Article 2 (suite)
M. le
président. Je suis saisi d’une série de dix-huit amendements
identiques : l’amendement no 5748 et seize amendements
identiques déposés par les membres du groupe La France insoumise, et
l’amendement no 24930.
La parole est à
Mme Clémentine Autain, pour soutenir l’amendement no 5748
et les identiques.
Mme
Clémentine Autain. J’espère que la séance de cet après-midi sera plus
sereine que celle d’hier soir. Encore faudrait-il que la majorité nous laisse
nous exprimer, nous qui disposons normalement du droit d’opposition, ce qui
n’est pas rien.
Ces amendements visent à supprimer l’alinéa 6 car
nous continuons, alinéa après alinéa puisque cet article détermine une partie du
champ d’application du projet de loi, à vous répéter que nous n’acceptons pas ce
texte de démolition sociale. Et nous continuerons ainsi à vous montrer que notre
groupe refuse cette loi de grande régression.
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir
l’amendement no 24930.
M. Boris
Vallaud. Je profite de l’occasion pour exercer un droit de suite après
l’échange que nous avons eu avec le secrétaire d’État chargé des retraites hier.
En effet, depuis plus de trois semaines, en commission puis dans l’hémicycle,
notre groupe pose la question des conséquences de la période de transition pour
les générations nées avant 1975, sachant que, selon notre interprétation, il y a
des surcotisations qui n’ouvriront pas de droits supplémentaires, ce que l’on
peut lire d’ailleurs à la page 382 de l’étude d’impact.
Vous nous
renvoyez aux ordonnances prévues à l’alinéa 23 de l’article 62 en
disant qu’une part de ces surcotisations seront ainsi prises en charge par les
employeurs, mais cette part n’est pas précisée ni même certaine dans le texte de
loi. Je l’ai relu ainsi que ce qu’en pense le Conseil d’État dans son avis,
page 62 : c’est à tout le moins flou. Comme vous renvoyez à une loi
d’habilitation, on ne peut par définition savoir ce qu’il en sera. En outre,
vous avez laissé entendre que, pour cette part de surcotisations, les
générations nées avant 1975 entreront bien dans le régime par points. La
confusion est totale.
Je ne suis pas certain que vous-même ayez bien pris
la mesure des choses, monsieur le secrétaire d’État, puisque nous vous avions
déjà posé la question à deux reprises en commission, sans obtenir de réponse ou
en devant nous contenter d’une réponse très partielle, et que le Premier
ministre ne nous a pas davantage répondu quand nous la lui avons posée lors
d’une séance de questions au Gouvernement. Ce fameux alinéa 23 de
l’article 62, je le répète, ne précise en rien le dispositif juridique
prévu en la matière puisqu’il renvoie à des ordonnances.
Je comprends
même de moins en moins le sens du choix de la génération née en 1975. En
réalité, à partir de la génération née en 1963, une part des cotisations me
semble intégrées dans le nouveau régime. En tout cas, ces questions mériteraient
davantage qu’un alinéa 23 dont la seconde phrase est pour le moins
absconse.
M. Régis
Juanico. Très juste !
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la
commission spéciale pour le titre Ier.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Nous retrouvons
donc de nouvelles séries d’amendements de suppression, alinéa par alinéa. Je
l’ai déjà dit à plusieurs reprises, il ne me semble pas que cela grandisse le
travail parlementaire.
Monsieur Vallaud, des évolutions de cotisations,
il y en aura très peu puisque 70 % du total des assurés relèvent du régime
général, qui est au taux cible, et que, parmi ceux qui appartiennent à
la fonction publique, beaucoup en sont proches. De toute façon, des phases
de transition longues sont prévues. Le phénomène sera donc tout à fait
marginal.
Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Les
auteurs de ces amendements comprendront aisément, au vu de la cohérence du
projet de loi, l’avis défavorable du Gouvernement à la suppression de
l’alinéa 6, laquelle conduirait à supprimer l’entrée dans le régime
universel des générations nées à compter de 1975.
Par ailleurs, monsieur
Vallaud, M. le rapporteur vous a répondu.
M. Boris
Vallaud. Non !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je relisais en vous écoutant ce
fameux alinéa 23, et je ne le trouve pas du tout abscons. Comme vous avez
une expérience légistique supérieure à la mienne, il devrait être possible de
s’y retrouver. Je connais votre sagacité en la matière et l’intérêt que vous
portez à cette question ; je suis tout à fait prêt à vous accorder un peu
de temps pour que nous regardions cela ensemble.
M. Régis
Juanico. Juste un peu !
M. le
président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Je voudrais réagir aux arguments invoqués hier
soir par le rapporteur pour justifier le choix de l’année 1975. Avec tout le
respect que je lui dois, je dois dire que j’ai été profondément choquée par ces
arguments : pas 1976 parce que c’était l’année d’un tube encore présent
dans toutes les mémoires – je n’ai même pas retenu son titre –, pas 1983
parce que cela aurait évoqué la victoire d’un tennisman français, pas 1993 parce
que c’était une bonne année pour les vins de Bordeaux, et vous avez conclu en
disant que 1975 avait été choisie parce que cela concernerait M. Dharréville et
M. Vallaud, et que vous ne vouliez pas que M. Bazin le soit. Soyons
sérieux : légiférer sur un texte aussi fondamental, aux conséquences
tellement considérables sur des générations entières, suppose une autre
argumentation.
M. Boris
Vallaud. Et c’était sa réponse la plus complète !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Les interrogations de notre collègue Vallaud sur
les raisons précises de ce choix restent sans réponse. Ce ne sont pas vos
explications d’hier soir, monsieur le rapporteur, qui démontrent la sécurité
juridique de ce texte et, surtout, qui vont permettre d’éclairer les Françaises
et les Français sur le choix de cette année-là, qui peut aux yeux de beaucoup
passer pour arbitraire.
Je vous invite à recouvrer un peu de
sang-froid : hier soir, on avait le sentiment que le bateau prenait
l’eau ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs
bancs du groupe GDR. – M. Boris Vallaud
approuve.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Le bateau a en effet pris l’eau, il n’y a pas de
doute sur ce point. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
M. Fabien
Di Filippo. Ça fait deux ans qu’il prend l’eau !
Mme
Clémentine Autain. Notre discussion porte sur des générations
saucissonnées, à propos desquelles il est bien difficile d’y voir clair, pour
deux raisons.
Tout d’abord, le contenu des périodes de transition n’est
pas clair, notamment parce que la conférence de financement n’a toujours pas
fini son travail. Vous demandez donc au Parlement de légiférer sur des tranches
d’âge en prenant en compte des périodes de transition obscures. Je ne sais pas,
monsieur le secrétaire d’État, si vous vous rendez compte du travail
parlementaire qui nous est demandé : c’est totalement
absurde !
Ensuite, vous prétendez en permanence que ce régime est
universel, alors qu’il ne l’est pas parce que chaque génération aura son propre
système : il sera saucissonné pour la période transitoire, puis contraint
par un âge d’équilibre qui évoluera nécessairement. C’est dire le manque de
clarté et d’universalité de votre système, c’est dire son impréparation totale,
puisque nous n’avons toujours pas les éléments qui nous permettraient d’y voir
clair au moment où il nous faut légiférer. Franchement, c’est
ubuesque.
Enfin, je demande une suspension de séance parce qu’il y a,
devant l’Assemblée, des avocats qui souhaitent être reçus et qui ne le sont pas.
Je pense que nous devrions faire une pause le temps qu’ils puissent l’être.
M. Jean-Luc
Mélenchon. Très bien !
M. le
président. La suspension de séance ne peut être demandée que par un
président de groupe ou par son délégué, ma chère collègue.
En attendant,
la parole est à M. Patrick Mignola.
M. Pierre
Cordier. Lui a le pouvoir de la demander, monsieur le président !
(Sourires.)
M. Patrick
Mignola. Mon intervention laissera à M. Mélenchon le temps de se
préparer à demander une suspension de séance…
Pour revenir sur la
question très importante du choix de l’année 1975 qu’a soulevée notre collègue
Dalloz, j’ai le sentiment, pour avoir participé à la commission spéciale, puis
aux débats dans l’hémicycle, que le rapporteur comme le secrétaire d’État s’en
sont déjà expliqués à plusieurs reprises. Mais je veux bien le faire à nouveau
s’il s’agit de pratiquer la pédagogie par la répétition.
M. Pierre
Cordier. La pédagogie est toujours l’art de la répétition !
M. Patrick
Mignola. Le rapport Delevoye avait initialement prévu de prendre pour
point de départ la date de 1963 ; puis, à la suite de la concertation qui a
lieu avec les organisations syndicales, en particulier avec la représentation
syndicale de celles et ceux affiliés aux régimes spéciaux, le Gouvernement a
pensé qu’il fallait le décaler à l’année 1975 pour permettre une transition
douce, la réforme ne s’appliquant aux personnes affiliées aux régimes spéciaux
qu’à partir de la génération 1985.
Si, au sein de la majorité, nous
sommes tous attachés à ce que l’ensemble des Français se retrouvent dans le même
système, nous avions posé comme préalable que les droits acquis dans le
précédent système puissent être valablement utilisés dans le système futur. Je
comprends parfaitement que l’opposition siégeant à la droite de l’hémicycle
souhaite une transition rude, mais nous n’avons pas choisi la rudesse. En
l’occurrence, je crois que l’année 1975 est bien choisie. Je m’interroge
néanmoins sur ce qui se passera dans les années qui viennent ; je pense en
particulier aux femmes nées avant 1975, sachant que celles nées en 1973 ou en
1974 et qui ont eu un ou deux enfants ne pourront de toute évidence pas
bénéficier d’un surplus de retraite de 5 % à 10 %. (Exclamations
sur les bancs du groupe LR.) C’est très regrettable.
M. Thibault
Bazin. Ce sera la super-décote !
M. Fabien
Di Filippo. La méga-décote !
M. Patrick
Mignola. Quant à la réponse aux arguments avancés hier soir par le
rapporteur pour justifier les dates retenues, j’invite les uns et les autres à
ne pas surenchérir dans l’humour, particulièrement quand ce dernier n’est pas de
très bon goût. Dans le cas contraire, je me ferai un plaisir de rapporter
certaines des remarques, pas toujours reluisantes, qui sont formulées hors micro
dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.)
(Les amendements no 5748 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. Jean-Luc
Mélenchon. Je demande une suspension de séance, monsieur le
président !
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures quinze, est reprise à quinze heures
vingt-cinq.)
M. le
président. La séance est reprise.
Nous en venons à une longue
discussion commune.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour
soutenir l’amendement no 26742 et les quinze amendements
identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
M. Pierre
Dharréville. Je solliciterai un peu de votre patience, chers
collègues : ne vous vexez pas si nous défendons successivement de
nombreuses séries d’amendements. Le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine a en effet diverses choses à dire et démonstrations à faire sur un
sujet important, qui me semble constituer l’une des grandes zones d’ombre du
texte que vous proposez : le sort de la génération à partir de 1975, qui
sera au cœur de la transition, puisqu’elle se verra appliquer un système
complètement hybride. J’ai le sentiment qu’en matière de manque de visibilité,
on atteint là des sommets.
Pour cette génération, une partie des droits à
retraite sera calculée en annuités – pour la période travaillée avant
2025 – et l’autre partie, acquise pendant la période courant à partir de
2025, sera calculée en points. Sont concernées les personnes âgées aujourd’hui
de 17 à 45 ans, c’est-à-dire 22 millions de Français, qui représentent
donc une grande partie de la population et la majorité des actifs. Ceux-là ne
savent pas à quelle sauce vous allez les manger, puisqu’ils évolueront dans un
système hybride et que les règles de conversion d’un mode de calcul en l’autre
ne sont pas précisément connues. Cette incertitude me semble constituer l’un des
plus graves défauts de votre étude d’impact.
Je me permets, monsieur le
secrétaire d’État, de suggérer que, si cette zone d’ombre est si vaste,
peut-être est-ce parce que vous avez choisi de changer votre fusil d’épaule en
cours de route. La proposition initiale de Jean-Paul Delevoye consistait à
appliquer la réforme à partir de la génération née en 1963. Vous avez finalement
décidé de l’appliquer aux Français nés à partir de 1975. Le fait que votre étude
d’impact n’ait pas été conçue pour s’appliquer à ce scénario explique sans doute
en partie son indigence.
Nous ne comprenons pas pourquoi vous n’êtes pas
restés sur votre position initiale, si ce n’est pour tenter de diviser le
mouvement social qui se formait dans le pays. Si votre réforme est si
magnifique, pourquoi ne pas l’appliquer à tous ? Je m’empresse de préciser,
monsieur le secrétaire d’État – même si vous l’aurez compris de
vous-même –, que ce n’est évidemment pas ce que nous souhaitons.
(M. le secrétaire d’État sourit.) Je ne jouerai pas au
chat et à la souris avec vous sur cette question.
M. le
président. La parole est à nouveau à M. Pierre Dharréville, pour
soutenir l’amendement no 35695 et les quinze amendements
identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
M. Pierre
Dharréville. Au cours de la discussion que nous avons entamée hier soir,
monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué que le choix de la génération
née en 1975 se justifiait par le fait que c’est elle qui sera concernée, en
2025, par l’entretien professionnel de seconde partie de carrière. Est-ce la
vraie raison de ce choix ? Je ne mets pas en doute votre parole, mais je
m’interroge sur la solidité de l’argument. Cet entretien professionnel, qui doit
être réalisé à 45 ans, à la charge de l’employeur, ne concerne en effet que
les personnes employées par des entreprises de plus de cinquante salariés,
excluant donc toutes les autres.
M. Boris
Vallaud. Exactement !
M. Pierre
Dharréville. Il doit par ailleurs être renouvelé tous les cinq ans, ce
qui laissait d’autres options quant au choix de la date de transition. La
justification avancée paraît donc quelque peu fragile – je me permets en
tout cas d’en juger ainsi. C’est pourquoi nous y répondons par des amendements
visant à reporter les dates d’entrée en application de la réforme : le
raisonnement ayant présidé à la rédaction de l’article 2 nous semble
quelque peu absurde. (Applaudissements sur les bancs du groupe
GDR.)
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir
l’amendement no 35679 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
L’amendement no 35679 fait l’objet d’un sous-amendement,
no 42591.
M. Stéphane
Peu. En soutenant ces amendements, j’aborderai ce qui constitue, pour
nous comme pour beaucoup de Français, une source d’incompréhension vis-à-vis de
votre réforme et tenterai d’obtenir un éclaircissement.
Si nous avons
bien compris le projet, de 2025 à 2065, soit durant quarante ans – voire
plus –, quarante-trois régimes de retraite coexisteront. C’est bien la
preuve de la complexité de la réforme. Aux quarante-deux configurations
existantes en matière de droits à retraite, vous allez en effet en ajouter une
quarante-troisième, qui perdurera entre 2025 et 2065, date à laquelle la
génération née en 2003 pourra commencer à partir à la retraite à 62 ans
– en subissant une décote : autant dire que c’est probablement plutôt
pendant quarante-cinq, quarante-six, voire quarante-sept ans que les
quarante-trois régimes coexisteront.
À cette quarante-troisième
combinaison, il faudra ajouter l’application exclusive du système par points à
compter de la génération née en 2004. C’est donc quarante-quatre régimes de
retraite différents qui subsisteront, pendant une période de transition longue
de plusieurs décennies. Les Français sont perdus !
Dans ce contexte,
nos amendements visent à obtenir une explication : en quoi, malgré la
multiplication des combinaisons et l’introduction pour une durée extrêmement
longue de régimes de retraite supplémentaires, votre réforme constitue-t-elle
une mesure de simplification ?
M. le
président. Le sous-amendement no 42591 de M. Julien
Aubert est défendu.
La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour
soutenir l’amendement no 35663 et les seize amendements
identiques déposés par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Hubert
Wulfranc. Si nous égrenons une nouvelle série d’amendements visant à
repousser l’application de votre réforme, c’est que nous en contestons l’urgence
financière. C’est celle-ci qui, de votre propre aveu, a motivé votre projet de
loi, ce que montre bien l’instauration de la règle d’or prévue à
l’article 1er de la loi organique.
Bien qu’aucune urgence
financière, nous le répétons, ne presse de le faire, vous souhaitez chambouler
le système de retraite dans la précipitation, sans raison. Au grand projet de
réforme universelle par points défendu par le président Macron vient s’ajouter
le spectre d’un allongement de la durée de vie au travail ou de la baisse des
pensions lors de la liquidation des droits, ce que justifie selon vous l’annonce
d’un déficit de 8 à 17 milliards d’euros en 2025.
Pour nous, le jeu
n’en vaut clairement pas la chandelle car, redisons-le, notre système de
retraite actuel est sain. Certes, la crise de 2008-2009 avait, et c’était
logique, creusé le déficit, car les rentrées d’argent du système de retraite
sont fortement dépendantes des cotisations payées par les salariés et les
entreprises, donc de la santé économique du pays, tandis que les dépenses ne
varient pas avec l’activité. Mais les réformes qui ont été menées ont rétabli
l’équilibre ; le système est donc équilibré aujourd’hui.
Bien
entendu, votre excès de subtilité et d’intelligence vous pousse à
anticiper : ce n’est pas l’équilibre d’aujourd’hui qui compte, mais bien le
solde de demain.
M. le
président. Merci, monsieur Wulfranc !
M. Hubert
Wulfranc. Pour le futur, on ne peut nier une légère dégradation des
perspectives financières,…
M. le
président. On a bien compris !
M. Hubert
Wulfranc. …mais il n’y a toujours rien
d’inquiétant.
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir
l’amendement no 35646 et les quinze amendements identiques
déposés par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Alain
Bruneel. Nous souhaiterions quelques explications à propos de la
génération 1975. Nous n’en avons obtenu aucune depuis le début du débat dans
l’hémicycle ; tout ce que nous savons, c’est que la réforme est néfaste
pour nos concitoyens.
Reprenons le fil de l’histoire : le rapport
Delevoye avait prévu une entrée en vigueur de la réforme à compter de la
génération 1963, c’est-à-dire pour les personnes qui se trouvent à cinq ans de
la retraite et qui auront 62 ans en 2025. À la suite de la mobilisation
sociale qui a eu lieu à partir du 5 décembre 2019 et du discours prononcé
par le Premier ministre le 11 décembre, vous avez décidé de décaler la
réforme pour l’appliquer à compter de la génération 1975, c’est-à-dire pour ceux
qui sont à dix-sept ans de la retraite. Une troisième option mise sur la table
était d’adopter la clause du grand-père, consistant à appliquer cette réforme
aux seuls nouveaux entrants sur le marché du travail.
Pourquoi décaler
l’entrée en vigueur de votre réforme si elle est si géniale que vous le dites,
et si positive pour les Français ? Vous vous êtes probablement dit qu’une
mise en œuvre trop rapide rendrait encore plus désastreux ses effets sur
l’opinion. Vous donnez l’impression d’avoir choisi cette date pour des raisons
purement politiques, afin de préserver votre socle électoral. En réalité, c’est
l’aveu du rejet de votre réforme par une majorité de nos
concitoyens.
M. le
président. La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir
l’amendement no 35630 et les quinze amendements identiques
déposés par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Hubert
Wulfranc. Je poursuis ma démonstration relative à l’argument financier.
Pour affirmer l’urgence financière, vous avez dégainé le dernier rapport du COR,
le Conseil d’orientation des retraites, que vous aviez commandé de sorte qu’il
couvre un horizon plus court qu’à l’ordinaire et que ses conclusions vous soient
plus favorables. En dépit même d’un tel arrangement, l’argument ne prend pas. Le
rapport du COR conclut en effet à un creusement du déficit d’ici à 2030, dans
une fourchette assez large que j’ai rappelée tout à l’heure : entre 7 et
17 milliards d’euros. Ce déficit dépend fortement des conventions que l’on
adopte s’agissant de l’évolution future de la contribution de l’État employeur
au financement du système de retraite – point sur lequel vous avez été
interrogés à plusieurs reprises.
Si l’on fait l’hypothèse raisonnable que
la part du produit intérieur brut consacrée aux retraites devrait rester
constante d’ici à 2030, les recettes globales du système de retraite devraient
certes baisser, mais pour créer un déficit oscillant – entendez
bien ! – entre 0,2 et 0,5 % du PIB en 2030, contre 0,1 %
actuellement, une différence de l’ordre de l’épaisseur du trait qui justifierait
de travailler aux recettes supplémentaires que nous avons suggéré à plusieurs
reprises dans nos propositions de loi. (Applaudissements sur les bancs du
groupe GDR.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir
l’amendement no 35614 et les quinze amendements identiques
déposés par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Pour vous être agréable, monsieur le président, et
si M. le président Le Gendre accepte de ne pas faire d’obstruction, nous
irons un peu plus vite : je vous propose de défendre, outre cette série
d’amendements, les amendements no 35598 et identiques, ainsi que
les amendements no 35582 et identiques. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe
LR.)
M. Sylvain
Maillard. Vous voyez, quand vous voulez !
M. le
président. Très bien, cher collègue !
M. Julien
Aubert. Comme ça, on aura fini avant 2040 !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Selon l’alinéa 6 de l’article 2, relatif
au champ d’application du projet de loi, le système universel est applicable à
partir du 1er janvier 2025 aux assurés nés à compter du
1er janvier 1975. Cette phrase simple masque une usine à gaz qui
prouve que votre système est, lui, tout sauf plus simple, contrairement à l’une
des expressions clés de votre plan de communication.
Concrètement, les
personnes nées avant 1975 continueraient de relever des anciens régimes jusqu’à
leur retraite, qui interviendrait en 2036 pour certains, voire en 2041. Les
retraites seraient calculées selon les règles de ces régimes. Les personnes
d’âge intermédiaire, nées de 1975 à 2003, soit vingt-neuf classes d’âge,
cotiseraient dès 2025 dans le nouveau régime. Leur retraite serait calculée
selon les anciennes règles pour leur carrière effectuée jusqu’en 2024 et selon
les nouvelles pour leur carrière à partir de 2025. Ainsi, ces anciennes règles
pourraient concerner des personnes nées en 2003 et partant à la retraite
jusqu’en 2065, voire 2070. C’est en 2037 que certains actifs – la
génération 1975 – commenceront à toucher des pensions calculées selon les
nouvelles règles.
Voilà une longue transition, incompréhensible et
dangereuse, voire inconstitutionnelle si nous nous en tenions aux propositions
faites par Jean-Paul Delevoye, à tel point que le Premier ministre a annoncé
avoir trouvé la solution en appliquant la clause dite à l’italienne, le
13 février, après l’examen inachevé du texte en commission et avant
l’ouverture de nos débats en séance. Mesurez-vous, chers collègues, dans quelle
incertitude nous place l’impréparation du Gouvernement, qui écrit ce texte en
marchant ?
Je rappelle à tous ceux qui sont si pressés d’en finir
avec notre système de retraite pour le remplacer par un système pas tout à fait
universel que, jusqu’en 2060, y coexisteront quarante-quatre régimes : les
quarante-deux existants, celui des personnes concernées par la transition à
l’italienne et, pour celles qui sont nées en 2004, celui du système par points.
C’est mieux qu’une usine à gaz : si vous avez tout compris, bravo !
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le
président. Les amendements no 35582 et identiques
font l’objet d’un sous-amendement
no 42595.
La parole est à M. Julien Aubert,
pour soutenir ce sous-amendement.
M. Julien
Aubert. Je souhaiterais que toutes ces perspectives, qui sont
intéressantes et dont nous pouvons débattre, notamment l’entrée en vigueur de la
réforme, soient subordonnées à une promesse quant à la valeur du point. La
réforme entrera en vigueur en 2022 pour la génération de 2004, et en 2025 pour
les autres. Se seront donc écoulées trois années pendant lesquelles le système
dont nous débattons ici aura fonctionné et où nous aurons vu comment les choses
évoluent.
Or nous ne disposons pas tous des mêmes informations quant à la
manière dont évoluera le point. J’aurais donc souhaité qu’on ne bascule pas les
générations antérieures à 2004 dans le système en 2025 si, dans l’intervalle
– entre 2022 et 2025 par exemple –, la valeur du point a baissé, ou a
moins progressé que l’inflation. En effet, même si l’on m’assure que le point
sera indexé sur un indicateur qui va être créé, et qu’il y a une règle d’or, je
n’ai pas encore compris le partage de responsabilités entre les partenaires
sociaux et le Parlement quant à l’application de la règle censée encadrer
l’évolution du point.
Je propose donc, pour compléter les amendements qui
viennent d’être défendus, un sous-amendement permettant d’introduire une clause
de sécurité, afin d’éviter de basculer complètement dans le nouveau système
avant de disposer de quelques assurances quant à l’évolution du niveau des
pensions qui seront ainsi calculées.
(Mme Marie-Christine Dalloz
applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir
l’amendement no 34607 et les quinze amendements identiques
déposés par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Pierre
Dharréville. Je tiens à vous alerter à propos d’un effet de seuil lié au
choix d’appliquer la réforme à compter de la génération 1975 et qui concerne le
service militaire.
Comme chacun sait, le service militaire a été abrogé
en 1997 par Jacques Chirac. La loi du 28 octobre 1997 prévoyait en effet sa
suppression et disposait que les jeunes hommes nés en 1979 étaient exemptés de
l’appel de préparation à la défense. Dans les faits, c’est plutôt la génération
1977 qui fut la dernière à devoir satisfaire à ses obligations
militaires.
Dans le système actuel, le service national est valorisé sous
forme de droits à la retraite et pris en compte au titre de la durée
d’assurance, en permettant de valider des trimestres à hauteur de la durée de
service effectuée, soit quatre trimestres pour le service militaire stricto
sensu, voire plus pour d’autres formes d’engagement.
La réforme des
retraites, telle qu’elle est prévue, s’appliquera aux assurés nés à compter de
1975, dont la pension sera calculée pour partie en points à compter de 2025 et
pour partie en annuités, selon les anciennes règles, pour les années
antérieures. Nous savons également que, pour ces personnes, la durée d’assurance
n’est plus prise en compte pour déterminer le taux plein : c’est l’âge
d’équilibre qui régira les deux parties de carrière. Or rien ne semble prévu
dans votre projet de loi pour traiter le cas spécifique des générations 1975,
1976 et 1977, qui ont effectué un service militaire, mais qui ne pourront
valoriser cette année de service dans le système par points.
