Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Deuxième séance du mercredi 26 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de Mme Annie Genevard
1.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (suite)
Article 3
M. Régis
Juanico
Mme Agnès
Firmin Le Bodo
M. Jean-Paul
Dufrègne
M. Éric
Girardin
M. Adrien
Quatennens
Mme Marie-Christine
Dalloz
Mme Nathalie
Elimas
Amendements nos 487
, 945
, 3962
, 8863,
8984, 8985, 8987, 8988, 9057, 9058, 9059, 9060, 9112, 9113, 9114, 9116,
9117,9119, 9122, 9123 , 11844
, 11845
, 12258
, 30950,
30952, 30953, 30954, 30955, 30956, 30957, 30958, 30959, 30960, 30961, 30962,
30963, 30964, 30965, 30966
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Amendements nos 7609,
7610, 7612, 7647, 7648, 7649, 7650, 7654, 7656, 7658, 7678, 7679, 7697, 7715,
7718, 7719, 7720 , 7721,
7722, 7723, 7724, 7725, 7727, 7729, 7730, 7748, 7749, 7750, 7751, 7752, 7753,
7754, 7755, 7756 , 7758,
7759, 7760, 7761, 7762, 7763, 7781, 7783, 7784, 7785, 7786, 7787, 7788, 7909,
7910, 7911, 7913
Rappels
au règlement
Mme Marie-Christine
Dalloz
M. Rémy
Rebeyrotte
Article 3
(suite)
Rappel
au règlement
M. Adrien
Quatennens
Article 3
(suite)
Fait
personnel
M. Jean-René
Cazeneuve
Article 3
(suite)
Amendements nos 7914,
7915, 7916, 7917, 7918, 7919, 7920, 7921, 7923, 7924, 7925, 7926, 8063, 8066,
8067, 8068, 8070
Rappel
au règlement
M. Patrick
Mignola
Article 3
(suite)
Amendements nos 7392
, 11857
, 11859
, 8089,
8093, 8095, 8097, 8100, 8101, 8136, 8172, 8173, 8208, 8243, 8245, 8281, 8317,
8354, 8357, 8359 , 26831,
30934, 30935, 30936, 30937, 30938, 30939, 30940, 30941, 30943, 30944, 30945,
30946, 30947, 30948, 30949 , 8361,
8362, 8364, 8366, 8367, 8369, 8732, 8734, 8735, 8855, 8859, 8861, 10634, 10639,
10643, 10648 , 42572
(sous-amendement) , 42573
(sous-amendement)
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
Mme Annie Genevard
vice-présidente
Mme la
présidente. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
Mme la
présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623
rectifié, 2683).
Discussion des articles (suite)
Mme la
présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des
articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 3.
Article 3
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico, premier inscrit sur
l’article.
M. Régis
Juanico. Nous en venons à l’article 3, ce qui signifie que nous
progressons au rythme soutenu d’un article tous les cinq jours. Cet article
traite du régime universel de retraite. Alors que vous prétendez supprimer les
régimes spéciaux, je veux rappeler que ces derniers ne constituent pas des
privilèges : ils sont le produit d’une histoire sociale, souvent liée au
mouvement ouvrier – nous évoquions tout à l’heure le régime spécifique des
marins pêcheurs.
Plusieurs élus des bassins miniers étant présents ce
soir, je veux mentionner le régime spécial des mineurs, qui, depuis 1946, couvre
à la fois les accidents du travail, l’assurance-maladie et les retraites. Ce
régime est un acquis du Conseil national de la Résistance : il ne s’agit
pas seulement d’un régime de sécurité sociale, qui assure la gratuité intégrale
des soins à ses bénéficiaires, mais surtout d’un acquis, d’une dette de la
Nation envers ses travailleurs, dont beaucoup sont venus de l’étranger – de
Pologne, d’Italie, du Portugal, d’Espagne, du Maghreb ou d’ailleurs – pour
travailler dans les bassins miniers, comme celui de Saint-Étienne, pour
reconstruire notre pays après la guerre.
Ce régime de retraite ne compte
plus aujourd’hui que 1 400 cotisants, les mineurs de fond n’existant
plus depuis la fermeture des derniers puits, dans les années 1980. Seuls
demeurent quelques mineurs d’ardoise dans le Maine-et-Loire, ainsi que quelques
autres dans les mines de sel en Meurthe-et-Moselle, pour couvrir les pensions de
240 000 retraités – d’anciens mineurs, mais aussi des ayants
droit, comme les veuves de mineurs, qui touchent de faibles pensions et vivent
dans la précarité.
Ce régime particulier, vous le savez, compense la
forte pénibilité du travail des anciens mineurs, ainsi que les pathologies
professionnelles associées comme la silicose, la sidérose ou les maladies
cardiovasculaires.
Vous indiquez que ce régime spécial coûte chaque année
1 milliard d’euros à nos finances publiques au titre de la solidarité
nationale. Néanmoins, vous ne le supprimerez pas. L’engagement a été pris, en
effet, de continuer à garantir, à travers le régime de sécurité sociale, la
gratuité des soins jusqu’au dernier ayant droit – le groupe socialiste
l’avait défendu ici même, voilà quelques années, face à Xavier Bertrand.
Mme la
présidente. Veuillez conclure, monsieur Juanico.
M. Régis
Juanico. Quant au régime de retraite, vous ne le supprimerez pas non
plus, parce qu’il existe toujours des anciens mineurs et qu’il en existera
pendant des décennies. (M. Jérôme Lambert
applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès
Firmin Le Bodo. Pour être précis, nous n’avons pas adopté un article
tous les cinq jours, mais un article en huit jours et un autre en deux
jours.
Nous en venons maintenant à l’article 3, qui concerne les
salariés : nous continuons à passer en revue les catégories et professions
qui intégreront le nouveau système de retraite. À ce stade, il me semble
important de dresser, au nom du groupe UDI, Agir et indépendants, un bilan de
cette réforme visant à instituer un système universel par points. Ce système,
que nous jugeons plus lisible et équitable que le système actuel, obéit à des
règles construites selon des principes clairs, transparents, compréhensibles et
communs à tous les Français. Il permet en outre – ce qui nous tient
particulièrement à cœur – de renforcer la solidarité entre
tous.
Comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné, le système actuel se
caractérise par quarante-deux modes de calcul les retraites, des majorations
pour naissance d’un enfant inégales – huit trimestres dans le privé, deux
trimestres dans le public –, une prise en compte du chômage variable selon
les régimes, une pension de réversion qui peut être calculée de treize manières
différentes, et, pour les femmes, des pensions de retraite inférieures en
moyenne de 40 % à celles des hommes.
L’article 3 concerne
particulièrement les salariés. Ce sont à eux qu’on a toujours demandé, en
priorité, de consentir des efforts pour assurer l’équilibre du système. Ainsi,
la réforme Balladur a augmenté la durée de cotisation nécessaire pour constituer
une carrière complète dans le privé, la portant de trente-sept années et demie à
quarante, dès 1993, dix ans avant que la réforme Fillon n’étende cette règle aux
fonctionnaires – après l’échec, en 1995, de la réforme Juppé, qui
concernait les régimes spéciaux et les fonctionnaires.
Le nouveau système
répond donc à une exigence de justice : celle de l’égalité de tous face à
la retraite, qui correspond à une aspiration majeure de nos concitoyens. Il
renforce la solidarité grâce à la prise en considération des situations de
pénibilité, des droits familiaux renforcés ou de nouveaux droits pour les
aidants familiaux. Il améliore les transitions entre carrière et retraite à
travers les dispositifs de retraite progressive et le tutorat, auquel nous
sommes très favorables. (Applaudissements sur les bancs du groupe
UDI-Agir.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M.
Jean-Paul Dufrègne. L’article 3 prévoit qu’un système universel de
retraite par points s’applique aux assurés du régime général, c’est-à-dire aux
salariés du privé et aux contractuels de la fonction publique. Avec la fin du
calcul de la retraite sur la base des vingt-cinq meilleures années pour les
20 millions d’assurés du régime général, les mauvaises années seront prises
en compte au même titre que les meilleures, conduisant à une baisse des
pensions. L’abandon de la règle des vingt-cinq meilleures années sera
particulièrement préjudiciable aux personnes aux carrières hachées, subissant
des périodes d’interruption d’activité, notamment des épisodes de
chômage.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple de Gérard,
salarié non-cadre du privé, né en 1976, ayant commencé à travailler à
20 ans et ayant connu une période de chômage de deux ans en début de
carrière, dont un an sans indemnisation. Dans le système actuel, Gérard pourra
partir à 63 ans en touchant sa retraite à taux plein, après avoir cotisé
pendant quarante et un an au régime général. Les deux années passées au chômage,
dont une non indemnisée en début de carrière, n’entreront pas dans le calcul de
sa pension, ce dernier étant fondé sur les vingt-cinq meilleures années. Elles
sont toutefois prises en compte pour atteindre la durée d’assurance de
quarante-trois annuités.
Dans le système projeté, Gérard se verra
appliquer, d’après les simulations présentées dans votre étude d’impact, un âge
d’équilibre de 65 ans. Sa période de chômage indemnisée sera prise en
considération et convertie en points, en fonction du montant de son
allocation-chômage. En revanche, sa période de chômage non indemnisée ne sera
pas comptabilisée au titre de la retraite, entraînant un trou d’un an dans sa
carrière.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous confirmer que si
Gérard part à 63 ans dans le système à points, il subira une décote de
10 % sur sa pension ? Confirmez-vous qu’il n’acquerra pas de droits à
retraite au titre de son année de chômage non indemnisée ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Girardin.
M. Éric
Girardin. L’article 3 que nous examinons consacre le principe selon
lequel le système universel de retraite s’applique à l’ensemble des salariés,
quels que soient leur branche professionnelle ou leur statut
d’appartenance.
Les limites des régimes de retraite actuels en matière de
calcul des droits à la retraite, de solidarité ou d’équité des droits familiaux
sont connues. On peut en citer quelques exemples : le fait qu’une femme
acquière, après la naissance d’un enfant, huit trimestres si elle relève d’un
statut privé mais seulement deux si elle relève d’un statut public ; les
majorations de pension variables ; les treize systèmes de réversion
– autant de différences entre des citoyens présentant pourtant des profils
de carrière et des situations familiales équivalentes.
Je veux exprimer
la conviction suivante, que chacun ici partage probablement : en 2050, la
moitié des métiers actuels auront totalement disparu ou auront été profondément
modifiés. Les nanotechnologies, l’intelligence artificielle et les algorithmes
seront passés par là. Nous devons nous adapter à cette situation, en anticipant
les conséquences que des mutations aussi lourdes auront sur nos systèmes de
retraite. Bien évidemment, la solution qui consisterait à préserver le statu quo
n’est pas la bonne réponse : la disparition de certains métiers, voire de
branches, mettrait à mal tout l’équilibre du système tel qu’il existe
aujourd’hui, en faisant mécaniquement entrer dans le régime général des régimes
plongés dans une situation financière catastrophique du fait d’un déséquilibre
démographique entre leurs cotisants et leurs retraités.
Nous devons faire
face à ces enjeux en accompagnant les Français et en apportant une réponse
collective massive, qui prendra la forme du système universel de retraite. Ce
dernier constitue sans doute le meilleur moyen, dans un contexte en forte
évolution, de préserver et de renforcer, dans les décennies à venir, les droits
individuels en matière de retraite. (Applaudissements sur plusieurs bancs du
groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Chers collègues de la majorité, monsieur le secrétaire
d’État, il y a bien évidemment ce que ne fait pas votre projet : il
n’instaure pas un système universel – nous l’avons largement
démontré –, il n’offre pas les mêmes droits à tous pour un euro cotisé, il
ne garantit pas 1 000 euros de retraite minimum, pas même pour les
agriculteurs, dont 40 % au moins seront exclus du dispositif et,
contrairement à ce qui a été dit, il ne fait pas des femmes les grandes
gagnantes de la réforme. Il me semble que nos débats ont permis d’éclairer tous
ces points.
En revanche, votre système de retraite réalisera bien une
chose : il fera de la vie des gens, par le niveau des pensions ou l’âge
effectif auquel ils partiront à la retraite s’ils veulent pouvoir bénéficier
d’une pension à taux plein, la variable d’ajustement d’un objectif comptable. Ce
sont bien l’âge de départ ou le niveau des pensions, en effet, qui seront la
variable d’ajustement – l’un et l’autre reviennent d’ailleurs au
même : dans les deux cas, il incombera aux actifs, aux salariés, de payer
le prix de l’équilibre financier.
Pour notre part, nous affirmons que les
Français sont fondés à être majoritairement opposés à votre projet de réforme,
pour la simple et bonne raison qu’ils produisent déjà bien assez de richesses,
lesquelles sont très mal réparties. Là se trouve, finalement, le cœur de nos
débats : dans la part de la richesse que l’on choisit de consacrer aux
retraites. Les Français produisent déjà bien assez : les gains de
productivité sont passés par là, et le problème majeur est celui de la
répartition de la richesse produite par le travail.
L’article 3 se
propose d’embarquer tout le monde, secteur public comme secteur privé, dans le
projet. Pourtant, jusqu’à présent, on comptabilise, pour le calcul de la
retraite, les six derniers mois d’exercice pour les fonctionnaires, dont la
carrière est plutôt graduelle, et les vingt-cinq meilleures années pour les
salariés du privé, dont les carrières, précisément, ne sont pas linéaires
– encore ce calcul portait-il jusque récemment sur les dix meilleures
années.
J’ai eu l’occasion de signifier au rapporteur Turquois qu’un
enfant de primaire, si on le laissait choisir entre calculer sa moyenne sur la
base de son dernier trimestre – le meilleur – ou en tenant compte de
sa scolarité entière, comprendrait fort bien quel mode de calcul lui serait le
plus favorable. Il serait, de la même façon, capable de comprendre que le
système de retraite que vous défendez sera défavorable au plus grand nombre. Je
n’ai pas compris les explications confuses que vous avez apportées l’autre jour,
monsieur le rapporteur : vous indiquiez par exemple qu’au cours d’une
scolarité, les parents de l’élève pouvaient divorcer. Je ne saisis pas le lien
que vous établissez entre cette remarque et ma comparaison, qui vise à rendre
intelligible une réforme a priori complexe. Je serais donc ravi d’entendre vos
éclaircissements.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Avant d’aborder l’article 3, je voudrais
revenir sur la fin de la discussion que nous avons eue à l’occasion de
l’adoption de l’amendement du Gouvernement concernant la Caisse nationale des
barreaux français – la CNBF. Un membre de la majorité a affirmé que la CNBF
était favorable aux mesures proposées par le Gouvernement. C’est complètement
faux : je tiens à la disposition de l’ensemble des députés de la majorité
un document rédigé par la CNBF dans lequel elle exprime clairement son désaccord
avec le dispositif proposé.
S’agissant de l’article 3, le groupe Les
Républicains s’accorde avec la majorité et le texte qu’elle défend sur un
point : nous sommes nous aussi favorables à l’harmonisation des régimes
publics et privés. Nous validons cet élément.
En revanche, nous ne
pouvons absolument pas souscrire à la façon dont vous le mettez en œuvre. En
effet, l’article 3 aborde certes les règles de calcul des droits à
retraite, mais c’est un catalogue de bonnes intentions et de messages de
communication, un article de principe qui ne contient pas de détails sur les
modalités.
