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Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Première séance du jeudi 27 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de M. Marc Le Fur
1.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (suite)
Article 3
(suite)
Amendement no 24932
M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Amendements nos 24933
, 3899
, 27354
Article 4
M. Stéphane
Viry
M. Jean-Paul
Dufrègne
Mme Catherine
Fabre
M. Cyrille
Isaac-Sibille
M. Éric
Coquerel
Amendements nos 227
, 343
, 397
, 489
, 948
, 3963
, 10662,
10664, 10666, 10678, 10679, 10683, 10687, 10689, 10693, 10697, 10701, 10704,
10707, 10709, 10713, 10716, 10720 , 11884
, 23809
, 24536
, 26745,
30999, 31000, 31001, 31002, 31003, 31004, 31005, 31006, 31008, 31009, 31010,
31011, 31012, 31013, 31014 , 34314
, 13493,
13494, 13495, 13496, 13497, 13498, 13499, 13500, 13501, 13502, 13503, 13504,
13505, 13506, 13507, 13508, 13509 , 13510,
13511, 13512, 13513, 13514, 13515, 13516, 13517, 13518, 13519, 13520, 13521,
13522, 13523, 13524, 13525, 13526 , 24934
, 23840
, 118
, 3961
, 11886,
11887, 24935, 25386 , 27395
, 13527,
13528, 13529, 13530, 13531, 13532, 13533, 13534, 13535, 13536, 13537, 13538,
13539, 13540, 13541, 13542, 13543
Mme Brigitte
Bourguignon, présidente de la commission spéciale
Rappels
au règlement
M. Rémy
Rebeyrotte
M. le
président
Suspension
et reprise de la séance
M. Fabien
Roussel
Mme Clémentine
Autain
M. Bruno
Millienne
M. Jean-René
Cazeneuve
M. Philippe
Vigier
M. Boris
Vallaud
M. Éric
Coquerel
Article 4
(suite)
Amendements nos 13544,
13545, 13546, 13547, 13548, 13549, 13550, 13551, 13552, 13553, 13554, 13555,
13556, 13557, 13558, 13559, 13560 , 24936
Fait
personnel
M. Frédéric
Petit
Rappels
au règlement
M. Rémy
Rebeyrotte
M. le
président
M. Hubert
Wulfranc
Article 4
(suite)
Amendements nos 13561,
13562, 13563, 13564, 13565, 13566, 13567, 13568, 13569, 13570, 13571, 13572,
13573, 13574, 13575, 13576, 13577 , 13578,
13579, 13580, 13581, 13582, 13583, 13584, 13585, 13586, 13587, 13588, 13589,
13590, 13591, 13592, 13593, 13594
M. le
président
Mme Monique
Iborra
M. le
président
Suspension
et reprise de la séance
Mme Brigitte
Bourguignon, présidente de la commission spéciale
Amendements nos 13595,
13596, 13597, 13598, 13599, 13600, 13601, 13602, 13603, 13604, 13605, 13606,
13607, 13608, 13609, 13610, 13611, 13612 , 7414
, 11878
, 11880
, 24937
, 42575
(sous-amendement) , 42577
(sous-amendement) , 13613,
13614, 13615, 13616, 13617, 13618, 13619, 13620, 13621, 13622, 13623, 13624,
13625, 13626, 13627, 13628, 13629 , 27358
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
M. Marc Le Fur
vice-président
M. le
président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le
président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623
rectifié, 2683).
Discussion des articles (suite)
M. le
président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles
du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 24932 à
l’article 3.
Article 3 (suite)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir
l’amendement no 24932.
M. Boris
Vallaud. Il vise à souligner et à dénoncer les conséquences, pour les
assurés, de la réforme du système général de retraite. Tout d’abord, le calcul
par points sur l’ensemble de la carrière entraîne plusieurs conséquences :
premièrement, un allongement de l’âge de départ à la retraite, qui sera de
65 ans, pour les générations entre 1975 et 2004, et de 67 ans pour la
génération 2005. C’est bien évidemment la source de toutes les injustices. Selon
que vous avez commencé à travailler tôt ou tard, il existera un allongement de
la durée de cotisation : les assurés n’ayant pas suivi de longues études,
qui commencent à travailler à 20 ans en moyenne, devront cotiser
quarante-cinq ans dans le futur système, voire quarante-sept ans pour
un assuré né en 2005, contre quarante-trois ans aujourd’hui.
L’âge
pivot emporte donc des conséquences tout à fait différentes pour les 25 %
de Français avec les plus hauts niveaux de revenus, qui jouissent en moyenne de
vingt-trois ans de retraite, et pour les 25 % de Français les plus
modestes, qui vivent en moyenne douze ans à la retraite : retirer un
an aux premiers est moins important que de retirer un an aux
seconds.
Enfin, si le montant des pensions est soumis aux aléas des
valeurs du point, à l’acquisition comme à la liquidation, il est évidemment très
dépendant de la seule règle d’or qui vaille : celle de l’équilibre
financier du système.
Globalement, le système entraîne donc deux
conséquences : reculer l’âge de départ effectif à la retraite de
trois ans pour ceux nés à partir de 2004, et une baisse très significative
du taux de remplacement, de l’ordre de vingt à trente points par rapport à la
situation actuelle. Il s’agit donc bien d’une régression par rapport à la
situation de celles et de ceux qui partent à la retraite aujourd’hui.
M. le
président. La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur
général de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission
spéciale. Votre amendement vise à supprimer un alinéa de coordination, qui a
pour objectif d’éviter que les assurés du système universel ne se retrouvent
dans un double régime d’affiliation à l’assurance vieillesse. Il conviendrait
donc de ne pas le supprimer. Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Même avis
que le rapporteur général.
(L’amendement no 24932 n’est pas
adopté.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir
l’amendement no 24933.
M. Boris
Vallaud. Je vais prolonger mon propos précédent, puisque la défense des
amendements nous permet d’avancer plusieurs arguments et de bien définir ce que
prévoit la réforme.
Lorsque nous nous interrogeons sur ce qu’est une
carrière complète, cela sous-entend que c’est pour atteindre le minimum de
pension, fixé à 85 % du SMIC en 2037. Le secrétaire d’État nous a répondu
qu’une carrière serait complète après 516 mois de travail, sachant que,
pour valider un mois, il faudra avoir cotisé à hauteur de cinquante heures SMIC.
Cela pose tout d’abord la question suivante : des droits sont-ils bel et
bien créés dès la première heure de travail, ou seulement à partir de
cinquante heures ? Pour être tout à fait complet, il faudrait en outre
ajouter que cette condition est valable sous réserve d’atteindre l’âge
d’équilibre de 65 ans en 2037 – voire 67 ans pour la génération
2005. Sans cela, point de minima, simplement des points assortis d’un
malus ! Et ce, même si l’on a bien cotisé quarante-trois ans.
Comme
cela a été évoqué, les jobs étudiants et les temps très partiels seront pris en
compte. Mais cela est déjà le cas aujourd’hui : trois heures de travail par
semaine ou un mois de travail l’été permettent de valider un trimestre, dix
heures de travail hebdomadaires donnent droit à trois trimestres. Certes,
dans le nouveau système, on cumulera quelques points même pour les contrats
inférieurs à trois heures par semaine. Mais, dans le système actuel, un
étudiant qui travaille 600 heures dans l’année se voit valider une année
pleine en termes de cotisation, alors que, dans le nouveau système, avec le même
temps d’activité, il se verra valider seulement 37 % d’une année pleine. Ce
n’est donc évidemment pas un progrès ! Ce que le Gouvernement prétend
donner d’une main, il le reprend en réalité toujours de l’autre.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. J’ai du mal à
comprendre l’argumentaire au vu de la rédaction de l’amendement. Les alinéas
qu’il tend à supprimer visent à assurer que les contractuels de droit public
seront intégrés dans le système universel. Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je voudrais soutenir l’argumentation développée par Boris
Vallaud. D’une part, nous savons bien que de nombreuses carrières emprunteront à
différents itinéraires, impliquant des passages dans différents secteurs.
D’autre part, il me semble que la formule que vous proposez portera gravement
atteinte à la retraite de celles et ceux qui auront des parcours discontinus,
comme la démonstration vous en a été faite hier sans que vous ayez su apporter
la preuve du contraire.
Nous voulons protéger un maximum de femmes et
d’hommes de votre mauvais projet de loi, et je suppose que c’est la raison pour
laquelle Boris Vallaud a souhaité sortir les contractuels de droit public du
dispositif qui nous est proposé.
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Je continue brièvement le décryptage de la réforme. S’agissant
des carrières longues, le Président de la République a eu l’occasion de dire
hier qu’il serait toujours possible de partir à 60 ans : certes, on
pourra toujours partir avant 67 ans. Étant donné que l’âge d’équilibre sera
abaissé de deux ans, on pourra effectivement partir à 65 ans, mais
avec une décote de deux ans, c’est-à-dire de 10 %. En revanche, l’âge
d’équilibre pour atteindre la surcote restera de 64 ans. C’est donc une
régression par rapport à la situation actuelle.
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Je voudrais rappeler deux éléments. Tout d’abord, un trimestre de
cotisation n’a jamais nourri personne ! Même si, dans le système actuel, il
est effectivement possible de valider un trimestre avec seulement
trois heures de travail par semaine, les deux paramètres de la retraite
restent complètement séparés : une fois que l’on a ses trimestres, on ne
sait pas pour autant combien on touchera ! Avec le système que nous
proposons, non seulement on peut valider des trimestres plus tôt, mais on sait
aussi, avec les points gagnés, l’argent sonnant et trébuchant auquel on a
droit.
Ensuite, je voudrais faire la liaison avec la discussion d’hier
soir. Je suis surpris des nombreux calculs qui nous sont présentés, sur les cas
de Gérard ou Jacqueline. Hier, vous avez défendu des amendements qui visaient à
maintenir le taux de remplacement, en augmentant, si nécessaire le salaire. Je
répète : vous souhaitez maintenir le taux de remplacement en augmentant, si
nécessaire, le salaire.
M. Boris
Vallaud. Je ne crois pas que nous ayons défendu un tel amendement.
M. Frédéric
Petit. C’est écrit dans les deux derniers amendements que nous avons
examinés hier soir.
M. Pierre
Dharréville. Ce n’est pas nous qui avons défendu de tels
amendements !
M. Frédéric
Petit. Il faut que nous mettions les choses bien au clair :
mathématiquement, on ne peut pas maintenir un taux de remplacement en augmentant
un salaire, ça ne marche pas !
M. Éric
Woerth. Il est fait référence au taux de remplacement par rapport à
celui engendré par le salaire précédemment, non ?
M. Frédéric
Petit. Relisez le dispositif des amendements d’hier soir !
M. le
président. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
(L’amendement no 24933 n’est pas
adopté.)
M. le
président. L’amendement no 3899 de Mme Marie-France
Lorho est défendu.
(L’amendement no 3899, repoussé par la
commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth, pour soutenir
l’amendement no 27354.
M. Éric
Woerth. Il vise à clarifier les dispositions relatives à la fonction
publique, en particulier s’agissant de l’institution de retraite complémentaire
des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques,
l’IRCANTEC.
Comme nous l’avons déjà indiqué, nous sommes favorables à
l’existence de régimes complémentaires qui viendraient en supplément d’un régime
universel socle cohérent, fusionné avec celui des fonctionnaires.
Nous
sommes favorables depuis longtemps à la fusion des régimes publics et privés. En
effet, cela figurait déjà dans l’article 16 de la loi portant réforme des
retraites de 2010, qui prévoyait l’instauration d’un régime universel par
points. Le terme « universel » visait à l’époque la fusion entre les
régimes publics et privés, et non pas l’intégration des caisses autonomes. Cette
fusion, à laquelle nous sommes favorables, entraînait de facto la suppression
des régimes spéciaux. Il existe donc des points de recouvrement sur des parties
très importantes, ce dont nous avons déjà discuté avec le secrétaire
d’État.
Nous souhaitons une fusion complète des régimes publics et privés
au travers de l’instauration d’un régime socle associé à des régimes
complémentaires. Tel est le sens de l’amendement.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Dans le système
universel, il n’y aura plus de distinction entre régime de base et régime
complémentaire. Par ailleurs, votre amendement aboutit à supprimer la
coordination permise par l’alinéa 12, qui vise les agents nés avant 1975.
De fait, avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Je n’ai pas compris à quels amendements notre collègue
Frédéric Petit faisait référence. Quoi qu’il en soit, je pense que c’est votre
texte, plutôt que nos amendements, qu’il faudrait réécrire.
Cela dit, le
mécanisme que vous prévoyez, notamment s’agissant des enseignants, a dévoilé un
problème majeur du système, au cœur du réacteur ! Vous essayez de colmater
de tous les côtés pour que ça ne fuie pas et que les résultats ne soient pas
trop catastrophiques, mais je crains que ce ne soit le cas malgré
tout.
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Nous terminons l’examen de l’article 3, et j’ai donc une
question à adresser à la fois au rapporteur général et au secrétaire d’État.
Vous nous dites que, pour tous les cas types, le taux de rendement reste de
5,5 %. C’est d’ailleurs l’un de vos arguments de vente de la
réforme.
Or, entre 2025 et 2042, la valeur d’acquisition du point ne
progressera que de la moitié de la hausse du pouvoir d’achat du salaire moyen
– c’est ce qui ressort en partie des pages 196 et 197 de l’étude
d’impact, qui précise qu’entre 2025 et 2042 « l’indexation de la valeur du
point […] est réalisée par une pondération entre inflation et salaire moyen par
tête ». Exprimé en pouvoir d’achat, cela signifie que, si le salaire moyen
progresse de 1,3 % par an durant dix-sept ans et que l’indexation
pondérée est de 0,65 % par an, il y aura une perte nette de pouvoir d’achat
pour certains. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Une précision : comme nous l’avons dit, en augmentant les
rémunérations, nous cherchons à garantir ou rattraper un niveau de pension. Or
je soutiens que, dans les amendements que nous avons étudiés hier, vous
cherchiez à maintenir un taux de remplacement. Mais ce n’est pas possible en
augmentant les pensions !
M. Pierre
Dharréville. Ah, mais vous parlez du taux de remplacement ? Non,
effectivement ! Vous mélangez tout !
M. Frédéric
Petit. Ce n’est pas moi qui mélange tout ! C’est une règle de
trois : si vous augmentez la rémunération…(M. Pierre
Dharréville s’exclame.) Bref. J’ai terminé, monsieur le président.
M. Pierre
Dharréville. On y reviendra, monsieur Petit, ne vous inquiétez
pas !
M. le
président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine
Dubié. L’IRCANTEC gère également la retraite des élus locaux
– maires, conseillers départementaux et régionaux. Applique-t-elle déjà un
système par points ? L’élu local qui continue une activité salariée
– et sera donc soumis au futur régime par points au titre de cette
activité – pourra-t-il cumuler, pour le calcul de sa retraite, les points
acquis sur une même période au titre, respectivement, de son mandat et de son
activité professionnelle ?
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. S’agissant de l’AGIRC-ARRCO – association générale des
institutions de retraite des cadres et association pour le régime de retraite
complémentaire des salariés –, la Cour des comptes, en analysant que
la valeur d’achat du point avait évolué plus rapidement que sa valeur de service
– cette distinction est donc bien faite entre les deux valeurs –, a
montré que le rendement du régime a diminué, passant de 6,56 % en 2015 à
5,99 % en 2018.
Une perte de valeur du point est donc bien
constatée, en raison de l’évolution différenciée des valeurs de service, d’une
part, et d’achat, d’autre part. Cela n’a rien de théorique : la Cour des
comptes le relève clairement pour le régime complémentaire AGIRC-ARCCO. On peut
toujours parler de valeur de rendement ou dire que l’on sait à quelle valeur
correspondent les points que l’on possède ; en réalité, ces deux valeurs –
de service et d’achat – dont nous reparlerons lorsque nous aborderons le
sujet du point, sont absolument essentielles dans le régime que vous souhaitez
créer. Il est nécessaire qu’elles restent bien liées pour éviter toute perte de
rendement pour les retraites futures.
(L’amendement no 27354 n’est pas
adopté.)
(L’article 3 est adopté.)
Article 4
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. Avant de partager quelques observations au sujet de
l’article 4, je voudrais souligner que notre rythme de travail est soutenu.
Il me paraît conforme au rythme habituel de nos travaux, ce dont je me félicite.
Je me suis exprimé hier soir au sujet de l’article 3 et suis ravi que nous
abordions dès à présent l’article 4.
Il s’agit d’un article
important, car il procède à l’intégration des travailleurs indépendants dans le
champ du système universel. Ils seront ainsi soumis aux mêmes règles de calcul
que les autres travailleurs. Nous en parlons depuis une semaine ; il s’agit
du système que vous avez choisi, mais nous n’aurions pas fait le même choix. Nos
avis divergent totalement quant à la solution adaptée à leur
situation.
J’espère que la discussion sur les amendements nous permettra
d’obtenir les réponses aux questions qui nous préoccupent quant à votre système
baroque et inefficace, et qui concernent son coût. En effet, ce système aura
nécessairement des implications économiques et budgétaires qui nous paraissent
aujourd’hui masquées. Or nous ne pouvons pas prendre une décision sans en
connaître les conséquences financières.
Nous nous interrogeons surtout
sur la différenciation entre les travailleurs indépendants nés avant 1975 et
ceux qui sont nés après – qui seront, quant à eux, automatiquement intégrés
dans le système. Il reste donc des inconnues et des interrogations. Deux
situations coexisteront durant la phase de transition. Certains bénéficieront
d’une couverture commune des risques vieillesse et invalidité-décès, alors que
d’autres auront des couvertures distinctes, avec un risque vieillesse dépendant
d’une branche différente de celle du risque invalidité-décès, couvert par les
anciens régimes. Tout ceci nous paraît hasardeux et inquiétant pour les assurés.
Nous espérons sérieusement que les débats sur les amendements déposés à
l’article 4 nous permettront d’y voir plus clair.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous abordons, avec l’article 4, l’épineuse
question de la fusion, dans votre système universel, des régimes autonomes des
travailleurs indépendants et libéraux et de leurs caisses complémentaires. Dans
de nombreux cas, cette fusion fera des perdants, que ce soit en matière de
cotisations ou de prestations. Certaines catégories d’indépendants subiront un
doublement de leurs cotisations dans le cadre du système universel, sans y
gagner en matière de prestations. Plusieurs professions sont également très
opposées à ce texte car elles se verront dépossédées de la gestion de leur
régime autonome ou de leur caisse complémentaire.
L’occasion nous est
donnée ici d’évoquer de nouveau ce qui vous oppose aux avocats, dont je rappelle
qu’ils sont engagés dans une mobilisation historique et sans précédent. Ils vous
reprochent de vouloir instaurer une retraite minimale de 1 000 euros,
contre 1 400 euros aujourd’hui. Ils s’insurgent contre l’augmentation
du taux de cotisation qui, s’il est appliqué, pénalisera durement les plus
petits cabinets – c’est le cas dans mon département. Ils verront en effet
ce taux passer de 14 % à 28 % quand, dans le même temps, les gros
cabinets seront amenés à payer moins.
M.
Jean-René Cazeneuve. C’est faux ! Nous l’avons répété cent
fois !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Si c’est faux, démontrez-le ! En tout cas, ce
n’est pas ce que disent les avocats. Ce n’est pas plus faux que ce que disait
M. Petit tout à l’heure.
M. Sylvain
Maillard. C’est donc faux !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Une fois encore, vous déroulez une politique de
classes, au service des plus puissants – mais ce n’est pas nouveau –
et au grand dam des plus démunis. En pénalisant les petits cabinets, vous
touchez durement les populations les plus fragiles qui bénéficient de l’aide
juridictionnelle. Au fond, vous faites ici porter aux seuls avocats les caprices
d’une politique et d’une réforme qui desservent une profession pourtant peu
habituée à manifester de la sorte. Sachez que nous les soutenons et que nous
restons déterminés à ce que cette mauvaise réforme ne touche pas des femmes et
des hommes si utiles au bon fonctionnement de notre république.
Plusieurs députés du groupe
LaREM. Tout le monde est utile !
M. Sylvain
Maillard. Vous êtes les lobbyistes des avocats !
M. le
président. La parole est à Mme Catherine Fabre.
Mme
Catherine Fabre. En réponse à M. Dufrègne, je voudrais d’abord
préciser que tout le monde est utile dans notre société. (Applaudissements
sur certains bancs du groupe LaREM.) Les avocats sont
60 000 en France. Dans une population d’environ 60 millions de
personnes, de nombreux autres professionnels sont certainement utiles
aussi ! Je vous remercierais de penser à eux.
M. Pierre
Dharréville. Rassurez-vous, nous en parlerons aussi. Nous allons faire
la liste !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Et les agriculteurs ? Vous les
abandonnez ! C’est honteux !
Mme
Catherine Fabre. Nous sommes très fiers de défendre l’article 4,
car il prévoit que l’ensemble des professions indépendantes, des artisans, des
commerçants et des professions libérales seront intégrés dans le système
universel. L’objectif est de leur offrir une meilleure lisibilité de leur
situation, mais surtout une protection largement accrue. De nombreux artisans et
commerçants souhaitent intégrer ce régime, dans lequel ils seront
gagnants ! Ce sera aussi le cas de la plupart des professions libérales. En
effet, elles ne subiront pas de surcoût – au contraire, nous accédons à
l’une de leurs revendications de longue date, qui est la simplification de
l’assiette sociale. Je souhaite le dire à l’ensemble de ces artisans,
commerçants et professions libérales, car ils la revendiquent depuis très
longtemps. Dans le même temps, nous leur offrons également une meilleure
couverture et davantage de droits pour la retraite, sans aucun surcoût.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Il est certain que vous ne mettez pas beaucoup de
moyens !
Mme
Catherine Fabre. Les cotisations supplémentaires sont en effet
compensées par l’abaissement de l’assiette sociale. L’ensemble de ces
professionnels seront donc gagnants, bénéficieront de nouveaux droits et seront
mieux protégés au moment de leur retraite, grâce à cette réforme, qu’ils soient
artisans, commerçants, professions indépendantes et libérales. Nous sommes donc
fiers de l’article 4. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Sylvain
Maillard. Excellent !
M. Pierre
Dharréville. Il doit y avoir une étude d’impact cachée !
Fournissez-nous vos chiffres !
M. le
président. La parole est à M. Cyrille Isaac-Sibille.
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Il est important de souligner, à l’occasion de la
discussion sur l’article 4, que cette réforme ne concerne pas uniquement
notre système de retraite mais plus globalement notre système social, comme le
soulignait l’ancien haut-commissaire Delevoye. Les professions libérales et
indépendantes – notamment les avocats, dont on parle beaucoup – ne
sont pas tant fragilisées par la réforme des retraites que par le système qui
encadre leurs professions. Dans les semaines à venir, il nous faudra réfléchir
au moyen de renforcer le modèle libéral au sein de notre société. Je suis très
satisfait de constater que sur l’ensemble de ces bancs, aussi bien à droite qu’à
gauche, on défend le modèle libéral des professions indépendantes.
M. Sylvain
Maillard. Oui, c’est vrai.
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. L’article 4 concerne effectivement les travailleuses et
travailleurs indépendants, qui rejoindraient ainsi le régime dit universel. Pour
notre part, nous rejetons cette disposition. Nous ne sommes pas opposés à
l’application de dispositions équitablement uniformes en matière de pensions de
retraite, mais à la façon dont vous proposez de le faire. Les spécificités des
régimes applicables aux libéraux, qui ont fait l’objet d’accords et sont le
fruit de l’histoire, sont en effet trop souvent ignorées. Nous avons évoqué hier
les avocats, dont nous reparlerons ultérieurement dans le débat :
l’augmentation du taux de cotisation à 28 % menace de disparition les plus
fragiles d’entre eux. En réalité, pour toutes les professions libérales qui
manifestaient récemment – comme les médecins –, c’est un grand saut
dans le vide.
Ça l’est d’autant plus que, s’il est intéressant de pouvoir
discuter de l’article 4, la modification des taux et assiettes des
cotisations figure en réalité à l’article 21 – qui renvoie à des
ordonnances ! Une fois de plus nous travaillons, pour des millions de nos
concitoyens, sur un projet de loi contenant des mesures qui seront ensuite
définies par le Gouvernement et non par l’Assemblée. C’est l’une des raisons
pour lesquelles nous nous opposons à l’article 4.
