Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Deuxième séance du mardi 25 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de M. Hugues Renson
1.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (suite)
Article 2
(suite)
Amendements nos 23430
, 42584
(sous-amendement) , 42563
(sous-amendement)
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Amendements nos 2547
, 6055,
6058, 6062, 6064, 6066, 6069, 6071, 6086, 6106, 6109, 6111, 6113, 6117, 6120,
6123, 6125, 6127 , 3896
, 6000,
6004, 6005, 6007, 6008, 6009, 6011, 6014, 6019, 6022, 6024, 6026, 6027, 6030,
6032, 6035, 6037 , 24928
, 11517,
11518 , 26739,
29829, 29830, 29831, 29832, 29833, 29834, 29835, 29836, 29837, 29838, 29839,
29840, 29841, 29842, 29843
M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale
Amendements nos 5936,
5937, 5938, 5939, 6016, 6074, 6076, 6078, 6080, 6082, 6084, 6130, 6131, 6132,
6133, 6134, 23464 , 24929
, 42574
(sous-amendement) , 26741,
29844, 29845, 29846, 29847, 29848, 29849, 29850, 29851, 29852, 29853, 29854,
29855, 29856, 29857, 29858 , 33527,
33528, 33529, 33530, 33531, 33532, 33533, 33534, 33535, 33536, 33537, 33538,
33539, 33540, 33541, 33542 , 42408
(sous-amendement) , 33511,
33512, 33513, 33514, 33515, 33516, 33517, 33518, 33519, 33520, 33521, 33522,
33523, 33524, 33525, 33526 , 42417
(sous-amendement) , 42416
(sous-amendement) , 33495,
33496, 33497, 33498, 33499, 33500, 33501, 33502, 33503, 33504, 33505, 33506,
33507, 33508, 33509, 33510
Rappels
au règlement
M. Jean-René
Cazeneuve
M. le
président
M. Thibault
Bazin
M. le
président
M. Boris
Vallaud
Article 2
(suite)
Amendements nos 42426,
42425 (sous-amendements) , 33479,
33480, 33481, 33482, 33483, 33484, 33485, 33486, 33487, 33488, 33489, 33490,
33491, 33492, 33493, 33494 , 33463,
33464, 33465, 33466, 33467, 33468, 33469, 33470, 33471, 33472, 33473, 33474,
33475, 33476, 33477, 33478 , 42439,
42438 (sous-amendements) , 33446,
33448, 33449, 33450, 33451, 33452, 33453, 33454, 33455, 33456, 33457, 33458,
33459, 33460, 33461, 33462 , 33430,
33431, 33432, 33433, 33434, 33435, 33436, 33437, 33438, 33439, 33440, 33441,
33442, 33443, 33444, 33445 , 42443
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
M. Frédéric
Petit
Article 2
(suite)
Amendements nos 33414,
33415, 33416, 33417, 33418, 33419, 33420, 33421, 33422, 33423, 33424, 33425,
33426, 33427, 33428, 33429 , 33398,
33399, 33400, 33401, 33402, 33403, 33404, 33405, 33406, 33407, 33408, 33409,
33410, 33411, 33412, 33413 , 42447
(sous-amendement)
Suspension
et reprise de la séance
Rappels
au règlement
M. Gilles
Le Gendre
M. Patrick
Mignola
M. Stéphane
Viry
M. Boris
Vallaud
M. Pierre
Dharréville
M. Jean
Lassalle
M. Éric
Woerth
M. Michel
Larive
M. André
Chassaigne
Mme Agnès
Firmin Le Bodo
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement
Article 2
(suite)
Amendements nos 33382,
33383, 33384, 33385, 33386, 33387, 33388, 33389, 33390, 33391, 33392, 33393,
33394, 33395, 33396, 33397 , 33366,
33367, 33368, 33369, 33370, 33371, 33372, 33373, 33374, 33375, 33376, 33377,
33378, 33379, 33380, 33381 , 33350,
33351, 33352, 33353, 33354, 33355, 33356, 33357, 33358, 33359, 33360, 33361,
33362, 33363, 33364, 33365 , 33334,
33335, 33336, 33337, 33338, 33339, 33340, 33341, 33342, 33343, 33344, 33345,
33346, 33347, 33348, 33349 , 33318,
33319, 33320, 33321, 33322, 33323, 33324, 33325, 33326, 33327, 33328, 33329,
33330, 33331, 33332, 33333 , 33302,
33303, 33304, 33305, 33306, 33307, 33308, 33309, 33310, 33311, 33312, 33313,
33314, 33315, 33316, 33317 , 42451
(sous-amendement) , 33286,
33287, 33288, 33289, 33290, 33291, 33292, 33293, 33294, 33295, 33296, 33297,
33298, 33299, 33300, 33301 , 31483,
31484, 31485, 31486, 33274, 33275, 33276, 33277, 33278, 33279, 33280, 33281,
33282, 33283, 33284, 33285, 31467, 31468, 31469, 31470, 31471, 31472, 31473,
31474, 31475, 31476, 31477, 31478, 31479, 31480, 31481, 31482, 31451, 31452,
31453, 31454, 31455, 31456, 31457, 31458, 31459, 31460, 31461, 31462, 31463,
31464, 31465, 31466, 31435, 31436, 31437, 31438, 31439, 31440, 31441, 31442,
31443, 31444, 31445, 31446, 31447, 31448, 31449, 31450, 31419, 31420, 31421,
31422, 31423, 31424, 31425, 31426, 31427, 31428, 31429, 31430, 31431, 31432,
31433, 31434, 31403, 31404, 31405, 31406, 31407, 31408, 31409, 31410, 31411,
31412, 31413, 31414, 31415, 31416, 31417, 31418, 31387, 31388, 31389, 31390,
31391, 31392, 31393, 31394, 31395, 31396, 31397, 31398, 31399, 31400, 31401,
31402, 31371, 31372, 31373, 31374, 31375, 31376, 31377, 31378, 31379, 31380,
31381, 31382, 31383, 31384, 31385, 31386, 31355, 31356, 31357, 31358, 31359,
31360, 31361, 31362, 31363, 31364, 31365, 31366, 31367, 31368, 31369, 31370,
31339, 31340 , 31341,
31442, 31443, 31444, 31445, 31446, 31447, 31448, 31449, 31350, 31351, 31352,
31353, 31354, 31323, 31324, 31325, 31326, 31327, 31328, 31329, 31330, 31331,
31332, 31333, 31334, 31335, 31336, 31337, 31338, 31307, 31308, 31309, 31310,
31311, 31312, 31313, 31314, 31315, 31316, 31317, 31318, 31319, 31320, 31321,
31322, 31291, 31292, 31293, 31294, 31295, 31296, 31297, 31298, 31299, 31300,
31301, 31302, 31303, 31304, 31305, 31306, 31275, 31276, 31277, 31278, 31279,
31280, 31281, 31282, 31283, 31284, 31285, 31286, 31287, 31288, 31289, 31290,
31259, 31260, 31261, 31262, 31263, 31264, 31265, 31266, 31267, 31268, 31269,
31270, 31271, 31272, 31273, 31274, 31243, 31244, 31245, 31246, 31247, 31248,
31249, 31250, 31251, 31252, 31253, 31254, 31255, 31256, 31257, 31258, 31227,
31228, 31229, 31230, 31231, 31232, 31233, 31234, 31235, 31236, 31237, 31238,
31239, 31240, 31241, 31242, 31211, 31212, 31213, 31214, 31215, 31216, 31217,
31218, 31219, 31220, 31221, 31222, 31223, 31224, 31225, 31226, 31195, 31196
, 31197,
31198, 31199, 31200, 31201, 31202, 31203, 31204, 31205, 31206, 31207, 31208,
31209, 31210, 28417, 28418, 28419, 28420, 28421, 28422, 28423, 28424, 31187,
31188, 31189, 31190, 31191, 31192, 31193, 31194,28401, 28402, 28403, 28404,
28405, 28406, 28407, 28408, 28409, 28410, 28411, 28412, 28413, 28414, 28415,
28416, 28385, 28386, 28387, 28388, 28389, 28390, 28391, 28392, 28393, 28394,
28395, 28396, 28397, 28398, 28399, 28400, 28369, 28370, 28371, 28372, 28373,
28374, 28375, 28376, 28377, 28378, 28379, 28380, 28381, 28382, 28383, 28384,
28353, 28354, 28355, 28356, 28357, 28358, 28359, 28360, 28361, 28362, 28363,
28364, 28365, 28366, 28367, 28368
Rappels
au règlement
Mme Agnès
Thill
M. Philippe
Gosselin
Mme Emmanuelle
Ménard
M. François
Ruffin
M. Dominique
Potier
Article 2
(suite)
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
M. Hugues Renson
vice-président
M. le
président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le
président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623
rectifié, 2683).
Discussion des articles (suite)
M. le
président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles
du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 23430 à
l’article 2.
Article 2 (suite)
M. le
président. Sur l’amendement no 23430, je vous rappelle
que j’ai été saisi par le groupe Les Républicains, lors de la séance précédente,
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est de nouveau annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
L’amendement est-il défendu,
monsieur Bazin ?
M. Thibault
Bazin. Tout à fait, monsieur le président. Les députés du groupe Les
Républicains souhaitent avancer.
M. le
président. Je vais vous prendre au mot !
M. Fabien
Di Filippo. Ils souhaitent surtout obtenir des
réponses !
M. le
président. L’amendement no 23430 fait l’objet de deux
sous-amendements, nos 42584 et 42563.
La parole est à
Mme Danièle Obono, pour soutenir le sous-amendement
no 42584.
Mme Danièle
Obono. Ce sous-amendement vise à appuyer l’amendement très inspiré de
nos collègues du groupe Les Républicains.
M. Maxime
Minot. Merci !
M. Rémy
Rebeyrotte. Les députés du groupe Les Républicains se font de nouveaux
amis !
Mme Danièle
Obono. Le projet de loi met en péril le caractère autonome de la Caisse
nationale des barreaux français, la CNBF, dont dépendent les avocats. Rappelons
que ce secteur est en grève depuis des semaines et qu’il reste mobilisé. Les
avocats manifestaient encore tout à l’heure devant le tribunal de grande
instance de Paris, et ils le feront certainement encore demain.
Cela
illustre l’impréparation totale du Gouvernement et de la majorité. En effet,
nous avions déjà commencé nos débats lorsque la garde des sceaux a expliqué
qu’elle ferait, ici et là, des concessions, ce qui est un tantinet problématique
puisque nous discutons donc de dispositions susceptibles de changer en cours de
route.
À travers ce sous-amendement, qui vise à soutenir l’amendement du
groupe Les Républicains, nous souhaitons rappeler l’importance du respect de
l’autonomie de la CNBF et interroger le Gouvernement afin qu’il puisse répondre
aux interpellations de l’ensemble de la profession, qui est aujourd’hui à
l’avant-garde de la mobilisation contre cette mauvaise réforme des retraites.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le
président. Le sous-amendement no 42563 de
M. Fabrice Brun est défendu.
La parole est à M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale pour le
titre Ier, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement
et les deux sous-amendements.
M. Thibault
Bazin. Nous avons simplement dit « défendu », vous pouvez donc
vous contenter de répondre « défavorable » ! Il faut
avancer !
Mme Cendra
Motin. Nous avons tout notre temps, monsieur Bazin !
M. Thibault
Bazin. À quoi jouez-vous, madame Motin ? Voulez-vous bloquer le
Parlement ? Je vous ai démasquée !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Nous avons déjà
abordé ce sujet en fin d’après-midi : je n’y reviendrai donc pas
longuement. L’attention que Mme Obono porte aux avocats est légitime.
Cependant, comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, un certain nombre
d’avocats rencontrent des difficultés liées, par exemple, au faible montant de
la rétribution versée au titre de l’aide juridictionnelle, ou d’autres
difficultés économiques qui viennent percuter cette question des
retraites.
Par ailleurs, nous avons voté un abattement de 30 % sur
l’assiette de CSG et de cotisations sociales, qui compense presque entièrement
l’effort supplémentaire demandé en matière de cotisations retraite. Or qui dit
effort supplémentaire dit aussi, à terme, retraite supplémentaire.
Enfin,
la question des avocats est aussi démographique. Certes, le rapport
démographique est actuellement positif, avec un nombre d’actifs bien supérieur
au nombre de retraités, mais ce n’est pas le cas de toutes les professions et ce
ne sera peut-être pas le cas des avocats demain. On voit là tout l’intérêt du
régime universel.
Je partage donc l’attention que vous portez aux
avocats, mais je suis défavorable à l’amendement et aux
sous-amendements.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Même avis
que le rapporteur.
M. le
président. La parole est à M. Éric Diard.
M. Éric
Diard. Nous avons déjà beaucoup parlé des avocats, mais je voudrais
quand même alerter M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur sur un
grand problème que nous n’avons pas encore évoqué. Nous n’allons donc pas nous
répéter. Cela vous fait peut-être sourire, monsieur le secrétaire d’État, mais
pas moi.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Nous
non plus !
M. Éric
Diard. Je veux parler de la question de l’aide juridictionnelle.
N’oublions pas que les avocats assurent, à travers l’aide juridictionnelle, une
sorte de mission de service public du droit.
M. Fabrice
Brun. Bien sûr !
M. Éric
Diard. Pour ce faire, vous savez très bien, monsieur le secrétaire
d’État, qu’ils ne reçoivent qu’une maigre indemnisation.
M. Fabrice
Brun. En effet : 256 euros par affaire !
M. Éric
Diard. Je crains qu’avec la suppression de leur caisse autonome, les
petits avocats disparaissent et que nous assistions à une désertification
judiciaire. Des pans entiers de l’aide juridictionnelle, comme la protection de
l’enfance, risquent de ne plus être assurés par la profession. J’aimerais
profiter de cette prise de parole pour prendre date.
M. le
président. La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert
Wulfranc. Nous voterons cet amendement. Mais permettez-moi de rappeler
que nous entendons, dans le fond, une petite musique qui est même quasiment une
grosse caisse. (Sourires.) On nous parle, à juste titre, des caisses
autonomes qu’il conviendrait de sanctuariser, mais on dirait que vous distinguez
les bons et les méchants, les caisses autonomes et les régimes spéciaux. C’est
un peu ce qu’a dit M. le secrétaire d’État cet après-midi. Ce n’est pas du
tout notre conception des choses. On entend dire que ceux qui viennent taper à
la porte de la solidarité nationale n’ont plus qu’à remballer leur
matériel ; mais ceux qui tapent à la porte de la solidarité nationale, ce
sont aussi, sans cesse, les représentants du patronat, parce qu’ils n’ont jamais
assez d’exonérations de cotisations.
M. Alain
Bruneel. C’est vrai !
M. Hubert
Wulfranc. Il ne faut pas l’oublier ! Rappelez-vous les
40 milliards d’euros du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi
– CICE – et les exonérations de cotisations sur les heures
supplémentaires ! Je tenais à rappeler tout cela pour que la petite musique
qui fait grosse caisse n’échappe pas à la vigilance de mes camarades – cela
ne leur a d’ailleurs pas échappé, même si nous devons voter cet amendement.
(M. Alain Bruneel applaudit.)
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle
Obono. M. le rapporteur a affirmé qu’il y aurait peut-être, à
terme, un problème démographique pour les avocats. Je pense que ce problème
arrivera très vite : vous malmenez tellement la profession que l’envie et
même la possibilité de l’exercer seront mises à mal. C’est vous qui accélérez le
déclin démographique de la profession.
Plus largement, pour revenir sur
les propos de M. Diard, je rappelle que le monde de la justice dans son
ensemble est mobilisé depuis des mois – en fait, depuis votre dernière
réforme de la justice – contre la remise en cause des droits de la défense.
On voit bien comment vous complétez, d’une certaine manière, avec cette réforme
des retraites, la mise à mal de la justice et des droits de la défense. Après
avoir attaqué les acteurs du monde de la justice sur le fond – sur leur
métier –, vous les attaquez sur la forme – sur leurs conditions de
travail – en remettant en cause leurs retraites. On peut au moins saluer
votre cohérence, qui a permis de mobiliser en deux ans toute la profession,
notamment les avocats, tant contre votre réforme de la justice que contre celle
des retraites. Bravo pour cela ! Mais, malheureusement pour vous, je ne
crois pas que les avocats partagent votre vision de leur profession.
M. le
président. La parole est à M. Roland Lescure.
M. Roland
Lescure. Nous sommes le 25 février, il est vingt et une heures
quarante et il reste 32 995 amendements à examiner. Depuis quelques
heures, nous parlons d’un sujet important, celui des avocats, qui illustre bien
ce qui nous oppose dans cette réforme.
La première question qui nous
oppose fondamentalement, c’est de savoir si les enjeux liés à la transition nous
empêchent ou non de faire des réformes. Certains pensent que les problèmes de
transition font obstacle aux réformes, tandis que d’autres pensent qu’il ne faut
pas prévoir de transition et donc adopter des réformes brutales.
M. Fabien
Di Filippo. Il faut faire de meilleures réformes, tout
simplement !
M. Roland
Lescure. La seule manière de mener des réformes qui accompagnent dans la
durée les professions affectées,…
M. Fabien
Di Filippo. C’est d’être transparent !
M. Roland
Lescure. …c’est de prévoir des transitions longues et douces. M. le
secrétaire d’État vous l’a expliqué longuement : c’est ce que nous faisons
pour les avocats et d’autres professions.
Mais, surtout, ce qui nous
oppose dans ce débat, ce sont nos visions divergentes de la justice sociale.
Votre vision de la justice sociale est assez paradoxale : ce qui est à moi
est à moi, ce qui n’est pas à moi est négociable. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Exactement !
M. Roland
Lescure. On maintient l’autonomie des caisses de retraite
excédentaires ;…
M.
Jean-René Cazeneuve. Eh oui !
M. Roland
Lescure. …quant aux régimes déficitaires,…
M.
Jean-René Cazeneuve. On les renfloue !
M. Roland
Lescure. …l’Assemblée nationale leur votera tous les ans une subvention
de 1 milliard d’euros, comme nous le faisons chaque année pour les régimes
de la SNCF et de la RATP. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM
et MODEM.) Et, si la caisse autonome devient déficitaire, du fait d’une
pyramide des âges inversée, on réinvente la solidarité nationale…
Mme Josiane
Corneloup. C’est faux !
M. Roland
Lescure. …et on vient demander à la représentation nationale de voter
une subvention.
Mme Josiane Corneloup et
M. Fabien Di Filippo. Qui va payer ?
M. Roland
Lescure. En réalité, nous devons aujourd’hui accompagner la vie des gens
dans la durée.
Mme Danièle
Obono. Elle est bien bonne !
M. Roland
Lescure. La seule manière de rassembler tous les Français, qu’ils soient
danseurs, avocats, cheminots ou chômeurs,…
M. Alain
Bruneel. C’est le référendum !
M. Roland
Lescure. …c’est de les mettre dans une maison commune,…
Mme Danièle
Obono. Ils sont tous ensemble dans la rue !
M. Roland
Lescure. …dans ce régime universel qui permet de les réunir.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Monsieur Lescure, vous avez une vision bien curieuse de la
solidarité. À aucun moment vous n’avez dit que le régime des avocats contribue à
la solidarité nationale autour de 100 millions d’euros par an,…
Mme
Christine Pires Beaune. Eh oui !
M. Boris
Vallaud. …ou que ce régime excédentaire anticipe une éventuelle
évolution de sa pyramide démographique pour pouvoir assumer le versement des
retraites futures – ce que vous, par ailleurs, vous ne faites pas en
sortant du régime universel le 1 % de Français les plus riches, dont la
retraite sera financée par les 99 % restants. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe SOC.)
M.
Guillaume Garot. Absolument !
M. Boris
Vallaud. Vous ignorez aussi la structure d’un certain nombre de cabinets
d’avocats. Beaucoup d’avocats travaillent tout seuls, dans les départements les
plus ruraux comme les Landes, et ont un chiffre d’affaires dérisoire. Si vous
augmentez leurs cotisations tout en baissant leur minimum de pension, ils seront
perdants et nous assisterons à des faillites en cascade. C’est un plan social
massif des avocats que vous êtes en train de préparer. (Protestations sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.) L’accès à la justice sera défaillant, en
particulier dans un certain nombre de territoires ruraux.
M. Rémy
Rebeyrotte. Rien à voir !
(Les sous-amendements nos 42584 et 42563,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 23430.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 115
Nombre
de suffrages
exprimés 115
Majorité
absolue 58
Pour
l’adoption 43
Contre 72
(L’amendement no 23430 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi de dix-huit amendements identiques,
no 2547 et no 6055 et identiques.
La parole
est à M. Alain David, pour soutenir l’amendement
no 2547.
M. Alain
David. Par ces alinéas, le Gouvernement tente de faire croire aux
Français que seuls ceux nés après 1975 seraient concernés par la réforme des
retraites. En réalité, les articles 13, 15 et 62 du présent projet de loi
montrent que tous nos concitoyens vont être touchés par la réforme des retraites
dès 2022, par le biais du régime de transition. Concrètement, qu’ils soient nés
avant ou après 1975, tous nos concitoyens qui ont une activité professionnelle
verront leur assiette et leur taux de cotisation modulés : ceci sera une
conséquence du régime de transition.
M. le
président. La parole est à M. Michel Larive pour soutenir l’amendement
no 6055 et les seize amendements identiques déposés par les membres
du groupe La France insoumise.
M. Michel
Larive. L’universalité supposée du système que vous voulez mettre en
place n’est en réalité qu’un élément de langage. Il y a d’ores et déjà de
nombreuses dérogations, pour les policiers, les douaniers, les pompiers, les
pilotes de ligne. Par ailleurs le Conseil d’État est formel : le projet de
loi ne crée pas un régime universel de retraite. La majorité l’a d’ailleurs
reconnu à plusieurs reprises depuis le début de l’examen du texte. En effet,
qu’on soit de la génération de 2004 ou de 1975, ces alinéas créeront un système
de retraite par génération.
En réalité vous remplacez la solidarité par
l’individualisme. Quelle que soit la génération, elle sera victime du caractère
inégalitaire de votre système, où les disparités entre les pensions vont
s’accroître, en même temps que la capitalisation. Il y a aura un morceau de
gâteau par génération. Ce que nous voulons, c’est que tout le monde ait du
travail pour pouvoir payer les pensions de retraite de façon
solidaire.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Adopter ces amendements reviendrait à
intégrer tout le monde dans le système universel dès la promulgation de la loi.