Une question, enfin, me taraude depuis le début de nos
discussions : monsieur le secrétaire d’État, comment les caisses de
retraite arriveront-elles à zéro en 2027 ? Le système entrera en vigueur en
2025 pour les générations nées après 1975, qui basculeront dans le dispositif,
mais tous ceux qui sont nés avant 1975 continueront à bénéficier de leur régime
actuel. Par quel tour de passe-passe, sachant qu’à partir de 2025, les nouveaux
cotisants cotiseront dans le nouveau régime, servirez-vous le même niveau de
retraite alors que l’ancien régime n’aura plus de recettes ? Votre
projection financière parvient à zéro en 2027. Ce tour de passe-passe est
incompréhensible et l’article 3 ne donne pas de précisions à cette
égard.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Nathalie Elimas.
Mme
Nathalie Elimas. Nous arrivons enfin à l’article 3, relatif aux
assurés relevant du régime général : les salariés du privé et les
contractuels de la fonction publique. Ce n’est certainement pas l’article le
plus long que nous ayons à examiner dans ce texte, mais il est néanmoins
important, car les assurés dont il traite représentent 70 % des
actifs.
Si nous les comparions à d’autres professions ou statuts,
peut-être me diriez-vous que ce ne sont pas les populations pour lesquelles le
système universel de retraite change le plus de choses. Il s’agit cependant déjà
de faire entrer dans ce nouveau régime les assurés de la CNAV, la Caisse
nationale d’assurance vieillesse, de l’AGIRC-ARRCO, ou Association générale des
institutions de retraite des cadres et Association pour le régime de retraite
complémentaire des salariés, et de l’IRANTEC, l’Institution de retraite
complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités
publiques : nous sommes donc sur le point d’examiner un article qui
est tout simplement nécessaire.
Cet article 3 crée l’article
L. 358-1 du code de la sécurité sociale, qui prévoit que les prestations de
retraite sont servies aux assurés du régime général dans les conditions prévues
par le système universel, lequel nous offre la possibilité de réinventer tous
les dispositifs de solidarité et de les rendre plus justes. Ce système où,
contrairement à ce que j’ai entendu dire, la valeur du point sera la même pour
tout le monde et où chaque heure cotisée permettra d’acquérir des points, qui
augmenteront les pensions, est donc beaucoup plus favorable aux plus fragiles.
Enfin, chaque Français aura un compte-retraite qui lui permettra de savoir à
tout moment où il en est. Cela s’appelle la lisibilité.
L’article 3
crée également l’article L. 382-32 pour affilier les agents contractuels de
droit public au régime général pour l’ensemble des risques. C’est donc la
concrétisation de l’entrée dans le régime général d’une grande majorité des
assurés et de la masse budgétaire que représentent les cotisations leur ouvrant
des droits jusqu’à trois fois le plafond de la sécurité sociale. Cet article
entérine donc une partie majeure du projet que nous proposons ici et, bien
évidemment, le groupe MODEM le soutiendra. (Applaudissements sur les bancs
des groupes MODEM et LaREM.)
Mme la
présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques tendant
à supprimer l’article 3. Cette série comprend les amendements
nos 487, 945 et 3962, l’amendement no 8863 et seize
amendements identiques déposés par les membres du groupe La France insoumise,
les amendements nos 11844, 114845 et 12258, ainsi que
l’amendement no 30950 et quinze amendements identiques déposés
par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La
parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement
no 487.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Cet amendement tend en effet à supprimer
l’article 3. Tout ce que nous venons d’entendre est une belle intention et
vous répétez toujours les mêmes choses. Régime universel ? On crée cinq
régimes et, à l’intérieur de chacun d’eux, des disparités en fonction des
professions !
M.
Jean-René Cazeneuve. Ce n’en est pas moins un système
universel !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Comment peut-on parler d’universalité ?
Monsieur Cazeneuve, ne vous en déplaise, c’est une réalité de ce
texte.
Le système est juste ? On compte plus de perdants que de
gagnants dans ce dispositif et je ne considère pas qu’un système soit juste
lorsqu’il crée de nombreux perdants.
Par ailleurs, vous oubliez toujours,
à propos du financement, d’évoquer la super-décote. Étant donné que vous n’osez
pas aborder cette thématique importante qu’est celle de l’âge et l’avez retirée
provisoirement, les perdants sont aujourd’hui beaucoup plus nombreux, avec une
perspective de super-décote, notamment pour les femmes.
Enfin, on ne
connaît pas la valeur du point, qui est la grande inconnue pour l’avenir.
Lorsque j’entends le vice-président de la commission spéciale Éric Girardin nous
dire que l’impact des nanotechnologies impose de réviser le système pour qu’il
soit plus adapté, je me dis qu’il est vraiment nécessaire de supprimer cet
article 3 et de revenir au débat de fond pour disposer de plus
d’éléments ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M.
Jérôme Lambert applaudit également.)
Mme la
présidente. Sur cette série d’amendements identiques, à savoir les
amendements identiques nos 487, 945 et 3962, l’amendement
no 8863 et les seize amendements identiques déposés par les
membres du groupe La France insoumise, les amendements
nos 11844, 11845 et 12258, l’amendement no 30950 et
les quinze amendements identiques déposés par les membres du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine, je suis saisie par les groupes Les Républicains, La
France insoumise et de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de
scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, pour soutenir
l’amendement no 945.
Mme
Marie-Noëlle Battistel. Ce projet de loi engage une réforme de notre
système de retraite qui est sans précédent depuis 1945. Pour la première
fois, elle fait en effet de l’âge de départ, et non pas de la durée de
cotisation, le déterminant d’une retraite à taux plein. De même, elle prend pour
critère de calcul de la pension les revenus perçus – ou non perçus –
sur la totalité d’une carrière plutôt que sur les meilleures années. Ce système
sera source d’inégalités accrues pour l’ensemble des salariés. Le débat sur
l’article 1er, que certains ont trouvé long, nous a permis
d’exposer de multiples exemples qui en apportent la preuve.
Ce système
supprime toute dimension méritocratique du calcul de la retraite, crée une
inégalité entre les catégories d’assurés dont les revenus ont une évolution
dynamique et celles dont les revenus stagnent ou évoluent faiblement. Il prévoit
par ailleurs un âge d’équilibre, auquel les assurés d’une génération peuvent
liquider leur retraite sans décote, ce qui entraîne une nouvelle inégalité sur
la durée nécessaire de cotisation.
Je ne reviendrai pas sur l’étude
d’impact, étrillée par le Conseil d’État, qui l’a jugée lacunaire et transmise
dans des délais indécents. Les failles, les insuffisances et les simulations peu
fiables ne peuvent décemment pas permettre au Parlement de mener un débat
éclairé sur une question qui porte sur 14 % du PIB de notre pays et
concerne 67 millions de Français, sans parler des générations à venir. Le
groupe Socialistes et apparentés demande donc la suppression de
l’article 3.(Applaudissements sur quelques bancs du groupe
SOC.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 3962.
Mme
Emmanuelle Ménard. Cet amendement, qui vise lui aussi à supprimer
l’article 3, est un amendement de cohérence avec ceux que j’avais déposés
en vue de la suppression des articles 1er et 2.
Plus
largement, avec votre réforme, vous transformez le système actuel du calcul des
pensions, puisque vous postulez qu’un système de retraite par points implique la
prise en compte de l’intégralité de la carrière professionnelle du salarié ou du
fonctionnaire, et non plus les vingt-cinq meilleures années pour le premier ou
les six derniers mois pour les agents publics. Désormais, avec votre réforme,
vous rayez d’un trait de plume la progression de carrière des individus. Bref,
vous ignorez le mérite, le travail de ceux qui ont voulu et su prendre des
responsabilités et faire évoluer leur carrière. En un mot, vous niez la
transposition dans les régimes de retraite des carrières méritantes.
Cela
me pose un vrai problème philosophique : ceux qui auront eu la chance de
bien naître, d’être aidés, de faire de bonnes études et de commencer tout de
suite une carrière intéressante seront, en fin de carrière professionnelle,
avantagés par rapport à ceux qui auront eu un début de vie plus difficile, qui
auront été défavorisés, mais qui se seront battus pour progresser et atteindre
des postes professionnels intéressants par leurs propres mérites. Visiblement,
cela ne vous dérange pas. Pour ma part, je trouve cela
injuste.
Mme la
présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir
l’amendement no 8863 et les seize amendements identiques déposés par
les membres du groupe La France insoumise.
M. Adrien
Quatennens. Cet article 3, qui concerne à la fois les salariés du
privé et les agents de la fonction publique, nous donne l’occasion de reparler
de votre étude d’impact, laquelle est plus une publicité mensongère qu’une étude
d’impact, à en juger d’après les paramètres que vous avez retenus. Dans cette
étude d’impact, en effet, tout le monde commence sa carrière à 22 ans.
C’est, en quelque sorte, le monde idéal, même si cet âge de 22 ans pour
l’entrée sur le marché du travail est une moyenne. De même, tous le monde valide
quatre trimestres par an. C’est formidable ! Tout le monde en rêve. Les
salaires associés aux différentes professions sont, eux aussi, tout à fait
désirables – je pense, par exemple, au salaire de Marie l’infirmière, dont
ma collègue Caroline Fiat vous a beaucoup parlé, mais aussi au salaire de
certains avocats. Du reste, la délégation d’avocats que nous avons reçue tout à
l’heure a fait référence à plusieurs reprises à l’étude d’impact. C’est donc
bien une publicité mensongère qui vise, avec le gel de l’âge d’équilibre, à
faire croire que votre système serait plus favorable que le système
actuel.
Je répète que nous ne défendons pas pour autant le système actuel
qui, du fait des nombreuses réformes qu’il a déjà subies, a été rendu de plus en
plus indigent : beaucoup de retraités partent beaucoup trop tard, et trop
pauvres.
Encore une fois, je ne comprends toujours pas en quoi il serait
plus favorable pour le grand nombre de mettre fin à la règle des vingt-cinq
meilleures années pour le privé ou des six derniers mois pour le public. Le
rapporteur Turquois nous a accordé cette idée que le système universel que vous
mettez en place n’était pas parfaitement universel. Et pour cause ! Il
existe en effet des spécificités. On sait aussi que les fonctionnaires ont une
carrière plutôt linéaire, dont la fin constitue l’apogée en termes de
rémunération, ce qui n’est pas le cas du privé, où l’on peut connaître des
accidents de parcours.
Il est donc clair que cette seule règle de
suppression de la prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le privé
et des six derniers mois pour le public suffit à annoncer une baisse du niveau
des pensions. Vous ne parvenez toujours pas à nous convaincre du contraire, même
si vous dites qu’il sera possible de dégager des droits dès la première heure.
En réalité, compte tenu du nombre d’heures que vous avez dit être nécessaires
pour une carrière complète, ou du nombre d’heures minimal où il faudra avoir
travaillé pour pouvoir valider un certain nombre de points, vous savez qu’en
supprimant cette disposition qui permet en quelque sorte d’amortir le choc, vous
annoncez la baisse généralisée du niveau des pensions. Voilà, en réalité, ce que
vous faites.
Mme la
présidente. L’amendement no 11844 de M. Marc
Le Fur est défendu.
La parole est à M. Claude de Ganay,
pour soutenir l’amendement no 11845.
M. Claude
de Ganay. Comme l’a très bien expliqué Mme Dalloz, cet amendement tend à
supprimer l’article 3. Dans le système actuel, le montant des pensions est
calculé en prenant en compte les vingt-cinq meilleures années de cotisations
pour l’ensemble des salariés et les six derniers mois pour les agents
publics.
La réforme introduit à cet égard un changement technique
apparemment accessoire, mais philosophiquement majeur, car elle postule qu’il ne
peut y avoir de retraite par points sans prise en compte de la totalité de la
carrière professionnelle du salarié ou du fonctionnaire. Le système par points
et la prise en compte de la totalité de la carrière étaient deux sujets
distincts, qui ont été systématiquement liés dans le projet.
Dans le
système actuel, un ouvrier qui a commencé sa carrière au SMIC avant de
progresser comme contremaître, puis comme cadre, peut bénéficier d’une pension
de retraite calculée sur ses vingt-cinq meilleures années, comme celui qui est
entré dans la vie professionnelle comme cadre en sortant d’une grande école.
Dans la fonction publique, un fonctionnaire qui a commencé son parcours comme
instituteur et l’a terminé comme recteur d’académie – ça
existe ! – touchera la même retraite qu’un autre recteur d’académie
qui a commencé sa carrière comme agrégé en sortant de l’École normale
supérieure.
Il n’en sera plus ainsi dans le nouveau système qu’on nous
propose. Avec la prise en compte de la totalité de la carrière de chacun, le
retraité sera irrémédiablement rattrapé par la façon dont il est entré dans la
vie professionnelle. Le mérite qu’il aura acquis au fur et à mesure de celle-ci
ne pèsera plus grand-chose. On lui rappellera, lors de son départ en retraite,
qu’il a commencé au bas de l’échelle. Il ne pourra pas prétendre à la même
pension que les autres.
Mme la
présidente. La parole est à M. Nicolas Meizonnet, pour soutenir
l’amendement no 12258.
M. Nicolas
Meizonnet. L’article 3 est le cœur du cœur de votre réforme, la
partie qu’il vous faut sauver à tout prix, quitte à lâcher du lest sur les
régimes spéciaux ou sur les indépendants. Les salariés du privé, c’est la poule
aux œufs d’or qui justifie toutes vos réformes. Il faut dire qu’on parle ici de
plus de 18 millions de cotisants, de plus de 12 millions de retraités
et, in fine, de plus de 79 milliards d’euros de recettes. De surcroît,
c’est le régime de retraite dont la complémentaire a des comptes bénéficiaires
jusqu’en 2070, selon les prévisions actées par le COR, le Conseil d’orientation
des retraites – sans parler des 71 milliards d’euros de
réserves.
Alors, s’il ne faut en sauver qu’un, vous sauverez celui-là.
Les millions de salariés du privé, qu’on entend beaucoup moins, seront les
victimes silencieuses de votre réforme. Comme c’est pratique !
Cela
a déjà été dit à maintes reprises, mais il me paraît nécessaire de le
marteler : calculer le montant de la retraite sur l’ensemble de la carrière
plutôt que sur les vingt-cinq meilleures années entraînera mécaniquement une
baisse des pensions de retraite.
En outre, ce nouveau mode de calcul
donnera une grande importance aux accidents de parcours qui, auparavant, étaient
lissés voire disparaissaient grâce à la règle des vingt-cinq meilleures années.
En mettant dans les mains de Bercy les milliards des salariés du privé, vous
donnez à ce ministère un nouveau levier pour imposer une politique d’austérité.
Quant aux salariés, une fois que vous aurez asséché les recettes et fait baisser
les pensions, ceux qui ont un peu de moyens se tourneront bien évidemment vers
la capitalisation.
Bercy sera content, tout comme le secteur des banques
et des assurances. Ils peuvent vous dire merci : votre mission de
démolition du modèle social français sera accomplie, et tant pis si les
Français, eux, ne sont pas contents. Nous, nous les
comprenons.
Mme la
présidente. La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour soutenir
l’amendement no 30950 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Hubert
Wulfranc. Votre système bouleverse considérablement la nature du contrat
– qui est au cœur d’un système de retraite – entre les futurs
retraités et la société. Pour que le contrat social soit transparent à l’échelle
du pays, il faudrait nécessairement qu’il continue d’être fondé sur le principe
de la prestation définie. Dans un tel système – le nôtre –, la
collectivité s’engage explicitement sur un niveau de revenu garanti aux futurs
retraités en fonction de leurs derniers salaires. Ensuite seulement, il revient
à la société de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour garantir ces
revenus.
