre en jambe !
Notre désaccord est clair, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire
d’État : vous jugez votre système universel, nous le jugeons
inéquitable.
Je saisis l’occasion pour vous interroger de nouveau sur les
différences qui existeront entre deux personnes qui auront eu une carrière
similaire mais qui seront nées pour l’une en 1974 et pour l’autre en 1976.
Pouvez-vous me confirmer, toutes choses égales par ailleurs, que leur âge de
départ à la retraite et leur niveau de pension seront différents, et qu’il en
sera de même pour deux personnes à la carrière similaire et nées pour l’une en
2003 et pour l’autre en 2005 ?
M. Marc Le
Fur. Bonne question !
M. Pierre
Dharréville. Si vous me le confirmez, démonstration sera faite que nous
avons raison.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les amendements proposent de remplacer le
mot « universel » par le mot « inéquitable ». Je le redis
une fois encore, nous considérons que le système est universel parce qu’il
concerne l’ensemble des Français et parce qu’il définit des règles communes pour
tous, contrairement au système actuel.
La différence qui existera entre
une personne née en 1974 et une personne née en 1976 sera la même qu’entre une
personne née en 1972 et une personne née en 1973. Dans les deux cas, l’une
bénéficiera d’un trimestre supplémentaire, conformément à la loi garantissant
l’avenir et la justice du système de retraites, dite loi Touraine. Dans les deux
cas, il s’agit d’une période de transition.
Pour une personne née en
1976, un an de la carrière sera pris en compte par le système universel de
retraite : un sur quarante-trois ans. C’est donc de manière très
progressive que nous allons passer d’un système à l’autre. Nous prenons le temps
de la transition entre les deux différents systèmes.
Il est normal qu’une
personne proche de la retraite – moins de dix-sept ans –, qui a formé
son projet de retraite dans des conditions différentes d’aujourd’hui, ne soit
pas concernée par le nouveau système. Pour ceux qui en sont un peu plus
éloignés, les conséquences du nouveau système seront très
progressives.
Avis défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Dharréville, je suis
là pour discuter du fond du projet de loi ! Vous avez déposé l’amendement
qui vise à remplacer le mot « universel » par le mot
« inéquitable » sur tous les alinéas de l’article 1er
et le voilà de nouveau sur les alinéas de l’article 2.
Mme
Mathilde Panot. Conformément à la décision de la conférence des
présidents !
M. Pierre
Dharréville. Parlez donc du fond !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous utilisez vos amendements
pour jouer à un quiz géant avec une multitude de cas types.
M. Fabien
Roussel. Pour savoir la vérité, tout simplement ! Répondez à la
question !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Si j’en crois le président de
votre groupe, vous avez la volonté d’aller plus loin dans le texte. Alors
faisons-le ! Passons à autre chose, je vous en prie.
M. Fabien Roussel.
Répondez à la question !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo
Bernalicis. Le système sera peut-être universel, mais il sera aussi
inéquitable, notamment pour les avocats.
Monsieur le secrétaire d’État,
je ne vous comprends pas très bien. Vous affirmez qu’il n’est aucunement
question d’utiliser les réserves des avocats dans le cadre de la réforme, mais
l’amendement no 42467 du Gouvernement après l’article 2
– je vous fais grâce du dispositif, je me bornerai à vous lire le début de
l’exposé sommaire – « vise à confier à la CNBF la gestion d’un
dispositif de solidarité permettant de prendre en charge tout ou partie de la
hausse de cotisations pour les avocats, libéraux et salariés, dont le revenu est
inférieur à trois PASS. »
Par le biais de cet amendement, vous
dites clairement aux avocats qu’ils doivent utiliser les réserves de leur caisse
autonome pour financer la transition entre des cotisations de 14 % et des
cotisations de 28 % !
M. Fabien
Roussel. C’est clair ! C’est écrit !
M. Ugo
Bernalicis. Pourquoi ne l’assumez-vous pas ? C’est pourtant bien ce
qui se dit à la table des négociations quand la garde des sceaux, Nicole
Belloubet, reçoit les avocats ! (Protestations sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Bruno
Questel. Ce n’est pas vrai !
M. Ugo
Bernalicis. Mais vous devriez comprendre que c’est précisément ce dont
ils ne veulent pas. C’est bien la raison pour laquelle ils votent la grève
reconductible dans leurs assemblées générales extraordinaires.
Assumez,
monsieur le secrétaire d’État ! Assumez de vouloir prendre les milliards
que les avocats ont mis de côté pour financer votre réforme pourrie !
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Vous voulez prendre
ces milliards non pas pour qu’ils aient une meilleure retraite ou qu’ils
puissent préserver leurs petits cabinets, non ! Vous voulez les
prendre pour financer votre réforme pourrie ! (Mêmes
mouvements.)
Mme Fiona
Lazaar. Ne soyez pas grossier !
M. Ugo
Bernalicis. Les petits cabinets dont nous parlons gèrent l’aide
juridictionnelle et interviennent au pénal auprès des plus démunis pour garantir
les libertés fondamentales de notre pays, les libertés individuelles. C’est ça
que vous allez faire crever en premier ! Pour nous, c’est non !
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le
président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. On nous a reproché de n’avoir rien fait à
l’époque du président Sarkozy. C’est pourtant la majorité de l’époque qui
a mis en œuvre la convergence entre la fonction publique et le secteur privé, et
c’est elle qui a eu le courage d’allonger l’âge de départ à la retraite à
62 ans !
Vous n’avez pas ce courage-là, mesdames et messieurs
de la majorité. En revanche, vous avez eu le culot d’imaginer une période de
transition de quarante années – quarante années, c’est à peine
croyable !
J’aimerais également rappeler aux élus de la majorité que
la caisse de retraite des avocats et celle des professions libérales sont des
caisses autonomes. Il ne s’agit donc pas, comme vous voulez le faire penser, de
régimes spéciaux.
Les régimes spéciaux coûtent généralement à la
solidarité nationale. Or la caisse des avocats est non seulement excédentaire de
2 milliards d’euros,…
M. Marc Le
Fur. Elle ne coûte rien !
Mme
Marie-Christine Dalloz. …mais elle contribue à la solidarité nationale à
hauteur de 90 millions d’euros chaque année. Ce n’est pas, monsieur
Cazeneuve, ce que j’appelle un régime spécial ! Vous devriez sans doute
revoir votre définition.
Que faites-vous, pour finir, de la protection
sociale des avocats et, en particulier, de l’assurance maladie ? Vous ne
nous avez toujours pas répondu sur le devenir de la caisse autonome des avocats
en matière de protection sociale. Nous aimerions pouvoir avoir enfin une réponse
sur le sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le
rapporteur, une fois de plus, lorsque nous abordons les questions de fond, vous
ne répondez pas. Vous n’avez pas répondu à la question de mon collègue Pierre
Dharréville.
Pour les marins et pour bien d’autres professions, le
nouveau système de retraite ne sera pas universel, mais inéquitable ! Le
leitmotiv « chaque euro cotisé donnera les mêmes droits » est faux.
Pourquoi ? Tout simplement parce que l’espérance de vie n’est pas la même
selon les catégories socioprofessionnelles.
Votre système serait juste si
chacun d’entre nous disparaissait lorsqu’il atteint l’âge moyen d’espérance de
vie. Ce n’est malheureusement pas le cas. Ceux qui vivent plus longtemps se font
donc payer leur retraite en partie par ceux qui vivent moins longtemps. Ce n’est
pas une loterie ; nous savons que certaines catégories – les ouvriers,
les métiers de nuit – vivront en moyenne moins longtemps.
Sur le
plan théorique, votre système est donc totalement inéquitable, d’autant que ces
Français usés par un travail difficile subiront une décote s’ils partent à la
retraite avant l’âge d’équilibre. C’est inacceptable !
En réalité,
votre système prolonge les inégalités de la vie. C’est pourquoi nous devons
parler de la pénibilité. Ce ne serait que justice que ces Français partent plus
tôt à la retraite, et sans décote ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes GDR et FI.)
M. le
président. La parole est à M. Sylvain Maillard.
M. Sylvain
Maillard. Je ne comprends pas le raisonnement qu’a tenu tout à l’heure
notre collègue Pierre Dharréville. Il a pris l’exemple d’une personne née en
1974 pour démontrer que le système actuel était plus équitable.
Prenons
l’exemple d’un chauffeur de bus travaillant à Paris…
M. Pierre
Dharréville. Un exemple très nouveau !
M. Sylvain
Maillard. …et d’un autre, né la même année, travaillant à Tourcoing. Ils
ne partiront pas à la retraite au même âge et ne toucheront pas la même pension
alors qu’ils ont cotisé le même nombre d’années.
M. Fabien
Roussel. Vous vous alignez sur lequel ?
M. Sylvain
Maillard. Cela, nous le savons. Allons donc plus loin.