Nous souhaitons évidemment qu’il y ait des phases de transition, que n’y soient
intégrées que les personnes nées à partir de 1975 et que seules les générations
nées à partir de 2004 y soient intégrées dès le 1er janvier 2022,
pour limiter le chevauchement des deux systèmes à deux ou trois ans.
Nous
détaillerons plus tard cette intégration progressive des cotisants. Je vous
rappelle que ceux qui sont à moins de dix-sept ans de l’âge légal de la
retraite, en général de 62 ans mais qui peut être de 57 ou 52 ans suivant les
régimes, ne seront pas concernés. Défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. Je m’interroge vraiment sur le champ d’application du futur
système de retraite tel qu’il est défini par cet article 2. Alors que le
deuxième alinéa renvoie à un ensemble de règles de calcul et de conditions de
versement des retraites, les alinéas 4, 5 et 6, visés par l’amendement,
précisent quelles générations seront concernées, à savoir celles nées à compter
du 1er janvier 1975. Cela signifie que ceux nés avant le
1er janvier 1975 échappent au régime universel.
Le dispositif
cumul emploi-retraite, prévu à l’alinéa 20 de l’article 26, qui indique qu’on ne
pourra obtenir des points qu’à compter de l’âge d’équilibre, pourra-t-il
bénéficier aussi à ceux qui sont nés avant 1975 ? Si tel est le cas,
comment va-t-on calculer la deuxième liquidation pour ceux qui ne relèveront pas
du système par points : selon les règles du nouveau système ou selon celles
de leur régime historique ? Autrement dit, pour ceux qui, étant à moins de
dix-sept ans de la retraite, ne sont pas dans le champ d’application du nouveau
système et reprennent une activité après avoir liquidé une première fois leur
retraite selon l’ancien système, la liquidation de leur seconde retraite
entre-t-elle dans le champ d’application de l’article 2 ?
Vous avez
raison, monsieur Lescure, de souligner que vous voulez faire payer aux salariés
du privé les primes de compensation que vous prévoyez pour les fonctionnaires.
Vous avez raison de souligner que vous voulez faire payer au contribuable
national la transition interminable que vous prévoyez pour les régimes spéciaux.
Vous avez raison de souligner qu’en choisissant l’étatisation, vous choisissez
le modèle le plus déséquilibré au détriment de tous les Français. Nous pensons
pour notre part que vous avez tort de le faire et nous défendons le contraire.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. C’est un élément très intéressant que cette période de
transition. Pendant des semaines on nous a dit que cela ne concernerait que les
générations à compter de 1975. Certains se sont d’ailleurs félicités au
lendemain de la dernière réunion avec le Premier ministre que l’on fasse
échapper à la réforme des générations supplémentaires, ce qui est tout à fait
rassurant : si elle ne s’applique pas tout de suite, c’est qu’elle ne doit
pas être si bonne que cela.
Il est donc important de dire aux
10,7 millions d’assurés nés entre 1963 et 1975 qu’ils sont concernés par la
réforme dont nous débattons aujourd’hui. Dans beaucoup de régimes, les taux de
cotisation sont inférieurs. Ils vont donc devoir cotiser plus. La nouveauté, qui
montre les limites de l’affirmation selon lequel un euro cotisé produirait les
mêmes droits, c’est qu’ils ne vont se créer aucun droit pendant quatorze ans.
Ils seront soumis à surcotisation sans droits supplémentaires, puisque leur
niveau de pension ne sera pas lié à cette surcotisation, mais au nombre d’années
prises en compte pour le calcul de leur pension : vingt-cinq ans pour les
uns, six mois pour les autres.
Vous commencez donc dès la période de
transition à mettre à mal le principe censé fonder votre réforme, puisqu’elle
suppose une injustice entre les générations.
M. le
président. La parole est à M. Michel Larive.
M. Michel
Larive. Ces amendements nous permettent de parler du fond, comme vous le
souhaitiez, et le fond, c’est l’universalité. Votre système n’est pas du tout
universel, le Conseil d’État vous l’a dit. Vous proposez déjà une logique
différente pour deux générations, prouvant le caractère non universel de votre
projet. Il en ira de même pour toutes les générations.
(Les amendements no 2547 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de dix-huit amendements identiques,
no 3896 et no 6000 et identiques.
La
parole est à Mme Marie-France Lorho, pour soutenir l’amendement
no 3896.
Mme
Marie-France Lorho. Le Gouvernement prétend créer un système équitable
tout en proposant des tranches d’âge distinctes quant à l’application de ses
règles. De cette manière vous introduisez une distinction de traitement
inéquitable entre les générations. Le Gouvernement prétend créer un système
universel dont l’application dans le temps ne l’est pas puisqu’elle est
différenciée suivant la date de naissance de l’assuré.
Cet alinéa étant
en contradiction avec les grands principes supposés de la réforme que le
Gouvernement porte, il doit être supprimé.
M. le
président. La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir
l’amendement no 6000 et les seize amendements identiques déposés
par les membres du groupe La France insoumise.
M. Loïc
Prud’homme. Nous souhaitons supprimer par cet amendement l’alinéa 4 qui
fait référence aux périodes de transition dont nous avons commencé à
discuter.
Je m’interroge sur le fond : depuis des mois, vous nous
promettez le paradis terrestre avec votre système à points. Or il y a aura un
nombre assez importants de professions qui n’auront pas à accès au bonheur
promis. Je ne comprends pas, par ailleurs, que vous ne fassiez pas bénéficier
immédiatement tous ceux qui peuvent en relever d’un système aussi juste,
équitable et universel. Si tel était votre projet de loi, toutes et tous
souhaiteraient y entrer immédiatement. En faisant cela, vous avouez qu’il
n’entraîne pas l’adhésion et la joie que vous nous vendez ici. On le voit
bien : sept Français sur dix sont opposés à votre réforme des retraites et
ce régime de transition en est la traduction. Personne ne veut accéder au
bonheur que vous nous promettez, et qui signifie en réalité, selon la logique
orwellienne, baisse des pensions, malheur et misère organisée à terme.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les amendements précédents visaient à
supprimer les alinéas 4 à 6 alors que ceux-ci tendent à supprimer l’alinéa
4 : les arguments sont donc à peu près les mêmes.
Il faut évidemment
prévoir des transitions quand on passe d’un système à un autre. J’invite ceux
qui sont situés à la gauche de cet hémicycle à réfléchir à la solidité d’un
régime où tous cotisent pour tous.
M. Erwan
Balanant. C’est de gauche, non ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Cela évite les accidents industriels qui
menacent les régimes spécifiques à une profession. Je vais vous citer encore le
même exemple : comment voulez-vous que 400 000 agriculteurs
assurent des retraites correctes à 1,3 million de retraités
agricoles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
C’est en mutualisant qu’on se protège le mieux du risque. Il
ne s’agit pas de garantir une montagne d’or aux futurs retraités ; il
s’agit de garantir une plus grande solidité du système. Défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Les propos du rapporteur ont
ceci d’intéressant qu’ils sont toujours extrêmement concrets. Une solidarité
interprofessionnelle est effectivement la bonne réponse aux évolutions de la
société. C’est aussi donner l’assurance à ceux qui auront à choisir un métier
que leur retraite ne dépendra pas de leur métier, mais de leurs efforts et de
leurs cotisations. Voilà l’illustration de l’universalité dont nous parlons
depuis plus d’une semaine.
Monsieur Bazin, quand j’essaie de faire court,
on me le reproche ! (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Je
sais que vous avez envie que le débat avance mais il faudrait que tout le monde
soit au diapason !
Ceux qui sont à moins de dix-sept ans de la
retraite liquideront leur retraite dans le cadre du système actuel. S’ils
cumulent ensuite un emploi avec leur retraite, la définition de leurs droits
relèvera des règles du système initial et non du nouveau système. Ce sera
possible parce que les dispositions relatives au cumul emploi-retraite
permettront d’acquérir des droits dès 2022, dans le système actuel ou dans le
système futur.
M. Thibault
Bazin. Et pour les régimes qui ne sont pas à points ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je vous répondrai plus tard.
Vous savez que je suis attentif à vos questions.
M. Boris
Vallaud. C’est une vraie question !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Ce que notre rapporteur a dit
des agriculteurs, exemple qu’il connaît bien, est aussi vrai pour les marins,
dont le régime compte 30 000 cotisants pour
110 000 retraités – nous en avons parlé tout à l’heure. Cette caisse
aussi se trouvera mieux dans un régime universel, qui sera bien plus solide dans
le temps. C’est ce qu’il faut comprendre : cela consolidera l’ensemble des
droits acquis par ceux qui auront cotisé.
Monsieur Vallaud, vous vous
intéressez toujours à des points techniques. Après avoir longuement évoqué le
taux de rendement, vous évoquez le sujet des taux de cotisation au-delà d’un
PASS – plafond annuel de la sécurité sociale. Cherchant toujours à
débusquer des points qui auraient été négligés, vous vous êtes demandé si ceux
qui seraient appelés à cotiser plus allaient cotiser pour rien. Vous trouverez
la réponse à votre question à l’alinéa 23 de l’article 62, qui prévoit que tous
ceux qui auront, du fait de la convergence des taux, à cotiser à des taux plus
élevés que ceux d’aujourd’hui se constitueront ainsi des droits dans le régime
dont ils relèvent actuellement.
N’ayez donc pas d’inquiétude : le
fait de cotiser plus du fait de la convergence des taux se traduira par des
droits supplémentaires.
L’avis est défavorable.
M. le
président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Qu’en est-il du cumul emploi-retraite ?
Lorsque le dispositif entrera pleinement en vigueur, sera-t-il encore possible
de cumuler une retraite et un emploi à temps partiel, et si oui, dans quelles
conditions ? Quels droits seront alors acquis, et pour quelle
destination ?
J’aimerais également revenir sur la transition entre
les systèmes. Je le répète, votre période de transition est extrêmement longue.
La génération née après le 1er janvier 2004, qui basculera la
première dans le nouveau dispositif en 2022, ne fera pas valoir ses droits à la
retraite à 18 ans ! Quant à ses aînés, le système s’appliquera aux
générations nées après le 1er janvier 1975. Autant dire que nous
avons du temps ! Nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi nous devrions
voter de façon urgente, voire urgentissime, un texte dont l’application
surviendra au mieux dans vingt-deux, vingt-cinq, voire vingt-sept ans. Ce n’est
pas sérieux ! Nous avons le temps de débattre de cette réforme.
M. le
président. La parole est à M. Loïc Prud’homme.
M. Loïc
Prud’homme. Vous voudriez nous faire croire, monsieur le rapporteur, que
le système par points est la solution en matière de solidarité
interprofessionnelle. L’exemple des agriculteurs démontre le contraire :
ils ont aujourd’hui leur régime propre, et votre système ne résoudra pas leurs
problèmes. Je ne reviendrai pas sur ceux qui sont déjà à la retraite : vous
avez indiqué que vous ne leur donneriez pas un centime de plus. Pour leur part,
les futurs agriculteurs retraités se verront proposer un système par points dans
lequel ils devront avoir une carrière complète, avec 50 heures rémunérées
au SMIC pendant 516 mois. Jamais les chefs d’exploitation ne rempliront ces
conditions ! De fait, la solidarité interprofessionnelle ne jouera pas. Les
agriculteurs sont emblématiques des conséquences de votre dispositif à
points : leurs conditions d’accès à une retraite digne seront bien plus
drastiques que si l’on maintenait un système par répartition avec des durées de
cotisation et un montant de pension assurés, comme nous le prônons.
Pour
illustrer la solidarité interprofessionnelle, prenons l’exemple des mineurs. La
France n’exploite plus de mines, mais compte encore des mineurs retraités. Dans
le système actuel, la solidarité joue à plein et permet de leur verser une
pension. C’est le moindre de nos devoirs vis-à-vis de ces travailleurs qui ont
usé leur santé dans les mines.
M. Erwan
Balanant et M. Frédéric Petit. C’est exactement ce que nous
voulons !
M. Loïc
Prud’homme. Prenons un dernier exemple de solidarité
interprofessionnelle : la fonction publique, régime favorable que lequel
vous tapez volontiers. Puisque vous avez voté le budget, chers collègues
– pour ma part, mon vote était défavorable –, vous savez que les
régimes de retraite des trois fonctions publiques sont excédentaires. Seul celui
de la fonction publique territoriale présente un petit déficit, mais il est
compensé par les deux autres. La solidarité interprofessionnelle joue donc entre
les trois fonctions publiques.
En définitive, la solidarité est déjà à
l’œuvre grâce au système de répartition, et n’a pas besoin d’un système par
points qui n’arrangera rien.
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. C’est le Parlement qui vote le budget, monsieur Prud’homme, et
non des députés individuels. Cette précision étant faite, je reviendrai sur la
période de transition. En Nouvelle-Calédonie, une transition très longue vient
de s’achever avec succès. Grâce à cette transition bien organisée, la France a
réussi à sortir d’un conflit sanglant, pour le bien des deux communautés.
M. Thibault
Bazin. Il n’y a qu’une seule nation, monsieur le député !
Mme Danièle
Obono. Quel rapport avec les retraites ?
M. Frédéric
Petit. Enfin, il n’y a pas lieu de mythifier le point dans notre système
universel. Aujourd’hui, le système repose sur des annuités et des montants de
cotisation. Le système par points n’affecte en rien le principe de la
répartition ; il permet simplement d’effectuer une répartition grâce à un
outil commun à tous les métiers. Les droits acquis ne changent pas, qu’ils le
soient au titre d’un enfant ou de la pénibilité. Seul le mode de répartition du
panier évolue : il sera déterminé par un calcul unique, fondé sur le point,
plutôt que sur deux calculs parallèles.
M. le
président. La parole est à Mme Cendra Motin.
Mme Cendra
Motin. En application de la réforme défendue par nos collègues Les
Républicains en 2010, la mesure portant l’âge légal de départ à la retraite de
60 à 62 ans est entrée en vigueur dès 2011.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Un grand bond en arrière !
Mme Cendra
Motin. Pour l’âge du relèvement de la décote, en revanche, il a fallu
attendre 2016 – comme quoi, on peut être à moitié courageux dans ses
décisions, mais courageux quand même !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Encore un bond en arrière !
Mme Cendra
Motin. En 2014, avec la loi Touraine, vous avez eu le courage de voter
une réforme qui a commencé à s’appliquer le 1er janvier 2020. En
définitive, vous avez été peu courageux, et votre système ne devait pas être
aussi bon qu’il le prétendait, puisqu’il n’est pas entré en vigueur
immédiatement !
Quant à nous, notre réforme commencera à s’appliquer
pour tous les jeunes qui entreront sur le marché du travail à partir de 2022,
sous notre législature.
M. Jérôme
Lambert. On va y perdre !
Mme Cendra
Motin. Elle s’appliquera aussi à nous, parlementaires, dès 2022, sous
notre législature – belle preuve de courage.
Sur le terrain,
certains nous disent qu’ils regrettent de ne pas pouvoir entrer dans ce
régime ; ils auraient souhaité y adhérer volontairement, même s’ils ne
remplissent pas les critères d’âge. Hélas, nous nous sommes heurtés, comme vous,
au fameux article 40 de la Constitution, qui nous a empêchés de déposer un
amendement en ce sens !
M. Maxime
Minot. Ça, c’était constructif !
M. le
président. Monsieur Minot, je suis heureux d’entendre vos commentaires,
mais laissez les orateurs s’exprimer sans émettre de jugement sur la qualité de
leurs interventions.
M. Maxime
Minot. Ils ralentissent le débat !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Le système par points n’est pas neutre, comme vous le
prétendez. Sa première caractéristique est de prendre en considération
l’ensemble de la carrière – y compris les plus mauvaises années – pour
calculer la pension de retraite. Deuxième caractéristique, il introduit un âge
d’équilibre qui augmentera au fil du temps, en deçà duquel ceux qui voudront
prendre leur retraite subiront une décote d’au moins 5 % par an. La
conjonction de ces deux critères bousculera profondément le mode de calcul et
réduira certaines pensions – des économistes estiment d’ailleurs que cette
baisse pourrait dépasser 20 %.
S’agissant des années charnières 1975
et 2004, le rapporteur a expliqué qu’il n’y aurait pas de grande différence
entre les personnes nées en 1974 et en 1976 : l’écart serait le même
qu’entre les personnes nées en 1973 et 1974. C’est une erreur de raisonnement,
car le calcul ne concerne pas une seule année. Une personne née en 1976 cotisera
pendant de nombreuses années dans le nouveau système, ce qui risque d’avoir des
conséquences sur sa pension.
Mme
Marie-Christine Dalloz. C’est vrai !
(Les amendements
no 3896 et identiques ne sont
pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Joël Aviragnet, pour soutenir
l’amendement no 24928.
M. Joël
Aviragnet. Il vise à supprimer la prise en considération de dispositions
particulières liées aux élus locaux dans l’application du système universel de
retraite. Si le Gouvernement entend instaurer un système universel, pourquoi
prévoir de telles réserves ?
Puisque la loi Touraine a été citée
pour son prétendu manque de courage, je rappellerai – sans donner de
leçon – qu’elle n’a pas fait descendre le pays dans la rue et qu’elle n’a
pas mis le feu, comme la vôtre ! (Applaudissements sur plusieurs bancs
du groupe LR.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. La suppression que vous préconisez ferait
entrer les fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux dans le nouveau
système dès 2022 pour ceux qui sont nés après le 1er janvier
2004, et dès 2025 pour ceux qui sont nés après le 1er janvier
1975. J’aurais plutôt attendu un amendement de ce type du côté de la droite, qui
veut liquider les régimes spéciaux plus rapidement ! Avis
défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Défavorable, pour les raisons
exprimées par le rapporteur.
Je ne pourrai pas enjamber chaque amendement
pour revenir sur des sujets précédents, mais je le ferai une dernière fois pour
Mme Dalloz. Le système universel de retraite permet un cumul
emploi-retraite, qui pourra être total et producteur de droits à partir de l’âge
d’équilibre. Ces dispositions sont détaillées dans l’article 26.
M. Thibault
Bazin. Et pour ceux qui ne seront pas en points ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Prud’homme, la
retraite des agriculteurs est déjà comptabilisée en points, et porte sur la
carrière entière plutôt que sur les meilleures années.
(MM. Erwan Balanant et Frédéric Petit
applaudissent.)
Quant aux déséquilibres des caisses, sur lesquels
vous m’interrogez, le Parlement s’en saisit tous les ans dans le cadre de la loi
de financement de la sécurité sociale : c’est ainsi qu’il peut autoriser la
caisse de la MSA –Mutuelle sociale agricole – à emprunter
4 milliards d’euros pour combler son déficit.
M. Jérôme
Lambert. C’est de la solidarité !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il me paraît plus intéressant
d’organiser une large solidarité entre l’ensemble des Français, des générations
et des professions, pour éviter que certains régimes doivent emprunter tous les
ans 4 milliards d’euros sur le marché monétaire. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Bruno
Millienne. Excellent !
M. le
président. J’invite M. le secrétaire d’État et chacun d’entre vous
à s’exprimer sur l’amendement présenté sans revenir sur les questions
précédentes.
(L’amendement no 24928 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Les amendements identiques nos 11517 de
M. Fabrice Brun et 11518 de M. Marc Le Fur sont
défendus.
(Les amendements identiques
nos 11517 et 11518, repoussés par la
commission et le Gouvernement, ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de seize amendements, nos 26739
et identiques, déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe de la
Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole
est à M. Alain Bruneel, pour les soutenir.
M. Alain
Bruneel. Votre système n’est ni universel ni équitable.
(Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Il n’est pas
universel pour cause de dérogations, de pénibilité, de spécificités du parcours
professionnel, et parce qu’un euro cotisé ne donne pas les mêmes
droits.
Monsieur Lescure, vous affirmez qu’il faut renflouer les caisses,
une certaine caisse en particulier, de 1 milliard d’euros, et que chaque
année les intéressés vont frapper à la porte. Le grand patronat a bénéficié de
40 milliards au titre du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et
l’emploi, de 90 milliards d’exonérations de charges sociales, de la
suppression de l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune ; il a déjà
l’oreille de votre majorité ; il n’a pas besoin de frapper à la porte de
l’Assemblée nationale !
S’agissant des avocats, je vous rappellerai
que la majorité des barreaux sont aujourd’hui en grève. Vous dites que, s’ils
n’intègrent pas le régime universel, eux aussi frapperont à la porte dans
quelques années. Qu’est-ce que vous en savez ? Le savez-vous mieux
qu’eux ? Avez-vous fait une étude d’impact à ce sujet ? Peut-être
avez-vous consulté votre boule de cristal ou les cartes du tarot !
(Exclamations sur les bancs des groupes LaREM, LR et MODEM.)
M. Fabien
Di Filippo. Voyez le Conseil d’État !
M. le
président. La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général
de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission sur ces
amendements identiques ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission
spéciale. Sans surprise, il est défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Bruneel, une telle
étude relève du COR, le Conseil d’orientation des retraites. Celui-ci a fait son
travail…
M. Alain
Bruneel. Pas au sujet des avocats ! Je n’ai rien vu qui les
concerne !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …sur la base des informations
qui lui ont été transmises par la Caisse nationale des barreaux français. Vous
le retrouverez sur internet, ainsi que tous ceux qui souhaitent le consulter.
Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs.
Mme Michèle
de Vaucouleurs. Ces amendements proposent de remplacer, à
l’alinéa 4, « universel » par « inéquitable ». Je
comprends et je partage votre souci d’équité comme votre souci d’égalité ;
mais, à cette occasion, je souhaite revenir sur les propos tenus par
M. Roussel, avant notre pause, au sujet de l’exemple des conducteurs de
bus.
M. Fabien
Di Filippo. Si ça, ce n’est pas de l’obstruction !
Mme Michèle
de Vaucouleurs. Concernant l’harmonisation de l’âge de départ en
retraite, je m’inscris en faux contre votre procès d’intention. En l’occurrence,
il ne s’agit pas d’aligner les salaires, que ce soit par le haut ou par le bas,
mais bien de tenir compte de la pénibilité de la même manière pour deux métiers
semblables. Encore une fois, je vous crois attachés comme moi à l’égalité, et je
pense donc que vous pourrez souscrire à notre objectif : l’égalité de
traitement de situations professionnelles identiques. (Applaudissements sur
les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Bruno
Millienne. Bravo !
M. le
président. La parole est à M. Rémy Rebeyrotte.
M. Rémy
Rebeyrotte. Je me souviens de Paul Duraffour, député de mon département
qui siégeait sur ces bancs il y a un certain nombre d’années.
Un député du groupe LR.
Il était de gauche !