Ma question
est donc simple : votre réforme supprime-t-elle la valorisation des droits
à la retraite des personnes nées entre 1975 et 1977 au titre de leur année de
service militaire ? Dans tous les cas de figure, une inégalité s’institue
au cœur de votre système.
M. Régis
Juanico. Absolument !
M. le
président. La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir
l’amendement no 34591 et les quinze amendements identiques
déposés par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Hubert
Wulfranc. Pour conclure sur la trajectoire financière, je rappelle que
les dépenses publiques représentent 54 % du PIB et les retraites 14 %.
Peut-on s’alarmer d’un déficit de 0,2 % du PIB – chiffre qui découle
de ma démonstration préalable –, alors que cela représente
12 milliards d’euros, 4 % de la dépense consacrée aux retraites, ou
une augmentation de 0,8 % des cotisations vieillesse sur cinq ans, ou
encore – on touche là, évidemment, un point qui vous fait mal – une
cotisation potentielle de 28 % sur les dividendes, donc sur les revenus du
capital. Il s’agit de sortir par le haut d’un déficit que vous avez vous-mêmes
utilisé pour justifier votre réforme rétrograde, laquelle se caractérise
désormais par de la précipitation et par une confusion
majeure.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir
l’amendement no 34575 et les quinze amendements identiques
déposés par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Monsieur le président, pour vous être encore plus
agréable que tout à l’heure, je défendrai, outre cette série d’amendements, les
trois autres séries des amendements no 34559 et identiques,
no 34543 et identiques et no 34527 et
identiques. (Exclamations et applaudissements sur divers
bancs.)
M. le
président. Ce faisant, c’est à tout le monde que vous êtes
agréable !
M.
Jean-Paul Dufrègne. À condition, monsieur le président, que vous me
laissiez terminer ma défense.
M. le
président. Soit. Je serai un peu laxiste !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Vont coexister non seulement des régimes différents
selon les générations, mais aussi des régimes spécifiques ou dérogatoires, grâce
aux mobilisations sociales. Pour mémoire, il s’agit du maintien du régime
complémentaire obligatoire des personnels navigants, de la clause du grand-père
– l’application de la réforme aux seuls nouveaux embauchés à compter de
2022 – pour les personnels de l’Opéra de Paris, du maintien d’un régime des
marins – bien que dans des conditions probablement différentes des
conditions actuelles et dont le détail est renvoyé à une ordonnance – et de
dérogations obtenues par les policiers, qui conservent la bonification du
cinquième, soit une annuité de cotisations tous les cinq ans.
S’y
ajoutent le maintien du congé de fin d’activité qui permet aux routiers de
partir dès 57 ans, et l’instauration d’un abattement de 30 % sur
l’assiette des cotisations sociales des professions indépendantes, notamment les
avocats – je les entends d’ici–, à la suite de l’adoption d’un amendement
du Gouvernement en commission spéciale.
Malgré plus d’une semaine de
débat en séance et plus de dix jours de débat en commission, vous êtes
incapables de répondre à la question que se posent tous les Français
concernés : comment sera calculée la pension de retraite des
générations qui seront à cheval entre les deux régimes ?
En
outre, votre système accomplit la destruction du principe fondateur de
solidarité intergénérationnelle et enfonce un coin dans la répartition. En
effet, les jeunes cotiseront à un régime spécifique sans tirer bénéfice de ces
cotisations qui seront reversées à d’autres régimes. Dans le système actuel, les
cotisants savent que les décisions qu’ils prennent en matière de recettes et de
dépenses les affectent eux-mêmes, soit à court terme – par le niveau de
leurs cotisations – soit à long terme – par les conditions de leur
départ et le montant de leur retraite. À partir de 2025, cette logique sera
brisée, ce qui pourra créer un conflit entre les anciens, qui voudront maintenir
des règles relativement satisfaisantes pour eux, et les jeunes, qui ne seront
pas concernés par ces règles mais par celles de leur système à venir.
M. Alain
Bruneel. C’était très agréable ! (Sourires.)
M. le
président. Les quinze séries d’amendements identiques suivantes
sont-elles défendues, monsieur Dufrègne ?
M.
Jean-Paul Dufrègne. Oui, monsieur le président !
(Mme Olivia Grégoire applaudit.)
M. le
président. L’amendement no 34511 et les quinze
amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate
et républicaine sont défendus.
L’amendement no 34495 et
les quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine sont défendus.
L’amendement
no 34479 et les quinze amendements identiques déposés par les
membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sont
défendus.
L’amendement no 34463 et les quinze amendements
identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine sont défendus.
L’amendement no 34447 et les
quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine sont défendus.
L’amendement
no 34431 et les quinze amendements identiques déposés par les
membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sont
défendus.
L’amendement no 34415 et les
quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine sont
défendus.
L’amendement
no 34399 et les quinze amendements identiques déposés par les
membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sont
défendus.
L’amendement no 34382 et les
quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine sont
défendus.
L’amendement
no 34366 et les quinze amendements identiques déposés par les
membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sont
défendus.
L’amendement no 34350 et les
quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine sont défendus.
L’amendement
no 34334 et les quinze amendements identiques déposés par les
membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sont
défendus.
L’amendement no 34318 et les
quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine sont défendus.
L’amendement
no 33559 et les quinze amendements identiques déposés par les
membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sont
défendus.
L’amendement
no 33543 et les quinze amendements identiques déposés par les
membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine sont défendus.
M. Julien
Aubert. On voit la différence avec La France insoumise !
M. Alain
Bruneel. C’était vraiment très agréable !
M. le
président. Tous les amendements en discussion commune ont donc été
présentés.
Quel est l’avis de la commission sur ces
amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous avons certes connu un épisode
malheureux hier soir – je renouvelle mes excuses aujourd’hui. Mais nous
constatons là les limites de cette façon de procéder s’agissant des amendements.
Hier soir ont été défendus 600 amendements visant à décaler – de 2004
jusqu’à 2082 – l’année de naissance de la première génération d’assurés
entièrement soumis au nouveau système. Il en est de même aujourd’hui, avec des
centaines d’amendements visant cette fois à décaler – de 1975 à 2025 –
l’année de naissance de la première génération d’assurés qui entreront dans le
nouveau dispositif.
Vous m’avez posé des questions de fond, intéressantes
en tant que telles, mais beaucoup trop nombreuses. Je vous remercie d’avoir
cette fois réduit la voilure en regroupant vos défenses d’amendements.
M. Pierre
Dharréville. C’est aussi ce que nous avons fait hier !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Comment voulez-vous que nous ayons un vrai
débat dans ces conditions ? Il faudrait que je réponde à toutes les
questions – qui sont certes de vraies questions.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous attendons donc de vraies réponses !
M. Patrick
Mignola. Ce sont de faux amendements !
M. Boris
Vallaud. Il y a d’autres rapporteurs pour apporter des
réponses !
M.
Jean-Paul Dufrègne. On peut vous laisser nos notes, si vous
voulez !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Songez à l’exercice auquel vous vous êtes
livrés : vous venez de passer une demi-heure à poser des questions alors
que vos amendements ne comportent aucun argumentaire justifiant le décalage
jusqu’à telle ou telle année de naissance.
M. Pierre
Dharréville. Si !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Nous devons travailler sur le fond. Pour
répondre à la remarque de Mme Dalloz, j’ai souhaité, à travers ma prise de
parole hier soir, répondre à l’absurde par l’absurde.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Mais vous oubliez votre rôle !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je vous assure qu’on ne se grandit pas en
participant à un débat de ce genre, au cours duquel les sujets de fond ne sont
pas abordés. Je vais faire l’effort de vous répondre maintenant ; mais
mesurez à quel point c’est difficile, étant donné que vous avez abordé la
quasi-intégralité des enjeux en vingt à trente minutes. Je ferai ce que je
peux.
Premièrement, si nous avons choisi 1975, c’est parce que les
personnes nées cette année-là auront 50 ans en 2025. Or, au-delà de sa
dimension symbolique, c’est à cet âge que, d’après ce que nous disent nos
concitoyens, on commence à réfléchir à ce que l’on souhaite pour sa
retraite.
Vous avez raison, le rapport Delevoye avait, dans un premier
temps, opté pour l’année 1963 afin d’intégrer tous ceux qui, en 2025, seront
actifs ou retraités depuis peu. Mais ce choix présentait un inconvénient :
une personne née en 1963 et prenant sa retraite en 2026 aurait dépendu d’un
système à hauteur d’environ un quarante-troisième de sa retraite, et de l’autre
système à hauteur d’environ quarante-deux quarante-troisièmes, ce qu’elle aurait
eu du mal à comprendre. Nous avons donc préféré que la réforme s’applique à
partir de la génération 1975 qui, lorsqu’elle partira à la retraite, à
62 ans, en 2037, dépendra du nouveau système à hauteur d’un tiers de sa
retraite, un ratio qui nous semblait suffisamment
significatif.
M. Dharréville a évoqué le cas des personnes ayant
accompli leur service militaire. Ces hommes, nés par définition avant 2025
– puisque le service militaire n’existe plus –, ont acquis des
trimestres au titre de l’ancien système. Ceux-ci seront comptabilisés puisqu’une
partie de leur retraite sera bien liquidée suivant l’ancien système tandis
qu’une autre le sera suivant le nouveau.
J’en profite pour évoquer la
clause à l’italienne, qui a été validée – le secrétaire d’État pourra y
revenir plus amplement – et selon laquelle les salariés concernés verront
s’appliquer, pour le calcul de leurs droits à la retraite acquis au titre de
l’ancien système, les mêmes règles que si ce système avait été conservé, afin
qu’ils ne subissent pas de pertes.
M. Wulfranc a estimé qu’un
déficit du système de retraite estimé à 0,2 ou 0,3 % du PIB n’avait que
l’épaisseur du trait. Selon le COR, ce déficit oscillerait entre 0,3 et
0,7 % du PIB. Effectivement, on peut penser que 0,2 ou 0,3 %, ce
n’est pas grand-chose. Mais ce « pas grand-chose » représente en
réalité 8 à 17 milliards d’euros.
M. Sylvain
Maillard. Ah oui, tout de même !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Voilà un « pas grand-chose » qui
arrangerait bien la situation de nos finances publiques – qui, il est vrai,
ne sont pas à 8 ou 17 milliards d’euros près… On ne peut donc pas dire
qu’il n’y a là que l’épaisseur du trait. Je ne sais pas si j’ai répondu à toutes
les questions, mais nous aurons l’occasion de revenir sur ces
sujets.
Monsieur Aubert, vous avez évoqué la question de la
revalorisation du point. Peut-être étiez-vous absent lorsque nous l’avons
indiqué, mais il est clairement écrit, dans l’article 55 ainsi que dans
l’article 1er du projet de loi organique, que le point ne peut
pas baisser moins que l’inflation. Si l’évolution liée au revenu devait être
inférieure à l’inflation, alors le point suivrait la valeur de l’inflation. On
ne peut faire évoluer les droits acquis moins vite que l’inflation.
M. Damien
Abad. Ce sont des garanties de papier !
M. Sylvain
Maillard. C’est la loi !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. L’avis est défavorable à cette longue série
d’amendements.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, rapporteur. Je reconnais tout d’abord que les
députés communistes ont avancé des arguments de fond – certes pas toujours
en lien avec le contenu de leurs amendements. Il ne me semble pas avoir entendu
de tels arguments lors de certains de nos précédents échanges, je l’ai bien
noté.
M. Pierre
Dharréville. Ce n’est pas tout à fait juste, monsieur le secrétaire
d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, rapporteur. Monsieur Dharréville, vous avez bien
écouté hier – je vous en remercie – mes explications des raisons pour
lesquelles ne seraient pas concernés les assurés que moins de dix-sept ans
séparent de l’âge de la retraite. J’avais donné l’exemple de l’entretien de
seconde partie de carrière, sur lequel la représentation nationale s’est déjà
prononcée, et qui est bien connu des parlementaires et des entreprises
– celles de plus de cinquante salariés, comme vous l’avez justement
précisé. Il s’agit d’un bon point de repère car, comme l’a expliqué le
rapporteur, lorsque l’on est à moins de dix-sept ans de la retraite, les
engagements concernant sa vie privée et sa vie professionnelle sont déjà assez
clairs.
Cette échéance renvoie à la question du choix de la génération
1975, posée par M. Dharréville mais aussi par Mme Dalloz. Ces
personnes ont 45 ans aujourd’hui et auront donc 50 ans dans cinq ans,
en 2025. Je comprends votre interrogation, car je vous avais répondu hier à
propos de la durée de dix-sept ans alors que nous parlons désormais de la
génération 1975.
Le Gouvernement a souhaité instaurer une transition
douce afin de respecter les engagements individuels des Français, ce dont on ne
peut que se féliciter. Nous n’avions pas la visée de satisfaire tel ou tel des
partenaires sociaux. Vous savez bien que les organisations syndicales ont des
revendications qui diffèrent selon leurs choix, leurs orientations, les axes de
travail qu’elles ont définis. Vous ne pouvez tout de même pas nous reprocher
d’écouter les organisations syndicales…
M. Pierre
Dharréville. Ce n’est pas un reproche que je pourrais vous adresser,
monsieur le secrétaire d’État !
M. Laurent
Pietraszewski, rapporteur. …lorsqu’elles formulent une
proposition qui nous semble intéressante et constructive, respectueuse des choix
individuels des Français et de la dynamique collective que nous voulons impulser
en faveur de la solidarité dans le cadre de ce projet de loi.
M. Pierre
Dharréville. C’est l’inverse que nous vous reprochons !
M. Laurent
Pietraszewski, rapporteur. Cette proposition n’était peut-être
pas défendue par des syndicats dont vous êtes proches. Mais je pense que vous
êtes proches de tous les représentants des travailleurs.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous sommes proches des Français !
M. Laurent
Pietraszewski, rapporteur. Vous ne pouvez donc que vous réjouir
que les revendications des uns ou des autres soient entendues par le
Gouvernement. Je sais que vous en convenez.
Monsieur Dharréville, vous
m’avez également posé une question à propos du service militaire – une
sorte de gigantesque question au Gouvernement, mais à laquelle je réponds
volontiers pour bien débuter ensemble ce début d’après-midi. Tout ce qui
concerne les personnes nées avant 2025 relève de l’ancien système. Les
trimestres de ces hommes nés en 1975, 1976 et 1977 seront évidemment
comptabilisés selon les règles du passé, autrement dit celles du dispositif
actuel puisque – je vous le rappelle – nous continuerons tous,
jusqu’en 2025, à cotiser selon les dispositifs dont nous relevons actuellement,
à l’exception des générations nées après 2004 qui, elles, entreront dans le
système universel dès 2022.
Voilà les réponses que je souhaitais donner
pour apporter quelques éclaircissements concernant les questions qui nous ont
été posées et auxquelles le rapporteur n’aurait pas encore nécessairement
répondu.
L’avis est défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. Après un article 1er marqué par le décalage entre
les objectifs affichés et la réalité des effets du futur système,
l’article 2 définit le champ d’application du projet de loi, notamment à
l’alinéa 6. Mais cet alinéa pose problème, car il divise les Français en
deux : ceux nés avant 1975 et ceux nés après 1975. Drôle
d’universalité ! Quel impact ce paramètre a-t-il sur le système ? Le
complique-t-il durablement ? Le Gouvernement craignait que sa réforme ne
soit pas acceptée socialement ; mais comment peut-on faire confiance à un
tel système ?
L’objet de l’alinéa 6 est de faire entrer dans le
système universel en 2025 les actifs actuels, nés après le
1er janvier 1975. Mais le système actuel, faute de véritable
réforme paramétrique, connaîtra un déficit qui pourrait atteindre
17 milliards d’ici à 2025 selon le COR. S’il perd des cotisants à partir de
cette date, son déficit, qui concerne les générations nées avant 1975, ne
risque-t-il pas de s’accélérer ? N’y a-t-il pas là un problème de méthode
calendaire ? Vous avez instauré une conférence de financement afin de
trouver des solutions pour arriver à l’équilibre d’ici à 2027, et non pas 2025.
Pourquoi, dès lors, ne pas modifier l’alinéa 6 en remplaçant 2025 par
2027 ? Pourquoi ne pas attendre que l’équilibre soit garanti pour faire
entrer les assurés dans le nouveau système ? La juxtaposition de deux
systèmes sur une période si longue ne risque-t-elle pas de poser des problèmes
de réserve de trésorerie ?
Autre question concrète sur
l’alinéa 6 et qui concerne ceux qui, nés avant le
1er janvier 1975, auront liquidé une première fois leur retraite
selon les critères de l’ancien système : s’ils reprennent un travail après
l’âge d’équilibre, vous nous avez confirmé qu’ils resteraient tributaires de
l’ancien système. Or le texte prévoit qu’ils accumuleront des points. Aussi la
seconde liquidation se fera-t-elle bien selon les règles de l’ancien système
– alors que les personnes concernées percevront des points ?
En
outre, l’article 2 ne porte-t-il pas en germe une fracture générationnelle
à l’heure où la nation a tant besoin de cohésion ? Comment le principe de
répartition sera-t-il pérennisé alors que votre système ne permettrait plus
qu’une génération responsable transmette une dette limitée, équilibrée, à la
génération suivante ? En l’occurrence, la dette sera particulièrement
injuste.
Au fait, où en est la conférence de financement, monsieur le
secrétaire d’État ? Travaille-t-elle en même temps que nous ?
(M. le secrétaire d’État sourit. – Applaudissements sur
quelques bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je vous ferai observer de manière très courtoise, monsieur
le secrétaire d’État, que, si vous pouvez mettre en cause le rapport entre nos
amendements et nos arguments, nous avons jusqu’à présent presque toujours
défendu des amendements de fond.
Vous avez compris notre propos :
nous ne défendons pas le report du seuil d’entrée dans le nouveau système à
telle ou telle année spécifique, sinon s’agissant du service militaire
– nous vous avons expliqué pourquoi. Je formulerai trois remarques à la
suite de vos réponses.
D’abord, vous entérinez le fait que, pour ceux nés
après 1975, l’âge de départ à la retraite, si la réforme entre en vigueur, sera
différé de deux ans par rapport au régime actuel. J’aimerais que vous nous le
confirmiez : il est important de savoir à quelle sauce les uns et les
autres vont être mangés.
Ensuite, je ne comprends pas bien votre réponse
à ma question sur le service militaire puisque, dans le nouveau système, la
durée d’assurance n’entre pas en compte. Or, jusqu’à présent, le service
militaire était validé sous forme de trimestres. J’ai donc du mal à saisir ce
qu’il en sera.
En revanche, une durée d’assurance subsistera pour établir
la carrière complète. Je m’interroge sur la manière dont vous allez la calculer
en appliquant le système hybride.
Je continue donc de m’interroger sur la
lisibilité de ce système pour ceux qui vont tomber dans cette faille
spatio-temporelle. (Sourires.)
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Je répondrai avec un peu d’humour au rapporteur Nicolas
Turquois. Je sais qu’hier, tard dans la soirée, pour justifier le choix de
l’année 1975, il a expliqué que celui de l’année 1976 m’aurait fait trop de
peine en me rappelant la finale que les Verts avaient perdue cette année-là à
Glasgow, contre le Bayern de Munich.
M. Damien
Abad. Terrible !
M. Régis
Juanico. Reste qu’à cette époque je n’avais que 4 ans : même
s’il s’agit d’un souvenir cuisant pour les Stéphanois, je n’en ai d’autre
connaissance que par les archives.
Pour en revenir au cœur de notre
interrogation, à savoir le choix de l’année 1975, j’avais souligné dans mon
intervention sur l’article 2, que vous compliquiez les choses : aux
quarante-deux régimes que vous entendez supprimer, vous en ajoutez en fait un
quarante-troisième, le système universel de retraite, et même un
quarante-quatrième – le fameux système hybride évoqué par Stéphane Peu,
système à l’italienne qui combine le système actuel des annuités et le système
par points.
Quand on interroge le secrétaire d’État pour savoir si, pour
ceux nés avant le 1er janvier 1975, les surcotisations payées
après 2025 créeront des droits, il nous répond par l’affirmative, se référant à
l’article 62, alinéa 23. Or cet alinéa précise :
« L’ordonnance fixe la part des cotisations affectée aux régimes de
retraite complémentaire obligatoires en tenant compte de la proportion que
représentaient, antérieurement au 1er janvier 2025, les
cotisations donnant lieu à l’attribution de points dans ces régimes dans le
niveau total des cotisations aux régimes de retraite de base et
complémentaire obligatoires dues par ces assurés. » Ouf !
M. Alain
Bruneel. Il faut du souffle, en effet !
M. Régis
Juanico. Si vous avez compris…
M. Frédéric
Petit. Oui, moi j’ai compris !
M. Régis
Juanico. Ce que j’entends, pour ma part, en relisant mot par mot, ne
correspond pas tout à fait à ce que vous avancez, monsieur le secrétaire d’État.
L’alinéa ne prévoit pas que les surcotisations créeront des droits, il tire les
conséquences de la refonte du taux de cotisation, désormais constitué d’une part
contributive unique et d’une part non contributive. Vous devez vraiment, sur ce
point, nous éclairer.
M. Hervé
Saulignac. Judicieuse question.
M. le
président. La parole est à M. Loïc Prud’homme.
M. Loïc
Prud’homme. La question posée par nos collègues du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine au sujet de la génération qui sera concernée la
première par la réforme est très précise. Malheureusement, les réponses, une
fois de plus, sont on ne peut plus floues. D’abord, on nous dit que c’est au
terme d’une discussion avec les syndicats qu’on a décidé de passer de 1963 à
1975. Sans doute ne rencontrons-nous pas, en effet, les mêmes syndicats,
monsieur le secrétaire d’État car ce n’est pas ce que nous avons entendu et les
syndicats qui manifestent encore en ce moment n’ont sans doute pas eu la même
appréciation que vous.
Le rapporteur nous révèle que le choix de l’année
s’est fait au doigt mouillé : « On a rencontré les gens qui nous
disent que, finalement, vers 50 ans, ils auront envie de parler de leur
retraite, donc nous allons prendre l’année 1975. » On voit donc bien qu’il
s’agit d’un choix aléatoire, tout comme la projection du COR sur le déficit des
différents régimes qui serait, là aussi au doigt mouillé, de 7 à
17 milliards d’euros. Tout cela reste donc très flou.
M. Sylvain
Maillard. Il est vrai que votre contre-projet, lui, est d’une grande
clarté !
M. Loïc
Prud’homme. Quand on vous pose la question, précise, de savoir pourquoi
vous avez choisi l’année 1975, de savoir pourquoi vous avez changé votre fusil
d’épaule en renonçant à l’année 1963, nous n’obtenons pas de réponse. En fait,
la réponse que vous ne voulez pas donner, parce qu’elle met à mal votre argument
sur la solidarité, c’est celle des douze classes d’âge nées entre 1963 et 1975
et qui devaient être, théoriquement, embarquées dans votre superbe réforme dont
tout le monde rêvait.
Mme Nadia
Essayan. Ah, vous le reconnaissez enfin !
M. Loïc
Prud’homme. Ce ne sont pas moins de 8 millions de personnes que, du
coup, vous essayez de séparer du reste de la population, auxquelles vous
recommandez l’individualisme plutôt que la solidarité qui est la règle du
système par répartition en vigueur. Vous tentez de diviser la population en
incitant chacun à s’occuper de sa retraite par points, à capitaliser… Quant à
ceux nés après 1975, en gros, vous dites : après moi le déluge. Votre
argument fondé sur la solidarité tombe du fait de ce renoncement tout à fait
arbitraire à l’année 1963 au profit de l’année 1975 sans raison financière.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Je trouve pour ma part l’article 2 très cohérent.
Un jeune aujourd’hui âgé de 16 ans et qui, le 1er janvier
2022, entrera dans la vie active aura droit à ce nouveau régime. Une période
transitoire est prévue pour les personnes nées en 1975 et qui n’entrera en
vigueur qu’en 2025, quand elles auront 50 ans, un moment important de la
vie comme quand on a 30 ans, 40 ans, 60 ans… en attendant la fin
de la vie. Il est intéressant d’avoir pu discuter avec les organisations
syndicales et, j’y insiste, je trouve qu’il y a beaucoup de bon sens dans le
choix de 1975. Il n’y a là rien de fumeux (M. Hervé
Saulignac rit) : nous prenons en considération la vraie vie.
On
a évoqué les droits acquis. Je rappelle que, d’après le titre V, 100 %
des droits acquis seront conservés. L’intitulé du chapitre Ier
l’affirme clairement. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir. Quand on voit les
dates proposées par les amendements que nous sommes en train d’examiner, j’ai
l’impression qu’on nous incite à légiférer pour l’au-delà,…
M. Pierre
Dharréville. Mais vous le faites déjà !
M.
Jean-Paul Mattei. …ce qui m’inquiète un peu. Restons-en au texte qui,
encore une fois, me semble tout à fait cohérent.
(M. Frédéric Petit applaudit.)
M. Alain
Bruneel. Arrêtez donc de prétendre que nous nous éloignons du texte,
nous ne parlons que de lui !
M. le
président. Je vais mettre aux voix l’ensemble de ces amendements en
discussion commune.
(Les amendements
no 26742 et identiques ne sont pas
adoptés.)
(Les amendements
no 35695 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement no 42591 n’est pas
adopté.)
(Les amendements
no 35679 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 35663 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 35646 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 35630 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 35614 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 35598 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Le sous-amendement no 42595 n’est pas
adopté.)
(Les amendements
no 35582 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 34607 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 34591 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 34575 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 34559 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 34543 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 34527 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 34511 et identiques
ne sont pas adoptés.)
(Les amendements
no 34495 et identiques sont
retirés.)