Par
contre, avec notre réforme, le chauffeur de bus né en 2008, qu’il travaille à
Tourcoing ou à Paris, bénéficiera de la même pension et partira à la retraite au
même âge. (Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. Fabien
Roussel. Lequel ? 64 ans, 65 ans ou
66 ans ?
M. Sylvain
Maillard. Ce nouveau système est donc à la fois équitable et universel,
ce que je viens de démontrer. (Mêmes mouvements.)
M. Cédric
Roussel. C’est l’universalité de la pauvreté !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Le nivellement par le bas !
M. Ugo
Bernalicis. Le ruissellement vers le haut !
M. le
président. La parole est à M. Christian Hutin.
M.
Christian Hutin. Je tousse un peu, mais je ne voudrais pas que
l’ensemble de l’hémicycle soit confiné…
Je ne sais pas ce que cela
donnerait, mais cela nous empêcherait de sortir de l’hémicycle pour entendre les
questions que se posent les gens. Nous ne pourrions pas rencontrer les jeunes
qui se demandent combien ils percevront de pension et à quel âge – je pense
ainsi au jeune avocat qui vient de commencer son activité : comment va-t-il
pouvoir payer ses cotisations qui vont être doublées ?
M. Erwan
Balanant. Mais non, elles ne vont pas doubler !
M.
Christian Hutin. Sortons de l’hémicycle, sortons de ce confinement,
écoutons-les !
Pour les marins, c’est exactement la même
chose : aucun d’entre eux n’est certain aujourd’hui que la valeur de son
point sera financièrement garantie au moment de la liquidation. Leur régime de
retraite trouve son origine à Fort-Mardyck, à Dunkerque dont mon ami Paul
Christophe et moi-même sommes les députés, et il est extrêmement solidaire. Mais
qu’est-ce qui garantit dans ce projet de loi qu’il le sera encore ?
Rien !
Je vous demande de sortir de votre confinement, de renoncer à
ce système universel qui ne l’est pas, de mettre fin à ces incertitudes
permanentes et au risque que vous faites courir à la justice parce que les
avocats qui défendent les causes les plus difficiles ne sont pas forcément ceux
qui défendent les violeurs les plus abominables, ce sont aussi ceux qui aident
les gens impécunieux lorsqu’ils se constituent parties civiles. C’est 40 %
de cabinets d’avocats que vous risquez de mettre en grande difficulté.
M. le
président. La parole est à Mme Nathalie Elimas.
Mme
Nathalie Elimas. On a entendu sur ces amendements un peu tout et
n’importe quoi ; il a encore été question des avocats mais aussi des
réserves des caisses – fallait-il ou non les utiliser ?– ; et je
suis perdue (Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et
GDR),…
M.
Christian Hutin. Vous l’êtes depuis le début ! Comme les Français
eux-mêmes, d’ailleurs !
Mme
Nathalie Elimas. …je n’y comprends plus rien, tant il y a de
contradictions entre ce qui se dit ici et ce qui est écrit ailleurs, par exemple
dans le contre-projet de La France insoumise. (Mêmes mouvements.) En tout
cas, le système universel tel que nous le proposons offre la possibilité de
réinventer le dispositif de solidarité en réduisant les écarts de pensions entre
les plus fragiles et les plus aisés, entre les femmes et les hommes, et aussi en
soutenant les familles et en apaisant la crainte des conséquences du
veuvage.
M. Marc Le
Fur. Faux ! C’est le contraire !
Mme
Nathalie Elimas. Je voulais revenir, monsieur Dharréville sur votre
intervention d’hier où vous avez parlé de machine infernale. Vous avez raison,
elle existe : c’est le système actuel, la machine infernale des injustices,
la machine infernale des petites quotités de travail qui n’ouvrent aucun droit,
celle des critères de durée d’assurance qui pénalisent bon nombre de nos
concitoyens, celle qui ne permet plus la linéarité dans sa profession et donc
qui rend l’avenir complètement incertain. (Applaudissements sur de nombreux
bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Jean-Luc
Mélenchon. Tout cela, vous l’avez déjà dit !
Mme
Nathalie Elimas. Il faut donc répondre à l’exigence d’équité et garantir
la lisibilité des retraites à travers un système universel, destiné à tous et
fondé sur des règles communes, compréhensibles par tous. (Mêmes
mouvements.)
(Les amendements nos 26738 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 23428 qui
fait l’objet de plusieurs sous-amendements, nos 42583, 42558 et
42561. Les sous-amendements nos 42558 et 42561 sont
identiques.
La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir
l’amendement.
M. Éric
Diard. Mon amendement n’a pas pour but de critiquer ; il vise à
défendre le caractère autonome des caisses de retraite des professions libérales
– médecins, pharmaciens, les avocats, auxiliaires médicaux. Mes chers collègues,
vous confondez parfois les régimes spéciaux et les régimes autonomes :
nous, Les Républicains, défendons les régimes autonomes. Je vous rappelle qu’à
la différence des caisses des régimes spéciaux ou du régime général, les leurs
sont financées uniquement par leurs adhérents. Non seulement elles ne coûtent
rien à l’État, mais comme l’a dit fort justement Mme Dalloz, elles
contribuent à hauteur de plusieurs dizaines de millions par an à financer le
régime général des retraites.
Sacrifier ces régimes autonomes me paraît à
la fois un non-sens et un danger. C’est un non-sens car pourquoi intégrer un
système excédentaire qui marche bien dans un système déficitaire financé par nos
impôts ? C’est un danger parce que vous risquez ainsi de susciter une crise
des vocations, on ne trouvera plus de médecins ou d’auxiliaires médicaux
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM), en tout cas il y en
aura malheureusement de moins en moins. Voilà pourquoi il faut exclure du
nouveau système les caisses autonomes des professions libérales. Et à ceux qui
me disent : « on verra bien », je vois bien pour ma part ce qu’il
en est : quand la ministre de la justice reçoit les avocats, elle ne les
entend pas parce qu’elle ne les écoute pas. (Applaudissements sur de nombreux
bancs du groupe LR. – M. Christian Hutin
et M. Ugo Bernalicis applaudissent
également.)
M. le
président. La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir le
sous-amendement no 42583.
Mme
Isabelle Valentin. Comme l’a dit mon collègue Éric Diard, je crois qu’il
faut vraiment bien faire la différence entre régime spécial et caisse autonome.
Ce sous-amendement vise à exclure expressément les professions libérales du
système universel prévu par cette réforme. De nombreuses professions libérales,
telles que les médecins, les infirmières, les avocats ou encore les pilotes de
ligne ont leur propre régime de retraite doté d’une caisse autonome qui prélève
des cotisations et les reverse sous forme de pensions à ses retraités. Au nom de
l’universalité, ce projet de loi entend les supprimer. Pourtant, ainsi que l’a
rappelé ma collègue Marie-Christine Dalloz, la différence est flagrante entre
les régimes spéciaux, fortement déficitaires et qui survivent grâce à des
subventions publiques, et les caisses autonomes, bénéficiaires et solidaires du
régime général. Pourquoi mettre à mal un système qui fonctionne ? Pourquoi
punir les bons élèves ? Leurs réserves vont être absorbées pour combler les
déficits des autres régimes, ce qui est profondément injuste.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Bravo !
M. Thibault
Bazin. Très bien !
M. le
président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le
sous-amendement no 42558.
M. Marc Le
Fur. Monsieur le secrétaire d’État, on a le sentiment que vous utilisez
une technique pasquaienne (Mouvements divers sur les bancs des groupes LaREM
et MODEM) :…
M. Gilles
Le Gendre. Holà !
M. Marc Le
Fur. …vous êtes acculé, et comme la vieille technique de Pasqua était
alors l’embrouille, vous nous embrouillez en mêlant l’ensemble des
régimes ! Mes collègues l’ont parfaitement expliqué : le régime
spécial est condamnable dans la mesure où son équilibre financier repose sur le
soutien des autres, mais si son équilibre repose sur la seule solidarité interne
audit régime, cela ne soulève pas de difficultés. Si nous, nous considérons
qu’il y a un problème avec la RATP et la SNCF, c’est parce que c’est le citoyen
français lambda qui paye.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Cela ne vous dérange pas quand il s’agit des
paysans !
M. Marc Le
Fur. Mais ce n’est pas le cas du régime des infirmières ou de celui des
médecins, lesquels de surcroît ne demandent rien et organisent leur propre
système. Pourquoi donc le troubler ? Comme ils ne comprennent pourquoi vous
voulez les mêler au système universel alors que leur régime fonctionne, ils se
disent : « S’ils le font, c’est qu’ils veulent nous prendre nos
réserves. »
Plusieurs députés du groupe
LR. Eh oui !
M. Marc Le
Fur. Je ne vois d’ailleurs pas d’autre explication rationnelle. Vous
devriez plutôt consacrer votre énergie, monsieur le secrétaire d’État, à
améliorer le système de retraite des agriculteurs et celui des marins,…
M. Jean-Luc
Mélenchon. Payés par qui ?