M. Rémy
Rebeyrotte. Il disait que, dans les années cinquante, soixante, les
agriculteurs menaçaient de sortir les fourches si l’on tentait de les intégrer
dans le régime général, car ils voulaient un régime spécifique. Il ajoutait
avoir un regret : qu’on les ait écoutés.
M. Pierre
Cordier. C’est n’importe quoi ! Ne faites pas parler les
morts !
M. Rémy
Rebeyrotte. Telle est la vérité toute crue ! Vous parlez des
avocats ; mais nous ne savons pas comment la profession va évoluer.
M. Alain
Bruneel. Précisément ! Vous ne le savez pas non plus !
M. Rémy
Rebeyrotte. N’aura-t-elle pas, à un moment donné, la volonté d’avoir du
salariat ? Encore une fois, nous n’en savons rien. Pour les avocats comme
pour les autres professions, le régime universel et la solidarité sont la
meilleure garantie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. –
Exclamations sur les bancs des groupes LR et GDR.)
M. le
président. La parole est à M. Jean Lassalle.
M. Jean
Lassalle. Monsieur le président, vous avez l’art de remplir vos
fonctions. (Sourires.) C’est tout de même beaucoup plus agréable de
s’exprimer dans un contexte tel que celui-ci, après ce que nous avons pu vivre
et à quoi chacun a d’ailleurs un peu participé.
Là, je commence à
comprendre de quoi il s’agit.
(« Ah ! », sourires
et applaudissements sur divers bancs.) Une partie d’entre nous veut cette
réforme et l’autre n’en veut absolument pas. Ça ne peut pas marcher, cette
affaire. (Mêmes mouvements.) Je ne sais pas ce qui a fait dire à l’un de
nos collègues qu’on avait un jour, dans notre pays, écouté les agriculteurs.
Cette période m’a manifestement échappé ; on ne peut pas se souvenir de
tout.
Je voulais dire aux membres du groupe La République en marche
qu’ils ont tout de même bien du mérite à inventorier tous ces métiers. Le seul
problème, c’est qu’ils n’ont pas de chance : il y a trente ans que notre
pays a perdu toute sa thune. Forcément ! On n’entreprend plus ; les
entreprises se sont mises à spéculer, à acheter les journaux, Le Monde,
Le Figaro, pas encore France 2, mais tous les autres ; et tous,
malheureusement, ont soutenu M. Macron.
On a dit beaucoup de mal de
M. Sarkozy, mais lui, au fond, n’était soutenu que par M. Bolloré, qui
a fini par être mis un peu à l’écart, en dépit des quarante-deux maisons
d’édition qu’il avait achetées. Maintenant, ce sont tous les autres qui sont là.
Et comment voulons-nous qu’une réforme des retraites aboutisse, quand il n’y a
pas une thune dans le tiroir ? C’est pourquoi, à présent que le calme est
revenu, je propose que ce projet soit retiré ; on se sépare bons copains,
et l’on reprend tout à zéro !
(« Voilà ! » et
applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC et GDR.)
M. le
président. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. Je voudrais revenir à la discussion qui nous occupe, celle du
champ d’application traité à l’article 2. Vous évoquez l’entrée dans le
système en 2025 des générations nées entre 1975 et 2004. Alain Bruneel nous
parle étude d’impact ; monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire
d’État, vous répondez que c’est l’affaire du COR, qui a travaillé avec 2025 pour
horizon.
Au sein de ce projet de loi, vous conservez la destination 2025
dans le champ d’application. Mais, dans le même temps, vous demandez à la
conférence de financement de trouver des pistes de financement à l’horizon de
2027.
M. Alain
Bruneel. Absolument !
M. Bruno
Millienne. Et alors ?
M. Thibault
Bazin. On aurait pu choisir de n’appliquer la réforme, de ne faire
entrer le système en vigueur qu’en 2027, au moment où l’équilibre financier aura
été rétabli. Pour reprendre l’image utilisée hier par notre collègue marcheuse,
les fondations ne seront pas bonnes en 2025. D’ailleurs, nous ne savons pas où
en est la conférence de financement, ni même si elle poursuit ses travaux en
même temps que nous débattons.
Monsieur le secrétaire d’État, cela ne
crée-t-il pas un problème de maintenir dans le champ d’application une entrée en
2025, et ne vaudrait-il pas mieux la caler en 2027 ? Est-ce que ce ne
serait pas beaucoup plus sage, beaucoup plus prudent ?
(M. Erwan Balanant proteste.) Est-ce que ce ne serait
pas plus juste, pour ceux qui vont entrer dans le système, que celui-ci soit au
moins équilibré au départ ?
M. Erwan
Balanant. Monsieur Bazin, venez me faire un schéma, je ne comprends plus
rien à vos propositions !
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle
Obono. Je souhaiterais appuyer les amendements déposés par nos collègues
du groupe GDR. Ce système est en effet inéquitable ; nous continuerons à
exiger que vous ayez la sincérité de l’écrire noir sur blanc, non seulement
vis-à-vis de la représentation nationale, mais vis-à-vis des
Français.
Tout à l’heure, le secrétaire d’État jugeait terrible que le
Parlement puisse décider, par exemple, de financer les régimes déficitaires. En
quoi votre réforme est-elle plus juste, puisque ce sera désormais la CNRU, la
Caisse nationale de retraite universelle, qui en décidera, qui évaluera les
montants et les marges de manœuvre en vue de répondre aux problèmes de tel ou
tel secteur, et en fonction de votre règle d’or absolue, l’équilibre
financier ? Nous ne connaissons pas la composition de cette structure, nous
n’aurons aucune prise sur elle. En quoi est-ce plus démocratique, en quoi est-ce
plus clair ?
Quand la décision revient à l’Assemblée nationale, les
Français savent du moins qu’ils peuvent interpeller leur député, lui demander
des comptes. C’est ce que font actuellement les avocats, qui ont étudié de près
votre réforme, son incohérence et son iniquité, si bien qu’ils sont toujours
mobilisés contre elle. Non, votre proposition de système par points n’est ni
plus équitable, ni moins floue, et encore moins démocratique, si la chose était
possible. La CNRU n’est pas le Parlement et ne garantit pas que la mobilisation
sociale puisse changer quoi que ce soit aux choix faits en matière de
retraite.
M. le
président. Monsieur Le Fur, j’ai cru vous voir prendre une photo
dans l’hémicycle. Je me suis certainement trompé, puisque vous êtes un adepte de
la stricte application du règlement. (Sourires. –
M. Erwan Balanant applaudit.)
M. Pierre
Cordier. Il ne faudrait pas seulement rappeler le règlement à
M. Le Fur, mais à tout le monde !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Cela
a déjà été fait !
M. le
président. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Permettez-moi de prendre encore une fois la défense des
travailleurs, des salariés, en particulier de ceux qui exercent des métiers
pénibles. Nous avons entendu une nouvelle dissertation sur votre sens de la
justice, notamment à l’égard des conducteurs de bus. Oui, nous assumons de
défendre ces régimes qui protègent les travailleurs ! C’est par la lutte
que ceux-ci ont conquis des droits, dont celui de partir en retraite plus tôt
après des travaux pénibles ! Et conduire un bus pendant trente ans peut
être considéré comme tel, même s’il y a différents degrés de
pénibilité.
Aujourd’hui, les conducteurs de la RATP sont protégés par
leur régime de retraite. Ce que vous proposez, c’est qu’un jeune, embauché à 21
ou 22 ans, travaille jusqu’à 65 ans, l’âge d’équilibre.
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Prenez le micro et dites
qu’à partir de 2025, dans votre système de retraite par points, un jeune né en
2004 ne devra pas travailler jusqu’à 65 ans. Osez le prétendre ! Vous
voulez casser le régime qui protège les conducteurs de bus. C’est pour cela que
nous prenons tous les jours la parole : pour faire éclater la vérité !
Dites-la ! Vous commencez à la laisser percer. (Mêmes mouvements.)
Dites qu’ils devront passer quarante ans assis sur leur siège, à conduire
leur bus. Nous, ce n’est pas notre projet de société. Vous, c’est le
vôtre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.
– Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur général.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Danièle Obono
insinuait il y a quelques instants que nous ignorions qui ferait partie de la
future CNRU. L’article 49 le précise dans le détail, ainsi que la
page 592 du rapport.
M. le
président. Je mets aux voix les amendements nos 26739 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 189
Nombre
de suffrages
exprimés 162
Majorité
absolue 82
Pour
l’adoption 23
Contre 139
(Les amendements nos 26739 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Michel Larive, pour soutenir les
dix-sept amendements no 5936 et identiques, déposés par les
membres du groupe La France insoumise.
M. Michel
Larive. À vous entendre, chers collègues, c’est la faute des
agriculteurs, des avocats, de toutes ces professions qui n’ont pas rejoint le
régime de retraite instauré après guerre, s’ils ont ce qu’ils ont
aujourd’hui.
Voilà votre paradigme depuis le début de la législature.
Vous fondez votre action sur la responsabilité individuelle des citoyens.
« Si vous êtes malade, au chômage, retraité, c’est votre
faute. »
Vous avez sacrifié la solidarité exigée après la guerre sur
l’autel de la compétitivité. Mais, quand vous en appelez à la solidarité, c’est
aux populations qui produisent nos richesses, matérielles ou immatérielles, de
l’assumer pour le bien-être des populations les plus spéculatives.
M. le
président. La parole est à M. Arnaud Viala.
M. Arnaud
Viala. Je voudrais rappeler l’origine des régimes autonomes. La plupart
des professions qui ont un régime autonome ne l’ont pas choisi mais y ont été
contraintes, faute d’avoir été acceptées dans le régime général.
(« C’est faux ! » sur
les bancs du groupe LaREM.) C’est vrai, au contraire ! Cette situation
s’explique par le passé.
Je conseillerai par ailleurs à
M. Rebeyrotte, qui prétend que les agriculteurs ont délibérément choisi de
ne pas intégrer le régime général, de revenir aux fondamentaux. Que ceux qui
s’intéressent un tant soit peu au monde agricole se posent la question de la
capacité financière des agriculteurs, il y a soixante-dix, cinquante,
trente ou vingt ans et même aujourd’hui, de cotiser au régime général, au vu de
ce qu’ils parvenaient à produire et à gagner ! (Applaudissements sur les
bancs des groupes GDR et LR.)
M. Jean
Lassalle. C’est vrai !
M. Arnaud
Viala. Ils n’ont jamais pu le faire et ils assument de n’avoir jamais pu
bénéficier, en conséquence, des prestations du régime général. Nous ne pouvons
pas laisser dire autre chose ce soir. (Applaudissements sur les bancs des
groupes LR, GDR et SOC.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Le sort que vous réservez aux agriculteurs est une
honte !
(Les amendements identiques no 5936
et suivants ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 24929 qui
fait l’objet d’un sous-amendement no 42574.
Sur
l’amendement no 24929, je suis saisi par le groupe de la Gauche
démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est
annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à
M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir l’amendement.
M.
Jean-Louis Bricout. Le Gouvernement n’est manifestement pas prêt à mener
une telle réforme de notre système de retraite. La majorité des dispositions
principales du projet de loi sont renvoyées à des ordonnances ou à des décrets,
y compris les modalités de fixation et d’actualisation de l’âge d’équilibre et
de la valeur d’acquisition et de service du point. Tout le monde dénonce votre
amateurisme.
Afin de protéger nos concitoyens de cette réforme
imprévisible, cet amendement de Mme Vainqueur-Christophe tend à en
repousser l’entrée en vigueur de trois ans et à ne pas l’appliquer aux assurés
nés avant 2007.
M. le
président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le
sous-amendement no 42574.
M. Marc Le
Fur. Avant le début des débats, je pensais que le Gouvernement était
prêt et avait préparé un projet de réforme cohérent, que nous aurions pu
contester, certes, mais qui, dans l’ensemble, aurait pu fonctionner.
Or
je partage le constat de mes collègues. Vous n’êtes pas prêts et la situation
n’est pas satisfaisante. Dans ces conditions, il me semble plus sage de reporter
la date d’entrée en vigueur de ce texte. Ne le vivez pas comme un recul, chers
collègues, mais comme une marque de sagesse. Je soutiens cet amendement, que je
propose d’améliorer à la marge.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Le secrétaire d’État n’a pas tout à fait tort lorsqu’il
prétend que le débat a déjà eu lieu. C’est vrai, le débat a déjà commencé, mais
je n’ai pas le sentiment qu’il soit allé à son terme. Surtout, le secrétaire
d’État n’a pas, à mon sens, suffisamment bien expliqué pourquoi ces deux dates,
1975 et 2004, avaient été retenues. Peut-être suis-je trop exigeant, mais
j’aimerais savoir quelles analyses, quelles études chiffrées, ont motivé ces
décisions.
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle
Obono. Nous soutiendrons cet amendement, car nous soupçonnons fort le
Gouvernement et sa majorité d’avoir retenu ces dates après des discussions sur
un coin de table ou de les avoir jouées à pile ou face. En effet, ce choix ne
semble pas rationnel, sauf si l’on admet que le cœur de votre réforme est
d’opposer les salariés les uns aux autres, les générations les unes aux autres,
comme en témoigne la clause du grand-père ou de l’arrière grand-père que vous
avez essayé de faire adopter pour apaiser certains secteurs
professionnels.
Par ailleurs, je continue à penser que le Parlement a
plus de légitimité, en démocratie, pour décider du taux de cotisation qu’une
caisse dont nous ne connaissons pas la composition ni le mode de fonctionnement.
Surtout, cette caisse sera soumise à une règle d’or, l’équilibre financier, dont
vous avez fait votre obsession. Ce sera une manière, pour l’exécutif, de peser
dans les décisions de cette caisse dont le fonctionnement n’est ni clair ni
démocratique.
Nous soutiendrons par conséquent ces amendements pour
mettre en évidence vos intentions et reporter l’entrée en vigueur de ce texte,
si nous ne pouvons en obtenir le retrait.
M. le
président. La parole est à M. David Lorion.
M. David
Lorion. Rappelons que votre réforme des retraites a oublié de traiter le
cas des 2,2 millions de Français d’outre-mer, devenus transparents et
absents de la réflexion autour de la mise en œuvre de cette réforme en
outre-mer. Pourtant, les spécificités de cette région ne manquent pas et ce
n’est pas faute de vous les avoir rappelées. Ainsi, les agriculteurs d’outre-mer
ne cotisent pas à un taux très élevé. La plupart d’entre eux sont payés chaque
semaine en liquide pour leur production qu’ils vendent en direct. Il y a un
gouffre entre le système que vous proposez et celui qui prévaut en
outre-mer.
Quant à la surrémunération des fonctionnaires, elle n’a donné
lieu à aucune réflexion. Une seule lettre nous a été adressée en
janvier 2020 pour nous informer que les bonifications seraient supprimées,
les surrémunérations intégrées dans leur retraite, et les cotisations des
agriculteurs qui n’ont pas encore fait valoir leurs droits à la retraite,
augmentées.
Le débat autour de l’outre-mer a été occulté alors que
2,2 millions de Français y résident et auraient mérité que l’on se penche
plus longuement sur leur situation. Pour cette raison, je souhaite que l’entrée
en vigueur de cette réforme soit reportée afin de prendre le temps d’expliquer
le futur régime de retraite aux habitants de l’outre-mer.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. La question du choix de la date est pertinente, mais
il suffit de lire le texte pour réaliser qu’il n’a pas été arrêté sur un coin de
table. Il est ainsi prévu, à l’article 9 du titre Ier, que
la valeur d’acquisition et la valeur de service du point applicables au titre de
l’année 2022 seraient fixées avant le 30 juin 2021. Je vous renvoie
également au titre V où vous pourriez trouver de nombreuses réponses. Si
nous avancions dans l’examen de ce texte, nous en comprendrions la logique. Le
débat est certes intéressant mais, tel qu’il est mené, il ne permet pas de
saisir la cohérence du projet de réforme. Allons aux bons articles. Je suis
désolé d’avoir dû intervenir, mais il me paraît lapidaire de résumer le travail
réalisé en amont à une discussion sur un coin de table.
M. Pierre
Cordier. Arrêtez donc de ralentir les débats, on dirait que vous le
faites exprès !
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. M. Dharréville avait déjà
posé la question des dates, et il est intéressant d’y revenir quelques instants.
Nous avons choisi de ne pas provoquer un big bang et de prévoir des mesures de
transition douce, aussi n’avons-nous pas retenu la proposition contenue dans le
rapport de M. Delevoye rendu en juillet. Nous en avons discuté et j’espère
que nous pourrons poursuivre la réflexion avec M. Paul Christophe à
l’occasion de l’examen du titre V pour lequel il est rapporteur.
Le
Gouvernement a eu à cœur, comme d’habitude, d’avancer progressivement pour
respecter les choix de ceux qui sont soumis à des régimes spéciaux ou font
partie des catégories actives.
Pourquoi avoir retenu la durée de
dix-sept ans ? M. Dharréville se souvient peut-être de ce que
l’on appelait à une époque l’entretien de seconde partie de carrière, autour des
45 ans. Pour en avoir conduit un certain nombre dans l’entreprise, je sais
que cet entretien n’était pas toujours une bonne idée, mais il présentait
l’intérêt de marquer la reconnaissance des engagements pris, à cet âge, dans la
vie professionnelle et la vie personnelle. Ces engagements méritent d’être
respectés. Soustrayez 45 à 62, l’âge légal que nous avons retenu, et vous
obtenez 17. Nous avons donc choisi de fixer notre période de transition
dix-sept ans avant l’âge légal de départ à la retraite.
Comme nous
avons prévu de faire entrer en vigueur cette réforme en 2025, il nous a paru
ridicule de soumettre les jeunes qui entrent sur le marché du travail au régime
de cotisation actuel pour seulement un ou deux ans. C’est pourquoi nous avons
proposé à la représentation nationale de voter une ouverture dès 2022 à ce
nouveau régime pour les jeunes de la génération 2004.
Voilà la genèse
assez simple de ces dates, pensées en fonction de la vie professionnelle des uns
et des autres.
(Le sous-amendement no 42574 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 24929.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 173
Nombre
de suffrages
exprimés 152
Majorité
absolue 77
Pour
l’adoption 25
Contre 127
(L’amendement no 24929 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Nous abordons à présent une très longue discussion
commune.
La parole est à M. Pierre Dharréville pour soutenir
l’amendement no 26741 et les quinze amendements identiques déposés
par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Pierre
Dharréville. Nous vous proposons, par cette belle série d’amendements,
de repousser à plus tard l’entrée en vigueur de votre réforme. En effet, vous
n’avez pas encore réussi à nous prouver que le système de la retraite par points
serait préférable à celui en vigueur. Au contraire, nous prenons conscience, au
fur et à mesure de l’avancée des débats, de la réalité de votre projet : la
dégradation mécanique des pensions et l’allongement de la durée de travail, sans
que le niveau des droits soit garanti. C’est l’une des caractéristiques de votre
projet : ne prévoir aucune garantie mais transformer les pensions en
variables d’ajustement.
Monsieur le secrétaire d’État, vous venez de nous
apporter plusieurs éléments d’explication et je vous en remercie. Cela ne nous
empêche pas de contester les dates que vous avez choisies. Au départ, le rapport
Delevoye préconisait une application immédiate de la réforme ; il a ensuite
été question de la clause du grand-père ; désormais, vous proposez une
clause du petit-fils, ou quelque chose d’approchant.
Quoi qu’il en soit,
au vu du nombre de trous que comporte la réforme, c’est-à-dire d’ordonnances à
rédiger, et de l’état actuel des discussions, nous pensons que vous ne serez pas
prêts en 2022. C’est notre premier argument. Pour que la réforme puisse entrer
en vigueur à cette date, il faudrait que les concertations aboutissent dans les
mois qui viennent.
D’autre part, monsieur le secrétaire d’État, vous avez
affiché l’ambition d’une transition douce. Cela veut-il dire que, s’il n’y avait
pas eu de transition douce, il y aurait eu un choc ? Je ne parle pas que
d’un choc technique, mais d’une dégradation brutale du niveau des pensions et
des droits à la retraite.
Par conséquent, nous contestons l’entrée en
vigueur de la réforme. Puisqu’elle nous engagera pour les décennies à venir,
plutôt que de la rendre irréversible, comme l’a souhaité le Premier ministre,
nous vous suggérons de vous donner le temps d’attendre qu’elle soit confirmée ou
infirmée. Nous souhaitons, pour notre part, qu’elle soit
infirmée.
M. le
président. Dans la discussion commune, la parole est à M. Pierre
Dharréville, pour soutenir l’amendement no 33527 et les quinze
amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate
et républicaine, qui font l’objet d’un sous-amendement
no 42408.
M. Pierre
Dharréville. Le système par points, c’est l’assèchement des ressources
de la sécurité sociale pour diminuer les droits des retraités. Nous vous avons
posé plusieurs questions relatives au financement des retraites dans le cadre du
nouveau système. Pour l’instant, nous pouvons uniquement nous fier aux maigres
données financières qui figurent dans l’étude d’impact, laquelle indique,
page 176, que la part des dépenses de retraite dans le PIB passera de
13,8 % en 2018 à 13,3 % en 2040 et à 12,9 % en 2050, sachant
qu’un point de PIB en moins représente une diminution de 25 milliards
d’euros.
Plus inquiétant encore, deux mesures du texte auront pour
conséquence une baisse considérable des ressources.
D’une part,
l’article 13 prévoit la suppression des cotisations contributives pour les
cadres supérieurs qui gagnent plus de 10 000 euros par mois. Une étude
de l’AGIRC-ARRCO évoque une perte de 4 milliards d’euros par an, soit
70 milliards d’euros en quinze ans. Pour l’instant, nous n’avons toujours
aucune information concernant la compensation de cette perte de
ressources.
D’autre part, le projet créera une réduction importante des
cotisations versées par l’État employeur, à travers l’instauration d’un taux de
cotisation unique de 28,12 % pour le secteur privé comme pour le secteur
public. Cette mesure pourrait engendrer une perte de recettes de
43 milliards d’euros par an. Encore une fois, qui va compenser cette perte
de recettes ? Qui va financer de bonnes retraites si vous réduisez les
ressources ? Car le problème des retraites est avant tout un problème de
recettes.
Qui veut tuer son chien l’accuse de la rage, dit le proverbe,
et nous craignons que cette perte de recettes ne soit qu’un prétexte pour
baisser ensuite les dépenses de retraite, c’est-à-dire les pensions.
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir le
sous-amendement no 42408.
