Système universel de retraite Art. 2 bis - Version analytique |
AN 1 - Débats 27 février 2020 : 1ère séance du 26 |
Après l’article 2M. le
président. Sur les amendements identiques nos 42467 et
42475, qui font l’objet de deux sous-amendements, nos 42569 et
42630, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de
scrutin public. M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il a été déposé par le
Gouvernement, et j’espère qu’il réunira un grand nombre de députés, si ce n’est
tous. Les avocats disposent d’un régime de retraite de base qui assure une
solidarité entre les hauts et les bas revenus. Dès le mois de juillet, je le
répète, le rapport Delevoye mentionnait la possibilité qu’ils conservent un
mécanisme de soutien interne, et nous l’avons confirmé lors de nombreuses
réunions organisées avec leurs représentants par Mme la garde des sceaux,
par M. le Premier ministre et par moi-même. M. le président. La parole est à M. Dimitri Houbron, pour soutenir l’amendement no 42475. M. Dimitri Houbron. Au-delà de cet amendement, je suis surpris : en 2017, la droite voulait un régime de retraite unique, et elle défend aujourd’hui des régimes autonomes ; une fraction de la gauche souhaitait absorber une partie des caisses autonomes pour financer notamment les retraites à 60 ans, et les mêmes se font aujourd’hui les plus grands défenseurs des régimes autonomes. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.) M. Jean-René Cazeneuve. Très bien ! M. Dimitri
Houbron. Nous ne partageons pas leur lecture du monde : nous nous
plaçons au-delà des corporatismes, pour défendre l’universalité et la
solidarité. M. le président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le sous-amendement no 42569. M. Pierre
Dharréville. Hier, le 25 février, le Conseil national des barreaux
publiait un communiqué de presse : « Cet amendement, que le
Gouvernement n’a pas jugé bon de soumettre ou de transmettre au CNB avant son
dépôt, reste sur le même principe : faire supporter aux avocats le prix de
leur entrée imposée dans le système universel de retraites. […] Nous refusons de
payer pour une réforme qu’on nous impose et dont nous ne cessons de dénoncer
l’injustice et le danger qu’elle crée pour l’avenir de nos cabinets et de
l’accès au droit. » Cet amendement que vous proposez pour solde de tout
compte, si je comprends bien, monsieur le secrétaire d’État, est ainsi
décrit : « Ces expédients de dernière minute ne sont pas à la hauteur
de l’enjeu ni de notre mobilisation. […] La réforme des retraites nécessite un
débat parlementaire approfondi. La démocratie justifie qu’il ne soit pas
escamoté. Nous y prenons toute notre part. Les légitimes revendications des
avocats n’étant toujours pas prises en compte, notre mouvement s’organise pour
durer. » Mme Danielle Brulebois. Le Gouvernement écoute les avocats ! M. Pierre Dharréville. Au bout d’un moment, l’ensemble devient illisible : à force de dérogations diverses et variées, qui d’ailleurs ne répondent pas aux exigences, nous le voyons bien, vous ne maîtrisez plus le concept clé de votre réforme, l’universalité, qui disparaît au passage. Vous ne maîtrisez plus votre créature – votre créature, c’est Pinocchio. (Commentaires sur divers bancs.) M. le président. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir le sous-amendement no 42630. M. Adrien
Quatennens. La profession d’avocat recouvre des réalités matérielles
très diverses, cela a déjà été dit. Pourtant, quelles qu’elles soient, tous les
avocats sont opposés à votre réforme des retraites et en demandent le
retrait. Mme Danièle Obono. Tout à fait ! M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques et les sous-amendements ? M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Sans surprise, il est défavorable aux deux sous-amendements, qui visent à substituer aux mots « chaque année » les mots « tous les ans ». M. Pierre Dharréville. Alors nous n’allons pas pouvoir voter pour les amendements ! M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Bien entendu, vous