M. Marc Le
Fur. …alors que vous ne le faites absolument pas – le Président de
la République a, hélas, déçu les attentes des premiers, et on va au mieux
préserver la situation actuelle pour les seconds. Ne condamnez pas des systèmes
équilibrés qui fonctionnent sans solliciter la solidarité nationale. Pourquoi
agir ainsi, sinon pour tout embrouiller ? C’est une vieille technique que
je dénonce ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LR.)
M. le
président. Le sous-amendement no 42561 de
M. Fabrice Brun est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur
l’amendement et sur les sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je ne connaissais pas l’adjectif
« pasquaienne », mais je peux vous retourner le compliment, monsieur
Le Fur, parce que l’embrouille, c’est vous qui la pratiquez avec vos collègues à
force de reprendre tous les sujets dans tous les sens, le sous-amendement de
Mme Valentin en étant d’ailleurs une parfaite illustration. Ainsi,
l’amendement défendu par M. Diard propose d’insérer l’alinéa suivant :
« En sont exclus les régimes mentionnés aux articles L. 640-1 [les
professions libérales] et L. 723-1 [les avocats] du code de la sécurité
sociale. » Et le sous-amendement de sa collègue propose d’insérer les
mots : « les professions libérales »… En clair, cela veut dire
qu’en seraient exclues deux fois les professions libérales… Je me demande à quoi
sert un travail de parlementaire qui ne fait qu’embrouiller.
M.
Christian Hutin. C’est insulter une parlementaire que de dire
cela !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ensuite, s’agissant plus précisément des
avocats, sous prétexte que leur régime est excédentaire, il ne faudrait pas y
toucher. Mais le ratio entre les actifs et les retraités est en train de
baisser, passant de cinq à un peu plus de quatre.
M.
Christian Hutin. Ils ont vingt-cinq ans devant eux !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Leur caisse commence à provisionner des
augmentations de taux de cotisation parce qu’il va y avoir, à un moment ou à un
autre, des évolutions sociétales, y compris démographiques, et aussi la
modification du métier par l’intelligence artificielle, et les équilibres de
demain ne seront pas ceux d’aujourd’hui.
M.
Christian Hutin. On ne sera jamais défendu par des robots !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Admettons, monsieur Diard, que vous ayez
deux enfants, l’un voulant devenir avocat et l’autre agriculteur : dès leur
entrée dans la vie active, le premier aurait la garantie d’une bonne retraite et
le second la garantie d’une faible retraite. Ce n’est pas logique. C’est comme
si le système éducatif suivi devrait dépendre de la profession des
parents.
Que tous les actifs français assument toutes les pensions des
Français demain me semble une mesure de justice sociale et de sécurité pour
l’avenir des retraites. Avis défavorable à l’amendement et aux
sous-amendements.
M. Fabrice
Brun. Parlons encore de l’augmentation de leurs
cotisations !
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’ai bien compris que ces
sous-amendements sont plus une façon d’exprimer une pensée politique que
l’expression d’une volonté d’enrichir le débat. Mais, après l’avoir dit aux
députés GDR, je me tourne vers les deux premières travées de cet
hémicycle : vous aussi devez avoir envie d’aborder les questions de
fond…
M.
Dominique Potier. Vous touchez le fond, en effet !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …plutôt que d’inscrire deux
fois dans le même alinéa les professions libérales, ce qui me semble manquer
d’intérêt : une seule fois aurait suffi.
Mais j’ai compris que votre
amendement, monsieur Diard, reflétait le fond du projet politique des
Républicains, que l’on a déjà évoqué à plusieurs reprises et qui n’est pas le
nôtre. Votre projet est de limiter à un PASS ce qui serait une forme de régime
de base commun, et de faire perdurer au-delà de ce seuil les dispositions
propres à chaque profession et à chaque statut, en se disant que les intéressés
feront appel à la solidarité nationale le jour où ils seront en difficulté
– je l’ai entendu presque mot pour mot.
M. Éric
Diard. Non !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Ce n’est pas du tout ma vision
des choses parce que la solidarité nationale vaut quand on anticipe. En tout
cas, ce n’est pas ainsi que je conçois l’intérêt général. Par conséquent, vous
comprenez que le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à ce type
d’amendement.
M. le rapporteur a tout de même tenu – je l’en
remercie – à donner du sens à ses propos, en les illustrant et en demandant
s’il paraîtrait logique, dans notre société, d’hypothéquer le niveau de retraite
en fonction du métier choisi,…
M. Éric
Diard et M. Arnaud Viala. C’est déjà le cas !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …sans que personne n’y trouve
rien à redire. Je le dis clairement : la réponse est non. J’estime qu’il
faut construire la solidarité et je suis très heureux de présenter, au nom du
Gouvernement, un projet qui garantira les mêmes droits familiaux à l’ensemble
des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
Mme
Isabelle Valentin. Mais non, pas les mêmes droits familiaux ! Vous
défendez au contraire un système injuste !
M. le
président. La parole est à Mme Coralie Dubost.
Mme Coralie
Dubost. Que se passe-t-il, mes chers collègues ? J’ai entendu des
élus de gauche et de droite tenir sur les avocats des propos qui me laissent
penser que nous ne parlons pas de la même chose. Monsieur Diard, l’amendement
que vous proposez vise à instaurer des mesures d’économies. Ce n’est pas ce qui
fonde notre projet : quand on défend un système universel, c’est pour
favoriser l’universalité et la solidarité au sein de la société.
M. Éric
Diard. Vous vous payez de mots !
Mme Coralie
Dubost. Or les avocats sont au cœur de la société, de nos préoccupations
et de celles de nos concitoyens. Nous avons une profonde reconnaissance pour
leur action.
M.
Sébastien Leclerc. C’est pour cela que vous voulez doubler leurs
cotisations ?
Mme Coralie
Dubost. Nous savons qu’ils sont dévoués à leur métier et qu’ils sont
garants de l’État de droit. C’est précisément pour cette raison qu’il ne faut
pas les exclure d’un système de solidarité qui constitue un véritable pacte
social – parce que c’est bien un projet de société que nous présentons, et
non un projet d’économies.
M. Marc Le
Fur. Quelle hypocrisie !
M. Éric
Diard. Les avocats contribuent à financer le régime général !
Mme Coralie
Dubost. J’ai par ailleurs entendu les incompréhensions exprimées par
monsieur Bernalicis à propos de l’amendement déposé par le Gouvernement.
Rassurez-vous : il a fait l’objet d’un travail avec les députés de la
majorité,…
M. Ugo
Bernalicis. Mais pas avec les avocats !
Mme Coralie
Dubost. …qui se sentent très concernés par le sort des avocats dont le
revenu est inférieur à un PASS. Cet amendement permet aux avocats de transférer
dans le système universel un mécanisme de solidarité qu’ils appliquent
actuellement dans leur caisse autonome. En raison des particularités liées à
leur métier, les avocats avaient en effet – à l’instar, par exemple, des
marins – organisé un système de solidarité interne.
Du fait du
transfert dans le système universel, les avocats aux revenus élevés seront
avantagés et cotiseront moins. L’amendement déposé par le Gouvernement vise à
faire en sorte que ceux qui cotiseront moins demain dans le régime universel
cotisent pour ceux qui risqueraient de cotiser davantage dans le nouveau
système. Il s’agit de neutraliser le changement de système pour ceux dont les
revenus annuels sont inférieurs à 40 000 euros.
M. Marc Le
Fur. On ne comprend rien…
Mme Coralie
Dubost. Une mesure d’économie est donc bien prévue pour garantir la
pérennité des petits cabinets, mais ce n’est pas elle qui fonde le projet.
M. Dino
Cinieri. On n’a rien compris !
Mme Coralie
Dubost. Enfin, il faut entendre la colère des avocats, qui est bien
réelle : je ne crois pas qu’il soit une seule personne dans cet hémicycle
pour nier l’importance prépondérante des avocats. (Applaudissements sur de
nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.) Tout le monde la
reconnaît !
M. le
président. Veuillez conclure, madame Dubost.
Mme Coralie
Dubost. Lorsque les avocats nous disent que 40 % des cabinets
gagent moins de 40 000 euros par an, ils ne dénoncent pas la réforme,
mais bien leurs conditions actuelles d’exercice !
M.
Sébastien Leclerc. Vous allez les achever !
Mme Coralie
Dubost. C’est parce que rien n’a été fait précédemment que ces
conditions existent !
M. Fabrice
Brun. Votre projet est suicidaire !
Mme Coralie
Dubost. Nous avons demandé au Gouvernement de corriger cette
situation,…
M. le
président. Merci, madame Dubost.
Mme Coralie
Dubost. …nous y travaillons et nous prendrons des mesures en ce sens,
mais pas dans le projet de loi relatif au système de retraite.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Pierre
Vatin. C’est n’importe quoi !