M. François
Ruffin. Nous sommes bien évidemment d’accord pour repousser la réforme
des retraites jusqu’en 2082, et même au-delà. (Murmures sur les bancs du
groupe LaREM.) En tout cas, nous sommes d’accord pour la suspendre jusqu’aux
élections municipales, jusqu’à la conclusion de la conférence de financement,
jusqu’à ce que vous nous remettiez une étude d’impact qui permette de connaître
réellement les effets du projet de loi.
Cet après-midi, nous avons eu un
échange concernant l’utilité de notre action au Parlement et le côté absurde,
voire le non-sens de ces amendements que l’on enfile en série. Pour moi, ce
non-sens répond à un non-sens institutionnel : dans une
Ve République qui permet le fait du prince, qui permet au
Président de la République d’imposer la retraite par points parce que tel est
son bon vouloir et de décider ensuite d’un calendrier qui fasse adopter le
projet de loi avant les élections municipales, la concentration des pouvoirs
entre les mains de l’exécutif est telle qu’il écrase le législatif. On ne peut
répondre à une absurdité que par une autre absurdité. La seule chose que l’on
puisse faire, quand le Parlement n’est que la chambre d’enregistrement des
désirs du Président de la République, c’est à tout le moins de ralentir cet
enregistrement.
Le Président de la République vous a prévenu du fossé qui
existait entre le pays légal, ici, et le pays réel, dehors. Le moins que l’on
puisse faire, quand bien même ce serait par la pratique – qui peut paraître
absconse – consistant à déposer amendement après amendement, c’est de vous
alerter sur le fossé entre le pays légal, ici, et le pays réel, dehors, où vous
êtes minoritaires et où existe un fort ressentiment contre votre manière de
faire.
M. le
président. Avant de passer à la suite de la discussion, chers collègues,
je tiens à faire deux remarques : tout d’abord, si vous souhaitez discuter,
veuillez le faire hors de l’hémicycle, car l’impossibilité d’entendre les
orateurs ne contribue pas à la clarté de nos échanges. Quant aux orateurs qui
interviennent pour défendre des amendements ou des sous-amendements, je leur
demande de bien vouloir s’en tenir à la défense de ces amendements et
sous-amendements, comme le prévoit notre règlement.
Dans la discussion
commune, la parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement
no 33511 et les quinze amendements identiques déposés par les membres
du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qui font l’objet de deux
sous-amendements, nos 42417 et 42416.
M. Pierre
Dharréville. Je poursuis ma démonstration. Le système par points, c’est
une absence de garantie sur le niveau des pensions à l’avenir. La réforme
instaure un système paramétrique permanent qui a pour seule obsession, pour seul
horizon, l’équilibre financier. Cinq variables permettent de jouer à tout moment
sur le niveau des droits : la valeur d’acquisition du point, la valeur de
service du point, l’âge d’équilibre, l’indexation des pensions liquidées, et le
pourcentage des décotes et des surcotes. En outre, la valeur du point sera
indexée sur un indicateur dont nous ne connaissons ni la teneur ni le
niveau : le revenu d’activité moyen par tête.
S’ajoute à cela le
changement de la durée de référence pour calculer les retraites, qui correspond
aujourd’hui aux six derniers mois de carrière dans la fonction publique et aux
vingt-cinq meilleures années dans le secteur privé, et qui sera remplacée par un
calcul des droits sur l’ensemble de la vie active. Or jamais vous n’apportez la
preuve qu’un calcul effectué sur l’ensemble de la carrière professionnelle sera
plus favorable pour les Françaises et les Français qu’un calcul effectué sur les
meilleures années, qui permet d’effacer les mauvaises années et les périodes
d’inactivité subie.
En réalité, ce projet est une machine à reproduire
les inégalités vécues pendant la carrière professionnelle. Vous êtes d’ailleurs
incapables de garantir le taux de remplacement futur des pensions, malgré les
nombreuses questions que nous vous avons posées à ce sujet. Là encore, le flou
prédomine. Contrairement à ce que laisse croire votre engagement de ne pas
baisser les pensions, le système crée toutes les conditions économiques d’un
report des risques sur le niveau des retraites.
M. André
Chassaigne. Très bien ! Belle explication !
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir le
sous-amendement no 42417.
Mme Danièle
Obono. Il vise à appuyer l’amendement de nos collègues du groupe de la
Gauche démocrate et républicaine et à repousser ad vitam æternam
l’application de la réforme.
Je souhaiterais revenir sur un argument
auquel la majorité a souvent eu recours pour justifier cette mauvaise
réforme : elle la ferait au nom de la jeunesse. Sans même rappeler avec
quel cynisme elle a tenté d’opposer les grands-pères, les parents et les jeunes,
ce dont je ne crois pas que ces derniers lui soient reconnaissants
(Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM), avec cette
réforme qui multiplie le flou et les incertitudes, je doute qu’elle donne
véritablement à la jeunesse confiance en son avenir, et encore moins dans ses
retraites.
Cela commence dès le lycée, du fait des mauvaises réformes que
vous avez adoptées : c’est sous la surveillance de la police que vous les
obligez à passer le baccalauréat (« Hors
sujet ! » sur les bancs du groupe
LaREM) et c’est sous les coups de la même police que vous tentez de les
empêcher de se mobiliser contre vos mauvaises réformes. Chacun se rappelle la
scène d’humiliation et de violence symbolique insupportable qu’ont subie les
jeunes lycéens de Mantes-la-Jolie. Je vois que cela en fait rire certains à La
République en marche (Vives exclamations sur les bancs du groupe LaREM),
que des enfants soient mis à genoux sous la menace d’une arme et qu’on leur dise
que c’est cela, une classe qui se tient bien. Cela vous fait rire, peut-être
parce que ce ne sont pas vos enfants (Nouvelles exclamations sur les bancs
des groupes LaREM et MODEM), mais je crois que ce cynisme en a écœuré
un certain nombre, notamment dans la jeunesse.
M. Rémy
Rebeyrotte. Votre cynisme !
Mme Danièle
Obono. Et je ne crois pas que vous leur donniez confiance à travers la
brutalité des politiques qui sont menées contre les anciens, contre les salariés
et contre les jeunes. (Exclamations sur divers bancs.)
Un député du groupe
LaREM. Nous n’avons pas de leçons de morale à recevoir de vous !
Mme Danièle
Obono. Contrairement à ce que laisse entendre une interruption, je ne
vois pas ce que les Blancs ont à voir avec ce que je viens de dire : je
parlais des jeunes. Mais vous allez peut-être intervenir pour nous expliquer ce
que les Blancs ont à faire là-dedans.
M. le
président. Madame Obono, merci de conclure.
Mme Danièle
Obono. Je ne crois pas que la jeunesse retrouvera confiance grâce à
cette mauvaise réforme, bien au contraire.
M. le
président. Le sous-amendement no 42416 de M. Éric
Coquerel est défendu.
Dans la discussion commune, la parole est à
M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 33495 et
les quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine, qui font l’objet de deux sous-amendements,
nos 42426 et 42425.
M. Pierre
Dharréville. Le système par points, c’est l’allongement de la durée de
vie travaillée, avec l’instauration d’un âge d’équilibre inégalitaire à
65 ans qui vise uniquement à repousser la date de départ à la retraite des
assurés, puisque, avant cet âge, un malus sera appliqué à leur pension. Dans ces
conditions, qui pourra effectivement partir à 62 ans ? D’autant plus
que cet âge est appelé à reculer avec le temps.
En outre, sous les
apparences de l’égalité, l’instauration d’un âge d’équilibre qui s’appliquerait
à tous au sein d’une même génération crée de fortes injustices entre les
travailleurs d’une même génération, car il permet de raboter les pensions de
ceux qui souhaitent partir entre 62 ans et l’âge d’équilibre.
Les
perdants de la réforme sont les salariés, souvent modérément qualifiés, ayant
commencé à travailler entre 20 et 22 ans : au lieu de pouvoir partir à
taux plein à 62, 63 ou 64 ans, ils devront attendre d’avoir 65 ans
pour ne pas subir de décote. S’ils partent avant cet âge, ils subiront une
décote de 5 % par année d’écart avec l’âge d’équilibre. Par exemple, un
salarié né en 1975 qui a commencé à travailler à 20 ans pourra partir à
taux plein à 63 ans dans le système actuel. Dans le système projeté, il
devra atteindre 65 ans pour toucher une retraite à taux plein, et donc
travailler pendant quarante-cinq ans pour une pension sans malus.
À
l’inverse, les gagnants seront les salariés, souvent des cadres, ayant commencé
à travailler à 23 ans. Dans le système actuel, ils devront cotiser jusqu’à
66 ans ou attendre d’avoir 67 ans, âge du taux plein par défaut, pour
profiter d’une retraite à taux plein alors qu’ils pourront en bénéficier dès
65 ans dans le nouveau système – c’est d’ailleurs la raison pour
laquelle nous proposons la suppression de la décote existante. Par exemple, un
cadre né en 1975 qui a commencé à travailler à 23 ans pourra partir à taux
plein à 66 ans dans le système actuel. Dans le système projeté, il partira
à 65 ans. Il devra donc travailler quarante-deux ans pour une pension sans
malus, contre quarante-cinq ans pour le cas précédent.
Par cet exemple,
nous démontrons l’inégalité qui existe au sein d’une même génération pour la
même durée d’activité. On sanctionne l’employé par rapport au cadre. Où est la
justice ? Où est la redistribution vers les travailleurs les moins
qualifiés ? C’est pour cette raison que nous avons déposé cette série
d’amendements.
M.
Guillaume Garot. Très bien !
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour un rappel
au règlement.
M.
Jean-René Cazeneuve. Il se fonde sur l’article 100. Pour le bon
déroulement de nos débats, je voudrais m’assurer que je comprends bien ce qui
est en train de se passer.
M. le
président. Monsieur Cazeneuve, votre compréhension ne figure pas dans le
règlement. (Exclamations sur les bancs des groupes LR.)
M. Pierre
Cordier. Il ralentit volontairement les débats !
M.
Jean-René Cazeneuve. La discussion commune contient quarante amendements
différents, chacun multiplié par 17. Nous sommes dans un tunnel de
700 amendements identiques (Exclamations sur les bancs du groupe FI)
avec l’impossibilité, pour notre groupe comme pour le groupe Les Républicains,
de répondre. Cela représente un tunnel d’une heure au minimum… (Nouvelles
exclamations sur les bancs du groupe LR.
M. Fabien
Di Filippo. Cela fait deux ans et demi que nous sommes dans un
tunnel !
M.
Jean-René Cazeneuve. …avec des amendements qui n’ont aucun rapport avec
le texte, qui proposent de remplacer « 2022 » par « 2062 »,
puis par « 2061 », « 2060 », et ce jusqu’à
« 2023 ». (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Quand allons-nous pouvoir débattre ? La France insoumise a joué
une saison 1 où elle avait décidé de bloquer la réforme, mais elle s’est
rendu compte que ce n’était pas populaire…
Mme Émilie
Bonnivard. Arrêtez de parler de cela !
M.
Jean-René Cazeneuve. …et que l’opinion publique la condamnait pour son
attitude. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Nous vous avons crus
sincères quand vous nous avez dit que vous vouliez débattre. Eh bien, débattons,
mais supprimez ces amendements qui n’apportent rien et qui nous empêchent de
répondre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
Plusieurs députés du groupe LaREM se lèvent et applaudissent.)
M. André
Chassaigne. Je suis ravi de voir que vous avez encore une colonne
vertébrale, après le temps que vous passez à ramper !
M. le
président. Monsieur Chassaigne, s’il vous plaît. Monsieur Cazeneuve, il
s’agit d’une discussion commune classique entre des amendements incompatibles
entre eux. Le nombre d’amendements n’influe en aucun cas sur l’organisation de
la discussion et le débat sera mené suivant les règles de notre assemblée, comme
pour n’importe quel texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR,
SOC, FI et GDR.)
La parole est à M. Thibault Bazin, pour un
rappel au règlement.
M. Thibault
Bazin. Au titre de l’article 100. Hier, s’agissant de la discussion
des amendements identiques, l’établissement d’un bon principe nous a permis
d’avancer à un rythme de cinquante à soixante-dix amendements par heure
– rythme qui semble avoir été perdu depuis le début de la
journée.
Je propose que nous revenions à la méthode établie hier par la
présidente de séance, Mme Genevard : cesser les interventions
commentant l’obstruction pour examiner le texte. Ne perdons pas de temps à
parler comme vous le faites. Peut-être préparez-vous de façon théâtrale le
recours à l’article 49, alinéa 3. Faisons tout pour l’éviter. Avançons
l’examen du texte et discutons des amendements.(Applaudissements sur les
bancs du groupe LR. – M. Jean-Paul Dufrègne applaudit
également.)
M. le
président. Je vous remercie, monsieur Bazin, de votre rappel au
règlement qui, en lui-même, est une réponse à un rappel au règlement. Il y a
effectivement beaucoup de commentaires sur les commentaires.
Avant de
passer la parole à M. Boris Vallaud, pour un rappel au règlement, je vous
rappelle, mes chers collègues, qu’en vertu du nouveau règlement de l’Assemblée
nationale, que chacun a à l’esprit, les rappels au règlement qui portent sur le
même sujet n’ont plus lieu d’être. M. Bazin a raison : ce qui compte
le plus dans l’examen du texte, c’est la réforme elle-même et non les
commentaires sur la procédure.
Vous avez la parole, monsieur Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Mon rappel est fondé sur l’article 100 du
règlement.
Je vais dans le sens de mon collègue Bazin : chaque fois
que nous essayons d’aller au fond des amendements, la majorité vient perturber
le bon déroulement de la séance. (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
J’entends la majorité se plaindre de la lenteur du débat
parlementaire. Je souhaite évoquer devant vous une autre lenteur. Il y a quinze
jours, la présidente Valérie Rabault avait saisi le président de l’Assemblée
nationale de la commission d’enquête et nous avons enfin reçu, aujourd’hui, la
réponse de la chancellerie ! Il aura donc fallu quinze jours à la lettre
pour parcourir 1,6 kilomètre entre l’Hôtel de Lassay et la place Vendôme,
ce qui fait 100 mètres par jour et 4 mètres par heure. C’est la lettre
la plus lente de l’histoire. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Bruno
Millienne. C’est une blague ! C’est un camouflet pour le président
de l’Assemblée nationale !
M. Patrick
Mignola. Un véritable camouflet, monsieur le président.
M. le
président. Je vous remercie, monsieur Vallaud, de ce rappel au règlement
utile.
Article 2 (suite)
M. le
président. Je suis saisi de deux sous-amendements,
nos 42426 et 42425, pouvant faire l’objet d’une présentation
groupée.
La parole est à M. Michel Larive, pour les soutenir.
M. Michel
Larive. Monsieur le rapporteur, vous avez affirmé qu’avec la réforme
tous cotiseront pour tous : or c’est absolument faux. J’ai évoqué tout à
l’heure la problématique générationnelle.
Une autre se pose : c’est
la problématique salariale. Au-delà de 10 000 euros, les gens seront
solidaires dix fois moins que les autres, puisque le taux de cotisation passera
de 28 % à 2,8 % , ce qui pose un vrai problème d’universalité. En
plus, vous faites à ces gens un cadeau qu’ils n’ont pas demandé. Depuis le début
de la législature,…
M.
Jean-René Cazeneuve. Vous ne parlez pas de l’article !
M. Michel
Larive. …vous faites des cadeaux aux plus riches, sans même qu’ils vous
les demandent. Le MEDEF lui-même demande la suppression de cette disposition.
Mais les avocats, eux, verront leur cotisation passer de 14 % à
28 % : eux seront plus solidaires.
Enfin, ces
1 000 euros que vous évoquez sans cesse pour une carrière complète à
points – on ignore du reste toujours ce que sera une carrière complète à
points –, il sera quasi impossible de les percevoir. Les gens, dans leur
vie réelle, ont, de toute façon, un autre rêve que de travailler plus de
quarante-trois ans pour atteindre l’âge d’équilibre, surtout s’ils ont commencé
à travailler tôt. Ils ont un autre rêve que d’avoir 1 000 euros de
retraite, parce que, si c’est cela, le nouveau monde, vous pouvez vous le
garder !
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir
l’amendement no 33479 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Alain
Bruneel. J’espère que M. Cazeneuve va bien écouter, parce que ces
amendements abordent une question de fond.
L’alinéa 5 prévoit que le
système de retraite par points s’appliquera complètement aux assurés nés à
compter du 1er janvier 2004 et qui auront donc 18 ans en
2022. Ces amendements visent à vous enlever une épine du pied, chers collègues
de la majorité, en décalant l’entrée en application de cette réforme : en
effet, force est de constater, à la lumière des huit premiers jours de débat,
que votre projet de loi n’est pas prêt.
Premier élément de
démonstration : l’avis du Conseil d’État, que nous avons longuement évoqué
sur ces bancs, et qui démontre que votre projet est mal préparé et mal ficelé.
Il dénonce un texte à trous, avec le choix de recourir à vingt-neuf ordonnances
réparties sur vingt-trois articles, et qui portent sur une quarantaine de
questions diverses et structurantes : gouvernance du système, gestion des
transitions, convergence des assiettes et taux de cotisation, régimes
d’invalidité et d’inaptitude.
Il indique également que le fait, pour le
législateur, de « s’en remettre à des ordonnances pour la définition
d’éléments structurants du nouveau système de retraite fait perdre la visibilité
d’ensemble qui est nécessaire à l’appréciation des conséquences de la réforme
et, partant, de sa constitutionnalité et de sa conventionnalité ». Il
souligne l’inconstitutionnalité des promesses de revalorisation pour les
enseignants et les chercheurs par les lois de programmation
– article 1er du projet de loi ordinaire. En
effet : « Sauf à être regardées, par leur imprécision, comme
dépourvues de toute valeur normative, ces dispositions constituent une
injonction au Gouvernement de déposer un projet de loi et sont ainsi contraires
à la Constitution. » (Applaudissements sur les bancs du groupe
GDR.)
M. André
Chassaigne. Très bien !
M. le
président. Je vous rappelle, mes chers collègues, que ces séries
d’amendements identiques en discussion commune portent sur des dates. Il
suffirait de justifier les différentes dates d’entrée en application du système
avec les mêmes arguments.
Je suis saisi de l’amendement
no 33463 et de quinze identiques déposés par les membres du
groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ces amendements font
l’objet de deux sous-amendements, nos 42439 et 42438.
La
parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir les amendements
identiques.
M. Alain
Bruneel. Ces amendements visent à reporter l’application de la réforme à
2058.
Je tiens à insister sur l’insincérité de l’étude d’impact. Le
Conseil d’État relève en effet que « les projections financières ainsi
transmises restent lacunaires et que, dans certains cas, cette étude reste en
deçà de ce qu’elle devrait être », de sorte qu’« il incombe au
Gouvernement de l’améliorer encore avant le dépôt du projet de loi au
Parlement ».
Cette étude comprend en outre des études de cas
bidouillées. Pour montrer sous un jour favorable l’âge d’équilibre en matière de
pensions pour les différentes professions, il a été gelé à 65 ans,
c’est-à-dire à son niveau pour les générations nées en 1975, alors qu’il
évoluera à la hausse au fil du temps : projection à 66 ans et demi
pour les générations nées en 1990.
Parallèlement, les simulations
reposent sur un âge de début de carrière commun à tous les assurés, à savoir
22 ans, alors que, pour beaucoup, l’âge moyen du premier emploi stable se
situe autour de 26 ou 28 ans.
Surtout, cette étude d’impact
méconnaît des dispositions organiques et constitutionnelles, car elle ne répond
pas aux exigences posées par l’article 8 de la loi organique du
15 avril 2009, qui découle de l’article 39 de la Constitution, comme
le rappelle le Conseil d’État dans son avis : « les documents d’impact
doivent répondre aux exigences générales d’objectivité et de
sincérité ».
M. le
président. Je suis saisi de deux sous-amendements,
nos 42439 et 42438, pouvant faire l’objet d’une présentation
groupée.
La parole est à M. François Ruffin, pour les soutenir.
M. François
Ruffin. Vous inscrivez dans la loi que les jeunes vivront moins bien que
les générations qui les auront précédés, alors que, déjà, la précarité est
devenue la norme pour eux : génération Uber, des diplômes dévalorisés, des
loyers à payer à de vieux propriétaires et un héritage qu’ils ne toucheront pas
avant 60 ans. Sur le plan écologique, ils ont déjà la garantie qu’ils
écoperont de toute la mouise que leur auront laissée leurs parents et
grands-parents.
Et voilà qu’en matière de retraites, vous aggravez encore
leur situation. Je suis né en 1975 : je suis donc pile sur la
frontière ! Je le répète : la seule garantie que vous apportez est que
les générations futures, voire présentes, vivront moins bien que leurs parents
et grands-parents.
Le libéralisme, à partir des années 1980, a inversé le
sens de l’histoire, qui, génération après génération, améliorait l’existence au
fil des conquêtes du monde ouvrier. Jusqu’à maintenant, toutefois, cette
inversion n’était pas inscrite dans la loi. Aujourd’hui, vous certifiez à la
jeunesse qu’elle vivra moins bien que les deux générations qui l’ont précédée.
C’est pourquoi nous soutenons ces amendements communistes qui visent à repousser
cette échéance. Il nous faut retrouver le fil d’une histoire qui garantisse à
nos enfants et à nos petits-enfants de vivre au moins aussi bien, peut-être
mieux – sans doute autrement que nous sans que cela soit
pire.
M. le
président. La parole est à M. Fabien Roussel pour soutenir
l’amendement no 33446 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
Je vous rappelle que ces séries d’amendements portent sur
une modification des dates d’entrée en application de la réforme.
M. Bruno
Millienne. Ils n’en parlent jamais !
M. le
président. Je vous remercie de vos conseils, monsieur Millienne.
M. Fabien
Roussel. Avec cette série d’amendements identiques, que je vous propose
de défendre en une seule fois, afin de ne pas agacer mes collègues de la
majorité, qui sont un peu tendus,…
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Cela
commence à bien faire !
M. Fabien
Roussel. …nous vous proposons de repousser le plus loin possible cette
réforme qui est très mauvaise pour l’ensemble des salariés. Nous demandons donc
son application à compter de 2057 au lieu de 2022, pour la génération née en
2039 et non pour celle née en 2004.
Si cette réforme était appliquée dans
les années qui viennent, telle que vous le souhaitez, elle ferait beaucoup de
perdants parmi les 22 millions de salariés du public et du privé. Tous ont
fait leurs comptes : ils ont compris qu’avec une pension calculée sur
l’ensemble de leur carrière, y compris les pires années, ils perdront beaucoup
plus qu’avec une pension calculée sur les six derniers mois dans le public ou
sur les vingt-cinq meilleures années dans le privé. Ce calcul, ils l’ont
fait !