(Les amendements no 34479 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 34463 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 34447 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 34431 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 34415 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 34399 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 34382 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 34366 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 34350 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 34334 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 34318 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 33559 et
identiques ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 33543 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. Thibault
Bazin. Près de 700 amendements examinés en une heure ! Il n’y
aura plus besoin du 49.3 !
M. Sylvain
Maillard. Si nous tenons ce rythme, c’est bon !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Vous imaginez, si on avait demandé un scrutin public
sur chaque série ?
M. le
président. Sur l’amendement no 26855 et les quinze
amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate
et républicaine, je suis saisi par le même groupe d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir ces
amendements no 26855 et identiques, qui font l’objet d’un
sous-amendement no 42455.
M. Alain
Bruneel. Nous ne faisons pas d’obstruction, car nous sommes des gens
constructifs…
M. Sylvain
Maillard. Ben voyons !
M. Alain
Bruneel. …et nous venons de vous en donner la preuve, comme hier
soir.
La présente série d’amendements identiques de repli vise à protéger
le statut des salariés électriciens-gaziers qui jouissent depuis 1946, grâce à
Marcel Paul, d’une protection sociale emblématique et d’avant-garde. Le métier
d’électricien-gazier doit pouvoir continuer de bénéficier d’un régime de
retraite innovant et protecteur. Nous voulons ainsi garantir à une grande
majorité d’agents des industries gazières et électriques un taux de remplacement
à hauteur de 75 % qui, aujourd’hui, est largement financé par les
cotisations des salariés de ce secteur.
Ces derniers ont déjà supporté de
nombreuses réformes. L’adossement de leur régime de retraite au régime général a
amplement démontré la participation à la solidarité nationale de ces agents.
Ainsi, entre 2013 et 2018, ce sont près de 516 millions d’euros qui ont été
versés par le régime des électriciens-gaziers – excédentaire et autonome
financièrement – au régime général. Nous souhaitons garantir à ces agents,
qui assurent une mission de service public, une retraite digne des services
accomplis.
La mission publique de l’énergie, fondée, avec Marcel Paul, en
1946, sur un statut porteur de progrès social, doit se poursuivre. Le système
social innovant des industries électriques et gazières doit pouvoir continuer de
garantir l’attractivité de la profession.
Ces amendements visent par
conséquent à préserver de l’application du nouveau système de retraite universel
les salariés embauchés avant le 1er janvier 2009 au sein des
entreprises électriques et gazières. Il permet de protéger des salariés qui ont
déjà fait un certain nombre de concessions, concernant leur statut
notamment.
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir le
sous-amendement no 42455.
Mme Danièle
Obono. Il s’agit d’un sous-amendement de soutien à ceux déposés par nos
collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Bien entendu, les
députés du groupe de La France insoumise ne souhaitent pas l’application de
cette mauvaise réforme à quelque secteur que ce soit et encore moins à celui des
industries électriques et gazières. Rappelons tout de même que, dans une
perspective politique de relance de l’activité pour faire face aux enjeux de la
transition écologique et de la transition énergétique, on se doit de renforcer
ce secteur et de renforcer le statut de ses agents et de ses agentes qui seront
les chevilles ouvrières de cette transition.
Or que faites-vous ?
Vous affaiblissez au contraire ce statut qui concerne plus de
137 000 salariés dont 90 % travaillent dans les entreprises
issues des acteurs historiques, EDF et GDF. Vous comptez mettre en terme à leur
statut en jouant, une fois de plus, sur les générations : à partir de 2022,
le nouveau régime s’appliquerait pour les nouvelles embauches ; à partir de
2037, il s’appliquerait à tous.
Votre réforme implique surtout une baisse
des pensions de ces salariés d’au moins 20 %. Rappelons que, s’agissant des
employés en service actif, nous parlons de salariés – 20 % des
effectifs – qui, durant plus de 200 heures par an, déploient des
efforts physiques importants et sont soumis à des températures extrêmes,
exposées aux intempéries et au travail de nuit. La spécificité du statut
correspondait à ces conditions de travail, ce que vous refusez de reconnaître.
En abîmant ce statut et en imposant cette mauvaise réforme, vous mettez à mal un
secteur stratégiquement, socialement et écologiquement essentiel.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements
identiques et sur le sous-amendement ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Avis défavorable. Les amendements visent à
appliquer le système universel aux seuls salariés des industries électriques et
gazières embauchés à compter du 1er janvier 2009, au motif que
leur régime serait excédentaire.
Je me permets de contredire cette
analyse. Le régime des industries électriques et gazières compte aujourd’hui
138 000 cotisants pour 136 000 pensionnés, soit environ un
actif pour un retraité. Une taxe affectée a donc été créée, pour un montant de
1,5 milliard d’euros, afin d’équilibrer un régime qui verse
5 milliards d’euros de pensions. Ce régime tient parce que nous avons
affaire à une activité qui permet la création de taxes affectées, mais nous
estimons que tous les actifs de France ont le droit d’avoir des conditions de
départ à la retraite qui, tout en tenant compte des spécificités et des
sujétions de leur métier, relèvent d’une même logique. Ainsi, si la pénibilité
et la dangerosité doivent être prises en compte, il faut qu’elles le soient pour
tous de la même façon.
Monsieur Dharréville, avant que nous ne votions,
vous expliquiez que la génération 1975, la première qui sera intégrée dans le
régime universel, partirait à la retraite deux ans plus tard que la génération
1973, par exemple. Je vous rappelle que cette dernière génération est touchée
par la réforme Touraine de 2014. Elle prévoit que cette génération devra cotiser
quarante-trois ans. Si l’on prend l’âge moyen d’entrée dans le régime général,
soit 22 ans, et que l’on ajoute quarante-trois, on arrive à 65 ans.
Autrement dit, on est au-delà de l’âge d’équilibre de 64 ans prévu par la
réforme.
Je rappelle aussi que les Français partent aujourd’hui à la
retraite à 63 ans et cinq mois en moyenne. Autrement dit, nous décalons
potentiellement de six mois l’âge de départ, mais c’est pour financer une
nouvelle solidarité, en particulier le minimum contributif, une meilleure
réversion et d’autres améliorations. Je crois que l’on peut comprendre que l’on
demande cet effort.
Le caractère prétendument précipité de la réforme a
été une nouvelle fois dénoncé. Je veux rappeler comment nous l’avons élaborée.
Nous avons fait un diagnostic et relevé les problèmes que posait le système en
vigueur – il a apporté de grandes satisfactions, certes, mais il a aussi
rencontré des difficultés. Je pense aux polypensionnés, en particulier lorsque
les règles sont très différentes d’un régime à l’autre. Nous avons prévu
l’introduction d’un nouveau système à moyen terme et une transition longue pour
le passage d’un système à l’autre. J’estime qu’anticiper est une façon noble de
faire de la politique – cela vaut mieux qu’agir au dernier
moment.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Même avis. Pourquoi les
collaborateurs des industries gazières et électriques ne seraient-ils pas
concernés par le système universel ? Les réalités ne sont plus celles
qu’elles étaient il y a cinquante ou soixante-dix ans. Il faut respecter les
spécificités de ces métiers ; j’entends bien qu’elles existent : j’ai
rencontré un certain nombre de représentants de ces personnels. Il faut
également veiller à ce que les périodes de transition soient douces et adaptées.
Toutefois, tout le monde a sa place dans le système universel. De leur côté, les
industries électriques et gazières ont la volonté de maintenir un certain nombre
de spécificités. Cela se fait en bonne intelligence : il y a un vrai
dialogue social de qualité dans cette branche.
Je sais que vous êtes
vous-mêmes attentifs à la qualité du dialogue social, même si vous n’avez pas
l’audience du même spectre syndical que moi. Moi, j’écoute tout le monde, et je
peux vous dire que les industries électriques et gazières avancent bien sur
cette voie. Les spécificités seront traitées, mais tous les collaborateurs des
industries électriques et gazières seront intégrés au système
universel.
M. le
président. La parole est à M. Julien Aubert.
M. Julien
Aubert. Ces amendements nous donnent l’occasion de parler du régime
spécial propre aux industries électriques et gazières, qui n’est plus si spécial
que cela depuis Nicolas Sarkozy : la loi du 9 août 2004 relative au
service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et
gazières l’a adossé au régime général.
Nous ne sommes donc pas dans le
même cas de figure que celui de la SNCF. En l’espèce, c’est une surcotisation de
l’employeur qui permet le versement des pensions, et non des subventions de
l’État. Néanmoins, il me paraît également difficile de maintenir un régime à
part. Vous affirmez, mes chers collègues, qu’il est à l’équilibre ; je vous
rappelle qu’EDF est une entreprise publique : les 800 millions d’euros
qu’elle verse pour équilibrer la partie électrique du régime finissent par se
retrouver sur la facture des Français – je pense à la contribution
tarifaire d’acheminement, qui constitue une sorte de contribution publique.
M.
Jean-Pierre Vigier. C’est vrai !
M. Julien
Aubert. Je suis donc plutôt défavorable à ces amendements. Cependant, le
Gouvernement doit bien comprendre que nous parlons de ceux qui montent sur les
poteaux électriques, qu’il vente ou qu’il neige. Il ne s’agit pas de nier la
pénibilité de leur métier ni d’engager un mouvement de baisse du niveau de leur
pension. Aujourd’hui, 140 000 personnes ont peur que leur pension
baisse de 20 % !
Je souhaite que la nature spécifique de ces
activités continue d’être prise en compte, de façon très précise, dans votre
fameux régime universel, de manière à ce que soit reconnue mission de service
public de ces salariés qui montent tout en haut des poteaux, samedi et dimanche
compris, quelles que soient les intempéries. C’est sur ce terrain qu’il faut se
battre afin de préserver l’attractivité des entreprises en question. Il faut
aussi comprendre que ceux qui ont rejoint ces carrières ont arbitré entre leur
revenu immédiat et leur pension future. En conséquence, les pensions ne doivent
pas être considérées seulement en elles-mêmes : elles font partie d’un
ensemble et d’un engagement en faveur du service public.
Avec mes
collègues du groupe Les Républicains, nous voterons contre les amendements, tout
en appelant le Gouvernement et le rapporteur à nous transmettre des détails
concrets sur la manière dont le nouveau système prendra en compte ces
professions très particulières.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Monsieur le secrétaire d’État, vous sous-estimez ma
capacité d’écoute et de dialogue avec les organisations syndicales, quelles
qu’elles soient. C’est une caricature que je n’accepte pas.
Vous avez
évoqué la taxe affectée qui permet pour partie de financer les retraites du
régime dont nous parlons. Je rappelle qu’elle résulte d’un investissement passé
et d’une dette à l’égard de celles et de ceux qui ont construit le réseau
électrique et les équipements actuels. Tout cela est donc très logique et
cohérent : cela n’a rien d’abscons.
Pouvez-vous nous en dire plus
sur vos discussions avec les organisations syndicales des industries électriques
et gazières ? Nous avons besoin d’en savoir davantage sur ce sujet avant de
voter le projet de loi. Avancent-elles vraiment ? Quel est leur
contenu ?
Votre façon de nous expliquer qu’une période de transition
est nécessaire constitue un véritable aveu : votre système est bien une
thérapie de choc, même si l’on ne sait pas ce qu’elle soigne puisque le COR a
démenti l’existence d’un problème financier. Vous lissez les choses pour masquer
ce choc en espérant qu’il ne se ressentira pas trop, et qu’il sera socialement
acceptable ; nous, nous pensons qu’il ne l’est pas.
Monsieur le
rapporteur, vous confirmez qu’avec votre système la génération 1975 partira six
mois plus tard à la retraite. C’est déjà six mois de trop, mais, surtout, ce
délai n’est pas valable pour tout le monde. Vous choisissez de prendre l’exemple
d’un début de carrière à 22 ans parce que c’est l’âge moyen d’entrée dans
le régime général, mais qu’en est-il de ceux qui ont commencé à travailler entre
20 et 22 ans ? Pour ceux qui ont commencé à 20 ans, le départ à
la retraite est reculé de deux ans et demi.
M. Régis
Juanico et M. Boris Vallaud. Eh oui !
M. Pierre
Dharréville. Il faut tout dire ! Vous ne pouvez pas faire ce genre
de calcul en utilisant un âge moyen : il faut être précis et dire à chacun
ce qu’il va perdre.
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Pierre Dharréville a raison : tous vos cas types sont
fondés sur l’hypothèse d’un début de carrière à 22 ans. Certes, vingt-deux
plus quarante-trois font soixante-cinq, c’est très pratique, mais cela ne marche
pas, d’autant que ce calcul ne vaut que pour la génération 1975 alors que votre
réforme table sur un recul progressif de l’âge de départ effectif à la
retraite.
Selon que vous serez né le 31 décembre 1974 ou le
1er janvier 1975, il y aura deux ans et six mois d’écart entre
vos dates de départ à la retraite, alors même que vous aurez commencé à
travailler le même jour lorsque vous aviez 20 ans. C’est le même écart
qu’entre la génération 1950 et la génération 1974. C’est absolument
considérable, et c’est une profonde injustice. Il aurait été utile que vos
cas-types et vos projections fassent montre d’un peu plus de
nuances.
Permettez-moi de vous poser trois questions. Première
question : quels sont les tenants et les aboutissants de vos négociations
avec les organisations de travailleurs des entreprises électriques et
gazières ? Où en êtes-vous s’agissant des transitions, de la prise en
compte de la pénibilité et de tous les autres sujets ?
Deuxième
question : que va devenir la taxe affectée qui venait abonder le régime
spécial des industries électriques et gazières ?
Troisième
question : je crois savoir qu’un certain nombre de grandes entreprises, en
particulier EDF, avaient constitué des réserves, des provisions
– probablement dans le hors bilan – de plusieurs milliards
d’euros ; que deviendront-elles ? Seront-elles transférées à
l’État ? J’aimerais obtenir un éclaircissement à ce sujet, car l’étude
d’impact n’en dit rien.
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle
Obono. Le rapporteur a évoqué la démographie du secteur des industries
électriques et gazières, et le ratio entre actifs et retraités. Selon moi, il
s’agit de l’angle mort de votre politique : vous faites des projections de
manière statique, comme si nous ne parlions pas d’un secteur en faveur duquel il
faut consentir un investissement massif en période de transition
énergétique.
Pourtant, c’est bel et bien le cas, ce qui signifie que,
demain, les actifs seront plus nombreux. Dans ce secteur, nous voulons des
agents et des agentes très bien formés dont la carrière puisse évoluer et dont
le statut soit sécurisé et sécurisant pour faire face aux enjeux majeurs de la
transition écologique.
Le secrétaire d’État reconnaît les spécificités du
secteur, au moins à demi-mot. C’est ce qu’on appelait les régimes
spéciaux : la macronie prétend sans cesse réinventer la poudre mais, en
réalité, c’est ce que représentent ces spécificités. Dès lors, quel intérêt d’en
débattre à l’Assemblée nationale ? Il faudrait avoir d’abord mis à plat ces
spécificités ainsi que les enjeux de la pénibilité avec les organisations
syndicales, que vous prétendez entendre, pour savoir comment les prendre en
compte.
Vous allez recréer des régimes spéciaux au sein du nouveau
système prétendu universel, qui, en réalité, ne l’est pas. La réalité résiste à
votre volonté de tout niveler car les métiers et les statuts sont très variés.
Voilà pourquoi aucune des générations de gaziers et d’électriciens et
d’électriciennes ne doit intégrer le nouveau système. Aucune n’en veut,
d’ailleurs, puisque ces professions, ne vous en déplaise, restent mobilisées
contre la réforme.
(Le sous-amendement no 42455 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements no 26855 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 120
Nombre
de suffrages
exprimés 107
Majorité
absolue 54
Pour
l’adoption 15
Contre 92
(Les amendements no 26855 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour soutenir
l’amendement no 24931.
M.
Jean-Louis Bricout. Cet amendement de coordination vise à restreindre le
périmètre de la réforme.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je voudrais revenir sur un autre aspect de la discussion en
cours, qu’a évoqué M. le rapporteur : l’âge moyen de départ. Le
chiffre de 63,3 ans auquel vous avez fait référence correspond à l’âge
moyen de départ à la retraite, en 2018, des salariés du régime général, hors
départs anticipés. Ceux-ci inclus, l’âge moyen de départ est de 62,7 ans.
En outre, ce chiffre ne concerne que les salariés du secteur privé. Dans le
secteur public, les âges de départ sont plus faibles : ainsi, en 2016,
l’âge moyen de départ était de 59,7 ans dans la fonction publique
hospitalière et de 61,3 ans dans la fonction publique d’État et la fonction
publique territoriale. Au total, en 2017, l’âge moyen de départ tous actifs
confondus était de 62 ans et un mois : c’est ce chiffre-là qui devrait
faire référence !
M. Régis
Juanico. Eh oui, c’est le bon chiffre !
M. Pierre
Dharréville. Enfin, l’âge moyen de départ à la retraite ne doit pas être
confondu avec l’âge moyen de fin de carrière. Le premier désigne l’âge moyen de
liquidation de la retraite quand le deuxième renvoie au moment où les salariés
cessent leur activité professionnelle. Or on estime que la moitié des Français
et des Françaises arrêtent de travailler avant l’âge légal de départ. En 2017,
le taux d’emploi à 60 ans était de 45 %. Voilà ce qui devrait faire
foi pour les calculs.
M. Boris
Vallaud. Eh oui !
M. Pierre
Dharréville. Ce n’est pas le cas ; c’est pourquoi vos mesures vont
contribuer à une régression sociale massive.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc
Mélenchon. L’amendement no 24931 me donne l’occasion de
me faire l’écho devant vous, collègues, de la rencontre que nous venons d’avoir
à l’instant avec des avocats, dont un bâtonnier. Juste auparavant, j’avais
rencontré le bâtonnier de Lyon et son adjointe. Je suis frappé – et vous
savez que mon expérience politique est longue puisque, comme cela a été rappelé
hier, on l’avait sous-estimée à seulement trente ans alors qu’elle en est à
cinquante – de voir une catégorie sociale entière basculer dans une
position d’insurrection citoyenne contre un ordre. C’est curieux car ce ne sont
pas les milieux qui, d’habitude, partagent les méthodes de revendication du
salariat organisé, que vous avez observées de vos propres yeux.
Leur
basculement tient au fait qu’ils se savent et se sentent condamnés. Je le dis
comme ils le disent ; vous le prendrez comme vous voulez. Ils sont
persuadés, d’une part, que l’élévation des niveaux de cotisation conduira à la
fermeture d’un très grand nombre de cabinets d’avocats et, d’autre part, que
cela correspond à votre vision de l’avenir de leur métier. Ils pensent que les
ministres qui se sont exprimés sur le sujet, voire le Président de la
République, les considèrent comme une espèce en voie d’extinction qui sera
demain remplacée, à la faveur des modifications de comportement, par une justice
par QCM où chacun mettra des petites croix dans des petites cases et où
l’intelligence artificielle rendra les décisions. Voilà ce qu’on leur a dit et
ce qu’ils ont compris.
M. Sylvain
Maillard. Ce n’est pas ce qu’on leur a dit !
M. Jean-Luc
Mélenchon. Du coup, ils en sont à s’interroger non plus sur eux-mêmes,
ni sur le niveau de retraite qu’ils vont toucher – la plupart d’entre eux,
ils le savent, en seront au minimum contributif, alors même qu’ils entrent dans
le métier à bac+3 ou bac+4, ce qui représente un haut niveau de
qualification –, mais sur la place de la justice dans le pays. Ils pensent
qu’il sera de plus en plus difficile d’accéder au service de la justice parce
que les avocats n’existeront plus. Je vous livre leur position pour ce qu’elle
est.
Pour terminer, même les plus riches d’entre eux, dont les revenus
dépassent trois PASS, se disent que votre réforme les obligera à des efforts de
capitalisation qui leur paraissent disproportionnés.
Faites-en ce que
vous voulez mais, à cette heure, ils sont en sécession par rapport à la société
et en union avec le salariat.
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. La succession des amendements permet une continuité du
débat ; elle n’est donc pas inutile, même si l’on peut maintenant
s’inquiéter de la vitesse stupéfiante à laquelle on les examine…
(Sourires.)
Pour revenir sur les générations nées avant 1975, vous
nous avez renvoyés à l’article 62, alinéa 23, qui prévoit les
modalités d’une compensation des surcotisations pour les assurés concernés. La
légistique étant compliquée, on peut se reporter à l’exposé des motifs, qui dit
les choses clairement : « Les personnes nées avant le
1er janvier 1975 resteront affiliées aux régimes complémentaires
préexistants. Toutefois, elles seront redevables du même taux de cotisation […]
que les générations nées à compter du 1er janvier 1975. Une
ordonnance prévoira la répartition de ce taux de cotisation entre régimes de
retraite de base et complémentaires. »
L’ordonnance n’aurait donc
pour seul objet que de tirer les conséquences des modifications induites par
l’article 13 sur la construction du taux de cotisation, lequel ne distingue
plus la part contributive et la part non contributive pour les assurés nés avant
1975. C’est d’ailleurs ce que confirme, page 356, l’étude
d’impact.
Confirmez-vous notre interprétation ? Sinon, cela voudrait
dire que les assurés nés avant 1975 contribueraient au système universel et en
tireraient des droits, ce qui reviendrait à les intégrer pleinement à la réforme
dont ils devaient être exclus.
En réalité, on ne sait plus à partir de
quel année de naissance la réforme s’appliquera. J’ai peur que la réponse la
plus complète, s’agissant de la date de 1975, nous ait été donnée hier par le
rapporteur, lorsqu’il a énuméré toutes les années auxquelles vous avez
renoncé.
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. La question qui vient d’être posée par M. Vallaud mérite
une réponse précise.
Je veux rebondir sur ce que disait
M. Dharréville à propos de l’âge. Il y a plusieurs âges qui comptent en
matière de retraite. Celle-ci est d’ailleurs, au fond, essentiellement une
affaire d’âge, contrairement à ce que le Gouvernement a pendant longtemps
prétendu – l’ancien haut-commissaire aux retraites nous a ainsi dit à
plusieurs reprises qu’il ne serait pas question d’âge dans la réforme. On est
bien sûr rattrapé par la réalité.
Il y a l’âge légal de départ à la
retraite, l’âge réel de départ, l’âge pivot désormais, l’âge correspondant à
l’espérance de vie en bonne santé… Ce qui compte, c’est bien sûr l’âge réel et
l’âge légal de départ. Ce dernier correspond au moment auquel on a le droit de
partir en retraite ; mais ensuite, on fait ce que l’on veut, ou ce que l’on
peut. Si la pension n’est pas assez élevée, avec le système actuel fondé sur les
cotisations et les annuités, on peut continuer à travailler. Dans certaines
professions, notamment celles qui sont dotées de caisses autonomes, on souhaite
souvent travailler au-delà de l’âge légal de départ ; ainsi, les avocats
travaillent plus longtemps. Les personnes n’ayant pas cotisé assez longtemps et
n’ayant donc pas suffisamment d’annuités diffèrent également leur départ.
D’autres, au contraire, ne peuvent plus travailler pour différentes
raisons.
Tout cela, c’est la vie. La question fondamentale est de savoir
quel âge légal permet d’aboutir à l’équilibre du système de retraite. L’âge
étant la donnée fondamentale de cet équilibre, il doit être au cœur de notre
réflexion. Le Gouvernement propose un âge pivot qui est un entre-deux, un
succédané qui correspond à un recul de l’âge de départ sans vraiment en être un.
Nous reviendrons sur cette question.
Dans aucun pays, l’âge réel de
départ n’équivaut à l’âge légal, tout simplement car il dépend de la décision
personnelle du moment où l’on souhaite partir à la retraite.
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Les réponses à ces questions ont déjà été apportées plusieurs
fois. J’espère qu’il ne faudra pas les répéter 600 fois… (Exclamations
sur les bancs des groupes GDR et SOC.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Il ne faut pas nous réveiller !
Mme
Marie-Noëlle Battistel. Il faut déjà diviser 600 par 16 ou 17 !
M. Frédéric
Petit. Les réponses sont également présentes dans le texte à partir de
l’article 17.
Même si ces questions ont déjà fait l’objet d’une
réponse de la part du rapporteur et du ministre, mais aussi de plusieurs
collègues, je vous invite à réfléchir à trois mots : vous avez parlé de
« choc » et de « transition » ; j’ajoute
l’« immobilisme ».
Pour vous, soit on ne change rien, soit on
change les choses de façon brutale. Je crois que sur les bancs de droite, vous
êtes plutôt pour le changement brutal. Pour ce qui nous concerne, nous voulons
changer les choses, mais en les adaptant ; nous allons donc forcément
aménager une transition. Vous nous reprochez, dans les mêmes phrases, de prévoir
une transition et de ne pas en prévoir !
Oui, nous voulons changer
beaucoup de choses, donc c’est un choc : un changement très important qui
va apporter énormément et revenir à ce dont rêvaient les fondateurs de la
sécurité sociale.
M. Pierre
Dharréville. Vous accomplissez les Écritures !
M. Frédéric
Petit. Mais il faut évidemment prendre le temps d’accompagner ce
changement, parce qu’on ne change pas l’organisation d’un corps de
64 millions de personnes en cinq minutes.
(L’amendement no 24931 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements identiques,
nos 11522 et 11523.
La parole est à Mme Émilie
Bonnivard, pour soutenir l’amendement no 11522.
Mme Émilie
Bonnivard. Par cet amendement mon collègue Brun propose, dans un souci
de sincérité, de supprimer le mot « universel ». Nous en avons
beaucoup parlé à l’article 1er : nous ne sommes pas
d’accord avec la possibilité de recourir à ce terme, étant donné que le système
que vous souhaitez instaurer comporte de nombreux régimes spécifiques et
exceptions.
M. le
président. La parole est à M. Maxime Minot, pour soutenir
l’amendement no 11523.
M. Maxime
Minot. L’amendement de mon éminent collègue Le Fur vise à supprimer
le terme « universel » car, comme Émilie Bonnivard vient de le dire
– et comme le corapporteur nous l’a expliqué la semaine dernière –, le
nouveau système ne l’est pas complètement. (Applaudissements sur quelques
bancs du groupe LR.)
M.