M. le
président. Je suis saisi de plusieurs amendements,
no 227 et identiques, tendant à supprimer
l’article 4.
Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe Les
Républicains et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande
de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
L’amendement no 227 de M. Fabrice Brun
est défendu.
La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir
l’amendement no 343.
Mme
Emmanuelle Anthoine. L’article 4 prévoit l’application du système
universel de retraite aux travailleurs indépendants. Or il est important de
rappeler, comme nous l’avons déjà fait, que certains régimes sont à l’équilibre
et pérennes.
Un député du groupe
LaREM. Pas tous !
Mme
Emmanuelle Anthoine. Compte tenu des spécificités de ces professions,
pourquoi voulez-vous absolument les intégrer dans le régime universel ?
Dans d’autres pays, les libéraux sont rattachés à des régimes autonomes, qui
préservent leur indépendance. En doublant les taux de cotisation, alors que les
retraites ne progresseront pas, voire régresseront par rapport à leur montant
actuel, vous allez pénaliser les indépendants. C’est la raison pour laquelle
nous vous demandons de supprimer cet article.
M. le
président. La parole est à M. Maxime Minot, pour soutenir
l’amendement no 397.
M. Maxime
Minot. Je propose également de supprimer l’article 4. En effet,
alors que les régimes d’assurance vieillesse des avocats et de certaines
professions libérales sont autonomes et bénéficiaires, ce projet de loi prévoit
de les supprimer. L’intention de mettre toutes les professions sur un pied
d’égalité en ce qui concerne la retraite serait compréhensible si elle ne
mettait pas en péril la survie de certaines d’entre elles. L’intégration de
l’assurance vieillesse des avocats au système universel s’accompagne d’un
doublement de leur taux de cotisation, qui passe de 14 % à 28 %. Cela
entraîne un risque financier majeur, notamment pour les petits cabinets et, in
fine, une mise en danger de l’accès au droit. Le présent amendement propose donc
de supprimer l’article 4.
M. le
président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour
soutenir l’amendement no 489.
Mme
Marie-Christine Dalloz. L’article 4 soulève effectivement des
questions au sujet desquelles nous n’avons toujours pas reçu de réponse. Je ne
peux m’empêcher de sourire lorsque j’entends les éléments de langage du groupe
La République en marche. Car, si certaines professions indépendantes bénéficient
effectivement dans ce nouveau système d’un minimum vieillesse plus élevé que
celui auquel elles auraient pu s’attendre (Applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM) – attendez, je n’ai pas
fini ! –, cela ne concerne qu’une infime partie des professions
libérales et indépendantes, notamment les artisans et les commerçants.
En
outre, n’oublions pas que la retraite ne sera pas offerte à ces
professions : elles la payeront, avec des cotisations doublées. Je ne
comprends donc pas où est l’intérêt pour elles.
M.
Jean-René Cazeneuve. Vos chiffres ne sont pas bons !
M. Pierre
Dharréville. Et les vôtres, où sont-ils ?
Mme
Marie-Christine Dalloz. Je crois sincèrement que certains de ces
professionnels rencontreront de réelles difficultés pour payer leurs cotisations
retraite dans le régime auquel vous les affiliez, en particulier les
indépendants, comme les coiffeurs.
Quant aux professions libérales qui
sont également considérées comme indépendantes – nous avons beaucoup parlé
des avocats hier, mais je pense aussi aux experts-comptables, aux médecins, aux
spécialités paramédicales comme les podologues ou les kinésithérapeutes –,
elles seront non seulement ponctionnées par un doublement du taux de cotisation,
mais se verront en outre garantir un minimum retraite très inférieur à celui
auquel elles pouvaient prétendre auparavant.
Pour augmenter le niveau de
retraite d’une très faible part de ces professions – ce qui a justifié vos
applaudissements à l’instant –, vous allez affaiblir toutes les autres
catégories au nom du dogme de la retraite à points.
D’ailleurs, la
meilleure preuve qu’il y a un problème, c’est que vous avez été obligés, par le
biais d’un amendement du Gouvernement, de réduire l’assiette de la CSG. Vous
avez vous-mêmes compris qu’il y avait un problème dans votre dispositif !
Je ne vous applaudis pas.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la
suppression de l’article 4. (M. Éric Coquerel
applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir
l’amendement no 948.
M. Boris
Vallaud. Nous continuons de souligner la difficulté que pose
l’intégration des indépendants dans votre système universel de retraite. En
effet, entre une et trois fois le PASS – plafond annuel de la sécurité sociale
–, les indépendants cotiseront moins que les salariés : leurs revenus
seront soumis à un taux de cotisation de 12,94 %, dont 2,81 points de
part non contributive, ce qui est, en proportion, beaucoup plus important que
pour les salariés. Aussi, le taux de rendement réel de leurs cotisations, qui
prend en compte la part non contributive, sera substantiellement inférieur à
celui des salariés, ce qui constitue, à notre sens, une rupture d’égalité
majeure.
Par ailleurs, nous avons déjà évoqué une crainte importante
s’agissant de l’assiette de la CSG, qui sera modifiée pour les indépendants et
non pour les salariés. En dépit de l’avis du Conseil d’État, la CSG reste une
contribution de toute nature : nous redoutons donc que la jurisprudence
constante du Conseil constitutionnel ait vocation à s’appliquer et qu’au
lendemain de l’adoption de ce projet de loi – si telle devait être la
funeste conclusion de nos débats –, une censure du Conseil constitutionnel
remette en question les promesses formulées par le Gouvernement au bénéfice des
indépendants.
Mme
Marie-Christine Dalloz. C’est vrai !
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 3963.
Mme
Emmanuelle Ménard. Il s’agit également d’un amendement de suppression de
l’article 4, lequel vise à intégrer au système universel de retraite les
travailleurs indépendants que sont les artisans, les commerçants et les
professionnels libéraux, alors que leurs régimes indépendants et autonomes n’ont
jamais coûté un seul euro aux contribuables depuis leur création.
Ces
régimes autonomes permettent de prendre en compte les spécificités de ces
professions et d’introduire de la souplesse dans la définition des règles qui
les régissent, sans que cela ne coûte, encore une fois, un seul euro à la
sécurité sociale. Ils sont à l’équilibre. Le régime autonome des avocats, en
particulier, reverse chaque année près de 100 millions d’euros au régime
général. Le Gouvernement s’apprête à leur confisquer les 2 milliards
d’euros de réserves qu’ils ont rassemblés par leurs efforts.
Un libéral
paie 100 % de sa cotisation retraite : il est donc nécessaire de
moduler son taux de cotisation en fonction des caractéristiques de sa
profession. En voulant imposer un même taux de cotisation à tous, vous allez
fortement pénaliser certaines professions, alors que rien ne le justifie. En
intégrant l’assurance vieillesse des libéraux au système universel, ceux-ci vont
voir leur taux de cotisation doubler, passant de 14 % à 28 %, sans
avoir la certitude de bénéficier du même niveau de pension. Pour les avocats,
cette intégration n’est ni plus ni moins qu’un impôt déguisé, puisqu’elle
reviendra à leur faire financer les régimes d’autres professions aujourd’hui
déficitaires, à commencer par les régimes spéciaux du secteur public, dont les
avantages ne sont plus financés et grèvent le budget de l’État.
Mme
Emmanuelle Anthoine. Eh oui !
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir
l’amendement no 10662 et seize autres amendements identiques
déposés par les membres du groupe La France insoumise.
Mme
Clémentine Autain. Nous avons également déposé des amendements de
suppression de l’article 4 car l’intégration des indépendants dans le
système universel de retraite pose de très nombreux problèmes.
Je pense
tout d’abord à l’étape de transition, puisque le projet de loi prévoit un
lissage sur quinze ans sans que nous n’y voyions tout à fait clair. La hausse
des cotisations retraite devra être compensée, nous dit-on, par une baisse de la
CSG, mais il ne s’agit pas du tout de la même chose : on va donc déposséder
la sécurité sociale d’une partie de ses ressources et appauvrir certaines
catégories de la population, en particulier les professions qui font tourner
notre système de santé et notre système juridique. En effet, il est prévu une
sorte de « vol du siècle », comme disent les syndicats de médecins,
puisque les réserves accumulées par les professions bénéficiant d’un système
autonome serviront à payer la transition. Nous parlons de plus de
2 milliards d’euros dans les caisses d’avocats et de 7,7 milliards
d’euros dans les caisses des médecins, ce qui est tout à fait
considérable.
Les usagers que nous sommes en subiront les répercussions.
En Seine-Saint-Denis, où 70 % de la population est éligible à l’aide
juridique, la situation est préoccupante : à cause du doublement du taux de
cotisation, qui va passer à 28 %, 40 % des cabinets du département
risquent de fermer, et ce sont justement ceux qui assurent l’aide juridique au
profit des populations les plus fragiles.
Par ailleurs, ces professions
subiront une baisse drastique du niveau de leurs pensions. Je pense par exemple
aux médecins, qui ont anticipé qu’en 2050, les pensions qu’ils toucheront dans
le cadre de votre système universel seront environ 30 % inférieures à
celles qu’ils auraient perçues en vertu des règles actuelles. Il est évident que
ceux qui le pourront iront voir du côté de l’épargne retraite, c’est-à-dire
qu’ils vont recourir à la capitalisation. Nous percevons ainsi la catastrophe
que provoquera la mise en place de votre système.
M. le
président. L’amendement no 11884 de M. Marc
Le Fur est défendu.
La parole est à Mme Valérie Beauvais, pour
soutenir l’amendement no 23809.
Mme Valérie
Beauvais. Les professions libérales, les commerçants et les artisans
seront les grands perdants de votre système universel de retraite. Ces
professionnels ont fait le choix de l’indépendance dans leur activité : ils
en assument donc toutes les conséquences, mais pas celle de voir doubler leur
cotisation, ce qui va obérer leur pouvoir d’achat durant leur activité sans pour
autant leur assurer une retraite décente. Cela a déjà été démontré brillamment
par mes collègues, notamment par Marie-Christine Dalloz. Les commerçants
subissent depuis de nombreux mois des difficultés économiques. Vous le savez,
les différents mouvements qui se sont succédé ont déjà fortement fragilisé leur
trésorerie. Le nouveau système, que vous prétendez équitable, tire au contraire
les professions libérales vers le bas. Aussi convient-il de supprimer
l’article 4. (Mme Marie-Christine Dalloz
applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry, pour soutenir
l’amendement no 24536.
M. Stéphane
Viry. De nombreux amendements de suppression de l’article 4 ont été
déposés. J’observe, comme je l’ai déjà fait la semaine dernière, que
l’amendement signé par Mme Le Pen et plusieurs de ses collègues n’a
pas été défendu. Cela devient monnaie courante ! Je tenais à vous le faire
remarquer.
Quant à nous, nous considérons que les professions libérales
et les travailleurs indépendants sont, avant toute chose, des acteurs
économiques. Ils se caractérisent par des particularités et des exigences liées
à leur modèle économique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils
bénéficient d’un régime spécifique, notamment en matière de protection sociale
et de retraite : puisqu’ils ne dépendent de personne et n’ont aucun lien de
subordination, ils disposent de leurs propres caisses, gérées par eux-mêmes avec
beaucoup de sagesse et de prévoyance, qui permettent d’assurer leur pérennité. À
mon avis, il faut donc supprimer cet article 4.
Permettez-moi de
faire une observation un peu plus large. Nous avons beaucoup parlé de certaines
professions libérales, mais votre proposition suscite des craintes majeures chez
les orthophonistes, les infirmiers et beaucoup d’autres.
Il me paraît
nécessaire de prolonger les étapes parcourues depuis les années quatre-vingt-dix
et la première décennie des années 2000, qui ont permis de consolider notre
système de retraite, de le pérenniser et d’assurer, à terme, le paiement des
pensions. Il me semble donc nécessaire de débattre, pendant ce quinquennat, de
notre système de retraite en vue de franchir une étape supplémentaire dans le
mouvement déjà engagé. Cependant, vous mettez sur la table les fondements mêmes
de ce système : vous voulez fracasser l’existant. Or un système de retraite
ne peut fonctionner que s’il a une légitimité populaire, que s’il y a une forme
d’assentiment de la population sur ce que vous lui proposez en termes d’offre de
services. En l’occurrence, au-delà de nos divergences majeures concernant le
système que vous voulez mettre en place, dont nous contestons un certain nombre
de finalités et d’orientations, il me paraît très hasardeux de vouloir passer en
force, coûte que coûte, au regard de l’état du pays, de sa fragilité morale et
de plusieurs éléments qui devraient nous appeler à une certaine vigilance
démocratique.
On voit bien que votre système ne suscite pas d’adhésion
majoritaire ! Il est refusé par l’ensemble des travailleurs indépendants,
ainsi que par un grand nombre de salariés et de travailleurs. Vous prenez donc
un risque. Votre projet de loi sera probablement adopté – nous verrons bien
dans quelles circonstances, nous pourrions en débattre très longuement –,
mais il ne s’agit pas seulement de poser un nouveau cadre législatif : il
faut aussi s’assurer que son application sera aisée et que ses effets
collatéraux ne seront pas dramatiques. Je le répète, vous prenez un risque.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir
l’amendement no 26745 et quinze autres amendements identiques
déposés par les membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
M. Alain
Bruneel. L’article 4 prévoit que le système universel de retraite
s’appliquera aux travailleurs indépendants. (Mme Nadia
Essayan s’exclame.) Si notre collègue du groupe La République en marche veut
s’exprimer, elle n’a qu’à prendre le micro : ce sera beaucoup plus
simple !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce
n’est pas une députée du groupe La République en marche, mais une députée du
groupe MODEM !
M. Alain
Bruneel. Je disais donc que le système universel de retraite allait
s’appliquer aux travailleurs indépendants, aux artisans, aux commerçants et aux
professionnels libéraux. L’article 4 prévoit donc la fusion, dans le
système universel, des régimes autonomes des travailleurs indépendants et
libéraux et de leurs caisses complémentaires. Dans de nombreux cas, cette fusion
fera des perdants, que ce soit en termes de cotisations ou en termes de
prestations.
Tout d’abord, votre système ne peut être équitable et juste
puisque chaque secteur d’activité a ses spécificités. Il n’est pas
compréhensible de créer un système universel, dans la mesure où les libéraux,
les fonctionnaires et les salariés du secteur privé ne bénéficient pas du même
traitement. Les indépendants ne profitent pas des mêmes avantages sociaux que
les autres actifs. De ce fait, des règles uniformisées pour la retraite seront
préjudiciables aux professions libérales et aux indépendants, qui travaillent
largement plus que les 35 heures hebdomadaires auxquelles sont soumis les
fonctionnaires et les salariés. En matière de santé, entre autres, les
professions libérales ne bénéficient pas d’un système leur garantissant la même
protection que celle accordée aux fonctionnaires et aux salariés.
Du fait
de votre réforme, certaines catégories d’indépendants subiront un doublement de
leurs cotisations dans le cadre du système universel – 28 % jusqu’au
plafond annuel de 40 000 euros – sans rien gagner en termes de
prestations. Plusieurs professions sont également très opposées à ce texte, car
elles perdront la gestion de leur régime autonome – on a beaucoup parlé des
avocats et de leur caisse complémentaire, mais la réforme suscite aussi
l’opposition des kinés, des pharmaciens et des experts-comptables.
(M. Jean-Paul Dufrègne
applaudit.)
M. le
président. L’amendement no 34314 de M. Pierre
Morel-À-L’Huissier est défendu.
Quel est l’avis de la commission sur ces
amendements de suppression ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Cette série
d’amendements identiques vise à exclure du système universel les artisans, les
commerçants et les professions libérales. Bien entendu, nous ne partageons pas
ce point de vue, pour trois raisons.
Premièrement, nous ne voyons pas ce
qui justifierait l’exception proposée. Ce serait, d’une certaine manière, une
rupture d’égalité. Nous souhaitons que toutes les professions rentrent dans ce
système universel et puissent bénéficier de l’ensemble des mesures de solidarité
qu’il prévoira. Nous ne voyons pas pourquoi telle ou telle profession en serait
exclue. Je ne pense pas, madame Dalloz, que ce soit une différence d’éléments de
langage : il y a une divergence de vision programmatique entre le groupe
Les Républicains et la majorité, dont nous pourrons bien entendu débattre à
l’occasion de l’examen de cet article.
Deuxièmement, ces professions
appelées à entrer dans le régime universel – indépendants, commerçants,
professions libérales – vont bénéficier de dispositions dérogatoires, aussi bien
durant la période transitoire qu’une fois le système cible mis en
place.
Troisièmement, les caisses qui gèrent aujourd’hui les retraites de
ces professions continueront à fonctionner dans le futur système via des
conventions avec la CNRU – Caisse nationale de retraite universelle –
afin de faire vivre des dispositifs de solidarité au sein de ces
professions.
L’avis sera donc défavorable à l’ensemble de ces amendements
de suppression.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il est défavorable. Je voudrais
profiter de cet échange pour revenir sur un certain nombre de contre-vérités et
d’approximations.
M. Pierre
Dharréville. Nous marquons des désaccords politiques !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Il ne s’agit pas de ça. Nous
avons déjà parlé dix fois, vingt fois, quarante fois, de ce sujet des réserves.
Je vous ai indiqué l’article du projet de loi qui précise qu’il n’y aura aucune
expropriation en la matière ; je vous ai rappelé le discours tenu par le
Premier ministre le 11 décembre ; j’ai explicité à plusieurs reprises la
position du Gouvernement sur la question. En dépit de tout cela, des députés
continuent à affirmer ici que ces caisses seront dépouillées de leurs réserves,
ce qui est faux, objectivement faux ! (Applaudissements sur les bancs
des groupes LaREM et MODEM.) Il est compliqué de débattre face à une
succession de contre-vérités constamment réaffirmées, alors que ces informations
ont déjà été données à maintes reprises ici.
Une telle accumulation de
contre-vérités trahit la volonté d’entretenir une sorte de flou artistique.
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
Mme Valérie
Beauvais. C’est vous, le flou !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je vous remercie de me laisser
m’exprimer.
Deuxième contre-vérité, on vient d’affirmer de la même façon
que les cotisations augmenteraient et que les pensions baisseraient.
M.
Jean-René Cazeneuve. Faux !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Jean-Pierre Door, qui fait
partie des députés qui connaissent bien le sujet et avec qui nous en avons
discuté il y a quatre ou cinq jours, n’aurait jamais dit cela ! Il a bien
conscience que, même si les cotisations des médecins sont supérieures à celles
qu’ils acquitteront dans le régime universel, le niveau de leurs pensions ne
sera pas inférieur en proportion. Les médecins, dont j’ai rencontré les
représentants, le savent bien.
M. Maxime
Minot. Auchan et la vie change !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. On ne peut pas dire en
permanence que toutes les professions libérales sont vent debout contre cette
transformation de société, autre contre-vérité dont la récurrence ne fait pas
une vérité.
M.
Jean-René Cazeneuve. Faux !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. C’est faux ! Le
haut-commissaire et moi-même avons rencontré l’ensemble des organisations
représentatives des professions libérales. Ils préféreraient bien sûr qu’on se
limite à un PASS. Je reconnais à ce propos, monsieur le président Woerth, je
vous l’ai dit à plusieurs reprises, que le projet que vous défendez est plus
proche de ce que veulent ces professions que de notre projet. Celles-ci ont
cependant reconnu qu’en dépit des évolutions de leurs cotisations, elles s’y
retrouveraient en termes de niveau des pensions, dans un sens comme dans un
autre. Il faut là aussi être clair et n’avancer que des éléments objectifs,
vérifiables et comparables. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM
et MODEM.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Il y a quand même quelque chose que je n’arrive pas à
comprendre, monsieur le secrétaire d’État : pourquoi les avocats ne
voient-ils pas les choses comme vous ? Eux disent que vous allez piller les
réserves de leur caisse, qui va en tout état de cause disparaître du fait de
leur entrée dans le régime général.
M. Bruno
Millienne. Ce serait pire avec votre contre-projet !
Mme
Clémentine Autain. Deuxièmement, vous ne pouvez absolument pas affirmer
que les pensions ne baisseront pas, alors que toutes les organisations
représentatives de ces professions – artisans, commerçants, professions
libérales, médecins, infirmières et bien d’autres – disent le contraire,
projections à l’appui. Quant à la concertation que vous affichez, comment
expliquez-vous que ces syndicats – les avocats hier encore devant l’Assemblée
nationale vous pressaient de les rencontrer – aient le sentiment que leur voix
n’a pas été entendu et affirment qu’il y a eu très peu de discussions sur
l’évolution de leur régime spécifique ? Ce ne sont pas seulement les
députés de l’opposition que vous mettez en cause par cette affirmation, mais
également les syndicats représentatifs des professions en question et des
mobilisations qui dépassent même celles et ceux qui sont syndiqués. Pouvez-vous
nous expliquer pourquoi ils sont tellement en colère si votre système est si
vertueux ?
Pouvez-vous, par ailleurs, nous expliquer comment vous
comptez compenser la hausse de leurs cotisations, qui sera bien réelle – celles
des avocats vont ainsi passer de 14 à 28 points ? Rien ne garantit que
la baisse de la CSG, qui ne nous convient pas du tout puisque cela revient à
déshabiller Paul pour habiller Jacques, sera durable et susceptible d’assurer
véritablement cette compensation. Vous êtes en train de nous raconter des
sornettes absolues !
M. le
président. La parole est à M. Bruno Fuchs.
M. Bruno
Fuchs. La France est championne du monde de l’exception, de la niche.
Dans le village gaulois, on ne veut jamais vraiment être comme les autres.
M. Alain
Bruneel. Parce que c’est une qualité de vouloir être comme les
autres ?
M. Bruno
Fuchs. Le principe même de ce projet, c’est la solidarité, que nous
soyons tous solidaires les uns des autres. Pourquoi les routiers ne
devraient-ils l’être que des routiers, les avocats des avocats, les mineurs des
mineurs ? Pourquoi un mineur ne serait-il pas solidaire d’un routier, un
avocat d’un mineur ?
M. Éric
Woerth. S’il y a des régimes spécifiques, c’est qu’il y a des
raisons !
M. Bruno
Fuchs. Le principe même est de restaurer une solidarité qui permette à
chacun, à chaque profession en difficulté de s’appuyer sur l’ensemble de la
solidarité nationale. Ce nouveau système sera enraciné dans la solidarité
nationale.
S’agissant des avocats, la problématique est double. Il est
vrai que leur taux de cotisation passe de 14 à 28 %, mais la charge qu’ils
auront à supporter ne doublera pas puisqu’il y a 30 % de CSG et que
2 % ont déjà été décidés par la profession. Il faudra donc trouver
5,6 % entre 2029 et 2040, mais d’ici à 2029 ils ne subiront pas
d’augmentation.
Les avocats sont souvent véhéments à mon égard sur les
réseaux sociaux, alors que je soutiens cette profession qui souffre d’une grande
précarité. On sait que 30 % d’entre eux n’exercent pas plus de dix ans. Ils
ne quittent pas la profession à cause des retraites, mais parce que le métier
est difficile et que nombre de cabinets sont trop petits pour ne pas être
fragiles. Au-delà de la question des retraites se pose donc celle de
l’attractivité de ce métier, qui suppose qu’on renforce les petits
cabinets.
C’est pourquoi je conseille aux avocats, aux syndicats et à
leur ministre de tutelle de se rencontrer pour réfléchir ensemble, au-delà de
cette question des retraites, dont on voit que le règlement prendra une dizaine
d’années tant les enjeux financiers sont grands, à un plan d’ampleur pour
redonner de l’attractivité à ce métier.
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Un régime universel total dont tout le monde relèverait, tant
pour sa couverture complémentaire que pour sa couverture de base, c’est l’Union
soviétique des années soixante, sans vouloir choquer nos excellents
collègues !
M. Sylvain
Maillard. Si c’était vrai, ça leur plairait !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Les staliniens, aujourd’hui, c’est eux. Et c’est dur
à porter, on peut vous le dire !