Il en est de même des professions libérales qui sont
fortement mobilisées. Elles ont, elles aussi, fait leur calcul : elles
perdront, en raison de la hausse de leurs cotisations, qui passeront à
28 %, le double de ce dont elles s’acquittent aujourd’hui.
Qui
seront les gagnants ? Personne, pas même les agriculteurs. Vous aviez
pourtant promis à ceux qui sont actuellement à la retraite qu’ils
bénéficieraient d’une pension minimale de 1 000 euros. Que
dalle ! Ils n’auront rien ! Que leur a dit le Président de la
République au salon de l’agriculture ? Que la mesure coûterait trop
cher : 1,1 milliard. Quelle honte, alors que vous avez distribué des
milliards et des milliards dans le cadre de votre premier budget en
2017.
Je vais bientôt épuiser mon temps de parole : je vous le
demande, reportez cette réforme ! (Applaudissements sur les bancs du
groupe GDR. – Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. Monsieur Roussel, j’ai cru comprendre que vous aviez fait une
ouverture : puis-je considérer que vous avez présenté plusieurs séries
d’amendements identiques ?
M. Fabien
Roussel. Non.
M. le
président. C’était une formule, alors.
Je suis saisi de
l’amendement no 33430 et de quinze identiques déposés par les
membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ces amendements
font l’objet du sous-amendement no 42433.
La parole est à
M. Alain Bruneel, pour soutenir les amendements identiques.
M. Alain
Bruneel. Ils visent à substituer aux mots : « 2022, aux
assurés nés à compter du 1er janvier 2004 », les mots :
« 2056, aux assurés nés à compter du 1er janvier
2038 ».
M. le
président. Je vous remercie, monsieur Bruneel.
M. Alain
Bruneel. Je tiens à apporter des explications. Cette réforme ne comporte
aucun éclairage financier : vous avez décidé de sortir le volet financier
du projet de loi et de renvoyer à une conférence de financement réunissant les
syndicats la recherche d’un compromis permettant d’assurer l’équilibre financier
de court terme, pour la période 2022-2027. Ils ont jusqu’à la fin du mois
d’avril.
Une ordonnance prévue à l’article 57 traduira
éventuellement cet accord, ou bien ce sera le retour de l’âge pivot dès 2022,
âge qui atteindra 64 ans en 2027, dans le système en annuités.
Ces
incertitudes sur le financement s’expriment d’ailleurs au sein même de la
majorité : ainsi Mme Émilie Cariou et M. Laurent Saint-Martin,
commissaires aux finances, ont adressé un courrier au Premier ministre le
11 février, qui pose seize questions. Les principales portent sur l’impact
de la réforme sur les fonctionnaires, les indépendants et les libéraux et sur le
financement des départs anticipés pour les fonctionnaires régaliens.
En
définitive, la seule certitude que nous ayons est que la part des dépenses de
retraite dans le PIB passera de 13,8 % à 12,9 % en 2050, ce qui
représentera une diminution de 25 milliards d’euros, alors que le
Gouvernement s’était engagé à stabiliser la part des richesses dédiées à notre
système de retraite.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, chers
collègues, de repousser la date d’entrée en application du système à
points.
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir le
sous-amendement no 42443.
Mme Danièle
Obono. Nous appuyons bien évidemment… (Des exclamations sur certains
bancs du groupe LaREM font s’interrompre l’oratrice.)
M. le
président. Vous avez la parole, madame Obono. Allez-y !
Mme Danièle
Obono. Certains collègues issus de vos bancs commençaient à fredonner
L’internationale, monsieur le président, mais je leur conseille
d’attendre la fin de mon intervention. C’est une tentative d’obstruction, je
tiens à le relever !
M. le
président. Prenez-le comme un encouragement, madame Obono !
Mme Danièle
Obono. Tout à fait. (Sourires.)
Ce
sous-amendement va dans le sens des propositions de nos collègues du groupe
GDR,… (Nouvelles exclamations sur certains bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Chers collègues, veuillez laisser Mme Obono
s’exprimer.
Mme Danièle
Obono. Ils sont un peu fébriles – sans doute pour
m’encourager ! Et sans doute aussi s’attendent-ils à ce que j’intervienne
sur chaque sous-amendement pour pouvoir m’encourager à nouveau. Je le ferai donc
pour vous faire plaisir, chers collègues ! (Mêmes mouvements. –
L’oratrice s’interrompt de nouveau.)
Mme
Danielle Brulebois. Et si l’on parlait du sous-amendement ?
M. le
président. Madame Obono, veuillez poursuivre, je vous prie.
Mme Danièle
Obono. J’attendais qu’ils se calment, mais ce n’est pas du tout le
cas.
M. le
président. Madame Obono, je salue cet appel au calme !
Mme Danièle
Obono. Je sens qu’ils sont très fébriles et je voudrais éviter un
incident de séance qui nous obligerait à demander une suspension de séance.
(Mêmes mouvements.)
M. le
président. Chers collègues, en particulier ceux qui se trouvent à côté
de Mme Obono, je vous demande de respecter la parole de l’oratrice.
Mme Danièle
Obono. Tous ces messieurs ainsi regroupés… voilà qui fait une belle
image !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ça
suffit ! Venons-en au sous-amendement !
Mme Danièle
Obono. Cet amendement très important me permet d’évoquer à nouveau la
jeunesse. J’évoquais tout à l’heure, et cela a beaucoup ému vos collègues, le
sort qui a été fait aux élèves de Mantes-la-Jolie : des élèves mis à genoux
– peut-être est-ce là l’image que choisit la Macronie ; ou alors mis
au pas au service national universel, car, selon vous, il n’y a qu’en les
mettant en caserne qu’ils seront sages.
La jeunesse perd confiance dans
des gouvernements incapables de faire face à ce qui est aujourd’hui l’enjeu
majeur : la transition écologique. Je pense notamment à ces jeunes
militants et militantes d’Extinction Rebellion, qui ont subi à plusieurs
reprises une répression inacceptable, recevant en pleine figure des gaz
lacrymogènes, alors qu’ils se mobilisaient pour l’avenir de la planète.
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) En se donnant le temps…
Plusieurs députés des groupes
LaREM et MODEM. Cela n’a rien à voir avec le sous-amendement !
Mme Danièle
Obono. Chers collègues, voulez-vous entendre la fin de
l’argumentation ?
M. le
président. Merci de conclure, madame Obono.
Mme Danièle
Obono. Le lien avec le sous-amendement – si je puis terminer, après
avoir été sans cesse interrompue – est que la question de la jeunesse est
importante. Vous ne donnerez pas à la jeunesse confiance dans l’avenir ni dans
votre mauvais système de retraite en la réprimant à la moindre occasion.
M. Frédéric
Petit. Rappel au règlement !
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit, pour un rappel au
règlement.
M. Frédéric
Petit. Monsieur le président, j’ai l’impression que nos tablettes ne
fonctionnent plus. En effet, ce qui s’affiche sur l’écran indique que le
sous-amendement viserait à substituer au mot « aux » les mots « à
tous les », et je n’ai pas compris le rapport avec ce que vient de dire
Mme Obono. (Rires et applaudissements sur quelques
bancs des groupes MODEM et LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes FI et
GDR.)
Article 2 (suite)
M. le
président. Je suis saisi de l’amendement no 33414 et de
quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine.
Sur ces amendements, je suis saisi par le
groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Fabien Roussel, pour soutenir les
amendements.
M. Fabien
Roussel. Monsieur le président, si cela peut détendre un peu
l’atmosphère – je sens mes camarades un peu tendus –, je vous propose
de défendre en même temps la série d’amendements suivante, à savoir les
amendements no 33398 et identiques. (M. Bruno
Studer applaudit.)
Il faut expliquer pourquoi nous proposons de
repousser la date d’entrée en vigueur de votre réforme. Vous prévoyez en effet
qu’elle s’applique dès 2022, ce qui n’est pas supportable pour ces millions de
salariés qui verront fondre leurs pensions. Nous proposons donc de repousser sa
date d’application, à 2056 pour la première série d’amendements ou, à défaut, à
2055 pour la deuxième série, et de faire en sorte qu’elle concerne les
générations nées à compter de, non pas 2004, mais respectivement 2038 et
2037.
Nous voulons montrer que votre réforme ne fera que des perdants.
J’ai dit tout à l’heure que les salariés du privé et du public avaient fait
leurs calculs et avaient vu qu’ils allaient y perdre, car leur pension serait
calculée sur l’ensemble de leur carrière, de telle sorte que les pires années
seraient prises en compte.
Il faut citer aussi les professions protégées
aujourd’hui par des régimes spéciaux. Je pense notamment aux chauffeurs de bus,
que nous avons beaucoup évoqués ici. (Exclamations sur plusieurs bancs des
groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.) Je souhaiterais donc recevoir une réponse
précise de la part des députés du groupe La République en marche – que nous
appelons aussi « La République en moins ». (Exclamations sur les
bancs du groupe LaREM.) En effet, si la réforme était appliquée aux dates
que vous avez prévues, un jeune conducteur de bus, par exemple de Bordeaux, né
en 2004, comme l’envisage votre étude d’impact, et qui commencerait à travailler
en 2025 – ce qui est tout à fait crédible, puisque 21 ans est l’âge
légal pour passer le permis de conducteur de bus – devrait partir à l’âge
de 65 ans pour ne pas subir de décote. (Protestations sur les bancs du
groupe LaREM.) Bien sûr, votre retraite par points lui permettrait de partir
plus tôt, à 50 ou 55 ans, comme les chauffeurs de la RATP, mais il subirait
alors une décote de 15 % à 20 %.
Votre réforme, telle que vous
voudriez l’appliquer en 2004 pour les conducteurs de bus, ce n’est pas le
progrès social, c’est la régression sociale.
M. Mustapha
Laabid. C’est faux !
M. Fabien
Roussel. C’est pourquoi nous vous proposons de l’étaler en en repoussant
la date d’entrée en vigueur. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR
et FI.)
M. le
président. L’amendement no 33398 et les quinze
amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate
et républicaine sont défendus.
Ils font l’objet d’un sous-amendement
no 42447.
La parole est à M. François Ruffin, pour
soutenir ce sous-amendement.
M. François
Ruffin. Il est rédactionnel et tend à remédier à une imprécision de
l’amendement proposé par nos camarades communistes en remplaçant le mot
« aux » par les mots « à tous les ».
Ce que vient
d’exposer M. Roussel illustre par ailleurs ce que je disais tout à l’heure
à propos de ce chauffeur de car fictif (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM) qui serait né en 2004 et prendrait sa retraite à 65 ans :
vous inscrivez dans la loi le fait que la norme est désormais le recul social.
Voilà ce que vous êtes en train de faire avec ce projet de loi ! Alors que,
depuis le milieu du XIXe siècle,…
M. Pascal
Brindeau. Il y avait des chauffeurs de bus au milieu du
XIXe siècle ?
M. François
Ruffin. …tout l’effort des forces organisées, des partis, des syndicats
et du mouvement ouvrier a au contraire visé à une amélioration de notre sort et
du destin des classes populaires, nous devrions y renoncer
aujourd’hui ?
Nous nous sommes libérés progressivement du temps de
travail : ça a été le travail des enfants, qui a été repoussé à
10 ans, puis à 12 ans ; ça a été le congé maternité, les congés
payés, la cinquième semaine de congés payés en 1982, la loi des 8 heures,
la fin du travail le dimanche, le samedi à l’anglaise, les 40 heures, les
39 heures et les 35 heures. En 1982, ça a été la retraite à
60 ans, et aujourd’hui…
M. Brahim
Hammouche. …c’est le temps des cerises. (Sourires.)
M. François
Ruffin. …il faudrait que cette histoire s’inverse ?
(Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM, MODEM et
UDI-AGIR.)
Nous vivons le temps du grand bond en arrière, y compris
pour ce qui concerne le temps de travail. Aujourd’hui, pour verser toujours plus
de dividendes aux actionnaires – la part en est passée de 4 % à
12 % de la valeur ajoutée –, il faut revenir sur le temps de travail
des salariés. Cela se fait aussi par la création de besoins artificiels :
on doit travailler pour s’acheter des trucs chers et nuisibles – un iPhone
coûte l’équivalent de trois semaines de travail à Paris.
M. le
président. Merci de conclure, monsieur Ruffin.
M. François
Ruffin. Je reprendrai la parole ultérieurement, monsieur le président,
afin de poursuivre mes explications sur ces points essentiels. (Exclamations
sur les bancs du groupe LaREM.)
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt-cinq, est reprise à
vingt-trois heures trente-cinq.)
M. le
président. La séance est reprise.
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Gilles Le Gendre, pour un rappel
au règlement.
M. André
Chassaigne. C’est de l’obstruction !
M. Gilles
Le Gendre. Il se fonde sur l’article 58 et sur
l’article 50 et concerne le bon déroulement des débats. Nous avons engagé
il y a un quart d’heure une discussion sur des amendements, tous identiques à la
date près, multipliés par quarante, multipliés par dix-sept…
M. François
Ruffin. Mais non, ils ne sont pas multipliés par dix-sept !
M. Gilles
Le Gendre. …avec, une fois encore, la volonté manifeste de faire durer
inutilement le débat sans rien y apporter.
M. Pierre
Dharréville. C’est faux.
M. Gilles
Le Gendre. C’est le droit irréductible des auteurs de ces amendements de
les défendre. C’est aussi notre droit de récuser un débat de cette nature. Nous
ne souhaitons pas y participer, nous ne sommes pas là pour entendre parler
d’amendements qui sont sans intérêt. Nous sommes là pour avoir un débat de fond
sur un texte essentiel.
M. Alain
Bruneel. Ces amendements portent sur le fond !
M. Gilles
Le Gendre. Par conséquent, le groupe La République en marche sera
représenté par son président. Ses autres membres quitteront l’hémicycle et ne
reviendront que lorsque nous serons en mesure d’avoir de nouveau un débat sain
et apaisé. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Une
grande partie des députés du groupe LaREM quittent l’hémicycle. –
Applaudissements et quolibets sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. Fabien
Roussel. Au revoir !
M. le
président. Je précise à M. Le Gendre que les quarante séries
d’amendements ne sont pas multipliées par dix-sept puisque, en vertu du nouveau
règlement, un seul orateur défend les amendements identiques d’un même groupe.
(M. Michel Larive applaudit.)
La parole est à
M. Patrick Mignola, pour un autre rappel au règlement.
M. Patrick
Mignola. Rappel au règlement au titre de l’article 58 et de
l’article 100, étant précisé, monsieur le président, que je vous laisse
juge du respect de l’article 54, alinéa 6, puisque c’est la
prérogative du président de séance.
L’Assemblée nationale exerce certes
une fonction tribunitienne, puisqu’on y présente des amendements et que, plus
largement, on y défend des points de vue, mais, de toute évidence, au cours de
ce débat, les orateurs qui défendent des amendements s’éloignent
considérablement du contenu des amendements eux-mêmes.
M. Pierre
Dharréville. Nous défendons un point de vue !
M. Patrick
Mignola. Je crois que les masques tombent. (Applaudissements sur les
bancs du groupe MODEM.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Oui, les vôtres !
M. Patrick
Mignola. Depuis quarante-huit heures, voire soixante-douze heures, nous
nous appliquons à être présents et essayons de participer à la discussion. Les
deux groupes situés à la gauche de l’hémicycle nous ont annoncé qu’ils
souhaitaient participer à un débat de fond. De toute évidence, tel n’est pas le
cas.
M. Loïc
Prud’homme. C’est vous qui ne voulez pas !
M. Patrick
Mignola. Les députés MODEM quitteront également l’hémicycle. Je resterai
ici pour vous entendre. Mes collègues reviendront lorsque nous pourrons enfin
débattre. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM. – L’ensemble des
députés du groupe MODEM, hormis son président, et la grande majorité des députés
du groupe LaREM encore présents quittent l’hémicycle. – Nouveaux
applaudissements et quolibets sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. Fabien
Roussel. Au revoir ! À 2022 !
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry, pour un autre rappel
au règlement.
M. Stéphane
Viry. Il se fonde sur l’article 100, alinéa 5 de notre
règlement et concerne la bonne tenue des débats et le droit à soutenir des
amendements. (Brouhaha.)
M. le
président. Chers collègues, si vous souhaitez quitter l’hémicycle,
faites-le en silence pour que nous puissions écouter M. Viry faire son
rappel au règlement, qui est tout aussi légitime que les autres.
M. Stéphane
Viry. Je déplore ce Parlement-spectacle, cette forme de mise en scène
qui intervient alors qu’il est presque minuit. Chacun s’accorde sur l’issue
inéluctable de l’examen de ce texte : le recours à l’article 49,
alinéa 3 de la Constitution, dont le parfum flotte déjà au-dessus de
l’hémicycle.
M. Philippe
Gosselin. Nous le savons tous !
M. Stéphane
Viry. Je crains que ceci ne soit qu’une petite et pathétique mise en
scène.
M. Philippe
Gosselin. Une mascarade !
M. Stéphane
Viry. Je ferai deux observations.
Premièrement, il faut admettre
que l’outil premier d’un parlementaire est le droit à amender. Nous pouvons
poser des questions aux ministres, interpeller, envoyer des courriers ou encore
participer à des commissions et à des groupes d’études ; nous pouvons faire
tout cela, il n’en reste pas moins que, pour un parlementaire, la seule
initiative directement opérationnelle sur le plan législatif est le droit à
amender un texte. Il faut donc admettre que nous déposions des amendements.
Mme
Brigitte Bourguignon. Vous les avez lus, ces amendements ?
M. Stéphane
Viry. Deuxièmement, ce qui fait problème, et qui nous a conduits dans
cette impasse, c’est la manière dont les débats ont été organisés par le
Gouvernement. C’est à lui que cette cacophonie est imputable. N’inversons
surtout pas les rôles ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LR,
SOC, FI et GDR.)
M.
Dominique Potier. Exactement !
M. Stéphane
Viry. Je déplore qu’on doive tenir démocratie parlementaire face à des
bancs vides, a fortiori ceux de la majorité.
M. Loïc
Prud’homme. Les Playmobil sont partis se coucher !
M. Stéphane
Viry. À cause d’elle, nos débats risquent de se réduire à peau de
chagrin. C’est une manœuvre pitoyable. Je suis peiné quand je songe aux travaux
que nous avons à faire. (Mêmes mouvements.)
M.
Dominique Potier. Excellent !
M. Jean
Lassalle. Bon ! Qu’est-ce qu’on fait ?
Plusieurs députés des groupes
FI et GDR. On vote ! (Rires.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour un rappel au
règlement.
M. Boris
Vallaud. C’est en vérité un saisissant résumé de la façon dont la
majorité considère le Parlement. Le droit d’amender est un droit plein et
entier. Chacun a fait le choix d’en déposer, peu ou beaucoup. En ce qui nous
concerne, au sein du groupe Socialistes et apparentés, nous n’en avons pas
déposé plus que la majorité. Sur chacun des amendements examinés, même quand il
ne s’agissait pas d’un des nôtres, nous avons essayé d’engager le débat sur le
fond. Depuis huit jours, nous avons ainsi parlé des indépendants, des
fonctionnaires, de la rémunération des enseignants, des agriculteurs, des
marins-pêcheurs, des orthophonistes, nous avons parlé de taux de remplacement,
de financement, de tout un tas de règles que prévoit cette réforme. Nous avons
disséqué le texte et posé beaucoup de questions. Je dois dire que nous avons
obtenu plus souvent des silences que des réponses – mais il est de notre
responsabilité de continuer à en poser.
Je ne voudrais pas, comme l’a dit
mon collègue Viry, que les rôles soient inversés. C’est le Gouvernement qui,
après avoir travaillé deux ans et demi, a fait le choix de laisser quatre jours
à la représentation nationale avant l’audition du secrétaire d’État en
commission pour prendre connaissance de 1 500 pages d’une insigne
technicité. (Applaudissements sur les bancs des groupe SOC, FI et GDR.)
C’est le Gouvernement qui a fait le choix de constituer une commission
spéciale, ce qui a privé les oppositions du droit de nommer un rapporteur pour
avis. C’est le Gouvernement qui a fait le choix de recourir à la procédure
accélérée. (Mêmes mouvements.)
M.
Dominique Potier. C’est vrai !
M. Boris
Vallaud. C’est le Gouvernement qui a fait le choix d’engager des
consultations parallèlement au débat parlementaire, ce qui ne nous permet pas
d’y voir clair. C’est le Gouvernement qui a fait le choix de la confusion, en
recourant à vingt-neuf ordonnances et à cent décrets. Il est aujourd’hui dépassé
par son Golem, par une réforme qu’il ne maîtrise pas.
M.
Sébastien Leclerc. Absolument ! Il a raison.
M. Boris
Vallaud. Les réponses que nous obtenons sont indigentes – comme
lorsqu’on nous invite, sans plus d’explication, à nous reporter à un article
absolument illisible du projet de loi. Essayons de travailler sérieusement. Et
si cela doit se faire sans les parlementaires de la majorité, qu’à cela ne
tienne !
M. Loïc
Prud’homme. Ce sera mieux !
M. Boris
Vallaud. Ils témoignent ainsi du degré d’utilité qu’ils s’accordent.
(Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville pour un autre
rappel au règlement.
M.
Pierre-Henri Dumont. À quoi ça sert ? Il n’y a plus
personne !
M. Maxime
Minot. Si : il reste encore quelques députés La République en
marche dans l’hémicycle.
M. Pierre
Dharréville. Il se fonde lui aussi sur l’article 100. Nous avons
déposé une série d’amendements dont l’objectif est d’offrir à la majorité un
large choix s’agissant de la date d’entrée en vigueur du projet de loi. Nous
avions choisi de les défendre de façon groupée et assez rapidement,…
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. C’est une blague ?
M. Pierre
Dharréville. …une douzaine de séries d’identiques devant être défendues,
sur un total de quarante.
Nous n’allons pas nous arrêter en chemin car
nous avons des choses à dire et avons bien l’intention de terminer les
démonstrations que nous avons commencées.
Chacun est libre de juger de
l’attitude de la majorité. En ce qui nous concerne, nous n’avons pas eu le
sentiment d’être beaucoup écoutés jusqu’à présent. Je ne sais pas si ce départ
changera grand-chose. Pour notre part, nous continuerons à faire notre
travail.
M. Boris
Vallaud. Exactement !
Mme Danièle
Obono et Mme Christine Pires Beaune. Très
bien !