Votre réforme aura pour conséquence de casser ce pacte social,
puisqu’elle fera disparaître l’engagement explicite qui garantit un niveau de
retraite dans la continuité du salaire de fin de carrière. Les assurés
cotiseront sans connaître le montant de la pension qu’ils toucheront. C’est la
logique inverse de celle du système actuel : celle de la cotisation
définie.
Nous pensons qu’un tel mécanisme obligera les salariés, dès
leurs jeunes années, à faire des choix en fonction de ce couperet, puisque
chaque activité qu’ils exerceront aura un impact sur la pension qu’ils
toucheront quarante-cinq ans plus tard. Selon nous, il n’y a pourtant aucune
raison pour que la retraite versée à 65 ans reflète la rémunération de
l’ensemble de la carrière. Bien au contraire : la prise en compte des
vingt-cinq dernières meilleures années correspond à ce que nous appelons la
plus-value du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe
GDR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la
commission spéciale pour le titre Ier, pour donner l’avis de la
commission sur ces amendements de suppression de l’article 3.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Je rappelle tout
d’abord que l’article 3 vise à intégrer dans le système universel les
assurés du régime général, mais aussi les contractuels de la fonction publique,
les titulaires de la fonction publique qui effectuent moins de vingt-huit heures
par semaine et les élus locaux – ces trois catégories relevant de
l’IRCANTEC. Sont également intégrés, et donc concernés par l’article 3, les
assurés n’exerçant aucune activité professionnelle ou exerçant une activité à
temps partiel, mais qui bénéficient du complément familial ou de la prestation
jeune enfant ou qui ont la charge d’un enfant souffrant d’un handicap. Je tenais
à apporter ces précisions, car certains ont évoqué à tort, à propos de cet
article, le cas des fonctionnaires ou d’autres professionnels.
J’ai bien
entendu les différents arguments avancés, par exemple l’inconvénient que
représenterait le fait de tenir compte de la carrière complète et non plus des
vingt-cinq meilleures années. Effectivement, si votre carrière a été marquée par
une forte continuité et une forte ascendance, et si vous la redémarriez dans le
nouveau système, vous observeriez un écrêtement par rapport à ce que vous avez
obtenu dans le système précédent : c’est une certitude. Toutefois, Gérard
– pour reprendre l’exemple utilisé par M. Dufrègne – ne peut pas
avoir aujourd’hui la même carrière qu’hier. En effet, les parcours ont changé.
Bien sûr, on pourra trouver certains cas où les carrières sont similaires, mais
en moyenne, on change plus de métier aujourd’hui qu’à l’époque de Gérard.
M.
Jean-Paul Dufrègne. La question est de savoir s’il subira une
décote !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les vies aussi sont différentes, certains
événements étaient moins bien pris en considération hier. N’essayons donc pas
d’imaginer à quelle retraite correspondrait à l’avenir une carrière qui s’est
déroulée hier, car les situations ne sont pas comparables.
Mme
Marie-Noëlle Battistel. Voilà un argument solide !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je réponds à présent à M. Quatennens,
qui a invoqué à nouveau la comparaison avec un élève de primaire et n’a pas été
convaincu par la réponse que je lui avais apportée précédemment.
On dit
que les vingt-cinq meilleures années sont les vingt-cinq dernières. Mais je vous
rappelle que la revalorisation se fait en fonction de l’inflation. Or, depuis
vingt-cinq ans, l’écart entre l’évolution de l’inflation et celle des salaires
est de 30 %. Pour filer la métaphore scolaire, on passerait, en tenant
compte de cet écart, d’une note de 15 /20 à une note de 10 /20, ce qui
est déjà nettement moins intéressant. En outre, dans le système actuel, si vous
travaillez moins de 150 heures, vous avez zéro : ce n’est pas normal.
L’exemple scolaire, s’il est compréhensible sous un certain angle, a donc ses
limites. Attention cependant : les vingt-cinq dernières années ne sont pas
toujours les meilleures,…
M. Adrien
Quatennens. Si, ce sont les meilleures !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. … et plus la prise en compte se fait en
amont, plus l’effet de désindexation par rapport au revenu est
manifeste.
Telles sont les précisions que je voulais apporter, mais nous
aurons l’occasion de revenir longuement sur ces sujets lors de l’examen des
autres amendements. Avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Monsieur
le rapporteur, vous avez été très complet puisque vous avez également répondu
aux députés qui s’étaient exprimés sur l’article. Nous aurons l’occasion de
revenir très prochainement, lors de l’examen d’autres articles, sur la question
des périodes – notamment de chômage – où s’exerce la solidarité nationale. Je ne
reviens donc pas sur ce que vous avez dit à ce sujet.
Je rappelle
simplement que cet article prévoit que les règles du système universel de
retraite s’appliqueront à deux catégories d’assurés : les salariés du
privé qui relèvent du régime général et les contractuels de droit public qui
relèvent de l’IRCANTEC. Voilà pourquoi il ne faut pas supprimer cet
article : avis défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.
Mme
Véronique Louwagie. Je ne suis convaincue ni par la réponse du
rapporteur ni par celle de M. le secrétaire d’État. Permettez-moi de revenir sur
deux passages de l’étude d’impact. Dans le premier, il est indiqué, à propos de
la fonction publique, que « l’intégration des primes dans l’assiette de
cotisation retraite […] pèsera sur la rémunération nette à court terme ».
Un peu plus loin, il est précisé que « la convergence des taux de
cotisations et des efforts contributifs […] engendrera également une
augmentation de l’effort contributif des
agents dont les taux sont encore
parfois inférieurs aux régimes de droit commun ».
Ces éléments
sont évidemment de nature à nous inquiéter. Vous n’avez pas répondu à certaines
questions qui vous ont été posées, monsieur le rapporteur, monsieur le
secrétaire d’État. Je reviens sur quelques-unes d’entre elles. La hausse des
cotisations due à l’intégration des primes des fonctionnaires se traduirait par
une augmentation de 2,4 points du taux de retenue pour pension civile.
Quelle part de cette hausse doit être à la charge de l’État selon le
Gouvernement ? Vous devez nous apporter une réponse sur ce point
important.
J’évoquerai également la situation des collectivités
territoriales. Un amendement du Gouvernement indique en effet que la convergence
des taux de cotisation réels des assurés du public et du privé pourrait être
atteinte en dix-huit ans, à raison d’une hausse de 0,25 point par an.
Quelle est la charge financière d’une telle mesure pour l’État ? Comment
contribueront les autres employeurs de la sphère publique, notamment les
collectivités territoriales ? Obtiendront-ils des compensations de
l’État ? Il est essentiel d’obtenir des réponses avant de se déterminer sur
votre proposition de convergence des régimes des secteurs public et privé. Vous
n’avez pas répondu à toutes ces questions ; c’est la raison pour laquelle
nous défendons des amendements de suppression. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Vos explications ne nous font pas changer d’avis à propos
des conséquences sur les pensions du nouveau mode de calcul que vous proposez –
notamment parce qu’en raison de votre choix de prendre en compte dans ce calcul
les moins bonnes années, chaque accident survenu au cours d’un parcours
professionnel constituera un malus. C’est ainsi que cela va se passer. À cet
égard, l’exemple de Gérard pris tout à l’heure par mon collègue Dufrègne est
très justifié, contrairement à ce que vous avez dit. Car Gérard a subi deux ans
de chômage, ce qui peut arriver dans une carrière aujourd’hui ou demain comme
hier. L’interrogation était donc légitime.
Cela fait un moment que les
carrières de nos concitoyens sont dégradées, hachées – et même hachées
menu. Je me demande ce qu’il vous faut de plus, quelles dégradations
supplémentaires vous attendez dans les prochaines années. Nous espérons qu’il
n’y en aura pas de nouvelles, mais les carrières sont déjà dégradées
aujourd’hui, y compris pour des personnes nées avant 1975 et qui n’intégreront
donc pas le système. La comparaison reste donc valable à nos yeux ; le
système dégradera les pensions.
Je profite de la discussion sur cet
article pour dire un mot supplémentaire à propos de la règle des vingt-cinq
meilleures années, dont bénéficieront encore les personnes nées après 1975 pour
la période qui s’étend de 1975 à 2004. Nous ne comprenions pas comment cela
allait fonctionner. Or nous venons de constater que ces dispositions étaient
précisées dans un amendement à l’article 61 déposé par le Gouvernement.
Long de plus de cinq pages, cet amendement, qui occupe donc une place
considérable dans le projet de loi et qui concernera 22 millions de
personnes, n’est accompagné d’aucune étude d’impact. Franchement, monsieur le
secrétaire d’État, il n’est pas possible de légiférer dans ces conditions !
Nous ne pouvons pas accepter un amendement gouvernemental qui tombe du ciel, qui
plus est hors délai…
Mme
Marie-Noëlle Battistel. Tout à fait !
M. Pierre
Dharréville. …et qui propose une nouvelle rédaction de cet article sans
la moindre étude d’impact.
Mme la
présidente. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. J’aimerais revenir sur la différence entre la règle des
vingt-cinq meilleures années et celle des six mois, ainsi que sur la question du
point.
Nous parlons d’un système par répartition. Le problème n’est pas
que lorsqu’une personne prend sa retraite, on lui demande ce qu’elle a fait pour
lui dire à combien elle a droit. Le problème, c’est que, chaque année, en 2020
comme en 2050, il faut se répartir le contenu d’un panier. En réalité, il y
avait jusqu’à présent trois ou quatre paniers sur la table, mais il y aura
désormais un seul grand panier commun. Le panier de 2050 sera environ une fois
et demi supérieur à celui de 2020. Il continuera à grossir, car je rappelle à
mes collègues que 12,9 % d’une chose qui double, c’est beaucoup plus que
13 % d’une chose qui reste au même niveau.
Nous devons donc nous
répartir le contenu de ce panier. Ce qui change avec le point, c’est simplement
la façon dont nous allons procéder pour cette répartition – comment, par
exemple, toutes les cotisations de 2047 vont être redistribuées à tous les
pensionnés de 2047. À partir du moment où nous savons tous plus ou moins
– même si certains ont du mal à poser la règle de trois – que le
contenu du panier sera redistribué à l’ensemble, le seul élément qui peut varier
est la répartition entre Gérard, Jacqueline et Marie : certaines personnes
auront un peu plus, d’autres un peu moins. Quelles sont les personnes dont on
est sûr qu’elles auront moins ? Première certitude : les très hautes
pensions disparaissent. Deuxième certitude : les très basses pensions
disparaissent aussi. On est donc sûr que l’éventail des inégalités se réduira.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe MODEM.) J’ai entendu hier
M. Corbière dire que ça ne le dérangeait pas qu’il y ait de très hautes
retraites. Moi, ça me dérange !
Mme la
présidente. Je vous remercie, monsieur le député.
M. Frédéric
Petit. Je continuerai plus tard ! (Applaudissements sur les
bancs du groupe MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul
Molac. Les explications du rapporteur ne m’ont pas convaincu, pour une
raison assez simple : tous les salaires du privé suivent une courbe de
Gauss. Ils commencent en effet à un niveau assez bas, augmentent puis baissent
en fin de carrière. En prenant en considération les vingt-cinq meilleures
années, on procède à un lissage. Mais si on prend la totalité de la carrière,
comme le propose le nouveau système, le niveau des pensions sera inévitablement
inférieur à celui d’aujourd’hui. De plus, on ignore quelle sera la valeur du
point… Nos concitoyens vont en conclure qu’ils ne peuvent pas savoir le montant
de la pension qu’ils toucheront par exemple en 2047. C’est profondément
anxiogène.
M. Alain
Bruneel. Exactement !
M. Paul
Molac. Vous êtes en train de leur dire : « Faites-nous
confiance, vous verrez, le système de retraite que nous allons instaurer sera
plus juste. » Je suis désolé, mais j’ai été formé à l’école de Charles
Pasqua, qui disait que « les promesses n’engagent que ceux qui les
croient ». (Sourires.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.
M.
Jean-Louis Bricout. Je n’ai pour ma part pas été formé à l’école de
Pasqua. (Sourires.) Reste que je n’ai pas été très convaincu par vos
explications sur les méthodes de calcul, monsieur le secrétaire d’État. Tout
cela a été largement rappelé par nos collègues. Il n’est pas nécessaire de
dédoubler les classes de CP ou de CE1 pour que les Français comprennent que la
moyenne d’un salaire sera moins élevée sur l’ensemble d’une carrière que sur les
vingt-cinq meilleures années, d’autant plus que cette carrière a pu être
hachée, avec des périodes sans travail subies…
Je prendrai l’exemple
d’une infirmière en soins généraux exerçant à l’hôpital public. En fin de
carrière, selon son grade, elle touche un salaire brut d’environ
2 700 euros et peut aujourd’hui prétendre à une retraite de
1 900 euros. Avec votre système, le salaire moyen sur l’ensemble de sa
carrière s’établit à 2 180 euros et sa pension ne serait plus que de
1 494 euros. Elle aura donc perdu gros.
Comme le soulignait par
ailleurs notre collègue Wulfranc, nous passons d’une prestation définie
– avec tout de même un engagement sur le niveau de la retraite – à un
système de cotisation définie dont on ne connaît ni l’indicateur, ni la valeur
du point qui sert à déterminer le niveau de la pension. C’est en effet
inacceptable et cela crée un climat anxiogène.
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme
Caroline Fiat. M. Petit nous a fait une belle démonstration avec son
panier à répartir dans un contexte de croissance illimitée. Je ne suis pas d’un
tempérament pessimiste, mais à un moment donné, il faut bien être concret :
personne ne sait de quoi demain sera fait. Vous partez sur une note optimiste,
mais il ne faut pas perdre de vue qu’il peut toujours y avoir des couacs dans la
vie. Vous soutenez qu’en prenant en considération sa carrière complète, un
individu n’y perdra pas,…
M. Bruno
Millienne. C’est tout simple : vous ne tenez pas compte, dans votre
raisonnement, de l’indexation !
Mme
Caroline Fiat. …alors qu’en passant des dix meilleures années aux
vingt-cinq meilleures années, tout le monde a déjà bien perdu.
M. Jérôme
Lambert. 15 % !
Mme
Caroline Fiat. Et maintenant, il faudrait vous croire sur parole :
on n’y perdrait pas en tenant compte de l’ensemble de la
carrière !
J’aime bien prendre mon exemple, parce qu’au moins je
sais de quoi je parle. J’ai changé très souvent de profession, subi de
nombreuses périodes de chômage. Grâce à vous, au moment de prendre ma retraite,
je vais pouvoir me rappeler toutes les mauvaises périodes de ma vie. Et quand je
changeais de travail – et mon mari s’en moquait souvent –, je trouvais
un boulot moins bien payé que le précédent – c’était ma spécialité !
Alors le coup de nous dire qu’en changeant de travail on gagne plus
qu’auparavant… (Exclamations et rumeurs sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Je vous trouve bien excités, chers collègues : une camomille à
la buvette vous fera grand bien. (M. Maxime Minot
applaudit.)
Le rachat de l’ancienneté etc., c’est dans les livres, ce
sont de belles histoires. La réalité, c’est que vous avez un emploi, votre
contrat se termine ou bien vous êtes licencié…
Mme la
présidente. Merci de conclure, chère collègue.
Mme
Caroline Fiat. … et quand vous retrouvez un travail, il est rarement
mieux payé que celui que vous aviez avant.
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M.