Jean-Pierre Vigier. Il comporte cinq régimes !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les amendements se répètent. D’abord, ce
n’est pas un régime, mais un système universel. En effet, il contient cinq
régimes, notamment le régime général et ceux des agriculteurs, des pêcheurs et
des fonctionnaires. Il y a des spécificités dont il faut tenir compte, mais
reconnaître les spécificités n’empêche pas d’introduire plus d’uniformité dans
les règles de calcul et de droit. Nous le répéterons à l’envi tant que vous
répéterez les mêmes amendements.
En effet, le système actuel souffre
d’inégalités qui conduisent à ne pas prendre en compte certaines situations
particulières de façon équitable. Ainsi, en matière de pensions de réversion
– qui correspondent à une période de vie forcément très douloureuse –,
nous n’estimons pas normal que suivant le régime auquel on est affilié, l’on ne
bénéficie pas des mêmes conditions. On peut également citer les droits de la
famille.
Pour revenir sur la notion d’âge évoquée par MM. Woerth et
Dharréville, elle représente en effet un facteur important d’équilibre, mais ce
n’est pas le seul, monsieur Woerth.
Mme
Véronique Louwagie. C’est un facteur essentiel !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je sais que votre groupe y attache une
importance particulière, mais le ratio entre actifs et retraités, le taux
d’emploi et le taux de cotisation comptent également dans l’équilibre
global.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. C’est pourquoi tous ces éléments seront à
la main du conseil d’administration de la future caisse, pour évaluer les
conditions de l’équilibre futur. L’âge est, bien sûr, un élément
important.
Vous avez raison, monsieur Dharréville : la question de
l’âge peut être abordée sous différents angles – âge légal ou âge
constaté – et en tenant compte des départs anticipés. Comme nous l’avons
précisé, en nous référant à l’article concerné, les départs anticipés seront
toujours possibles.
Lors des débats sur les précédentes réformes, il
était apparu que le taux d’activité de la tranche 55-60 ans était
particulièrement faible en France, où l’âge a souvent été une variable
d’ajustement pour certains employeurs. La forte évolution du taux d’emploi de
cette catégorie d’âge est due à une révolution culturelle qui contribue à
rapprocher la situation de la France de celle d’autres pays européens. Quoi
qu’il en soit, le changement doit aussi être culturel.
Notre réponse doit
tenir compte du fait que l’on ne peut pas aborder l’emploi de la même façon à
60 ans qu’à 30 ans : si son aptitude physique peut être moindre,
la personne plus âgée possède une expérience à valoriser. N’oublions pas qu’un
départ à la retraite brutal peut aussi être vécu comme une transition
douloureuse pour ceux qui se trouvent, du jour au lendemain, privés de leurs
relations sociales habituelles.
Il nous semble donc important de tenir
compte de l’âge et des évolutions, et de le faire de façon très progressive.
Avis défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Mon avis est défavorable sur
ces amendements qui nous replongent dans le sempiternel débat sur le terme
« universel ». Même si c’est l’occasion d’aborder des thèmes plus
larges, je souhaiterais que nous avancions dans le débat afin d’en venir à des
sujets plus profonds ou plus techniques – et je pense que vous en avez
aussi envie.
S’agissant des industries électriques et gazières, évoquées
par les députés Dharréville, Vallaud et Juanico, précisons que des concertations
ont lieu entre les représentants des employeurs et ceux des salariés. Tous les
ministres concernés, y compris moi-même, ont reçu au moins quatre fois ces
partenaires sociaux.
Les représentants des salariés souhaitaient une
transition à l’italienne, c’est-à-dire que les pensions soient calculées sur la
base des six derniers mois réels de carrière, ce dont il a été pris acte. En ce
qui concerne les catégories fermées, ils voulaient que la cristallisation des
droits en matière de pénibilité soit actée. C’est ce qui a été décidé. Pour
l’assiette de cotisations, nous allons reprendre le fruit de la concertation qui
a lieu entre les employeurs et les salariés, car nous n’avons pas à nous
substituer aux employeurs. Voilà les éléments que vous me demandiez sur l’état
des discussions, que je vous communique bien volontiers.
Le rapporteur a
déjà répondu à une question du député Dharréville sur le fait que nous aurions,
en parlant des départs constatés, omis les départs anticipés. Comme les
dispositifs de départ anticipés subsistent, il n’y a aucune difficulté à parler
de l’âge de départ réel, constaté, sans les prendre en compte : voilà
pourquoi nous nous appuyons sur cette donnée.
Enfin, pour répondre au
député Juanico, qui voulait à nouveau nous faire partager son questionnement sur
l’alinéa 23 de l’article 62, j’ai relu cette disposition. Je vous
reconfirme que toute augmentation de cotisations générera des droits
correspondants, en régime de base comme en régime complémentaire.
M. Régis
Juanico et M. Boris Vallaud. Ce n’est pas écrit !
M. Frédéric
Petit. Avec vous, ce qui est écrit ne l’est pas !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous pourrons, si vous le
souhaitez, prendre cinq minutes lors de la suspension de séance pour le vérifier
ensemble – j’ai déjà fait cette proposition à Boris Vallaud. Il n’y a pas
de débat possible mais, si vous avez une inquiétude, nous pouvons en parler.
Merci de m’avoir donné un petit de temps, monsieur le président.
M. le
président. Je vous en prie : le Gouvernement s’exprime quand il
veut et aussi longtemps qu’il le souhaite.
La parole est à M. Hubert
Wulfranc.
M. Hubert
Wulfranc. Monsieur Petit, il faut que vous arrêtiez de qualifier les
membres de l’opposition de conservateurs. Vous avez manié cet argument plusieurs
fois. Or je vous rappelle que toutes vos oppositions – qu’elles soient
situées à droite ou à gaude de l’hémicycle – ont déposé des projets de
réforme répondant à leurs valeurs et à leurs objectifs. Vous ne pouvez pas plus
nous accuser de faire fi de l’équilibre financier du système, que de vouloir
conserver coûte que coûte un système que nous trouvons perfectible et que nous
souhaiterions améliorer.
S’il vous plaît, ne nous faites pas passer pour
des anciens alors que vous seriez les modernes. À chacun de nos amendements,
nous dénonçons les turpitudes de votre projet de loi, telles que l’allongement
de la carrière et la baisse programmée du montant des pensions.
(M. Loïc Prud’homme applaudit.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Avec ces amendements qui reviennent sur
l’universalité du régime, nous touchons au fond, à la réalité de votre loi et
non pas seulement à son principe. Comme nous l’avons dit et redit, le système
envisagé n’est pas universel car il prévoit un traitement différent selon les
générations et des régimes spécifiques. Et quand il tend à l’universalité, cela
peut donner le pire, comme le montre l’exemple des avocats.
Vous avez
d’ailleurs réussi à provoquer la mobilisation des 164 barreaux et une
colère tout à fait inédite. Cette profession, qui n’a pas une habitude de
mobilisation très ancrée, est vent debout contre votre réforme, ce que l’on
comprend. On le comprend, car votre réforme met en péril l’accès au droit
puisque les cabinets les plus touchés par la hausse de 14 % à 28 % des
cotisations seront ceux qui viennent en aide à celles et ceux qui ont le plus de
mal à avoir cet accès.
Les avocats ont un régime qui, autonome depuis
1948, est à la fois pérenne, équilibré et solidaire. Ils peuvent actuellement
bénéficier d’une pension de retraite minimum de 1 400 euros, mais
celle-ci tombera à 1 000 euros une fois qu’ils seront intégrés dans le
système universel. Aux avocats les moins bien rémunérés, vous allez donc imposer
une chute vertigineuse des pensions de retraite. Quant à ceux qui se situent
dans le haut du panier, ceux dont la rémunération excède huit PASS, ils seront
contraints d’aller voir du côté de la capitalisation, c’est-à-dire des
assurances privées, alors que leur système actuel est moins coûteux.
Pour
résumer, je ne vois pas comment ils peuvent s’y retrouver. Je ne comprends pas
pourquoi vous refusez de les recevoir. Pour notre part, nous les avons reçus.,
et le groupe de la République en marche serait peut-être avisé d’en faire de
même. Ils sont là, demandeurs d’une discussion.
À propos d’une autre
catégorie de la population, M. Petit disait qu’il faudrait que le choc ne
soit pas trop rude lors du basculement vers le nouveau régime. Mais parler de
« choc » revient à reconnaître qu’il y a problème dans le régime que
vous voulez imposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
M. le
président. La parole est à M. Brahim Hammouche.
M. Brahim
Hammouche. Ce débat sur l’universalité, c’est bis repetita. Mais la
pédagogie n’est-ce pas la répétition ? Nous répétons donc que le système
est universel avec des régimes particuliers dont certains sont maintenus.
Universel, il l’est dans ses principes, ses valeurs et ses objectifs.
Il
est universel dans ses principes car il demeure un système par répartition.
Faut-il encore le rappeler ? Il renforcera les solidarités pour certaines
catégories de populations qui ne peuvent pas bénéficier du système actuel. Il
permettra une unicité des modes de calcul des droits liés aux carrières et aux
trajectoires, mais aussi à la personne : il y a quelques jours, nous avons
introduit la notion de pensions de retraite « dignes ». En matière
d’universalité, qu’y a-t-il de plus beau que le terme de
« dignité » ?
Il est universel dans ses valeurs d’équité
sociale puisqu’un euro cotisé ouvrira les mêmes droits pour tous. Nous le
répétons car ce n’est pas un élément de langage : c’est une réalité, un
calcul.
Enfin, il est universel dans ses objectifs puisqu’il permettra de
renforcer les solidarités et d’accorder de nouveaux droits à des populations qui
n’en bénéficient pas dans le système actuel. Si ce n’est pas de l’universalité,
je ne sais pas ce que c’est.
M. le
président. La parole est à M. Alain David.
M. Alain
David. Les avocats sont en colère. Ils le disent très haut et
fort ; ils sont dans la rue, à deux pas d’ici. Nous les avons reçus.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. C’est bien !
M. Alain
David. Ces avocats pensent que vous mettez en péril leurs cabinets les
plus fragiles. Ils sont en colère parce que vous faites planer la menace du
chômage sur une bonne partie de leur personnel. Ils sont en colère parce que
vous remettez en cause leur indépendance. Ils sont en colère parce que vous
mettez en péril les justiciables les plus fragiles. Ils sont en colère parce
qu’ils vous soupçonnent de vouloir remettre en cause notre modèle de
justice.
Je pense qu’il est encore temps que vous retiriez votre projet
de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.
– Mme Clémentine Autain applaudit
également.)
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Avec ces amendements, nous évoquons les périodes de transition
qui vont vers une universalité totalement incomplète. Nous contestons, non
l’existence, mais la durée – immense – de ces périodes de
transition.
Je n’ai d’ailleurs toujours pas obtenu de réponse concernant
le conducteur de train qui, né en 1985, aura 52 ans en 2037. Que se
passera-t-il ? Celui qui est né le 31 décembre 1984 partira à la
retraite à 52 ans, et celui qui né le 1er janvier 1985, à
62 ans ? Il y aura dix ans d’écart ? Y a-t-il une période de
montée en puissance à partir de cet âge-là ? Est-ce à dire que ceux qui
sont nés en 1986 partiront à 52 ans et 6 mois et que ceux qui sont nés
en 1987 partiront à 53 ans ? Ces questions ont déjà été posées pour
illustrer les questions de seuils et de phase de transition.
Mme
Véronique Louwagie. Et nous n’avons toujours pas de réponse !
M. Éric
Woerth. Elles sont fondamentales pour les gens concernés. Elles le sont
aussi pour la justice du système : dès lors que les régimes spéciaux sont
supprimés, les mêmes conditions s’appliquent à tous, y compris, en principe, au
regard d’un régime universel de pénibilité qui devrait garantir à chaque
Français les mêmes droits en ce domaine.
Mme
Véronique Louwagie. Très bien !
(Les amendements identiques nos 11522 et
11523 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir
l’amendement no 26743 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine.
Ces amendements font l’objet d’un sous-amendement
no 42436.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous voulons, nous aussi, dire notre solidarité avec
les avocats. Dans un département comme le mien, l’Allier, où les petits cabinets
sont nombreux, l’inquiétude est forte. Je ne reviendrai pas sur les propos de
M. Turquois…
Mme Cendra
Motin. Non, non !
M.
Jean-Paul Dufrègne. …qui disait que nous n’étions rien.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. On ne
va pas revenir là-dessus !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Depuis hier, le groupe GDR a donc été rebaptisé le
« groupe de rien ».
M. Sylvain
Maillard. Oh !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Pour Ambroise Croizat, qui avait pu rêver d’un vrai
système universel, votre projet aurait été un vrai cauchemar. Si des inégalités
demeurent dans notre système de retraite par répartition, les dispositifs de
solidarité existants – les droits familiaux, les pensions de réversion, le
minimum contributif – contribuent à les réduire fortement au profit des
personnes qui ont peu cotisé ou qui ont eu des périodes d’interruption
d’activité.
Votre texte, lui, est profondément inéquitable. Je l’ai déjà
dit : eu égard à la pénibilité et à l’espérance de vie, un point cotisé par
un ouvrier n’a pas la même valeur qu’un point cotisé par un cadre. En traitant
de la même manière des individus placés dans des situations professionnelles
inégales, le Gouvernement a donc fait le choix d’un système inéquitable de
retraite, un système qui aura pour effet d’amplifier les inégalités entre les
assurés.
J’écoutais ce matin l’interview de Gabriel Attal par
Jean-Jacques Bourdin. À la question de savoir pourquoi la réforme ne pouvait pas
être reportée, il a répondu que les agriculteurs devaient pouvoir en bénéficier
rapidement. Quand on sait que ceux qui ont déjà liquidé leur retraite
continueront de toucher des pensions de misère, c’est véritablement se moquer
d’eux !
Pourquoi d’ailleurs nous contenter d’un minimum de
1 000 euros ? Pensez-vous qu’il s’agit d’un montant généreux pour
une retraite ? Ça ne l’est évidemment pas ! (Applaudissements sur
les bancs du groupe GDR.)
M. le
président. La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir le
sous-amendement no 42436.
M. Ugo
Bernalicis. Votre système n’est pas universel, mais inéquitable
– la démonstration vient d’en être faite –, et nous proposons, avec ce
sous-amendement, de préciser qu’il est également
« dangereux ».
Pour l’illustrer, je prendrai de nouveau
l’exemple des avocats et de leur combat contre la réforme des retraites.
Celle-ci n’est en réalité que le catalyseur d’un mal-être plus large au sein de
la justice. Mettre en péril l’équilibre économique des cabinets d’avocats et
notamment celui des plus petits, chargés de l’aide juridictionnelle ou du
conseil juridique gratuit dans les permanences d’accès au droit, conduira à la
fragilisation de la profession. D’après les projections des bâtonniers, la
réforme pourrait engendrer une diminution du nombre d’avocats de 20 à 30 %.
Le besoin de droit et de justice ne fait pourtant qu’augmenter dans notre pays,
en dépit des mesures que vous avez prises pour empêcher le justiciable d’accéder
au juge.
La réforme des retraites du Gouvernement est donc dangereuse
pour l’accès au droit. Ce n’est pas l’article 45 du projet de loi
d’accélération et de simplification de l’action publique, qui vise à confier le
travail des avocats aux assureurs, qui va arranger les affaires de l’avocat et
du citoyen ! Ce dernier devra payer sa protection juridique dans le cadre
de son assurance, protection juridique d’ailleurs partielle car soumise à une
exigence de rentabilité.
L’accès au droit n’est plus considéré en tant
que tel mais en fonction d’arbitrages économiques permanents. Voilà donc le
danger que votre réforme des retraites fait peser sur la profession des avocats
et sur la société tout entière. Car la question de l’accès au droit et à la
justice est loin d’être une question annexe dans une démocratie. Elle ne peut
pas être écartée ou repoussée : elle est centrale pour le vivre
ensemble.
La lutte actuellement menée par les avocats révèle que le
système universel de retraite n’est pas seulement inéquitable, mais
également dangereux. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
– M. Alain David applaudit
également.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements
identiques et sur le sous-amendement ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ce doit être la trentième fois au moins que
nous nous penchons sur des amendements visant à remplacer le mot
« universel » par le mot « inéquitable » !
Pour
une fois, je suis assez d’accord avec ce que vous avez dit, monsieur
Bernalicis : les avocats traversent une crise de confiance qui va au-delà
de la réforme des retraites, celle-ci entrant en résonance avec les difficultés
plus profondes qu’ils rencontrent.
Je ne sais pas si vous étiez là hier
quand nous en avons parlé, mais un grand nombre d’avocats chargés de l’aide
juridictionnelle ou spécialisés dans le droit de la famille exercent leur métier
dans des conditions modestes et peinent à vivre décemment. Ils ne bénéficient ni
de la reconnaissance ni des revenus que leur fonction et leurs études devraient
leur assurer. Ils jouent pourtant un rôle absolument indispensable dans notre
société. Au sein du corps social que représentent les avocats, une part
importante des individus sont en souffrance.
Les avocats ne sont
cependant pas les seuls qui se servent de la tribune offerte par la réforme des
retraites pour exprimer leurs difficultés. Le même phénomène est à l’œuvre dans
des secteurs comme l’hôpital, l’agriculture ou les commerces de centre-ville.
C’est la raison pour laquelle nous devons appliquer des politiques sectorielles
adaptées aux spécificités de chaque secteur, sans nous limiter à la question des
retraites, selon moi éloignée des véritables enjeux. (Exclamations sur les
bancs du groupe GDR.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. C’est le même sujet !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Lorsque nous prenons la parole pour soutenir des amendements
dont l’objet est de remplacer un mot par un autre – en l’occurrence, un
synonyme –, il va sans dire que ce n’est pas pour expliquer pourquoi nous
proposons un mot plutôt qu’un autre. C’est pourtant ce que l’on entend dans les
médias et dans l’hémicycle depuis plus de vingt-quatre heures pour justifier le
caractère déraisonnable de nos interventions. Ces prises de parole nous offrent
en vérité l’occasion de nous exprimer et de vous interroger, monsieur le
rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, sur différents points du projet de
loi, dans le but d’être mieux éclairés.
La réforme des retraites sera
inéquitable, nous l’avons dit. La délégation d’avocats qui manifestaient tout à
l’heure devant l’Assemblée a pu rentrer dans le Palais Bourbon et rencontrer
plusieurs groupes de l’opposition.
Au-delà même de la question de leur
régime particulier, ils se mobilisent, comme avant eux les cheminots, d’ailleurs
toujours mobilisés, pour défendre leur conception de la justice. Ils craignent
que votre réforme ne conduise à la disparition d’un tiers de la profession et à
une justice à deux vitesses, avec d’un côté les cabinets d’affaires, qui
pourront sans doute se maintenir, et de l’autre un barreau réservé aux plus
nécessiteux. L’accès à la justice sera rendu bien plus difficile pour bon nombre
de Françaises et de Français.
C’est au nom de cette conception de la
justice et en raison de la crainte de voir de nombreux cabinets fermer, ce qui
restreindra de fait l’accès à la justice, que les avocats continuent de se
mobiliser. Cette profession n’a pourtant pas l’habitude d’être dans la lutte
– c’est le moins que l’on puisse dire.
Parmi les avocats, les
situations sont très diverses. Il y a ceux dont les clients ont de l’argent,
mais il y a aussi ceux qui gagnent très peu et qui ont beaucoup à craindre de
votre réforme. L’une des avocates qui représentaient la délégation que nous
avons rencontrée nous a confié que, selon elle, l’union actuelle de secteurs
très différents de la société contre la réforme aboutira, quelle qu’en soit
l’issue, à ce que « plus rien ne sera jamais comme
avant ».
Voilà où nous en sommes ! Vous êtes de plus en plus
isolés, chers collègues, dans la défense de la réforme des retraites. Il ne
restera bientôt plus que vous dans cet hémicycle pour soutenir le projet de loi.
Prenez conscience de la gravité de la situation à laquelle nous sommes arrivés
après de longs mois de mobilisation !(Applaudissements sur plusieurs
bancs des groupes FI et SOC.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Certains ici tentent de se convaincre qu’ils sont en train
d’accomplir les Écritures…
M. Ugo
Bernalicis. De la Commission européenne !
M. Pierre
Dharréville. …ou de réaliser les rêves de grands anciens comme Ambroise
Croizat. Votre inconscient travaille, c’est bien naturel. Par cette forme de
protection qui se met mécaniquement en place, vous cherchez à vous préserver
– c’est du moins ainsi que je le comprends.
Permettez-moi de vous
dire toutefois que votre conviction n’est pas conforme à la réalité. Peut-être
le comprendrez-vous un jour, la réflexion faisant son chemin.
Notre débat
d’aujourd’hui aura permis d’éclaircir plusieurs points, notamment le diagnostic
de départ.
Vous avez, monsieur le secrétaire d’État, évoqué les
industries électriques et gazières et sous-entendu que leur régime de retraite
n’a pas changé depuis 1945. Ce n’est évidemment pas le cas. Il a bien entendu
évolué pour s’adapter aux évolutions de la société, mais de nouvelles
adaptations sont sans doute nécessaires aujourd’hui pour prendre en
considération les facteurs de pénibilité apparus au fil du temps.
Les
propos que vous avez tenus un peu plus tôt, monsieur le rapporteur, ont
également permis de clarifier votre position sur l’emploi des seniors, un sujet
important. Vous avez la volonté de favoriser demain le maintien des seniors dans
l’emploi. Cet objectif n’apparaît pas dans les six objectifs inscrits à
l’article 1er, mais il est bien l’un des objectifs du projet de
loi. Vous ne l’avez peut-être pas dit aussi clairement, mais, là encore, c’est
ainsi que je l’ai compris.
Au sujet de cet objectif, avec lequel je suis
en désaccord, vous avez évoqué un changement culturel. Sur ce point, nous ne
pouvons qu’être d’accord : l’emploi des seniors revêt un enjeu culturel et
soulève la question du sens de l’âge de la retraite. Au fond, il s’agit de
s’interroger sur ce qu’est le travail.
Compte tenu des chiffres que j’ai
évoqués tout à l’heure et sur lesquels nous sommes d’accord, favoriser le
maintien d’un plus grand nombre de seniors dans l’emploi va conduire à un plus
grand nombre de seniors dans le chômage et, du même coup, à un moins grand
nombre de seniors à la retraite, selon le principe bien connu des vases
communicants. Ce n’est pas une avancée sociale, selon moi ; ce n’est pas
non plus le sens de l’histoire. L’objectif que nous devons atteindre n’est pas
celui-là, mais la libération du travail prescrit à un certain moment de la vie.
Sur ce thème, nous avons donc un désaccord fondamental.
M. le
président. La parole est à M. Serge Letchimy.
M. Serge
Letchimy. J’aimerais à mon tour apporter ma contribution à ce débat et,
à travers moi, la contribution de l’outre-mer.
Le groupe Socialistes et
apparentés a clairement indiqué son opposition au texte et formulé des
propositions. Il s’est penché sur le détail de l’étude d’impact et a constaté
qu’elle ne permettait pas, compte tenu d’analyses plus ou moins tronquées, de
prendre des décisions claires sur la base de paramètres fiables. Les enjeux sont
pourtant importants puisque la réforme concernera des millions de
personnes.
C’est dans le cadre des travaux de la commission spéciale que
j’ai pris conscience du flou qui entoure le projet de loi. Certains propos m’ont
laissé espérer des ouvertures sur la question des ordonnances, mais ils n’ont
pas encore été suivis d’effets.
L’outre-mer est concernée au premier chef
par les ordonnances : la réforme des retraites s’y appliquera presque
exclusivement par cette voie. D’aucuns pourraient dire que nous y sommes
habitués – malheureusement ! –, mais ce sont tout de même
2,3 millions d’habitants qui sont concernés – ils pourraient
d’ailleurs être bien plus qu’ils n’en demeureraient pas moins des êtres
humains !
Un exemple permet d’illustrer le caractère flou du texte.
Dans l’histoire particulière des territoires d’outre-mer, bon nombre de nos
pères et de nos grands-pères ont travaillé dans des champs de bananes et de
cannes à sucre. Pour survivre, ils cultivaient en même temps un potager sur le
petit lopin de terre laissé par le colon. Ils coupaient des cannes sans aucun
contrat de travail et recevaient, en échange de leur travail, une enveloppe avec
de l’argent liquide – ce système permettait de perpétuer la dépendance des
anciens esclaves vis-à-vis du colon.
Ces hommes ne recevaient donc aucun
papier permettant de justifier leur salaire. Pour bénéficier de la retraite
minimum de 1 000 euros prévue par le projet de loi, les agriculteurs
doivent pouvoir attester d’une carrière complète. Mais comment justifier d’une
carrière complète quand on a été en même temps pêcheur, maçon, coupeur de cannes
et coupeur de bananes ?
Cet exemple, particulièrement explicite,
montre qu’au lieu de précipiter la réforme des retraites, vous auriez dû prendre
le temps de réfléchir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC
et GDR, ainsi que sur quelques bancs du groupe FI.)
M. Pierre
Cordier. Très bon exemple !
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Monsieur Wulfranc, je ne vous ai pas accusé d’être conservateur.
Loin de moi cette idée, qui ne reflète pas du tout ce que je
pense.
Madame Autain, ce n’est pas moi qui ai prononcé le mot
« choc », mais M. Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. C’est vrai !
M. Frédéric
Petit. Je ne faisais que lui répondre.
Enfin, monsieur
Quatennens, lorsque vous déposez six cents fois un amendement pour remplacer un
mot par un autre, vous avez six cents fois la parole et nous ne l’avons qu’une
fois, pour vous répondre.
M. Loïc
Prud’homme. Nous vous avons entendus de nombreuses fois ! Arrêtez
vos blagues !
M. Frédéric
Petit. S’agissant du principe selon lequel tout euro cotisé ouvrira les
mêmes droits, nous n’avons pas suffisamment expliqué, me semble-t-il, pourquoi
ce n’est pas le cas dans le système actuel.