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Chers collègues de la majorité, cessez l’obstruction ;
elle va finir par se voir. (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Vous multipliez les interventions de forme
(« Il a raison ! »
sur les bancs du groupe LR) pour nous expliquer que vous ne comprenez pas
nos explications…
M. Alexis
Corbière. Il a raison, enfin : il y en a marre de
l’obstruction !
M. le
président. Mes chers collègues, je préférerais que le débat se déroule
dans le calme, l’écoute et le respect mutuel.
M.
Jean-Paul Dufrègne. On ne s’entend pas, monsieur le président !
M. le
président. Pour l’heure, seul M. Quatennens a la parole, et sa
parole est libre.
M. Adrien
Quatennens. Merci, monsieur le président. C’est donc calmement que je
vous appelle à cesser l’obstruction et les interventions de forme qui ne visent
qu’à nous expliquer que vous ne comprenez pas nos arguments ou à nous accuser de
nous répéter.
Si vous voulez compter les points pour savoir qui se
répète, allons-y !
« Universel, universel ! »,
répétiez-vous en boucle alors que nous ne cessons de vous expliquer que ce ne
sera pas le cas et que le Conseil d’État lui-même dit que ce n’est pas vrai
– jusqu’à ce que le rapporteur finisse par reconnaître que le système ne
sera « pas parfaitement universel ». Nous avons progressé ; ne
nous faites pas revenir en arrière.
Vous prétendez ensuite que le système
sera « juste, simple et pour tous ». On vous montre qu’il ne le sera
pas, et pourtant vous répétez le même slogan ! Clairement, c’est vous qui
faites de l’obstruction et qui empêchez le débat.
Nous aurons tout le
loisir de continuer à développer nos arguments, monsieur le rapporteur, mais
malgré l’évidente complexité de votre réforme – cette usine à gaz imbitable
que vous préparez (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM) –,…
M. Marc Le
Fur. Ça, c’est plutôt Griveaux…
Mme Émilie
Bonnivard. Quel sexisme, monsieur Quatennens !
(Sourires.)
M. Adrien
Quatennens. …la question des retraites a, en réalité, l’avantage de la
simplicité. S’agissant des retraites, il n’y a jamais que deux ou trois
paramètres sur lesquels jouer : l’âge, la durée de cotisation et le niveau
de richesses consacrées aux retraites, qui dépend lui-même des salaires et des
taux de cotisations. Voilà pourquoi le périmètre de notre discussion restera,
somme toute, assez restreint, même si vous tentez de biaiser en utilisant des
éléments de langage qui ne tiennent plus debout.
Parlons donc de
l’essentiel. Vous voulez l’équilibre financier. Je crois que chacun sur ces
bancs vous rejoint sur ce point,…
M.
Christophe Euzet. Pas vous !
M. Adrien
Quatennens. …mais pas à la condition que cet équilibre financier soit
assuré uniquement par un allongement de la durée de cotisation des Français ou
par un affaiblissement des pensions.
M. le
président. Veuillez conclure, monsieur Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Voilà le cœur du débat que nous devons avoir. Le reste n’est
que fioriture. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. Arnaud Viala.
M. Arnaud
Viala. Je souhaite signaler à M. le rapporteur que nous voulons
discuter du fond. Il ne faudrait pas, toutefois, que vous fassiez semblant de ne
pas comprendre ou que notre collègue Dubost fasse de la provocation à l’endroit
de professions qui ne sont pas habituellement portées à la revendication et qui
ne peuvent pas entendre ce qui vient d’être dit.
Quand nous défendons
l’idée selon laquelle il n’y a aucune raison de mettre à mal, comme vous voulez
le faire, des régimes autonomes qui existent et qui ont réussi à maintenir des
systèmes équilibrés leur permettant de regarder loin dans l’avenir, nous
avançons un argument de fond. C’est également ce que nous faisons quand nous
soulignons que le problème des avocats, en réalité, n’est pas seulement que vous
leur piquiez leurs réserves – pardonnez-moi l’expression –, mais que
vous leur proposiez de compenser la hausse de cotisations de 14 à 28 % avec
leurs propres réserves, donc de payer leurs propres compensations.
M. Fabrice
Brun. Tout à fait !
M. Arnaud
Viala. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre.
Vous avez
effectué une comparaison particulièrement malvenue avec les agriculteurs
– je me permets de le souligner, monsieur le rapporteur, car je connais
l’attention que vous portez à cette profession. Je vous livre une
suggestion : pourquoi ne pas intégrer immédiatement les agriculteurs
actuellement retraités – dont vous n’augmenterez pas les pensions, parce
que cela coûterait trop cher – dans un régime universel et solidaire, et
compenser leur précarité en augmentant leurs pensions, en allant piquer les
fonds nécessaires ailleurs, puisque vous en piquez partout ? Faites donc
cela ! Voilà qui serait vraiment universel et solidaire !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Fabrice
Brun. Et au passage, récupérez les 4 milliards de cotisations sur
les revenus supérieurs à 120 000 euros ! Voilà qui pourrait
servir à compenser les agriculteurs !
M. le
président. Merci, monsieur Brun, pour cette intervention. La parole est
toutefois à M. Erwan Balanant.
M. Erwan
Balanant. Je voulais répondre sur le fond à certaines affirmations
concernant les avocats et notamment à M. Hutin, qui affirmait qu’ils
allaient voir leurs cotisations doubler.
M.
Christian Hutin. Oui !
M. Erwan
Balanant. Ce n’est pas tout à fait vrai.
M. Jérôme
Lambert. À peu près, tout de même…
M. Erwan
Balanant. La réalité est un peu plus complexe.
M. Fabien
Roussel. Ah, la pensée complexe de la majorité…
M. Erwan
Balanant. Elle a d’ailleurs été assez bien expliquée aux avocats au
cours des négociations. Un processus de transition lissée dans le temps leur a
d’ailleurs été proposé à cette occasion.
M.
Christian Hutin. Quand on passe de 14 à 28 % de cotisations, selon
moi, on multiplie par deux – mais il est vrai que je n’ai eu que six sur
vingt en mathématiques au baccalauréat…
M. Erwan
Balanant. Puis-je tenter de vous expliquer, afin que nous débattions un
peu du fond du sujet ? Aujourd’hui, vous le savez, la CNBF, qui gère la
retraite des avocats, a déjà provisionné une augmentation des taux de cotisation
de deux points,…
M. Ugo
Bernalicis. En application du code de la sécurité sociale !
M. Erwan
Balanant. …afin de continuer à assurer l’équilibre du régime malgré les
évolutions démographiques à venir.
Dans la proposition qui est faite aux
avocats, une augmentation du taux de cotisation de 5,1 points serait
nécessaire pour parvenir au taux de 28 %. Deux scénarios sont proposés pour
lisser cet effort dans le temps : un scénario étalant la transition sur
vingt ans et un autre permettant une transition plus rapide, moyennant en effet
la mise à contribution d’une partie des réserves de leur caisse autonome.
M. Ugo
Bernalicis. Ah ! Voilà !
M. Fabien
Roussel. Combien ?
M. Erwan
Balanant. Une partie infime.
M. Ugo
Bernalicis. On voit que ce ne sont pas vos sous !
M. Erwan
Balanant. Monsieur Bernalicis, le programme de La France insoumise
prévoit de faire complètement les poches au régime des avocats, c’est inscrit
noir sur blanc, page 31 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme Cendra
Motin. C’est ça, la vérité !
M. Erwan
Balanant. Monsieur Hutin, les avocats – que vous, moi et à peu près
tous les députés ici présents avons rencontrés –, éprouvent une crainte
vis-à-vis de la réforme que nous défendons. Nous devons la leur expliquer,…
M. Jérôme
Lambert. Ils n’ont rien compris, quoi !
M. Erwan
Balanant. …car tous les éléments relatifs à leur future retraite ne leur
ont pas été transmis. Ils me l’ont dit.
M. Pierre
Vatin. Tout va bien, ce sont les avocats qui n’ont rien
compris !
M. Jérôme
Lambert. Ils sont sans doute trop bêtes…
M. Erwan
Balanant. Mais nous devons également prendre en considération la réalité
actuelle du travail des avocats et de leur statut. Nous devons y travailler
collectivement, parce qu’ils se posent des questions.
M. Pierre
Vatin. Que ne les avez-vous éclairés plus tôt !
M. Erwan
Balanant. Nous devons mener ce chantier.
Enfin, la réalité du
métier d’avocat a complètement changé.
M. le
président. Merci de conclure, monsieur Balanant.
M. Erwan
Balanant. Aujourd’hui, un avocat peut exercer pendant dix ans à son
compte puis décider un jour de devenir salarié.
M. Pierre
Vatin. Avez-vous déjà vu un avocat quitter la robe ?