M. Éric
Woerth. Il doit certes y avoir une part de solidarité, dans le pays très
solidaire que nous sommes, mais on doit aussi tenir compte des particularités
des professions. Pourquoi ne pas laisser vivre ces régimes autonomes ?
Laissez-les donc vivre ! Ils n’embêtent personne !
Mme
Emmanuelle Anthoine. Très bien !
M. Éric
Woerth. Je ne conteste pas qu’il faille les amener à plus de convergence
et que leurs modes de calcul sont parfois complexes, notamment en raison de la
circularité évoquée par le secrétaire d’État. Simplifions-les, mais laissons
vivre les régimes eux-mêmes.
Je voudrais vous poser une question que j’ai
déjà posée et dont j’attends la réponse : les 2,6 milliards d’euros que
coûteront à la sécurité sociale la baisse des cotisations, hors cotisation
vieillesse, et les abattements forfaitaires que vous proposez au bénéfice des
non-salariés seront-ils compensés ? Comment ?
Par ailleurs ces
abattements feront certes des gagnants, mais il y aura aussi des perdants.
Ainsi, les non-salariés agricoles, qui paieront 400 millions de cotisations, ne
bénéficieront que de 300 millions de réduction de base, soit une perte de 100
millions. Comment comptez-vous régler ce problème ? (Applaudissements
sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. S’agissant des avocats, monsieur le secrétaire d’État, le
dispositif de solidarité, qui prévoit de lisser le doublement des cotisations,
prévoit aussi d’utiliser le produit des réserves de la Caisse nationale des
barreaux français – CNBF. La grande difficulté, c’est qu’il n’y a dans
votre étude d’impact aucune doctrine d’emploi des réserves.
M. Pierre
Dharréville. Quelle étude d’impact ?
M. Boris
Vallaud. C’est bien le problème ! On ne sait pas quelle est la
doctrine d’emploi du fonds de réserve des retraites, ni des réserves constituées
par les caisses autonomes. On aimerait avoir quelques projections. Quel sera le
niveau de ces fonds à l’horizon de 2037 ? Quel sera l’emploi des réserves
constituées notamment par l’AGIRC-ARRCO en cas de choc systémique ? Nous ne
savons rien !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Eh oui !
M. Boris
Vallaud. Face au silence du Gouvernement nous en sommes réduits aux
hypothèses.
J’ai du mal à comprendre pourquoi tant de gens sont
mécontents d’une réforme. Tous ces gens seraient incapables de comprendre ce que
vous voulez faire ? Le Conseil national des barreaux a réaffirmé hier que
votre amendement n’était qu’un excédent et n’était d’aucune manière susceptible
de satisfaire leurs revendications. Les experts-comptables se mobilisent
également pour dire à quel point ils sont perdants avec cette réforme, et vous
ne pouvez pas dire le contraire : alors que le taux de rendement de leur
régime actuel est de 8,7, vous prétendez leur vendre un taux de 5,5 ! Il me
semble qu’ils sont assez doués en calcul pour constater que leurs cotisations
vont augmenter de 20 à 30 % et leurs pensions baisser de
15 %.
J’ai une dernière question, que nous vous avons posée à
plusieurs reprises, ainsi qu’Éric Woerth et d’autres. C’est l’assurance maladie
qui souffrira au premier chef de la perte de 2,7 milliards d’euros due à la
baisse de la CSG des indépendants. Or on sait dans quelle situation est
l’hôpital. Qui va compenser cette perte de recettes ?
M. Pierre
Dharréville. Excellente question !
M. le
président. La parole est à Mme Cendra Motin.
Mme Cendra
Motin. Je voudrais d’abord inviter mes collègues à se reporter au point
53 de l’avis du Conseil d’État. Il confirme que mettre fin à la circularité de
la base de la CSG pour les indépendants est parfaitement constitutionnel.
(Protestations sur les bancs du groupe FI.)
Mme
Clémentine Autain. Personne n’a dit que c’était
inconstitutionnel !
Mme Cendra
Motin. Page 24, point 53, madame Autain ! Apparemment, vous en
savez plus sur ce point que le Conseil d’État !
Je voudrais ensuite
parler des 3 millions d’indépendants et chefs d’entreprise de France, parce
qu’il n’y a pas que les 70 000 avocats dans ce pays. Je peux vous
assurer qu’ils ne sont pas tous comme les avocats et que beaucoup d’entre eux,
notamment ceux qui sont représentés par la Confédération de petites et moyennes
entreprises et l’U2P, l’Union des entreprises de proximité, sont ravis, vraiment
ravis, de pouvoir enfin accéder à un système universel de retraite.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Je me
souviens que, quand nous avons proposé d’intégrer le RSI à l’URSSAF via la
création de la sécurité sociale des indépendants, vous nous aviez promis du sang
et des larmes. Je peux vous dire qu’aujourd’hui nous avons droit à des sourires
et des remerciements, parce que cela fonctionne ! (Applaudissements sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Protestations sur les bancs du groupe
LR.) Il en ira de même quand ils entreront dans ce système universel de
retraite.
Bien sûr, les situations sont très diverses, mais, pour
beaucoup, l’âge d’équilibre est déjà de 65 ans. Beaucoup d’autres ne peuvent pas
partir à 67 ans.
Certains, comme les médecins, sont même obligés de
continuer à travailler bien au-delà, jusqu’à 70 ans. Nous leur proposons un
régime plus solidaire, dans lequel, il est vrai, certains cotiseront peut-être
un peu plus, mais dans lequel le plus grand nombre cotisera beaucoup moins.
Surtout, leurs pensions seront garanties et soumises aux mêmes conditions que
toutes les autres professions. (Applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert
Wulfranc. Le modèle d’économie mixte qui reste en vigueur en France
justifie l’attachement des députés communistes au sort réservé aux indépendants
et aux professions libérales. Il justifie aussi notre défense acharnée de
secteurs stratégiques relevant de régimes spéciaux – que vous
dépecez –, et notre volonté de les maintenir et de les consolider.
Malheureusement, depuis votre arrivée au pouvoir, vous défendez une politique
inverse.
Le secteur économique qui repose sur les travailleurs
indépendants et les professions libérales est fragilisé ; les
professionnels concernés nous le disent, qu’ils exercent dans la santé, la
justice, le commerce, la distribution de proximité ou encore les services
privés. Voilà ce qu’est la vie réelle, au quotidien – nos collègues de
l’opposition de droite dressent d’ailleurs le même constat. Nos concitoyens en
subissent les conséquences, que ce soit en matière d’aide juridictionnelle ou de
santé, et partagent l’inquiétude de ces professionnels quant aux incidences du
système de retraite que vous proposez. Un dernier mot…
M. le
président. Votre temps de parole est malheureusement dépassé, mon cher
collègue, mais nous vous écouterons plus tard avec le même intérêt.
Je
mets aux voix les amendements no 227 et identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 90
Nombre
de suffrages
exprimés 89
Majorité
absolue 45
Pour
l’adoption 27
Contre 62
(Les amendements no 227
et identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir
l’amendement no 13493 et les seize amendements identiques
déposés par les membres du groupe La France insoumise.
Mme Danièle
Obono. Nous demandons la suppression du premier alinéa de
l’article 4. Le secrétaire d’État semble s’étonner que nous soyons si
nombreux à refuser cette réforme. Pourtant, l’ensemble des professions
libérales, représentées notamment dans le collectif SOS retraites, s’y opposent.
Un jeune kinésithérapeute gréviste a par exemple calculé que, sur une année, la
réforme lui coûterait 2 500 euros, soit l’équivalent d’un mois de
salaire. Ces professions subiront une perte sèche de 5 %.
Nous avons
appris, début février, que les caisses des professions libérales et des avocats
se réuniraient pour diligenter leur propre étude d’impact, et en publieraient
les résultats en mars 2020. Dans un communiqué, les professionnels libéraux
médecins, vétérinaires, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens,
experts-comptables, commissaires aux comptes, notaires et avocats ont indiqué
qu’ils poursuivaient leur analyse du projet de loi, en avançant l’explication
suivante : « Les données présentées dans l’étude d’impact comme dans
les éléments antérieurement soumis aux syndicats professionnels par le
haut-commissariat aux retraites présentent des différences significatives avec
leurs propres estimations. C’est pourquoi les caisses ont décidé de demander des
expertises à des actuaires indépendants. L’objectif est de vérifier de façon
objective, pour leurs ressortissants, que les hypothèses présentées par les
instances gouvernementales, les modalités précises de calcul des cas-types, au
regard notamment des régimes actuels auxquels cotisent les professionnels
libéraux, sont exactes. Doit être établi dans ce cadre un état précis de
l’évolution des cotisations, comme une évaluation des prestations futures et de
leur rendement tant dans les régimes actuels que dans le futur régime. […] Les
caisses sont également très inquiètes sur le devenir des réserves que les
professions ont constituées. »
Malgré vos protestations, votre
projet ne suscite manifestement aucune confiance chez les professionnels
concernés. Vous devriez vous demander pourquoi des acteurs aussi différents que
des syndicalistes, des salariés de la RATP, des professions libérales et des
agriculteurs ont si peu confiance en vos arguments. La raison est simple :
tous ont entendu, dans la bouche du Premier ministre, qu’ils devraient
travailler plus et plus longtemps, et l’examen attentif des conséquences de la
réforme – une fois levés les trucages de votre étude d’impact –
démontre que les pensions baisseront.
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Nous n’avons pas affirmé qu’il était
inconstitutionnel de baisser la CSG, madame Motin ; nous réfutons plutôt
votre argument selon lequel une compensation sera inscrite dans la loi. Le
Conseil d’État a d’ailleurs souligné qu’en renvoyant la revalorisation de la
rémunération des enseignants à une loi de programmation, vous donniez
l’injonction au Parlement de voter une telle loi, ce qui n’est pas acceptable.
La baisse de la CSG sera votée – ou non – dans le PLFSS et pourra être
remise en cause chaque année. Elle aura de surcroît un effet sur le budget de la
sécurité sociale. Nous disons haut et fort qu’il s’agit d’une mesure de
compensation d’un manque à gagner, preuve que les professionnels concernés ne
sortiront pas gagnants de votre réforme. Il faut donc trouver un moyen d’amortir
le choc.
En affirmant qu’il n’y aura pas d’expropriation de caisse,
monsieur le secrétaire d’État, vous jouez sur les mots : pouvez-vous nous
garantir que, demain, la caisse des avocats ne sera pas utilisée pour payer
notamment la transition ? Non, et vous l’avez reconnu.
M. Bruno
Questel. Arrêtez avec ça !
Mme
Clémentine Autain. Si ce n’est pas une expropriation au sens juridique,
c’est une façon de vider les caisses des avocats. Vous jouez sur les mots pour
nous raconter des sornettes au sujet d’un régime dont personne ne veut, car tout
le monde sera perdant.
Peut-on voter, au nom de l’universalité, une loi
qui affiche de beaux principes dans son premier article, mais dont les
dispositions suivantes induisent une détérioration très concrète du niveau des
pensions ? Ce ne serait pas un progrès, mais une régression.
M. le
président. La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan
Balanant. Après les avocats, nous entendons beaucoup parler des
indépendants. J’appelle ceux qui n’ont jamais eu ce statut et qui ne connaissent
pas cette réalité à faire preuve de modestie. Il se trouve qu’avant d’être
député, j’ai été un travailleur indépendant durant une grande partie de ma vie
professionnelle. Je sais ce que cela signifie ; je sais notamment que,
certains trimestres, les indépendants ne peuvent pas payer leurs charges. C’est
un vrai problème, et c’est pourquoi certains craignent une éventuelle
augmentation lissée des charges.
Chère madame Autain et chers amis
du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, vous qui vous plaisez à
défendre les personnes précaires et en difficulté, posez-vous donc quelques
questions au sujet des travailleurs indépendants. Au moment où ils pourraient
arriver à la retraite, à 67 ans, 21 % d’entre eux sont obligés de
poursuivre leur activité. Voilà de la précarité ! Le système universel de
retraite que nous proposons englobera enfin les indépendants, les artisans et
les commerçants. Si, hier, les commerçants cotisaient peu, c’est parce qu’ils
vendaient leur fonds de commerce avant de prendre leur retraite. Or, dans nombre
de villes et de villages, les fonds de commerce ne valent plus rien. Pour éviter
de se retrouver dans la précarité, sans un sou, les commerçants sont donc
obligés de continuer à travailler. Vous qui citez sans arrêt des témoignages du
terrain, je pourrais vous parler de commerçants et d’artisans de mon territoire
qui sont contraints de poursuivre leur activité, parfois jusqu’à 70 ans.
Offrons-leur enfin un système digne qui les protège jusqu’à la fin de leur
vie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM.)
(Les amendements
no 13493 et identiques,
repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de dix-huit amendements identiques,
nos 13510 et identiques déposés par les membres du groupe La
France insoumise, et no 24934.
La parole est à
M. Éric Coquerel, pour soutenir les amendements no 13510 et
les seize amendements identiques déposés par les membres du groupe La France
insoumise.
M. Éric
Coquerel. Je ne pense pas que cette réforme avantage les indépendants,
monsieur Balanant, mais nous y reviendrons.
L’abattement de 30 % de
la CSG est censé compenser l’augmentation des cotisations que subiront certains.
Le problème est que ces professionnels cotisent sur la base de revenus nets,
alors que vous élargirez une assiette sur la base du super-brut. D’après
Christophe Pettiti, premier vice-président de la CNBF, les cotisations
« augmentent de toute façon pour tous, y compris après l’abattement de
30 % sur la nouvelle assiette globale des cotisations prévues par le projet
de loi, appelée super-brut ». Il en fournit une explication
détaillée.
Comment calculerez-vous le super-brut ? Dans quelle
proportion sera-t-il supérieur au net ? J’aimerais que vous m’expliquiez
l’arithmétique que vous appliquerez, pour me convaincre qu’en augmentant le
super-brut et en appliquant un abattement de la CSG, vous compenserez les
hausses de cotisations. Outre que ce mécanisme ne peut pas être inscrit dans la
loi, il reste obscur pour toutes les professions libérales.
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir
l’amendement no 24934.
M. Boris
Vallaud. Comme en témoigne l’étude d’impact, dans le tableau 24 de
la page 147, la modification de la CSG et de la CRDS des indépendants
induira un manque à gagner de 2,6 milliards d’euros pour la sécurité
sociale. Je m’inquiète en particulier pour la branche maladie. Quelles
institutions en seront affectées, et quelle compensation est prévue à leur
égard ?
Par ailleurs, pourquoi ne pas avoir comparé, dans l’étude
d’impact, l’effort socialo-fiscal des indépendants et des salariés et leur
participation respective aux dépenses non contributives de protection
sociale ? Rappelons que leur taux d’effort diffère ; il est notamment
compris entre un et trois PASS pour les indépendants.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Pour le bon
déroulement de nos travaux, il serait souhaitable que vous défendiez les
amendements que vous avez déposés, plutôt que d’utiliser votre temps de parole
pour aborder d’autres sujets. Ainsi, l’intervention de M. Coquerel n’avait
rien à voir avec les amendements no 13510 et identiques.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Je suis assez étonné de cette réponse. Certes, je me suis
servi d’un amendement, mais pour poser une question précise au sujet d’un
argument que vous avancez : la baisse de la CSG à partir du moment où
l’assiette augmente. Je vous demande de me prouver que l’assiette ne va pas
augmenter, contrairement à ce qu’affirme Christophe Pettiti : « Les
seuls qui n’auront pas d’augmentation sont ceux qui sont largement au-dessus de
trois PASS, 120 000 euros, car ils ne cotiseront plus au régime
universel – RU – ni à la CNBF. Mais ils n’auront pas de droits au
régime universel ou à la CNBF et cotiseront toutefois à 2,81 % au RU pour
la solidarité. Pour bénéficier de l’équivalent en prestation de celle servie
aujourd’hui par la CNBF, ils devront cotiser en Madelin ou en produit
assurance-vie avec un rendement largement inférieur et pas nécessairement avec
une défiscalisation. Pour les autres, la seule question reste : quelle est
l’augmentation des cotisations ? Elle est certaine. Le Gouvernement parle
de 5,4 points de plus après avoir reconnu 6 %. »
Cette
augmentation de l’assiette pourrait annuler en grande partie la baisse de la
CSG, dont vous expliquez qu’elle va compenser la hausse des cotisations. Je vous
interroge à ce propos ; vous décidez de ne pas me répondre. Peut-être
est-ce parce qu’en réalité vous n’avez pas d’autre réponse à faire aux
inquiétudes que je viens de citer.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Mais
il a répondu !
(Les amendements nos 13510 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de huit amendements, nos 23840,
118, 3961, 11886, 11887, 24935, 25386 et 27395, pouvant être soumis à une
discussion commune.
Les amendements nos 118, 3961, 11886,
11887, 24935, 25386 et 27395 sont identiques.
L’amendement
no 23840 de Mme Cécile Untermaier est défendu.
La
parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour soutenir l’amendement
no 118.
Mme
Emmanuelle Anthoine. Il concerne plus particulièrement la situation des
avocats. Nous l’avons dit, leur régime démographique est favorable : près
de quatre actifs pour un retraité, ce qui est le signe de la vitalité, de
l’attractivité de cette profession. Toutefois, comment voulez-vous continuer à
attirer des jeunes vers une carrière lorsque les conditions économiques de
celle-ci deviennent compliquées ?
Monsieur le secrétaire d’État, on
sait que la CNBF intervient aussi en cas d’invalidité ou d’incapacité, qu’elle
peut verser des indemnités journalières. Qu’entendez-vous faire de cette
protection sociale des avocats ?
M. Philippe
Gosselin. Excellente question !
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 3961.
Mme
Emmanuelle Ménard. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 3 et
4 de l’article 4. Ceux-ci rendent applicable aux avocats le système
universel de retraite, balayant ainsi les spécificités de leur régime. C’est
tout à fait regrettable : comme je l’ai expliqué hier soir à plusieurs
reprises, les cotisations retraite passant alors de 14 à 28 %, de nombreux
cabinets d’avocats, à commencer par les plus petits, pourraient voir leur
activité remise en cause par cette augmentation de charges sans
précédent.
Depuis le début de leur mouvement de grève, ces cabinets
souffrent déjà ; en attaquant leur maillage territorial, votre mesure met
en péril tout notre système judiciaire. À cause de votre mauvaise réforme, c’est
le fonctionnement de notre justice qui est aujourd’hui menacé.
M. le
président. Les amendements nos 11886 de M. Fabrice
Brun, 11887 de M. Marc Le Fur, 24935 de Mme Cécile Untermaier et
25386 de Mme Isabelle Valentin sont défendus.
La parole est à
M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement
no 27395.
M. Philippe
Gosselin. Je voudrais rebondir sur la question posée par Emmanuelle
Anthoine. Si les retraites sont au cœur du réacteur, de nombreux autres aspects
du statut social, au sens large, des avocats ne sont pas résolus. Il faut
vraiment prendre en compte la particularité de cette profession.
Hier
après-midi, il a été dit qu’il n’y avait pas de raison de mettre en avant tel ou
tel métier. Je suis désolé, mais il existe des singularités : c’est le cas
de nombreuses professions indépendantes, médecins, orthophonistes, commerçants,
artisans, marins, notaires et tant d’autres. Cependant, toutes n’ont pas
exactement la même place dans la société ; le dire n’est pas faire offense
aux uns ou aux autres.
M. Sylvain
Maillard. Si !
M. Philippe
Gosselin. Les avocats sont des auxiliaires de justice, reconnus comme
tels, participant au maillage, à la proximité de la justice. Dans certains
départements ruraux, ils constituent le seul point de contact avec le droit, en
dehors des notaires et d’autres professions réglementées. Si on les affaiblit,
il n’y aura plus d’accès à la justice : voilà l’enjeu, qui dépasse
largement la question des retraites. Ce que nous vous reprochons, c’est de vous
arc-bouter, de ne voir qu’à travers le prisme des retraites, alors qu’il
faudrait tenir compte de bien d’autres éléments.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des
amendements en discussion commune ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Il est défavorable.
Je ne reviens pas sur ce qui a été dit, sauf sur un point : un certain
nombre d’amendements abordent le sujet des avocats salariés. Ceux-ci sont déjà
intégrés au régime général. En supprimant les alinéas 3 et 4, vous
entraîneriez donc une distinction au sein de la profession.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je ne reviendrai pas non plus
sur les sujets de la CSG ou de la réserve. Répondre deux cents fois à la même
question, cela devient lassant, y compris pour ceux qui la posent. En revanche,
Mme Anthoine a raison de signaler que je ne lui ai pas répondu hier
concernant les dispositifs de prévoyance invalidité-décès. Ils seront bien sûr
maintenus tels qu’ils existent aujourd’hui, comme l’explicite le libellé du
troisième alinéa de l’article 4 : « Les travailleurs indépendants
pourront continuer à disposer de régimes propres pour l’invalidité-décès, qui ne
relève pas de la retraite. » Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à Mme Nadia Essayan.
Mme Nadia
Essayan. On tourne en rond : les mêmes argumentaires reviennent de
semaine en semaine, ce qui, à la longue, est lassant. S’agissant des avocats,
nous avons expliqué hier, une fois de plus, que notre projet social concernait
tout le monde. Nous n’avons pas le même projet, mais celui-ci est le
nôtre ; nous le souhaitons, nous le soutenons, et vous n’allez pas nous
faire changer d’avis.
Un député du groupe LR.
Vous ne nous ferez pas changer d’avis non plus !
Mme Nadia
Essayan. Par ailleurs, je souhaitais alerter au sujet de la situation
sur le terrain. Ce matin, la présidente de la cour d’appel de Bourges a signalé
que les retards s’accumulaient après huit semaines de grève des avocats.
(Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.) J’en appelle
à leur sens des responsabilités.
Mme
Clémentine Autain. C’est incroyable !
Mme Nadia
Essayan. Des personnes attendant d’être jugées pour crime risquent
d’être mises en liberté. Vous devez avoir conscience de la gravité de la
situation ; vous-mêmes êtes responsables de ce que vous défendez, et que
vous savez très bien être intenable.
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle
Obono. L’article 4 porte sur les travailleurs indépendants, ce qui
justifie la question qu’a posée tout à l’heure Éric Coquerel.
À propos de
responsabilités et d’irresponsabilité, chers collègues de la majorité, je
voudrais rappeler que nous discutons d’un texte à trous, trous que vous comblez
partiellement par des annonces au fur et à mesure de l’avancée de vos
négociations avec tel ou tel secteur. Nous sommes censés l’adopter à
l’aveuglette, en attendant l’achèvement d’un travail que vous n’avez pas été
capables de mener en plus de deux ans et demi. En matière de responsabilité,
vous vous posez là !
Monsieur le rapporteur général, je comprends
votre embarras : vous n’aviez pas prévu la question de l’abattement de
30 % sur la CSG. Mais il s’agit bien d’une question précise que se posent
les avocats et les avocates. Vous êtes incapable d’y répondre, et vos collègues
et vous-même allez encore jouer la surprise en constatant que personne n’a
confiance en ce que vous dites !
Je rappelle que les caisses des
indépendants et des indépendantes vont procéder à leur propre expertise, car
votre étude d’impact de 1 000 pages, truffée d’erreurs et de
simulations truquées, ne leur permet pas de savoir à quelle sauce elles et ils
vont être mangés. C’est votre irresponsabilité qui fait que nous nous retrouvons
dans ce flou. C’est vous qui créez un blocage en voulant chambouler un certain
nombre de secteurs qui fonctionnent, et en ne leur faisant qu’une seule
promesse : travailler plus pour de moins bonnes pensions. Ce sont vos
propos, ce sont ceux de M. le Premier ministre au sujet de cette réforme
prétendument universelle. Vous récoltez ce que vous avez semé ! Nous
continuerons à vous demander des précisions, car ce n’est pas seulement nous,
mais tous les salariés mobilisés qui vous les demandent. Ils ont raison d’être
en grève : vous en portez la responsabilité !
M. le
président. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Je réagis à l’intervention de la députée de La République en
marche, qui en appelle au sens des responsabilités des avocats pour les inciter
à cesser la grève.