C’est simple : tant
qu’une personne n’a pas liquidé sa retraite, elle ne sait pas aujourd’hui
combien un euro cotisé rapporte. Or il peut ne rien rapporter du tout dès lors
qu’elle n’a pas cotisé le nombre de trimestres exigés dans le régime dont elle
dépend.
Personnellement, je vais dépendre de trois ou quatre
régimes ; si je n’ai pas cotisé le nombre de trimestres suffisants pour
chacun d’eux, alors tous les euros que j’aurai cotisés – à mon âge, il
s’agirait plutôt des francs ! – ne me rapporteront rien – ils me
rapporteront peut-être des trimestres, mais pas des euros.
Aujourd’hui,
il existe deux critères, séparés par un firewall, autrement dit un
pare-feu : d’un côté, le nombre d’annuités ou de trimestres, de l’autre, le
taux de remplacement. Si quelqu’un ne possède pas un nombre suffisant
d’annuités, les sommes qu’il a cotisées ne peuvent pas être prises en compte
pour calculer le montant de sa pension. En d’autres termes, on peut avoir
effectué quarante-trois trimestres morcelés, et toucher seulement 1500 à
1600 euros de retraite, après avoir cotisé sur les salaires à 3 000 ou
4 000 euros.
Voilà la réalité. Le système à points, c’est la
seule chose qu’il change, introduit un mode de calcul permettant d’obtenir des
droits en mitigeant ces deux indicateurs.
M. Alain
Bruneel. N’importe quoi !
(Le sous-amendement no 42436 n’est pas
adopté.)
(Les amendements
nos 26743 et identiques
ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de six amendements identiques,
nos 53, 269, 587, 23902, 24648 et 25385, qui font l’objet d’un
sous-amendement no 42621.
Sur ces amendements identiques, je
suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir
l’amendement no 53.
M. Frédéric
Reiss. Le projet de loi portant atteinte à l’indépendance des
professions libérales et des avocats, on comprend pourquoi ces derniers sont
aujourd’hui en colère.
M. Alain
Bruneel. C’est vrai !
M. Frédéric
Reiss. Vous avez annoncé la suppression de certains régimes spéciaux,
dont les caisses sont fortement déficitaires, et qui perdureront encore quelques
décennies. À la différence de ces régimes, qui survivent grâce à des subventions
publiques, les caisses autonomes, comme celle que gèrent les avocats, sont
équilibrées, voire bénéficiaires.
Les avocats craignent donc que l’on
absorbe leurs réserves pour combler le déficit des autres régimes, mais il
serait déloyal et injuste de la part du Gouvernement de priver de leurs droits
ces professionnels qui se sont toujours assumés.
C’est pourquoi je
propose, par cet amendement, d’exclure les avocats et les professionnels
libéraux du dispositif du régime général.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir
l’amendement no 269.
M.
Jean-Pierre Vigier. L’amendement vise effectivement à exclure les
avocats et les professionnels libéraux du dispositif du régime général. Monsieur
le secrétaire d’État, les avocats, qui disposent d’une caisse autonome, ne
demandent rien à personne. En outre, ils font acte de solidarité en apportant
chaque année 100 millions d’euros au régime général.
On voit bien ce
que vous vous apprêtez à faire : vous allez augmenter leurs cotisations de
14 % à 28 %, diminuer leur retraite en moyenne de 1 600 à
1 000 euros et grignoter leurs réserves. Ce n’est pas acceptable.
Écoutez-nous et acceptez de revenir sur votre position. Encore une fois, les
avocats ne vous ont rien demandé ! (Applaudissements sur plusieurs bancs
du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir
l’amendement no 23902.
M. Patrice
Verchère. Par cet amendement, qui s’inscrit dans la continuité de ceux
que nous avons défendus sur la profession d’avocat, nous dénonçons une atteinte
à l’indépendance des professionnels libéraux.
À la différence des régimes
spéciaux, qui, fortement déficitaires, survivent grâce à des subventions
publiques, les caisses autonomes que gèrent les médecins, les kinésithérapeutes,
les infirmiers et d’autres professionnels libéraux sont équilibrées, voire
bénéficiaires.
Dans les professions médicales et paramédicales, le risque
est réel de voir disparaître les petites entités. Aussi, s’il appliquait la
méthode proposée, le Gouvernement condamnerait des territoires déjà fortement
touchés par la désertification médicale. On ne peut pas prendre ce
risque.
C’est pourquoi nous vous proposons d’exclure les professionnels
libéraux, notamment les avocats, du dispositif du régime général, c’est-à-dire
de leur permettre de préserver et de conserver la maîtrise de leurs caisses
autonomes, qui sont excédentaires et disposent de réserves importantes,
constituées pendant plusieurs années par les cotisations de leurs adhérents. Non
au hold-up sur les caisses des régimes autonomes ! (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir
l’amendement no 25385.
Mme
Isabelle Valentin. Nous avons déjà eu cette discussion hier soir. Il est
essentiel de distinguer les régimes spéciaux, qui, souvent déficitaires,
survivent grâce à des subventions publiques, et les caisses autonomes,
bénéficiaires, pérennes et solidaires puisqu’elles reversent de l’argent aux
autres régimes. Les secondes ne coûtent rien à l’État ni aux contribuables.
C’est pourquoi nous vous proposons d’exclure les professions libérales du
système prétendument universel introduit par la réforme.
Pourquoi
supprimer, en effet, ce qui fonctionne correctement ? Pourquoi pénaliser
les bons élèves ? Certainement pour absorber leurs réserves et les verser
au pot commun, afin de combler le déficit de certains régimes. Ce serait très
injuste !
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 24648.
Mme
Emmanuelle Ménard. À Béziers, les avocats ont une nouvelle fois
reconduit leur mouvement de grève et ils manifesteront à nouveau ce soir devant
le théâtre municipal, où Richard Berry doit interpréter Plaidoiries. J’ai
beaucoup discuté avec eux. Ils ont l’impression qu’en leur imposant sa réforme
des retraites, le Gouvernement entame la mise à mort de leur profession. Ils
craignent en effet que 30 % à 40 % d’entre eux ne
disparaissent.
Vous les poussez à devenir salariés dans les services
juridiques de grandes entreprises, de grands groupes ou de grands cabinets, ce
qui s’inscrit, selon eux, dans la continuité de la réforme de la justice que
vous avez votée l’an dernier. C’est la fin des petits avocats ou des petits
cabinets, qui travaillent avec l’aide juridictionnelle, laquelle ne pourra
bientôt plus être assurée. Du coup, vous remettez en cause le fonctionnement
même de notre justice et le droit inaliénable de chacun à être
défendu.
Les craintes des avocats sont légitimes et méritent d’être
entendues, car il faut rappeler que leur régime est une exception dans
l’exception que constituent les régimes autonomes des professions libérales. Les
avocats sont en effet les seuls à gérer en autonomie leur régime de base comme
leur régime complémentaire.
Encore une fois, vous avez voulu aller trop
vite. Encore une fois, vous devriez revoir le calendrier de votre réforme.
Encore une fois, vous condamnez le maillage exceptionnel de cette profession sur
le territoire français, en mettant particulièrement en péril les petits
avocats.
M. le
président. La parole est à M. Julien Dive, pour soutenir
l’amendement no 587.
M. Julien
Dive. Pardonnez-moi, monsieur le président, j’avais dû m’absenter :
merci de me permettre de défendre mon amendement maintenant. Je vais abonder
dans le sens de nos collègues qui défendent la cause de nos agriculteurs… Je
veux dire, de nos avocats ! Excusez-moi, je viens d’avoir une discussion
sur l’agriculture, qui est, vous le savez, un sujet d’actualité.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)
Permettez-moi,
messieurs les juges, d’apporter à mon tour de l’eau au moulin de la défense.
Votre réforme des retraites constitue un rapt éhonté sur une caisse autonome qui
ne coûte pas un euro à l’État et qui est bien gérée par les avocats. Loin de
faire l’effort de nous présenter une réforme bien organisée, vous nous livrez un
projet mal fichu. Pour le financer, vous en êtes réduit à chercher des poules
aux œufs d’or, tels que les caisses autonomes des avocats.
Par votre
attitude, vous allez décourager toute la profession, ainsi que tous les
territoires ruraux où beaucoup d’avocats sont engagés. Vous organisez ainsi le
délitement des droits du justiciable, ce que vous aviez déjà commencé à faire
avec votre réforme de la justice.
M. le
président. La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir le
sous-amendement no 42621.
M. Ugo
Bernalicis. Je profite des deux minutes qui me sont imparties pour
expliquer mieux ce qui va se passer, ainsi que les raisons qui vous incitent à
prendre l’argent des avocats pour le verser au pot commun en vue de réaliser un
équilibre financier qui ne les concernera pas.
Les avocats ont fait des
projections. Dans votre système par points, même s’ils cotisent davantage
– ce qui sera le cas pour beaucoup d’entre eux –, ils percevront une
pension légèrement inférieure.
M.
Jean-Pierre Vigier. Eh oui !
M. Ugo
Bernalicis. D’autre part, tous les avocats nés avant 1975, qui ne sont
par conséquent pas concernés par le système à points, recevront leur retraite
des caisses actuelles, jusqu’à épuisement des réserves. Ensuite, vous prévoyez
que l’État verse chaque année à ces caisses une subvention à l’euro près afin de
les abonder. Mais, dans l’intervalle, vous aurez pris l’argent des avocats pour
le verser au pot commun afin d’équilibrer votre régime, sans que ceux-ci en
reçoivent aucun avantage ni qu’ils voient leurs pensions augmenter.
M.
Jean-Pierre Vigier. Absolument ! L’État utilisera leur
trésorerie.
M. Ugo
Bernalicis. Enfin, vous leur avez proposé – nous y reviendrons
après l’article 2 – de lisser grâce à l’argent de leur caisse l’effort
qu’on leur demande en augmentant leur cotisation de 14 % à 28 % pour
le premier PASS.
M. Frédéric
Petit. C’est vraiment une logique de gauche !
M. Ugo
Bernalicis. En d’autre termes, vous leur faites les poches. Sans doute
crieraient-ils un peu moins si vous ne preniez leur argent que pour le leur
redonner, dans le but d’améliorer leur retraite.
Pourquoi les avocats,
qui sont d’ordinaire des gens calmes et qui respectent le droit, puisque c’est
leur métier, se massent-ils devant les portes de certains bâtiments publics, ce
qui n’est pas forcément – pour user d’un euphémisme – la démarche la
plus licite ? Parce que les membres du Gouvernement, notamment la ministre
de la justice, qui les a reçus, leur ont présenté des propositions, dont on leur
a répété treize ou quatorze fois qu’elles n’étaient pas négociables ! Que
voulez-vous qu’ils fassent, sinon continuer à lutter ? (Applaudissements
sur les bancs du groupe FI.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements
identiques et sur le sous-amendement ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les amendements tendent à exclure les
professions libérales et les avocats du système universel. Inscrire une telle
exception dans l’article reviendrait à réintroduire une logique professionnelle
dans une rédaction qui vise précisément à la supprimer.
Je relève avec
beaucoup de sympathie le lapsus de M. Dive, qui a confondu agriculteurs et
avocats. Tout l’enjeu de la mesure est démographique. Si le régime des
professions libérales est bien équilibré, parce que bien géré, et qu’il est
souvent bénéficiaire, comme l’ont rappelé plusieurs d’entre vous, c’est d’abord
pour des raisons démographiques, les cotisants étant plus nombreux que les
pensionnés.
M. Frédéric
Petit. Eh oui !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Que se passerait-il si toutes les
professions dont la dynamique est positive – par exemple les
informaticiens – demandaient à créer leur propre système ? On
laisserait patauger toutes celles qui sont en difficulté. (Exclamations sur
plusieurs bancs du groupe LR.)
M.
Jean-Pierre Vigier. Cela patauge, en effet !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Dive, vous craignez le recul de la
justice que créerait la disparition des avocats en milieu rural. Si, demain, les
agriculteurs – dont la situation me tient à cœur, tout comme à vous –
savent qu’au moins, en matière de retraite, ils possèdent des garanties
minimales, plus de gens opteront pour leur beau métier. (Exclamations sur
plusieurs bancs des groupes GDR et FI.)
Nous devons nous affranchir
des enjeux démographiques en mutualisant pour toutes les professions les
conditions de départ en retraite. Tel est l’enjeu de la réforme. Avis
défavorable, donc.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous avons déjà évoqué à
plusieurs reprises de la situation des professionnels libéraux, notamment des
avocats, devant la représentation nationale.
Ces professions recouvrent
des réalités très différentes et leurs taux de cotisation varient
considérablement. Lundi après-midi, il a été question, avec M. Door, des
médecins, qui cotisent à un taux beaucoup plus important que ne le prévoit le
système universel des retraites.
Les notaires sont dans la même
situation.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Parlez aussi des experts-comptables !
M. Ugo
Bernalicis. Et des aides-soignants !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous-mêmes, d’ailleurs, avez
ouvert votre propos en traitant des professions libérales, avant de terminer sur
les avocats. C’est parce que, et vous le savez, beaucoup des représentants de
professions libérales que le haut-commissaire aux retraites et moi-même avons
reçus,…
M. Maxime
Minot. Ça ne suffit pas, de rencontrer, il faut aussi écouter !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …ont compris que leurs
professions avaient toute leur place dans ce système universel, et que leurs
droits y seraient préservés. (Exclamations sur les bancs des groupes LR, FI
et GDR.)
Plusieurs députés du groupe
LR. C’est faux !
M. le
président. S’il vous plaît, chers collègues, écoutons M. le secrétaire
d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Pour les avoir rencontrés à
plusieurs reprises, je sais ce qu’il en est. (Mêmes mouvements.)
M. Ugo
Bernalicis. Où et quand les avez-vous reçus ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous avons déjà débattu de la
situation des avocats aux revenus les plus modestes, autour de
30 000 euros annuels. L’abattement de l’assiette sociale atténuera les
effets de l’augmentation des cotisations vieillesse, si bien que la hausse de
leurs charges sociales, qu’il faudra amortir sur quinze ans, ne sera que d’un
peu plus de 5 %.
M. Ugo
Bernalicis. Vous allez donc augmenter leur assiette de cotisations et
baisser leurs pensions !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Cela doit faire l’objet
d’échanges avec la profession, notamment pour que cette hausse ne mette pas en
péril l’activité économique des avocats aux rémunérations relativement
modestes.
M. Ugo
Bernalicis. Et quelle solution avez-vous trouvée ?
Aucune !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Ce sont souvent des jeunes,
dont le niveau de rémunération, relativement modeste, peut aussi s’expliquer par
le lieu d’exercice.
Par un certain nombre d’amendements, nous proposerons
des solutions définies avec les avocats.
Mme
Brigitte Kuster. Pour l’instant, les avocats sont dans la rue !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je voudrais aussi réaffirmer
qu’aucune caisse – y compris celle des avocats – ne verra ses réserves
captées.
M. Alain David et Mme
Brigitte Kuster. Laissez les avocats tranquilles !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je vous invite une nouvelle
fois à vous reporter au discours tenu par le Premier ministre, le
11 décembre 2019, devant le Conseil économique social et
environnemental. Il a rappelé que les réserves resteraient la propriété de ceux
qui les ont constituées. C’est un fait incontestable – sortons au moins de
ce débat-là. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR, GDR et
FI.)
M. Ugo
Bernalicis. Si, c’est contestable !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. L’avis est donc défavorable sur
les amendements identiques comme sur le sous-amendement. (Mêmes
mouvements.)
Mme
Brigitte Kuster. Vous défaites tout ce qui fonctionne
bien !
M. le
président. La parole est à M. Jérôme Lambert.
M. Jérôme
Lambert. Mes chers collègues, avez-vous rencontré les avocats des
barreaux de vos départements ?
Plusieurs députés du groupe
LaREM. Évidemment !
M. Jérôme
Lambert. Je l’espère ! Et si c’est bien le cas, je me demande
pourquoi nous en sommes encore là ! (Exclamations sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.) Pour ma part, quand j’entends un discours cohérent,
intelligent, réaliste, je peux accepter d’être convaincu, même si ce n’était pas
mon opinion de départ, même si ça ne correspond pas aux quelques informations
dont je disposais au départ.
J’ai rencontré les avocats de Charente,
comme ceux d’autres barreaux, réunis dans une délégation que je viens de quitter
pour vous rejoindre.
De ces rencontres, je conclus que soit vous êtes
sourds, soit vous ne comprenez pas ce qu’ils vous disent. Pourquoi cet
acharnement à détruire une grande partie de la profession de celles et ceux qui
défendent tous les citoyens, même les plus modestes ? Quelle vision de la
société avez-vous, avec une telle politique de destruction ?
Le
discours des avocats que je viens de rencontrer ne change pas, mais vous ne les
écoutez pas, pas plus que vous ne nous écoutez, d’ailleurs.
(M. Ugo Bernalicis applaudit.) Est-ce rassurant ?
Les avocats, comme une grande majorité des Français, seront pénalisés par le
calcul de leur future retraite : on peut comprendre qu’ils ne soient pas
satisfaits.
Le débat, progressivement, fait apparaître toutes ces
injustices, tous ces mauvais calculs. Le texte est mauvais. Les solutions
envisagées doivent être exposées maintenant, alors que vous exposez le projet,
pas demain, quand il sera beaucoup trop tard. (Applaudissements sur les bancs
des groupes SOC et GDR. – M. Ugo
Bernalicis applaudit également.)
M. le
président. La parole est à Mme Agnès Thill.
Mme Agnès
Thill. On doit se poser de vraies questions – c’est mon cas –,
quand on constate que les barreaux ont unanimement décidé de poursuivre la
grève, et qu’ils continuent de nous interpeller.
Je le répète : on
se trompe quand on demande à l’autre ce qu’il ne peut donner. Or les avocats ne
peuvent nous donner leur accord.
Je continue de penser qu’il aurait été
préférable de passer de quarante-deux régimes de retraite à trois – un pour
les fonctionnaires, un pour les salariés et un pour les non-salariés. On sait
très bien que les cotisations des avocats vont doubler – vous parlez de
l’abattement de l’assiette de la CSG, mais il ne compensera pas cette hausse. De
plus, quelle garantie avons-nous que les gouvernements futurs n’annuleront pas
cette compensation ?
Nous devons donc entendre les revendications
des avocats.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Monsieur Petit, nous avons entamé une discussion ensemble
– cela mérite d’être souligné –, et je souhaite répondre à votre
intervention. Je vous rappelle, même si c’est un détail, que la majorité
peut prendre la parole à cinq reprises sur chaque amendement si celui-ci n’est
pas discuté en même temps que d’autres – ce qui me semble d’ailleurs tout à
fait normal.
Par ailleurs, tout à l’heure, vous avez évoqué un
« firewall » entre, d’un côté, le calcul des trimestres et, de
l’autre, le calcul de la pension. Or, dans le système actuel, le montant des
pensions est calculé à partir du revenu des vingt cinq meilleures années
– ou des six derniers mois, dans la fonction publique –, si bien que
les trimestres cotisés en début de carrière sont de toute façon reflétés dans
les pensions.
M. Frédéric
Petit. Non ! Ce n’est pas ça !
M. Pierre
Dharréville. Enfin, certains dépliants publicitaires promettaient, entre
autre, que dans le système universel de retraite, des droits seraient ouverts
dès le premier euro. Je n’ai pas l’impression, monsieur le secrétaire d’État,
que ce soit encore d’actualité : pourriez-vous nous éclairiez sur ce
point ?
J’en viens aux avocats. Tous indiquent qu’ils devront
cotiser davantage pour une retraite moindre – c’est admis, c’est la vérité
des prix. Nous avons bien entendu que les situations étaient diverses entre les
professions libérales, comme entre les avocats. C’est d’ailleurs pour cela que
des caisses différentes existent.
La question centrale – celle que
M. Jérôme Lambert vient de poser – est celle de la qualité du
dialogue, de l’écoute. Sur ce point, le compte n’y est pas : comme vous le
voyez, les avocats manifestent massivement à travers le pays. C’est bien qu’il y
a un problème. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
– MM. Ugo Bernalicis et Jérôme Lambert
applaudissent également.)
M. le
président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme
Véronique Louwagie. Je reviens, monsieur le secrétaire d’État, à une
question qui vous a été posée plusieurs fois : pourquoi ne pas distinguer
entre les régimes autonomes déficitaires – pour lesquels une réforme serait
envisageable – et les excédentaires, qui fonctionnent très bien sans
financement public ? Vous n’avez pas de réponse à cette question ;
vous vous enfermez dans un dogme, celui d’une prétendue égalité qui consiste à
nier les différences entre les catégories professionnelles. Des professions
différentes ont des fonctionnements et des manières de travailler différents,
mais vous le niez !
J’ai deux questions précises. La première vous a
déjà été posée, mais vous n’y avez pas répondu : puisque vous envisagez de
prélever les 130 milliards d’euros de réserves des caisses excédentaires
pour financer la période de transition, pouvez-vous nous dire quel sera le
montant des prélèvements effectués à cette fin, régime par
régime ?
Je reprends par ailleurs la question posée par ma collègue
Marie-Christine Dalloz, relativement à la Caisse nationale des barreaux
français. Pour celle-ci, comment allez vous distinguer entre les excédents qui
relèvent de la caisse de retraites, et ceux qui relèvent de la caisse de
prévoyance ? Envisagez-vous d’aller jusqu’à prélever les excédents de cette
dernière caisse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. le
président. La parole est à M. Jean Terlier.
M. Jean
Terlier. J’ai longtemps hésité avant d’intervenir – la situation
étant particulière, puisque je prends la parole sur une profession que j’ai
exercé pendant quatorze ans. Les profondes inexactitudes que j’entends
m’obligent à intervenir.
Le président Mélenchon, après avoir indiqué son
souhait de rencontrer les avocats, a affirmé que l’on pouvait exercer ce métier
après trois années d’études supérieures, ce qui est inexact. S’il veut les
rencontrer, qu’il se renseigne et fasse un effort pour mieux connaître leur
profession : ce serait un peu plus sérieux.
Chacun des
parlementaires de la majorité a rencontré les avocats…
Mme
Véronique Louwagie. Nous aussi !
M. Jean
Terlier. …chaque fois que ces derniers ont sollicité des rendez-vous
dans les permanences. Il est donc inexact de dire qu’il n’y a pas eu de
discussions. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et
MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.) La
discussion a lieu depuis des mois avec Mme la garde des sceaux, comme avec
M. le Premier ministre. Chaque fois que les avocats nous ont sollicités,
nous leur avons répondu pour discuter de cette réforme. (Exclamations sur
plusieurs bancs du groupe LR.)
M. Julien
Aubert. Laquelle est inconstitutionnelle !
M. le
président. Chers collègues, s’il vous plaît, écoutons l’orateur.
M. Jean
Terlier. Comme cela a été rappelé à l’envi par M. le secrétaire
d’État et par M. le rapporteur, les avocats ne seront soumis à aucune
hausse des cotisations jusqu’en 2029, grâce à l’abattement de 30 % de la
CSG.
M.
Jean-Pierre Vigier. Pourquoi manifestent-ils, alors ?
M. Jean
Terlier. Il est inexact de dire que, après cette date, les cotisations
doubleront et que les cabinets d’avocats seront en péril, puisque l’augmentation
des charges, de 5 % seulement, sera lissée jusqu’en 2040.
(Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Julien Aubert et Jean-Pierre
Vigier. C’est faux !
M. Jean
Terlier. Cette augmentation de 5 % représente 15 euros
d’augmentation par avocat par mois et 180 euros par an ! (Nouveaux
applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.
– Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.)
Julien Aubert et Jean-Pierre
Vigier. C’est honteux !
M. Jean
Terlier. Comment pouvez-vous prétendre, avec de tels chiffres, que cette
réforme mènera à la disparition de 30 à 40 % des cabinets d’avocats les
plus modestes ? Soyons sérieux ! Soyons raisonnables ! (Mêmes
mouvements.)
Concernant la Caisse nationale des barreaux français
– CNBF –, qui est autonome, nous le répétons à l’envi depuis ces
bancs : elle ne sera pas supprimée, et ses réserves ne lui seront pas
retirées. Elle pourra organiser un mécanisme de solidarité,…
M. le
président. Merci de conclure, cher collègue !
M. Jean
Terlier. …afin de compenser l’augmentation des cotisations.
(« Très bien » sur les bancs du groupe
LaREM.)
Enfin, comment exiger de 66 millions de Français qu’ils
passent au régime universel, sans avoir la même exigence pour
70 000 avocats ? Ce ne serait ni raisonnable ni
responsable !
(« Bravo ! » et
applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
– Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Sylvain Waserman.
M. Sylvain
Waserman. Notre collègue s’est fort bien exprimé et je souscris
absolument à son propos. Toutefois, je souhaite ajouter une remarque. Je
comprends que les députés des groupes de la Gauche démocrate et républicaine et
la France insoumise souhaitent maintenir les régimes spéciaux et autonomes,
alors que ceux du groupe Les Républicains souhaitent la suppression des régimes
spéciaux et le maintien des caisses autonomes.
M. Julien
Aubert. Ça n’a rien à voir !
M. Sylvain
Waserman. C’est un constat. Le modèle de système universel que nous
proposons repose sur une certaine vision du contrat social : les avocats
n’ont pas à financer leur caisse entre eux.
M.
Jean-Pierre Vigier. Laissez-les tranquilles ! Ils n’en veulent pas,
de votre contrat social !
M. Sylvain
Waserman. Nous n’avons pas la même vision du contrat social.
M. Patrice
Verchère. Votre conception, c’est de leur piquer leur fric !
M. Sylvain
Waserman. Comme mon collègue l’a fort bien dit, nous sommes sensibles à
la situation des professions libérales, toutes concernées par la
réforme.
Vous prétendez que l’on n’écoute pas. Évitons les
caricatures.
M. Sylvain
Maillard. Tout à fait !
M. Sylvain
Waserman. Comme l’a très bien souligné mon collègue Jean Terlier, aussi
bien sur le terrain que dans le cadre des négociations gouvernementales, nous
prenons en considération leur voix sur ces questions.