Jean-René Cazeneuve. L’article 3 dont nous entamons l’examen
prévoit la fusion des régimes publics et privés. Hier, j’ai demandé à nos
collègues du groupe Les Républicains, très cordialement, avec beaucoup de
respect, s’ils étaient favorables au régime universel de retraite ou s’ils
étaient pour le maintien des régimes spéciaux. Ils m’ont répondu qu’ils
n’étaient pas favorables au maintien des régimes spéciaux, mais qu’ils étaient
partiellement pour le régime universel. Et le président Woerth nous a déclaré
qu’en revanche, ils étaient pour la fusion des régimes publics et privés.
M. Bruno
Millienne. C’est vrai !
M.
Jean-René Cazeneuve. Nous attaquons l’examen de l’article 3 qui,
précisément, prévoit cette fusion – et comme par hasard, chers collègues du
groupe Les Républicains, vous nous demandez de supprimer cet article !
C’est franchement incompréhensible !
Mme
Véronique Louwagie. Nous n’en approuvons pas les modalités !
M.
Jean-René Cazeneuve. Vous répétez que la gauche s’oppose de façon
systématique et que vous vous opposez, pour votre part, différemment. Non, je
suis désolé : vous vous cantonnez vous aussi dans une opposition de
principe au régime universel, qui apporte pourtant de nombreux bienfaits.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
– Protestations sur les bancs du groupe LR.)
Mme
Marie-Christine Dalloz. Vous aurez beau répéter cinquante fois qu’il est
« universel », cela n’y changera rien !
M.
Jean-René Cazeneuve. Ce régime universel,…
Mme
Marie-Christine Dalloz. Universel, universel…
M.
Jean-René Cazeneuve. …je ne comprends pas pourquoi vous le
combattez ! Puisqu’il s’applique à tous les Français et s’appuie sur
l’ensemble de leurs cotisations, le système que nous créons est plus robuste,
plus pérenne, plus juste. Voilà pourquoi nous devons le voter !
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 487, 945, 3962, 8863 et suivants, 11844, 11845, 12258 et
30950 et suivants.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 139
Nombre
de suffrages
exprimés 138
Majorité
absolue 70
Pour
l’adoption 35
Contre 103
(Les amendements identiques nos 487, 945,
3962, 8863 et suivants, 11844, 11845, 12258 et
30950, et suivants ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir
l’amendement no 7609 et les seize amendements identiques déposés
par les membres du groupe La France insoumise.
M. Loïc
Prud’homme. La discussion va maintenant porter sur les bénéfices de la
réforme, tels que la majorité essaie de nous les vendre. On cherche en effet à
nous faire croire qu’en prenant en compte non plus les vingt-cinq meilleures
années d’une carrière – et non pas les dernières années, monsieur le
rapporteur, il faut vraiment que vous actualisiez vos connaissances – mais
l’ensemble d’une carrière, cela ira mieux.
Nous vous avons déjà démontré
que cette mesure favorisera en fait la reproduction des inégalités sociales,
puisque ceux qui démarreront avec un salaire élevé finiront leur carrière avec
un salaire plus élevé que ceux qui commencent avec un salaire bas et pouvaient
auparavant espérer terminer leur vie professionnelle avec un salaire comparable
aux premiers. Vous vous inscrivez dans la logique qui avait déjà conduit à
prendre en considération non plus les dix, mais les vingt-cinq meilleures
années, et donc dans une logique de baisse des pensions. Le système par
répartition en vigueur garantit non seulement un taux de remplacement assez
élevé, mais aussi une modulation entre les petites retraites et les plus
grosses. Ce système tend donc à réduire les inégalités.
J’en reviens à
votre argument selon lequel, dans le système actuel, on ne valide pas de
trimestre si l’on travaille moins de 150 heures par mois payées au SMIC.
Cet argument me semble tout à fait fallacieux, parce qu’il n’y aurait un
bénéfice à adopter votre système que si l’on prend en compte les carrières
composées uniquement de contrats précaires. On sait bien que c’est votre rêve,
puisque vous avez détruit le contrat à durée indéterminée – CDI – à
l’occasion du vote de précédents textes. C’est aussi un point aveugle de l’étude
d’impact : nous ne disposons pas d’études comparées entre ce qu’est supposé
nous apporter votre calcul sur les 150 heures et ce que nous fait perdre le
calcul sur l’ensemble de la carrière.
C’est, encore une fois, nous
demander de voter à l’aveugle pour une réforme dont les mérites que vous essayez
de nous vendre s’appuient sur une étude d’impact complètement foireuse
– ainsi que le Conseil d’État l’a relevé et que nous l’avons rappelé à
plusieurs reprises. Pardonnez-nous si nous ne vous faisons pas confiance :
ce n’est pas une nouveauté et c’est notre rôle de proposer un projet
complètement différent du vôtre. Nous aimerions que vous l’entendiez.
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série
d’amendements identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je note que le groupe de La France
insoumise est mû par des valeurs sûres : il continue, à défaut de
construire, de prétendre supprimer les alinéas les uns après les
autres.
Je ne pense pas, madame Louwagie, que nous discutions du même
article : celui-ci porte sur le régime général et pas du tout sur la
fonction publique – il concerne les éventuels contractuels de la fonction
publique.
Mme
Véronique Louwagie. Il s’agit donc bien de la fonction
publique !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les interventions de MM. Prud’homme,
Molac et Bricout se rejoignent. J’ai en effet évoqué tantôt les vingt-cinq
dernières années, tantôt les vingt-cinq meilleures années. Mais du fait de
l’inflation, plus les meilleures années sont anciennes, moins elles ont de
valeur. La prise en compte des vingt-cinq meilleures années, dites-vous, permet
d’éliminer les périodes compliquées. Seulement, si l’on tient compte de la
carrière complète revalorisée, l’effet de ces périodes tend à s’effacer. Rien
qu’en prenant en compte les vingt-cinq dernières années, l’écart avec ce que
nous proposons est de 30 %.
M. Loïc
Prud’homme. Ce n’est pas dans l’étude d’impact !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je vais vous donner un autre élément
qualitatif. Aujourd’hui, les pensions représentent 325 milliards d’euros
distribués. Or si la réforme était intégralement appliquée demain, le chiffre
serait le même. Donc, si vous divisez cette somme par le même nombre de
pensionnés, vous obtiendrez en moyenne la même retraite, à la différence que le
système que nous voulons instaurer est redistributif.
(M. Frédéric Petit applaudit.) Vous pouvez faire le
calcul que vous voulez, mais la moyenne reste la même.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Non !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Toutefois, ce qu’on enlève aux profils de
carrière les plus aisés bénéficie aux profils les moins aisés.
Vous
évoquez les carrières très ascendantes, j’entends bien, et vous avez raison.
Mais revenons sur celui qui a une carrière relativement plate, et l’exemple de
Mme Fiat, qui est partie,…
Mme Nadia
Hai. Elle est allée boire une camomille à la buvette !
(Sourires.)
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …est ici très utile. Elle a eu une carrière
marquée par de nombreuses interruptions et a souvent repris un travail avec un
salaire plus faible qu’auparavant. Eh bien, du fait du taux d’inflation, du fait
de la non-validation de trimestres pendant les périodes de chômage ou de temps
partiel, le système en vigueur est particulièrement défavorable à ce type de
carrières.
Pour ce qui est de l’argument des 150 heures de travail
payées au SMIC, bien sûr que ce n’est pas toute la carrière qui est précaire,
monsieur Prud’homme. Imaginez qu’au tout début de votre carrière, vous
travailliez moins de 150 heures par mois payées au SMIC : vous ne
validez pas de trimestres. Admettons qu’il vous manque une dizaine de trimestres
quand vous arrivez à l’âge légal de la retraite : vous n’aurez validé que
160 /170e de votre carrière. On a l’impression que vous ne
comptez que les vingt-cinq meilleures années,…
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Exactement !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …mais non : il faut les calculer au
prorata du nombre de trimestres. Or quand vous avez travaillé moins de
150 heures par mois payées au SMIC, votre trimestre, je le répète, ne
compte pas. Ne l’oublions pas !
Puisque vous avez 62 ans, je
poursuis mon exemple, que vous n’avez validé que 160 trimestres sur 170, on
vous enlève 5 % par année manquante. Cette diminution peut aller jusqu’à
20 %. Mme Dalloz parlait tout à l’heure de super-décote. Aujourd’hui,
on peut subir la double décote ! (Applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Les explications techniques du
rapporteur ont été très claires. Je rappelle cependant que dans le régime de
base actuel, la pension, calculée sur les vingt-cinq meilleures années en tenant
compte du plafond de la sécurité sociale, correspond à la moitié des salaires
portés au compte. Vous nous parlez des vingt-cinq meilleures années, mais vous
oubliez – certains oublient – de préciser qu’il y a une limitation par un
plafond et qu’il faut diviser par deux les salaires portés au compte.
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.) Faites
l’opération : ça vous donnera une idée du montant de pension
correspondant ! Avis défavorable sur les amendements identiques.
M. Bruno
Millienne. L’opposition ne dit pas la vérité !
Mme la
présidente. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Je ne vous demande pas de me croire sur parole. Je continue mes
explications. Non seulement le taux de cotisation augmente, mais on passe d’un à
trois plafonds annuels de la sécurité sociale – PASS. Autrement dit, on va
ramener dans le système des cas qui n’étaient pas dans le régime général
– généralement, il s’agira des plus hauts salaires et des cadres.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Sylvain
Waserman. Eh oui !
M. Frédéric
Petit. Qui va perdre ? Les pensions élevées et très élevées.
Quelqu’un qui cotisait sur un revenu de 250 000 euros annuels aura
désormais la même retraite que celui qui gagne 120 000 euros, soit 7 à
8 000 euros. On peut considérer que pour le régime général, c’est
bien. Ceux qui perdront, ce sont ceux qui auront fait des carrières ascendantes
dans le même régime – mais moi, je n’aurai pas vingt-cinq années dans aucun des
régimes par lesquels je suis passé. Quand on n’a pas vingt-cinq années dans un
seul régime, les vingt-cinq meilleures années, ça vous fait une belle
jambe !
Qui va gagner ? Ceux qui jusqu’à aujourd’hui perdaient
des trimestres. Il faut évoquer les carrières descendantes – le cas de
Mme Fiat est exemplaire –, ou ceux qui coupent leur carrière – au
hasard, ceux qui partent à l’étranger et cotisent pendant dix ans dans un autre
système.
De toute façon, c’est le même panier à distribuer entre le même
nombre de personnes, mais à partir de clés de distribution différentes. De quoi
vous inquiétez-vous ?
En faveur de qui la distribution sera-t-elle
modifiée ? Des femmes qui auront eu un, deux, trois enfants, ou de celui
qui aura eu une carrière pénible. Ils récupéreront des points de la même valeur
que les autres, qui rééquilibreront ce qui n’est pas équilibré aujourd’hui.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Bruno
Millienne. Voilà : ça, c’est la vérité !
Mme la
présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Monsieur Cazeneuve, nous sommes cohérents. En
demandant la suppression de l’article 3, nous souhaitons une harmonisation
des régimes du public et du privé – pour nous, c’est fondamental –,
mais avec une véritable clarté.
Par exemple, vous supprimez
l’AGIRC-ARRCO, alors que s’y pratiquait une gestion par points. Pour la retraite
de base, vous parlez d’un système « universel », mais vous laissez le
régime complémentaire en l’état. Alors, qui n’est pas
logique ?
Nous, nous soutiendrons des amendements pour intégrer
l’IRCANTEC dans le régime général. Nous aurons le courage d’aller plus loin que
ce que vous proposez aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Si l’on se reporte au tableau 7 qui se trouve à la
page 117 de l’étude d’impact, il semble en effet que la prise en compte des
vingt-cinq meilleures années indexées sur l’inflation soit moins favorable, en
tout cas pour les hauts salaires, que le calcul sur quarante-trois ans pour les
salaires moyens.
M. Bruno
Millienne. Vous commencez à comprendre !
M. Boris
Vallaud. Cela dit, cette approche oublie quelque chose d’absolument
essentiel : la baisse du taux de remplacement. Si vous pondérez les calculs
par cette baisse, qui est de 8 % pour un départ à 64 ans et de
18 % pour un départ à 62 ans, tout le monde perd. Il n’y a plus aucun
gagnant si vous prenez en considération les futurs taux de
remplacement.
Je me contente de faire des comparaisons avec la situation
de ceux qui partent aujourd’hui, en 2020. Un salarié non-cadre du secteur privé,
né en 1958, qui a commencé à travailler à 20 ans, peut partir aujourd’hui à
la retraite avec un taux de remplacement de 75,5 % en net et 62 % en
brut. Avec la réforme, il partira à 64 ans avec un taux de remplacement
brut de 50 %. On ne peut donc pas dire que demain sera meilleur
qu’aujourd’hui.
J’en viens à l’apparition d’un amendement aussi
considérable que celui que le Gouvernement a déposé à l’article 61, dont
Pierre Dharréville nous parlait tout à l’heure. Il porte sur la transition et
sur la mise en œuvre de la « clause à l’italienne », sans avoir fait
l’objet de la moindre étude d’impact. Le rapport Delevoye proposait d’arrêter
les compteurs au moment du basculement dans le nouveau système, en procédant en
quelque sorte à une liquidation fictive. Par rapport aux hypothèses en la
matière, la clause à l’italienne représente un surcoût absolument considérable,
dont nous ne connaissons pas le montant mais qu’il faudra prendre en compte pour
financer l’équilibre du système. La première partie de carrière pèsera donc sur
la seconde.
La période de transition est essentielle, et nous ne
disposons d’aucun élément à ce sujet dans l’étude d’impact. Jusqu’en 2045, on
pourra dissocier les deux valeurs : valeur d’achat du point et valeur de
service. On pourra faire augmenter la valeur d’achat plus rapidement que la
valeur de service et faire baisser le taux de rendement. J’aimerais avoir des
éclaircissements sur ces sujets.
M. Pierre
Dharréville. Ils ne peuvent pas répondre : ils ne sont pas
prêts !
Mme la
présidente. La parole est à M. Alain Bruneel.
M. Alain
Bruneel. M. Petit répète inlassablement sa théorie en prétendant
que nous ne comprenons rien aux fractions. Je suis content d’être en cours du
soir dans l’hémicycle.
M. Patrick
Mignola. Nous nous répéterons autant que nécessaire !
M. Alain
Bruneel. Merci, monsieur Petit, c’est charitable de votre
part !
Le rapporteur nous explique qu’à l’avenir, on changera de
métier et qu’il ne faut pas comparer hier et demain. En fait, nous n’en savons
rien. Monsieur le rapporteur, vous ne savez pas ce qui se passera demain. Vous
faites le choix de vos hypothèses et vous ne répondez pas lorsque l’on vous cite
un cas précis, comme l’a encore fait M. Vallaud.
Peut-être aurai-je
une réponse ? Prenons l’exemple d’un salarié né en 2004, qui a commencé à
travailler à 16 ans. À 59 ans, après quarante-trois années de travail,
il ne pourra pas prendre sa retraite parce qu’il devra attendre non pas ses
62 ans, comme aujourd’hui, mais ses 64 ans. Vous dites que l’on va y
gagner avec votre système de points, en oubliant de préciser que l’on
travaillera beaucoup plus longtemps.
J’ajoute que l’on ne connaît
toujours pas la valeur du point. Vous êtes les seuls à savoir comment cela
fonctionne. Je précise que notre système privilégiait les vingt-cinq meilleures
années et non les vingt-cinq dernières, ce qui est différent.