Plusieurs députés du groupe
MODEM. Nadia Essayan est du MODEM !
M. Fabien
Roussel. Ah oui, c’est vrai. Elle appartient en tout cas à la majorité
qui, en défendant sur ces bancs la retraite par points, fait beaucoup de mal à
de nombreuses professions, depuis les ouvriers jusqu’aux avocats.
Mme Nadia
Essayan. Pas du tout ! Bien au contraire !
M. Fabien
Roussel. Et vous demandez à toutes ces professions, y compris les
avocats, d’arrêter de faire grève en en appelant à leur responsabilité. Mais
comment se fait-on entendre dans ce pays ? Comment exprimer ses
revendications ?
M. Sylvain
Maillard. En le faisant ici même !
M. Fabien
Roussel. Comment signifier qu’une réforme des retraites est
particulièrement injuste ? Que l’on soit ouvrier, aide-soignante, égoutier,
bûcheron, avocat ou cadre, il faudrait l’accepter en silence ? Les avocats
ont peut-être largement voté pour votre majorité, mais, aujourd’hui, ces blouses
noires se sentent blousées, trompées, trahies !
Mme Nadia
Essayan. J’ai parlé aux avocats !
M. Fabien
Roussel. Jamais vous n’avez écrit noir sur blanc ce que vous comptiez
faire. Bien au contraire, à l’époque de la campagne présidentielle, le candidat
Macron a soutenu qu’il n’y aurait pas de mesure d’âge, donc de nécessité de
travailler plus longtemps, et que les règles ne seraient pas cassées. Vous
faites tout l’inverse. Les Français se sentent trahis, ils le manifestent. Mais,
avec vous, la démocratie s’exerce une fois tous les cinq ans : entre deux
élections, il faudrait se taire et tout accepter. Ne vous étonnez pas qu’il y
ait de la contradiction, de l’opposition, des grèves ! Il faudra tenir
jusqu’au bout, et au-delà ; car, même si vous imposez l’article 49,
alinéa 3, nous continuerons à manifester notre opposition !
(M. Jean-Paul Dufrègne applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. Sébastien Huyghe.
M.
Sébastien Huyghe. Souffrez, mesdames et messieurs de la majorité, que
nous n’ayons pas le même avis que vous au sujet de cette réforme des retraites
pour le moins bâclée, malgré les deux ans de concertations censément menées par
le haut-commissaire. L’ouvrage a été remis sur le métier : il est revenu au
point de départ. On nous a dit qu’il y avait eu beaucoup de concertations ;
mais la concertation, ce n’est pas la « réunionnite » qui consiste à
recevoir les gens sans entendre ce qu’ils ont à dire.
Le sentiment que
nous avons, c’est que vous avez décidé d’instaurer un régime universel ou
prétendu tel – puisque certaines catégories mieux placées que les autres
pour bloquer le pays ont réussi à y échapper – sans considérer la disparité
des situations.
Vous voulez intégrer les indépendants dans ce régime, ce
qui les contraindra à payer à la fois les cotisations des salariés et celles des
employeurs. Le montant de leurs cotisations doublera, ce qui rendra
insupportable leur charge financière tout en fragilisant grandement l’équilibre
économique de leur activité.
Je vous sens par ailleurs exaspérés par
notre volonté de débattre. Or le rôle du Parlement est justement de parlementer.
Mais si vous avez l’impression que la discussion se heurte à des blocages
– à de l’obstruction, pour reprendre vos termes –, tournez-vous vers
le Gouvernement qui n’a pas été capable de déposer le texte dans les délais qui
lui auraient permis de le faire examiner en temps programmé. Si le Gouvernement
n’avait pas fait preuve d’un tel amateurisme, vous ne vous seriez pas retrouvés
face à ce blocage, que vous avez beau jeu de dénoncer aujourd’hui.
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. C’est vrai, les magistrats sont inquiets, mais ils restent
solidaires de leurs collègues avocats avec qui ils seront en grève dans quelques
jours pour protester, ensemble, contre ce projet de réforme. Vous accusez les
avocats d’irresponsabilité, alors qu’en défendant le maintien de leur régime
particulier, ils font preuve au contraire de responsabilité, car ils luttent
pour garantir l’égal accès au droit, en particulier dans les territoires ruraux
où beaucoup d’entre eux, contraints de travailler seuls, seront menacés de
faillite par votre projet. Ils ne méritent certainement pas les reproches dont
vous les accablez.
M.
Jean-Pierre Vigier. C’est ce qui se passera, en effet.
M. Boris
Vallaud. Le Conseil national des barreaux a par ailleurs considéré que
l’amendement déposé par le Gouvernement, il y a quelques jours, sans qu’il lui
ait été préalablement soumis, n’était qu’un expédient et ne répondait nullement
aux préoccupations de la profession. Comment pourrait-il en être
autrement ? Votre amendement n’a fait l’objet d’aucune étude
d’impact ! Nous n’avons pas la moindre idée du nombre d’avocats concernés
par le seuil de revenu de 80 000 euros en deçà duquel les hausses de
cotisations seraient prises en charge. Nous ne savons rien ! De nouvelles
mesures arrivent de-ci de-là, des bouts de concertations tombent au hasard sur
ce texte à trous et les négociateurs eux-mêmes reconnaissent qu’ils ne s’y
retrouvent pas. Ce n’est pas sérieux.
La proposition d’affecter les
droits de plaidoirie ne suffira pas pour compenser la hausse des cotisations que
vous imposez aux avocats. Vous fragiliserez leur équilibre économique et de
nombreux avocats se retrouveront dans une situation extrêmement préoccupante au
point, pour ceux qui travaillent seuls ou dans de petits cabinets, de risquer la
faillite, ce qui portera atteinte au principe d’égal accès au droit de nombreux
concitoyens.
M. le
président. La parole est à Mme Florence Granjus.
Mme
Florence Granjus. Après onze jours de débats, nous n’en sommes qu’à
l’article 4. Je suis présente quasiment tous les jours et j’ai l’impression
de réentendre ce qui a été dit hier.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Revenez tous les huit jours.
Mme
Florence Granjus. L’article 4 prévoit d’intégrer les professions
indépendantes dans le régime universel. Nous avons beaucoup parlé des avocats,
hier. La démocratie, c’est débattre, échanger, écouter, mais c’est aussi
avancer, dans l’intérêt des Français. Vous posez de nombreuses questions
relatives à la CSG, à l’assiette des cotisations, mais c’est à l’article 21
que nous pourrons en débattre. J’aimerais que nous puissions avancer, à
présent.
M. Éric
Coquerel. Cet article renvoie à des ordonnances !
(L’amendement no 23840 n’est pas
adopté.)
(Les amendements no 118 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain pour soutenir
l’amendement no 13527 et les seize amendements identiques déposés par
le groupe La France insoumise.
Mme
Clémentine Autain. Nous ne sommes pas hors sujet en vous soumettant le
problème des avocats. Vous nous renvoyez à l’article 21, mais nous ne
sommes pas du tout certains d’y parvenir ! Vous avez sans doute entendu,
vous aussi, M. Le Gendre déclarer ce matin sur France Inter qu’il
avait presque hâte que l’article 49, alinéa 3, soit déposé ! Nous n’avons
aucune garantie que le débat se poursuive.
Par ailleurs, si vous
répondiez à nos questions, nous ne serions pas obligés de les reposer vingt-cinq
fois.
M. Bruno
Millienne. Nous n’arrêtons pas de vous répondre !
Mme
Clémentine Autain. Enfin, nous n’avons pas pu déposer tous les
amendements que nous voulions (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM)
pour la simple et bonne raison que les annonces interviennent après le dépôt
des amendements. Il en est ainsi pour le sujet qui nous occupe. Je pose
solennellement la question au secrétaire d’État. Vous avez dit que les
cotisations seraient calculées sur une base super-brute. Quelle sera la
différence entre le super-brut et le net ? Selon le président du Conseil
national des barreaux, la baisse de la CSG ne suffirait pas à compenser la
hausse des cotisations pour la retraite et les cotisations versées par les
avocats pourraient augmenter, au total, de 5 ou
6 %.
Monsieur le secrétaire d’État, qu’est-ce que ce
super-brut ? Les avocats, et les indépendants plus généralement,
subiront-ils une hausse des cotisations ? Quelles garanties nous
proposez-vous pour l’avenir ? La baisse de la CSG n’est pas inscrite dans
le marbre de la loi, puisque nous en discutons chaque année lors de l’examen du
projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette promesse n’engage que
ceux qui vont l’écouter.
Enfin, je renouvelle ma question, à laquelle je
n’ai pas reçu de réponse. Pouvez-vous nous garantir que les fonds accumulés
depuis des années dans la Caisse nationale des barreaux français et celle des
médecins ne seront pas utilisés pour renflouer le régime général ?
M.
Jean-Pierre Vigier. Mais si ! Ils prendront tout !
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’ai répondu moult fois aux
questions relatives à la CSG. Je comprends que l’on puisse ne pas être d’accord
avec moi, mais nous devons avancer dans l’examen du texte. Les mesures proposées
sont claires. J’ai accepté, depuis le début, de répondre à de nombreuses
interrogations, même lorsqu’elles n’avaient aucun lien avec l’amendement ou
l’article, parce qu’elles étaient connexes et émanaient de plusieurs bancs.
J’estime à présent qu’il faut arrêter de poser dix, quinze ou vingt fois la même
question, à laquelle il a déjà été répondu dix, quinze ou vingt fois. Avançons.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
S’agissant de la
CSG, vos questions ont reçu des réponses, notamment lors de l’examen du texte en
commission, puisque j’ai déposé un amendement qui tendait à inscrire dans le dur
de la loi des dispositions destinées à rapprocher l’assiette des salariés et
celle des indépendants. La représentation nationale a été suffisamment informée
et il est temps de passer à autre chose. Avis défavorable. (Applaudissements
sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Ce n’est pas la même chose d’avancer loin et d’avancer dans le
désordre, à coups de répétitions. Non seulement vous avez déposé énormément
d’amendements mais en plus vous nous obligez, par leur objet, à sauter d’un
sujet à l’autre. Les rapporteurs se sont montrés exemplaires en essayant de vous
répondre dans le détail malgré ce désordre, et voilà qu’à présent, vous nous
reprochez de ne pas répondre. Nous ne pouvons continuer inlassablement à répéter
les mêmes explications pour nous voir reprocher, vidéos bien choisies à l’appui,
que nous ne répondons pas.
J’en profite pour rappeler un élément
important. Que signifie concrètement l’intégration de certaines professions, y
compris les artisans, dans le régime général ? La pénibilité du travail des
infirmières libérales sera prise en compte, de même que le travail de nuit. Ceux
dont la carrière a été fluctuante, en zigzag, ne seront pas obligés de
travailler jusqu’à 67 ans mais pourront partir dès 64 ans. Nous
pouvons multiplier les exemples des bienfaits du régime universel pour des
personnes broyées par le système actuel.
M. le
président. La parole est à Mme Monique Limon.
Mme Monique
Limon. Nous ne pouvons pas tolérer qu’une petite musique s’élève pour
faire croire à nos concitoyens que nous débattons du fond dans cet hémicycle.
C’est faux. Le débat suppose l’échange, la confrontation de différentes
convictions, autour d’amendements émanant de tous les groupes, avant le passage
au vote. Or, depuis des jours, nous assistons à un monologue à partir
d’amendements de suppression. Tous les sujets y passent et nous répétons
inlassablement les mêmes choses, sans avancer.
Lorsqu’on veut travailler
correctement dans cet hémicycle, on étudie un texte avec la volonté d’avancer et
de déposer des amendements qui permettent d’améliorer la rédaction. Or, en
l’espèce, vous abordez tous les sujets dans n’importe quel ordre avec la seule
intention de ralentir les débats. Vous avez parfaitement le droit de vous
opposer au texte, mais, en l’occurrence, vous faites mine de vouloir débattre
alors que votre seule préoccupation est d’obstruer le débat. De fait, vous ne
voulez pas de cette réforme.
Ce comportement me désole, car La République
en marche voudrait pouvoir examiner chacun des articles, déposer des
amendements, en débattre avant de les voter, afin d’améliorer le projet de loi.
Je suis sincèrement navrée. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. Précisons tout de même, madame, que, depuis ce matin,
193 amendements ont été présentés et mis aux voix. (Applaudissements sur
les bancs des groupes LR, GDR, SOC et FI.)
M. Rémy
Rebeyrotte. Combien en reste-t-il ?
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Que des députés considèrent hors sujet une question relative
au super-brut alors que le secrétaire d’État a évoqué la CSG au début de la
discussion me laisse perplexe. Nous avons bien compris, chers collègues de La
République en marche et du MODEM, que vous teniez absolument à faire passer ce
texte avant les municipales, ce qui explique que vous vous retrouviez pris dans
des délais impossibles à tenir. Ce n’est pas une raison pour caricaturer les
propos de l’opposition.
Le problème qui se pose au niveau de la CSG n’est
pas nouveau. Vous avez fait des annonces autour de ce super-brut alors que
l’examen du projet de loi avait déjà commencé. Nous n’avons pas même eu le temps
de déposer des amendements à ce sujet, ce qui nous oblige à vous interroger à
d’autres articles du texte !
L’article 21, auquel vous ne
cessez de nous renvoyer, prévoit le recours aux ordonnances ! Il ne précise
en rien la hausse des cotisations ni le mode de calcul du super-brut. Je ne
reviens pas sur l’intervention de Mme Autain qui a rappelé les propos de
M. Le Gendre. Même si les débats durent jusqu’à l’examen de
l’article 21, nous n’obtiendrons pas les réponses à nos questions puisqu’il
renvoie aux ordonnances.
Vous vous plaignez, monsieur le rapporteur
général, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir déjà répondu. Répétez, dans ce
cas, car il est manifeste que certaines professions n’ont pas compris. Comment
le super-brut est-il calculé ? Quelle est la différence, en moyenne, avec
le net ? Ces questions sont simples ! Même si vous l’avez déjà dit,
cela ne vous coûte pas grand-chose de le répéter et, ainsi, nous aurons tous
entendu. Beaucoup de professions se posent encore des questions. Ce n’est tout
de même pas indécent de vous demander des explications !
M. le
président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Je ferai deux remarques, quant à la forme et
quant au fond. S’agissant de la forme, vous nous reprochez de nous livrer à un
long monologue. Or, chaque fois qu’une discussion s’est engagée à la suite d’un
amendement, ou à un article, le groupe du MODEM ou le groupe La République en
marche a pris la parole. Ce n’est pas un monologue, me semble-t-il.
Par
ailleurs, ne vous en déplaise, mesdames et messieurs de la majorité, ce n’est
pas nous qui avons écrit ce texte, mais votre Gouvernement, que vous avez aidé.
S’il est aussi illisible, nous n’en sommes pas responsables. Les
articles 1er, 2, 3, 4 et 5 traitent des grands principes de
votre réforme. Nous sommes bien obligés de reprendre les mêmes
sujets.
Monsieur le secrétaire d’État, vous semblez quelque peu fatigué
ce matin.
M. Sylvain
Maillard. Pas de procès d’intention !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Nous nous répétons parce que vous aussi, vous ne
cessez de répéter, dans votre projet de loi, la liste des bonnes pratiques et
des bonnes intentions, comme s’il s’agissait d’un catalogue.
Sur le fond,
ensuite : vous vous insurgez à l’idée que nous fassions notre travail, mais
l’opposition est pourtant là pour faire des propositions, pour demander des
explications et des éclaircissements et pour marquer sa volonté de refuser le
texte. Vous n’êtes peut-être pas habitués à ce qu’il y en ait une
(Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM), mais il faut
que vous l’appreniez.
M. Sylvain
Maillard. Arrêtez de nous faire des procès d’intention !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Enfin, la Caisse nationale des barreaux français
a déclaré hier que le Gouvernement lui avait fait parvenir sa proposition
d’amendement, mais qu’elle ne l’avait pas validé. Si les manifestations sont si
nombreuses, si tant de professions sont mécontentes, c’est parce que votre texte
n’est pas bon.
Mme Nadia
Essayan. Il est en tout cas meilleur que tout ce que vous avez fait
jusqu’ici.
M. le
président. La parole est à M. Fabien Roussel.
M. Fabien
Roussel. Comme notre collègue du groupe Les Républicains, je constate
que, dès qu’un débat s’engage, nous sommes systématiquement accusés de faire de
l’obstruction.
Mme Marie-Christine
Verdier-Jouclas et M. Maxime Minot. Il n’y a pas de
débat !
M. Fabien
Roussel. Nous recevons des leçons de démocratie de la part d’une
super-majorité surreprésentée qui se vante de l’être et prétend, à ce titre, que
nous devrions clore le débat. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM
et MODEM.)
Un député du groupe
LaREM. Cela ne veut rien dire !
M. Rémy
Rebeyrotte. Nous sommes contre la démocratie, c’est ça ?
M. le
président. Chers collègues, seul M. Roussel a la parole.
M. Fabien
Roussel. Leçon de démocratie : nous sommes la majorité, vous êtes
l’opposition ; alors, ne déposez pas d’amendements et votons, un point
c’est tout. Mais, enfin, les choses ne se passent jamais ainsi dans l’hémicycle,
heureusement, quelle que soit la majorité et quelles que soient les oppositions.
L’Assemblée est un lieu de débat et de confrontation d’idées, mais aussi un lieu
où l’on peut poser des questions.
L’article qui nous occupe est consacré
aux avocats ; il renvoie à l’article 21, qui fait lui-même référence à
des ordonnances. Et c’est précisément ces derniers jours que vous avez décidé de
faire des annonces concernant le super-brut et l’abattement de CSG et de
cotisations sociales pour les avocats.
M. Jacques
Marilossian. Mais non ! Ces mesures étaient prévues depuis le
début !
M. Fabien
Roussel. Ma question est simple : comment sera calculé le
super-brut ? Quelle sera la différence finale entre la baisse de la CSG et
la hausse des cotisations sociale ? Combien cela coûtera-t-il aux
avocats ? La profession est toujours en grève, car elle n’a pas obtenu de
réponse. Nous ne sommes pas ici pour faire de grands discours, mais pour vous
poser des questions précises et, tant que vous n’y répondrez pas, nous
continuerons de les poser.
M. le
président. La parole est à M. Hervé Saulignac.
M. Hervé
Saulignac. J’ai été étonné, pour ne pas dire irrité, par la conception
du débat qu’a exposée tout à l’heure Monique Limon : à vous écouter, chère
collègue, j’ai l’impression que le débat consiste à échanger sur le texte sans
vraiment s’y opposer. (« Mais
non ! » sur les bancs du groupe
LaREM.) Bien sûr que si, et surtout à ne pas s’opposer à vos desseins
funestes puisque, dès que nous le faisons, nous sommes taxés d’obstruction. Cela
fait pourtant plus de deux siècles que l’opposition s’oppose et que la majorité
essaye de faire passer ses textes. Cela s’appelle la démocratie, et souhaitons
qu’elle dure le plus longtemps possible !
Vous être la première
majorité à dire à ce point combien l’opposition vous embête et vous ennuie.
(« Mais bien sûr ! »
et exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. –
Mme Clémentine Autain applaudit.) Il est incroyable d’en
arriver à de tels excès, qui remettent fondamentalement en cause la
démocratie.
M. Rémy
Rebeyrotte. Votre habitude, c’est l’article 49,
alinéa 3 !
M. Hervé
Saulignac. En réalité, pourquoi voulez-vous sortir le plus vite possible
du débat sur les avocats ? Tout simplement parce que vous êtes pris au
piège de la parole présidentielle, celle qui a dit : il faut supprimer tous
les régimes spéciaux, tous les régimes autonomes, en stigmatisant ceux qui sont
déficitaires. La parole présidentielle a montré du doigt les régimes de la SNCF
et de la RATP, mais elle a oublié que d’autres régimes étaient déjà, en tout
point ou presque, conformes à votre philosophie. Le régime des avocats est
solidaire à l’égard de la nation.
Vous êtes pris dans vos propres
contradictions. Vous auriez peut-être dû tenter d’éteindre des régimes spéciaux
aujourd’hui fortement déficitaires, mais le Président de la République, dans
l’emballement qui le caractérise, a dit qu’il fallait tous les supprimer, même
ceux qui fonctionnent bien, même ceux qui reversent de l’argent à l’État. Bien
évidemment, les principaux intéressés ne peuvent pas l’accepter, et les Français
eux-mêmes ne le comprennent pas.
M. Éric
Bothorel. Ni les sénateurs…
(Les amendements identiques nos 13527
et identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, présidente de
la commission spéciale.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Je
souhaite revenir sur un point de sémantique, car je crois que nous tournons en
rond depuis quelque temps. Il existe une différence profonde entre débat, idées
de fond et travail parlementaire, et c’est cette différence qui se fait jour
aujourd’hui.
Nous sommes le législateur. Je suis d’accord pour que soit
mené un débat de fond sur des idées de fond ; c’est d’ailleurs ce que nous
faisons. Pour autant, vous ne pouvez pas nier que le débat que nous
souhaiterions, celui qui consiste à amender un texte au fil de l’eau, ne peut
pas avoir lieu. Je pense me faire la porte-parole de ceux qui se sont parfois
exprimés sur ce point – pas souvent – en disant que le travail
parlementaire de fond ne peut pas être effectué en raison du temps que nous
passons sur chaque article, avec des amendements identiques qui suscitent chaque
fois une discussion générale. (Applaudissements sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
Ces
discussions générales à répétition ne sont pas du travail parlementaire. Voilà
ce qui est dénoncé aujourd’hui. Je n’ai pas d’avis, je dis simplement qu’il ne
faut pas jouer sur les mots : personne ici n’est fatigué de débattre, c’est
la répétition qui est fatigante pour tout le monde. (Applaudissements sur les
bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Rémy Rebeyrotte, pour un rappel au
règlement. Je vous propose de suspendre ensuite la séance afin que chacun puisse
respirer.
M. Rémy
Rebeyrotte. Mon rappel se fonde sur l’article 100 du règlement. En
effet, le compteur indique qu’il reste encore plus de 31 200 amendements.
Avez-vous le même chiffre, monsieur le président ?
Par ailleurs, je
tiens à répondre à nos collègues que la parole présidentielle dit également
qu’il n’y aura pas de recours à l’article 49, alinéa 3, sauf
obstruction. (Mme Cendra Motin applaudit.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. C’est vous qui faites obstruction !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Vous faites du chantage !
M. Rémy
Rebeyrotte. Car l’obstruction interdit les travaux et nous empêche de
sortir dans des délais raisonnables un texte véritablement à la hauteur de
l’enjeu. Je demande donc une fois de plus aux oppositions de reconsidérer leur
logique d’obstruction. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. Avant de suspendre, je précise que nous avons examiné
210 amendements depuis neuf heures du matin. Cela fait plus de
100 amendements à l’heure. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM
et MODEM.)
M. Sylvain
Maillard. On blablate !
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à onze heures
dix.)
M. le
président. La séance est reprise.
La parole est à M. Fabien
Roussel, pour un rappel au règlement.
M. Fabien
Roussel. Rappel au règlement au titre de l’article 100, concernant
le droit d’amendement des députés. En effet, comme nos collègues de
La République en marche interviennent systématiquement pour le remettre en
cause, je tiens à leur poser des questions très précises.
Il vient d’être
affirmé que la menace de l’article 49, alinéa 3, qui est l’arme
nucléaire pour tuer un débat parlementaire, peut être désormais brandie en cas
d’obstruction.
M. Rémy
Rebeyrotte. Oui.
M. Fabien
Roussel. Je vous pose clairement la question : à quel niveau
estimez-vous qu’il y a obstruction ? Ce matin, nous avons avancé à raison
de 100 amendements par heure. Faudrait-il que nous en examinions 200, voire
300 de l’heure pour que vous déclariez qu’il n’y a pas obstruction ? Nous
en avons déposé 10 000 contre ce texte, dont une majorité de Français ne
veulent pas.
M. Rémy
Rebeyrotte. Vous en avez déposé 10 000, et vos amis qui se trouvent
sur les bancs au-dessus des vôtres en ont déposé 30 000 !