Plus
fondamentalement, chers collègues de l’opposition : comment peut-on vouloir
d’un contrat social où chacun ne défende que ses propres intérêts, séparé du
reste de la société ? Nous sommes pour un système universel, et nous
l’assumons. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo
Bernalicis. Quand on va au bout de la logique de la majorité, il ne
reste plus qu’un dogme pur et simple :…
M. Brahim
Hammouche. Oh là là !
M. Ugo
Bernalicis. …le système a été décrété universel, il doit donc inclure
tout le monde, point barre. Qu’importe que cela soit néfaste ou
bénéfique !
M.
Jean-Pierre Vigier. Il a raison !
M. Ugo
Bernalicis. Or, quand l’on étudie la situation dans le détail, métier
par métier, profession par profession, on s’aperçoit que l’équation proposée
fait des perdants.
M. Jérôme
Lambert. Beaucoup de perdants !
M. Ugo
Bernalicis. Vous nous répondez qu’il y aura aussi des gagnants – et
tant pis pour les perdants – et qu’une redistribution est prévue.
(Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Julien
Aubert. On cherche encore les gagnants, pour notre part !
M. Ugo
Bernalicis. Mais quand l’on examine la situation des avocats, on
s’aperçoit qu’il n’y a que des perdants – y compris les petits
avocats.
Le collègue Jean Terlier, tout à l’heure, n’a pas dit que la
pension minimale de la CNBF, pour les avocats dont la carrière est incomplète,
est de 1 400 euros !
Avec votre système, ce plancher
atteindra péniblement 1 000 euros ! Combien de fois faudra-t-il
le répéter ? (« Ce n’est pas
vrai ! » sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. Mes chers collègues, on écoute chacun s’exprimer. Pour
l’instant, seul M. Bernalicis a la parole.
M. Ugo
Bernalicis. Vous voyez, monsieur le président : dès qu’il y a des
arguments, ils s’effondrent. (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
Monsieur le secrétaire d’État, vous dites que vous ne toucherez
pas aux réserves : bien sûr, vous n’êtes pas en train de dire que vous
prendrez les fonds dans les caisses pour les transférer dans une nouvelle
caisse.
M. Frédéric
Petit. On n’est pas comme vous !
M. Ugo
Bernalicis. En plus d’être inacceptable, ce serait inconstitutionnel et
illégal. Vous ne faites pas ça, mais vous nous expliquez que les avocats nés
après 1975 cotiseront dans le régime universel. (Exclamations sur les bancs
des groupes LaREM.)
Mme Danièle
Obono. Eh oui !
M. Ugo
Bernalicis. Est-ce qu’on peut poursuivre l’explication ?…
M. le
président. Mme Obono aussi participait aux interruptions…
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Ugo
Bernalicis. Les cris derrière moi viennent de l’autre côté : ne
soyez pas taquin, monsieur le président !
Tous les avocats nés après
1975, disais-je, ne cotiseront pas à la CNBF, mais au régime universel par
points. Or les pensions des retraités et des avocats nés avant 1975 seront
financées par la CNBF et par personne d’autre ; vous n’allez pas toucher
aux réserves de la CNBF, et c’est normal. Par conséquent, la caisse se videra
d’elle-même et vous devrez même lui verser une subvention annuelle de l’État.
Essayez de démentir ce point ! Expliquez-moi que vous allez faire le
contraire ! Vous n’avez pas besoin de vider la caisse puisqu’elle se videra
par elle-même, à petit feu, pour équilibrer votre régime en général : elle
est là, l’arnaque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur
quelques bancs du groupe SOC.)
M. le
président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. S’agissant de l’intégration des professions libérales dans cette
réforme, monsieur le secrétaire d’État, j’entends que vous êtes partis de l’idée
de mettre tout le monde dans la même boîte. Il aurait été plus sage, selon moi,
d’y intégrer les salariés et les fonctionnaires, puis de déterminer dans une
seconde étape comment prendre en considération les professions libérales.
M. Julien
Aubert. Tout à fait !
M. Philippe
Vigier. Mme Louwagie vous a posé une vraie question au sujet des
excédents de 130 milliards. Quel chemin emprunterez-vous pour arriver à la
convergence ? Les professions libérales doivent savoir exactement quels
excédents seront pris dans chaque caisse.
Vous parlez d’un système
universel, soit. Mais vous m’accorderez que les libéraux sont ceux qui
travaillent le plus longtemps – souvent jusqu’à 67 ans. Or
l’universalité n’est pas complète puisque nous avons sanctuarisé la possibilité,
pour certains, de partir plus tôt.
Certains l’ont déjà oublié mais, il y
a sept ans, les médecins bénéficiaient pour leur retraite de l’allocation
supplémentaire de vieillesse – ASV –, d’un montant de 750 euros
par mois. Elle a été supprimée, le collègue qui siège juste devant moi le
confirme. Ces caisses ont ainsi montré qu’elles étaient capables de réguler
leurs problèmes en interne : c’est la vérité, vous pourrez le
vérifier.
Enfin, je n’arrive pas à comprendre l’un de vos arguments
concernant les avocats, monsieur le rapporteur : vous nous dites qu’à un
moment, les avocats à la retraite seront beaucoup plus nombreux que les avocats
actifs, et qu’il faut bien réguler. On ne régule pas les professions par la
retraite, mais par la formation, en amont. S’il y a trop d’avocats,…
M. Ugo
Bernalicis. Il n’y en a pas trop !
M. Philippe
Vigier. …c’est certainement que l’on a été trop loin en matière d’offre
de formation. On a laissé des hommes et des femmes penser qu’ils pouvaient
embrasser ce métier avec une activité assurée. Dans les professions de santé
– infirmiers ou kinésithérapeutes, entre autres – on fait le
contraire, c’est-à-dire de la régulation. D’ailleurs, il serait judicieux de le
faire davantage pour les médecins. Ce n’est pas le système de retraite mais la
formation qui a vocation à réguler les professions.
Mme Agnès
Thill. Monsieur le président !
M. le
président. Vous vous êtes déjà exprimée, madame Thill.
La parole
est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry
Benoit. Ce débat est le même que celui que nous avons eu vendredi et
dimanche matin ; je vais donc répéter ce que j’ai dit à cette occasion.
D’une part, certains souhaitent préserver les régimes spéciaux de
retraite ; je fais partie de ceux qui soutiennent leur mise en extinction.
D’autre part, certains souhaitent préserver les systèmes autonomes, arguant du
fait qu’ils sont bien gérés et excédentaires ; je milite pour
l’instauration d’un système universel de retraite par points et pour
l’intégration progressive des professions libérales à ce système. Ces
professionnels font de belles carrières, travaillent longtemps, ont de beaux
revenus et de belles retraites – tant mieux pour eux. Je milite pour qu’ils
participent à l’effort de solidarité…
Plusieurs députés du groupe
LR. Ils le font déjà !
M. Thierry
Benoit. …afin que les artisans, les commerçants, les agriculteurs et les
salariés aient de meilleures retraites. Je milite pour que la solidarité
s’exerce de manière transversale, à travers toutes les catégories
socioprofessionnelles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir,
LaREM, MODEM.) C’est pour cette raison que je soutiens, avec mes collègues
du groupe UDI, Agir et indépendants, le système universel de retraite par
points.
On me demande souvent : pourquoi toucher aux caisses
autonomes, puisqu’elles sont excédentaires ? Elles le sont aujourd’hui,
mais dans cinq ou dix ans,…
M. Ugo
Bernalicis. C’est faux ! Certaines seront excédentaires jusqu’en
2050 !
M. Thierry
Benoit. …en fonction des revenus et de la démographie, ces caisses
viendront frapper aux portes du système universel ! (Nouveaux
applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, LaREM,
MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur
général de la commission spéciale.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission
spéciale. Je ne reviendrai pas sur les propos du secrétaire d’État et du
rapporteur Nicolas Turquois, ni sur le fond des arguments défendus à plusieurs
reprises, notamment par M. Benoit à l’instant : peut-être qu’un jour,
en effet, les avocats eux-mêmes auront besoin de la solidarité des autres
professions ; c’est pour cela qu’ils sont inclus dans le système
universel.
Nous rencontrons les avocats sur nos territoires, et avions
commencé à le faire avant même l’élaboration de cette réforme. Nous avons
pleinement conscience des difficultés que rencontre cette profession
aujourd’hui ; elles demandent des réponses au-delà de la seule question de
l’instauration de ce système, et nous y travaillons.
J’aimerais en outre
revenir sur la notion d’indépendance de cette profession, qui a été pointée à
plusieurs reprises dans la série d’amendements que nous venons de discuter. À
aucun moment l’instauration du système universel de retraite ne remettra en
cause l’indépendance des avocats, ni celle des magistrats, des membres du
Conseil constitutionnel, des journalistes et des parlementaires : tous
feront partie du système universel.
(Le sous-amendement no 42621 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 53, 269, 23902, 25385, 24648 et 587.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 140
Nombre
de suffrages
exprimés 139
Majorité
absolue 70
Pour
l’adoption 50
Contre 89
(Les amendements identiques nos 53, 269,
23902, 25385, 24648 et 587 ne sont pas adoptés.)
M. Ugo
Bernalicis. Rappel au règlement, monsieur le président !
M. le
président. Puisque nous avons bien travaillé, je vous propose de nous
accorder quelques minutes de suspension.
Je vous donnerai la parole à la
reprise pour votre rappel au règlement, monsieur Bernalicis.
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à
dix-huit heures dix.)
M. le
président. La séance est reprise.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au
règlement.
M. Ugo
Bernalicis. Sur le fondement de l’article 100, alinéa 5, ainsi
que de l’article 52 relatif à vos pouvoirs de police, monsieur le
président, et de la jurisprudence du Conseil constitutionnel concernant la
clarté et la sincérité des débats.
Le rapporteur général a affirmé que
cette réforme ne remettrait aucunement en cause l’indépendance de la justice et
la capacité des avocats à exercer leur métier librement.
M. Frédéric
Petit. Ce n’est pas un rappel au règlement !
M. Ugo
Bernalicis. Permettez-moi, monsieur le président, de porter à votre
connaissance une manœuvre du Gouvernement qui vise à faire entorse à
l’indépendance de la justice et au débat démocratique en cours à l’Assemblée
nationale. Olivier Christen, directeur-adjoint du cabinet de la garde des
sceaux, ministre de la justice, a récemment envoyé un courrier électronique…
M. Pierre
Vatin. Absolument !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Aucun
rapport avec le texte !
M. Ugo
Bernalicis. …à l’ensemble des associations de magistrats
– procureurs et procureurs généraux – pour leur donner du
matériel…
Mme
Bérengère Poletti. Oui, des éléments de langage !
M. Ugo
Bernalicis. Exact : pour leur donner des éléments de langage afin
d’exposer le vrai et le faux de la réforme, d’expliquer combien elle est
géniale, et d’inviter, si les avocats souhaitent échanger, les chefs de
juridiction à prendre contact avec le ministère en vue de leur rabâcher lesdits
éléments de langage.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce
n’est pas un rappel au règlement !
M. Ugo
Bernalicis. Ne s’agit-il pas là d’une entorse majeure à l’indépendance
de la justice et au débat démocratique en cours dans l’hémicycle ?
(M. Adrien Quatennens applaudit.) Je suis scandalisé,
monsieur le président…
M. le
président. Nous avons bien compris.
M. Ugo
Bernalicis. …par ces manœuvres qui ne respectent en rien la séparation
des pouvoirs !
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Vous parlez d’un scandale…
Article 2 (suite)
M. le
président. Sur les amendements nos 24159 et identiques,
je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Je suis saisi de nombreux amendements pouvant être soumis à
une discussion commune.
Les amendements nos 24159, 26160,
24649, 33689 et 34261 sont identiques, de même que les amendements
nos 95, 278, 503, 589, 5714 et autres déposés par les membres du
groupe La France insoumise, et 11107, 23630, 23839, 23900, 24097, 24124, 24647,
25349, 25384 et 35944.
Les amendements nos 24159 et
identiques font l’objet d’un sous-amendement no 42629.
La
parole est à M. Charles de la Verpillière, pour soutenir les
amendements no 24159 et 24160.
M. Charles de
la Verpillière. En effet, monsieur le président, je soutiendrai en même
temps l’amendement no 24160 de M. Brun et l’amendement
no 24159, dont vous êtes le premier signataire.
M. Gilles
Le Gendre. Un excellent amendement…
M. Charles de
la Verpillière. Comme avec les amendements précédents, nous proposons,
avec ces amendements de repli, en quelque sorte, de maintenir l’autonomie de la
caisse de retraite des avocats, à une différence près : que la situation
soit revue au bout de huit années en fonction de l’évolution des différents
paramètres.
M. Philippe
Vigier. Belle ouverture !
M. Charles de
la Verpillière. L’essentiel a été dit sur les raisons qui justifient le
maintien de l’autonomie de la caisse de retraite des avocats : elle affiche
un équilibre financier et pratique la solidarité au sein de la profession
– nous y reviendrons – en appliquant des taux différenciés selon le
niveau de revenu des avocats, mais sa solidarité s’exerce aussi à l’égard de
l’ensemble des régimes de sécurité sociale, pour un montant non négligeable de
100 millions d’euros par an. Je ne reviens pas sur ces arguments d’ordre
général que mes collègues du groupe Les Républicains ont déjà très bien
présentés.
Permettez-moi simplement de vous donner un exemple concret,
que mon groupe a calculé avec nos interlocuteurs avocats. Dans le système
actuel, une avocate déclarant 24 000 euros de revenus par an
– elle exerce donc dans un petit cabinet d’avocats – cotise pour un
montant annuel de 3 744 euros auprès de la Caisse nationale des
barreaux. Si elle effectuait toute sa carrière dans ce régime, elle percevrait
une retraite de 20 690 euros par an.
Dans le nouveau système
universel, en revanche, le montant de ses cotisations s’élèvera à
6 748 euros, soit près du double, pour le même niveau de pension.
Mme
Bérengère Poletti. Eh oui !
M. Charles de
la Verpillière. Encore une fois, à revenus équivalents, il lui faudra
cotiser deux fois plus pour maintenir son niveau de retraite. Cela méritait
d’être dit mais se passe de commentaires ! (Applaudissements sur les
bancs du groupe Les Républicains.
– MM. Ugo Bernalicis et Jérôme Lambert
applaudissent également.)
M. le
président. La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir
l’amendement no 24649.
Mme Agnès
Thill. Il concerne également les avocats. Il aurait été préférable de
remplacer les quarante-deux régimes actuels par trois régimes : celui des
salariés, celui des fonctionnaires et celui des non-salariés. Quoi qu’il en
soit, les auteurs de l’amendement souhaitent exclure du nouveau système
universel les avocats, qui bénéficient d’un régime de retraite autonome,
garantissant leur indépendance, elle-même indispensable au respect de
l’indépendance de la justice.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez
répondu à côté en évoquant les informaticiens. En effet, ces deux professions
sont très différentes : les avocats sont regroupés dans un ordre et forment
une corporation, qui n’est pas une branche professionnelle ; ils n’ont pas
les mêmes droits à la sécurité sociale ni au chômage.
Le régime des
avocats est autonome, pérenne, solidaire et prévoyant. Autonome et équilibré, il
respecte la règle d’or de l’équilibre financier et ne coûte rien à l’État ni aux
contribuables. Pérenne, il s’appuie sur une croissance démographique dynamique,
alimentée par la demande de plus en plus forte d’acteurs juridiques, avec un
nombre d’entrées dans la profession qui augmente de 3,13 % par an. Celle-ci
bénéficie d’une pyramide des âges favorable, avec 4 actifs pour
1 retraité actuellement et 3,6 actifs pour 1 retraité attendus en
2030. Solidaire pour la profession et envers l’ensemble des Français, ce régime
assure une retraite de base minimale de 1 416 euros mensuels à chaque
avocat, alors que votre système dégradera ce plancher à 1 000 euros,
soutient ceux qui se trouvent en difficulté, grâce au fonds d’action sociale, et
reverse près de 100 millions d’euros par an, soit 1 396 euros par
avocat, au régime général. Par conséquent, il ne coûte rien et participe à la
solidarité nationale.
M. Patrice
Verchère. Eh oui !
Mme Agnès
Thill. Je ne vois donc pas pourquoi il faudrait changer quelque chose
qui fonctionne bien et n’ennuie personne. Prévoyant, enfin, il a économisé près
de 2 milliards d’euros de réserves, garantissant l’équilibre financier des
régimes de base et complémentaires jusqu’en 2079 et prévenant tout risque
conjoncturel, consubstantiel à l’exercice libéral de la profession.
M. le
président. Merci, madame Thill.
Mme Agnès
Thill. C’est nécessaire, car il ne bénéficie ni des garanties du régime
des salariés relatives au chômage et à la maladie, ni de celles du régime des
fonctionnaires relatives à l’emploi.
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir
l’amendement no 33689.
M. Stéphane
Viry. Nous poursuivons le débat entamé avant la suspension de séance, et
je peine à croire, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, que
vous ne soyez pas au fait de la situation.
Que vous ayez entendu
– ou plutôt écouté – les professions libérales, notamment les avocats,
j’en conviens. Que l’ancien haut-commissaire aux retraites ait passé du temps
avec eux, c’est probable. Que vous sachiez analyser une situation, je vous en
donne acte. Mais alors, pourquoi une telle obstination ? Vous nous avez dit
que les avocats avaient été reçus, mais nous avons tous rencontré des
représentants des professions ayant des régimes de retraite autonomes. Ces
personnes nous ont probablement dit les mêmes choses qu’à vous, ou alors, il y a
des menteurs. Si tel est le cas, où est le mensonge ?
M. Boris
Vallaud. J’ai ma petite idée là-dessus…
M. Stéphane
Viry. Soit ces professionnels nous racontent des balivernes, soit vous
ne voulez pas écouter.
Mme
Bérengère Poletti. C’est plutôt cela !
M. Stéphane
Viry. Tout à l’heure, notre collègue Sylvain Waserman, vice-président de
l’Assemblée, a évoqué le contrat social. J’ai le sentiment que, depuis deux ans,
ce contrat social, vous le malmenez ! Depuis deux ans, vous tentez de
réécrire le récit national de notre pays. Depuis deux ans, vous voulez faire
autrement, coûte que coûte, en montrant beaucoup de dogmatisme, et tout cela
conduit à une régression.
Cher collègue Thierry Benoit, qu’on ne fasse
pas aux avocats le procès d’un contrat social à respecter, car ils contribuent
chaque année à la solidarité nationale. (Applaudissements sur les bancs du
groupe LR, sur plusieurs bancs du groupe FI et parmi les députés non inscrits.)
Chaque année, ils versent de l’argent, par le biais de leurs cotisations, à
d’autres. Et cela ne serait pas un élément du contrat social ? Pourquoi
casser quelque chose qui fonctionne ? (Applaudissements parmi les
députés non inscrits.)
La vitalité économique future de notre pays
dépendra notamment – vous serez d’accord avec nous – du travail
indépendant. Il faut, en France, que des hommes et des femmes se mettent à leur
compte et s’installent. Il faut promouvoir le travail indépendant,
particulièrement les professions libérales. Le modèle de ces professions est
substantiel : comment voulez-vous inciter à travailler en indépendant en
massacrant les régimes autonomes ? Il y a là un non-sens, une incohérence.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir
l’amendement no 34261.
M. Philippe
Gosselin. Fait nouveau, les avocats jettent leur robe depuis des
semaines et des semaines. Ils sont soutenus par l’opinion publique, ce qui
n’était pas gagné, car ils renvoient l’image d’une profession un peu bourgeoise,
dont les membres ont les moyens. La réalité est évidemment tout autre :
cette profession est en train de se paupériser, et de nombreux jeunes avocats ne
gagnent pas suffisamment leur vie. Ceux-ci attendaient des signes d’apaisement,
mais la majorité leur en envoie de catastrophiques et les enfonce un peu plus.
Ce que vous faites là est dramatique.
La profession est indépendante par
esprit – ce n’est pas un hasard que, plus que d’autres, les avocats
refusent le statut de salarié. Ils ne veulent ni de pouvoir hiérarchique ni de
contraintes imposées par un patron, parce qu’un avocat, par essence, est libre,
libéral !
Et c’est un auxiliaire de la justice : en vous
attaquant aux avocats, vous vous attaquez à la justice elle-même !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et sur quelques bancs du
groupe SOC.) En effet, ils participent grandement au fonctionnement de la
justice, grâce à l’aide juridictionnelle et à leur présence vingt-quatre heures
sur vingt-quatre dans les prétoires et dès la première heure des gardes à vue.
Or vous êtes en train de les mettre sur la touche.
Les avocats
contribuent à la solidarité avec le régime général, à hauteur de
100 millions d’euros. En outre, avec les caisses de retraite autonomes, ils
font acte de solidarité entre eux.
Votre réforme représente pour eux la
double, la triple, la quadruple peine : non seulement vous vous attaquez
indûment à une profession qui rend d’énormes services, mais cela va amplifier le
mouvement de désertification judiciaire. Demain, en effet, les petits cabinets,
très nombreux – Paris n’est pas la province, et inversement –, ne
pourront plus vivre, sachant que certains d’entre eux éprouvent déjà de grandes
difficultés.
J’aimerais que l’on me donne des nouvelles de l’avocat
prénommé François, présenté comme exemple, comme avocat type, par la
majorité.
M. Éric
Bothorel. Il va très bien !
M. Philippe
Gosselin. Nous n’avons pas de ses nouvelles. Comme d’autres, je pourrai
dire, avant de monter à l’échafaud : « A-t-on des nouvelles de
Me François ? » La réponse est non, et les têtes qui
vont tomber sont celles des avocats. (Applaudissements sur les bancs du
groupe LR.)
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir le
sous-amendement no 42629.
Mme Danièle
Obono. Nous souhaitons appuyer ces amendements identiques du groupe Les
Républicains car le sujet touche, les débats l’ont montré, au caractère
inéquitable et peu solidaire de cette mauvaise réforme.
À
M. Waserman, qui s’étonnait tout à l’heure que nous défendions le régime
autonome, je réponds que nous n’avons pas la même conception de la solidarité et
de l’universalité. Un régime particulier profitable à ses usagers doit être
préservé et amélioré, et pris en exemple pour le fonctionnement des autres
régimes. Les fondateurs de la sécurité sociale étaient d’ailleurs animés par
l’idée d’une convergence par le haut. Nous défendons ce régime autonome, parce
que votre réforme ne vise pas à niveler par le haut, à ce que l’ensemble des
salariés bénéficient, selon les spécificités et la pénibilité de leur métier,
des meilleures retraites possibles ; au contraire, elle fait tendre les
régimes autonomes vers le moins-disant. Voilà pourquoi il est tout à fait
cohérent que nous défendions le régime autonome des avocats, au nom des
principes de solidarité, d’universalité et de convergence des régimes vers le
haut.
Comme l’ont dit certains collègues, vous n’inventez rien, vous
détruisez, puisque vous supprimez un régime autonome bénéficiaire et contribuant
à la solidarité nationale. Alors pourquoi tenez-vous à ce point à le remettre en
cause ?
Nous avons tous et toutes rencontré des avocats, qui nous
ont fait part de leur opposition au projet de loi. Ils ne le refusent pas parce
qu’ils ne l’ont pas compris ou ne l’ont pas assez lu. Ils ont très bien compris
cette mauvaise réforme et sont déterminés à rester mobilisés jusqu’à son
retrait. Nous les soutenons et appuyons donc ces amendements identiques.
(M. Ugo Bernalicis applaudit.)
Sur les
amendements nos 95, 278, 503, 589, 5714 et autres, et 11107,
23630, 23839, 23900, 24097, 24124, 24647, 25349, 25384 et 35944, tous
identiques, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de
scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir
l’amendement no 95.
M. Stéphane
Viry. Il s’inscrit dans la continuité de nos convictions et du message
que nous souhaitons faire entendre au Gouvernement. Nous ne voulons pas que les
régimes autonomes soient écrasés par un système universel. Dans ce dernier,
faut-il le répéter, au-delà d’un PASS – plafond annuel de la sécurité
sociale –, il serait opportun de juxtaposer des systèmes autonomes, qui
permettent aux professions de préserver leur modèle économique.
Monsieur
le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je ne cesse de m’interroger sur
votre refus d’entendre ce qui vous est dit. Les avocats vous opposent des
arguments solides, recevables, crédibles et incontestables. Je ne voudrais pas
que vous considériez qu’ils ne sont « rien » ! Cette expression
malencontreuse fut employée hier dans l’hémicycle, et je n’aimerais pas que vous
niiez, avec votre fin de non-recevoir, ce qu’ils représentent pour la société.
Ce sont avant tout des auxiliaires de justice.
Par cet amendement, je
demande simplement que leur spécificité soit entendue. Dans la période de
transition, certaines professions pourront conserver leur régime et leurs
propres règles tout en bénéficiant des régimes complémentaires. Pourquoi ne pas
accorder à d’autres professions, dont le métier s’apparente presque à un service
d’intérêt général, le bénéfice de cette situation ? Voici le sens de
l’amendement : exclure les avocats du système universel.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et parmi les députés non
inscrits.)
M. le
président. Mon amendement no 278 est défendu.
La
parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement
no 503.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Je serai brève car tout a été dit. Hier soir et
aujourd’hui, nous avons posé des questions sur le régime de retraite des
avocats. Véronique Louwagie l’a dit tout à l’heure, les avocats ne sont les
seuls à avoir des caisses autonomes. Il y a, par exemple, les
experts-comptables. Vous n’allez pas me dire, monsieur le rapporteur, que cette
profession rencontre de problème démographique. J’entends votre réponse sur la
pyramide des âges des avocats, mais les effectifs des cabinets d’avocats ne vont
pas doubler sur les territoires, personne ne peut le croire ! C’est la même
chose pour les experts-comptables. Les effectifs de ces professions sont
pratiquement à maturité, leur progression ne sera pas très grande ; la
pyramide des âges évoluera donc très peu. Votre argument selon lequel il faut
les faire entrer dans le système universel pour les protéger ne tient pas, car
avocats comme experts-comptables sont suffisamment responsables pour gérer
correctement leur régime de retraite, les réserves qu’ils ont constituées le
montrent.
