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Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Troisième séance du jeudi 27 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de M. Marc Le Fur
1.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (suite)
Article 6
(suite)
Amendements nos 492
, 955
, 6108
, 11135
, 21925,
21926, 21927, 21928, 21930, 21931, 21932, 21933, 21934, 21935, 21936, 21937,
21938, 21939, 21940, 21941, 21942 , 27348
, 31030,
31031, 31032, 31033, 31034, 31035, 31036, 31037, 31038, 31039, 31040, 31041,
31042, 31043, 31044 , 34316
M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Amendements nos 25161
, 21577,
21578, 21579, 21580, 21581, 21582, 21583, 21584, 21585, 21586, 21587, 21588,
21589, 21590, 21591, 21592, 21593 , 21594,
21595, 21596, 21597, 21598, 21599, 21600, 21601, 21602, 21603, 21604, 21605,
21606, 21607, 21609, 21610, 21611 , 21612,
21613, 21614, 21615, 21616, 21617, 21618, 21619, 21620, 21621, 21622, 21623,
21624, 21625, 21626, 21627, 21628 , 21629,
21630, 21631, 21632, 21633, 21634, 21635, 21636, 21637, 21638, 21639, 21640,
21641, 21642, 21643, 21644, 23627
Rappels
au règlement
M. Rémy
Rebeyrotte
M. Pierre
Dharréville
M. Adrien
Quatennens
Article 6
(suite)
Rappels
au règlement
M. Stéphane
Viry
M. Patrick
Mignola
M. le
président
Article 6
(suite)
2.
Demande de constitution d’une commission spéciale
M. Gilles
Le Gendre
M. Pierre
Dharréville
Vote
sur la constitution d’une commission spéciale
3.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
M. Marc Le Fur
vice-président
M. le
président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le
président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite
(nos 2623 rectifié, 2683).
Discussion des articles (suite)
M. le
président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des
articles, s’arrêtant à l’amendement no 492 à
l’article 6.
Article 6 (suite)
M. le
président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques de
suppression de l’article : les amendements nos 492, 955,
6108 et 11135, ainsi que les amendements nos 21925 à 21942,
l’amendement no 27348, les amendements nos 31030
à 31044 et l’amendement no 34316.
Sur tous ces amendements
identiques, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de
scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir
l’amendement no 492.
Mme
Marie-Christine Dalloz. L’article 6, qui concerne les
fonctionnaires, les magistrats et les militaires, pose différents problèmes.
S’agissant tout d’abord des fonctionnaires enseignants, un alinéa de
l’article 1er du projet de loi initial prévoyait la
revalorisation de leur rémunération. Or nous avons très vite compris que leur
rémunération diminuerait. À la suite des observations du Conseil d’État, vous
avez ajouté un article spécifique consacré aux enseignants,
l’article 1 bis – preuve que l’article liminaire initial
présentait un problème de constitutionnalité.
Autre problème : la
situation des fonctionnaires territoriaux. Les trois quarts d’entre eux, qu’ils
exercent dans les communes, dans les départements ou dans les régions, sont des
fonctionnaires de catégorie C qui ne perçoivent pas de primes et dont le
niveau de revenu en début de carrière est faible. Le calcul de leur retraite sur
la base des six derniers mois de leur carrière permettait de leur accorder un
« coup de chapeau » – et non une retraite chapeau. En tenant
compte de la totalité de la carrière, vous allez forcément provoquer la chute de
leurs perspectives de retraite : tous ces fonctionnaires de
catégorie C toucheront une pension réduite.
Avez-vous prévu,
monsieur le secrétaire d’État, une compensation pour les collectivités qui
accepteront d’augmenter la rémunération de ces fonctionnaires afin de leur
garantir un niveau de retraite décent ? Si les collectivités prenaient
l’initiative d’une telle augmentation, comment articulerez-vous cette mesure
avec les dispositions du pacte de Cahors, par lequel vous les avez obligées à ne
pas augmenter leur dépense globale de fonctionnement ? Les deux
dispositions sont contradictoires.
Toutes ces raisons qui, quoique
techniques, ont trait à la réalité que connaissent l’ensemble des collectivités
territoriales, nous conduisent à proposer la suppression de
l’article 6.
M. Vincent
Descoeur. Très juste !
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir
l’amendement no 955.
M. Régis
Juanico. Dans le sillage des propos de Mme Dalloz, je ne reviendrai
pas à ce stade sur la situation des enseignants – un point d’interrogation
majeur – car nous en avons abondamment parlé il y a quelques jours. Une
question se pose dans la foulée : celle du sort réservé aux agents de la
fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, qui
touchent peu de primes et exercent dans des conditions proches de celles des
agents de l’éducation nationale.
On le sait, le système de retraite par
points est particulièrement défavorable aux fonctionnaires pour deux
raisons : d’une part, le niveau de pension est calculé sur la base de
l’ensemble de la carrière et, d’autre part, les primes prennent une place
importante dans la rémunération totale.