M. Fabien
Roussel. Est-ce pratiquer l’obstruction qu’être en phase avec la
majorité de l’opinion ? À partir de quel nombre d’amendements jugez-vous
qu’il y a obstruction ? Faudrait-il que nous n’en ayons déposé que 200 ou
300, comme vous, qui défendez ce texte, pour ne pas être accusés de pratique
l’obstruction ? Eh bien, il vous faut accepter que, dans ce pays, des gens
pensent différemment de vous, – tout simplement ! Il vous faut
également accepter que l’on puisse exprimer leur désaccord ici, au sein de
l’hémicycle, qui est le lieu où résonne la voix du peuple de France. Or,
parfois, cette voix est en contradiction avec la majorité. (Applaudissements
sur les bancs du groupe GDR.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Nous
sommes tous élus par le peuple !
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour un rappel au
règlement.
Mme
Clémentine Autain. Il est fondé, lui aussi, sur
l’article 100.
Nous avons l’impression que vous tombez de l’armoire
parce que vous découvrez que l’opposition s’oppose et qu’elle le fait dans des
termes qui lui sont propres. Ce n’est pas à vous, mais à nous, de décider le
contenu de nos amendements et celui de nos interventions, que cela vous
convienne ou pas.
S’agissant de l’obstruction,…
M. Rémy
Rebeyrotte. L’obstruction n’est pas l’opposition !
M.
Jean-Paul Dufrègne. L’obstruction, c’est vous !
M. Stéphane
Baudu. C’est faux !
Mme
Clémentine Autain. …mes chers collègues de la majorité, j’aimerais bien
que nous comptions le nombre d’heures passées par les députés de votre groupe à
expliquer que la méthode que l’opposition a choisie pour s’opposer ne convient
pas.
En l’espèce, l’obstruction est considérable ! Madame la
présidente de la commission spéciale, et vous autres, collègues de La République
en marche, vous passez un temps infini à critiquer la méthode que l’opposition a
choisie pour s’opposer,…
M. Bruno
Millienne. C’est faux !
Mme
Clémentine Autain. …alors que répondre à nos questions vous demanderait
bien moins de temps, ce qui nous permettrait de passer aux articles suivants.
(Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Chacun
peut d’ailleurs constater que nous avons ici, comme en commission spéciale, un
débat de fond. Si nous ne nous étions pas entêtés, la question du revenu
d’activité moyen par tête, par exemple, n’aurait jamais été posée.
M. Boris
Vallaud. Exact !
Mme
Clémentine Autain. Or ce flou est à l’origine des troubles que connaît
actuellement la majorité. Vous ne nous répondez pas, parce que vous ne savez pas
quoi répondre : voilà le problème. (Applaudissements sur les bancs du
groupe FI.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Très bien !
M. le
président. La parole est à M. Bruno Millienne, pour un rappel au
règlement.
M. Bruno
Millienne. Rappel au règlement sur le fondement de
l’article 100.
Je vais répondre à ces accusations. Le président de
l’Assemblée nationale, appuyé par la majorité, avait proposé, lors d’une réunion
du bureau, d’appliquer à ce texte le temps législatif programmé, en y consacrant
non pas 50 heures, ni même 100 heures, mais 120 heures.
Mme
Clémentine Autain. Pourquoi ne pas l’avoir appliqué, dans ce cas ?
(Exclamations sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Sylvain
Maillard et M. Rémy Rebeyrotte. Vous l’avez refusé !
M. Bruno
Millienne. Madame Autain, je vous ai laissée parler : laissez-moi
parler, s’il vous plaît !
Cette proposition a été refusée par deux
groupes, et seulement deux groupes : GDR et FI. C’est un des éléments qui
prouvent que ces gens-là ne veulent pas débattre.
Mme
Clémentine Autain. Mensonge ! C’est vous qui êtes en cause :
vous n’aviez pas respecté les délais !
M. Bruno
Millienne. Ils ne veulent qu’une chose : faire durer les débats au
maximum en revenant systématiquement sur les mêmes sujets, situés à différents
articles du texte. Or il ne sera peut-être pas possible d’examiner ceux-ci,
parce qu’ils ne veulent pas que nous puissions les atteindre !
Vos
droits sont assurément irréfragables – je reprends un terme que vous aimez
bien employer. Vous voulez faire capoter ce projet de loi, soit !
(« Bien sûr ! Nous sommes
contre ! » sur les bancs des groupes FI et
GDR), mais assumez votre obstruction auprès des Français. J’en veux pour
preuve les fameux 700 000 sous-amendements que vous avez validés.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, pour un rappel
au règlement.
M.
Jean-René Cazeneuve. Rappel au règlement au titre de l’article 100
et relatif au bon déroulement de nos débats.
Je tiens à rappeler à tous
nos collègues que le droit d’amendement est évidemment fondamental ; c’est,
justement, parce que nous le respectons que nous sommes surpris par la façon
dont se déroulent nos débats. Une petite musique s’installe : « Super,
on fait du 100 amendements à l’heure – et bientôt, on fera du
150 ! », comme si la qualité du débat en dépendait. Nous croyons le
contraire. Lorsqu’on fait du 150 amendements à l’heure, cela signifie que
nous ne débattons pas, que ces amendements ne suscitent aucun débat de fond. Ce
ne sont que des amendements point-virgule, des amendements de pure forme.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Nous
préférerons, nous, examiner moins d’amendements, mais des amendements de fond,
qui suscitent le débat et visent à améliorer le texte.
Mme Danièle
Obono. C’est notre droit de déposer les amendements que nous
voulons !
M.
Jean-René Cazeneuve. Notre rôle n’est pas de battre un record !
Mme Danièle
Obono. Là n’est pas le problème !
M.
Jean-René Cazeneuve. Je le répète : nous respectons le droit
d’amendement, qui est fondamental. Néanmoins, tout irait mieux si vous retiriez
les 30 000 amendements dilatoires que vous avez déposés pour nous
consacrer à 2 000 ou 3 000 amendements de fond.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
Plusieurs députés du groupe
FI. Eh bien ! Voilà qui a le mérite d’être clair !
M. le
président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour un rappel au
règlement.
M. Philippe
Vigier. Rappel au règlement sur le fondement de
l’article 100.
Monsieur Millienne, le Gouvernement pouvait très bien
choisir d’appliquer le temps législatif programmé au texte : il aurait
simplement fallu pour cela qu’il le dépose sur le bureau de l’Assemblée
nationale six semaines avant son examen. (Approbation sur les bancs des
groupes LR et FI. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Puis-je
terminer ? Je ne crois pas prendre la parole très souvent. Il serait bon de
nous écouter.
Lorsque le président Ferrand a proposé le temps législatif
programmé, le groupe Libertés et territoires ne s’y est pas opposé ; nous
voulions néanmoins savoir si tous les groupes étaient d’accord. Tel n’a pas été
le cas.
Mes chers collègues, lorsque nous examinons 100 amendements
à l’heure, ne boudez pas votre plaisir ! Il n’est pas possible d’affirmer,
d’un côté, que l’opposition fait du blocage en déposant
30 000 amendements (Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM)… Puis-je terminer ? (M. Jean-Paul Dufrègne
applaudit.)
M. le
président. Chers collègues, seul M. Vigier a la parole.
M. Philippe
Vigier. On ne peut pas à la fois vouloir qu’on avance et regretter que
nous allions à 100 à l’heure ! Or les choses étaient plutôt bien engagées
ce matin.
Vous vous êtes mis dans la seringue tout seuls : il ne
fallait pas imposer la date butoir du 3 mars !
(« Eh oui ! » sur
les bancs du groupe LR.) Maintenant, évitez l’écueil d’André Laignel
déclarant : « Vous avez juridiquement tort, parce que vous êtes
politiquement minoritaires. » Cette phrase a été prononcée ici, il y a
quarante ans. La démocratie a un coût et un prix. Elle exige de se respecter, de
s’écouter et d’avancer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur
plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour un rappel au
règlement.
M. Boris
Vallaud. Rappel au règlement sur le fondement de l’article 100,
alinéa. Depuis ce matin, nous avons abordé des sujets de fond et posé beaucoup
de questions.
M. Alain
Perea. Tout comme hier et avant-hier et avant-avant-hier…
M. Boris
Vallaud. Certaines de ces questions étaient des demandes de précision,
d’autres reflétaient des incompréhensions, soulignaient des manques ou
marquaient des divergences d’interprétation. Nous essayons d’aller au fond des
choses,…
M. Alain
Perea. Ça, vous allez y rester, au fond…
M. Boris
Vallaud. …que ce soit à l’occasion de l’examen d’un de nos amendements
– les membres de notre groupe n’en ont déposé que 700 – ou à
l’occasion de celui d’un autre amendement. Je conçois que le fait que cela se
passe bien et que nous allions au fond des choses vous dérange.
(Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Et pourtant, c’est
la réalité, et vous ne cessez d’essayer de revenir à votre thème de
l’obstruction. Ce que cela révèle, c’est que vous aimeriez que les désaccords,
les mécontentements et les colères s’arrêtent aux portes de l’Assemblée
nationale. Pour ma part, je pense que c’est une nécessité que s’expriment ici
les contradictions et les colères.
M. Rémy
Rebeyrotte. Bien sûr !
M. Boris
Vallaud. Et elle s’y expriment de diverses manières, y compris à travers
le choix fait par plusieurs groupes de déposer beaucoup d’amendements – ce
que la majorité appelle de l’obstruction.
M. Rémy
Rebeyrotte. Trente mille amendements !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Et alors ? Nous aurions pu en déposer
100 000 !
M. Boris
Vallaud. S’il n’y avait pas cette violence symbolique dans le débat
parlementaire, cela ne servirait à rien de débattre. Ce n’est pas parce qu’on
n’est pas d’accord avec vous qu’on est contre la France. Nous sommes les uns et
les autres élus pour dire ce que nous entendons exprimer.
M. Rémy
Rebeyrotte. Oui à l’opposition, non à l’obstruction !
M.
Jean-Paul Dufrègne. L’obstruction, c’est vous !
M. Boris
Vallaud. Vous ne pouvez pas considérer systématiquement que vous avez
raison contre l’ensemble du pays… Et c’est pourtant ce que vous
prétendez !
M. le
président. Je vous prie de conclure, cher collègue.
M. Boris
Vallaud. Mettez-vous au travail comme nous-mêmes essayons de le faire.
(Huées sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)
M. Éric
Coquerel. Rappel au règlement !
M. le
président. Monsieur Coquerel, tout n’a-t-il pas été dit ?…
M. Éric
Coquerel. Nous allons reprendre la discussion, monsieur le président,
mais je voudrais auparavant préciser un point pour la bonne tenue de nos débats
– sur le fondement de l’article 100. Je signale à notre collègue
Millienne que pour débattre à peu près sereinement, encore faut-il ne pas
mentir. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Fait personnel ? !
M. le
président. Pas d’échanges bilatéraux entre députés, s’il vous plaît.
M. Éric
Coquerel. Je ne fais que répondre à son argumentation, monsieur le
président, afin que ceux qui nous écoutent sachent la vérité.
S’agissant
de la procédure du temps programmé, nous n’avons fait qu’appliquer le
règlement.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Personne ne dit le contraire !
M. Éric
Coquerel. Si elle n’a pas été appliquée, le Gouvernement en est le seul
responsable, car il n’a pas respecté les délais, voulant à tout prix que ces
deux textes de loi soient adoptés avant les municipales.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Eh oui ! Assumez !
M. Éric
Coquerel. Il n’y a pas ici de groupe qui aurait entravé l’application de
cette procédure dans le cadre du règlement : c’est le Gouvernement et, à
travers lui, la majorité qui se sont mis dans cette situation.
D’autre
part, cessez, monsieur Millienne, de mentir en racontant cette histoire de
700 000 amendements.
M. Rémy
Rebeyrotte. De 700 000 sous-amendements, et non
amendements.
M. Éric
Coquerel. Je ne vois pas quel est votre intérêt. Cette infox a déjà été
dénoncée par des sites de fact checking – et elle provient de chez vous, la
presse l’a démontré. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)
Je serais à votre place, je ne répéterais plus ce genre de mensonge parce
que cela ne fait qu’embrouiller le débat. Il n’y a pas 700 000 amendements
qui ont été déposés.
M. Rémy
Rebeyrotte. Sous-amendements !
M. Éric
Coquerel. Il n’y a pas non plus 700 000 sous-amendements qui ont
été déposés. Pourtant, vous continuez à répéter ce mensonge.
En outre, je
rappelle que deux groupes avaient proposé de reporter le vote sur l’ensemble des
deux textes après la clôture de la conférence de financement, ce qui aurait
permis de disposer de sept semaines de débats, de ne plus être sous le couperet
de l’article 49, alinéa 3, et même d’utiliser le temps programmé,
réglant ainsi ce que votre majorité considère comme un problème.
M. le
président. Merci, cher collègue.
Article 4 (suite)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 13544 et de
seize amendements identiques déposés par les membres du groupe La France
insoumise.
Sur ces amendements, je suis saisi par le même groupe d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Danièle Obono, pour les
soutenir.
Mme Danièle
Obono. Ces amendements tendent à supprimer l’alinéa 4 de l’article.
Je rappelle, pour que les choses soient bien claires, que l’article 4 porte
globalement sur les indépendants, et l’alinéa 4 sur les avocats salariés.
On en revient ainsi à nos questions très précises. Il ne s’agit pas, madame la
présidente de la commission, d’une question d’ordre général – même s’il
nous arrive d’en poser et nous assumons d’interpeller sur ce fondement –,
mais de savoir très précisément ce qu’il en est de l’abattement de 30 %. Le
vice-président de la CNBF lui-même s’en inquiète.
Rappelons qu’il est
prévu un abattement de 30 % sur la CSG pour compenser en partie la hausse
des cotisations. Actuellement, les avocats cotisent sur leur revenu net, mais
vous dites que l’assiette va être élargie et que le montant des cotisations sera
calculé sur la base du salaire dit super-brut, et cela sans même que ce dernier
soit défini. D’où notre question, qui est très précise : comment sera
calculé le super-brut ? On ne nous a pas répondu, se contentant de nous
renvoyer à l’article 21, c’est-à-dire à une ordonnance, laquelle
n’apportera sûrement pas plus de précision. Cela ne sert à rien de nous renvoyer
à un tel article, puisque celui-ci dit qu’il « vise à préciser
l’habilitation à adopter l’assiette des cotisations et contributions sociales
des travailleurs indépendants en prévoyant que la future assiette sera
déterminée par application d’un abattement de 30 % aux bénéfices ou
rémunérations, tenant compte de l’assiette des cotisations applicables dans le
système universel de retraite ». (Murmures sur les bancs du groupe
LaREM.)
Plusieurs députés du groupe
LaREM. Vous êtes perdue !
Mme Danièle
Obono. Oui, on est perdu ! Et si l’on est perdu, c’est que
c’est complètement flou.
Je défends donc, chers collègues, des
amendements précis, qui demandent une réponse précise : « oui »,
« non » ou « on ne sait pas ». Que le Gouvernement assume
qu’il ne sait pas, qu’il a mal préparé ce texte et qu’il fait des annonces au
fur et à mesure, dans un contexte de défiance totale !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements
identiques ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Avis défavorable. Je
signale qu’au total, nous devons en être à deux cent onze amendements identiques
ou presque. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Vous n’avez pas répondu sur le super
brut !
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Encore une fois, vous posez des
questions dont vous avez les réponses, madame la députée. Si, par hasard, vous
arrivez à trouver une nouvelle question que vous n’auriez pas encore posée au
cours des onze jours précédents, c’est parce que vous avez déjà la réponse.
(Applaudissements sur de quelques bancs du groupe LaREM.) En
l’occurrence, lisez la page 146 de l’étude d’impact et vous y trouvez la
définition du super-brut. Je ne pense pas que ce soit très passionnant de passer
une heure là-dessus puisque vous avez déjà la réponse.
Avis défavorable.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Jacques
Marilossian. Ils n’ont pas lu l’étude d’impact !
Mme Elsa
Faucillon. Si, nous l’avons lue – et nous ne sommes pas les
seuls…
M. le
président. La parole est à Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. J’ai une grande amie qui est avocate
et, depuis deux jours, elle est ravie parce qu’on ne fait que parler des
avocats… Toutefois, je ne suis pas sûre que ce coup de projecteur sur eux leur
rende vraiment service puisque les collègues de l’opposition sont en train
d’expliquer au reste de la population que les avocats, eux, ne devraient pas
être dans le système universel de retraite.
L’article 4 est, je le
rappelle, consacré aux indépendants : je pense à ma coiffeuse, à mon
boucher, à mon boulanger (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe
LR),…
M. Jérôme
Lambert. C’est sûr qu’ils font la gueule !
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. …à l’artisan qui est venu faire des
travaux chez moi, au cabinet d’infirmières installé juste à côté de mon domicile
etc. Cet article, ils l’attendent parce qu’il s’agit aussi de leur retraite.
Arrêtons donc, s’il vous plaît, de ne parler que des avocats.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Au risque
que certains collègues brandissent encore leur exemplaire du règlement, je suis
désolée de rappeler que, depuis le début de la législature, chaque projet de loi
a une date butoir pour son examen en première lecture, et que cela n’a jamais
posé aucun problème. Je ne vois donc pas pourquoi il y aurait un problème pour
ce projet de loi, sinon que le but est de se servir de ce prétexte pour refuser
le débat. (Mêmes mouvements.)
Arrêtez de nous faire perdre du
temps,…
M. Maxime
Minot. Et vous, que faites-vous en ce moment ?
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. …d’autant que vous vous plaignez d’en
manquer. Arrêtez de défendre des amendements redondants – le rapporteur
général a dit que c’était le deux cent onzième ayant le même objet –, sans
avoir d’autre but que de répéter encore et encore la même chose, comme dans un
jour sans fin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. –
Exclamations sur les bancs des groupe LR, FI et GDR.)
M. le
président. Merci, chère collègue.
La parole est à M. Bruno
Millienne.
M. Bruno
Millienne. Comme cette assemblée est friande de cas concrets, je
prendrai celui d’un boucher qui s’appelle Michel.
Mme Danièle
Obono. Ce n’est pas l’objet de ces amendements, qui concernent les
avocats ! Vous êtes hors sujet !
M. Bruno
Millienne. Vous avez parlé des avocats, libre à moi de parler des
indépendants et artisans.
Mme Danièle
Obono. Cela nous fait perdre du temps !
M. Bruno
Millienne. Ce boucher, aujourd’hui à la retraite, a eu une carrière
compliquée parce qu’il n’était pas en boutique, mais sur les marchés. Il a connu
une première partie de carrière assez florissante, à l’époque où les marchés
étaient très appréciés, puis une période de déclin, ce qui l’a conduit à taper
dans ses économies. Il avait évidemment cotisé à sa caisse, mais le moins
possible, comme beaucoup de commerçants, qui ont comme lui prélevé dans le
capital qu’ils avaient constitué pour leur retraite. Aujourd’hui, à 78 ans,
il touche une petite retraite largement inférieure au SMIC et est obligé de
continuer à travailler tous les week-ends pour l’améliorer.
Je voulais
lui rendre hommage, ainsi qu’aux autres indépendants qui se trouvent dans la
même situation. Et quand je lui ai parlé de la réforme des retraites, il m’a
dit : « J’aurais bien aimé que ce système existe quand j’étais en
activité parce que au moins j’aurais dû cotiser obligatoirement à un niveau qui
m’aurait assuré un minimum de pension que je n’ai pas aujourd’hui. » Je lui
rends particulièrement hommage, parce que figurez-vous que, même si je suis un
député Playmobil, ce boucher qui s’appelle Michel, c’est mon oncle.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du
groupe MODEM.)
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle
Obono. Je rappelle que la discussion porte sur l’alinéa 4 de
l’article 4, alinéa qui porte sur les avocats salariés. (Rires et
exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Sacha
Houlié. Zéro !
M. Bruno
Millienne. Vous êtes disqualifiée !
M. le
président. Écoutons Mme Obono, chers collègues.
Mme Danièle
Obono. C’était un simple rappel, mes chers collègues.
Et si nous
parlons des avocats, c’est bien parce qu’ils sont spécifiquement concernés par
cette réforme. S’agissant de l’alinéa 2, qui portait sur l’ensemble des
travailleurs et travailleuses indépendants, vous avez dû entendre nos
interpellations – du moins si vous étiez présents et attentifs, ce dont je
ne doute pas. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. Chers collègues !
M. Rémy
Rebeyrotte. Mais ce sont provocations sur provocations, monsieur le
président !
M. Bruno
Millienne. On en a marre des mensonges !
Mme Danièle
Obono. Je pense, par exemple, à notre interpellation au sujet de ce
jeune kinésithérapeute qui, ayant fait le calcul des baisses de pension de
retraite que vont provoquer vos mesures, s’est mobilisé avec ses collègues
– et nous aurions bien d’autres exemples encore à vous fournir.
Si
nous posons des questions précises, c’est pour recevoir des réponses précises,
parce que, dans les faits – un député de la majorité a évoqué le Conseil
d’État –, l’étude d’impact du Gouvernement est truffée d’erreurs, comme
cela a été prouvé maintes fois, et que vous passez votre temps à faire des
annonces sans rapport avec les interrogations des premiers et premières
concernés sur des problèmes qu’eux-mêmes et elles-mêmes ont du mal à cerner.
C’est bien pourquoi nous nous en faisons le relais. (Exclamations sur les
bancs du groupe LaREM.)
Vous récoltez ce que vous avez semé, parce
que ce projet de loi, un texte d’ampleur qui nécessiterait que l’on prenne le
temps de le comprendre et qu’il soit répondu avec précision aux questions qu’il
pose, a été bâclé. (Mêmes mouvements.)
M. le
président. Merci, chère collègue.
La parole est à
Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. J’entends certains députés de la majorité dire
que nous ne parlons que des avocats, mais c’est inexact : la première qui a
parlé des coiffeurs ce matin, c’est moi, et j’ai aussi cité, outre les avocats,
les experts-comptables, les artisans et les commerçants. Nous n’avons pas de
leçons à recevoir (Murmures sur les bancs du groupe LaREM) – et je
me garderai bien d’en donner à qui que ce soit à condition qu’il y ait du
respect.
Nous venons d’entendre un témoignage censé évoquer la vraie vie.
Or si nous insistons au sujet des avocats, c’est bien parce que des audiences ne
peuvent pas être menées à leur terme, que beaucoup de justiciables sont en
attente d’une décision qui ne peut être rendue et que notre système judiciaire
est totalement bloqué.
M.
Jean-Jacques Bridey. Et donc ?
Mme
Marie-Christine Dalloz. C’est un problème aussi pour les
justiciables ! Il convient de sortir rapidement de cette situation de
blocage pour qu’ils puissent bénéficier du service de justice auxquels ils ont
le droit de prétendre.
M. M’jid El
Guerrab. C’est vrai !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Quant à la forme du débat elle-même, je rappelle
à chacun que l’on peut travailler ensemble tout en dialoguant et en s’opposant,
et que l’Assemblée nationale est le lieu même du débat démocratique. Il y a une
majorité, et des élus qui ne sont pas d’accord sur certains aspects du texte
proposé – mais, de grâce, patientons, respectons, écoutons. Que vous,
députés de la majorité, soyez excédés, cela peut s’entendre puisque cela fait
maintenant plus de dix jours que nous examinons ce texte en séance publique,
mais la patience est une vertu.
M. Rémy
Rebeyrotte. Nous ne sommes pas excédés, nous constatons
l’obstruction !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Je vous invite tous à accepter que le débat
avance au rythme qui est le sien, ce qui nous permettra d’obtenir des réponses
pour chaque catégorie de Françaises et de Français que votre texte inquiète
légitimement. Elles sont en droit d’attendre des réponses – qu’il est vrai
que vous fournissez. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. –
M. Jean-Paul Dufrègne applaudit également.)
M. le
président. La parole est à M. Éric Bothorel.
M. Éric
Bothorel. Madame Obono, vous avez posé une question précise sur le
super-brut et le secrétaire d’État vous a renvoyé à la lecture de la
page 146 de l’étude d’impact, que j’ai moi-même relue.