Monsieur
Petit, comment voulez-vous que nous comprenions si vous ne nous donnez jamais
d’éléments concrets ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Ce débat est une preuve, s’il en fallait une, que même des
amendements de forme permettent des débats de fond très aboutis. Je remercie les
collègues qui acceptent de contribuer à ce travail. Cela a toute son importance
quand on sait que, depuis deux jours, on raconte que nous ne débattons pas du
fond et que nos amendements de forme ne permettent pas d’échanger sur le fond.
(Sourires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
Mon collègue vous l’a dit, monsieur le rapporteur, nous
parlons bien des six derniers mois pour les fonctionnaires, et des vingt-cinq
meilleures années pour le privé – et non des dernières.
C’est vrai,
aujourd’hui il faut 150 heures pour pouvoir commencer à valider un
trimestre, ce qui ne sera plus le cas avec votre réforme, mais cette évolution
ne compense pas l’effet que produira la suppression du calcul sur les vingt-cinq
meilleures années et les six derniers mois.
Je veux prendre à témoin M.
le secrétaire d’État sur l’argumentaire déployé par notre collègue Petit. Nous
avons déjà utilisé la métaphore du partage du gâteau ; la majorité a des
explications similaires. Peut-être est-elle seulement moins gourmande,
puisqu’elle préfère parler de « panier ». M. Petit explique que nous
serons à « panier égal » ; de mon côté, j’ai parlé de
gâteau.
Ce gâteau, c’est la richesse nationale, dont une part – 14 %
aujourd’hui – est réservée aux retraites. Avec vous, cette part diminuera, vous
le dites vous-mêmes en nous expliquant : « rassurez-vous, ce n’est
rien, le gâteau va grossir ! »
Ce débat est fondamental. Vous
faites le pari d’une croissance exponentielle du PIB. Je considère que c’est
assez déraisonnable. Regardez par exemple le drame que nous sommes en train de
vivre avec la crise du coronavirus ! Voyez ses effets sur l’économie :
ils sont déjà avérés et sans doute se feront-ils sentir encore plus
fortement ! Étiez-vous en mesure de prévoir cette crise et d’imaginer les
nouvelles projections de croissance que font aujourd’hui les Chinois ?
Pouviez-vous prévoir les effets du changement climatique et des catastrophes
naturelles ?
De toute façon, il s’agit d’un véritable débat
philosophique. Vous faites le pari de la croissance infinie, alors que vous
appelez à la responsabilité et que vous faites régulièrement pleurer dans les
chaumières sur le thème « on ne veut pas laisser une dette à nos
enfants ». Mais que faites-vous de la dette écologique, qui est une
véritable dette ?
(Les amendements no 7609 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens pour soutenir
l’amendement no 7721 et les seize amendements identiques déposés
par les membres du groupe La France insoumise.
M. Adrien
Quatennens. Je pourrais reprendre les arguments que je viens de
développer, mais je veux me contenter d’une remarque. Nous sommes un soir de
match de foot, et j’ai le sentiment qu’une consigne a été donnée pour marquer
l’adversaire de près. Je vous prends à témoin : regardez les travées de
l’hémicycle de notre côté et les bancs qui se trouvent derrière ceux qu’occupe
notre groupe. Depuis quelques jours, nos collègues du groupe La République en
marche procèdent au marquage de l’adversaire et s’installent tout près de nos
bancs. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Fabien
Di Filippo. C’est que la majorité penche de plus en plus à gauche !
(Sourires.)
M. Adrien
Quatennens. Nous les accueillons avec plaisir : nous avons bon
espoir que cela soit propice à un nouveau climat au sein de la majorité. Nous
avons aussi remarqué que ce ne sont pas les mêmes joueurs qui passent sur le
« banc de touche ». Certains arrivent, ils se remplacent. Je viens de
poser la question à mes voisins, qui affirment qu’aucune consigne n’a été
donnée. Admettez que cela semble original ! Nous sommes ravis de vous
accueillir : bienvenue à La France insoumise. (Exclamations et rires sur
de nombreux bancs.)
Mme la
présidente. Je ne crois pas qu’il s’agissait vraiment d’une défense des
amendements, monsieur Quatennens. C’était en tout cas une observation, qui
mérite peut-être une explication. Je demande en tout cas l’avis de la commission
sur les amendements identiques.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Comme M. Quatennens n’a pas défendu
les amendements identiques, je préfère vous les lire : « Supprimer
l’alinéa 2. » Quelle surprise ! Franchement, si je devais
répondre uniquement à l’amendement, je pourrai me contenter de dire :
« Défavorable ! » Je prends toutefois systématiquement le temps
de répondre aux arguments que vous développez.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Pour ce qui est du marquage de nos
collègues, que vous avez évoqué, vous n’avez même pas imaginé qu’ils pouvaient
avoir été convaincus par vos arguments – la preuve que vous n’y croyez pas
beaucoup ! (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM
et MODEM.)
Monsieur Dharréville, je voudrais répondre à votre
question sur le long amendement déposé par le Gouvernement à l’article 61.
On l’avait dit dès le début, notamment en commission : des discussions sont
en cours sur une série de sujets. En effet, on ne peut pas négocier les
transitions tant que le système universel n’est pas précisément défini. L’une
des questions est de savoir comment traiter le cas de ceux qui ont commencé la
carrière dans le régime actuel et qui la termineront dans le système universel.
C’est la clause à l’italienne qui a été retenue lors des négociations menées par
le Gouvernement et qui est déclinée dans l’amendement. Il a beaucoup été
question du nombre d’ordonnances prévues par le projet de loi ; cela en
fait toujours une de moins. Cependant, la clause à l’italienne, c’est facile à
dire, mais moins facile à transcrire dans la loi ; d’où la longueur de
l’amendement.
Monsieur Bruneel, vous avez cité en exemple la carrière
d’une personne née en 2004.
M. Alain
Bruneel. Donc qui a 16 ans.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Mes enfants – qui, hier, étaient
présents parmi le public, avec ma femme – sont nés entre 2000 et 2005.
Aujourd’hui, nous avons discuté avec eux du projet de loi, mais ils ne se
préoccupent pas de leur retraite – et leurs amis et toute leur classe d’âge
pas davantage. Ceux qui ont 18 ou 20 ans aujourd’hui ont du mal à
s’engager, à déterminer ce qu’ils vont faire demain, à se projeter dans une
carrière. La question des retraites, ils n’y pensent même pas.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Le mien pense qu’il n’aura pas de
retraite !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ils ont donc trouvé le débat un peu
extraterrestre. Les collègues de 45 ou 50 ans doivent avoir des enfants qui
ont à peu près le même âge que les miens ; je suis prêt à parier qu’ils
leur font les mêmes réflexions. J’aimerais bien rencontrer un jeune qui, à 18 ou
20 ans, se préoccupe de sa retraite !
Avis défavorable.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’ai bien entendu
l’argumentaire de fond, auquel le rapporteur a bien répondu. L’article 3
n’aurait pas de sens sans l’alinéa 2 ; nous sommes donc défavorables à
sa suppression.
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. Je voudrais revenir sur l’amendement, évoqué par M. le
rapporteur, que le Gouvernement a déposé à l’article 61, en lien direct
avec l’article qui nous préoccupe. Je conviens que l’on puisse améliorer un
texte, mais sur un projet de loi comme celui-ci, ce n’est pas sérieux. Après la
commission spéciale, qui avait pour objet de faire le point sur chacune des
dispositions, il n’est pas sérieux de venir en séance avec un amendement de
plusieurs pages, qui fixe la règle du jeu.
Le système que vous proposez a
pour ambition d’être plus lisible ; mais au point de départ, il ne l’est
pas et vous légiférez au fil de l’eau, au gré de l’actualité, pour nous amener
on ne sait où. Que l’on soit d’accord ou non avec votre réforme, l’inquiétude
majeure concerne la période de transition. Ce sera la période de tous les
dangers pour tous les assurés en France. Avec cet amendement, vous faites l’aveu
que votre réforme n’est pas prête et que vous prenez le risque, en matière de
système de retraite, d’amener la France dans une aventure. C’est peu
responsable ! La méthode qui consiste à déposer un amendement sur un
article qu’on n’aura jamais le temps d’étudier est éminemment condamnable. C’est
pourquoi, peu importe l’amendement, je m’inscris en faux contre cette démarche.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR. –M. Pierre
Dharréville applaudit également.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Monique Limon.
Mme Monique
Limon. Au risque de me répéter, je voudrais dire que l’instauration d’un
système à points sur la totalité de la carrière permettra d’opérer une
redistribution au profit des carrières plates, courtes et hachées, aujourd’hui
insuffisamment prises en compte. Par ailleurs, je vous rappelle que le calcul
sur les vingt-cinq meilleures années ne s’applique aujourd’hui que sur une
partie de la pension de retraite, qui correspond à la retraite de base ; la
pension dite complémentaire, qui représente entre 30 et 50 % du total, est
déjà calculée sur l’ensemble de la carrière, d’ailleurs en points. Les personnes
aux carrières plates, hachées et courtes étant essentiellement des femmes,
contraintes d’avoir ce type de parcours, c’est avant tout pour elles – donc
pour les personnes les plus vulnérables du point de vue professionnel – que
le système universel de retraite sera positif. (Applaudissements sur les
bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Pour que le secrétaire d’État et le rapporteur fassent
l’économie de paroles répétitives qui finiraient par s’apparenter à de
l’obstruction parlementaire, je voudrais préciser, une fois pour toutes, que
lorsque nous déposons des amendements proposant de supprimer un alinéa ou de
remplacer un mot, il s’agit – nous vous l’accordons – d’un alibi pour
multiplier les interventions de fond argumentées qui permettent des débats de
bonne qualité, comme celui que nous venons d’avoir.
M. Rémy
Rebeyrotte. C’est de l’obstruction ! Il faut dire les mots, ce
serait honnête !
M. Adrien
Quatennens. Je voudrais continuer à défendre mon idée. Je considère
qu’il n’est pas responsable de faire le pari d’une croissance infinie. Il y a
beaucoup de domaines qui doivent croître : les métiers d’aide à la
personne, la planification écologique, l’économie de la mer et toute une série
d’industries en font partie. Mais il y a aussi beaucoup de secteurs de
l’économie que nous devrions faire décroître. Donc faire le pari d’une
croissance exponentielle, voire d’un « panier » dont le volume irait
jusqu’à doubler, est non seulement impossible à garantir – même les
projections de croissance à quelques années sont souvent démenties –, mais
irresponsable.
Souvent, vous nous avez pris à témoin pour nous expliquer
que vous ne vouliez pas laisser de déficit à vos enfants. On pourrait longuement
débattre sur le fait que ce déficit est une construction politique, due
notamment aux exonérations que vous avez accordées, au gel du point d’indice des
fonctionnaires et à d’autres facteurs. Mais la dette écologique qu’on s’apprête
à laisser à nos enfants les mettra au pied du mur ; ils seront obligés d’en
relever le défi – si on n’a pas déjà franchi des seuils
irréversibles.
Dans ce contexte, établir l’équilibre financier de votre
système de retraite sur l’hypothèse d’une croissance sans cesse en augmentation,
seule garantie d’un niveau de pensions stable, représente un pari non seulement
hasardeux, mais qui plus est irresponsable et dangereux. Notre idée
– considérer que la richesse d’ores et déjà créée doit être mieux répartie
et aller davantage au travail, et donc aux retraites, et moins au capital –
est plus raisonnable. Vous le savez : on produit plus et plus vite
qu’avant, mais cette richesse est très mal répartie. Il n’y a pas besoin de
renverser la tendance considérablement pour financer un système de retraite
convenable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. La croissance du PIB est un outil que vous utilisez aussi, comme
tout le monde. Le problème n’est pas de savoir si on aura de la croissance car
si la population grandit et que la croissance fait défaut, il faudra d’abord
serrer la ceinture à d’autres qu’aux retraités.
Le problème est en
revanche de savoir quel type de croissance on privilégie ; vous avez par
exemple évoqué une croissance verte et l’économie de la mer. Mais quelles que
soient les hypothèses, 12,9 % de la richesse nationale en 2050
représenteront toujours, pour les retraités de demain – même plus nombreux
qu’aujourd’hui – un montant bien supérieur aux 13 % de la richesse
nationale d’aujourd’hui.
Je voudrais revenir sur une autre idée. Nous
sommes en train de parler du fond et de réfléchir sur la définition d’un système
par répartition. Je m’adresse à ceux qui prennent en exemple les parcours de
Gérard ou de Jacqueline : si on est dans une logique de répartition, on a
un panier sur la table en année N, dont on distribue le contenu la même année.
Se demander si Gérard et Jacqueline vont avoir plus ou moins, c’est se placer
dans une logique assurantielle – le mot a d’ailleurs été prononcé hier.
Mais quand on fait de l’assurance, on ne fait pas de redistribution !
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Eh oui ! Bravo !
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je n’ai pas bien compris la fin de la démonstration qui
vient de nous être faite. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Bruno
Millienne. On va vous la refaire !
M. Pierre
Dharréville. Je n’en doute pas, c’est un plaisir ! Je pense que
votre système est moins redistributif par nature. Son principe, que vous avez
édicté vous-mêmes, est celui où chaque euro cotisé doit donner les mêmes
droits ; ce n’est pas une philosophie de redistribution. Nous préférons un
système de droits garantis et nous vous demandons, sans obtenir de
réponse : comment votre système va-t-il fonctionner pour les femmes et les
hommes dont nous citons les prénoms ? Aujourd’hui, ils bénéficient d’un
système avec des prestations garanties ; votre système à vous, c’est tout
l’inverse.
Je voudrais également dire un mot du PIB pour abonder dans le
sens de ce qu’a dit à l’instant Adrien Quatennens. Je crois qu’il faut plus que
12,9 % du PIB, chiffre indiqué dans l’étude d’impact, pour couvrir les
besoins liés à l’augmentation du nombre de retraités – même si j’ai bien
compris que vous en vouliez moins et donc que les gens devaient travailler plus
longtemps – et pour corriger des inégalités. Nous pensons donc que votre
projection ne fonctionne pas. Un des leviers pour la transition écologique,
c’est d’avoir de bons salaires et de bonnes retraites pour les femmes et les
hommes.
Je crois également que le système que vous proposez est un
mauvais amortisseur des carrières heurtées et plus globalement de la dégradation
de la vie professionnelle que nous connaissons aujourd’hui. Vous n’allez rien
améliorer pour les carrières plates, dont nous ne savons toujours pas combien
elles représentent de personnes à vos yeux, mais vous allez en revanche raboter
les droits des autres. Voilà la vérité !
Je voudrais terminer en
commentant le fameux amendement du Gouvernement. D’ailleurs, monsieur le
rapporteur, vous n’y êtes pour rien, donc ce n’est pas à vous, mais au
secrétaire d’État, d’en répondre. C’est lui qui a des comptes à nous rendre sur
ce point.
M. Patrick
Hetzel. Bien vu !
M. Pierre
Dharréville. En tant que parlementaire, je n’accepte pas cette pratique.
Vous nous dites que la clause à l’italienne est longue et difficile à
transcrire ; mais alors pourquoi vous être précipités ? Il faut
travailler en amont, monsieur le secrétaire d’État, et venir nous faire vos
propositions après.
Mme Nadia
Essayan. Depuis combien de temps il parle ? Cela doit faire quatre
minutes !
M. Pierre
Dharréville. Une réforme de cette ampleur ne peut pas être conduite de
cette façon. Ce n’est pas sérieux.