êtes libre de votre vote. M. Guillaume Larrivé. C’est un avis personnel, pas l’avis de la commission ! M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ? M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je voudrais expliquer posément
la façon dont le Gouvernement organise les échanges et les concertations. Si je
me permets de venir devant la représentation nationale en affirmant que nous
défendons cet amendement après avoir écouté les représentants des avocats, c’est
bien parce que nous l’avons fait, à plusieurs reprises – j’étais
personnellement associé aux rencontres. Je ne viendrais pas devant vous
présenter un amendement, en disant explicitement avoir entendu certaines
demandes des représentants des avocats, sans avoir été moi-même
présent. M. le président. La parole est à M. Éric Woerth. M. Éric Woerth. Rien n’est clair dans cette opération de colmatage. Pardon de vous fâcher, monsieur le secrétaire d’État, mais il nous semble que les avocats n’ont pas été vraiment consultés. En tout cas, c’est ce qu’ils nous disent. S’agissant des avocats, un sujet très important puisqu’il est évoqué depuis déjà plusieurs semaines dans nos débats, il aurait été bien que Mme la garde des sceaux soit présente parmi nous pour nous dire exactement de quoi il retourne. Mme Valérie Lacroute. Ah ça oui ! M. Éric Woerth. En tout cas, on a l’impression que les avocats vont être les propres financeurs du coût de leur adhésion au régime universel. Mme Marie-Christine Dalloz. C’est ça ! M. Éric
Woerth. Ils le seront d’abord à travers les fonds de réserves de leur
caisse, dont ils vont conserver la propriété mais qui devront servir à financer
la transition et leur intégration dans le régime d’universalité, mais aussi à
travers les droits de plaidoirie, une vieille taxe déjà affectée d’ailleurs à
ladite caisse et au financement de leur régime de retraite et de leur régime
d’invalidité. On peut certes se dire que vous consolidez le dispositif existant
en lui donnant valeur législative alors qu’il n’existait que par décret, mais on
ne voit pas bien à quoi cela sert. Il s’agit tout de même de fonds qui étaient
complètement inclus dans leur régime autonome et que les avocats n’auront plus
que la permission d’utiliser pour financer leur propre solidarité – du
moins ce que l’État n’aura pas redistribué via le Fonds de solidarité vieillesse
universel. C’est d’ailleurs une conception assez curieuse de l’universalité
puisque vous faites ainsi exactement le contraire. Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien ! M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel. Mme
Marie-Noëlle Battistel. Monsieur le secrétaire d’État, vous dites avoir
entendu les demandes des avocats en proposant cet amendement, qui vise
finalement à donner une nouvelle mission à la CNBF, permettant son maintien mais
tout en lui retirant ses missions actuelles et en basculant les avocats dans le
système universel. M. Jérôme Lambert. C’est le brouillard ! Mme Marie-Noëlle Battistel. Cette mesure a été, nous avez-vous dit, préparée en concertation avec la profession, mais je ne comprends pas alors pourquoi les avocats étaient encore mobilisés cet après-midi devant l’Assemblée :… M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Ce n’est pas un syndicat qui manifeste. Mme Marie-Noëlle Battistel. …soit ils n’ont pas été entendus et ne sont pas d’accord avec votre proposition, soit ils n’ont pas saisi qu’elle était la bonne. Je penche plutôt pour la seconde hypothèse, d’ailleurs aujourd’hui la plus aisément vérifiable. En tout cas, la mobilisation actuelle des avocats, c’est du jamais vu, et votre proposition n’est pas du tout à la hauteur de leurs attentes. Le groupe Socialistes et apparentés ne votera donc pas pour l’amendement du Gouvernement. (Mme Emmanuelle Anthoine et M. Jérôme Lambert applaudissent.) M. le président. La parole est à M. Adrien Quatennens. M. Adrien
Quatennens. Le groupe La France insoumise ne votera pas cet amendement
du Gouvernement parce qu’il confirme ce que nous pensons du dispositif proposé.