M. le
président. La parole est à M. Jean Lassalle, pour un rappel au
règlement.
M. Jean
Lassalle. Ce débat est riche en rebondissements et ce projet de loi a
finalement plus d’un tour dans son sac. Ce que je vois en ce moment, je ne
l’avais encore jamais vu– mais après tout, pourquoi pas ?
Je ne
dirai pas du mal des collègues qui ne sont pas là, car dire du mal des gens dans
leur dos, ça ne se fait pas, mais voilà ce qui se passe lorsqu’on se lance dans
une réforme qu’aucun d’entre nous – il faut dire les choses comme elles
sont – n’avait entreprise parce que nous n’avions pas d’argent et parce que
nous avions déjà laissé la spéculation financière, qui s’est emparée de toute
chose depuis trente ans, prendre le dessus sur nous.
Mme
Brigitte Bourguignon. Sur quoi se fonde ce rappel au
règlement ?
M. Jean
Lassalle. Cela dit, le groupe Libertés et territoires n’a pas déposé
beaucoup d’amendements. Nous n’avons pas été enquiquinants ; nous avons été
formidables, exemplaires.
Il convient tout de même de rappeler qu’une
majorité est une majorité et qu’en tant que telle, elle se doit d’assumer.
M. Michel
Larive. Absolument !
M. Jean
Lassalle. Ce que fait la majorité ce soir n’est pas très chouette ;
ce n’est pas à la hauteur de la réputation de l’Assemblée nationale. Lorsqu’on
présente un texte, on reste sur les bancs, surtout quand on a été investi par le
pays et par le peuple pour cela.
M. Frédéric
Reiss. Voilà qui est dit !
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth, pour un rappel au
règlement.
M. Éric
Woerth. Si le groupe Les Républicains ne cautionne pas l’obstruction,
même si les députés ont le droit de la pratiquer – et, je le précise à
l’attention de ceux qui le découvrent, ce n’est pas le premier texte qui suscite
de longs débats, c’est même assez courant concernant les textes
importants –, la vérité est que nous sommes en train d’examiner un texte
cacophonique d’où découle, donc, une séance cacophonique. On le voit bien
ici : dix-huit dates, trente-neuf éléments qui viennent les justifier… Tout
cela donne le tournis.
Même si nous partageons l’objectif du Gouvernement
de réformer le système de retraite, nous devons bien admettre que la procédure a
d’emblée été viciée. Faut-il maintenant que les députés de la majorité quittent
l’hémicycle ? Bien sûr que non. Je le dis au président Le Gendre, qui
est resté, ainsi qu’à l’ancien rapporteur général de la commission des finances,
qui vient de le rejoindre : nous avons besoin d’une majorité. Certes, les
députés de l’opposition pourraient se réjouir de son absence parce que, ainsi,
leurs amendements pourront être adoptés, mais la majorité n’a pas à fuir
l’hémicycle. Et si elle est un peu malmenée, elle sait qu’à la fin elle
l’emportera. Je ne crois donc pas que la bonne réponse soit l’arrêt brutal de
nos séances ; il faut au contraire aller jusqu’au bout.
La
commission spéciale a déjà échoué.
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement. La
faute à qui ?
M. Éric
Woerth. L’avis du Conseil d’État a marqué un autre échec et l’examen en
séance public est promis à son tour à l’échec, sans oublier un éventuel échec de
la conférence de financement. Voilà qui fait beaucoup d’échecs pour un projet de
cette nature ! (Approbation sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
M.
Jean-Louis Bricout. C’est l’échec de La République en Marche !
M. Éric
Woerth. Or je ne pense pas que cela serve l’intérêt général. Nous devons
donc faire quelques pas les uns vers les autres. Peut-être faudrait-il que le
Gouvernement revoie un peu son texte, ou adopter la proposition de résolution
que les députés du groupe Les Républicains ont présentée ce matin.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Michel Larive, pour un rappel au
règlement.
M. Michel
Larive. Mon intervention se fonde elle aussi sur l’article 100.
Nous regrettons que les députés de la majorité aient quitté leurs bancs ;
il s’agit d’un abandon pur et simple, donnant à voir un spectacle pitoyable, au
mépris de l’institution. (Mme la présidente de la
commission spéciale s’exclame.) Que faisons-nous ? Nous exerçons tout
simplement notre droit à amender ce texte – qui est un mauvais texte, tout
le monde vous le dit. Et chaque amendement, même rédactionnel, nous permet
d’argumenter sur le fond. Revisionnez nos débats et vous constaterez que chaque
amendement est bel et bien argumenté.
Vous avez engagé la procédure
accélérée, vous procédez par ordonnances – on l’a dit. Le spectacle que
vous venez de donner ? Les Français jugeront et l’histoire jugera. C’est la
démocratie, c’est la République française qui est bafouée.
M. Philippe
Gosselin. Absolument !
M. Michel
Larive. Quand la majorité quitte l’hémicycle, elle ne s’accommode pas de
cette République puisqu’elle ne reconnaît pas les droits de l’opposition. Cette
dérive autoritaire, sachez-le, nous inquiète vivement et nous la dénonçons.
(M. Philippe Gosselin applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. André Chassaigne, pour un ultime
rappel au règlement.
M. François
Ruffin. Je demande moi aussi la parole pour un rappel au
règlement !
M. le
président. Il n’y en aura qu’un par groupe, monsieur Ruffin, comme le
prévoit le nouveau règlement, et le ministre Fesneau y répondra.
M. Jean
Lassalle. Vous présidez très bien, monsieur Renson !
M. le
président. Merci, monsieur Lassalle.
M. André
Chassaigne. Je tiens, par ce rappel au règlement à exprimer une forme de
fierté, puisque mon groupe a été mis en cause, ainsi qu’une forme de
soulagement.
Je commencerai par la fierté. Vous avez pu constater une
sorte de colère, de la part de la majorité – mais tout ça, c’est du cinéma
pour préparer ce qui va venir.
M.
Dominique Potier. C’est vrai !
M. Philippe
Gosselin. C’est une mise en scène !
M. André
Chassaigne. J’éprouve une forme de fierté parce que quand vous lirez les
comptes rendus de nos interventions, vous verrez qu’elles sont travaillées,
argumentées,…
M. Thierry
Benoit. Tu parles !
M. André
Chassaigne. …qu’elles décortiquent le texte, et quand vous prendrez le
temps d’examiner tout ce que nous disons, vous ne trouverez pas d’argumentations
en rupture avec le projet de loi. C’est là, comme président de groupe, mon sujet
de fierté.
Ensuite, je dirai, en une phrase ou deux, mon soulagement. Je
suis particulièrement soulagé, chers collègues, parce que je commençais à
m’imaginer, allez comprendre pourquoi, que la majorité était dépourvue de
colonne vertébrale. Je voyais en effet ces députés ramper et je me disais qu’ils
n’en avaient pas. Or ils se sont levés, sont sortis – donc, oui, ils ont
bien une colonne vertébrale. (Sourires.)
M. Patrick
Mignola. Merci…
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Franchement !
M. le
président. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo, pour
un rappel au règlement, au nom du groupe UDI-Agir.
Mme Agnès
Firmin Le Bodo. Je n’ai pour ma part pas du tout un sentiment de fierté,
j’ai un sentiment de honte. J’ai honte pour l’image que nous renvoyons à ceux
qui nous regardent encore à cette heure et honte pour l’image que nous donnons,
depuis l’hémicycle, depuis maintenant huit jours.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Tout
à fait !
Mme Agnès
Firmin Le Bodo. Nous avons été élus pour faire la loi, pour déposer des
amendements, pour les défendre.
M. André
Chassaigne. C’est bien ce que nous faisons !
Mme Agnès
Firmin Le Bodo. Mais nous sommes là pour défendre des amendements de
fond – j’aimerais d’ailleurs que nous en venions bientôt aux nôtres –
et non des amendements « synonymes » ou « Saint-Glinglin ».
Il serait bon que cette mascarade cesse…
M. André
Chassaigne. Merci de le reconnaître !
Mme Agnès
Firmin Le Bodo. …et que nous reprenions sérieusement nos travaux.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur les bancs des
commissions.)
M. le
président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec
le Parlement.
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur Chassaigne, nous sommes ensemble, avec le secrétaire d’État
Pietraszewski et de nombreux députés, depuis huit jours, si ce n’est neuf, et
chacun doit assumer ses responsabilités.
M. Thierry
Benoit. Oui ! La mauvaise foi provient de tous les bancs !
M. Marc
Fesneau, ministre. L’opposition a des droits et vous ne m’avez
jamais entendu les remettre en cause, jamais. Mais assumez vos droits, y compris
votre droit d’obstruction ! (Applaudissements sur les bancs des
commissions.)
M. Michel
Larive. Nous l’assumons !
M. Marc
Fesneau, ministre. Il faut assumer, vous l’avez déclaré sur les
plateaux de télévision – ce que vous faites à longueur de journée et de
soirée. Assumez donc vos positions ! Nous assumons les nôtres comme nous
assumons notre texte. N’inversez pas les rôles, monsieur Chassaigne ! Je
vous respecte trop, et ce n’est pas un effet de manche – quand on est
ministre des relations avec le Parlement et quand on aime le débat démocratique
et la politique, il faut respecter ses adversaires –, je vous respecte trop
pour penser que vous n’assumez pas vos positions.
M. Michel
Larive. Nous les assumons, mais eux non : regardez, leurs bancs
sont vides !
M. Marc
Fesneau, ministre. Monsieur Larive, ce n’est pas la peine de
désigner qui que ce soit.
Hier, je vous entendais, monsieur Viry, nous
dire qu’il s’était établi une complicité entre la majorité, le groupe FI et le
groupe GDR pour faire de l’obstruction ; et maintenant, les députés de la
majorité ayant dit qu’ils ne voulaient pas être complices de cette obstruction,
vous leur reprochez de partir. Il faut être cohérent.
Je reconnais que le
groupe Les Républicains et le groupe Socialistes et apparentés n’ont pas fait le
choix de l’obstruction.
M. Thierry
Benoit. Certains de leurs membres, pas tous ! (Exclamations sur
les bancs du groupe LR.)
M. Marc
Fesneau, ministre. « Certains »… Je vous laisserai
faire le tri vous-même, monsieur Benoit ! (Exclamations sur les bancs
des groupes LR et FI.)
Mme Danièle
Obono. Ce sont les « gentils », n’est-ce pas ? Vous êtes
le ministre des bons points ?
M. Loïc
Prud’homme. Ce que vous voulez, c’est choisir votre opposition. C’est
une honte !
M. Marc
Fesneau, ministre. Ne vous énervez pas ; je voulais
simplement être aimable.
Quoi qu’il en soit, ne venez pas reprocher à la
majorité de trouver qu’après neuf jours de débats, alors que nous n’avons
examiné que 11 ou 12 alinéas sur 985, il y ait une atmosphère
d’obstruction.
Monsieur Dharréville, vous êtes trop honnête
intellectuellement pour que nous ne soyons pas dupe de vos amendements proposant
des changements de dates. Ce n’est pas ainsi qu’on travaille !
M. Thibault
Bazin. C’est du théâtre !
M. Marc
Fesneau, ministre. Ce que je propose, c’est que chacun assume ses
responsabilités et joue son rôle en conséquence : l’obstruction pour vous
et la volonté d’avancer pour nous. (Murmures.)
M. Thibault
Bazin. Votons le texte !
M. Marc
Fesneau, ministre. Mais, par pitié, assumez vos positions !
C’est tout ce que je vous demande et vous verrez que les citoyens seront plus
éclairés. (Applaudissements sur les bancs des commissions. – Exclamations sur
les bancs du groupe LR.)
M. Fabien
Di Filippo. Allez, on vote !
Article 2 (suite)
M. le
président. Je vous propose, puisque les membres du groupe GDR en ont
pris l’engagement, de terminer rapidement la présentation des amendements qui
restent en discussion commune.
(« Défendu ! »,
« On vote ! » et
exclamations diverses sur les bancs du groupe LR.)
S’il vous plaît,
chers collègues, j’essaie simplement de vous donner les clefs de la fin de la
présente séance – une séance agitée.
Quatre membres du groupe GDR
prendront la parole pour écluser ces amendements identiques et nous en aurons
terminé avec cette discussion commune. Chaque groupe aura droit à une ou deux
interventions sur le fond et nous procéderons au vote avant de lever la
séance.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir
l’amendement no 33382 et les quinze amendements identiques déposés
par les membres du groupe de la gauche démocrate et républicaine.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Je défendrai dans le même temps, monsieur le
président, la série d’amendements identiques suivante. Je ferai observer, pour
apaiser les esprits, que nous n’avons jamais examiné autant d’amendements en
aussi peu de temps.
M. Marc
Fesneau, ministre. Merci…
M.
Jean-Paul Dufrègne. Si la majorité n’avait pas fait obstruction depuis
un certain temps,…
M. Pierre
Cordier. Arrêtez !
M.
Jean-Paul Dufrègne. …eh bien, nous aurions terminé. (Exclamations sur
les bancs des groupes LR et UDI-Agir, ainsi que sur les bancs des
commissions.)
M. le
président. Venez-en au fond, s’il vous plaît, monsieur Dufrègne.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous proposons, par cette série d’amendements, de
repousser à plus tard l’entrée en vigueur de votre réforme qui n’est pas prête.
(M. Jean Lassalle applaudit.) Les débats que
nous avons ici depuis plusieurs jours ou même seulement depuis quelques heures
le confirment.
Sur plusieurs sujets vous renvoyez à plus tard. En effet,
au cours de la discussion, vous nous avez indiqué que la question de la retraite
des sapeurs-pompiers volontaires serait renvoyée à une proposition de loi. En ce
qui concerne les retraites agricoles, vous laissez sur le bord de la route les
pensionnés actuels en ouvrant le minimum de retraite à 85 % du SMIC aux
seuls retraités à compter de 2022. (M. Jean Lassalle
applaudit.)
M. Philippe
Gosselin. Et on va créer une mission pour traiter du cas des retraités
actuels !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Et, pour les retraités actuels, vous renvoyez la
question à une mission d’information alors que le problème est connu depuis de
nombreuses années.
M. Loïc
Prud’homme. Exactement ! C’est de l’hypocrisie !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Notre groupe avait déposé une proposition de loi, en
2018, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée, mais que la majorité actuelle a
repoussée au Sénat, renvoyant à la réforme des retraites. Nous y sommes et voilà
que vous procrastinez une fois de plus. Vous allez alimenter la déception et la
colère dans le monde agricole.
M. Fabien
Di Filippo. Nous allons voter, monsieur Le Gendre !
M. Pierre
Cordier. Où sont vos troupes, monsieur Le Gendre ?
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Oh ! On ne parle pas de « troupes » quand il s’agit d’un groupe
parlementaire !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Sur plusieurs sujets, vous renvoyez de manière
opportune aux ordonnances ou au dialogue social, laissant la représentation
nationale dans le flou complet. Le dialogue social est instrumentalisé
(M. Jean Lassalle applaudit) avec le lancement
d’une conférence de financement pour déterminer l’équilibre financier à court
terme – 2022-2027 –, dans le but de trouver 12 milliards d’euros
d’économies, une conférence orientée dans laquelle les syndicats n’ont aucune
marge de manœuvre puisqu’elle exclut le levier de la cotisation, vu qu’il ne
doit pas y avoir de hausse du coût du travail, et demande de négocier
l’abaissement des droits par le moyen de plusieurs paramètres : âge légal,
durée d’assurance, modalités de décote et de surcote, mobilisation du fonds de
réserve des retraites… Une ordonnance prévue à l’article 57 entérinera les
conclusions d’un éventuel accord qui devrait être conclu d’ici à la fin
avril.
M. le
président. Merci de conclure, cher collègue.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Je conclus pour les deux séries d’amendements
identiques, monsieur le président.
Je reprends. Le dialogue social est
donc placé sous ordonnances.
Pourquoi ne pas attendre la fin des
négociations avec les organisations syndicales avant de légiférer ? Vous
avez décidé seuls de lancer début janvier des négociations avec les syndicats
sur plusieurs sujets :…
M. Maxime
Minot. Tout cela est bien brouillon !
M.
Jean-Paul Dufrègne. …pénibilité, emplois de seniors, retraite
progressive, minimum contributif… – cela seulement trois semaines avant
l’examen du texte au Parlement –, dans le but de donner une coloration
sociale à ce projet néfaste et mal ficelé. Voilà un certain nombre de raisons
qui justifient le fait de reporter ce projet.
M. le
président. Je vous remercie, monsieur Dufrègne. Je note que vous avez
donc également défendu l’amendement no 33366 et les quinze
amendements identiques déposés par le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
M. Maxime
Minot. Nous allons voter !
M. le
président. Sur les seize amendements identiques
nos 33350 à 33365 à venir, je suis saisi par le
groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir
cette nouvelle série d’amendements identiques déposés par le groupe de la Gauche
démocrate et républicaine. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe
LR.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Je défends à nouveau deux séries, monsieur le
président, celle que vous venez d’appeler et la suivante.
M. le
président. La série suivante comprend donc l’amendement no
33334 et les quinze amendements identiques déposés, toujours, par le groupe de
la Gauche démocrate et républicaine. Vous disposez de deux minutes, monsieur
Dufrègne.
M. Jacques
Marilossian. C’est du stakhanovisme !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Trente-deux amendements d’une traite : quand je
vous dis que nous allons vite !
Sur nombre de questions de fond que
nous vous posons, vous ne donnez aucune réponse. Quel sera le taux de
remplacement des retraites après la réforme ? Il est de 75 %
aujourd’hui sur la base des derniers salaires. À quoi correspond une carrière
complète dans le système par points ? Dans le système actuel, nous le
savons, il faut avoir cotisé quarante et une années et demie pour partir avec
une retraite à taux plein. Dans le texte, il est seulement fait référence à une
carrière complète de quarante-trois ans pour disposer du minimum de retraite et
du dispositif carrière longue. Quelle sera la valeur d’acquisition du
point ? Faudra-t-il avoir cotisé 10 euros pour obtenir un point de
retraite, comme le prévoit le rapport Delevoye ? À quel niveau va évoluer
cette valeur en 2022 ? Est-ce que la valeur d’acquisition va évoluer au
même rythme que la valeur de service, auquel cas les travailleurs devraient
travailler toujours plus pour obtenir un point ? Quelle sera la valeur de
service du point, c’est-à-dire le rendement de ce dernier ? Le point
sera-t-il égal à 0,55 euro, comme l’indique le rapport Delevoye ? La
valeur de service va-t-elle évoluer plus vite que la valeur
d’acquisition ?
Que recouvre l’indicateur d’indexation du point mis
en place par le texte à partir du revenu moyen par tête ? Dans ces
conditions, quelle serait l’évolution du point dans les prochaines années ?
Cette évolution sera-t-elle égale à celle du salaire moyen ? À quel âge les
assurés de la génération 1975 pourront-ils partir à taux plein ?
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Éric
Woerth. C’est bon, on a compris !
M. le
président. Merci, monsieur Dufrègne.
M.
Jean-Paul Dufrègne. J’ai pratiquement terminé, monsieur le président. Je
peux aussi m’arrêter là et défendre un autre amendement. (Mêmes
mouvements.)
Qui pourra encore partir avec une retraite à taux plein,
c’est-à-dire sans décote, à 62 ans ? Avec votre réforme, combien de
personnes pourront-elles prétendre à un départ anticipé avant l’âge d’équilibre
au titre de points acquis sur leur compte professionnel de
prévention ?
À toutes ces questions, nous n’avons eu aucune réponse.
Devant une telle impréparation, nous proposons de décaler l’entrée en vigueur de
cette mauvaise réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe
GDR.)
M. Maxime
Minot. Rappelez Georges Marchais !
M. Fabien
Di Filippo. Les travailleurs ne vous remercient pas !
M. le
président. Sur les amendements nos 33318 et identiques,
je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande
de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à Hubert Wulfranc pour soutenir l’amendement
no 3318 et les quinze amendements identiques déposés par les
membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Hubert
Wulfranc. Pourquoi égrenons-nous des amendements qui vous demandent de
décaler votre réforme, y compris à moyen terme ? Nous considérons que deux
variables majeures sont totalement incertaines à l’heure actuelle et que vous ne
produisez aucun engagement ferme en la matière.
Il y a d’abord le
problème de la croissance économique. Quelle est la part de la richesse que vous
entendez consacrer à court et moyen terme aux pensions ? Nous constatons
aujourd’hui que vous n’êtes pas en mesure de consolider à court et moyen termes
l’indice de croissance sur lequel vous tablez. Je ne prendrai qu’un
exemple : vous avez vu combien la fameuse bourse, qui détermine ce que vous
interprétez comme étant la croissance économique, pouvait être sensible en
quelques heures à un accident sanitaire majeur comme celui lié au coronavirus.
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Elle aurait pu de la même
manière réagir à une crise internationale, par exemple au Moyen-Orient, ou au
choc politique, redouté par tous en Europe, que constituerait la montée en
puissance du populisme. Un événement de cette nature aurait nécessairement un
effet majeur sur les éléments centraux de votre réforme que sont la croissance
économique et le PIB, sur lesquels les pensions sont indexées.
Un
deuxième élément…
M. le
président. Ce sera le dernier, monsieur Wulfranc, car votre temps de
parole est écoulé !
M. Hubert
Wulfranc. Il y a ensuite le problème de l’évolution de l’emploi, en
particulier de l’emploi public. Vous n’êtes absolument pas en mesure de faire
des projections en la matière puisque le rapport du comité Action publique 2022
est déjà tombé aux oubliettes, parce que vous êtes sur la défensive s’agissant
de l’emploi et des services publics, qui sont pourtant déterminants en matière
de cotisations sociales.
M. le
président. Dans la discussion commune, la parole est à M. Fabien
Roussel pour soutenir l’amendement no 33302 et les quinze
amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate
et républicaine, qui font l’objet d’un sous-amendement no
42451.
M. André
Chassaigne. Ensuite, vous pourrez faire entrer les comédiens qui
attendent en coulisses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR,
sur plusieurs bancs des groupes LR et LT ainsi que parmi les députés
non-inscrits.) Ce sont des intermittents du spectacle !
M. Pascal
Brindeau. Monsieur Roussel est aussi un intermittent !
M. le
président. Monsieur Roussel, je vous ai donné la parole :
prenez-la !
M. Fabien
Roussel. Monsieur le président, c’est qu’il y a un véritable brouhaha
dans les couloirs car les députés de la majorité préfèrent rester à l’extérieur
plutôt qu’être dans l’hémicycle.