Mme la
présidente. Merci, monsieur Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Cela alimente le procès en impréparation que j’instruis.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SOC.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Alain David.
M. Alain
David. Au fil de vos réponses, nous avons formé un jugement très sévère
sur votre loi. La conclusion, c’est que les salariés devront travailler plus
longtemps pour avoir une retraite inférieure à ce qu’ils auraient touché dans la
formule actuelle. Les Françaises et les Français, dans leur grande majorité, ne
sont pas dupes, même si vous les accusez de ne rien comprendre. Vous rendez-vous
compte de l’état dans lequel vous mettez la France, monsieur le secrétaire
d’État ? Après les gilets jaunes qui vous demandaient simplement de la
justice sociale et auxquels vous avez répondu par des coups de matraque
(Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM),…
M.
Jean-René Cazeneuve. N’importe quoi !
Mme Nadia
Essayan. C’est un grand débat !
M. Alain
David. …vous avez aujourd’hui réussi, grâce à votre projet de loi, à
mettre nos concitoyens dans la rue et à vous en aliéner 70 %.
M.
Jean-René Cazeneuve. Quel rapport avec l’article que nous
examinons ?
M. Alain
David. Quand allez-vous comprendre, monsieur le secrétaire d’État, qu’on
ne gouverne pas la France contre tant de Françaises et de Français, ni à coup
d’article 49, alinéa 3 ? Quand allez-vous purement et simplement
retirer votre projet ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes
SOC et GDR.)
(Les amendements no 7721 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour les soutenir
l’amendement no 7758 et les seize amendements identiques déposés par
les membres du groupe La France insoumise.
Mme
Caroline Fiat. À défaut d’être parvenus à la suppression de
l’article 3, nous proposons d’en supprimer tous les alinéas – ici,
l’alinéa 3.
Alors que certains expliquent que leurs enfants ne
pensent pas à la retraite, je peux vous dire que les miens, nés en 1995 et 1999,
m’en parlent. Peut-être est-ce parce qu’ils sont déjà entrés sur le marché de
l’emploi ? En tout cas, voyez que ce n’est pas pareil dans toutes les
familles.
Maintenant, parlons des règles du jeu. Vous nous annoncez
l’arrivée surprise d’un amendement gouvernemental de cinq pages, à
l’article 61, qui porte sur toutes les règles dont nous sommes en train de
débattre et qui n’est assorti d’aucune étude d’impact.
M. Bruno
Millienne. Ce n’est pas le sujet de l’article !
Mme
Caroline Fiat. Mes collègues Viry, Dharréville et Vallaud vous ont déjà
interpellé à ce sujet. Nous, nous ne laisserons pas passer cela. Nous ne pouvons
pas l’accepter. Ce n’est pas sérieux. Pour la énième fois, je le répète :
nous voulons bien débattre dans cet hémicycle de votre volonté de changer notre
système de retraite,…
M. Bruno
Millienne. Oh non !
Mme
Caroline Fiat. …mais venez avec un travail achevé, abouti, travaillé,
complet et étayé par des études d’impact.
M. Bruno
Millienne. Nous en sommes à l’article 3 !
Mme
Caroline Fiat. Regardez, chers collègues, l’amendement proposé à
l’article 61 et venez me dire, en me regardant droit dans les yeux, que
cela ne vous choque pas. Nous n’avons même pas d’étude d’impact ! (Bruit
sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Chers collègues, que vous vous mettiez
à côté ou derrière moi, cela ne me dérange pas. En revanche, si vous vous mettez
à parler en même temps que moi, cela va me poser un problème !
J’en
reviens à mon propos. Pourrions-nous, s’il vous plaît, avoir des explications
sur cet amendement ? (M. Pierre Dharréville
applaudit.)
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série
d’amendements identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Avant d’en venir à ces amendements, qui
visent à supprimer l’alinéa 3 de l’article, je vais répondre à
M. Viry. Nous n’examinerons jamais l’amendement gouvernemental à
l’article 61, dites-vous. Nous examinons le texte, élément après élément.
J’ai travaillé sur ce sujet avec les corapporteurs et nous sommes motivés pour
aller jusqu’au bout en débattant sur le fond. C’est sur le fond que nous ferons
la différence et non pas sur la forme ou au sujet des premiers articles qui
définissaient les principes généraux. De votre côté, faites en sorte que le
débat avance pour que nous puissions en arriver là.
Vous avez raison,
monsieur Quatennens, la croissance ne peut être infinie. C’est pourquoi toutes
les politiques engagées doivent désormais intégrer un autre modèle, beaucoup
plus économe en énergie et en ressources naturelles. Cela étant, il faut bien
retenir des hypothèses. Nous avons repris celles du COR, qui ont leurs limites,
soulignées notamment par M. Dufrègne qui se demande si les carrières seront
nécessairement plus hachées à l’avenir. En 2018, les personnes qui ont pris leur
retraite ont, en moyenne, liquidé trois régimes de pension. C’est un
constat : la tendance est à changer plus souvent de métier que par le
passé. Cette tendance s’inversera-t-elle à l’avenir ? Quoi qu’il en soit,
toute prévision repose forcément sur des hypothèses.
Monsieur David, je
préfère ne pas commenter vos propos sur les coups de matraque qui n’ont rien à
faire dans le débat et sont plutôt déplacés.
M. Alain
David. Vous pouvez donner des leçons !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je suis défavorable à ces
amendements.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. De manière cohérente, je suis
défavorable à ces amendements comme à tous les autres qui visent la suppression
d’alinéas.
Même si ce n’est pas vraiment le bon moment pour avoir ce
débat, je vais répondre à ceux qui s’étonnent de voir le Gouvernement continuer
à travailler et à amender son projet de loi. Il ne faudrait pas que ceux qui
m’ont reproché le nombre d’ordonnances viennent maintenant me reprocher d’en
inscrire le contenu dans le projet de loi lui-même afin de pouvoir en discuter
avec la représentation nationale ! Le renouvellement de ce type
d’injonctions paradoxales génère un peu d’inquiétude. Il faut être logique.
Mme Nadia
Essayan et M. Bruno Millienne. Très bien !
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Vous avez inventé le projet de loi en marchant.
M. Patrick
Hetzel. Il est en marche arrière !
M. Régis
Juanico. Chaque semaine, vous ajoutez des briques supplémentaires que
les parlementaires découvrent au fur et à mesure. Défenseurs des droits du
Parlement, nous pensons qu’il y a une limite au bricolage et à
l’improvisation.
En commission spéciale, confrontés à nos questions
répétées mais précises, vous avez inventé un nouvel indicateur sur l’évolution
de la valeur du point : le revenu moyen d’activité par tête, qui reste à
définir.
Mme Marie-Christine
Dalloz. L’élément de référence !
M. Régis
Juanico. Après avoir créé un quarante-quatrième régime de retraite
– le système à l’italienne, tout un programme ! –, le
Gouvernement sort maintenant de son chapeau un amendement substantiel. Il y a
ici des collègues qui prônent un meilleur contrôle de l’exécutif et une
meilleure évaluation des politiques publiques. Je ne suis pas sûr qu’ils soient
vraiment satisfaits. En ce qui me concerne, en tout cas, cet amendement sans
étude d’impact ne me satisfait pas.
Cet amendement ne porte pas sur un
point de détail mais sur une mesure majeure : la période transitoire durant
laquelle cohabiteront l’ancien système par annuités et le nouveau système par
points.
M. Patrick
Hetzel. C’est ni fait ni à faire !
M. Régis
Juanico. Cet amendement de cinq pages, qui n’est assorti d’aucune étude
d’impact, représente un coût de plusieurs milliards d’euros. Nous ne pouvons pas
l’accepter. En réalité, je vois à peu près où vous voulez en venir. Le
rapporteur indique que cet amendement sera examiné à l’article 61. Nous
verrons. Que se passera-t-il si vous recourez à l’article 49, alinéa 3
de la Constitution ? Dans sa déclaration, le Premier ministre pourra
indiquer quels articles et quels amendements il retient. Je parie qu’il
retiendra celui-là. (M. Pierre Dharréville
applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Comme mes collègues, notamment Stéphane Viry, je
pense que l’annonce de cet amendement gouvernemental nous confirme que l’étude
d’impact était complètement lacunaire, voire totalement inutile. De qui se
moque-t-on ? C’est une forme d’improvisation. Nous avons l’impression
d’avancer pas à pas, et qu’à force d’entendre nos interrogations, le
Gouvernement commence à ressentir le besoin de meubler, de réagir, de donner une
apparence de sérieux à son texte. Voilà la réalité.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Vous
exagérez !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Vous affirmez que système universel va permette
de prendre en compte les carrières plates. Cela s’appelle faire jouer la
solidarité, ce que permet déjà le système par répartition à la française actuel.
Ce dernier fonctionne déjà comme un amortisseur pour ce type de carrières. Vous
prétendez que vous allez améliorer les pensions des personnes concernées
– nous attendons de voir –, mais en réalité, vous allez le faire au
détriment de tous les autres ! Votre vision de la solidarité est
quand même géniale ! En réalité, vous proposez un nivellement par le
bas.
M. Patrick
Hetzel. Très juste !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Il faut que les Français en aient conscience. Il
faut surtout qu’ils aient conscience de ce qu’implique le fait de fixer le
montant des dépenses de retraite à 12,9 % du PIB en 2050. Si vous restez à
ce taux, vous ne pourrez pas traiter la pénibilité ni agir sur l’employabilité
des seniors, faute de moyens.
M. Bruno
Millienne. Mais si !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Comme nous, vous voulez que les seniors
travaillent plus longtemps, mais vous n’aurez pas les moyens d’y parvenir si
vous conservez ce taux de 12,9 % du PIB. Voilà la réalité : un
nivellement par le bas qui ne prend en compte ni la pénibilité ni
l’employabilité des seniors. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. Bruno
Millienne. M. Petit va vous réexpliquer !
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M. Patrick
Hetzel. Un grand diplomate, M. Cazeneuve ! Il va remettre une
pièce dans la machine !
M.
Jean-René Cazeneuve. Je voudrais revenir sur les propos du camarade de
La France insoumise qui nous a dit que l’on pouvait discuter du fond sur des
amendements de pure forme. Et là, j’ai eu une idée de dingue, complètement folle
et iconoclaste : et si on discutait du fond sur un amendement de
fond ? (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM
et UDI-Agir.) Ce serait tellement plus simple !
Mme Marie-Christine
Dalloz et M. Pierre Vatin. Nous sommes sur le fond !
M.
Jean-René Cazeneuve. Cela permettrait de supprimer
30 000 amendements et d’arriver enfin à la discussion structurée dont
la France a besoin. Notre cher camarade Quatennens nous a également affirmé,
avec beaucoup de talent, mais aussi d’aplomb, que les amendements qu’il
défendait étaient des amendements alibis.
M. Patrick
Hetzel. En tout cas, voilà une intervention alibi !
M.
Jean-René Cazeneuve. La méthode est en effet très pratique. Avec un
amendement de forme, vous pouvez parler de l’article 61,…
Mme
Véronique Louwagie. C’est le rapporteur qui en a parlé !
M.
Jean-René Cazeneuve. …de l’article 3, de l’article 12, de
l’article 15.
Vous suscitez le chaos pour nous le reprocher ensuite
en arguant que le débat n’est pas suffisamment clair pour les Français.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs
des groupes LR et GDR.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Non, le chaos, c’est vous qui le faites
régner !
M.
Jean-René Cazeneuve. Cher camarade, si vous lisez un jour Les Trois
Mousquetaires à vos enfants, je vous recommande de lire les chapitres
dans l’ordre. (Mêmes mouvements.)
M. Alain
Bruneel. On touche le fond !
M. Patrick
Hetzel. Buvez de la camomille !
Mme la
présidente. Je caressais l’espoir d’une séance tranquille, mais je vois
bien qu’il y a quelques tentatives pour l’animer.
(Sourires.)
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour un
rappel au règlement.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Mon intervention se fonde sur l’article 58
du règlement, relatif au déroulement de la séance, et sur l’article 100,
alinéa 5.
On le voit bien, les amendements en discussion ce soir
nous permettent de débattre du fond. Peut-être la majorité est-elle gênée que le
débat aille dans le sens qu’elle réclamait ? (Exclamations sur les bancs
des groupes LaREM et MODEM.) Gardez votre calme et écoutez-moi, s’il vous
plaît. (Mêmes mouvements.)
Nous sommes venus sur le fond
et, apparemment, cela ne vous convainc pas. Nous pouvons continuer ainsi, en
pure perte, à faire de la performance, mais pour notre part, nous avons envie de
travailler sur le fond. C’est notre objectif. Par ailleurs, monsieur Cazeneuve,
rien ne nous empêche de rester très calmes même si nos visions sont différentes.
Mais quand M. le rapporteur lui-même nous annonce le dépôt par le
Gouvernement d’un amendement à l’article 61, il est légitime que nous
souhaitions en parler, d’autant que cet amendement n’apparaît pas sur nos
tablettes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Rémy Rebeyrotte.
M. Rémy
Rebeyrotte. Mon intervention se fonde sur l’article 100 du
règlement. Madame la présidente, pourriez-vous nous préciser le nombre
d’amendements restant en discussion sur ce texte ?
Plusieurs députés du groupe
LR. Regardez sur votre tablette !
M. Patrick Hetzel.
Trente et un mille cinq cent soixante-dix-sept !
Article 3 (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. André Chassaigne.
M. André
Chassaigne. Madame la présidente, comme le volume est en train de
monter, il faut qu’un sage s’exprime. (Sourires. –
Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)
Je suis toujours particulièrement impressionné par notre collègue et ami
Cazeneuve : j’ai l’impression qu’il arrive à intervalles réguliers, tel le
torero avec sa muleta, pour essayer d’exciter les foules. (Applaudissements
sur les bancs du groupe LR.) Il est vrai que le rouge peut parfois être
assez agréable à manier. (Sourires.)
Contrairement à notre
collègue Cazeneuve, je ne suis pas un spécialiste de ce type de questions. Comme
beaucoup de présidents de groupe, je suis davantage ce qu’on appelle un véhicule
tout-terrain – ça se voit, d’ailleurs. (Mêmes
mouvements.)
J’ai trouvé notre débat d’aujourd’hui très intéressant
et je veux, très sincèrement, remercier le rapporteur de sa volonté de répondre
à toutes les questions. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
On le sent, il y a eu beaucoup de travail sur ce
texte.
En écoutant les uns et les autres intervenir dans le débat, j’ai
pensé au mouvement d’une balance Roberval : l’un avance des arguments,
l’autre y répond, souvent avec des contre-arguments, et tout cela nous fait
cogiter !
J’aimerais revenir quant à moi sur la mobilité
professionnelle et la multiplicité des emplois au cours d’une carrière
professionnelle – j’avoue que je ne connaissais pas la notion de
« carrière plate ».
On estime qu’une personne qui entre
dans la vie active aujourd’hui occupera sept emplois différents en moyenne au
cours de sa carrière professionnelle et que 50 % des emplois auront disparu
dans quinze ans. Et ce phénomène devrait s’accélérer.
Dans un contexte
marqué par l’insécurité de l’emploi, du fait des évolutions actuelles et de la
nécessité d’en changer souvent, je suis convaincu que le calcul de la retraite à
l’échelle de la carrière complète aura un effet très négatif. Un calcul basé sur
les vingt-cinq dernières années de carrière est beaucoup plus sécurisant lorsque
l’on a occupé de nombreux emplois.
Rappel au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour un rappel au
règlement.
M. Adrien
Quatennens. Il se fonde sur l’article 100 et porte sur le
déroulement de notre débat.