M. Erwan
Balanant. Dans le système actuel, il perdrait alors le bénéfice de ses
dix années de cotisation auprès de la CNBF. (Applaudissements sur plusieurs
bancs du groupe MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Je me réjouis que les députés de la majorité prennent la parole
pour défendre leur projet : cela nous permet de les interpeller sur le sens
de cette réforme.
Monsieur Maillard, madame Elimas, en la matière, vous
êtes les champions du monde ! Vous vous livrez à de grandes démonstrations
sur la justice en jugeant qu’il est inacceptable que les chauffeurs de bus de la
RATP partent à la retraite à 55 ans en moyenne, tandis que ceux de
Bordeaux, Lyon, Marseille ou Valenciennes partent à 62 ans, voire plus.
Vous avez raison : c’est inacceptable. Vous nous donnez un cours sur la
justice. Mais qu’est-ce que la justice ? Est-ce de permettre à chacun de
partir à 55 ans, parce qu’à cet âge on est cassé par le travail
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM),…
M. Bruno
Questel. C’est 40 ans, point !
M. Fabien
Roussel. …ou est-ce d’imposer à tout le monde de partir à 62 ans,
après 40 ans de boulot ?
Votre justice, c’est de répondre aux
demandes des actionnaires des grandes entreprises qui emploient les chauffeurs
de bus, en forçant ces derniers à travailler plus longtemps, malgré leurs
problèmes de dos et les agressions dont ils sont parfois victimes. Les
chauffeurs de la RATP bénéficient d’un régime qui les protège. Avec votre
réforme des retraites, ils n’auront plus aucune protection : ils devront
tous travailler beaucoup plus longtemps et ils en souffriront. Votre sens de la
justice, c’est de faire travailler plus longtemps les salariés, ce n’est pas de
les protéger – comme ils l’étaient jusqu’à présent grâce aux régimes
spéciaux !
M.
Christophe Euzet. Arrêtez, enfin !
M. Fabien
Roussel. Nous ne ferons jamais un tel choix : nous défendrons
toujours les travailleurs et les salariés qui étaient protégés, quand vous
défendrez les patrons et les actionnaires. Voilà la différence entre nous !
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – Protestations sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Jean-Luc
Mélenchon. Bravo !
M. le
président. Chers collègues, je vous invite à accueillir les
interventions des uns et des autres dans le silence et le respect.
M. Fabien
Roussel. Répondez, si vous n’êtes pas d’accord !
M. le
président. La parole est à M. Hervé Saulignac.
M. Hervé
Saulignac. À ce stade de nos débats, je me demande s’il ne serait pas
préférable que personne ne nous écoute ni ne nous regarde. Je crois en effet que
nous avons atteint le paroxysme du dialogue de sourd et de la mauvaise foi.
Mme Cendra
Motin. C’est vrai !
M. Hervé
Saulignac. Une de collègues de la majorité disait tout à l’heure ne plus
rien y comprendre. Si les députés de la majorité eux-mêmes n’y comprennent plus
rien, cela commence à devenir inquiétant.
M. Fabrice
Brun. Ils n’y ont jamais rien compris !
M. Sylvain
Maillard. Elle voulait dire qu’elle ne comprenait plus rien à ce que
vous défendez !
M. Hervé
Saulignac. Notre collègue Le Fur a parfaitement résumé la situation
lorsqu’il a évoqué votre stratégie « pasquaienne » : vous vous
employez à ce que personne ne comprenne plus rien. Mais nous comprenons très
bien !
M. Bruno
Studer. Ah…
M.
Christophe Arend. Nous allons pouvoir avancer, alors !
M. Hervé
Saulignac. Nous comprenons que vous ne savez pas du tout où vous allez.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle vous souhaitez y aller très vite :
parce que votre désorientation va finir par se remarquer.
Notre collègue
Quatennens vous accusait tout à l’heure de pratiquer l’obstruction – il a
parfois tendance à se montrer caricatural.
M. Alexis
Corbière. Pas du tout !
M. Hervé
Saulignac. Je dirai, pour ma part, que vous pratiquez la diversion. Vous
y êtes forcés parce qu’en réalité, vous-mêmes ne pouvez pas prétendre maîtriser
ce texte, chers collègues de la majorité : avec vingt-neuf trous,…
M. Brahim
Hammouche. Vingt-neuf ordonnances, pas vingt-neuf trous !
M. Hervé
Saulignac. …et une étude d’impact absolument indigente, vous ne pouvez
pas savoir où vous allez ! (Applaudissements sur les bancs des groupes
GDR et FI. – Mme Valérie Bazin-Malgras
applaudit également.)
La réalité, c’est que la commission spéciale a
été un échec ; que la conférence de financement s’annonce comme un
échec ; et que cette séance est un échec : votre politique est un
échec ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, GDR et
FI.)
Mme Valérie
Bazin-Malgras. Bravo !
M. le
président. La parole est à M. Jean Lassalle.
(« Ah ! » sur divers
bancs.)
M. Jean
Lassalle. Je profite à la fois d’un moment de calme relatif au sein de
notre assemblée – contrairement à ce que pensent certains, il me semble
qu’on se dit plus de choses depuis une heure qu’on ne s’en est dites depuis
quelque temps – et du fait d’être le seul de mon groupe pour
intervenir.
Quel dommage ! Je vous le dis, monsieur le président,
parce que je vois dans vos yeux une étrange flamme (Sourires) : quel
dommage que nous nous perdions tant de temps et d’énergie, alors qu’il y a tant
à faire !
M. Marc Le
Fur. Il est très bien, le président !
M. Jean
Lassalle. Comme j’ai tenté de l’expliquer l’autre jour – j’ai
peut-être été mal compris, mais il est vrai que je n’étais pas très en forme
(Sourires) –, si certains dénoncent aujourd’hui
l’obstruction, j’ai vécu ici, avec d’autres, des séances durant lesquelles
Mme Boutin – je dis bien « Boutin » et non « Autain » –
lisait des versets de la Bible pendant une heure à la tribune, juste avant que
Mme Bachelot nous relate la Cène du Christ pendant trois quarts d’heure.
(Sourires sur les bancs GDR et FI.) L’obstruction ne date donc pas
d’aujourd’hui – d’autant qu’à l’époque, les temps de parole des groupes
n’étaient même pas limités. Certains voulaient déjà voir les débats aboutir
tandis que les autres souhaitaient le contraire.
Nous nous dirigeons
malheureusement vers l’utilisation de l’article 49, alinéa 3 de la
Constitution – je ne vois pas comment on pourrait l’éviter. C’est très
dommage : nous aurions pu procéder autrement.
Je crains que, cette
fois-ci, nous ne soyons pas exactement les mêmes circonstances que celles que
nous connûmes il y a peu de temps, car les partis comme les syndicats n’ont plus
la force qu’ils avaient auprès du peuple. Nous-mêmes, nous sommes
affaiblis.
J’ai peur que l’utilisation du 49.3 n’en rajoute une couche à
la colère et risque de rendre notre pays incontrôlable. Nous pourrions faire des
choses beaucoup plus utiles ! Maintenant, il faudrait arrêter.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LR et FI.)
M. le
président. Merci, monsieur Lassalle. J’ai moi aussi vu beaucoup de
choses dans vos yeux… (Sourires.)
(Le sous-amendement no 42583 n’est pas
adopté.)
(Les sous-amendements identiques nos 42558
et 42561 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 23428 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Sur l’amendement no 23429, qui fait l’objet
de plusieurs sous-amendements, je suis saisi par le groupe Les Républicains
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Diard, pour
soutenir l’amendement.
M. Éric
Diard. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise toujours à défendre
les caisses autonomes des professions médicales – pharmaciens,
sages-femmes, médecins. Monsieur le secrétaire d’État, je crains qu’avec votre
réforme, on ne ponctionne plus encore ces professions en augmentant leurs
cotisations, et que cela accélère la désertification médicale dans les zones
rurales.
M. Pierre
Cordier. Il a raison.
M. Éric
Diard. C’est donc pour des raisons de justice que je défends le maintien
des caisses autonomes des professions médicales.
M. le
président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques,
nos 42559 et 42562.
La parole est à M. Marc
Le Fur, pour soutenir le sous-amendement no 42559.
M. Marc Le
Fur. Je souscris totalement aux propos de mon collègue Éric Diard. Vous
nous dites que les caisses autonomes conserveront leur argent et pourront
l’utiliser, mais à ce stade, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais des
précisions : où les caisses autonomes pourront-elles déposer leur
argent ? Conserveront-elles la personnalité morale ? Je m’interroge
aussi sur l’utilisation de cet argent : les caisses pourront-elles
l’allouer librement à leurs membres, en supplément du système
universel ?
M.
Jean-Paul Dufrègne. Bonne question !
M. Marc Le
Fur. Il faudra bien qu’ils en fassent quelque chose, même si ma crainte
est que, d’une manière ou d’une autre, vous utilisiez cet argent pour compenser
les difficultés rencontrées par le fameux système universel.