Je défendrai en même temps deux séries
de seize amendements, et je note à cette occasion que nous n’avons jamais
examiné autant d’amendements en un délai si bref depuis que nous avons commencé
l’examen du projet de loi.
Ces amendements visent à repousser le plus
tard possible une réforme de régression sociale qui va faire tant de mal au
monde du travail dans notre pays. Nous proposons de repousser la réforme à 2048.
Elle ne devrait toucher que les générations nées à partir de 2030.
Je
regrette de vous faire cette proposition dans un hémicycle particulièrement vide
alors qu’il est minuit et que la majorité est ultra-majoritaire. Elle dispose de
la majorité absolue, mais elle préfère déserter les bancs de l’Assemblée plutôt
que répondre aux questions que nous posons depuis le début de l’examen de ce
texte.
M. Marc
Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement. Ils
seront là pour voter, vous verrez !
M. Fabien
Roussel. Qui seront les gagnants de la réforme ? Il n’y en aura
pas. Aucun salarié, qu’il travaille dans le public ou le privé, ne sera gagnant,
et toutes les générations seront touchées. C’est pour cela que nous demandons
que cette réforme soit repoussée le plus possible.
Je reviens à mon jeune
conducteur, né en 2004 à Bordeaux : il a seize ans, il est au lycée en
première et il veut conduire des bus dans cette ville. (Exclamations sur
plusieurs bancs des groupes LR et UDI-Agir.)
M. Frédéric
Reiss. Qu’il passe déjà le permis !
M. Fabien
Roussel. À 21 ans, il passera le concours et il l’aura. En 2025, il
conduira des bus. Devra-t-il travailler jusqu’à ses 65 ans pour avoir droit
à une retraite sans décote et si oui, quelle décote subira-t-il s’il part avant
cet âge ? Là est la question. Aujourd’hui, grâce à leur régime, les agents
de la RATP ont le droit de partir plus tôt sans décote.
(« Ça suffit ! » sur
les bancs du groupe UDI-Agir.)
M. le
président. Monsieur Roussel, merci de conclure .
M. Fabien
Roussel. Avec votre réforme, ils devront travailler jusqu’à 65 ans.
C’est tout le problème, et c’est pourquoi nous voulons repousser autant que
possible l’entrée en vigueur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du
groupe GDR.)
M. le
président. L’amendement no 33302 et les quinze amendements
identiques font l’objet d’un sous-amendement no 42451. La parole
est à Mme Danièle Obono, pour le soutenir.
Mme Danièle
Obono. Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui vise à soutenir les
propositions de nos collègues du groupe GDR parce que nous pensons qu’il est
nécessaire de voter le recul de l’application de cette mauvaise réforme, pour
que nous nous donnions le temps de construire une majorité qui abrogera cette
mauvaise loi.
Il est important de revenir sur le fond des alinéas en
cours d’examen car ils visent à opposer les générations de Français et de
Françaises entre elles, d’opposer les grands-pères aux parents et aux enfants,
alors qu’aujourd’hui, dans notre pays, il faudrait unir : unir autour
d’objectifs de relance de l’activité, qui répondent à la question des
retraites.
C’est possible avec une politique comme celle que nous
proposons, qui vise à développer les services publics et de nouveaux emplois
dans le service à la personne ou dans le soin aux seniors. Ces nouveaux emplois
permettront aussi de répondre à l’enjeu de la transition écologique, de former
des jeunes et de leur donner une perspective d’avenir. Il s’agit de ne plus les
désespérer comme le fait le Gouvernement.
Dans ces conditions, nous
aurons un salariat investi non seulement dans l’emploi, mais aussi dans la
retraite, avec des retraites dignes et la possibilité de partir à 60 ans en
continuant à être actif parce que les nouvelles générations de retraités auront
des revenus décents.
Voilà pourquoi il est important d’adopter ces
amendements et de repousser ad vitam aeternam l’application de cette mauvaise
réforme. Il faut que nos majorités progressistes, insoumises et autres aient la
possibilité de rétablir la retraite à 60 ans pour tous et toutes, et
d’offrir un horizon de perspectives de transformations sociales pour tous les
salariés et pour tout le pays.
M. le
président. L’amendement no 33286 et les amendements
identiques déposés par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont déjà
été défendus par M. Roussel.
Comme convenu, nous considérons que les
séries d’amendements identiques suivantes déposés par le groupe de la Gauche
démocrate et républicaine sont défendues.
Je rappelle que cela concerne
les amendements du no 31483 au no 28368, à la fin de
la discussion commune.
C’est bien cela, monsieur Roussel ?
M. Fabien
Roussel. Tout à fait, monsieur le président.
M. le
président. Nous allons maintenant entendre les avis du rapporteur et du
Gouvernement sur l’ensemble des amendements en discussion commune. (Les
députés des groupes LaREM et MODEM reviennent dans l’hémicycle. – Huées sur les
bancs du groupe LR. – Applaudissements et quolibets sur les bancs des groupes FI
et GDR.) Mes chers collègues, soyez respectueux, les uns et les
autres !
M. André
Chassaigne. L’entrée des artistes ! Côté cour et côté
jardin !
M. le
président. Je remercie nos collègues qui souhaitent revenir dans
l’hémicycle de le faire de manière silencieuse.
La parole est à
M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je me suis exprimé à plusieurs reprises sur
le déni de démocratie qui s’organisait dans cet hémicycle et pour dire comment,
collectivement, nous sapions le rôle de l’Assemblée.
Mme Danièle
Obono. Voilà qui s’appelle répondre sur le fond !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous avons posé des questions précises : nous
attendons des réponses !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Peut-être avez-vous vu, tout à l’heure, que
je me suis absenté un quart d’heure. Ma femme et mes enfants étaient dans les
tribunes du public. Ils sont venus me voir. Je n’étais pas rentré depuis trois
semaines. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR. –
M. André Chassaigne se lève et présente un mouchoir à
M. le rapporteur.)
Mme Danièle
Obono. C’est quoi, cette réponse ?
M. le
président. Monsieur le rapporteur, quel est l’avis de la commission sur
les amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. J’ai le droit d’exprimer mon sentiment. Sur
chaque amendement, j’ai essayé en commission comme dans l’hémicycle d’apporter
une réponse dans la mesure de ce que j’avais compris. (Applaudissements sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.) J’ai fait cet effort.
Avec les
administrateurs de la commission, nous avons consacré du temps à travailler sur
les 656 amendements en discussion commune – ils portent sur
l’alinéa 5 de l’article 2, et je signale que nous examinerons une
série équivalente d’amendements portant sur l’alinéa 6.
Je vais donc
prendre le temps de répondre à ces amendements, et il faut évidemment répondre
sur le fond. Une série d’amendements consistait à remplacer 2022 par 2023, 2024,
2025, ainsi de suite jusqu’en 2082. Dans ce dernier cas, on viserait des
personnes qui ne sont pas encore nées. Je me suis dit que les auteurs de ces
amendements attendaient une réponse de qualité. J’ai donc un scoop ce
soir : je vais vous expliquer le choix de l’année 1975.
Le ministère
a accepté de discuter avec le rapporteur à ce sujet – c’est une
première.
Mme
Marie-Noëlle Battistel. Pourquoi est-ce une première ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Initialement, nous avions pensé à 1976.
Pour le secrétaire d’État, cette année-là évoquait la chanson « Dancing
Queen » ; pour moi, c’était plutôt « Gabrielle ». (Rires
et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur
les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.)
Nous nous sommes toutefois
dit que 1976 risquait de rappeler au député Juanico, fan de
l’AS Saint-Étienne, un mauvais souvenir de poteaux carrés. Nous n’avons
donc pas retenu cette date. (Mêmes mouvements.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Ce n’est pas sérieux.
M. Thibault
Bazin. Vous vous moquez des Français !
Mme
Marie-Christine Dalloz. C’est affligeant !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous avons ensuite hésité avec 1983 :
l’année de la victoire de Yannick Noah à Roland-Garros. C’était une bonne année,
mais j’ai pensé que Thibault Bazin allait se sentir gêné parce qu’à un an près,
il était concerné par la réforme. (Mêmes mouvements.)
Plusieurs députés du groupe
LR. C’est honteux !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous aurions pu choisir 1993, qui a été une
très bonne année dans le Bordelais, mais les députés bourguignons et la députée
Bourguignon auraient mal réagi. (Mêmes mouvements.)
M. François
Ruffin. Rappel au règlement !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Pour ma part, j’ai particulièrement défendu
l’année 2007, année de création du MODEM, mais, je dois le reconnaître, le MODEM
a perdu les arbitrages. (Mêmes mouvements.)
Après moult
discussions, nous avons donc retenu l’année 1975 pour inclure spécifiquement
M. Dharréville, M. Vallaud et M. Ruffin. Voilà comment la
décision a été prise. (Mêmes mouvements.)
M. Fabien
Roussel. Bravo ! Joli travail !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Une chose m’est revenue, à l’improviste,
tout à l’heure. Certains parmi vous avaient déclaré : « La République,
c’est moi. » Eh bien, moi, je vous dis : « La République, c’est
nous ; et vous, vous n’êtes rien ! » (Applaudissements sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM. – Vives protestations sur les bancs des
groupes LR, SOC, LT, FI et GDR, ainsi que parmi les députés non
inscrits.)
M. Thibault
Bazin. C’est scandaleux !
M.
Dominique Potier. Vous n’avez pas le droit de dire ça ! C’est
honteux !
Mme Agnès
Thill. Rappel au règlement !
M.
Jean-Paul Dufrègne. On a un petit problème…
M. le
président. Mes chers collègues, un peu de calme, s’il vous plaît.
M. Maxime
Minot. Le rapporteur dit que nous ne sommes rien, bon sang !
M. Alain
Bruneel. La réponse du rapporteur est à la hauteur de la
réforme !
Mme Danièle
Obono. Ils sont grillés !
M. le
président. Je vais donner la parole au secrétaire d’État pour qu’il
donne l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des amendements en discussion, puis
nous aurons une série de rappels au règlement. (Exclamations
persistantes.)
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je vais tenter de m’exprimer
pour apaiser un peu les esprits.
Les amendements identiques ne proposant
qu’une modification de date, déposés par les membres du groupe GDR et d’autres
députés, ont suscité un grand nombre de réactions. Celles-ci sont
compréhensibles car la volonté qui avait été antérieurement affichée, y compris
par les auteurs des amendements, était de débattre sur le fond. Or force est de
constater que le but n’a pas été atteint.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous avons posé des questions ! Nous n’avons
pas de réponses !
M. Jérôme
Lambert. Ils avaient quitté l’hémicycle !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. M. Wulfranc, par exemple,
nous a parlé de la croissance économique, de la bourse, du coronavirus, d’une
éventuelle crise au Moyen-Orient, de l’amélioration de l’emploi… Je ne fais que
vous citer, monsieur Wulfranc ! Vos propos n’avaient pas grand-chose à voir
avec la réforme des retraites. (Applaudissements sur plusieurs bancs des
groupes LaREM et du MODEM.)
M. Fabien
Roussel. Nous n’avons pas parlé de Yannick Noah, nous !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur le président
Chassaigne, je suis très déçu car vous vous êtes plusieurs fois engagé à porter
le débat sur le fond. Or à cette heure tardive de la journée, la représentation
nationale réunie ici constate que vous êtes bien loin de votre promesse. C’est
très décevant !
Plusieurs députés du groupe
GDR. Oh oui, c’est décevant !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Avis défavorable sur l’ensemble
des amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à Mme Agnès Thill, pour un rappel au
règlement.
Mme Agnès
Thill. Ce que je viens d’entendre de la part de M. le rapporteur
est scandaleux et honteux, mais c’est des amendements que je veux parler.
Lorsque les députés du groupe majoritaire, La République en marche, quittent
l’hémicycle… (Vives exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Je veux pouvoir parler ! Je suis députée comme vous ! Quand la
majorité… (Mêmes mouvements.) Je veux pouvoir parler !
M. le
président. Allez-y, madame Thill !
Mme Agnès
Thill. Eh bien, qu’ils se taisent ou qu’ils repartent !
M. le
président. Sur quel fondement souhaitez-vous faire un rappel au
règlement ?
Mme Agnès
Thill. Sur le fondement de l’article 100 du règlement, relatif aux
amendements. Si la majorité s’en va, alors qu’elle assume et qu’elle ne revienne
pas au moment du scrutin public. Sinon, c’est du cinéma !
M. Thibault
Bazin. Même une marcheuse le dit !
Mme Agnès
Thill. Quand on s’en va, on ne suit pas les débats sur les écrans de la
salle des conférences pour revenir au moment du scrutin public. Ce que vous
faites, c’est du cinéma ! (M. Alain Bruneel
applaudit. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Philippe Gosselin pour un autre
rappel au règlement.
M. Philippe
Gosselin. Je me fonde sur les articles 100 et 58 : on va vous
faire un joli mix !
Le groupe Les Républicains ne peut pas accepter
les propos inqualifiables du rapporteur (Applaudissements sur les bancs des
groupes LR, SOC, LT, FI et GDR) à l’adresse de collègues députés – des
élus de la nation, qui ont leur légitimité. On pense ce que l’on veut sur ces
bancs – c’est la grandeur de la démocratie –, mais on ne s’adresse pas
à une partie de l’hémicycle, à des collègues, en disant : « Vous
n’êtes rien » ! (Mêmes mouvements.
–Mmes Emmanuelle Ménard et Agnès Thill applaudissent
également.) C’est inqualifiable, c’est indigne. Reprenez-vous ! Si vous
perdez vos nerfs après trois semaines de débat, allez vous coucher, cela fera du
bien à tout le monde !
M. le
président. Monsieur Gosselin, permettez-moi de vous interrompre un
instant. J’en appelle à la responsabilité des uns et des autres.
M. Alain
Bruneel. Il faut le dire au rapporteur !
M. le
président. Le rapporteur a eu des traits d’humour… (Exclamations sur
plusieurs bancs.)
M. Alain
Bruneel. Ce n’est pas de l’humour !
M. le
président. …et des propos excessifs. Cela arrive à tout le monde. J’en
appelle réellement à la responsabilité de chacun.
M. Dino
Cinieri. Nous voulons des excuses !
M. le
président. Dans l’intérêt de tous les groupes politiques ici présents,
pensez à l’image que nous donnons de notre institution ! Monsieur Gosselin,
vous avez la parole pour terminer votre rappel au règlement.
M. Philippe
Gosselin. C’est un dérapage incontrôlé de la part du rapporteur, et qui
nuit au bon déroulement de nos débats.
Second point : que le
rapporteur s’amuse à faire de l’humour de mauvais aloi, c’est son affaire, mais
nous ne sommes pas dans une salle de gare, ni au café du commerce, ni dans une
téléréalité (Mme Agnès Thill applaudit) ; nous
sommes dans un débat relatif aux retraites. Je peux vous assurer qu’aucun de nos
concitoyens nés en 1975, 1980 ou 1993 n’a trouvé ce trait d’humour
particulièrement pertinent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI et sur plusieurs bancs du groupe SOC. – M. Jean Lassalle
applaudit également.) Quand il s’agit de réformer la vie de millions de nos
concitoyens, on ne prend pas le sujet à la légère, avec de l’humour à deux
balles ; on débat, quand bien même le débat ne vous siérait pas ! Cela
s’appelle être responsable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes
LR, SOC, LT, FI et GDR. – Mme Agnès Thill applaudit
aussi.)
Troisièmement, la petitesse de la majorité… (Vives
protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Mais si, c’est de
la mise en scène ! C’est de la mise en scène, mais c’est du bien mauvais
théâtre. Vous êtes en train de nous préparer le recours à l’article 49,
alinéa 3 de la Constitution. C’est de la mascarade ! Méfiez-vous,
l’arroseur arrosé n’est pas loin ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes LR, SOC, LT, FI et GDR.)
M. Fabien
Roussel. Exactement !
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour un rappel au
règlement.
Mme
Emmanuelle Ménard. Je m’appuie sur l’article 100 de notre
règlement.
Depuis plus de huit jours, la majorité ne cesse de délivrer
des leçons de morale, pour offrir ce soir un spectacle se situant entre
– j’hésite ! – le cirque, le cinéma et la mauvaise comédie ;
comédie dramatique, voire pathétique.
Mme
Bérangère Couillard. Ce n’est pas nous, le cirque !
Mme
Emmanuelle Ménard. Si, c’est vous ! Vous nous faites des leçons de
morale à tout bout de champ pour finir avec les moqueries du rapporteur, qui
plaisante de façon plus que douteuse sur un sujet sérieux et qui nous insulte en
nous traitant de rien. Vous qui ne cessez de rappeler l’opposition à l’ordre et
de dénoncer l’obstruction, vous donnez une très mauvaise image du
Parlement !
En fait, vos propos trahissent votre vision des
Français : c’est votre mépris envers eux qui transparaît ce soir.
Mme Danièle
Obono. Exactement !
Mme
Emmanuelle Ménard. Car les Français, ne vous en déplaise, se préoccupent
de leur situation et de leurs retraites. Ils ont envie d’avoir des réponses
claires et sûrement pas d’assister au spectacle que vous nous avez offert ce
soir.
M. le
président. La parole est à M. François Ruffin, pour un rappel au
règlement.
M. François
Ruffin. Votre Président avait donné le ton en évoquant ces « gens
qui ne sont rien ». Et voilà que vous nous dites à nous : « Vous
n’êtes rien. »
M. Gilles
Le Gendre. Rien à voir !
M. François
Ruffin. Mais à la limite, monsieur le rapporteur, ce n’est pas ce qui me
choque le plus dans vos propos. Ce qui me met en colère, c’est quand pour nous
expliquer pourquoi vous avez choisi la date de 1975 comme seuil à partir duquel
des générations entières basculent dans le moins-disant, vous nous sortez des
tubes, des poteaux carrés de Saint-Étienne et du Yannick Noah ! C’est ça,
l’explication qu’on est en droit d’avoir quand on s’interroge sur le calendrier
des réformes ? (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
C’est ça, vos explications ?
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Arrêtez ! Vous savez très bien que non !
M. François
Ruffin. C’est là les explications que vous donnez aux Français qui vont
partir en retraite ?
(« Tartuffe ! »
sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Jacques
Marilossian. C’était de l’humour !
M. François
Ruffin. De l’humour ? Normalement, on doit avoir un rapporteur, pas
un pitre ! (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Tout ce bazar a pour cause le calendrier. Voilà deux ans et
demi qu’on attend cette réforme ; vous êtes passés par-dessus les
négociations avec les syndicats, vous avez fourni au Conseil d’État une étude
d’impact bâclée, et engagé la procédure accélérée sur le texte à l’Assemblée.
Depuis le début des débats, nous n’avons toujours pas compris pourquoi le texte
faisait l’objet de cette procédure. Quelqu’un peut-il nous l’expliquer ?
Pourquoi doit-il être voté avant les élections municipales ? Pourquoi ne
peut-on pas attendre la fin de la conférence de financement ? Toutes ces
questions ont été posées et reposées plusieurs fois, mais ni rapporteurs ni
ministres ne nous ont apporté de réponses. (Applaudissements sur les bancs du
groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. Dominique Potier, pour un dernier
rappel au règlement.
M.
Dominique Potier. Ce sera mon premier rappel au règlement et la
troisième fois que je m’exprime sur le projet de loi. C’est avec émotion que je
prends la parole. Bien sûr, je n’ai pas goûté le grand-guignol de tout à
l’heure, ni l’expression « vous n’êtes rien » ; mais la chose qui
m’a le plus frappé – je le dis sans pathos –, c’est l’attaque contre
Hubert Wulfranc et sa défense de l’amendement. Je connais son histoire, je
connais l’homme qui l’est et j’ai de la considération pour chacun des
concitoyens qui l’ont élu député. Il n’y avait rien, dans ses propos, qui puisse
être ainsi ridiculisé.
M. Boris
Vallaud. Absolument !
M.
Dominique Potier. Comment a-t-on pu arriver à cette indignité ?
Comment peut-on perdre ses nerfs à ce point ? Comment a-t-on créé un
écosystème brutal et débile qui finit par nous abaisser tous, les uns et les
autres ? (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Arrêtez, s’il
vous plaît, laissez-moi m’exprimer ! J’en appelle, au nom de notre
démocratie, au nom de l’intérêt général et de la santé de notre pays, à la
réunion de la conférence des présidents ou d’une autre structure – peu
importe laquelle – qui nous permettrait d’arrêter les invectives, de nous
poser et de nous demander quel est le bon calendrier pour une bonne réforme.
M. Dino
Cinieri. Voilà !
M.
Dominique Potier. Il y va de la santé de notre pays. Vous rendez-vous
compte de ce qu’on est en train de bousiller ? J’en appelle à la raison et
à la sagesse. Il nous faut retrouver la capacité de débattre, de nous écouter,
de nous respecter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR, LT,
FI et GDR, ainsi que parmi les députés non-inscrits.)
Article 2 (suite)
M. le
président. Mes chers collègues, M. le rapporteur général souhaite
dire quelques mots. Je proposerai ensuite à chaque groupe d’exprimer sa position
sur l’ensemble de la discussion commune avant de procéder au vote. Ainsi, La
République en marche, Liberté et territoires, UDI-Agir, Les Républicains, le
groupe de la Gauche démocrate et républicaine, la France insoumise, le groupe
Socialistes et apparentés…
M. Patrick
Mignola. Et le MODEM, si vous voulez bien !
M. le
président. …et le MODEM – le meilleur pour la fin ! –
pourront prendre position sur cette longue série d’amendements.
La parole
est à M. le rapporteur général.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je ne sais pas trop
comment qualifier la soirée à laquelle nous venons d’assister.
M. Philippe
Gosselin. Pathétique !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Vous avez parlé de
mauvaise pièce de théâtre, mais je pense que nous n’avons pas fait qu’y
assister, nous y avons collectivement participé, tous bancs confondus.
(Protestations sur de nombreux bancs.)
M. Dino
Cinieri. Ne mélangeons pas les torchons et les serviettes !
M. Fabien
Roussel. Faut pas nous renvoyer dos à dos !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Voilà, ça recommence ! On ne peut jamais parler ! Ça gueule de tous
les côtés !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Ce soir, je n’ai pas
monopolisé la parole, c’est la première fois que je m’exprime. En tant que
rapporteur général, je dis que c’est collectivement que nous avons participé à
ce qui vient de se passer. Voyez l’image que nous renvoyons de ce
parlement ! (Protestations sur les bancs du groupe GDR.) Comme l’a
bien dit tout à l’heure le ministre chargé des relations avec le Parlement,
chacun…
M. le
président. Chers collègues, laissons M. le rapporteur général
s’exprimer !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je suis désolé, mais
les insultes…
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous ne sommes pas là pour recevoir des
leçons !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Vous
nous avez traités de tous les noms !