La
page 146 apporte l’explication suivante : « Ainsi, la nouvelle
assiette des prélèvements sociaux des indépendants correspondra au revenu
super-brut, c’est-à-dire les revenus professionnels retenus avant déduction des
cotisations sociales obligatoires et la part déductible de la CSG, diminués d’un
abattement forfaitaire. » Voilà un premier élément de réponse, qui me
paraît précis, à votre demande de définition.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Elle n’est pas mal,
finalement, cette étude d’impact !
M. Éric
Bothorel. Enfin, La France insoumise indiquait, dans son projet
présidentiel, avoir besoin de 2 points de PIB pour réaliser tous ses
projets sociaux. Or, dans votre contre-projet de réforme des retraites, ces
2 points de PIB sont consacrés aux retraites : on se demande comment
sont financées les augmentations de salaires et autres mesures. Dans votre
contre-projet, vous garantissez également à tous une retraite égale au SMIC,
mais sans en préciser le montant : s’établira-t-il au niveau actuel, au
SMIC revalorisé de 15 % qu’avait proposé le candidat Mélenchon, ou encore
aux montants de 1 600 euros ou 1 800 euros qu’on entend dans
les cortèges ?
Alors, de grâce, pas d’excès de votre part, et pas de
leçons sur notre supposé manque de précision, parce que votre contre-projet ne
repose sur rien et que vous l’avez élaboré au doigt mouillé ! (Vifs
applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.
– Protestations sur les bancs du groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel.
M. Alain
Bruneel. Pour répondre à de précédentes interventions, pour ce qui me
concerne, je ne mets pas en doute la parole des collègues qui expliquent
rencontrer des coiffeurs, des bouchers, des boulangers, des avocats, des
kinésithérapeutes ou des experts-comptables. Je leur signale simplement que nous
en rencontrons aussi. Ceux que vous rencontrez, à vous entendre, soutiennent
votre réforme. Ceux que nous rencontrons, pour notre part, expriment l’avis
inverse.
Nous vous avions proposé, afin de mettre tout le monde d’accord,
d’organiser un référendum. Les bouchers, les boulangers, les ouvriers et les
employés auraient ainsi pu s’exprimer.
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Ils se sont déjà exprimés en 2017 !
M. Alain
Bruneel. On aurait bien vu, alors, qui est d’accord avec vous et qui ne
l’est pas. C’était le meilleur moyen de poursuivre le débat de façon
démocratique, mais vous n’avez pas voulu.
Acceptez tout de même que nous
soyons en désaccord profond avec ce projet de réforme !
M. Bruno
Millienne. Il est tout de même incroyable que ce soient des députés qui
refusent la démocratie !
M. Alain
Bruneel. Acceptez aussi que nous proposions des amendements constructifs
(Mme Nadia Hai s’exclame), parce que nous avons besoin
de savoir. Vous nous renvoyez à la page 146 de l’étude d’impact, mais nous
ne savons toujours pas comment le système sera financé, ni quels seront la
valeur du point d’indice ou l’âge d’équilibre. Admettez tout de même que nous
avons le droit de nous poser des questions ! Or c’est ce que nous faisons à
travers nos amendements. L’hémicycle doit être un lieu de débat et de
proposition, un lieu où l’opposition – et non pas l’obstruction,
contrairement à ce qui est souvent répété par certain collègue –…
M. Rémy
Rebeyrotte. Si ! L’obstruction !
M. Alain
Bruneel. …doit pouvoir s’exprimer de manière constructive et relayer les
réactions que nous recueillons dans la rue et lors de nos contacts avec les
Français.
Nous sommes bien dans nos baskets et nous continuerons à
soutenir nos amendements, qui sont constructifs ! (Applaudissements sur
les bancs des groupes GDR et FI.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 13544 et les
seize amendements identiques déposés par les membres du groupe La France
insoumise.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 105
Nombre
de suffrages
exprimés 91
Majorité
absolue 46
Pour
l’adoption 15
Contre 76
(Les amendements no 13544 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Hervé Saulignac, pour soutenir
l’amendement no 24936.
M. Hervé
Saulignac. Je veux à mon tour évoquer les artisans. Vous ne me ferez
pas, je pense, le reproche de faire de l’obstruction en parlant d’une profession
dont le niveau des pensions, après une carrière complète, s’établit à environ
1 000 euros – comme c’est également le cas pour les commerçants
et les agriculteurs, dont les pensions sont même légèrement
inférieures.
Les artisans cotisent jusqu’à un plafond de sécurité
sociale, à hauteur de 25,3 %.
M. Bruno
Millienne. Ils peuvent cotiser jusqu’à trois plafonds !
M. Hervé
Saulignac. Les faire passer à 28,12 % comme les salariés, c’est
leur faire franchir une marche élevée. Vous l’avez d’ailleurs reconnu, monsieur
le secrétaire d’État – je vous accorde cette honnêteté. Nous comprenons mal
comment les artisans pourront trouver place dans votre nouveau système universel
de retraite. Je rappelle qu’un indépendant est son propre employeur, qu’il
s’acquitte de la totalité des cotisations – patronales et salariales –
et que son assiette de cotisation peut bien entendu varier en fonction de son
activité.
J’ai bien compris que la transition s’étalerait sur quinze
années et qu’elle serait lissée. Je veux toutefois vous interroger, monsieur le
secrétaire d’État, sur ce lissage : dans la mesure où ses modalités seront
définies par ordonnance, vous comprendrez que nous ayons toutes et tous besoin
d’être éclairés. Si je pose cette question, ce n’est pas pour essayer de vous
tendre un piège ou pour faire obstruction aux débats, c’est parce que je crois
que les députés – et plus encore les principaux intéressés, à savoir les
artisans – doivent savoir comment ce lissage interviendra.
Qu’en
sera-t-il ? Ferez-vous, oui ou non, appel aux réserves de certains
régimes ?
M. Frédéric
Petit. On a déjà répondu cinq fois à cette question !
M. Hervé
Saulignac. Si tel devait être le cas, quelles réserves seront
concernées, et dans quelles conditions ?
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Merci, cher collègue
Saulignac, pour cette intervention. Je vous sais particulièrement attaché à la
situation des artisans et des commerçants. Cela étant, à travers la suppression
des alinéas 5 à 8 de l’article 4, vous proposez de les exclure du
système universel, les privant de ce fait de toutes les solidarités
intergénérationnelles et des droits qu’il offrira. Pour beaucoup, cela se
traduirait par le maintien dans une précarité durable. C’est pourquoi la
commission émet un avis défavorable sur la suppression de ces alinéas de
coordination avec les dispositions adoptées dans l’article 2.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur le député Saulignac,
je ne pourrai qu’émettre un avis défavorable sur la suppression des
alinéas 5 à 8. Vous avez cependant choisi d’étayer votre propos en évoquant
une question jusqu’ici peu abordée : si nous avons parlé pendant des
dizaines d’heures des avocats, vous avez le mérite de vous concentrer sur les
commerçants et les artisans, dont la situation reste peu débattue, alors qu’ils
sont aussi représentatifs, sinon plus, de la diversité de la population active
française. Je prendrai donc quelques instants pour vous répondre sur ce point
qui n’a, étonnamment, pas fait l’objet de débats après dix jours d’examen du
texte dans l’hémicycle.
Vous avez raison de souligner que le taux de la
cotisation vieillesse augmentera pour passer de 25,3 % à 28,12 %. Vous
avez aussi entendu, néanmoins, que l’assiette de la CSG évoluera. Ainsi, les
artisans et les commerçants ne subiront aucune augmentation des cotisations,
cette dernière étant totalement compensée : l’effet sera parfaitement
neutre. Surtout, ils bénéficieront de tous les avantages du système universel de
retraite, notamment – vous l’avez évoqué tout à l’heure – du minimum
de pension porté à 85 % du SMIC. Pour bien connaître, moi aussi, le
quotidien des artisans et des commerçants, je peux vous assurer que leur vie à
la retraite s’en trouvera considérablement modifiée – comme l’un des
députés qui sont intervenus tout à l’heure l’a fort bien souligné.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Le sujet est complexe. Un artisan ou un commerçant
peut exercer son activité sous différentes formes : entreprise
individuelle, entreprise individuelle à responsabilité limitée, SARL
– société à responsabilité limitée –, SAS ou société par actions
simplifiée… C’est aussi le cas pour les professions libérales. Suivant la forme
retenue, on peut arbitrer entre la base – le revenu –, et les sommes
qui seront soumises à l’impôt sur les sociétés. Le régime fiscal n’est pas du
tout le même suivant que la société est fiscalement transparente
– c’est-à-dire qu’elle réalise des BNC, bénéfices non commerciaux, ou des
BIC, bénéfices industriels et commerciaux – ou qu’elle est soumise à
l’impôt sur les sociétés.
L’article 4 me semble aller dans le bon
sens, parce qu’il donne de la visibilité. Les modalités de calcul seront
définies ultérieurement, à l’article 21. Je sais que les ordonnances font
l’objet de nombreuses critiques, mais elles me semblent nécessaires, car c’est
un vrai débat technique qui va s’ouvrir. Pour avoir accompagné pendant des
années des commerçants et des artisans, j’ai pu constater combien leurs façons
de fonctionner avaient évolué. Si on ne sait pas quels seront les modes
d’exercice de ces professions à l’avenir, on sent bien quelle tendance est à
l’œuvre.
Plusieurs lois de financement de la sécurité sociales, il y a
quelques années, avaient d’ailleurs prévu des mesures de lutte contre des formes
d’optimisation fiscales consistant, pour certains professionnels libéraux, à
renoncer à une grande partie de leurs rémunérations au profit de la distribution
de dividendes. Ces derniers, qui constituaient une façon détournée de ne pas
payer de cotisations sociales, ont ainsi été taxés.
Nous devrons nous
concentrer sur les ordonnances, car elles sont techniques et nécessaires. Le
régime proposé me paraît bon, mais il n’est pas simple : nous n’avons pas
fini de débattre de ces questions. Pour ma part, j’attends avec impatience les
ordonnances (Exclamations sur les bancs du groupe FI), qui seront
négociées et travaillées sur le fond. (Applaudissements sur les bancs du
groupe MODEM.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Il est amusant d’entendre un parlementaire dire qu’il
attend avec impatience des ordonnances pour être éclairé sur le contenu de la
loi…
M. Vincent
Descoeur. C’est vrai !
M. Sylvain
Maillard et M. Frédéric Petit. Nous les ratifierons, ces
ordonnances ; elles seront soumises à notre examen !
Mme
Clémentine Autain. Franchement, c’est assez cocasse.
Nous avons
bien consulté la page 146 de l’étude d’impact. L’éclairage apporté est
toutefois très relatif, monsieur le secrétaire d’État. Permettez-moi de lire à
nouveau la phrase citée par M. Bothorel : « la nouvelle assiette
des prélèvements sociaux des indépendants correspondra au revenu
super-brut , c’est-à-dire – tenez-vous bien – les revenus
professionnels retenus avant déduction des cotisations sociales obligatoires et
la part déductible de la CSG, diminués d’un abattement forfaitaire. »
M. Sylvain
Maillard. C’est très clair !
M. Bruno
Millienne. Quelle partie de la phrase ne comprenez-vous pas ?
Mme
Clémentine Autain. Nous vous posons, à nouveau, une question
concrète : quelle est la différence, en pourcentage, entre les deux
assiettes ? Nous devons être éclairés sur ce point.
M. Vincent
Descoeur. Ce ne serait pas inutile, en effet…
Mme
Clémentine Autain. Je signale que les deux exemples donnés dans l’étude
d’impact concernent les artisans – qui ne s’acquittent pas du même taux de
cotisation vieillesse que, par exemple, les avocats ou les médecins – et
les auto-entrepreneurs. Vous garantissez d’une simple phrase qu’il n’y aura pas
de différentiel entre la baisse de la CSG et la hausse des cotisations
vieillesse – d’une phrase ! Vous ne fournissez aucun exemple
concernant les avocats ou les médecins. J’estime donc que ces deux pages ne sont
pas de nature à nous éclairer.
Les avocats et les médecins ont d’ailleurs
décidé de publier, au mois de mars, leurs propres projections, parce que l’étude
d’impact est, de A à Z, truffée de biais qui ne permettent pas d’éclairer
véritablement nos débats,…
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Cela
fait déjà quatre fois que vous dites ça ce matin…
Mme
Clémentine Autain. …parce que l’âge d’équilibre y est fixé à
65 ans, parce que le taux de croissance y est figé ad vitam aeternam
à 1,3 %, et parce que vous y présentez des exemples qui font parfois
sourire, comme cette infirmière qui gagnerait 2 500 euros par
mois.
M.
Jean-Michel Fauvergue. Ce n’est pas vrai !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous n’écoutez pas les
débats !
Mme
Clémentine Autain. Autant vous dire que tout cela n’est pas parole
d’évangile – pour le dire avec humour.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Je me réjouis moi aussi que nous parlions des
artisans et des commerçants. Je veux souligner la difficulté qui est la leur
aujourd’hui, particulièrement en milieu rural, où ils exercent souvent des
activités peu rémunératrices. On voit bien, d’ailleurs, toutes les peines qu’ils
peuvent rencontrer à transmettre leur commerce : la notion de fonds de
commerce existe de moins en moins, parce que la valeur d’un fonds de commerce
réside dans sa rentabilité, c’est-à-dire dans ce qu’il est susceptible de
rapporter eu égard à l’investissement réalisé.
M.
Jean-Paul Mattei. C’est vrai.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Ces métiers, qui sont de moins en moins attractifs,
le seront encore moins à l’avenir, puisque votre nouveau système, s’il est
adopté, conduira à augmenter les cotisations pesant sur des revenus déjà
faibles. Je ne crois pas qu’on puisse se satisfaire de garantir aux artisans et
commerçants, en contrepartie, une pension de retraite équivalente à 85 % du
SMIC. Certes, c’est mieux que de toucher 800 euros, mais qui, ici,
souhaiterait vivre avec 1 000 euros pour sa retraite ?
M. Julien
Borowczyk. Et que proposez-vous ?
M.
Jean-Paul Dufrègne. C’est pourquoi nous souhaitons que la fameuse
conférence de financement soit menée en amont de l’examen du texte au Parlement,
afin que nous puissions définir les moyens à consacrer à cette réforme des
retraites.
M. Rémy
Rebeyrotte. Vous n’en voulez pas, de la réforme !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Aujourd’hui, vous restreignez ces moyens tout en
faisant semblant d’être généreux – mais cette générosité, qui se limite à
85 % du SMIC, l’accepteriez-vous pour vous-mêmes ?
M. Sylvain
Maillard. Vous vous battez pour conserver un système dans lequel les
artisans et commerçants touchent encore moins !
M. le
président. La parole est à M. Hervé Saulignac.
M. Hervé
Saulignac. Je rappellerai d’abord au rapporteur et à M. le
secrétaire d’État que, si nous déposons des amendements de suppression, c’est
parce qu’il s’agit du seul moyen dont nous disposons pour faire valoir un
certain nombre d’arguments, dès lors que les autres amendements que nous
pourrions présenter seraient frappés d’irrecevabilité au titre de
l’article 40 de la Constitution. Il ne s’agit pas demander l’exclusion des
artisans du futur système que vous voulez construire ; je souhaite, pour ma
part, qu’ils soient intégrés dans un système universel, dès lors que celui-ci
serait généreux.
Je suis extrêmement étonné de la réponse que vous avez
faite, monsieur le secrétaire d’État. Vous évoquez le minimum contributif porté
à 85 % du SMIC. Je vous signale qu’aujourd’hui, un artisan ayant effectué
une carrière complète touche déjà, au titre de sa retraite de droit direct,
85 % du SMIC. Vous leur promettez donc ce qu’ils ont déjà, c’est-à-dire une
très maigre pension, et vous leur dites que votre système ne produira pas plus,
alors qu’eux-mêmes devront cotiser plus.
Pourquoi tant de mystère sur ces
ordonnances ? Pourquoi cette omerta ? Monsieur le secrétaire d’État,
quelles sont vos intentions ? Vous avez dit publiquement qu’il fallait un
lissage, mais qu’y a-t-il derrière ce lissage ? Comment allez-vous
faire ? Allez-vous, oui ou non, faire appel aux réserves de certaines
caisses ? Répondez à ces questions, car les artisans veulent savoir.
M. Frédéric
Petit. On y a déjà répondu !
M. Hervé
Saulignac. Par ailleurs, peut-être pourriez-vous donner aux commerçants
et artisans à la retraite des perspectives un peu plus positives que le statu
quo. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le
président. La parole est à M. Sacha Houlié.
M. Sacha
Houlié. Puisque nous parlons de la cotisation des artisans et des
commerçants, permettez-moi de dire que, pour toute personne qui a eu la chance
ou l’occasion de gérer une entreprise, le calcul des assiettes est très
clair : à partir du revenu super-brut, on abat les cotisations sociales,
puis la CSG, puis les déductibilités et on obtient ainsi le revenu sur lequel
s’applique la cotisation. Tous ceux ici qui ont géré une entreprise savent ce
que cela veut dire.
Vous nous dites aussi que la cotisation vieillesse va
augmenter et, de fait, c’est écrit dans le projet de loi. Ce que vous ne dites
pas, en revanche, parce que vous ne lisez que partiellement l’étude d’impact,
c’est que les non-salariés gagneront 0,4 milliard d’euros et, dans cette
hypothèse, acquitteront certes 2,2 milliards d’euros de prélèvements de
cotisation retraite supplémentaires, mais bénéficieront aussi d’une
déductibilité de 2,6 milliards d’euros de cotisations ou de prélèvements
sociaux. Ils seront donc gagnants quant aux cotisations qu’ils paieront en
moins, et ils le seront aussi quant aux droits qu’ils auront en
plus.
C’est ce que nous vous disons en évoquant l’assurance d’un minimum
contributif,…
Mme
Clémentine Autain. Vous n’allez pas recommencer avec ça ? C’est
insensé !
M. Sacha
Houlié. …c’est-à-dire un minimum de pension de 85 % du SMIC, qui
sera de 1 000 euros en 2022, et de 1 147 euros en 2025.
M.
Jean-Paul Dufrègne. En trésorerie, ils seront perdants !
M. Sacha
Houlié. Ce seront donc – pardon de vous le dire – moins de
cotisations et plus de droits. (Applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M.
Jean-Jacques Bridey. CQFD.
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur général.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Monsieur Saulignac, à
aucun moment ne m’est venue l’idée de remettre en question la sincérité de votre
démarche ni de vos intentions pour ce qui concerne les commerçants et les
artisans.
J’apporterai deux précisions. Comme l’a dit le secrétaire
d’État, il n’y aura pas de hausse des cotisations pour les commerçants et les
artisans. D’autre part, pour ce qui regarde la procédure, on peut bien
évidemment amender les dispositions prévues, à condition que ces amendements
soient gagés, sans pour autant que l’article 40 de la Constitution
s’applique.
Madame Autain, pour la sincérité de nos débats, je précise
que l’étude d’impact comporte bien, vers les pages 440 et suivantes, des
informations relatives à toutes les professions libérales et présentant les
cotisations actuelles et des calculs en euros et en pourcentage pour différents
niveaux de revenus. Tout y est : je ne peux donc pas laisser dire qu’il n’y
a dans l’étude d’impact aucune indication concernant les professions d’avocat,
de médecin et de notaire, ou sur la CIPAV, la Caisse interprofessionnelle de
prévoyance et d’assurance vieillesse des professions libérales.
(L’amendement no 24936 n’est pas
adopté.)
Fait personnel
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Monsieur le président, sur le fondement de l’article 58 du
règlement, je déplore un fait personnel.
Je refuse que l’on moque le
Parlement, en présentant comme « cocasse » son rôle de ratification
des ordonnances. Le Parlement travaillera sur la ratification des ordonnances,
qui ne sont pas des décrets. Notre collègue a expliqué qu’il s’agissait
d’éléments très techniques…
M. le
président. Monsieur Petit, le fait personnel n’est pas établi.
M.
Jean-Jacques Bridey. Laissez-le finir !
M. Frédéric
Petit. On se moque de ma fonction ! (Applaudissements sur
quelques bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Rémy Rebeyrotte, pour un rappel au
règlement.
M. Rémy
Rebeyrotte. Il se fonde sur l’article 100 du
règlement.
Monsieur le président, pouvez-vous, puisque vous ne l’avez pas
fait tout à l’heure, nous indiquer le nombre d’amendements qu’il reste à
examiner à cette heure ? (Exclamations sur les bancs des groupes FI et
GDR.)
Pouvez-vous aussi nous confirmer que, dans l’heure qui vient de
passer, nous n’avons voté que dix-sept amendements…
M.
Jean-Paul Dufrègne. Et alors ?
M. Rémy
Rebeyrotte. …et qu’il nous faudrait, à ce rythme, 183 jours de
débats pour parvenir au bout du texte ? (Exclamations sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
Je suggère à nos oppositions de retirer
tous les amendements déposés en double, voire en triple, pour que nous puissions
enfin avancer. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
M. le
président. Je ne vous fait pas grief de votre demande, cher collègue,
mais je vous signale que l’information est accessible à tous : le nombre
d’amendements restant en discussion figure en rouge sur nos tablettes.
(Exclamations.) Il en reste actuellement 31 211.
Notre tâche
est d’avancer et nous allons continuer à le faire. C’est l’honneur du Parlement
que d’essayer de poursuivre le débat.
La parole est à M. Hubert
Wulfranc, pour un rappel au règlement.
M. Hubert
Wulfranc. Il faut arrêter de lancer en permanence des appels au
crime ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Les
oppositions expriment clairement des questionnements.
M. Rémy
Rebeyrotte. Retirez les doublons et les triplons !
M. Hubert
Wulfranc. D’ailleurs, le rapporteur général et le ministre s’expriment
sur le fond à l’occasion de ces amendements, par exemple au sujet de la retraite
des commerçants. Arrêtez donc, s’il vous plaît, de faire monter la sauce dans
l’hémicycle.
M. Rémy
Rebeyrotte. Cent quatre-vingt-trois jours !
M. Hubert
Wulfranc. Le débat se déploie normalement. Vous avez tous le 49.3 en
tête, mais prenez l’air, et continuons le débat tranquillement !
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Rémy
Rebeyrotte. Nous voudrions éviter le 49.3 !
Article 4 (suite)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 13561 et de
seize amendements identiques déposés par le groupe La France
insoumise.
Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe La France
insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric
Coquerel, pour soutenir l’amendement.
M. Éric
Coquerel. Permettez-moi de revenir sur la question de la CSG. Nous avons
reçu hier une délégation d’avocats – même si leur profession n’est pas la
seule concernée. Vous évoquez des questions de représentativité ; eh bien,
cette délégation comportait tout de même quatre bâtonniers, qui s’interrogent.
Les gens écoutent nos débats et c’est tant mieux si les questions que nous vous
posons permettent de clarifier des choses, car, manifestement, vous n’avez pas
été capables jusqu’à présent de le faire dans le cadre des discussions que vous
avez eues avec eux.
Il se pose pour les professions indépendantes le même
problème que pour les enseignants. En effet, lorsque vous avez pris des mesures
visant les fonctionnaires et que vous vous êtes aperçus qu’elles lésaient les
enseignants, vous avez inventé la possibilité de prendre en compte les primes,
celles-ci devant être définies dans une loi ultérieure, ce que le Conseil
constitutionnel n’acceptera certainement pas. En d’autres termes, vous avez créé
un problème et vous y répondez en dehors de la loi et des cotisations.
La
situation est ici la même : vous augmentez les cotisations en les doublant,
puis vous dites que cette augmentation posera un problème et, au lieu de le
résoudre en agissant sur les cotisations, vous le faites en recourant à la CSG.
Au lieu donc d’agir sur le revenu net, vous agissez sur le revenu brut et
super-brut que vous évoquez. Convenez que cela complexifie beaucoup les choses
car, par essence, la CSG et ses taux peuvent être remis en question dans une loi
indépendante de celle-ci, notamment dans le cadre de la loi de financement de la
sécurité sociale. En outre, cette démarche pose des questions.