À vous entendre, monsieur le secrétaire d’État, soit les avocats nous mentent
alors qu’ils sont au fond d’accord avec vous, soit ils n’ont plus aucune raison
d’être encore mobilisés… Mais ils le sont pourtant plus que jamais et toujours
très déterminés, vous l’avez vu. M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne. M. Jean-Paul Dufrègne. C’est en effet du bricolage, du rafistolage, du colmatage, sans rapport avec la demande des avocats que nous avons rencontrés. Le groupe GDR vous demande, une fois de plus, d’écouter les avocats : ils étaient encore à l’Assemblée cet après-midi et nous les soutenons, nous ne les trahirons pas, nous ne nous associerons pas à cette manœuvre de diversion qui va, en plus, enchérir le fonctionnement de la justice ! (Mme Marie-Noëlle Battistel applaudit.) M. le président. La parole est à M. Patrick Mignola. M. Patrick Mignola. Les avocats de notre pays sont très mobilisés depuis quelques semaines. M. Patrick Mignola. Leur première opposition à la réforme, tout à fait compréhensible, résultait de la crainte légitime que soient atteintes les réserves qu’ils avaient constituées. C’est la raison pour laquelle le groupe que j’ai l’honneur de présider avait posé comme préalable à la réforme que les réserves, quelles que soient les professions concernées, demeurent évidemment à la main de ceux qui les avaient constituées, et il est important de le réaffirmer. M. Patrick Mignola. Leur second motif d’opposition, tout autant compréhensible, était dû à la crainte que l’entrée dans le régime universel ne produise une augmentation des cotisations. Se posait donc à nous toute la question des transitions pour ces professions et de leurs conditions d’entrée dans le nouveau système. M. Patrick Mignola. Le Gouvernement a fait plusieurs propositions mais, avant d’y revenir, je tiens à souligner d’abord l’esprit de la responsabilité des avocats – un désaccord ne doit pas empêcher de reconnaître l’esprit de responsabilité de son interlocuteur. Ainsi, il y a quelques années déjà, en 2013, les avocats avaient pris conscience qu’ils faisaient face à un problème démographique appeler à durer puisqu’un plus grand nombre de pensionnés serait plus difficilement finançable si le nombre de cotisants devenait proportionnellement moindre et, de surcroît, si le niveau de rémunération de ceux-ci baissait. M. Jérôme Lambert. Ils ont anticipé ! M. Patrick Mignola. Ils avaient donc pris leurs responsabilités en augmentant d’ores et déjà leurs propres cotisations dans le cadre du régime autonome. M. Jérôme Lambert. Exactement ! M. Patrick
Mignola. Grâce à l’esprit de responsabilité dont ils ont fait preuve,
l’augmentation prévue n’interviendra qu’à partir de 2019 (Exclamations sur
les bancs du groupe LR), ce qui ne représentera, après l’amendement que le
Gouvernement vient de nous présenter, qu’un montant de 10 à 15 euros par
mois. Certes, 10 à 15 euros mensuels ne sont pas rien quand on est avocat
en début de carrière ou dans un petit cabinet, parce que, contrairement à la
rumeur publique, les avocats ne sont plus des notables hyper bien payés. Les
raisons en sont assez simples : la France contribue à son institution
judiciaire à hauteur de 72 euros par habitant et par an, contre
145 euros en Allemagne et 155 euros en Grande-Bretagne – ainsi,
même dans les pays réputés plus libéraux que le nôtre, la participation
financière de la collectivité à l’institution judiciaire est bien
supérieure. (Les sous-amendements identiques nos 42569 et 42630 ne sont pas adoptés.) M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 42467 et 42475. (Il est procédé au scrutin.) M. le
président. Voici le résultat du
scrutin : (Les amendements identiques nos 42467
et 42475 sont adoptés.)
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