Par ailleurs, une question, soulevée notamment par Éric Woerth
et Véronique Louwagie tout à l’heure, ainsi que par moi-même hier, demeure sans
réponse : celle de leur régime de protection sociale. Qu’en fait-on ?
Monsieur le secrétaire d’État, comment traiterez-vous leur régime de protection
sociale, s’agissant notamment des garanties en cas d’invalidité, d’incapacité de
travail et de décès ? Certes, nous débattons ici de leur système de
retraite, mais, si vous captez l’intégralité des réserves financières accumulées
dans leur caisse autonome, qu’adviendra-t-il en matière de protection
sociale ? (Mme Véronique Louwagie
applaudit.)
M. le
président. L’amendement no 589 de M. Julien Dive
est défendu.
La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour défendre
l’amendement no 5714 et les huit amendements identiques déposés
par le groupe La France insoumise.
M. Ugo
Bernalicis. J’aimerais élargir le débat au-delà du cas des avocats. Lors
des deux grandes manifestations nationales contre la réforme des retraites, ceux
d’entre eux qui se sont mobilisés l’ont fait au sein du collectif
SOS Retraites, dans lequel on trouve, parmi d’autres, des médecins…
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Libéraux !
M. Ugo
Bernalicis. …– chirurgiens ou ophtalmologistes –, des
masseurs-kinésithérapeutes, des orthophonistes et des infirmières libérales.
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Les libéraux que vous aimez tant !
M. Ugo
Bernalicis. Nous centrons la focale sur le cas des avocats, à raison me
semble-t-il, car ils se mobilisent à cette fin et méritent que nous les
défendions, mais il ne faudrait pas croire que les autres professions libérales
sont tout à fait satisfaites de votre projet de loi, monsieur le secrétaire
d’État.
Pour certaines d’entre elles, peut-être les cotisations retraite
seront-elles inférieures à celles d’aujourd’hui, mais leurs pensions
seront-elles au même niveau ? Évidemment non : elles seront
inférieures à celles qu’ils espèrent obtenir dans le système en vigueur, quitte
à cotiser davantage. En fin de compte, qu’on prenne votre système par un bout ou
par un autre, on constate qu’il fait surtout des perdants.
Quant aux
avocats, un fait devrait vous mettre la puce à l’oreille. Les avocats
fiscalistes ont fini par tomber d’accord avec ceux qui se consacrent seuls, dans
un petit cabinet, à l’aide juridictionnelle, et qui ne gagnent pas un
clou : tous sont d’accord pour se mobiliser contre votre réforme, alors que
la majorité d’entre eux – les sondages à la sortie des urnes l’ont
démontré – avaient voté pour La République en marche. (Exclamations sur
plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Un député du groupe LR.
Eh oui !
M. Erwan
Balanant. Et alors ?
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
N’importe quoi !
Mme Élodie
Jacquier-Laforge. Cela ne signifie rien !
M. Ugo
Bernalicis. Une telle unité, dans une profession comme celle-là,
traversée par les contradictions et les polémiques, et pourtant unie contre
votre projet de loi, voilà qui devrait vous mettre la puce à l’oreille et en
justifier à tout le moins le retrait !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir
l’amendement no 11107.
M. Pierre
Vatin. Monsieur le secrétaire d’État, je m’étonne à mon tour que la
grande majorité des avocats et 95 % des barreaux de France expriment une
telle opposition à votre projet de loi. Je me demande pourquoi cela ne vous fait
pas réagir, comme si vous considériez avoir affaire à des gens qui ne savent pas
ce qu’ils font – si on les consulte quand on ne sait plus à qui s’adresser
dans le système judiciaire, c’est qu’ils sont un tant soit peu compétents. Cela
me gêne énormément.
M. le
président. La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour soutenir
l’amendement no 23630.
Mme Valérie
Beauvais. Je m’autoriserai un bref aparté avec notre collègue Waserman,
qui, tout à l’heure, appelait de ses vœux un système universel de retraite. Sa
concrétisation prendra quarante ans pour les régimes spéciaux ; pour les
régimes autonomes, en revanche, vous semblez bien pressés !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. Maxime
Minot. C’est dit !
Mme Valérie
Beauvais. Bref.
Les avocats ne sont pas de simples prestataires
de services. Ils sont un rouage indispensable de l’État de droit, qui doit être
préservé de tout ce qui pourrait le fragiliser et le rendre moins accessible. Le
projet de loi prévoit le doublement – de 14 à 28 % – du taux des
cotisations retraite des professions libérales, comme au reste de celui des
autres actifs. Une telle mesure n’est pas sans conséquence sur la situation
financière de nombreux avocats, ainsi que sur la pérennité de leurs cabinets, et
pose la question de l’ubérisation des procédures, voire de la survie même de
leur métier.
À l’heure actuelle, les avocats disposent d’un régime de
retraite général et complémentaire autonome. Autonome, il l’est sur ses deux
jambes – il faut bien le préciser. Sa pérennité financière, soit dit pour
ceux qui s’inquiètent, est assurée jusqu’en 2080.
Si ces professionnels
ne sont pas opposés par principe à la réforme du système de retraite
– comme nous au demeurant –, ils souhaitent que celle-ci soit réalisée
de façon juste et équitable – comme nous également. Rappelons aussi que les
avocats contribuent à la solidarité nationale, en abondant notamment la caisse
de retraite des marins-pêcheurs.
Le présent amendement vise à leur
permettre de conserver leur régime de retraite autonome. (Applaudissements
sur quelques bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir
l’amendement no 23839.
M. Hervé
Saulignac. Même si ce débat devrait durer encore des jours et des jours,
je doute que nous puissions débattre éternellement du cas des avocats. Monsieur
le secrétaire d’État, il faudra bien que vous vous décidiez à créer les
conditions d’un véritable débat avec eux.
Pour ma part, je suis très
impressionné par votre assurance, chers collègues de la majorité, mais je doute
que vous ayez raison à 300 contre 70 000 avocats ! Jusqu’à preuve du
contraire, les avocats savent lire un texte de loi et utiliser une
calculette…
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Utiliser une calculette, certainement !
M. Hervé
Saulignac. …pour évaluer le montant de leurs pensions dans le nouveau
système universel. Si vous avez réussi l’exploit de vous mettre à dos la
totalité de la profession, c’est précisément parce qu’ils sont absolument
convaincus que vous exigerez d’eux un effort supplémentaire qui ne se traduira
par aucune augmentation sensible de leurs pensions.
L’objet du présent
amendement, comme de ceux qui précédaient, est d’exclure la profession d’avocat
du système universel tel que vous le proposez, non sans rappeler qu’ils ne
sauraient être hostiles à un système de retraite solidaire, car le leur l’est
d’ores et déjà, entre avocats comme à l’égard de la nation, sous la forme d’une
contribution annuelle de 100 millions d’euros au régime général.
En
réalité, la présente réforme des retraites est un coup supplémentaire porté à
leur profession, dans un contexte où l’appareil judiciaire est dégradé
– peut-être devrais-je dire à bout de souffle –, au détriment non
seulement des avocats mais aussi des magistrats et des personnels
administratifs.
Il faudra finir par comprendre, je crois, que, pour
rouvrir des discussions fructueuses avec une profession donnée, on ne peut pas
exiger d’elle qu’elle paie plus pour percevoir moins, alors même qu’elle se
trouve d’ores et déjà dans une situation de grande vulnérabilité.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe GDR.)
M. Jacques
Marilossian. Si c’était vrai ! Mais tel n’est pas le
cas !
M. le
président. La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir
l’amendement no 23900.
M. Patrice
Verchère. La forte mobilisation de l’ensemble des avocats de France
suggère que ceux qui ont raison de s’inquiéter sont ceux qui exercent cette
profession. J’entends dire, sur les bancs de la majorité, que les avocats ont
tort ; c’est plutôt vous qui avez tort de ne pas les écouter, chers
collègues, d’autant plus que cela pose un problème en matière de fonctionnement
de la justice. En effet, leur grève provoque le report de nombreux jugements, ce
qui pose un véritable problème aux nombreux citoyens concernés. Écoutez les
avocats ! J’estime qu’ils ont raison. Leur caisse autonome est financée par
leurs propres cotisations. Je ne vois pas pourquoi on les agrégerait à un régime
prétendument universel.
M. le
président. La parole est à Mme Constance Le Grip, pour
soutenir l’amendement no 24097.
Mme
Constance Le Grip. J’aimerais à mon tour m’exprimer en faveur des
professions libérales et des travailleurs indépendants en général, et des
avocats en particulier, dont le régime de retraite autonome doit être préservé à
tout prix.
Comme l’ont excellemment rappelé plusieurs de mes collègues du
groupe Les Républicains, nous ne vous avons pas entendu énoncer un seul argument
sérieux, crédible, fondé et pertinent susceptible de nous convaincre, ni à plus
forte raison les avocats, les experts-comptables, les infirmières libérales, les
orthophonistes et les membres de nombreuses autres professions, notamment
médicales et paramédicales, de la nécessité absolue de fondre leur régime de
retraite dans le régime universel.
Nous, membres du groupe Les
Républicains, avons rédigé un contre-projet, que nous ne cessons de décliner
depuis l’ouverture de ce débat, voici plusieurs semaines, en commission spéciale
et dans l’hémicycle.
Mme
Danielle Brulebois. Il consiste à travailler plus longtemps sans se
préoccuper de solidarité !
Mme
Constance Le Grip. Nous en extrayons une proposition de nature à
résorber l’imbroglio dans lequel se trouvent bien des professions, et à apaiser
la colère de leurs membres. Elle repose sur un système universel de base, à
hauteur d’un PASS, applicable à toutes les professions, à toutes les Françaises
et tous les Français, et sur le maintien, au-delà d’un PASS, des régimes
complémentaires et des régimes autonomes. Elle permettra à l’évidence
d’atteindre les objectifs que vous semblez poursuivre,…
M. Brahim
Hammouche. Non !
M. Erwan
Balanant. Et la gauche ne réagit pas ?
M. Régis
Juanico. Prenez donc la parole, vous avez toujours quelque chose
d’intéressant à dire !
Mme
Constance Le Grip. …sans déroger à l’absolue et ardente nécessité de
préserver, pour les professions indépendantes et libérales, les systèmes
complémentaires autonomes qui fonctionnent très bien. Telle est la proposition
que le groupe Les Républicains verse au débat. (Applaudissements sur quelques
bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour soutenir
l’amendement no 24124.
Mme
Brigitte Kuster. Je salue les propos de notre collègue Constance
Le Grip. Nous, nous abordons ce débat avec des propositions, pas en
pratique une obstruction systématique.
Le sujet sur lequel nous nous
penchons à l’instant, le régime de retraite autonome des avocats, a fait l’objet
d’un débat lors de l’examen de l’article 1er. Toutes les
oppositions ont mis en lumière l’absurdité qui consiste à s’obstiner à démolir
un système qui fonctionne.
Depuis plusieurs semaines, les avocats sont
dans la rue : des manifestations comme nous n’en avons jamais connu et une
mobilisation à nulle autre pareille, qui prendra la forme, nous venons de
l’apprendre, d’une journée nationale, le 12 mars prochain. Monsieur le
secrétaire d’État, la justice se porte déjà assez mal dans notre pays sans que
vous en rajoutiez une couche – si vous me permettez l’expression – en
vous attaquant au régime de retraite des avocats.
Le rôle qu’ils jouent a
été rappelé, et tous, du plus aisé au moins aisé, sont opposés au projet de loi.
Pourquoi vous obstinez-vous à vouloir démolir leur système de
retraite ?
Leur mobilisation a des répercussions non seulement pour
les avocats, mais aussi pour les justiciables, dont certains, en raison de la
grève des audiences, se trouvent en grande difficulté.
Le régime de
retraite des avocats leur permet, vous le savez très bien, de percevoir une
retraite annuelle de 17 000 euros s’ils n’ont pas pu verser les
cotisations nécessaires au cours de leur période d’activité. Il assure donc, il
faut le reconnaître, la solidarité et l’universalité.
Monsieur le
secrétaire d’État, je vous le demande : pourquoi vous obstinez-vous à
casser un régime de retraite qui fonctionne, alors même que la justice a d’ores
et déjà du mal à fonctionner ?
M. le
président. L’amendement no 24647 de Mme Agnès Thill
est défendu.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir
l’amendement no 25349.
Mme
Emmanuelle Anthoine. Monsieur le secrétaire d’État, depuis deux mois
déjà, les avocats sont mobilisés, ils font grève, et vous connaissez les
conséquences pour la gestion de leurs cabinets : cela signifie que les
honoraires ne rentrent pas. Tout cela pour vous démontrer à quel point ils sont
mobilisés contre votre projet de loi. J’aimerais insister sur deux
points.
D’abord, la solidarité. Je doute qu’il existe beaucoup de régimes
de retraite semblables à celui des avocats, qui est autonome et pratique la
solidarité, laquelle a toujours été sa priorité. Cette solidarité s’exerce au
sein même de la profession – afin que chacun puisse l’exercer et y trouver
sa place, des cabinets les plus importants aux petits cabinets se consacrant à
l’aide juridictionnelle – et à l’échelle nationale – d’autres ont
rappelé avant moi que leur régime de retraite abonde chaque année le régime
général à hauteur de 100 millions d’euros.
M. Frédéric
Petit. Nous parlons ici de milliards !
Mme
Emmanuelle Anthoine. Ainsi, la retraite des avocats ne coûte pas
1 euro à l’État.
Et puis j’aimerais insister sur la nécessité
d’assurer l’indépendance de cette profession. Il est clair qu’avec la réforme,
les avocats ne pourront plus être indépendants. Pour un cabinet d’avocats sur
deux, le passage de la cotisation retraite de 47 à 60 % du taux de charge
avant impôts créera une situation intenable.
La conséquence de cette
réforme sera une désertification judiciaire et juridictionnelle, une disparition
des avocats, qui sont non seulement des auxiliaires de justice mais aussi,
depuis 2017, de véritables partenaires de justice. Vous allez conforter le
mouvement d’extinction des petits cabinets au profit des gros, qui seront les
seuls à pouvoir s’en sortir.
Monsieur le secrétaire d’État, écoutez les
avocats !
M. le
président. La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir
l’amendement no 25384.
Mme
Isabelle Valentin. Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes conscient,
je l’espère, que c’est la première fois que les avocats manifestent et font
grève ainsi : on n’avait jamais vu ça.
Comme le soulignait
Emmanuelle Anthoine, ce sont des indépendants ; ils ont choisi leur métier
pour cela, pour l’indépendance de la justice et celle de leur statut.
Écoutez-les, prenez-les en considération !
Le nouveau contrat social
que vous proposez n’est pas équitable. Dans le système actuel, les avocats
reversent 100 millions d’euros au régime général. Pourquoi voulez-vous
défaire quelque chose qui fonctionne ?
Ne nous dites pas que le
problème des avocats est démographique. En effet, le système de retraite sera
déficitaire en 2025, mais pour plusieurs raisons, parmi lesquelles la
démographie, et cette donnée n’est pas spécifique aux avocats, elle est
globale.
M. Erwan
Balanant. Remarque intéressante…
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 35944.
Mme
Emmanuelle Ménard. Avec un grand plaisir !
Je souhaite
revenir sur un point que j’ai commencé à évoquer tout à l’heure : la
majorité a à cœur – ou du moins le prétend-elle – la défense des
territoires ruraux. Or la réforme du régime de retraite des avocats va mettre à
mal tout leur maillage du territoire car ce sont les petits cabinets qui vont se
trouver en difficulté. Nous l’avons déjà dit, vous allez les mettre sur la
touche et ainsi nuire à leur indépendance, toujours au profit des plus gros
cabinets,…
M. Alain
Perea. Mais non !
Mme
Emmanuelle Ménard. …ceux qui seront installés dans les métropoles, là où
sont installées des cours d’appel et des juridictions de dernier ressort. Mais,
sur tout le reste du territoire, dans les villes moyennes ou les petites, les
cabinets sont voués à disparaître, et, finalement, ce sont les Français qui
seront pénalisés.
Comment réagira un justiciable qui n’aura plus accès à
la justice de proximité, qui ne pourra plus s’adresser à un petit cabinet
d’avocats à côté de chez lui ? Croyez-vous vraiment qu’il fera volontiers
des dizaines de kilomètres pour aller chercher conseil auprès d’un cabinet dans
la grande ville du coin ? Bien évidemment, la réponse est non. Ce sont ces
Français vivant en dehors des métropoles – 50 % des Français, je vous
le rappelle, habitent dans des communes de moins de 9 000 habitants –
qui seront une fois encore punis par votre réforme.
M. Alain
Perea. N’importe quoi !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur cette série
d’amendements et sur le sous-amendement ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je vais essayer de répondre à cette longue
série d’amendements, identiques ou proches, des groupes Les Républicains et La
France insoumise ainsi que de Mme Ménard.
Selon M. Bernalicis,
nous n’aurions pas dû nous attaquer au sujet des avocats parce que cet électorat
aurait massivement voté pour nous. Quelle est cette République dans laquelle on
ne s’intéresserait qu’à ceux qui nous sont favorables ?
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Mme
Marie-Noëlle Battistel. Personne n’a dit ça ! C’est un
raccourci !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ce n’est pas notre conception ! Nous
voulons apporter une réponse qui englobe tout le monde. Je ne peux pas entendre
cet argument. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Charles de
la Verpillière. Hypocrite !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Les
invectives, ça suffit ! Un peu de respect !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Gosselin et madame Ménard, je vous
rejoins totalement : la profession d’avocat, ou une partie de celle-ci,
connaît des difficultés économiques – c’est une réalité –, liées à la
forte augmentation des effectifs et au fait que certains exercent
essentiellement des activités faiblement rémunératrices, qu’il s’agisse de droit
de la famille ou d’aide juridictionnelle.
M. Philippe
Gosselin. Ils en sont très conscients !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. C’est un sujet qui mérite d’être abordé,
distinct de celui des retraites.
M. Philippe
Gosselin. Et la réforme de l’aide juridictionnelle ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Gosselin, quel que soit le sujet,
l’image de l’échafaud est déplacée.
M. Philippe
Gosselin. Pour donner des leçons, vous êtes champion, monsieur le
rapporteur !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il est déplacé d’utiliser ce genre
d’exemple.
M. Philippe
Gosselin. Il y a d’autres expressions déplacées !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Et je m’en suis excusé aussitôt. L’incident
est clos. Vous n’étiez pas là en début d’après-midi, et personne n’est revenu
sur le sujet.
M. Maxime
Minot. Si !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je voudrais rétablir certaines vérités sur
différents sujets qui ont été abordés.
Mme Louwagie a évoqué le fait
que nous nous apprêterions à effectuer des prélèvements sur les caisses
excédentaires et qu’elles étaient appelées à disparaître. Je vais rappeler la
règle qui a été exposée hier. Seront intégrées, avec leurs réserves, dans la
CNRU, la Caisse nationale de retraite universelle : la CNAV – Caisse
nationale d’assurance vieillesse –, la CNAFPL – Caisse nationale
d’assurance vieillesse des professions libérales –, caisse chapeau des
professions libérales à l’exception des avocats, et l’AGIRC-ARRCO
– Association générale des institutions de retraite complémentaire des
cadres et Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés. En
revanche, les réserves des caisses autonomes des différentes professions
libérales comme la CARPIMKO – Caisse autonome de retraite et de prévoyance
des infirmiers, masseurs kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes
et orthoptistes – et la CNBF – Caisse nationale des barreaux
français – ne seront pas intégrées : les réserves resteront propriété
des caisses autonomes, qui pourront les utiliser comme bon leur semblera pour
accompagner leurs ressortissants, en l’occurrence, pour la CNBF, les avocats.
Alors arrêtons de dire que nous allons prendre dans les caisses : les
réserves peuvent être utilisées pour des transitions mais elles ne sont pas
prélevées.
Quant à la contribution de la CNBF à l’équilibre
démographique, à hauteur de 90 millions d’euros par an, c’est la preuve, si
besoin en était, du rapport démographique plus favorable chez les avocats, qui
explique pour une grande part leurs réserves. De plus, lors de son audition,
j’ai posé à Pierre-Louis Bras, président du COR – le Conseil d’orientation
des retraites –, la question suivante : pourrait-on résoudre les
problèmes en améliorant le système de compensation démographique ? Je vous
invite à consulter sa réponse dans le rapport de la commission : cette
question n’est plus évoquée depuis des années parce que cela supposerait de
prendre beaucoup aux quelques professions excédentaires pour donner très peu aux
nombreuses professions déficitaires du point de vue démographique. Je ne
conteste pas que la CNBF contribue à l’équilibre démographique, mais cette
contribution devrait être nettement supérieure pour concourir véritablement
audit équilibre.
En ce qui concerne les cotisations, les avocats
anticipent déjà une dégradation du rapport entre le nombre des actifs et celui
des retraités puisqu’ils ont déjà programmé une augmentation des cotisations.
Par conséquent, ce rapport ne se maintiendra pas.
L’un d’entre vous a
cité l’exemple d’une avocate aux revenus avoisinant 20 000 euros, qui
verrait sa cotisation passer de 3 744 à 6 748 euros. Je vous
invite à vous reporter à l’étude d’impact, qui fixe la limite à un PASS.
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Philippe
Gosselin. On sait ce qu’elle vaut !
M. Jérôme
Lambert. Elle est insincère !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Dans vos exemples, vous ne tenez pas compte
de l’abattement de CSG – contribution sociale généralisée – et de
cotisations sociales de 30 %…
M. Philippe
Gosselin. Peut-être même pas constitutionnel !
M. Boris
Vallaud. Certainement inconstitutionnel !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les salariés cotiseraient sur un salaire
brut tandis que les professions libérales cotiseraient sur un salaire
super-brut. Le Conseil d’État considère que, si l’on rapproche les modes de
calcul des cotisations, l’abattement est tout à fait possible. Compte tenu de
l’évolution du taux prévu par la CNBF et de l’abattement de 30 %…
M. Philippe
Gosselin. Et des conditions climatiques, ou bien en données corrigées
des variations saisonnières… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
M. Erwan
Balanant. Quel mépris !
M. le
président. Nous vous écoutons, monsieur le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Gosselin, je trouve votre
comportement parfaitement désobligeant. (Applaudissements sur les bancs des
groupes MODEM et LaREM.)
M. Maxime
Minot. Vous voulez le replay de la séance d’hier soir ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je parle depuis cinq minutes pour essayer
de répondre posément aux différentes interrogations, et voilà comment vous vous
comportez ! Nous allons éviter d’entrer dans le détail puisque, dès que
nous abordons le fond – le calcul de la CSG est compliqué, il faut le
maîtriser –, votre seule réponse est de revenir à la forme. Avis
défavorable. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Le système universel tel que vous le concevez est une fausse
bonne idée, nous avons essayé de vous l’expliquer à plusieurs
reprises.
Le Gouvernement a déposé un amendement après l’article 2,
dans lequel vous proposez, pour les avocats, un mécanisme de solidarité financé
notamment par les droits de plaidoirie. C’est la preuve que les abattements de
CSG et de charges sociales ne suffisent manifestement pas. De surcroît, cet
amendement imposera aux avocats de financer leur propre solidarité, comme c’est
déjà le cas lorsque vous leur demandez d’utiliser les réserves de leur propre
caisse de retraite.
Au-delà des avocats, je pense à toutes les autres
professions libérales et indépendantes : médecins, artisans, commerçants,
notaires, architectes, experts-comptables, etc. : cela représente un grand
nombre de professions. Vous leur accordez un abattement sur l’assiette des
cotisations salariales pour essayer de compenser les augmentations de
cotisations qu’ils devront subir, variables selon les catégories car les
cotisations étaient différentes. Bref, tout cela coûtera 2,6 milliards
d’euros à la sécurité sociale. J’insiste sur la somme : sera-t-elle
compensée à la sécurité sociale ? Que prévoyez-vous ? Comptez-vous
utiliser la TVA comme vous l’avez déjà fait ? Dans ce cas, à hauteur de
combien ? En outre, vous auriez dû affiner un peu plus, catégorie par
catégorie, vos propositions de révision de l’assiette sociale.
M. le
président. La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Il y a une chose qui me choque dans
tout ce que j’entends au sujet des avocats : en quoi auraient-ils un rôle
plus important que n’importe quelle autre profession ? Nous avons besoin de
chacune et de chacun dans notre société ; il n’y a pas de personnes plus
importantes que d’autres. Cela ne me semble donc pas un bon argument.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs
du groupe LR.)
Certains propos me rappellent une petite musique que
l’on entendait il y a quelques années. Les agriculteurs tenaient le même
discours que les avocats aujourd’hui : on leur proposait d’être intégrés
dans le régime général avec une cotisation à 28 %, mais, comme l’époque
était florissante, ils ont choisi de conserver leur régime spécifique avec une
cotisation à 14 % – à l’époque, il y avait trois ou quatre
agriculteurs en activité pour financer la retraite d’un seul.
M. Maxime
Minot. On est hors sujet !
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Que constate-t-on désormais ?
L’agriculture n’est plus aussi florissante et un agriculteur en activité doit
payer pour trois à quatre agriculteurs à la retraite. Les pensions des
agriculteurs sont donc tellement basses que nous souhaitons l’instauration d’un
minimum contributif pour cette profession et un système universel de retraite.
Si la situation actuelle des avocats est bonne, elle ne le sera pas forcément
autant dans quelques années. C’est la raison pour laquelle tout le monde doit
être intégré dans le système universel de retraite. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
Mme
Caroline Abadie. Bravo !
M. le
président. La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert
Wulfranc. Je souhaite rendre hommage à M. Waserman, qui a souligné
notre volonté de défendre les caisses autonomes des avocats et plus généralement
des professions indépendantes et libérales, mais également les régimes spéciaux,
qu’il convient de ne pas oublier, car, comme il l’a rappelé, nous y sommes
particulièrement attachés.