M. Fabien
Roussel. C’est nous qui nous nous sommes fait insulter !
M. le
président. Allez-y, monsieur le rapporteur général, vous avez la
parole.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Et je la prendrai le
temps qu’il faut, monsieur le président !
Ici, au banc des
commissions, on est assailli de cris et on ressent beaucoup de pression. Le
rapporteur Turquois a plusieurs fois souligné qu’il entendait mal les orateurs
et qu’il avait une impression de harcèlement. C’est en effet l’ambiance générale
qui règne dans cet hémicycle, et c’est cela qui relève de notre responsabilité
collective.
Pourtant, nous faisons le travail et nous vous apportons des
réponses ; le rapporteur Turquois fait sa part sur le titre I, en
commission comme en séance. Nous allons procéder aux explications de vote, puis
voter. Ensuite, nous devons tous prendre le temps de la réflexion avant de
revenir demain dans cet hémicycle pour débattre plus calmement et de manière
plus respectueuse des uns et des autres. Nous le devons à cette institution et à
nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Alain
Bruneel. Alléluia !
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je vais voudrais deux mots.
Plusieurs députés du groupe
GDR. Pour faire des blagues ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Par rapport au fait de dire…
Plusieurs députés du groupe
LR. C’est terminé !
M. le
président. S’il vous plaît, chers collègues ! Poursuivez, monsieur
le rapporteur, je vous prie.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Tout à l’heure, j’ai vraiment poussé un
cri. Depuis que nous travaillons sur ce texte, j’essaie de vous répondre
– je pense en particulier aux députés Sébastien Jumel et Pierre
Dharréville, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Pierre
Dharréville. Nous ne vous avons fait aucun reproche, monsieur le
rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. En commission, nous avons essayé de tenir
un discours assez équilibré, même si, bien sûr, chacun restait sur ses
positions. J’essaie depuis le début de l’examen en séance publique d’argumenter
et de vous donner des réponses de fond.
M. Thierry
Benoit. Tout à fait !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Mais quand je dois donner un avis sur une
série de quelque 600 amendements, sachant que la même chose va se
reproduire demain, quel est mon rôle ? Quel est-il, à part faire le
guignol ?
M.
Dominique Potier. Arrêtez !
Mme Danièle
Obono. Vous avez un rôle à jouer !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je regrette, mais c’est ainsi que je
perçois les choses.
M. Dino
Cinieri. Il ne fallait pas accepter d’être rapporteur !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Tout cela n’est pas sérieux. Votre
opposition est légitime, mais ce mode de fonctionnement, ces arguments par
séries de 600 amendements ne servent pas le Parlement et ne nous font pas
grandir collectivement.
M. François
Ruffin. Vous ne pouvez pas dire cela !
M. Alain
Bruneel. C’est honteux !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je vous présente mes excuses pour avoir dit
que vous n’étiez rien, mais, à un moment donné, c’est le bonhomme qui parle.
J’essaie d’être présent au banc, avec l’équipe de corapporteurs. Nous avons tous
travaillé. Or là, nous desservons le fonctionnement du Parlement. N’en êtes-vous
pas convaincus ? Quel rôle jouons-nous ? Nous ne parlons qu’à
nous-mêmes. Quelle sera notre image demain dans les médias ? On nous
renverra l’image de gens qui s’amusent et qui passent le temps – des
puissants. Cela ne rime à rien.
Voilà ce que je voulais exprimer. Je suis
désolé de ma formulation, qui était sous le coup d’une impulsion, mais je vous
assure que l’on se grandirait à faire autre chose. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir, dont certains députés se lèvent et
continuent d’applaudir.)
M. le
président. Merci beaucoup, monsieur le rapporteur, pour ces propos
apaisants. Considérons que l’incident est clos pour tout le monde et que nous
pouvons passer aux explications de vote sur cette longue série d’amendements en
discussion commune.
La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. Je l’ai déjà dit : les amendements méritent d’être
défendus ; c’est la liberté qui nous est donnée de transcrire dans la loi
des points de vue et des avis. Nous, membres du groupe Les Républicains, ne
partageons pas le point de vue du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine : nous ne voulons pas reporter l’application d’un mauvais
projet de loi, nous voulons en ajourner l’examen…
M. André
Chassaigne. C’est ce que nous voulons aussi.
M. Stéphane
Viry. …pour revenir avec de meilleures intentions et de meilleures
orientations devant cette assemblée. Il serait de bon aloi d’entendre les
observations du Conseil d’État et d’admettre que le financement de la réforme
n’a pas été prévu et que le Gouvernement est incapable de nous donner les
précisions demandées.
Il faut donner du temps au temps. Sur un sujet
comme celui de la réforme du système de retraite, il faudrait admettre que
l’Assemblée doit travailler pendant plusieurs semaines, voire deux mois.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, FI et GDR.)
Mme
Marie-Noëlle Battistel. Tout à fait !
M. Stéphane
Viry. Pour les grandes lois de la République, il a parfois fallu deux à
trois mois pour adopter des textes qui ont fait la France, notre nation. Voilà
notre position par rapport aux amendements.
J’en viens à l’incident.
J’entends ce que dit M. le rapporteur. Monsieur le rapporteur, votre charge
est compliquée, comme celle de tout rapporteur d’un projet de loi, dès lors
qu’il y a un débat. La confrontation est nécessaire. Il est normal qu’elle soit
rugueuse, et plus encore s’agissant d’un texte comme celui-ci, à propos duquel
il est évident que nous sommes en désaccord.
Du bout des lèvres, vous
avez admis que vous avez commis un dérapage. (Exclamations sur plusieurs
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Quelle mauvaise foi !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Il
s’est excusé ! Ça va !
M. Stéphane
Viry. Vous n’aviez pas le droit de perdre vos nerfs. Vous n’aviez pas le
droit de dire à des collègues qu’ils ne sont rien. Ils sont élus au suffrage
universel ! (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. Monsieur Viry, nous en sommes aux explications de vote.
M. Stéphane
Viry. J’en termine, monsieur le président.
M. le
président. Vous avez cinq secondes pour terminer.
M. Stéphane
Viry. Comme notre collègue Potier, j’observe avec crainte ce qui arrive
à notre démocratie. J’ai peur pour la suite et j’appelle tout un chacun à
retrouver la raison, bien au-delà de l’examen de ce texte. (Applaudissements
sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe SOC.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce
n’était pas une explication de vote !
M. le
président. La parole est à M. Patrick Mignola.
M. Patrick
Mignola. Pour être députés, nous n’en sommes pas moins des hommes.
(« Et des femmes ! »
sur divers bancs.) Et comme tous les hommes et toutes les femmes, nous
pouvons commettre des erreurs.
J’ai envie de présenter moi aussi des
excuses. Je viens d’entendre dire que celles du rapporteur avaient été
présentées du bout des lèves, mais ce n’est pas vrai.
Je veux formuler
les excuses que nous nous devons les uns aux autres pour ce que nous vivons
depuis huit ou neuf jours,…
M. Thierry
Benoit. Trois mois !
M. Patrick
Mignola. …et qui ne peut pas donner une belle image de la démocratie. Je
formule ces excuses en mon nom, et aussi au nom du groupe du Mouvement démocrate
et apparentés. Et je pense que nous devrions présenter aussi des excuses aux
Français, parce que, de toute évidence, nous participons tous à un très vilain
spectacle. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, LaREM et
UDI-Agir.)
M. Fabien
Roussel. C’est incroyable !
M. Patrick
Mignola. Il est légitime qu’un gouvernement veuille réformer. Pour
répondre d’un mot aux multiples amendements qui ont été présentés, je dirai que
c’est parce qu’un pays ne sait pas se réformer et que l’on reporte de cinquante
ou soixante ans les réformes que des injustices profondes sont ressenties dans
le pays.
Nous ne soutiendrons pas ces amendements. Il est légitime qu’il
puisse y avoir des obstructions et des convictions différentes.
M. Loïc
Prud’homme. Mais il faudrait que nous nous taisions…
M. Patrick
Mignola. Quoi qu’il advienne de la procédure d’examen de ce texte
– et j’ai dit très clairement ce que j’en pensais à titre personnel –,
il me semble que nous pourrions, tous groupes confondus, travailler ensemble
afin d’éviter de mettre notre système démocratique dans un tel état, car nous en
sommes collectivement responsables.
Plusieurs députés des groupes
FI et GDR. Chiche !
M. Patrick
Mignola. Nous ne sommes pas « rien » ; nous sommes tous
ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
M. le
président. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.
Mme
Christine Pires Beaune. Pour ma première prise de parole de la journée,
je voudrais vous faire part de ma conviction profonde, qui est que votre réforme
est un big bang qui nous fera radicalement changer de système. Même s’il est
imparfait, le système actuel est sûr et prévisible, parce que nos meilleurs
salaires, que ce soit sur vingt-cinq ans ou sur six mois, déterminent le montant
de notre pension. Nous allons passer de ce système sûr et prévisible à un
système anxiogène et imprévisible, parce que les cotisations payées chaque mois
n’engageront plus à rien de précis sur ce que l’on percevra au moment de la
retraite.
C’est pourquoi la formule, qui a peut-être été séduisante
pendant la campagne, selon laquelle 1 euro cotisé donne les mêmes droits ne
séduit presque plus personne. Les gens ont bien compris qu’un tel chambardement
ferait de nombreux perdants, en premier lieu les fonctionnaires : non
seulement les enseignants, qui seront les plus touchés, mais aussi les
infirmières, les aides-soignantes. Ceux qui ont eu des carrières difficiles, en
raison d’emplois précaires ou de périodes de chômage, seront aussi parmi les
perdants.
Le pire est qu’avec cette réforme vous donnez les clefs du
camion à Bercy. Avec le système par points, c’est le cheval de Troie que vous
introduisez dans notre système solidaire de pensions. Nous n’en voulons pas
– d’autant qu’il n’y a aucune urgence à réformer notre système de
retraite.
Nous, membres du groupe Socialistes et apparentés, disons oui à
la réforme, mais à condition que ce soit une bonne réforme et que nous ayons du
temps pour la faire. Il ne faut sûrement pas la mener au pas charge, comme vous
le souhaitez. À tout le moins, il aurait fallu attendre le résultat de la
convention de financement. Nous n’en sommes plus à trois ou quatre mois
près !
Il est vrai qu’il règne ici un désordre total depuis sept
jours, mais c’est vous qui l’avez créé. Assumez ! (Applaudissements sur
les bancs des groupes SOC, FI et GDR et sur quelques bancs du groupe LR. –
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Paul Christophe.
M. Paul
Christophe. Je m’exprimerai au nom du groupe UDI, Agir et
indépendants.
Avec mon collègue Thierry Benoit, qui, comme moi, n’a pas
manqué beaucoup de débats, que ce soit en commission ou dans l’hémicycle, nous
nous faisions la réflexion suivante : à un moment donné, une certaine
lassitude s’installe. D’ailleurs, nous n’avons pas eu l’impression tant de
participer aux débats que d’y assister. Nous n’avons déposé qu’une centaine
d’amendements, dont seulement soixante-dix ont été retenus : autant dire
que nous avons essayé de ciseler les choses et d’engager un débat de fond sur
les articles dont les sujets nous interpellent. J’ose espérer que ce débat de
fond, nous l’aurons un jour ou l’autre.
Dimanche dernier, je me suis
permis une petite incartade : je suis rentré chez moi pour une journée. Les
gens m’ont interpellé.
M. Thierry
Benoit. C’est sûr !
M. Paul
Christophe. Ils m’ont dit : ce n’est quand même pas possible que
vous passiez des heures à débattre de l’intérêt de remplacer « à
tous » par « ensemble ». Eh bien, si ! Ils m’ont dit :
ce n’est pas possible de passer des heures de l’intérêt de remplacer
« aux » par « à tous les ». Eh bien, si !
M. Alain
Bruneel. On nous a dit le contraire, à nous.
M. Paul
Christophe. Je respecte le droit à amender ; je comprends qu’il y
ait des doutes et je reconnais la légitimité de discuter – mais, chers
collègues, présenter, comme vous l’avez fait ce soir, 656 amendements qui
ne font qu’égrener des dates ! Je ne suis pas sûr que cela nous grandisse,
ni que ce soit cela, le travail parlementaire.
Quand je suis arrivé ici,
je me suis réjoui de pouvoir travailler sur des dossiers de fond. Quand j’ai vu
la compétence intellectuelle qui transpire chez les uns et les autres, je me
suis dit que nous pourrions avoir de vrais débats, que nous pourrions même
– qui sait ? – changer la société. Or, quand je vois la manière
dont se déroulent les débats depuis le début de l’examen de ce texte, je nous en
trouve très éloignés et je me demande parfois où est ma place.
(Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, LaREM et
MODEM.)
Ce texte, dont l’examen n’est pas terminé, possède une
logique qui s’exprime au fil d’une succession de thèmes et d’articles. Nous
avons tout le loisir d’y intégrer ces questions. Pourquoi utiliser un
subterfuge, partir d’un amendement de suppression pour développer un tout autre
discours ? C’est impossible à comprendre pour les administrés !
M. Erwan
Balanant. C’est vrai !
M. Paul
Christophe. C’est impossible à gérer pour ce qui est de la logique de la
discussion. Je n’ai pas la science infuse, mais je vous le dis très simplement,
comme je le pense. C’est ainsi que je le ressens et ce sont les réactions que
mes administrés commencent à exprimer. Il doit quand même y avoir un
problème !
Il nous reste encore un peu de temps pour redresser la
barre, pour montrer ce qu’est un vrai travail parlementaire et pour ne pas
abîmer davantage encore cette Ve République à laquelle je suis
profondément attaché. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir,
LaREM et MODEM. – Certains députés se
lèvent et continuent d’applaudir.)
M. le
président. La parole est à M. Jean Lassalle.
M. Jean
Lassalle. Monsieur le président, je l’ai déjà dit trois fois, mais il me
plaît de le répéter : chapeau l’artiste ! Vous avez présidé une soirée
qui restera dans les annales.
J’ai déjà vécu dans notre assemblée des
moments qui n’avaient rien à envier à ceux que nous vivons ce soir. Nous
n’inventons rien. D’ailleurs, il faut être un peu modeste : on invente très
peu de choses dans une vie. D’autres, qui sont passés ici avant nous, avaient au
moins autant de capacités d’invention que nous.
Ce ne sont pas les
événements de ce soir qui me préoccupent le plus. Au fond, si nous nous mettons
dans un état pareil, c’est que nous sommes tous un peu perdus. Après tout, qu’y
a-t-il de si urgent ? (M. François Ruffin
applaudit.)
Mme Danièle
Obono. Les élections municipales !
M. Jean
Lassalle. Bien sûr, il vaudrait mieux le faire, mais avons-nous pris
conscience de ce qui se passe dans la rue depuis bientôt quinze mois ?
(Même mouvement.) Avons-nous pris conscience de la colère qui
s’exprime ? Nous sommes au bord de graves affrontements. Aussi
devons-nous tous reprendre la maîtrise de nos nerfs et être conscients que notre
grand et magnifique pays mérite le respect que nos prédécesseurs lui ont
accordé.
Je vois que les fonds de pension américains sont déjà là. Ils ne
me font pas plaisir du tout car je sais dans quel état ils ont mis le monde.
C’est la raison pour laquelle je voterai – au nom du groupe Libertés et
territoires, je l’espère – pour les amendements qui nous sont soumis.
(M. Jérôme Lambert applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Cher Nicolas Turquois, vous n’avez pas été mis en cause
personnellement, et d’ailleurs vous n’êtes pas personnellement en cause dans
cette affaire, même si je comprends la difficulté de votre position. Vous êtes
au carrefour de tensions considérables, qui existent bien au-delà de cet
hémicycle.
Mme
Marie-Christine Dalloz. C’est ça, le problème !
M. Pierre
Dharréville. Pour ce qui nous concerne, nous ne sommes pas en train de
jouer une comédie. Pour nous, la politique est une nécessité, une nécessité que
nous puisons dans notre existence, dans la vie de notre entourage et dans celle
de nos électeurs. Ce n’est pas un drame personnel ni même un drame
parlementaire. C’est, hélas, un drame social, qui nous mobilise. Au moins cela,
je vous donne crédit de l’avoir compris.
Nos amendements vous déplaisent.
C’est tout à fait votre droit, mais ce sont nos amendements. Ils nous
permettent, monsieur le secrétaire d’État, de développer un argumentaire
construit, qui peut, lui aussi, vous déplaire ou éventuellement vous
déstabiliser – peut-être est-ce ce qui s’est passé ce soir ?
M. Bruno
Questel. Oh non !
M. Pierre
Dharréville. Nous avons ainsi indiqué les raisons pour lesquelles nous
pensons que l’application de ce texte doit être repoussée.
Nous avons
choisi, c’est vrai, de nous donner du temps pour développer notre argumentaire,
mais quand vous rapporterez le nombre d’amendements que nous avons examinés ce
soir au nombre d’interruptions de tous ordres et de rappels au règlement qu’il y
a eu, vous constaterez que nous sommes allés beaucoup plus vite que nous ne
l’avons fait depuis le début de l’examen du texte. C’est un fait objectif
– vous pourrez le vérifier.
Ce que nous voulons, à travers ce débat,
c’est vous obliger à nous répondre et à regarder en face la réalité du projet de
loi. Nous continuerons à tenter de le faire, car nous pensons que ce texte n’est
pas bon et qu’il n’est pas prêt. Si vous refusez de le retirer, comme nous vous
le demandons, alors repoussez au moins son application. Tel est le sens de ces
amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, FI et
SOC.)
M. le
président. La parole est à M. Michel Larive.
M. Michel
Larive. Ce fut une soirée mouvementée ! Je crois vraiment que vous
devez vous calmer et agir avec responsabilité. (Exclamations sur les bancs du
groupe LaREM.) Vous avez la majorité, mais vous n’êtes pas supérieurs à
l’opposition. Nous sommes tous ici représentants de la nation devant l’ensemble
du peuple français.
Nous, membres du groupe La France insoumise,
continuerons de vous demander quelles motivations vous poussent à nous imposer
ce bouleversement civilisationnel et sociétal avec un si grand empressement.
Nous continuerons à argumenter pour défendre le projet de société que nous
défendons et qui est à l’opposé de celui que vous proposez. Cela s’appelle la
démocratie et c’est le fondement de notre
République !
Appliquons-nous à donner le meilleur de nous-mêmes pour
que notre peuple soit fier de nous et continue à croire en cette
institution.
M. Pierre
Henriet. Belle lecture ! Bravo !
M. le
président. La parole est à Mme Monique Limon pour la dernière
explication de vote.
Mme Monique
Limon. Je dirai avec mes mots ce que je ressens ce soir et le constat
que je fais.
Je crois – et je vous demande de ne pas hurler –
que s’il n’y avait pas des discussions sans fin à propos de la suppression
d’alinéas et du remplacement d’un mot par un autre ou d’une date par une autre,
nous pourrions nous entendre sur quelques amendements, qu’ils soient à votre
initiative ou à la nôtre.
À La République en marche, nous aurions, par
exemple, aimé parler – au titre II : de l’abaissement de l’âge de
la retraite progressive à 60 ans, de l’abaissement de l’âge de la retraite
progressive à 55 ans pour les personnes handicapées, de la possibilité de
rachat de points pour les personnes handicapées, des points pour les
travailleurs polyexposés, de la négociation sur la pénibilité au sein des
branches.
M. Thibault
Bazin. Le débat n’est pas encore fini !
Mme Monique
Limon. Au titre III : de la majoration pour enfants
handicapés, de la majoration à la mère directement, de la réversion pour les
ex-conjoints, du rachat des périodes de stage, du rapport sur les pompiers
volontaires.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Ce sont des questions qu’on a posées !
Mme Monique
Limon. Au titre IV : de la parité au sein de la Caisse
nationale de retraite universelle, de la nomination des directeurs des caisses
d’assurance retraite et de la santé au travail – CARSAT.
Au titre
V : du rapport sur les droits acquis, de la saisine obligatoire du Conseil
supérieur de la fonction militaire pour la rédaction de chaque projet de
loi.
Et de bien d’autres choses encore !
J’ose espérer, en
toute sincérité, qu’après les événements qui se sont produits aujourd’hui et ce
soir en particulier, nous allons pouvoir, ensemble – oui, ensemble, même si
nous ne sommes pas d’accord sur tout –, partager nos positions afin de
compléter et d’enrichir le texte que nous soumet le Gouvernement.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Chers collègues, nous allons maintenant procéder à la mise
aux voix des amendements soumis à discussion commune.
(Les amendements
no 26741 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Le sous-amendement no 42408 n’est pas
adopté.)
(Les amendements
no 33527 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Les sous-amendements nos 42417 et 42416,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 33511 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Les sous-amendements nos 42426 et 42425,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 33495 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Les amendements
no 33479 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Les sous-amendements nos 42439 et 42438,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 33463 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Les amendements
no 33446 et identiques ne
sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement no 42443 n’est pas
adopté.)
(Les amendements
no 33430 et identiques
ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 33414 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 154
Nombre
de suffrages
exprimés 142
Majorité
absolue 72
Pour
l’adoption 19
Contre 123
(Les amendements
no 33414 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Le sous-amendement no 42447 n’est pas
adopté.)
(Les amendements
no 33398 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Les amendements
no 33382 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Les amendements
no 33366 et identiques ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 33350 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 153
Nombre
de suffrages
exprimés 142
Majorité
absolue 72
Pour
l’adoption 19
Contre 123
(Les amendements
no 33350 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Les amendements
no 33334 et identiques ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 33318 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 153
Nombre
de suffrages
exprimés 142
Majorité
absolue 72
Pour
l’adoption 19
Contre 123
(Les amendements
no 33318 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement no 42451 n’est pas
adopté.)
(Les amendements
no 33302 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 33286 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 31483 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Les amendements
no 31467 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Les amendements
no 31451 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Les amendements
no 31435 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Les amendements no 31419 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 31403
et identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 31387
et identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 31371
et identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 31355 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 31339 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 31323 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 31307 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 31291 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 31275
et identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 31259
et identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 31243
et identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 31227 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 31211
et identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 31195
et identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 28417
et identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 28401 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 28385
et identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 28369 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 28353
et identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
2
Ordre du jour de la prochaine séance
M. le
président. Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Suite
de la discussion du projet de loi instituant un système universel de
retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 26 février, à zéro heure
cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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