M.
Christian Hutin. Qui n’est pas universel !
M. Marc Le
Fur. Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d’État, des précisions sur
les points suivants : les caisses autonomes existeront-elles toujours
demain ? Conserveront-elles la personnalité morale ? Disposeront-elles
d’un compte qu’elles géreront elles-mêmes, sans intervention extérieure ?
Leur argent découle des cotisations passées : de quel degré de liberté
disposeront-elles dans son utilisation ? Comment sera-t-il restitué non pas
au grand système que vous imaginez, mais précisément à ceux et celles qui ont
constitué ces réserves financières ?
M. le
président. La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir le
sous-amendement no 42562.
M. Fabrice
Brun. En complément des propos d’Éric de Diard et Marc Le Fur,
j’ajouterai un mot sur les professionnels de santé – médecins, infirmières
libérales. Ils font un travail remarquable, notamment dans les zones de
revitalisation rurale et les zones d’intervention prioritaire classées par les
agences régionales de santé, et jouent donc un rôle essentiel pour réduire la
fracture médicale : en légiférant sur ce texte, c’est aussi à eux et à
elles qu’il faut penser !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et les deux
sous-amendements identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je voudrais d’abord réagir aux propos de
notre collègue Jean Lassalle, car je crois qu’il a raison : tout le monde,
ici, a l’impression de livrer des combats importants, mais nous ne nous parlons
jamais qu’à nous-mêmes.
M.
Jean-Paul Dufrègne. C’est vous qui ne vous parlez qu’à
vous-même !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les Français, en voyant notre mode de
fonctionnement, se demandent si nous sommes des extraterrestres ! On se
livre des combats homériques sur des mots – « universel »,…
M. Pierre
Vatin. C’est vous qui employez ce terme !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …« équitable » – mais, pour
ceux qui sont à l’extérieur, le Parlement ne sert à rien !
(Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM. –
M. François Ruffin s’exclame.)
Je suis désolé,
mais on ne débat pas du fond. On a l’impression de gagner quelque chose,
mais…
M. Marc Le
Fur. Je vous ai posé des questions précises !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je vais y répondre ! Je vous assure
que plutôt que de revenir sur tous les sujets, amendement après amendement, on
gagnerait beaucoup à travailler sur le fond, article par article.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Nous disons ce que nous voulons !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Vos propos sont scandaleux !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Certes, en tant que rapporteur, on
m’interpelle beaucoup, ce qui va faire exploser mes statistiques sur
nosdeputes.fr :…
M.
Christian Hutin. Ça ne marche plus, ça ! Moins on parle, mieux on
est élu !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …je vais me faire plaisir ! Mais, sur
le plan démocratique et eu égard au rôle du député, cela ne sert à rien !
Telle est la réalité.
S’agissant de l’amendement, j’ai bien entendu votre
position sur les personnels de santé et des professions libérales médicales,
mais notre volonté est bien d’intégrer tout le monde dans le système, de manière
respectueuse, en ménageant – c’est un élément important – une longue
période de transition de quinze à vingt ans.
Vous avez également dit
que la désertification médicale serait liée au projet de réforme des retraites.
(Protestations sur les bancs du groupe LR.)
M. Éric
Diard. Je n’ai pas dit cela ! J’ai dit que cela accélérait la
désertification médicale.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Aujourd’hui, on voit bien que… (Mêmes
mouvements.) J’aimerais que vous me laissiez m’exprimer, comme vous avez
vous-même pu le faire ! Aujourd’hui, la désertification médicale est une
réalité qui, en fonction des politiques qui sont menées, diffère suivant les
territoires.
M.
Christian Hutin. Allons sur le fond de l’amendement ! Là, ce n’est
pas sérieux !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Même s’il s’agit d’une problématique sur
laquelle nous devons travailler, elle n’a rien à voir avec le projet de réforme
des retraites qui nous occupe.
M. Fabrice
Brun. C’est l’attractivité de ces métiers qui est en jeu !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. S’agissant de la question précise de
M. Le Fur, les réserves appartiennent et sont gérées par les caisses. Elles
pourront en faire « ce qu’elles veulent » : si elles souhaitent
faciliter la transition des personnels concernés, elles le peuvent ! Si
elles souhaitent prendre partiellement en charge l’augmentation des cotisations,
elles le peuvent ! Comme cela est inscrit à l’article 50 du projet de
loi, les caisses restent gestionnaires des réserves que leur régime a
constituées. Par exemple, les réserves de la caisse des avocats ou, en supposant
qu’elle en ait, de la caisse autonome de retraite et de prévoyance des
infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et
orthoptistes – la CARPIMKO – restent de la responsabilité de ces
caisses.
Avis défavorable tant sur l’amendement que sur les
sous-amendements.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je répète les propos que j’ai
déjà tenus en réponse à M. Door : les caisses de retraites des
professions de santé pourront continuer à fournir des prestations dans le cadre
d’une délégation de service de la Caisse nationale de retraite universelle. Cela
leur permettra notamment de rester l’interlocuteur unique de certaines
professions, et c’est donc une bonne idée. Par ailleurs, je vous confirme
qu’elles pourront garder la personnalité morale.
S’agissant des
réserves, le rapporteur vous a répondu, et il n’y a de toute façon aucune
ambiguïté. Si vous aviez lu dans le texte des dispositions relatives à leur
expropriation, je comprendrais vos questions, mais ce n’est pas le cas, bien au
contraire !
M. Thibault
Bazin. Vous ne pouvez pas faire ce que vous envisagez, monsieur le
secrétaire d’État ! C’est inconstitutionnel !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Si les caisses décident de
lisser une éventuelle hausse des cotisations, ce sera leur choix, il relèvera de
la responsabilité de leur conseil d’administration – d’autant que toutes
les professions ne connaîtront pas de hausse des cotisations.
Enfin, même
si tout le monde a bien en tête cet élément, je tiens à rappeler que les caisses
continueront par ailleurs à gérer la retraite des personnes nées avant
1975.
Le rapporteur comme moi avons essayé d’être aussi exhaustifs que
possible sur ce sujet, mais nous y reviendrons de toute façon lors de l’examen
de l’article 54. Consacrer près d’une heure quarante à des questions que
nous avons déjà maintes fois abordées, cela me paraît beaucoup : passons à autre
chose ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Éric Diard.
M. Éric
Diard. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne pouvez pas évacuer en une
heure la question des caisses autonomes puis dire : c’est fait ! C’est
du mépris.
M. Sylvain
Maillard. Mais non ! S’il ne répond pas, vous n’êtes pas
contents ; lorsqu’il répond, vous n’êtes pas contents non plus !
M. Éric
Diard. Si, je vous le dis : c’est du mépris pour ces professions.
Vous ne pouvez pas balayer la question d’un revers de main.
Monsieur le
rapporteur, si les professions médicales sont davantage ponctionnées, leur
attractivité sera bien moindre, et au bout du compte, il y aura moins de
sages-femmes et d’auxiliaires médicaux dans les zones rurales. Cela accroîtra
forcément la désertification médicale, c’est évident ! (Applaudissements
sur quelques bancs du groupe LR.
– MM. Jean-Paul Dufrègne et Alain Bruneel
applaudissent.)
Monsieur le secrétaire d’État, suite à la
présentation de cette réforme, il y a eu des grèves : la RATP s’est mise en
grève, la SNCF s’est mise en grève. Puis sont arrivées les vacances de
Noël : les professions du transport aérien ont déposé un préavis de grève,
qu’elles ont ensuite retiré : je voudrais donc savoir si elles intégreront
le régime universel.
M. Marc Le
Fur. Et la Banque de France ?
M. le
président. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Une fois n’est pas coutume, les députés communistes
soutiendront l’amendement de leurs collègues Républicains, parce que oui, votre
réforme des retraites entraînera des conséquences graves pour toutes les
professions médicales – notamment les auxiliaires de santé, les kinés, les
infirmières, les orthophonistes, etc., qui avaient leur propre caisse autonome,
la CARPIMKO.
Ces professions se sont réunies en un collectif, SOS
Retraites. Elles ont souvent manifesté, demandant à être respectées : vous
ne les avez pas entendues, elles sont en colère contre vous. Dans votre texte,
vous prévoyez – peut-être est-ce là encore votre sens de la justice –
un taux de cotisation unique de 28,12 % pour les revenus allant jusqu’à une
fois le plafond annuel de la sécurité sociale, c’est-à-dire
40 000 euros. Or, pour ces professions, il se situe aujourd’hui autour
de 15 %. Vous prévoyez donc un taux presque doublé ! Peut-être
allez-vous diminuer le taux de cotisation pour les ressources au-delà de
120 000 euros, mais les professionnels dont il est question ont, pour
la majorité, des ressources inférieures à 40 000 euros ! C’est ce
qu’a montré l’étude qu’ils ont fait réaliser par un cabinet indépendant. Ils
subiront donc une perte sèche de revenus de 9,6 % : est-ce là le sens
de la justice dans lequel vous vous drapez à chacune de vos
interventions ?