La CNBF
explique qu’en raisonnant globalement et d’une manière simplifiée et en tenant
compte de l’application de l’abattement de 30 % sur le super-brut, sur la
base du chiffre avancé par le Gouvernement d’une hausse d’environ 6 % de
cotisations non compensées – chiffre qu’il faudrait, monsieur le secrétaire
d’État, nous confirmer –, cela équivaudrait à 40 % de hausse de
cotisations CNBF par rapport au taux actuel de 14 %, soit 280 millions
d’euros de cotisations retraite par an pour la profession. C’est important car
cela montre qu’en réalité, et malgré ce que vous avancez, cela ne compensera pas
l’augmentation des cotisations.
Je le répète, il serait intéressant que
vous répondiez à cette question.
M. le
président. La parole est à Mme Célia de Lavergne.
Mme Célia
de Lavergne. Cet amendement de suppression de l’alinéa 5, qui est
une phrase de portée générale, me donne l’occasion de souligner la créativité de
nos oppositions, en particulier celle de gauche, qui souhaite supprimer tantôt
l’alinéa 5, tantôt les alinéas 6 et 7, et qui propose également
de supprimer les alinéas 5 et 6, les alinéas 5, 6 et 7 ou
les alinéas 5 à 8. Ces combinaisons sans fin sont assez intéressantes…
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Cela dit, chers
collègues, vous ne les avez pas toutes explorées.
En 2006, lors de la
privatisation de GDF, 130 000 amendements d’obstruction délibérée ont
été déposés et assumés aux seules fins de bloquer le texte – à l’instar de
ce que vous le faites.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous sommes petits joueurs !
(Sourires.)
Mme Célia
de Lavergne. Assumez-le donc, chers collègues : vous êtes là pour
vous opposer et vous utilisez des outils à cette fin. Je déplore pour la
démocratie que vous recouriez à l’obstruction parlementaire, mais c’est ce que
vous faites.
En 2006, après dix ou douze jours, soit à peu près au point
où nous en sommes, après que le président Debré eut écrit aux présidents des
groupes d’opposition qu’ils étaient en train de remettre en question la
démocratie parlementaire et après que les Français eurent compris le message
sans pour autant y adhérer – car cette obstruction n’était pas ce qu’ils
attendaient des parlementaires et ils souhaitaient que l’on ait un débat sur le
fond –, les groupes d’opposition de gauche, socialiste et communiste, ont
accepté de défendre les amendements par séries de cent,…
M.
Jean-Paul Dufrègne. C’est ce que nous avons fait hier !
Mme Célia
de Lavergne. …afin de pouvoir aller jusqu’au bout du texte et éviter le
recours à article 49, alinéa 3, de la Constitution ; cela a pris
moins de trois semaines. C’est donc tout à fait possible et cela dépend
uniquement de vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Bravo ! Un peu de courage !
Mme Célia
de Lavergne. Je vous invite à vous comporter de la même manière, par
responsabilité envers les Français. (Mêmes mouvements.)
M. le
président. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. Nous avons déjà eu plusieurs discussions sur la forme du
débat.
Madame de Lavergne, vous avez raison de rappeler que de très
nombreux amendements – plus de 100 000 – avaient été déposés sur
le texte que vous évoquez mais, à moins que je ne me trompe, l’article 49,
alinéa 3 de la Constitution n’avait pas été utilisé. (Exclamations sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Le gouvernement de l’époque a
pris beaucoup de temps…
Mme Nadia
Hai. Trois semaines !
M. Éric
Woerth. …et la discussion était allée jusqu’à son terme. Il faut faire
la même chose avec ce texte, car c’est nécessaire.
Mme Nadia
Hai. Encore faudrait-il s’en donner les moyens !
M. Éric
Woerth. Y consacrer trois semaines ne poserait aucun problème, puisque
aucun texte majeur n’est prévu après celui-ci.
M. Sylvain
Maillard. Ce n’est pas trois semaines qu’il faudrait, c’est trois
mois !
M. Éric
Woerth. Il s’agit d’un texte fondamental. S’il nous faut trois semaines
ou un mois pour compenser deux ans d’une préparation et d’une concertation pour
le moins insatisfaisantes, allons-y ! Rectifions les
choses !
Du reste, de nombreux amendements de rectification devront
impérativement être pris en considération, et cela non dans le cadre d’un
recours à l’article 49, alinéa 3, mais dans celui d’un débat
parlementaire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert
Wulfranc. Depuis que la question du régime des retraites a été posée,
vous avez en face de vous une opposition. Or, face aux mouvements sociaux, votre
réponse est d’abord la langue de bois (Exclamations sur certains bancs du
groupe LaREM) : vous dites que les Français sont pris en otage et que
l’économie va mal. Dans la foulée, ce sont des sanctions. Aujourd’hui, par
exemple – mais on n’en parle pas –, 120 agents de la RATP sont
menacés de sanctions dans leur entreprise.
M. Bruno
Millienne. Ce n’est peut-être pas par hasard !
M. Sylvain
Maillard. Il y a une raison !
M. Hubert
Wulfranc. En outre, alors que les cheminots sont majoritairement en
grève et que leur fiche de paie affiche zéro,…
M. Sylvain
Maillard. C’est la conséquence de la grève !
M. Hubert
Wulfranc. …vous distribuez une prime aux non-grévistes. Voilà comment
vous provoquez la population ! (Protestations sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
Devant le Parlement, vous maniez les éternels
discours sur l’obstruction et refusez le débat sur une réforme de fond qui vise
à faire travailler les Français plus longtemps avec moins de
pension.
Souffrez donc que nous allions jusqu’au bout de ce débat,…
Plusieurs députés du groupe
LaREM. Oh oui, nous souffrons !
M. Hubert
Wulfranc. …au-delà même des municipales, à l’issue desquelles on verra
bien dans les urnes quel est le vote des Français – nous ferons les comptes
au lendemain du 15 mars. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
GDR.)
Mme Nadia
Hai. Combien de communistes ?
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Puisque nous sommes sans cesse ramenés à des questions de
procédure et à des commentaires de nos débats,…
Mme Sandra
Marsaud. C’est normal !
M. Régis
Juanico. Pourquoi normal ? Cela se passe très bien depuis quelques
jours. (Exclamations sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Bruno
Millienne. Après dix jours d’obstruction !
M. Régis
Juanico. Voyez le rythme soutenu que nous tenons et le nombre
d’amendements que nous examinons à l’heure ! Ayant assisté à la
quasi-totalité des séances de la commission spéciale et des séances publiques,
je n’ai qu’à me féliciter de la qualité des échanges que nous avons avec le
rapporteur général et le secrétaire d’État, ainsi qu’avec plusieurs de vos
collègues qui, courageusement, prennent la parole et alimentent le débat sur le
fond.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. C’est
vrai qu’il faut du courage !
M. Régis
Juanico. Si vous voulez que le président Ferrand écrive aux présidents
des groupes d’oppositions, il n’a qu’à le faire, comme l’avait fait en son temps
M. Debré. Pour notre part, nous avons écrit à M. Ferrand et à
Mme Belloubet en vue de la création d’une commission d’enquête, et ils ont
mis quinze jours à nous répondre.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Oh,
ça va ! C’est le délai normal.
M. Régis
Juanico. Quoi qu’il en soit, nous ne sommes pas pressés.
À la
place des collègues qui défendent aujourd’hui les ordonnances, je serais très
prudent car on sait par exemple que l’ordonnance de ratification qui prévoit la
création de l’Autorité nationale des jeux – prévue dans le cadre de la loi
relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi PACTE
– ne sera jamais examinée.
Hier, le Gouvernement a déposé un
amendement substantiel à l’article 61, long de cinq pages, à propos de la
période transitoire. Le processus de bricolage du projet de loi en cours de
route est donc toujours à l’œuvre. C’est une réforme au doigt mouillé.
De
notre côté, nous faisons notre boulot d’opposition en posant des questions, en
demandant des précisions au Gouvernement – et nous continuerons de le
faire. Lorsqu’il y aura de l’obstruction, vous remarquerez la différence !
(Murmures sur les bancs du groupe LaREM.)
Un député du groupe
LaREM. Chiche !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Comme vous, cher collègue Juanico, j’ai eu le bonheur
d’assister à l’intégralité des séances de la commission spéciale, qui ont duré
soixante-quinze heures au total.
M. Régis
Juanico. Pour un texte qui comporte soixante-cinq articles !
M.
Jean-Paul Mattei. Nous siégeons ici depuis la semaine dernière.
Objectivement, nous n’avançons pas sur ce texte à un rythme normal. Je reconnais
que le droit d’amendement est tout à fait légitime – vous remarquerez
d’ailleurs que mes interventions portent le plus souvent sur le fond, j’essaie
d’éviter de parler de la forme. Nous gagnerions cependant en sérénité si nous
arrivions à nous concentrer sur les amendements essentiels. La discussion sur
l’article 4 n’est pas neutre.
Si j’évoque les ordonnances, ce n’est
pas du tout pour me défausser de mon rôle de parlementaire, c’est parce qu’il
faut accepter que certaines dispositions ont une dimension technique. En
commission, j’ai fait la distinction entre les décrets – qui sont certes
nombreux dans ce projet de loi – et les ordonnances. L’avantage de ce
second outil – chacun en conviendra, qu’il y soit favorable ou non –,
c’est qu’il est soumis à une ratification. L’aval de l’Assemblée est
nécessaire.
Il est difficile d’avancer dans l’examen de ce texte, et
c’est vrai que c’est gênant. Toutefois, ce qui me gêne le plus, c’est le
déséquilibre des temps de parole dû au fait que les députés de l’opposition
prennent la parole sur chaque amendement,…
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous ne prenons pas la parole sur chaque
amendement !
M.
Jean-Paul Mattei. …ce qui pose un problème, démocratique, d’équité au
sein de l’hémicycle. (« Eh
oui ! » sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
M. Bruno
Millienne. Nous avons d’ailleurs demandé le décompte des temps de parole
à la présidence de l’Assemblée, mais nous ne l’avons pas obtenu !
M.
Jean-Paul Mattei. Nous entendons les mêmes arguments en boucle. En ce
qui concerne le temps de parole, la majorité devient presque l’opposition, ce
qui est un peu gênant. (Applaudissements sur les sur les bancs des groupes
MODEM et LaREM.)
M. Jérôme
Lambert. Rien ne vous empêche d’intervenir !
Mme
Clémentine Autain. Vous pouvez vous inscrire sur chaque
amendement !
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Je ne reviendrai pas sur les interventions d’une majorité
capricieuse qui estime que les débats n’avancent pas au rythme qu’imposerait le
calendrier qu’elle a défini. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Rémy
Rebeyrotte. Provocation !
M. Éric
Coquerel. Au lieu de faire des interventions sur la forme, chers
collègues, peut-être pourriez-vous nous répondre sur le fond, puisque le
Gouvernement ne le fait pas.
M. Bruno
Millienne. Nous le faisons, mais vous n’entendez pas !
M. Éric
Coquerel. Peut-être disposez-vous d’arguments pour répondre, non
seulement à nous, mais aussi aux personnes qui, dans différents secteurs, sont
actuellement en lutte.
Je repose donc ma question – qui est une
question de fond. Vous avez évoqué un abattement de 30 % sur le salaire
super-brut des indépendants. Je vous demande donc, monsieur le secrétaire
d’État, de me confirmer le chiffre avancé par la CNBF, certainement issu des
discussions que vous avez eues avec ses représentants, à savoir qu’il y aurait
une hausse d’environ 6 % de cotisations non compensées, au lieu d’un taux
de cotisation de 28 % annoncé comme étant consécutif à l’abattement. Cela
représenterait une hausse de 40 % des cotisations CNBF – qui s’élèvent
à présent à 14 % –, soit 280 millions d’euros, durant une période
indéterminée, à partir de 2029. Vous conviendrez qu’une telle mesure aurait un
impact financier sur les personnes exerçant les professions
concernées.
Je trouve légitime de poser une question à ce sujet dès lors
que l’article 21 fera l’objet d’une ordonnance. Au passage, je ne comprends
pas bien pourquoi, si tout figure dans l’étude d’impact, vous renvoyez à une
ordonnance : c’est contradictoire.
M.
Jean-Paul Mattei. C’est une nécessité !
M. Éric
Coquerel. En tout cas, cela montre bien que tout cela n’est pas si
clair, alors que, dès lors que vous nous dites que la disposition sera fixée par
ordonnance, vous estimez que vos réponses sont précises.
Pouvez-vous donc
me confirmer ce chiffre de 6 %, qui correspondrait à un trou de
280 millions d’euros ? Dans certains métiers, on aimerait entendre
votre réponse !
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
no 13561 et identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 105
Nombre
de suffrages
exprimés 89
Majorité
absolue 45
Pour
l’adoption 12
Contre 77
(Les amendements no 13561 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Sur l’amendement no 13578 et les seize
amendements identiques déposés par les membres du groupe La France insoumise, je
suis saisi par ce groupe d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est
annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à
Mme Clémentine Autain, pour les soutenir.
Mme
Clémentine Autain. Il s’agit à nouveau d’amendements de
suppression.
J’en profite pour répondre à mes collègues s’agissant du
temps que nous passons à débattre de la méthode et le fait de savoir si le débat
ira à son terme. La menace du recours à l’article 49, alinéa 3 nuit
fortement à celui-ci car elle nous empêche de savoir jusqu’où il pourra être
mené.
M. Xavier
Paluszkiewicz. La faute à qui ?
M. Rémy
Rebeyrotte. C’est la conséquence de votre obstruction !
Mme
Clémentine Autain. C’est de votre faute, et cela pour plusieurs raisons.
D’abord, vous avez dépassé les délais pour l’instauration d’un temps législatif
programmé. Ensuite, vous n’êtes pas à l’écoute de la société.
M. Bruno
Millienne. Soutenez vos amendements !
Mme
Clémentine Autain. Et puisque vous nous interpellez en invoquant la
démocratie, trouvez-vous logique qu’un projet de loi soit adopté par le
Parlement alors qu’il est rejeté par la majorité des Français et suscite dans le
pays une colère massive, produisant une mobilisation sociale d’une durée et
d’une ampleur totalement inédites ? Si vous n’entendez rien de tout cela et
vous considérez comme parfaitement légitimes, fort bien, mais comprenez qu’en
tant qu’opposition politique, nous n’avons pas décidé de nous taire, de vous
faciliter la tâche, d’accepter je ne sais quel compromis, de remiser nos
amendements et sous-amendements au placard parce qu’ils vous déplaisent, et
d’arrêter de vous poser des questions car en l’absence de réponse de votre part,
il faudrait que nous rentrions tranquillement chez nous !
M. Bruno
Millienne. Vous faire taire, c’est mission impossible…
Mme
Clémentine Autain. Vous comprenez bien qu’il n’est pas possible de
débattre dans de telles conditions. C’est un enjeu de démocratie qui se pose.
J’espère que vous vous rendez compte que la situation présente est un symptôme
du dysfonctionnement de la Ve République.
Mme Josy
Poueyto. Ah ! Nous y voilà !
Mme
Clémentine Autain. C’est pourquoi nous proposons d’aller vers une
nouvelle République. (Vives exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Mme Cendra
Motin. Et voilà ! On y arrive !
Mme
Clémentine Autain. Ça vous énerve ?
M. Bruno
Millienne. En réalité, ce n’est pas un débat sur les retraites, c’est un
débat sur la Ve République !
M. Rémy
Rebeyrotte. Obstruction et insurrection !
M. le
président. Laissez Mme Autain conclure son intervention !
Mme
Clémentine Autain. Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas ce qui
chiffonne la majorité quand j’évoque notre souhait d’aller vers une
VIe République. Ce n’est tout de même pas un scoop ! Nous
l’avons déjà dit, c’est la proposition politique que nous faisons et à laquelle
nous tenons.
M. Xavier
Paluszkiewicz. Hors sujet !
Mme
Clémentine Autain. Je pense que nous n’assisterions pas à un tel déni de
démocratie si le fonctionnement de nos institutions était davantage compatible
avec l’exigence de participation des citoyens à la décision publique.
Mme Josy
Poueyto. Vous avez été battus lors des élections !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur cette série
d’amendements identiques ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je vous remercie pour
ce discours politique, chère collègue, mais les amendements n’ont pas été
présentés sur le fond. Aussi l’avis de la commission est-il défavorable.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. La parole est à Mme Nadia Hai.
Mme Nadia
Hai. Je suis extrêmement surprise que chaque défense d’amendement par un
des groupes de gauche prenne la forme d’un meeting politique. (Approbation
sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme
Marie-Christine Dalloz. Et vous, que faites-vous ?
Mme Nadia
Hai. Or nous ne sommes pas dans un meeting politique.
M. Éric
Coquerel. Non : nous formons une assemblée politique !
Mme Nadia
Hai. Nous examinons un projet de loi de réforme des retraites qui va
concerner des millions de Français.
M. Jérôme
Lambert. Ce que vous dites n’est pas politique, peut-être ?
Mme Nadia
Hai. Vous contestez l’idée d’obstruction ?
M. Maxime
Minot. Ce n’est pas de l’obstruction ! Avançons !
Mme Nadia
Hai. Vous contestez le fait que vous transformez cette assemblée en une
salle de meeting politique ? Dans ce cas, pouvez-vous m’expliquer, madame
Autain, pourquoi votre amendement no 13578 vise à supprimer
l’alinéa 6, l’amendement no 13579 de M. Bernalicis vise à
supprimer l’alinéa 6, celui de M. Coquerel, le no 13580,
vise à supprimer l’alinéa 6, celui de M. Corbière, le no
13581, vise à supprimer l’alinéa 6 – et ainsi de suite, pour tous les
membres de votre groupe ?
M.
Jean-Paul Dufrègne. Ils ne sont défendus que par une seule
personne !
Mme Nadia
Hai. C’est inadmissible ! Il s’agit bien d’obstruction !
M. Philippe
Gosselin. Vous remettez une pièce dans la machine ! Vous leur
donnez raison !
Mme Nadia
Hai. Nous voulons débattre, nous sommes présents, nous sommes
patients.
M. Hubert
Wulfranc. Non : vous souffrez, vous l’avez dit !
Mme Nadia
Hai. Nous ne souffrons pas, monsieur Wulfranc.
Mme Elsa
Faucillon. Nous allons vous expliquer ce qu’est la souffrance !
Mme Nadia
Hai. Nous souhaitons arriver au débat de fond et vous nous en
empêchez.
M. Éric
Coquerel. Arrêtez votre cinéma : nous vous posons des questions
précises !
Mme Nadia
Hai. Ne faites pas croire aux Français qu’il s’agit d’un débat de
fond.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous ne défendons nos amendements qu’une fois pour
chaque série ! C’est de la désinformation ! Vous racontez des
balivernes !
Mme Nadia
Hai. Vous avez transformé cet hémicycle en salle de meeting politique,
il est temps de le dénoncer. (Applaudissements sur plusieurs bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. Jérôme
Lambert. Qu’on fasse de la politique à l’Assemblée, c’est
normal !
M.
Jean-Paul Dufrègne. L’obstruction, c’est vous !
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit. (Brouhaha. –
Invectives.)
Monsieur Petit, exprimez-vous ou je donnerai la parole à
un autre député !
M. Frédéric
Petit. Madame Autain… (Le brouhaha persiste.) Je parle !
Madame Autain, votre opposition, celle de tous vos collègues, est totalement
légitime. Vous avez le droit de vous opposer. Je dirai même plus : vous
avez le devoir de représenter dans l’hémicycle non seulement les citoyens qui
vous ont élue, mais aussi ceux qui m’ont élu, de la même manière que je
représente aussi les citoyens qui vous ont élue.
Si votre opposition est
légitime, comprenez que nous soyons un peu déstabilisés – j’en viens au
fond. Pourquoi refusez-vous, vu les positions que vous prétendez défendre, de
soutenir le passage du plafond de cotisations de un PASS à trois PASS, alors que
cette mesure ramène dans le régime général 99 % des personnes et 97 %
des hauts salaires ? Ce qui me choque profondément, plus que le caractère
répétitif et inutile de vos amendements ou le fait que vous prétendiez qu’on ne
vous a pas répondu – alors que nous avons déjà répondu vingt-cinq fois en
votre absence aux mêmes questions –, c’est l’illogisme de vos reproches.
Vous devriez soutenir le passage d’un PASS à trois PASS, y compris dans
l’intérêt des forces que vous représentez. Pourquoi ne pourrions-nous pas, dans
le cadre de ce débat parlementaire, nous mettre au moins d’accord sur cette
disposition du texte ?
Mme
Clémentine Autain. Parce que nous ne sommes pas d’accord sur le
texte !
M. Frédéric
Petit. Il vous suffirait de l’amender correctement. Au lieu de vous
lancer dans d’une logorrhée d’amendements, vous en auriez choisi quatre ou cinq,
visant par exemple à demander un passage à cinq ou même à huit PASS, cela aurait
donné lieu à un vrai débat, qui vous aurait permis de regagner votre légitimité
d’opposition, alors que vous êtes vous-même en train de la fragiliser.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.)
Mme Elsa
Faucillon. Vous n’avez qu’à prendre notre place, tant que vous y
êtes !
M. le
président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Je voudrais rappeler à la majorité que le temps
de parole de l’opposition, sur tous les textes, est toujours supérieur à celui
de la majorité. Ne vous en déplaise, c’est ainsi que cela fonctionne :
c’est ça, la démocratie. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Jérôme
Lambert. Ils ne savent pas ce que c’est !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Je vous rappelle une fois encore qu’il s’agit
d’un texte du Gouvernement, en liaison avec lequel vous avez travaillé, que la
majorité est représentée par le rapporteur général, auquel il faut ajouter un
nombre pléthorique de rapporteurs – pas moins de cinq –, ainsi que le
ministre et la présidente de la commission spéciale, et que la majorité compte
deux groupes. Si, malgré tout cela, vous n’arrivez pas à admettre que les autres
ont le droit de s’exprimer un peu, dans quel hémicycle
sommes-nous ?
Deuxièmement, madame Hai, vous avez égrené le contenu
d’une série d’amendements identiques. Mais ce n’est pas nouveau ! Vous
siégez depuis bientôt deux ans et demi : vous savez donc qu’au sein de
chaque série d’amendements déposée par un groupe, tous les amendements sont
rigoureusement identiques.
Mme Nadia
Hai. Quelle mauvaise foi !
Mme
Marie-Christine Dalloz. C’est votre majorité qui a modifié le règlement
afin qu’une série d’amendements identiques soit défendue une seule fois. J’ai
connu une époque où tous les amendements d’une même série étaient défendus. Vous
avez déjà largement amputé le temps de parole de chacun avec cette nouvelle
règle.
Enfin, M. Petit nous dit que la majorité est déstabilisée.
Nous n’en avions pas douté, mais on peut dire qu’il lui en faut peu !
(Applaudissements sur les bancs des groupe LR et GDR. –
M. Bastien Lachaud applaudit aussi.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Nous
ne sommes pas du tout déstabilisés !
M. le
président. La parole est à M. Hubert Wulfranc.
M. Hubert
Wulfranc. S’agissant d’un débat aussi fondamental pour les Français, que
n’avez-vous retenu la demande, que nous vous avons formulée avec d’autres
groupes de l’opposition, de recourir à un référendum !
Ce serait
l’occasion d’un débat devant les Français, à l’occasion duquel majorité et
oppositions défendraient chacune son point de vue sur un texte qu’il aurait
fallu décrypter davantage. Vous-mêmes ne semblez d’ailleurs pas parvenir à en
donner une lecture qui vous soit favorable malgré les contacts que vous avez eus
depuis deux ans et demi avec les représentants des organisations syndicales et
ceux des organisations professionnelles. Ainsi, les Français trancheraient le
débat en connaissance de cause.
Plutôt que votre 49.3, qui va pointer son
nez demain, après-demain ou dans trois jours,…
M. Rémy
Rebeyrotte. On en viendrait presque à penser que vous le souhaitez,
c’est curieux…
M. Hubert
Wulfranc. …choisissez la voie de la sagesse et consultez les Français
afin qu’ils s’expriment sur le fond, éclairés par leurs députés, quelle que soit
leur sensibilité.
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Du fait de la modification du règlement par la
majorité, un seul d’entre nous peut défendre les dix-sept amendements identiques
des députés de notre groupe. On ne peut donc pas soutenir que le même amendement
aura été défendu dix-sept fois.