La stratégie de la majorité apparaît
clairement ce soir. C’est soir de match !
Il y a deux minutes, je me
suis chargé de révéler la stratégie de défense de la majorité – même si cette
défense comporte des trous. M. Cazeneuve, quant à lui, porte le
numéro dix et développe la stratégie d’attaque du bélier : il réalise
qu’il est déjà vingt-trois heures quinze et qu’il n’y a pas encore eu d’incident
de séance. Ce soir, nos débats se passent bien et portent sur le fond :
vous risquez donc de ne pas pouvoir justifier le recours à l’article 49,
alinéa 3.
Chers collègues, si vous êtes fatigués
(« Non ! » sur les
bancs du groupe LaREM), libres à vous d’aller vous coucher, mais ne croyez
pas que vos interventions de pure forme, qui obstruent les débats de bonne
qualité que nous avons ce soir (Rires sur les bancs du groupe
MODEM),…
M. Bruno
Millienne. Il ne doute de rien !
M. Patrick
Mignola. Jamel Comedy Club !
M. Adrien
Quatennens. …finiront, en quelque sorte, par nous démasquer : notre
stratégie est déjà totalement transparente.
Au premier acte, nous avons
importé à l’Assemblée nationale un mot d’ordre aujourd’hui majoritaire, celui du
retrait. Pour le faire, il est vrai, nous avons déposé de nombreux
amendements.
M. Rémy
Rebeyrotte. Une foule d’amendements, monsieur Quatennens ! Cela
s’appelle de l’obstruction !
M. Adrien
Quatennens. Mais, franchement, s’il s’agissait de faire de l’obstruction
parlementaire, nous serions loin du niveau jadis atteint dans cette
maison ! Aux grandes heures de l’obstruction parlementaire, le nombre
d’amendements était bien supérieur !
Enfin, nous travaillons sous la
menace permanente de l’interruption de nos travaux.
Mme la
présidente. Veuillez conclure.
M. Adrien
Quatennens. J’en termine, madame la présidente !
Avec les
nombreux amendements que nous avons déposés, nous cherchons surtout à nous
exprimer sur des sujets qui sont abordés plus loin dans le texte et dont nous ne
pourrons peut-être pas débattre ! Je le répète, notre stratégie est
totalement transparente, chers collègues.
Mme la
présidente. Merci, monsieur Quatennens.
Article 3 (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. J’aimerais préciser, pour commencer, que les notions de
« taux de remplacement » et de « pourcentage du PIB » ne
figurent pas dans le projet de loi. Vous pouvez le vérifier par vous-même.
M. Pierre
Dharréville. C’est bien tout le problème !
M. Frédéric
Petit. Par ailleurs, qui décidera de la valeur du point ?
M. Pierre
Dharréville. Gérald Darmanin !
M. Frédéric
Petit. Nous y reviendrons – chacun de nous l’espère ! – à
l’article 9, mais c’est, comme aujourd’hui, une organisation paritaire qui
le fera. Elle devra fixer avant le 30 juin 2021 la valeur applicable au
titre de l’année 2022, puis l’actualiser tous les ans. C’est cette valeur qui
servira de référence pour partager le contenu du panier disponible chaque
année.
Madame Dalloz, l’attribution de points supplémentaires aux
personnes exerçant des métiers pénibles permettra de rétablir
l’équilibre.
Enfin, s’agissant du temps consacré à ce débat, qu’il y ait
ou non recours à l’article 49, alinéa 3, je rappelle que le projet de
loi reviendra à l’Assemblée. (« En procédure
accélérée ! » sur les bancs du
groupe LR.)
M. André
Chassaigne. Sauf si une CMP parvient à un trouver accord !
(Rires sur les bancs du groupe GDR.)
M. Frédéric
Petit. C’est donc ici que l’on décidera de l’adoption définitive du
texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Paul Christophe.
M. Paul
Christophe. Je n’avais pas prévu de m’exprimer sur cet amendement, qui
prévoit la suppression de l’alinéa 3 de l’article 3, mais puisque nous
venons d’évoquer l’article 61 et que cet article se trouve au titre V,
dont je suis rapporteur, j’aimerais apporter quelques précisions.
En ce
qui concerne la construction de la loi, monsieur Juanico, je ne garde pas un
très bon souvenir de celle de la loi de modernisation de l’action publique
territoriale et d’affirmation des métropoles, dite MAPTAM, ni de celle de la loi
portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRe !
(Sourires.)
Vous avez raison, ce projet de loi constitue une
innovation : le Conseil d’État a lui-même salué la méthode de concertation
et de consultation qui a présidé à l’élaboration d’une partie du texte pendant
deux ans. Une consultation électronique a même été proposée. On peut
véritablement parler d’innovation !
Par ailleurs, j’avais cru
comprendre que l’opposition était contre le recours aux ordonnances. À cet
égard, l’amendement déposé par le Gouvernement sur l’article 61, qui tend à
réintégrer dans le projet de loi des dispositions sur les droits constitués qui
devaient être prises selon cette procédure, est aussi une sorte d’innovation
dont je me réjouis. J’espère vivement que nous pourrons en discuter si nous
avançons suffisamment vite.
D’ailleurs, je suis satisfait de constater
que cet amendement gouvernemental va dans le sens de la discussion engagée avec
les partenaires sociaux. Rendez-vous à l’article 61 ! Sachez-le, je
suis impatient. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir et
LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Loïc Prud’homme.
M. Loïc
Prud’homme. Monsieur Cazeneuve, vous avez eu une idée de dingue,
mais je vous en suggère une autre : de vous excuser auprès de nos
collaborateurs que vous avez traités de robots alors qu’ils ne font qu’exercer
les droits de l’opposition. (Mme Caroline Fiat
applaudit.)
Vous avez compris, je crois, depuis hier, que vous ne
siégiez plus en conseil d’administration mais à l’Assemblée nationale, où il
existe une opposition !
S’agissant des hypothèses évoquées par
M. Petit et par le rapporteur, que nous réfutons, je voudrais dire que le
problème n’est pas la couleur de la croissance, verte ou non, mais son
ampleur : les chiffres présentés nous semblent
inatteignables.
Monsieur le rapporteur, je vous ai interrogé sur le seuil
de 150 heures nécessaire pour valider un trimestre, mais votre réponse
était absconse. Dans l’étude d’impact, aucun élément ne nous permet d’évaluer
les conséquences, pour l’application de ce seuil, du calcul des droits à la
retraite à partir de la carrière complète plutôt que des vingt-cinq meilleures
années.
S’agissant des hypothèses du COR, je rappelle qu’elles se fondent
sur trois conventions comptables différentes et aboutissent à des résultats très
variables – entre 8 et 17 milliards d’euros – s’agissant du
déficit que pourrait éventuellement connaître le système de retraite à l’horizon
2030.
Quand nous vous posons des questions précises, vous nous renvoyez à
des informations inexistantes. Et faute d’être suffisamment précises, les
hypothèses sur lesquelles vous vous appuyez pour estimer le déficit ne tiennent
pas la route. Nous n’en finissons pas d’attendre des réponses, d’où nos
questions de fond sans cesse réitérées. Nous ne pouvons pas nous prononcer en
toute connaissance de cause sur un texte qui comporte tant
d’imprécisions.
Fait personnel
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour un fait
personnel.
M.
Jean-René Cazeneuve. Pour répondre à M. Prud’homme, je n’ai jamais
dit que les attachés parlementaires étaient des robots. Simplement, au vu de la
quantité industrielle d’amendements et de sous-amendements identiques visant à
introduire des modifications de pure forme – dont certains, au passage,
réclamaient la suppression d’expressions dont la sagesse devrait pourtant
susciter l’unanimité –, j’ai simplement émis l’hypothèse qu’ils avaient pu être
rédigés de manière automatique, à l’aide de robots ou de machines.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Article 3 (suite)
Mme la
présidente. Monsieur Rebeyrotte, pour répondre à votre question,
31 577 amendements restent à examiner sur le projet de loi, desquels
il faut déduire les dix-sept amendements que je vais à présent mettre aux voix,
ce qui fera toute la différence ! (Sourires.)
(Les amendements no 7758 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Les amendements no 7914 et identiques
déposés par les membres du groupe La France insoumise sont défendus.
Quel
est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Dans le prolongement de l’échange qui vient
d’avoir lieu entre M. Prud’homme et M. Cazeneuve, et étant donné
l’heure tardive, je voudrais remercier, en notre nom à tous, non seulement nos
collaborateurs, mais aussi l’ensemble du personnel de l’Assemblée nationale qui,
tout comme nous, est présent tous les jours. (Applaudissements sur tous les
bancs.)
M. Pierre
Dharréville. On va les remercier en retirant le projet de loi !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Mme Dalloz, qui a quitté l’hémicycle,
s’est étonnée que j’évoque ce soir l’amendement du Gouvernement à
l’article 61. Ce faisant, je répondais en réalité à une question de
M. Dharréville.
Quant au revenu moyen par tête, le RMPT, monsieur
Juanico, nous ne le découvrons pas ! Nous en avons parlé hier, mais
peut-être n’étiez-vous pas là. Il est en outre mentionné à la page 23 du
rapport publié en juillet 2019 par Jean-Paul Delevoye.
M. Régis
Juanico. Pas le revenu moyen par tête !
M. Boris
Vallaud. D’ailleurs, le Président de la République a dit autre chose
devant le Conseil économique, sociale et environnemental !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Chassaigne, je vous remercie de
vos propos, qui font sans doute écho aux événements de la journée d’hier. Je
suis sans doute idéaliste, mais je crois réellement que la majorité et les
oppositions auraient pu tomber d’accord sur plusieurs aspects du projet de loi.
Nous aurions pu mener un travail parlementaire de qualité afin d’améliorer le
texte sur les questions relatives à la période de transition, à la solidarité, à
la politique familiale ou à l’évolution des carrières.
Nous devons nous
efforcer collectivement de redonner toute sa place au Parlement. Nos concitoyens
s’interrogent sur notre fonctionnement. J’ai tenté d’apporter des réponses à vos
questions et je suis convaincu que nous pouvons tous améliorer le texte, la
majorité comme l’opposition, chacun restant bien sûr dans son rôle.
M. Adrien
Quatennens. Passé vingt-trois heures, c’est généralement le temps des
violons !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Prud’homme, vous avez mentionné
les trois hypothèses du COR sur les perspectives des retraites en France à
l’horizon 2030, qui aboutissent à des résultats différents. Comme nous l’avons
expliqué en commission spéciale, il n’existe pas de cotisations patronales en
tant que telles pour les fonctionnaires, mais la somme allouée chaque année par
l’État, divisée par le nombre de fonctionnaires, aboutit à un taux de 70 %.
La première hypothèse du COR est calculée sur la base du maintien de ce taux
facial. Sachant que le nombre de fonctionnaires diminue, les conditions
d’équilibre devront évoluer. Dans la deuxième hypothèse, le montant versé par
l’État reste constant. La troisième hypothèse est celle d’un système
automatiquement équilibré. Selon l’hypothèse considérée, l’évolution du déficit
annuel sera différente : son montant pourrait osciller entre 0,3 et
0,8 % du PIB. Or 0,3 % du PIB, c’est déjà 8 milliards
d’euros.
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Les amendements tendent à
supprimer l’intitulé du chapitre VIII : « Système universel de
retraite ». Je rappelle qu’il correspond au titre du projet de loi. Avis
défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. Le groupe Les Républicains escomptait que, ce soir, nous aurions
achevé l’examen de l’article 3 et commencé celui de l’article 4,
traitant des travailleurs indépendants, des professions libérales et des
artisans et commerçants. Mais, quand je compte le nombre de rappels au
règlement, dont je ne conteste pas le bien-fondé – ils font partie des outils
que nous avons à notre disposition –, et que je constate la longueur des
réponses aux amendements, j’en viens à me demander qui a intérêt à allonger
abusivement nos débats. Notre groupe souhaite que la discussion
avance.
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.
M. Jean
Lassalle. Notre rapporteur ne manque pas de caractère. Il doit
d’ailleurs être excellent sur les terrains de rugby. La manifestation d’humeur
qu’il a eue hier soir dans cet hémicycle, il aurait pu l’avoir au cours d’un
match, d’autant qu’il a ensuite présenté ses excuses à celui qui avait reçu la
poire.
Pourtant, quand il s’est exprimé à l’instant – « nous aurions
pu nous entendre » –, je l’ai trouvé nostalgique. La nostalgie des longs
soirs, elle ne vous lâche pas. Il parlait comme un acteur qui s’apprête à regret
à quitter le théâtre.
Peut-être ces paroles vous ont-elles échappé,
monsieur le rapporteur. Pas à moi. Alors que je ne vois dans cet hémicycle que
des députés bien décidés à aller jusqu’au bout de la discussion, vous m’avez
paru défait. Je vous engage à vous reprendre.
Le groupe LT, qui est
peut-être celui qui veut le plus faire avancer le débat, est aussi celui qui
parle le moins. Moi, je viens de parler pour montrer que j’étais là. En somme,
rien de grave, madame la présidente, j’ai seulement voulu colorer le
débat.
Cela dit, je me demande ce que nous ferons si le Gouvernement a
recours à l’article 49, alinéa 3. Nous serons embêtés, car ce n’est
pas ainsi que l’on calmera ceux qui sont en colère. Mais n’anticipons pas. Nous
n’y sommes pas encore.
Je vous remercie, madame la présidente.
Décidément, les présidentes sont toutes excellentes. (Rires. –
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Rappel au règlement
Mme la
présidente. Tenez-vous réellement à faire un rappel au règlement,
monsieur Mignola ? Si c’est le cas, vous avez la parole.
M. Patrick
Mignola. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 100. Un des
orateurs d’un des groupes de l’opposition – la distinction que je faisais jadis
entre les minorités et les oppositions ne semble plus fondée – a reproché à la
majorité d’avoir parlé trop longtemps. J’aimerais connaître la répartition du
temps de parole entre les groupes.
Je suis certain que l’on pourra
prouver, chiffres à l’appui, que le collègue qui s’est exprimé ainsi s’est moqué
du monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
Article 3 (suite)
(Les dix-sept amendements identiques
no 7914 et suivants ne sont pas
adoptés.)
Mme la
présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques,
nos 7392, 11857 et 11859.
L’amendement
no 7392 de Mme Emmanuelle Ménard est défendu.
La
parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement
no 11857.
M. Pierre
Vatin. Il n’est peut-être pas utile de répéter toujours le même
argumentaire, puisque vous êtes sourds à celui-ci. Pourtant, vous le voyez, nous
conservons l’espoir de vous faire changer d’avis.
Mme la
présidente. La parole est à M. Maxime Minot, pour soutenir
l’amendement no 11859.
M. Maxime
Minot. Cet amendement, dont M. Le Fur est le premier signataire,
tend à supprimer le mot « universel ». Nous avons formulé plusieurs
fois cette proposition. Peut-être finirez-vous par l’adopter.
M. Philippe
Gosselin. Nous avons bon espoir !
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Pour faire suite à la demande de
M. Viry, je répondrai seulement : avis défavorable.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Stéphane
Viry. Au moins, nous avons atteint un de nos objectifs !
(Les amendements identiques nos 7392, 11857
et 11859, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. Sur les dix-sept amendements, no 8089 et
identiques, déposés par les membres du groupe la France insoumise, je suis
saisie par ce même groupe d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est
annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à
M. Loïc Prud’homme, pour soutenir ces amendements.
M. Loïc
Prud’homme. Monsieur le rapporteur, vous venez de détailler les trois
hypothèses du COR. Quant à savoir laquelle sera retenue – ce qui nous
permettrait de comprendre la trajectoire de notre système de retraite –, on
reste dans le flou.