M. le
président. La parole est à M. Julien Borowczyk.
M. Julien
Borowczyk. On a parlé, tout à l’heure du nombre de régime : y en
a-t-il vraiment quarante-deux, ou pas ? Je vais vous dire : s’il ne
devait en rester que deux, ce serait déjà un de trop ! (Applaudissements
sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Hervé Saulignac.
Cinq ! Vous créez cinq régimes !
M. Julien
Borowczyk. Nous voulons créer un régime véritablement universel,
solidaire et équitable. (Mêmes mouvements.) Je reviendrai plus tard sur
le sujet des professions libérales, en particulier médicales ; mais
arrêtons de mentir aux Français !
(« Ah ! Enfin !» et
vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI.)
M. Ugo
Bernalicis. Il était temps ! (Sourires.)
M. Julien
Borowczyk. Arrêtez !
La première préoccupation des
professions de santé n’est pas la retraite ! (Applaudissements sur les
bancs du groupe LaREM.) Notre réforme ne suscite pas d’inquiétudes, en
particulier chez les médecins,…
M. Éric
Diard. Et chez les infirmières ? Et chez les
aides-soignants ?
M. Julien
Borowczyk. …parce que le système actuel incite déjà beaucoup à se
tourner vers la capitalisation, dès un niveau bien en dessous du seuil de trois
PASS ; parce qu’elle offre de formidables avancées, en particulier pour les
femmes, qui sont nombreuses en médecine ; parce qu’on ne pique pas dans les
réserves des médecins ; parce qu’elle permet de proposer un âge de départ à
la retraite bien plus précoce qu’aujourd’hui !
En ce qui concerne le
régime autonome des avocats, j’ai rappelé hier qu’à mon grand effarement, le
programme de La France insoumise prévoyait la suppression de ses réserves. Or,
en consultant aujourd’hui le site du mouvement, j’ai pu constater que ce
programme n’y figurait plus ! C’est formidable ! (Applaudissements
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur
les bancs du groupe FI.) Il y est certes question, en première page, d’une
invasion rouge à Paris, mais cela concerne les punaises de lit, pas nos
collègues du groupe FI ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM. – M. Ugo Bernalicis brandit un ordinateur
portable.)
M. Pierre
Vatin. Monsieur le président, laisserez-vous faire cela ?
M. Julien
Borowczyk. Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est que, toujours sur la
première page de ce site, il est proposé aux Français de commander des
autocollants « La retraite en moins »…
Mme
Mathilde Panot. Oui ! La retraite en moins !
M. le
président. Merci de conclure, cher collègue.
M. Julien
Borowczyk. …et de « débusquer » les candidats macronistes en
allant les coller sur leurs permanences.
Nous vivons une période de
troubles… (Applaudissements sur certains bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. Merci, monsieur Borowczyk.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Cela va nous faire une jolie vidéo !
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin. (Exclamations sur
divers bancs. – M. Bruno Studer et
Mme Mathilde Panot s’interpellent
vivement.)
Laissons parler M. Ruffin, chers collègues.
M. François
Ruffin. Le rapporteur a l’air de découvrir que la démocratie s’exerce
pour le moins imparfaitement ici, voire de façon absurde. Et c’est vrai !
(Brouhaha persistant.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce
n’est pas ça, la démocratie !
M. le
président. Un peu de calme mes chers collègues, s’il vous plaît. Madame
Panot, il semble que vous dérangez M. Ruffin, et vous n’êtes pas la
seule.
Monsieur Ruffin, vous avez la parole.
M. François
Ruffin. Mais qu’est-ce qu’on fait ici ?
(« Ah ! » sur les bancs
du groupe LaREM.)
M. Thibault
Bazin. Pourrions-nous plutôt discuter du sujet des
amendements ?
M. François
Ruffin. Vous semblez ne découvrir qu’aujourd’hui l’absurdité du
fonctionnement de ce parlement, monsieur le rapporteur. Mais moi, je la vis
depuis trois ans maintenant ! (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Alain
Perea. N’hésitez pas ! Démissionnez !
M. François
Ruffin. Le constitutionnaliste Jean-Claude Colliard disait :
« Il est […] devenu faux de dire que le Parlement "fait" la loi. […] les
cabinets préparent les projets. Il serait donc plus juste d’affirmer que,
désormais, le Parlement "vote" la loi. » Il ajoute que ce que nous vivons
aujourd’hui, c’est « le temps de l’habillage démocratique » : une
fois qu’une décision technique est prise, il faut lui donner une sanction
politique, un habillage démocratique – et c’est le temps du
Parlement ! C’est le moment où nous devons faire semblant, ici, de croire
que nos amendements ont des chances de passer.
Mme Sandra
Marsaud. C’est vous qui faites semblant !
M. François
Ruffin. Tout le monde le sait ! Les députés de droite savent que
leurs amendements n’ont aucune chance de passer ! Au sein du groupe La
France insoumise, nous le savons aussi ! Les députés communistes le savent
aussi ! Car ainsi le veut le fonctionnement de la
Ve République, qui assure dans l’hémicycle une majorité
pléthorique et automatique ! (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Mme Fadila
Khattabi. Hors sujet !
M. Thibault
Bazin. Pourrait-on aborder le sujet des amendements ?
M. François
Ruffin. Que reste-t-il à faire ? On le constate aussi avec ce
projet de réforme des retraites…(Exclamations prolongées sur les bancs du
groupe LaREM.)
M. le
président. Merci, monsieur Ruffin.
Mes chers collègues,
j’aimerais que sur l’ensemble des bancs, on fasse preuve d’une attitude
exemplaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Il est facile
de considérer que le chahut vient d’un côté ou de l’autre mais j’ai le
sentiment, aujourd’hui, que tout le monde y contribue. (Mêmes
mouvements.)
Un député du groupe LR.
Sauf chez Les Républicains !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. La répétition des sujets présente un avantage :
lorsque l’on absente une journée, comme ce fut mon cas hier, on n’est pas perdu
à son retour ! C’est ce qui est agréable ! (Sourires et
applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Je
reviens au sujet qui nous occupe, monsieur le président. Monsieur Ruffin,
lorsque nous passons soixante-quinze heures en commission, puis une semaine dans
l’hémicycle, à poser des questions au rapporteur et au secrétaire d’État et à
écouter leurs réponses, croyez-vous vraiment que c’est pour faire de
l’habillage ?
M. François
Ruffin. Mais oui ! Tout ça, c’est du flan !
M.
Jean-Paul Mattei. Ce n’est pas mon cas ! Je n’ai pas été élu député
pour cela.
J’aurais aimé que nous abordions le fond de l’article 2,
qui pose le champ d’application du système de retraite universelle.
(Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
M. Fabien
Roussel. L’amendement évoque les caisses autonomes !
M.
Jean-Paul Mattei. J’aimerais revenir sur le sujet des professions
médicales. Il se trouve que j’ai trente ans d’expérience.
M. Jean-Luc
Mélenchon. En tant que notaire !
M.
Jean-Paul Mattei. Excusez-moi, monsieur Mélenchon, je n’ai pas
trente ans d’expérience dans la vie politique…
M. Jean-Luc
Mélenchon. Cela s’entend quand vous prenez la parole !
M.
Jean-Paul Mattei. …mais dans la vie civile. (Applaudissements sur
bancs des groupes MODEM et LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR et
FI.) Cela étant, à chacun son parcours !
M. Pierre
Cordier. Ce débat ne concerne pas l’article 2 !
M. Thibault
Bazin. Peut-on parler de l’article 2 ?
M.
Jean-Paul Mattei. J’ai côtoyé de nombreuses personnes exerçant des
professions libérales, beaucoup de médecins et d’infirmières. La lecture de
leurs bilans ou de leurs déclarations de bénéfices non-commerciaux démontre que
ces professionnels rencontrent des problèmes liés à la constitution de sociétés
civiles de moyens, à l’organisation de leur profession, aux remplacements. En
milieu rural, ils souffrent de solitude. Parmi ces problèmes, la retraite n’est
pas souvent citée. Le fait de leur permettre de dépendre d’un système universel,
qui leur offre une meilleure vision de leur situation, est un élément positif.
Nous donnons de la visibilité.
M.
Christian Hutin. Ah, ils sont contents ! Ils nagent dans le
bonheur !
M. Fabien
Roussel. Pourquoi sont-ils dans la rue alors ?
M. le
président. Monsieur Roussel, vous vous êtes déjà exprimé.
M.
Jean-Paul Mattei. Il est normal, bien sûr, de vouloir discuter de la
période de transition. Mais pour l’instant, il est impossible de travailler,
tant le débat est parasité par des amendements qui n’ont rien à voir avec le
fond du texte. Pardonnez-moi ce propos désagréable, mais nous avons déjà fait
preuve de beaucoup de patience ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes MODEM et LaREM.)