Je souhaiterais, à cet égard, évoquer cette
petite musique qui consiste à saluer la bonne santé des caisses autonomes et à
pointer du doigt ces mauvais élèves que seraient les régimes spéciaux. Cette
situation ne tombe pas du ciel. Les régimes spéciaux sont aussi le fruit d’une
politique. Qu’il s’agisse de la SNCF ou encore des industries gazières et
électriques, les gouvernements successifs et leurs majorités – auxquels
beaucoup de députés ici présents ont contribué alternativement – ont,
depuis des décennies, utilisé l’emploi comme variable d’ajustement, dans le
cadre de privatisations chaque fois plus massives. Résultat des courses :
des suppressions d’emplois majeures qui ont lourdement affecté le rapport entre
actifs et retraités dans les services publics structurants et stratégiques de
notre pays.
En définitive, si, sur les bancs du groupe GDR, nous
considérons que les caisses autonomes des travailleurs indépendants et libéraux
doivent être regardées pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire gérées avec
responsabilité et avec les résultats probants qui viennent d’être présentés et
qui incitent à leur défense, nous estimons tout autant que les régimes spéciaux
doivent être défendus au regard de la trajectoire qui leur a été imposée et dont
vous êtes responsable. (Mme Caroline Fiat
applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Brahim Hammouche.
M. Brahim
Hammouche. On n’échappera pas à la question de la démographie, qui a une
incidence sur la bonne ou la mauvaise gestion d’une caisse. Le levier
démographique joue pleinement s’agissant des caisses actuellement excédentaires.
En 2018, cinq avocats en activité pour un retraité ; en 2047, deux avocats
pour un retraité. Il ne s’agit pas d’une vue de l’esprit, mais d’un fait basé
sur des données précises : en effet, l’an dernier, la profession comptait
près de 1 000 avocats de moins – 950 exactement – que
l’année précédente. Le contingent des avocats diminue donc d’année en
année.
Par ailleurs, n’oublions pas l’esprit de cette réforme, qui est de
tenir compte des changements de parcours professionnels, lesquels concernent
également les avocats. Certains d’entre eux n’exerceront pas ce métier toute
leur vie, et pourront aller travailler dans le secteur privé, à l’instar de
nombreuses professions libérales. Mais, si les avocats s’occupent des avocats,
qui prendra en charge un ancien avocat ? (Applaudissements sur les bancs
du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Ne revient-il pas à
la solidarité nationale de protéger les 15 % d’avocats qui changent de
profession et ne relèvent donc plus de sa caisse autonome ? Ce sont
évidemment à la société et à la solidarité nationale de payer ; c’est
pourquoi notre réforme les protégera mieux ! Elle accompagnera mieux les
événements de la vie. (Mêmes mouvements.)
De plus, notre système
fera des gagnants, y compris parmi les avocats. Les faits sont têtus et les
chiffres disponibles : un avocat qui gagnerait moins de
3 300 euros obtiendrait, avec notre réforme, une pension de
3 200 euros, contre 2 700 euros actuellement – je ne
l’invente pas, c’est dans une étude relayée dans la presse et qui a été
largement discutée. Si ce n’est pas un gain de 500 euros, de quoi
s’agit-il ? En mathématiques et dans la réalité, il s’agit d’un gain, que
je constate avec mes yeux, ma tête et au moyen d’une petite soustraction ;
nul besoin d’avoir fait une école de haute finance ! (Applaudissements
sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Je vous ferai également
part d’une expérience personnelle.
(« Ah ! » sur les
bancs du groupe LR.) J’ai suivi en psychothérapie, il y a quelques années,
une personne qui souffrait d’une dépression sévère, car son petit chat était
mort. Mais ce n’était pas réellement à cause de la mort de son chat que la
personne déprimait : il y avait un passé derrière cela, et cet événement
n’était que la partie émergée de l’iceberg. Si la profession des avocats connaît
un véritable malaise,…
Mme Danièle
Obono. Qu’ils aillent consulter un psy ?
M. Brahim
Hammouche. …celui-ci n’est en rien lié à notre réforme, même s’il pose
des questions importantes quant à son identité et à la place que nous souhaitons
lui conférer dans notre État de droit. Mais ne mélangeons pas tout et
avançons ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle
Obono. Je crois que les avocats, qui écoutent très attentivement ces
débats, seront heureux de savoir qu’on leur conseille d’aller voir un psy ;
je crois que cela va beaucoup les mobiliser pour poursuivre leur mouvement.
(Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Pierre
Vatin. Ils en prennent, les avocats…
M. le
président. Chers collègues, nous écoutons Mme Obono.
Mme Danièle
Obono. La réforme des retraites et la casse du système de solidarité que
vous prévoyez seraient donc comparables à la mort d’un petit chat. Tout cela va
donner des arguments pour continuer à se battre contre votre mauvaise
réforme.
Je vous répondrai en deux points.
S’agissant des gagnants
et des perdants, d’abord, je crois que vous n’avez pas compris que même ceux qui
constitueraient une minorité de gagnants sont solidaires de la majorité de
perdants, car ils ont à cœur la solidarité et ne considèrent pas que la hausse
des pensions qui leur reviendra est acceptable alors que les autres pâtiront de
moins bonnes retraites. J’estime que les avocats donnent une bonne leçon en se
déplaçant encore à Paris et en demeurant mobilisés contre votre réforme, qui
sera défavorable à tout le monde.
En ce qui concerne la démographie,
ensuite, vous affichez une vision mécanique s’agissant de toutes ces professions
libérales et régimes autonomes. Qu’il s’agisse des avocats ou des agriculteurs,
la question qu’il convient de se poser n’est pas de savoir s’il existe une
baisse inexorable de leur démographie, mais si nous avons besoin de plus
d’avocats et d’agriculteurs. Avons-nous besoin de plus d’avocats dans un pays
dont le ratio de magistrats et de personnels de justice par habitant est l’un
des plus bas d’Europe ? N’avons-nous pas besoin, pour la grande
transformation agricole, de davantage d’agriculteurs ? Nous devrions
pouvoir nous projeter dans un avenir dans lequel nous souhaiterions développer
ces secteurs d’activité libéraux. Or votre logique revient à mener une politique
de la pénurie : vous partez du principe que, de toute façon, vous réduirez
immanquablement le nombre de fonctionnaires, que vous serez incapables de
combattre durablement le chômage, que nous aurons irrémédiablement moins
d’actifs.
M. le
président. Merci.
Mme Danièle
Obono. Notre logique, elle, est toute autre. Nous souhaitons relancer
l’activité et assurer de bonnes retraites pour tous et toutes.
M. le
président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.
M. Joaquim
Pueyo. Certains collègues disent qu’il existe un malaise chez les
avocats ; c’est vrai. Ce malaise concerne la réforme judiciaire car, à
travers elle, on veut spécialiser les juridictions, et il a été amplifié par la
réforme des retraites que vous proposez. Tous les avocats que j’ai rencontrés,
qu’ils travaillent dans des cabinets avec beaucoup d’activité ou non, y compris
dans les barreaux modestes, sont contre cette réforme. Même les avocats commis
d’office, sollicités dans le cadre de l’aide juridictionnelle, qui n’ont pas de
grands revenus, sont absolument contre le régime universel que vous souhaitez
instaurer.
S’agissant de la démographie, j’estime que l’exigence
juridique va s’amplifier et que, comme l’indiquent les simulations, le nombre
d’actifs par retraité, qui équivaut à 4 pour 1 actuellement, passera à 3,6 pour
1 en 2030. L’équilibre sera donc maintenu.
Les avocats nous disent qu’ils
disposent déjà d’un régime solidaire, ce qui a été démontré à plusieurs reprises
par les chiffres : il l’est effectivement pour les avocats eux-mêmes, mais
aussi pour l’ensemble de la société. J’estime donc qu’il convient d’écouter les
avocats mais également de les entendre. Quand une profession se mobilise avec
autant de vigueur contre une réforme, je considère que les parlementaires
doivent y être sensibles.
Les avocats constituent une profession
particulière car ils sont garants de nos libertés individuelles et collectives,
des droits de l’homme et de tous les combats afférents. Cela ne me choque donc
pas qu’il existe pour eux un régime spécifique, comme vous en autorisez pour les
contrôleurs aériens ou d’autres professions. (Applaudissements sur les bancs
du groupe SOC ; Mme Marie-Christine Dalloz
et Mme Agnès Thill applaudissent également.)
(Le sous-amendement no 42629 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 24159, 24160, 24649, 33689 et 34261.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 144
Nombre
de suffrages
exprimés 144
Majorité
absolue 73
Pour
l’adoption 44
Contre 100
(Les amendements identiques nos 24159,
24160, 24649, 33689 et 34261 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements nos 95, 278,
503, 589, 5714 et autres déposés par les députés du groupe La France insoumise,
et 11107, 23630, 23839, 23900, 24097, 24124, 24647, 25349, 25384 et 35944, tous
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 141
Nombre
de suffrages
exprimés 141
Majorité
absolue 71
Pour
l’adoption 43
Contre 98
(Les amendements identiques nos 95, 278,
503, 589, 5714 et autres, et 11107, 23630, 23839, 23900, 24097,
24124, 24647, 25349, 25384 et 35944 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de seize amendements, no 26854
et identiques, déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et
républicaine, qui font l’objet de deux sous-amendements,
nos 42440 et 42576.
Sur ces amendements, je suis saisi
par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir les
amendements.
M. Pierre
Dharréville. Nous proposons là d’exclure définitivement les marins de ce
mauvais projet de loi. Les marins et les professions de la mer constituent un
monde très particulier, dont le régime de retraite est l’héritier d’un compromis
historique remontant à Colbert, en 1673. Ses racines sont demeurées intactes
jusqu’à aujourd’hui, même s’il a évidemment évolué. Un droit du travail moins
favorable, des conditions de travail pénibles : les marins sont confrontés
chaque jour à un outil de travail complexe et dangereux, un outil de vie qui
engage tout leur corps dans leur travail. Le droit à la retraite actuel des
marins permet de préserver des salariés qui subissent les forces naturelles et
la dureté du labeur au quotidien, les autorisant à cesser leur activité à un âge
anticipé.
Pour preuve, nous savons que, tous secteurs de la navigation
compris, un marin a six chances sur dix d’être victime d’un accident du travail.
Il s’agit d’un métier à risque, dangereux, qui doit entraîner un droit à la
retraite à même de compenser sa pénibilité et son caractère anxiogène. Dans le
cas contraire, que répondrions-nous aux marins, dont le taux de décès est plus
de onze fois supérieur aux métiers terrestres et plus de quatre fois supérieur
au secteur du BTP, pourtant deuxième corps de métier comportant le plus de
dangers ?
Nous n’acceptons donc pas que le sort des marins soit
renvoyé à une ordonnance et à de vagues négociations. Ils doivent être exclus de
cette mauvaise réforme : nous revendiquons pour eux le droit à la retraite
dès 55 ans, le droit à une pension d’ancienneté dès 50 ans et des
droits sociaux importants, comme autant de réponses à l’ingratitude d’un métier
qui demeure encore trop peu attractif, même si ceux qui l’exercent en sont
passionnés. Alors que la profession peine à recruter, que répondre aux jeunes
générations s’il leur est exigé d’atteindre votre âge pivot de
64 ans ? À cet âge, depuis des années déjà, ils auront le corps
meurtri et subiront une espérance de vie bien inférieure à celle d’autres
professions.
Par ces amendements, nous vous demandons de faire sortir
définitivement les marins et les gens de mer de votre projet, afin que soit
garanti pour eux un régime de protection sociale ambitieux.
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir le
sous-amendement no 42440.
Mme
Caroline Fiat. Il vise à appuyer les amendements du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine et ainsi à préserver les marins de cette
réforme.
Pour renforcer mon propos, je lirai un extrait d’un article du
Monde diplomatique de décembre 2019, intitulé « Les Cassés de
la mer » : « "Les pêcheurs, du fait de la pression
économique, prennent plus de risques que d’autres professions", observe
M. Thierry Sauvage, médecin en chef du service de santé des gens de la mer.
Les salariés comme les patrons sont payés à la part : plus ils ramènent,
plus ils gagnent. Il faut donc que le poisson rentre. M. Sauvage chapeaute
les quelque cinquante médecins du travail rattachés au ministère de la
transition écologique et solidaire qui suivent les marins sur le territoire. "Le
poisson commande", dit-il. Quand il y en a, il faut pêcher même si on est
fatigué, même si on a déjà fait beaucoup de jours de mer et qu’on n’a dormi que
deux heures. "Lorsque les douleurs apparaissent, les pêcheurs évitent d’ailleurs
souvent de prendre un arrêt de travail", note le médecin qui a exercé à
Marseille pendant plusieurs années. »
On ne peut pas imaginer que
les marins puissent continuer à travailler dans de telles conditions jusqu’à
66 ans, voire plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
M. le
président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir le
sous-amendement no 42576, avec énergie !
M. Philippe
Gosselin. Oui, car vous en êtes le premier signataire, monsieur le
président. J’essaierai d’être un bon porte-parole.
Force est de constater
que le monde des marins est un monde singulier, si ce n’est un monde à
part : leur taux de mortalité des marins est hors norme ; leur rythme
de vie est atypique ; certains d’entre eux sont rémunérés à la part, ce qui
est totalement exorbitant du droit commun. Ces singularités méritent que l’on
attache une pleine attention à leur retraite, afin qu’ils aient une fin de
carrière puis une fin de vie décentes. Je ne doute pas que vous aurez à cœur de
faire vôtre cet amendement.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur la série d’amendements
et sur les deux sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je reprends vos termes, monsieur
Gosselin : « Ces singularités méritent que l’on attache une pleine
attention à leur retraite. » C’est exactement notre intention. De par son
ancienneté et sa diversité, le régime des marins est le plus éloigné du système
cible. Il faut tenir compte de toutes leurs spécificités, ce qui fera l’objet de
l’article 7. Je suis défavorable à l’idée de ne pas les intégrer dans le
système universel.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous avons déjà échangé à
plusieurs reprises à ce sujet. Je rappelle qu’une concertation est en cours avec
l’ensemble des représentants des marins de la pêche et du commerce ainsi que de
leurs employeurs, afin de prendre en compte les spécificités évoquées tant par
le rapporteur que par les orateurs qui ont défendu les amendements et
sous-amendements.
Je rappelle que les garanties suivantes ont été
apportées aux marins : maintien de la possibilité de départ anticipé à
55 ans ; maintien du niveau des pensions ; accompagnement de
l’État. Tel est le sens de la lettre que Jean-Baptiste Djebbari et moi-même
avons fait parvenir à l’ensemble des organisations représentatives.
Par
ailleurs, je répète que le système universel n’est incompatible ni avec le
respect de ces spécificités ni avec la situation de la profession. Les marins
ont vocation à acquérir les mêmes droits de solidarité que l’ensemble des
Français. Ils ont donc toute leur place, avec leurs spécificités, au sein du
système universel.
Mon avis est défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Didier Le Gac.
M. Didier
Le Gac. L’intégration des marins dans le système universel sera
progressive. Sur tous les bancs, nous partageons le même constat : leur
métier est l’un des plus dangereux au monde. M. le secrétaire d’État chargé
des retraites vient de le rappeler, ils ont obtenu l’assurance, par une lettre
cosignée par le secrétaire d’État chargé des transports et par lui-même, que
leurs sujétions et particularités seraient bien prises en compte dans le régime
universel. Ils continueront ainsi à déroger aux règles de droit commun en
matière d’âge de départ, puisqu’ils pourront bénéficier d’une ouverture de leurs
droits à 55 ans s’ils ont accompli une période cumulée de quinze ans de
navigation. Il leur a en outre été confirmé, noir sur blanc, que le principe de
cotisation sur les assiettes forfaitaires, qui constitue l’une des
particularités de leur régime, serait maintenu.
Reste cependant la
question de l’harmonisation des taux de cotisation. Si ces taux ne sont pas très
différents pour les salariés, ils le sont pour les employeurs, à savoir les
armateurs. La question devra être réglée dans la concertation.
Je
maintiens que le recours à ordonnance est plutôt intéressant pour traiter les
questions relatives aux différentes professions, notamment aux marins. En
l’espèce, cela nous laisse douze à quinze mois pour discuter avec l’ensemble de
la filière et parvenir à un accord. (Applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. Alain
Perea. Bravo !
M. le
président. Sur l’article 2, je suis saisi par le groupe La
République en marche, le groupe Les Républicains et le groupe de la Gauche
démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est
annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à
M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Des assurances données dans une lettre signée par un ou des
membres du Gouvernement ne sont pas de même nature, vous en conviendrez, que des
dispositions inscrites dans la loi. J’ai pu le constater au cours de ma brève
expérience car les habitants de mon territoire en ont fait les frais. Notre rôle
est d’élaborer la loi, et je souhaite que nous y inscrivions ces dispositions
relatives aux marins.
Vous avez évoqué l’intégration des marins dans le
système cible, ce qui laisse penser qu’ils devront s’inscrire dans une
trajectoire pour s’en rapprocher. Pour notre part, nous ne partageons pas ce
point de vue ; nous pensons qu’il faut véritablement garantir leurs
droits.
M. Le Gac vient d’indiquer que toutes les questions
n’étaient pas réglées. J’en soulève une supplémentaire : l’ENIM
– l’Établissement national des invalides de la marine –, qui gère
actuellement les pensions des marins, nous semble l’organisme le mieux à même de
garantir leurs droits. Ils doivent notamment bénéficier de droits à réversion et
de majorations de pension plus favorables, ainsi que de taux de cotisation
adaptés aux spécificités de leur métier.
Nous évoquons la situation des
marins après avoir évoqué celle des avocats. Les informations nous sont données
graduellement ; on nous parle de négociations plus ou moins en cours. Cela
nous donne le sentiment que vous réalisez la réforme des retraites en marchant,
au fil de l’eau.
Mme
Marie-Noëlle Battistel. Tout à fait !
M. Pierre
Dharréville. On découvre les problèmes les uns après les autres ;
vous redécouvrez le système au fur et à mesure, ce qui vous amène à tenter de
tenir compte de certains éléments sans réellement le faire. Votre doxa et les
grands principes que vous avez édictés sont très problématiques ; vous ne
parvenez pas à les appliquer à toutes les situations, puisque c’est impossible.
Ce n’est pas sérieux. À ce stade de la discussion, nous constatons une fois de
plus votre impréparation. Je le souligne à nouveau, votre système n’est pas
bouclé, il n’est pas ficelé, il ne tourne pas ; vous devriez y
renoncer.
M. Hubert
Wulfranc. Très juste !
M. le
président. La parole est à M. Jimmy Pahun.
M. Jimmy
Pahun. Je rappelle que l’ENIM gère le plus vieux régime de retraite en
France. Pour que les gars acceptent d’aller en mer, il a fallu les motiver en
leur promettant une retraite à la fin de leur carrière. C’est ainsi qu’a été
créé le régime des pensionnés de la marine.
Celui-ci est très
compliqué : les marins-pêcheurs sont classés en vingt catégories, à chacune
desquelles correspond un niveau de rémunération, sachant que certains sont payés
à la part – M. Gosselin l’a rappelé –, alors que les marins de
commerce sont payés forfaitairement. La paie dépend en outre de l’éloignement du
lieu de travail et du nombre de brevets détenus.
Quant aux pensions,
elles sont très variables : certaines sont très modestes – autour de
600 ou 700 euros pour un matelot de sixième ou septième catégorie –,
d’autres plus confortables – jusqu’à 6 000 euros en vingtième
catégorie.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez indiqué que
l’âge de départ à 55 ans serait maintenu pour les marins-pêcheurs, compte
tenu de la difficulté de leur travail.
M. Didier
Le Gac. Pour tous les marins !
M. Jimmy
Pahun. C’est encore mieux, mon cher collègue. Je vous en remercie en
leur nom, monsieur le secrétaire d’État.
M. Erwan
Balanant. C’est un marin qui parle !
M. Jimmy
Pahun. Je puis néanmoins vous dire que les marins-pêcheurs ont la tâche
bien plus difficile que les marins de commerce, lesquels pourraient peut-être
prolonger un peu leur carrière ! (Applaudissements sur les bancs du
groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. Avec ses mots à lui, mais de façon très juste et très pertinente,
notre collègue de la majorité vient de justifier la nécessité de régimes
autonomes en lien avec les métiers.
M. Pierre
Dharréville. Eh oui !
M. Erwan
Balanant. Mais non !
M. Stéphane
Viry. Il a confirmé qu’il y avait à cela des raisons professionnelles et
des fondements historiques. Dès lors, on doit tenir compte des caractéristiques
des métiers, y compris peut-être de leur pénibilité, et intégrer certains
paramètres.
Je suis attentif à tous les régimes, notamment à celui des
marins-pêcheurs. Or je me souviens qu’en commission spéciale, monsieur le
secrétaire d’État, vous nous aviez apporté des éléments de réponse au sujet du
régime des marins-pêcheurs, en nous précisant que cela ferait l’objet d’une
ordonnance. Je souscris aux propos de M. Dharréville : si d’aventure
le processus était serein et certain, si d’aventure tout cela relevait pour vous
de l’évidence, vous n’auriez pas besoin de renvoyer à une ordonnance. Je crains
toutefois que vous ne soyez pris au dépourvu, que vous ne sachiez pas comment
articuler les mécanismes propres à certaines professions, notamment aux
marins-pêcheurs, avec le régime universel. À ce stade de nos débats, nous
serions tenus de vous croire sur parole, ce qui, vous me le pardonnerez, est
difficile à admettre pour moi.
Certains métiers présentent effectivement
des spécificités. Mes collègues et moi-même aurions apprécié de savoir ce que
sera le nouveau système de retraite pour chaque profession, concrètement, au cas
par cas. Nous aurions préféré que ce ne soit pas renvoyé à des ordonnances.
M. Maxime
Minot. Excellent !
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme
Caroline Fiat. J’ai bien noté, monsieur le rapporteur, que vous
entendiez tenir compte de la dangerosité du métier de marin-pêcheur. En outre,
d’après M. Le Gac, les marins ont obtenu l’assurance que leurs
particularités seraient prises en considération. Mais quand, comment et dans
quelles conditions ? Nous n’en savons rien. Vous nous dites en
substance : revenez dans douze à quinze mois quand nous aurons fini les
négociations, nous aurons peut-être des réponses. Par ailleurs, vous nous
demandez d’attendre l’examen de l’article 7, mais celui-ci prévoit, je le
rappelle, une ordonnance.
Nous sommes en pleine crise du coronavirus, ce
qui est, ma foi, assez anxiogène. Vous dites que nous sommes toujours contre
tout ce que vous faites ; or j’en profite pour dire que, pour le moment,
tout est bien géré par le Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs
du groupe LaREM.)
M. Pascal
Lavergne. Merci, madame Fiat !
Mme
Caroline Fiat. Le protocole de soins prévoit successivement mise à
l’isolement, accueil, diagnostic et traitement. Si on l’applique dans le
désordre, on risque la pandémie. Or c’est ce que vous êtes en train de faire
avec cette réforme, en inventant un nouveau protocole de soins : je
panique, j’applique un traitement et, à la fin, je mets à
l’isolement.
Nous ne disons pas que vous ne faites rien, que vous ne
travaillez pas ou que les négociations n’ont pas lieu. Nous disons seulement que
vous faites tout à l’envers. Cela fait deux ans que vous travaillez sur cette
réforme des retraites ; vous auriez dû arriver devant nous avec un travail
complet, abouti, et des réponses à nous apporter, nous vous le répétons depuis
plusieurs jours.
Non, nous ne pouvons pas attendre douze à quinze mois,
alors que vous allez nous demander de voter dans les prochains jours.
(Mme Danièle Obono applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. M. Le Gac nous a apporté des précisions concernant
l’état des discussions entre la profession des marins-pêcheurs et le
Gouvernement, en se réjouissant que l’on dispose de quinze mois pour aboutir.
Pour notre part, nous ne demandons pas mieux que vous reportiez l’examen de
cette réforme.
M. Erwan
Balanant. Non, il faut poser les principes puis laisser les partenaires
sociaux travailler !
M. Boris
Vallaud. Travaillez un peu et revenez quand vous êtes prêts ! Si
c’est dans quinze mois, ce sera dans quinze mois. En effet, les conséquences de
l’impréparation de cette réforme peuvent être funestes pour les
retraités.
Je vous donnerai un seul exemple. La transition à l’italienne
a été évoquée tout à l’heure, et chacun s’est félicité de ce que cela signifiait
en matière de maintien des droits acquis. Précisons d’abord que ceux-ci sont
maintenus sous réserve que les intéressés atteignent l’âge d’équilibre. En
réalité, c’est le maintien des droits acquis moins la décote. Et surtout, il
faut se demander quel sera le coût d’une transition à l’italienne. Il sera
important, et il faut en tenir compte dans les considérations sur l’équilibre
général du système. Il n’est pas impossible que, pour ceux qui appartiennent au
système actuel, le coût se reporte sur la partie cotisée dans le nouveau
système, avec des conséquences sur leur âge de départ à la retraite ou le niveau
des pensions. Il n’est pas dit que, pour financer ce régime à l’italienne, nous
ne soyons pas obligés, pendant la période de transition qui l’autorise, jusqu’en
2045, à faire par exemple diverger les indexations de la valeur d’achat et de la
valeur de service. Ainsi, choisir une indexation de la valeur d’achat plus
favorable que l’indexation de la valeur de service serait la meilleure des
façons de faire baisser le taux de rendement des pensions.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Eh oui !
M. Boris
Vallaud. On a donc besoin de savoir ce que coûtent les conséquences
macroéconomiques de cette période de transition ; il nous faut connaître
les effets de toutes ces décisions sur l’équilibre du système financier. Mises
bout à bout, elles sont la démonstration de votre impréparation la plus complète
et du fait que vous êtes totalement dépassés par votre golem.
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
(Les sous-amendements nos 42440 et 42576,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements no 26854 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 130
Nombre
de suffrages
exprimés 124
Majorité
absolue 63
Pour
l’adoption 32
Contre 92
(Les amendements no 26854 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je mets aux voix l’article 2.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 135
Nombre
de suffrages
exprimés 135
Majorité
absolue 68
Pour
l’adoption 97
Contre 38
(L’article 2 est
adopté.)
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Régis
Juanico. Un article tous les cinq jours !
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