M. Bruno
Millienne. Le nouveau règlement donne un temps de parole plus important
aux oppositions !
Mme
Clémentine Autain. Ensuite, monsieur Petit, vous m’interpellez sur la
fixation du plafond de cotisation à trois PASS. Je ne vois pas exactement à quoi
vous faites référence car ce n’est pas le sujet des amendements en discussion.
En outre, nous ne sommes pas là pour améliorer si peu que ce soit le texte, mais
pour vous dire que nous ne voulons pas d’un régime par points à cause duquel le
niveau des pensions va baisser et à cause duquel la durée de cotisation sera
prolongée. L’enjeu, pour nous, n’est pas d’essayer de temporiser, de faire en
sorte que les conséquences de votre projet soient moins dramatiques que nous le
prévoyons, puisque vous préparez la casse monstrueuse de notre régime de
retraite ; nous sommes ici pour faire valoir que, comme la majorité des
Français, nous nous opposons à votre projet.
Pour ce qui est de ce matin,
nous avons posé un certain nombre de questions auxquelles nous n’avons toujours
pas obtenu de réponse.
M. Frédéric
Petit. Mais si !
Mme
Clémentine Autain. J’ai ainsi demandé au secrétaire d’État s’il pouvait
prendre l’engagement qu’il n’y aurait pas de ponction dans les caisses de
retraite des avocats et des médecins…
M. Frédéric
Petit. Il vous a répondu vingt fois !
Mme
Clémentine Autain. Non, il a indiqué qu’il n’y aurait pas
d’expropriation – écoutez bien, monsieur Petit, ne faites pas le
bisounours. (Vives protestations sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. Rémy
Rebeyrotte. C’est insupportable ! Ça suffit, les injures !
Mme
Clémentine Autain. M. Petit, dans une tribune, a insulté les
députés de notre groupe en les traitant de bisounours et de staliniens ; je
ne fais que lui renvoyer le compliment. (Brouhaha.)
M. le
président. Un peu de calme, chers collègues.
Je mets aux voix les
amendements no 13578 et identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 94
Nombre
de suffrages
exprimés 79
Majorité
absolue 40
Pour
l’adoption 9
Contre 70
(Les amendements identiques no 13578
et identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Avant que nous n’en venions aux amendements suivants, je vous
demande un moment d’attention, chers collègues, pour évoquer un comportement que
je trouve inadmissible. Notre collègue Mme Iborra, ici présente, s’est
permis, par tweet, de contester ma présidence.
(Murmures.)
D’abord, ce n’est pas vraiment courageux
– on a toujours le droit de prendre la parole en séance. Ensuite, notre
collègue évoque ma présidence en ces termes : « Marc Le Fur,
vice-président LR » ; or, à cette place, je ne représente pas le
groupe LR, je suis vice-président, c’est tout.
Mme
Clémentine Autain. Ce serait bien que d’autres présidents de séance s’en
souviennent…
M. le
président. Et je n’ai pas l’intention de faire autre chose !
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.) Enfin, vous indiquez
dans votre tweet, madame Iborra, que je ne commente pas les amendements de
l’opposition. Or ma fonction ne consiste absolument pas à commenter les
amendements.
Mme Monique
Iborra. Puis-je répondre, monsieur le président ?
M. le
président. Vous avez la parole – pour présenter des excuses,
j’imagine…
Mme Monique
Iborra. Monsieur le président, en effet, vous n’avez pas l’habitude de
contester ou de commenter le contenu des amendements.
M. le
président. Ce n’est pas ma fonction.
Mme Monique
Iborra. Mais vous n’avez pas non plus l’habitude de déclarer que
l’Assemblée vote des amendements à cent à l’heure.
M. le
président. C’est pourtant très fréquent…
Mme Monique
Iborra. Et, tout en respectant votre présidence, nous sommes en droit,
nous, de nous poser la question de savoir pourquoi, en effet, aujourd’hui, dans
le contexte dans lequel nous votons, vous signalez que nous pourrions être jugés
sur la vitesse à laquelle nous votons les amendements. Je trouve que ce n’est
pas normal, venant du président de séance. (Applaudissements sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Chère collègue, je suis vice-président depuis douze ans et je
siège à l’Assemblée depuis vingt ans. Je suis attaché à cette institution et je
ferai tout pour préserver le maximum de sérénité en son sein. Il est très
fréquent d’indiquer le rythme auquel nous examinons les amendements, ce qui
permet à tout un chacun d’être au fait de la progression de l’examen du texte.
J’attends donc de vous des excuses. En attendant, nos travaux sont suspendus
pour dix minutes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LT,
FI et GDR.)
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à douze heures
trente.)
M. le
président. La séance est reprise.
La parole est à Mme la
présidente de la commission spéciale.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Monsieur le président, à ce moment de notre débat, j’aimerais que la sérénité
revienne sur tous les bancs sans exception, et que nous ne remettions pas en
cause, par quelque biais que ce soit, la présidence, quelle qu’elle soit.
(Applaudissements sur certains bancs du groupe LaREM et sur les bancs des
groupes LR, MODEM, SOC, UDI-Agir, LT et GDR.) Ce matin, nous pouvons saluer
la présidence de M. Le Fur, qui a été parfaitement conforme à ce
qu’elle doit être dans notre hémicycle.
M. Vincent
Descoeur et M. Philippe Gosselin. C’est vrai !
M. Alain
Bruneel. Elle a été remarquable !
Mme
Brigitte Bourguignon, Présidente. Monsieur le président, je
voulais vous présenter des excuses ; je pense que c’est important pour la
suite de nos débats. J’aimerais maintenant que chacun se replonge dans nos
travaux sur le fond, car c’est ce que nous souhaitons. Nous en parlions avec
Mme Annie Genevard, vice-présidente de notre assemblée, il y a quelque
jour, et cela se vérifie : franchement, les réseaux sociaux n’ont rien à
faire dans l’hémicycle ! (Mêmes mouvements.)
Mme
Marie-Christine Dalloz. Très bien !
M. le
président. Je vous remercie, madame la présidente. J’apprécie vos
propos. Je crois que nous pouvons reprendre nos travaux sereinement et essayer
d’avancer. L’incident est clos – d’ailleurs, il n’y a pas eu
d’incident.
Nous en venons à l’amendement no 13595 et aux
seize amendements identiques déposés par les membres du groupe La France
insoumise.
Sur ces amendements identiques, je suis saisi par le groupe La
France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé
dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric
Coquerel pour soutenir les amendements identiques.
M. Éric
Coquerel. Je remercie notre excellent président. Ces amendements visent
à supprimer l’alinéa 7 de l’article 4 qui tend à intituler un chapitre
du code de la sécurité sociale « Système universel de retraite ». Je
conteste la véracité de ces termes.
Par exemple, on lit dans l’exposé des
motifs du projet de loi, concernant l’article 20, que seuls
« 75 % des travailleurs indépendants cotiseront au même niveau et, à
revenus identiques, ouvriront les mêmes droits à retraite que les
salariés ». Les dispositions applicables aux non-salariés ne s’appliquent
donc pas à tous les travailleurs indépendants. Surtout, il est proposé que ces
derniers « cotisent uniquement à hauteur de la part salariale des
cotisations. Puisqu’ils cotisent moins, les travailleurs indépendants
s’ouvriront moins de droits que les salariés ayant des revenus
identiques ». On voit bien que la réforme n’est pas à proprement parler
« universelle ».
À l’article 22, l’assiette minimale de
cotisation est maintenue au niveau actuel pour les travailleurs indépendants non
agricoles. Ils pourront demander à s’acquitter d’un montant de cotisation
supérieur afin d’acquérir plus de points. La cotisation minimale des exploitants
agricoles devrait être plus faible que la cotisation minimale actuelle, mais les
chefs d’exploitation ou d’entreprise devront s’acquitter d’un montant minimal de
cotisations, qui sera déterminé par décret. Qui paiera la différence ?
L’article 22 prévoit aussi la possibilité pour les micro-entrepreneurs de
s’acquitter sur option d’un montant de cotisation d’assurance vieillesse égal
soit à la cotisation minimale soit à la cotisation minimale renforcée. Autrement
dit, n’avons-nous pas plutôt affaire à un système d’universalité de régimes de
retraite à la carte ?
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Que l’on évoque de façon précise un article en posant des
questions sur le caractère universel du système, à partir d’exemples comme ceux
que je viens de citer, ou que l’on soutienne un amendement plus global sur les
difficultés de compenser une augmentation de cotisation sur le net par un
abattement sur le super-brut, on obtient la même réponse : sans
commentaire ! Manifestement, quoi qu’on fasse, les réponses aux questions
ne viennent ni du Gouvernement ni du rapporteur général ; je le regrette
bien.
M. le
président. Je mets aux voix les amendements no 13595 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 77
Nombre
de suffrages
exprimés 59
Majorité
absolue 30
Pour
l’adoption 6
Contre 53
(Les amendements no 13595 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de trois amendements identiques,
nos 7414, 11878 et 11880.
L’amendement
no 7414 de Mme Marie-France Lorho est défendu.
La
parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir l’amendement
no 11878.
Mme
Isabelle Valentin. Comme nous l’avons déjà signalé à plusieurs reprises,
votre système n’a d’universel que le nom. Vous avez déjà créé cinq régimes
spécifiques. Soyons précis avec le vocabulaire : supprimons le mot
« universel » !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier, pour soutenir
l’amendement no 11880.
M.
Jean-Pierre Vigier. Je ne reprendrai pas les arguments pertinents de
notre collègue Isabelle Valentin, mais je tenais à défendre cet amendement avec
fierté car il a pour premier signataire notre excellent président, j’ai bien dit
l’excellent président Marc Le Fur. (Applaudissements sur les bancs du
groupe LR.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements
identiques ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Merci d’avoir abordé
un sujet totalement nouveau ! Avis défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous avons déjà eu un débat sur
le mot « universel » à plusieurs reprises. Je peux vous dire un mot
sur le sujet, si vous y tenez.
M. Philippe
Gosselin. Pour le plaisir ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. En clair, le système est
universel et il comprend plusieurs régimes. C’est dans le titre du projet de
loi : « système universel de retraite ». Avis
défavorable.
(Les amendements identiques nos 7414, 11878
et 11880 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 24937, qui
fait l’objet de deux sous-amendements.
La parole est à M. Régis
Juanico, pour soutenir l’amendement.
M. Régis
Juanico. Madame la présidente de la commission spéciale, merci d’avoir,
avec l’aide de tous les groupes, ramené de la sérénité dans l’hémicycle. Je
connais Marc Le Fur depuis près de dix ans en tant que président de
séance : il n’a jamais fait preuve de partialité, jamais je ne l’ai pris en
défaut sur ce terrain. (« On passe à autre
chose ! » sur plusieurs bancs du
groupe LaREM.) Je tenais à le dire calmement, car nous ne sommes pas
vraiment du même bord politique.
Nous commencions à nous inquiéter de la
succession des interventions de la majorité sur le même thème : une
prétendue obstruction de l’opposition.
M. Rémy
Rebeyrotte. Pas « prétendue » !
M. Régis
Juanico. Nous aurions pu comprendre que ces prises de parole préparent
le terrain à l’irruption imminente dans l’hémicycle d’un membre du Gouvernement
– tel Blücher à Waterloo – venant demander l’application de
l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. Il n’en a rien été. La
menace est écartée.
Notre amendement rédactionnel vise à corriger une
petite erreur, certes involontaire, du Gouvernement, en supprimant le mot
« universel » à l’alinéa 7 pour le remplacer par les termes plus
adaptés : « retraite par points ».
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 42575.
M. Alain
Bruneel. Monsieur le président, j’en profite pour vous apporter notre
soutien et exprimer la solidarité que le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine entend vous montrer dans vos fonctions de vice-président de notre
assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques sur
les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe
LaREM.)
Notre sous-amendement de précision vise à souligner la
conséquence insidieuse de la réforme des retraites sur le montant des pensions
de retraite de nos concitoyens. Comme l’avait si bien dit François Fillon en
2016 (Murmures sur les bancs du groupe LaREM) : « Le système
par points, en réalité, ça permet une chose qu’aucun homme politique
n’avoue : ça permet de baisser chaque année la valeur des points et donc de
diminuer le niveau des pensions. »
Mme
Clémentine Autain. On ne s’en lasse pas, de cette
citation !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne, pour soutenir le
sous-amendement no 42577.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Ce sous-amendement de précision vise à mettre en
lumière l’un des objectifs cachés de cette réforme des retraites que le
Gouvernement entend imposer à nos concitoyens : le développement des
retraites par capitalisation. Avec cette réforme, le Gouvernement cherche à
acclimater les ménages à une épargne retraite individualisée et pose les bases
d’un système de retraite par capitalisation. Nous proposons en conséquence de
compléter l’amendement afin qu’il fasse état de la retraite par points « et
par capitalisation ».
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur les sous-amendements et
l’amendement ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Il est défavorable.
Monsieur Juanico, votre présentation est habile, mais nous avons déjà eu ce
débat à de multiples reprises, et j’ai déjà plusieurs fois répondu sur le
sujet.
(Les sous-amendements nos 42575 et 42577,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 24937 n’est pas
adopté.)
M. le
président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir
l’amendement no 3613 et les seize amendements identiques déposés
par les membres du groupe La France insoumise.
Mme Danièle
Obono. Alinéa par alinéa, nous continuons à vous proposer la suppression
des articles du projet de loi. S’agissant des travailleurs et travailleuses
indépendants, il est important de rappeler que, s’il y a une mobilisation d’un
certain nombre de professions, ce n’est pas parce que les personnes concernées
ne sont pas solidaires, ni parce qu’elles ne veulent pas participer à l’effort
collectif. Nous avons bien vu, lors de nos débats, hier, que la caisse autonome
des avocats y participe bien.
Le Gouvernement essaie toujours d’opposer
les différentes catégories de travailleurs, mais, en fait, vous voulez faire
converger un certain nombre de régimes autonomes autorégulés et en équilibre
vers un système de moins-disant social. Dans le cas des travailleurs et
travailleuses indépendantes, cette réforme provoquera l’augmentation des
cotisations et ouvrira la perspective d’une baisse des pensions – mais cela
vaut pour l’ensemble de votre système.
Avec ces secteurs, on n’est plus
dans ce que vous aviez essayé de faire en stigmatisant les régimes spéciaux ou
les fonctionnaires, mais on a la démonstration que votre projet de loi ne donne
satisfaction à aucun corps de métier, à aucune catégorie professionnelle.
M. Rémy
Rebeyrotte. Ça tourne en boucle !
Mme Danièle
Obono. Oui, cher collègue, nous allons continuer notre démonstration. Si
ça n’était que nous, vous pourriez toujours dire que nous radotons,…
M. Bruno
Millienne. Vous radotez quand même un peu !
Mme Danièle
Obono. …mais nous ne faisons que reprendre ce que vous répètent les
professions que nous avons déjà citées et les secteurs qui vous interpellent.
Ils appellent à une mobilisation dans quelques jours, car votre système n’est ni
universel ni égalitaire et qu’il ne converge pas vers le haut et le mieux
disant.
(Les amendements no 13613 et
identiques, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. La parole est à Mme Sira Sylla, pour soutenir
l’amendement no 27358.
Mme Sira
Sylla. La disparité des situations des avocats non salariés demande une
période de préparation préalable à leur intégration au système universel de
retraite. Oui, je suis favorable à notre réforme, qui est clairement une grande
réforme sociale.
En revanche, il ne me semble pas opportun que les
avocats intègrent le système universel de retraite dès maintenant. Au barreau de
Rouen, par exemple, un cinquième des 510 avocats – ceux qui défendent
les justiciables dans le cadre de l’aide juridictionnelle – ont un revenu
inférieur à 24 000 euros par an. Cette période de moratoire laisserait
aux avocats le temps de réfléchir à leur modèle économique. En effet, comment
parler de revenu médian quand certains avocats ne gagnent même pas
1 000 euros et d’autres, 100 000 euros ? De plus, les
avocats ont subi plusieurs réformes successives et il faut leur laisser le temps
de les digérer. Le présent amendement m’apparaît comme une mesure de justice en
faveur des plus faibles. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LR
et GDR.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Chère collègue,
l’amendement est déjà satisfait puisque les avocats intégreront le système
universel à partir du 1er janvier 2025.
M. Philippe
Gosselin. Ce n’est pas ce qu’on demande !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. En effet, en 2022 y
entreront les personnes nées en 2004, qui auront donc 18 ans : vous
reconnaîtrez que peu de personnes deviennent avocats à cet âge. Votre demande
est donc de fait satisfaite. Je vous propose de retirer votre amendement ;
à défaut, avis défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Madame Sylla, votre amendement
vise à intégrer tous les avocats libéraux au système universel de retraite à
compter de 2025 – même si vos propos ont laissé percevoir des nuances. Si
l’on avance tranquillement dans l’examen du texte – et j’espère qu’on va
bientôt accélérer –, on verra, à l’article 63, que l’entrée en vigueur
du système universel de retraite sera fonction de la génération de
naissance.
M. Philippe
Gosselin. Encore faut-il y arriver, à l’article 63 !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Cette entrée en vigueur par
génération s’appliquera aussi aux avocats. Le rapporteur général l’a déjà
évoqué, mais j’entrerai plus dans les détails ; redire les choses permet
d’informer nos concitoyens, avocats ou non. Les avocats nés avant 1975
– comme tous les Français des mêmes générations – ne seront pas
concernés par le nouveau système ; c’est pourquoi le rapporteur général a
dit que l’amendement était satisfait. Les avocats nés après 1975 seront affiliés
au régime général et intégrés au système universel de retraite à compter de
2025. En effet, l’intégration en 2022 concerne la génération de 2004, mais,
compte tenu des études nécessaires pour devenir avocat, l’activité
professionnelle ne commence que vers 24, 25 voire 26 ans, certainement pas
à 18 ans. Les avocats concernés par la réforme commenceront à cotiser au
système universel de retraite uniquement à compter de cette date. Il n’y aura
pas de choc de cotisation puisqu’on a justement prévu une transition sur quinze
ans pour permettre aux avocats libéraux concernés de s’adapter au nouveau
système.
Ma préoccupation est d’assurer une intégration harmonieuse de
l’ensemble des professions libérales ; je vous remercie d’évoquer les
avocats, une profession que vous connaissez bien. Celle-ci bénéficiera du
changement d’assiette de la CSG. En outre, un amendement du Gouvernement adopté
hier soir permettra de flécher les droits de plaidoirie, acquittés par les
justiciables, vers la CNBF qui pourra effectuer une péréquation entre les
cabinets au revenu très conséquent et les cabinets plus modestes, qui débutent
ou qui sont implantés dans des territoires où il y a plus de recours à l’aide
juridictionnelle et moins d’affaires à forte valeur financière. Les modalités de
cette péréquation seront déterminées par les avocats eux-mêmes, car ce sont eux
qui décideront comment sera ventilé le fléchage des droits de
plaidoirie.
Cette modification apportée au projet de loi permet de
répondre à vos attentes, ce qui explique ma demande de retrait. J’espère vous
avoir fait partager la volonté du Gouvernement de maintenir les équilibres pour
l’ensemble des cabinets d’avocats.
M. le
président. La parole est à M. Philippe Gosselin.
M. Philippe
Gosselin. Monsieur le président, je salue, comme tous les collègues,
votre façon de présider.
Je voudrais également saluer l’intervention
courageuse de notre collègue Sylla, qui montre qu’au sein même de la majorité,
des questions se posent sur le régime autonome des avocats et la transition vers
le système universel de retraite. Dire, comme M. le rapporteur général l’a
fait tout à l’heure, que l’amendement est déjà satisfait est à la fois vrai et
faux. C’est vrai dans l’épure de votre projet, mais vu la volonté et le besoin
d’autonomie des avocats – qui participent déjà au régime général –,
ainsi que la singularité de cette profession et la grande pluralité des façons
de l’exercer, l’amendement soulève un point important.
Aujourd’hui,
au-delà de ce qu’a expliqué le secrétaire d’État, le projet relatif aux avocats
n’est pas mûr. Il faut le travailler, il faut donner du temps au temps. C’est un
amendement de la majorité, vous pouvez donc le voter sans vous dédire. Il donne
matière à réflexion – à laquelle je joins à la nôtre – et montre que
la question reste posée sur tous les bancs. Cela devrait vous
interroger !
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Lorsque les réponses du Gouvernement ou du rapporteur
font défaut ou nous semblent contradictoires ou incomplètes, on peut trouver sur
les réseaux sociaux des éclairages – faisant d’ailleurs écho à des propos
qui ont été tenus dans cet hémicycle. Je pense au tweet de Jean Terlier, qui
circule beaucoup, dans lequel notre collègue garantit que les cotisations des
avocats n’augmenteront qu’à partir 2029, et de seulement 5,4 %.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Arrêtez avec ça !
M. Bruno
Millienne. La politique se fait dans l’hémicycle, pas sur
Twitter !
Mme
Clémentine Autain. D’abord, petite infox, il s’agit, non pas de
5,4 %, mais de 5,4 points, ce qui change tout. La CNBF explique que
cela revient à 40 % d’augmentation, et non à 5,4 %. Je voudrais que
M. le secrétaire d’État nous confirme qu’il s’agit bien d’une augmentation
de 5,4 points.
M. Philippe
Gosselin. Cette question est très importante !
Mme
Clémentine Autain. Deuxième chose : notre collègue Mattei nous dit
qu’il attend avec impatience les ordonnances, mais le rapporteur affirme que
tout est clair dans l’étude d’impact. Je ne comprends pas : soit on arrive
dès aujourd’hui à faire des projections sérieuses, soit il faut pour cela
attendre les ordonnances. Il y a là à l’évidence une contradiction ; quelle
est la bonne hypothèse ?
M.
Jean-Paul Mattei. C’est une négociation !
Mme
Clémentine Autain. Enfin, je répète ma question : il semblerait que
la caisse de retraite des avocats ne sera pas expropriée, mais elle sera bien
utilisée pour la transition ; monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous
nous garantir, comme vous sembliez le faire tout à l’heure, que vous ne
toucherez pas à cette caisse ?
M. Philippe
Gosselin. Excellente question ! Une question de
fond !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M.
Jean-Paul Dufrègne. On voit bien que la question des avocats reste posée
et que ce qu’ils entendent ne les satisfait pas. L’adoption de l’excellent
amendement de Mme Sylla permettrait de remettre le métier sur l’ouvrage. Je
suis d’accord avec mon collègue Gosselin : il ne suffit pas de dire que
l’amendement est satisfait ; il l’est avec les conditions que vous avez
posées. La période de réflexion permettrait d’explorer d’autres
solutions.
Le bon sens commande d’adopter cet amendement, d’ailleurs
déposé par une collègue du groupe majoritaire. Son adoption redonnerait de la
sérénité à cette profession qui se sent totalement incomprise.
M. Philippe
Gosselin. Exactement !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Les membres du groupe GDR, tout au moins ceux
d’entre eux qui sont présents – les meilleurs ! – voteront pour
cet amendement. (M. Alain Bruneel applaudit.)
M. le
président. On le dira aux autres membres de votre groupe ! Je ne
sais pas s’ils apprécieront.
M. Alain
Bruneel. C’est leur problème ! (Sourires.)
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. J’aime beaucoup quand la règle de trois revient dans l’hémicycle.
En effet, 5 points d’augmentation par rapport à 14 %, c’est bien 40 %
de 14 %, mais, par rapport à 100 %, ça fait toujours 5 %.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Mme Cendra
Motin. C’est des maths !
M. Frédéric
Petit. Cette démonstration est assez évidente. D’ailleurs, quand vous
dites qu’il faut maintenir la part des retraites dans le PIB au même niveau
qu’aujourd’hui, et qu’il suffit pour cela, dans le projet, de l’augmenter de
2 points seulement, c’est pareil : ce n’est pas d’une augmentation de
2 % qu’il s’agit, mais d’une augmentation de quelque 20 % par rapport
au niveau envisagé de 12 %. (Mêmes mouvements.)
(L’amendement no 27358 n’est pas
adopté.)
M. le
président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
2
Ordre du jour de la prochaine séance
M. le
président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze
heures :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un
système universel de retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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