M. Brahim
Hammouche. Bravo !
M. Fabien
Roussel. C’était une intervention pour rien !
M. le
président. La parole est à M. Christian Hutin.
M.
Christian Hutin. Une tribune du bâtonnier de Paris, Olivier Cousi,
publiée dans l’édition d’aujourd’hui du journal Le Monde, permet
d’expliquer la situation. Il dit notamment : « [les avocats] doivent
être des lanceurs d’alerte lorsque la fabrication de la loi est hâtive ou
bâclée, comme nous l’avons encore démontré pour ce projet de système
universel ». Il demande aussi : « Qu’ont fait les avocats pour
mériter un tel mépris ? »
M. Pierre
Dharréville. En effet ! C’est injuste !
M.
Christian Hutin. J’ajouterais pour ma part : qu’ont fait l’ensemble
de ces professions pour mériter un tel mépris ? Qu’on fait ces
sages-femmes, ces orthophonistes, ces infirmiers, ces infirmiers de bloc
opératoire ? Comment se fait-il, alors que nous discutons de sujets si
importants, que les ministres de la justice et de la santé ne soient pas
présents ?
Je ne prétends pas que M. le secrétaire d’État fait
partie des seconds couteaux, pas du tout. Mais le Gouvernement devrait davantage
s’intéresser à ces sujets si importants et à ces professions essentielles.
Mme Belloubet ne s’occupe absolument pas des avocats !
(Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Le ministère de la santé et
des solidarités ne s’occupe absolument pas des infirmiers, des orthophonistes ou
des sages-femmes !
M.
Jean-René Cazeneuve. C’est faux !
M.
Christian Hutin. De notre côté, nous recevons tous les jours des
représentants de ces professions ! Qu’ont-ils tous fait pour subir un tel mépris
de la part du Gouvernement ?
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Alexis Corbière, pour un rappel au
règlement.
M. Alexis
Corbière. Il se fonde sur l’article 100 de notre règlement. Il vous
incombe, monsieur le président, de veiller à la clarté des débats. Or notre
collègue Borowczyk a fait éclater une vérité indiscutable : il ne sait pas
consulter le site internet de La France Insoumise !
M. le
président. Monsieur Corbière, la consultation du site de La France
insoumise n’est pas mentionnée dans le règlement de l’Assemblée
nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. –
Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
M. Alexis
Corbière. Monsieur le président, notre collègue a longuement pris la
parole – sans doute avec une volonté d’obstruction que je déplore
(Sourires sur les bancs du groupe FI) – pour laisser entendre que,
parce qu’il nous aurait mouchés et mis nos arguments à nu, nous aurions
immédiatement retiré notre programme du site de la France insoumise. Pas de
chance, cher collègue, il y est toujours ! (Exclamations sur les bancs
du groupe LaREM.)
Mme Perrine
Goulet. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Alexis
Corbière. Vous avez donc fait éclater une vérité : politiquement,
vous n’êtes déjà pas très adroits, mais en matière de technologie non
plus ! C’est dommage ! Nous disposons aussi notre programme en version
papier ; vous serez plus à l’aise pour le lire ! (Nouvelles
exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Un peu de calme, mes chers collègues.
M. Alexis
Corbière. Plus sérieusement, je sais que vous aimez la polémique, mais
nous n’avons jamais demandé que les permanences de La République en marche
soient recouvertes de quoi que ce soit. Je vous le dis ! (Protestations
sur les bancs du groupe LaREM.)
Un député du groupe
LaREM. Et pourtant, c’est le cas !
M. Alexis
Corbière. Pour la clarté des débats, nous vous offrons une traduction…
(Protestations continues sur les bancs du groupe LaREM.) Restez
calmes !
M. le
président. Mes chers collègues, nous avons à discuter, au cours de
plusieurs séances – et celle-ci est, dans ce contexte, la première que je
préside –,…
M.
Christian Hutin. Très bien, d’ailleurs !
M. le
président. …d’un sujet important pour les Français. Certains, dans cet
hémicycle, soutiennent la réforme, quand d’autres s’y opposent.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Quelle perspicacité !
M. le
président. Il n’est pas nouveau que l’opposition s’oppose, ni que la
majorité soutienne un projet du Gouvernement.
Mme
Mathilde Panot. Bravo !
M. le
président. Je vous demande simplement de le faire dans le plus grand
respect mutuel, car il y va de l’image de l’institution, celle que nous donnons
collectivement aux Français qui nous regardent. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM. – Mme Émilie Bonnivard et
M. Jean Lassalle applaudissent également.)
Je vous
demande donc de bien vouloir écouter respectueusement M. Corbière, à qui il
ne reste que quelques secondes pour terminer son rappel au règlement.
M. Alexis
Corbière. Je voulais faire un clin d’œil, monsieur le président,
car si vous présidez pour la première fois une séance consacrée à la réforme des
retraites, notre collègue, lui, a déjà évoqué plusieurs fois le programme de La
France insoumise. Je ne le lui reproche pas, mais tenais à souligner le fait
qu’il s’était lourdement trompé. Cela peut arriver, ce n’est pas
grave !
Je voulais également signaler solennellement que jamais les
députés du groupe La France insoumise n’appellent à dégrader les permanences de
nos collègues, y compris de la majorité. Vous êtes libres de le croire ou non,
mais je peux aussi vous parler des insultes que nous recevons de la part des
militants de La France (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM), pardon, de La République en marche…
M. le
président. Veuillez conclure.
M. Alexis
Corbière. Si vous êtes blessés parfois par des reproches que vous
subissez, laissez-moi vous dire que, pour ce qui concerne les militants de votre
parti, les immondices, les calomnies…
M. le
président. Merci monsieur Corbière, votre temps de parole est
écoulé.
Article 2 (suite)
(Les sous-amendements identiques
nos 42559 et 42562 ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 23429.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 151
Nombre
de suffrages
exprimés 151
Majorité
absolue 76
Pour
l’adoption 45
Contre 106
(L’amendement no 23429 n’est pas
adopté.)
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour un rappel au
règlement.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Ce rappel sur le fondement de l’article 58,
alinéa 1, du règlement. J’ai en effet été interpellé personnellement par
quelqu’un que j’estime, M. Mattei.
M. Mattei s’est dévoué au
bien public toute sa vie dans son métier de notaire. J’ai quant à moi été fort
longtemps parlementaire. Mais je ne voudrais pas que l’on réduise mes
mérites ! Vous parlez de trente ans d’expérience politique. Ah non !
Pas trente ans ! Cinquante-trois ans ! (Sourires et exclamations
sur les bancs du groupe LaREM.) Je suis entré dans le combat à seize
ans !
Un député du groupe
LaREM. L’heure de la retraite a sonné !
M. Jean-Luc
Mélenchon. L’heure de la retraite… on verra ! Il est à craindre
qu’il n’y en ait jamais, car lorsqu’on est engagé pour une cause, on la défend
jusqu’à son dernier souffle, comme l’ont fait tous mes camarades
jusqu’ici ! Cela mérite d’être dit ! Il y a aussi des militants dans
cette salle, pas uniquement des gens qui ne sont là que pour les
circonstances.
Par ailleurs, je ne dirai rien du site internet, que vous
pouvez consulter comme vous le souhaitez. Mais je vous demande très
solennellement d’entendre que nous ne demandons à personne d’aller maculer
quelque permanence que ce soit.
Un député du groupe
LaREM. Et pourtant, c’est le cas !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Oui, vous avez raison, c’est effectivement le cas. Notre
collègue Caroline Fiat a également vu ses locaux dégradés, de même que plusieurs
d’entre nous.
Plusieurs députés du groupe
LaREM. Et nous aussi !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Nous n’appelons donc pas à de tels actes.
Enfin, je
voudrais ajouter un dernier élément de fond, pour la clarté de nos débats, au
sujet de la ligne du programme où nous faisons référence aux réserves des
différentes caisses autonomes, dont la somme totale s’élève à 114 milliards
d’euros. Nous faisons valoir qu’il n’y a aujourd’hui aucune urgence financière
et que, s’il y en avait une, les caisses pourraient être mobilisées les unes
après les autres – d’autant qu’il faut ajouter à cette somme les
32 milliards d’euros de la réserve constituée par Lionel Jospin, ainsi que
les 24 milliards qui pourraient être versés chaque année dans ce fonds de
réserve à partir de 2024 !
M. le
président. Merci monsieur Mélenchon. Vous avez obtenu la parole pour
fait personnel, puis vous avez débordé sur le fond. Considérons que cela ne se
renouvellera pas !
La suite de la discussion est renvoyée à la
prochaine séance.
4
Ordre du jour de la prochaine séance
M. le
président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures
trente :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un
système universel de retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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