Comme j’aime obtenir des réponses précises, je vais
vous poser deux questions précises sur l’article 61, qui nous fait beaucoup
parler. Tout d’abord, comment s’effectuera le calcul pour une personne née après
1975 : sur la base des vingt-cinq meilleures années, sur l’ensemble du
dispositif ou jusqu’à 2025 ? Ensuite, comment vous assurerez-vous que la
valeur des points, qui ne vous est pas connue aujourd’hui, sera comparable à
celle des trimestres cotisés auparavant ?
Comme vous le voyez, je
suis prêt à aller très loin dans le texte, pour obtenir tous les éléments qui
pourraient nous éclairer sur votre réforme.
Mme la
présidente. Sur les seize amendements no 26831 et
identiques, qui seront appelés dans un instant, je suis saisie par le groupe La
France insoumise et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
Je mets aux voix les amendements
nos 8089 et identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 121
Nombre
de suffrages
exprimés 105
Majorité
absolue 53
Pour
l’adoption 12
Contre 93
(Les amendements
nos 8089 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir
l’amendement no 26831 et les quinze amendements identiques
déposés par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. André
Chassaigne. Je ne développerai que deux arguments à l’appui de ces
amendements visant à ce que les pensions de retraite soient calculées et servies
aux assurés du régime général sur la base de leurs vingt-cinq meilleures années,
solution que, contrairement à vous, nous jugeons plus favorable.
Vous
prétendez que les étudiants salariés, soit 46 % des étudiants, gagneront à
la réforme, puisqu’ils acquerront des droits dès le premier euro cotisé, ce qui
n’est pas le cas aujourd’hui. Quelle duperie ! Dans le régime actuel, le
calcul sur les vingt-cinq meilleures années neutralise les périodes de vaches
maigres pendant lesquelles les jeunes font des petits boulots pour financer
leurs études. Dès lors que l’on prendra en compte la carrière complète, les
maigres points cumulés feront mathématiquement baisser le montant des pensions.
Je ne doute pas que le rapporteur nous répondra sur ce point.
Ensuite,
vous faites valoir qu’il faut actuellement travailler au moins 150 heures
sur une année afin de cotiser pour un trimestre de retraite, alors que dans le
système à points, on cotisera dès la première heure travaillée. Mais, là encore,
la prise en compte de toute la carrière, au lieu des vingt-cinq meilleures
années, tirera considérablement les pensions vers le bas. Cette mesure aurait dû
s’appliquer dans le cadre du système actuel, mais, dans celui que vous proposez,
elle ne peut avoir qu’une incidence négative.
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Prenez le cas d’un étudiant qui achève de
brillantes études à vingt-quatre ans, et qui a envie, comme beaucoup de jeunes
aujourd’hui, d’aller voir du pays. Supposons qu’il passe quatre ans à
l’étranger, pour ne revenir en France qu’à vingt-huit ans. Selon le système
actuel, n’ayant pas cotisé en France pendant quatre ans, il ne bénéficie d’aucun
trimestre sur cette période, et devra donc travailler jusqu’à soixante-sept ans,
sa pension étant calculée à partir d’une proratisation de trente-neuf
quarante-troisièmes.
J’ai reçu des témoignages de jeunes gens qui ont
commencé à l’étranger et hésitent à revenir en France, sachant que, dans le
système actuel, ils n’auront pas de carrière complète.
Dans le système à
points, cet étudiant ne commencera évidemment à acquérir des points qu’à
vingt-huit ans, mais, comme il percevra probablement un revenu supérieur, il
obtiendra plus de points. Parvenu à l’âge d’équilibre – 64 ou 65 ans, selon
son année de naissance –, il pourra, même s’il n’a pas cotisé quarante-trois
ans, valoriser sa carrière complète de manière beaucoup plus intéressante que si
l’on prenait en compte les vingt-cinq meilleures années de sa carrière mais
qu’il lui manquait toujours les quatre années passées à l’étranger.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Vous faites comme si le niveau de revenus
pendant les vingt-cinq meilleures années était le seul critère de calcul de la
pension. C’est oublier que, quand moins de 150 heures ont été travaillées
durant un trimestre – un trimestre, pas une année –, celui-ci ne peut être
validé, et que si, arrivé à l’âge légal de départ à la retraite, à 62 ans,
le nombre minimal de trimestre n’a pas été atteint, la pension est calculée au
prorata du revenu des vingt-cinq meilleures années. Tenez compte des trimestres
non validés dans le système actuel ! (Applaudissements sur plusieurs
bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Avis défavorable.
M.
Jean-Louis Bricout. On n’a rien compris !
M. Paul
Christophe. « Et alors la marmotte met le chocolat dans le papier
d’alu… »
Mme la
présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements
identiques ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je ne veux pas vexer les
députés qui ont déposé ces amendements identiques – lesquels ont permis un
débat de fond –, mais nous avons déjà discuté à plusieurs reprises des
différences entre calcul de la retraite à partir des vingt-cinq meilleures
années ou à partir de la carrière complète.
Fait très intéressant,
l’étude d’impact montre que le moteur de cette réforme – la répartition par
points acquis au cours de la carrière – crée une dynamique très favorable à tous
ceux qui ont fait une carrière complète avec de petits revenus.
Avis
défavorable.
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Monsieur le rapporteur, l’exemple que vous nous donnez
– celui d’une personne ayant travaillé à l’étranger –, ne me semble
pas très illustratif, et même un peu bancal.
Comme nous l’avons déjà
expliqué, les députés de notre groupe ne défendent pas le système actuel, et
considèrent qu’un trimestre devrait pouvoir être validé à partir de
75 heures travaillées, plutôt que 150 – même si nous aurons du mal à faire
valoir de telles propositions dans ce débat, à cause de son orientation et des
contraintes liées aux dispositions de l’article 40 de la Constitution.
Par ailleurs, il faut réviser la notion de carrière complète, pour
y intégrer, outre les années travaillées, les années d’étude et d’inactivité
subie. Il convient de repenser en parallèle la sécurisation de l’emploi et de la
formation pendant la vie active. Comme vous le voyez, en la matière, d’autres
perspectives que la vôtre sont possibles.
Pour en revenir aux
pseudo-démonstrations qui ont été faites, il est avéré qu’en prenant en compte
les moins bonnes années dans le calcul de la retraite, le système envisagé
diminuera la pension d’un nombre important de femmes et d’hommes. Les exceptions
que vous trouvez ne nous feront pas changer d’avis – au mieux, elles
confirment la règle.
Mme la
présidente. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul
Molac. Les Français qui travaillent à l’étranger ont actuellement le
choix de cotiser ou non en France pour leur sécurité sociale et leur
retraite.
Mme
Marie-Noëlle Battistel. Tout à fait !
M. Paul
Molac. Ils peuvent donc tout à fait atteindre le nombre d’années de
cotisation nécessaires à une retraite à taux plein, et participer ainsi à la
solidarité nationale.
M. Pierre
Dharréville. C’est d’ailleurs normal !
M. Paul
Molac. La manière dont le rapporteur présente ce point me laisse
perplexe.
M. Philippe
Gosselin. Peut-être que le rapporteur peut essayer de
réexpliquer !
M. Paul
Molac. Il indique qu’avec le système envisagé, les expatriés qui
reviendront en France pourront y toucher leur retraite, même s’ils n’ont pas
cotisé pour leurs années travaillées à l’étranger. Soit, mais leur pension sera
calculée uniquement à partir des points accumulés en France ; son montant
sera donc moindre. Le changement associé à la réforme ne me paraît pas très
important, en réalité.
Mme la
présidente. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Il est évident que calculer les retraites à partir de la
carrière complète plutôt qu’à partir des vingt-cinq meilleures années est moins
favorable aux salariés. S’y ajouteront les effets de la réforme de l’assurance
chômage, décidée contre l’avis des organisations syndicales, qui durcit les
conditions d’attribution des droits. On constatera les effets catastrophiques de
cette réforme dès le mois d’avril, notamment pour les travailleurs saisonniers.
Les cas de surendettement se multiplieront. Des formations ont même été prévues
à Pôle emploi, pour gérer les tensions qui ne manqueront pas d’apparaître. Les
conditions pour acquérir des droits à la retraite se durciront, pour les
chômeurs indemnisés comme ceux qui ne le sont pas.
En réalité, si vous
pouvez rattraper les effets des nouvelles modalités de calcul de la retraite
pour les perdants de la réforme, c’est grâce au filet de sécurité du minimum
contributif.
Il y a quelques jours, nous avions demandé au
secrétaire d’État de préciser ce qu’est une carrière complète – notion qui, on
l’a bien compris, ne vaut que pour le calcul du minimum contributif.
Le
secrétaire d’État a indiqué que 516 mois travaillés constitueraient une
carrière complète, et donneraient droit à un minimum de pension d’une valeur
équivalente à 85 % du SMIC, en 2037. Il aurait dû préciser que pour
bénéficier de ce minimum, il faudra avoir atteint l’âge d’équilibre de
65 ans. Sinon, un malus s’appliquera, même pour ceux qui auront cotisé
quarante-trois ans.
Je suis donc favorable à ce que les retraites
continuent d’être calculées à partir des vingt-cinq meilleures années, pour ceux
qui ont des petites pensions et ceux qui ont eu des salaires modestes. Le
système doit par ailleurs rester redistributif. (Applaudissements sur les
bancs du groupe GDR.)
Mme la
présidente. Je mets aux voix les amendements no 26831 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
Mme la
présidente. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 132
Nombre
de suffrages
exprimés 128
Majorité
absolue 65
Pour
l’adoption 26
Contre 102
(Les amendements
no 26831 et identiques ne
sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir
l’amendement no 8361 et les quinze amendements identiques
déposés par les membres du groupe La France insoumise.
Ils font l’objet
de deux sous-amendements nos 42572 et 42573.
M. Adrien
Quatennens. Les amendements visent à apporter des garanties quant au
taux de remplacement, soit la proportion du dernier salaire touchée lors de la
retraite.
Je termine la discussion que nous avons commencée tout à
l’heure, monsieur Petit. Nous avons oublié un élément : les
projections démographiques montrent que la population s’accroîtra. Vous
considérez que si le montant du PIB augmente – si le gâteau grossit –,
le fait que la part de celui-ci consacrée au financement des retraites reste
stable ne pose pas problème.
Pourtant,– outre qu’un plus gros gâteau
ne serait pas raisonnable, à cause de l’urgence climatique, comme mon collègue
Prud’homme l’a souligné à nouveau –, si le gâteau grossit, quelle
difficulté y aurait-il à en accorder une part plus importante au financement des
retraites ? Ce choix serait d’autant plus légitime que la proportion des
seniors augmentera, comme le montre la démographie.
La réalité est que
certains, autour de la table, se goinfrent, et que la richesse produite est mal
répartie. Si un actif français produit actuellement trois fois plus que dans les
années 1970, cette période de gains de productivités a vu une part très
importante des richesses passer des poches du travail à celles du capital.
M. Bruno
Fuchs. On a entendu la rengaine cinquante fois aujourd’hui !
M. Adrien
Quatennens. Dans les années 1980, un salarié français travaillait en
moyenne neuf jours par an pour rémunérer les actionnaires ; il y consacre
près de cinquante jours aujourd’hui.
Je vous rappelle à nouveau que seul
le travail humain produit de la valeur. Sans lui, vous aurez beau emmagasiner de
la tôle dans un garage, trois mois plus tard, vous ne trouverez pas de voiture.
Sans lui, vous pouvez déposer des sous dans un coffre, trois mois plus tard, la
somme n’aura pas augmenté.
M. Bruno
Millienne. Un quart d’heure après, mot pour mot la même chose !
M. Adrien
Quatennens. Il faut pousser les Français à vous tenir tête, parce qu’ils
produisent d’ores et déjà assez de richesses…
Mme la
présidente. Merci, monsieur Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. …pour financer un système de retraite permettant de partir à
un âge digne avec un bon niveau de pension.
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir le
sous-amendement no 42572.
M. Pierre
Dharréville. Par ce sous-amendement, nous voulons appuyer la
proposition, formulée dans les amendements identiques, de garantir un certain
taux de remplacement.
En effet, la version actuelle du texte n’offre
aucune garantie en la matière ; même l’étude d’impact ne donne aucune
précision sur l’évolution prévue – ce n’est pas le moindre des
problèmes.
Nous souhaitons obtenir des engagements clairs et fermes. Avec
le système actuel, il est possible de connaître approximativement le taux de
remplacement dont on bénéficiera ; ce n’est pas le cas avec le dispositif
envisagé. Et pour cause : votre projet est de baisser les pensions.
M. Bruno
Millienne. Une hypothèse communiste !
M. Pierre
Dharréville. Même si on comprend bien que vous ne souhaitez pas
l’afficher, vous ferez des pensions une variable d’ajustement dans l’équilibre
financier du système.
Je souhaite par ailleurs défendre un amendement
malheureusement déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la
Constitution. Il visait à modifier la prise en compte des périodes d’inactivité
subie et de chômage. Le régime prétendument universel que vous proposez
d’instaurer tiendra compte de l’ensemble de la carrière, si bien que l’effet
négatif, pour le calcul des retraites, des années de chômage ne pourra plus être
neutralisé. Cela s’ajoute aux effets négatifs…
Mme la
présidente. Monsieur Dharréville, je ne peux pas vous laisser continuer
à défendre un amendement jugé irrecevable.
M. Pierre
Dharréville. … de la réforme de l’assurance chômage. Je serai bref.
Mme la
présidente. Si l’on commence à défendre les amendements
irrecevables…
M. Patrick
Mignola. Attention ! On entre dans l’obstruction au
carré !
M. Pierre
Dharréville. Nous avons déposé ce sous-amendement pour contribuer au
débat, en ouvrant une perspective nécessaire ; le Gouvernement pourra
reprendre nos propositions s’il le souhaite. (Exclamations sur plusieurs
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Par l’amendement, nous
proposions, au contraire de votre projet, de prendre en compte les allocations
reçues dans le calcul des points de retraites,…
M. Bruno
Millienne. La défense d’amendements qui n’existent pas, c’est
inédit ! Bravo !
Mme la
présidente. Merci, monsieur Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. …car sans une telle mesure, les bénéficiaires d’allocations
verront leurs pensions baisser de manière significative. (Applaudissements
sur les bancs du groupe FI.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir le
sous-amendement no 42573.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Comme le Conseil d’État l’a relevé, dans le système
institué par votre projet de loi, les périodes non indemnisées ne seront plus
prises en compte dans le calcul des retraites. Je profite de la défense de ce
sous-amendement pour réaffirmer qu’il serait juste qu’elles le soient, comme
devrait l’être la période d’attente d’un premier emploi, pour ceux qui sont
inscrits à Pôle emploi. Nous touchons là à une carence regrettable de ce projet
de loi.
Mme la
présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série
d’amendements identiques et les deux sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je ne peux que m’y opposer. Je rappelle que
nous inscrirons à l’article 61 du projet de loi la garantie de l’absence de
perte de droits.
M. Patrick
Mignola. Très bien !
(Les sous-amendements nos 42572 et 42573,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements no 8361 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Mme la
présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
2
Ordre du jour de la prochaine séance
Mme la
présidente. Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Suite
de la discussion du projet de loi instituant un système universel de
retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à minuit.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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