En outre, cette réforme aurait un
coût exorbitant pour la caisse universelle de retraite. Je vous renvoie au
tableau très révélateur qui figure à la page 143 de l’excellente étude
d’impact. Aujourd’hui, les cotisations que l’État verse au titre de la fonction
publique d’État s’établissent à 38,7 milliards d’euros pour les traitements
et à 299 millions pour les primes. À masse salariale égale et du fait des
nouveaux taux de cotisation, ces deux montants s’élèveront à 8,7 milliards
et à 1 milliard respectivement. Autrement dit, lorsque la réforme aura
atteint son rythme de croisière, en 2042, le montant des cotisations de l’État
sera inférieur de 29,3 milliards à son niveau actuel. Pour l’ensemble des
fonctions publiques, la baisse des cotisations annuelles atteindra
42,8 milliards d’euros à la même date. Or vous n’expliquez pas comment
cette perte de ressources financières sera compensée.
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Meizonnet, pour soutenir
l’amendement no 6108.
M. Nicolas
Meizonnet. Cet article vise à intégrer les fonctionnaires, les
magistrats et les militaires dans le système prétendument universel de retraite.
Le système actuel de retraite des fonctionnaires répond à la spécificité de
leurs métiers et à la place particulière qu’ils occupent dans l’organisation de
la société. Ils accomplissent une mission de service public qui mérite d’être
justement récompensée mais, du fait de votre réforme, c’est l’inverse qui se
produira. Les fonctionnaires des catégories B et C, en particulier, seront
lourdement touchés par le calcul de leurs pensions sur la base de l’ensemble de
leurs carrières plutôt que des six derniers mois. Le nouveau régime entraînera
mécaniquement une baisse des pensions de ceux qui ont passé une partie ou toute
leur carrière au service de l’État – donc des Français.
S’agissant
des militaires, permettez-moi de vous rappeler l’avis défavorable que le Conseil
supérieur de la fonction militaire a rendu sur ce projet de loi et les
observations qu’il a adressées au Gouvernement, faisant état d’une baisse des
pensions qui pourrait atteindre 60 % de leur niveau actuel – les moins
gradés, militaires du rang, étant les plus touchés. Le président Macron a
pourtant plusieurs fois assuré qu’il veillerait à ce que la singularité du
métier militaire soit prise en compte dans le projet de réforme des retraites.
« Il n’y a donc pas lieu de transiger avec l’exigence de disponibilité en
tout temps et en tout lieu », a-t-il déclaré, avant de poursuivre :
« Il faut sans cesse rappeler que le service des armes est imprévisible,
risqué, dangereux, qu’il implique esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu’au
sacrifice suprême ». Il avait raison.
Jean-Paul Delevoye, alors
haut-commissaire à la réforme des retraites, avait quant à lui affirmé que le
système universel maintiendrait « les particularités objectivement
justifiées par les missions assignées aux militaires ».
Je vous pose
donc la question, chers collègues : cette réforme apporte-t-elle une
quelconque reconnaissance à ceux qui risquent leur vie pour nous et pour
vous ?
M. le
président. La parole est à M. Pierre Vatin, pour soutenir
l’amendement no 11135.
M. Pierre
Vatin. Par cet amendement, je tiens à mon tour à rappeler l’inquiétude
des élus locaux, qui, comme chacun le sait, sont de très importants employeurs
d’agents publics. D’une part, ils ignorent quelle charge représenteront les
cotisations patronales liées aux agents territoriaux et, d’autre part, ces
agents perçoivent souvent des primes faibles voire nulles, notamment dans la
catégorie C, qui regroupe 76 % du total des effectifs. De ce fait, le
montant de leur pension de retraite ne pourra pas être augmenté grâce à
l’intégration des primes, qui sont inexistantes. Il me semblerait utile de
revoir le calcul les concernant pour produire un tel effet si votre réforme
finissait, hélas, par être appliquée.
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir les
amendements nos 21925 à 21942, déposés par les membres du groupe
La France insoumise.
Mme
Caroline Fiat. Nous souhaitons la suppression de l’article 6, qui,
en mettant fin au calcul des pensions de retraite des fonctionnaires sur la base
de leur rémunération pendant les six derniers mois de leurs carrières, leur fera
perdre beaucoup d’argent. Toutes les catégories sont concernées, y compris les
fonctionnaires de l’Assemblée nationale auxquels un hommage a été rendu tout à
l’heure et auxquels on ne pense que très rarement ; sans eux, pourtant,
nous serions bien perdus dans les travées de cet hémicycle.
Vous
connaissez ma position. Si nous ne parvenons pas à faire supprimer cet article,
vous m’entendrez régulièrement parler du personnel hospitalier. Le président
Le Fur ne m’en voudra pas de revenir sur l’évocation, il y a quelques
jours, d’une agente de service hospitalier – ASH – devenue
aide-soignante puis infirmière et enfin cadre supérieure : il nous avait
été répondu qu’il s’agissait d’un cas rare. Sachez, monsieur le secrétaire
d’État, que ce cas n’est pas rare : nous, professionnels de santé, avons
baptisé ces cadres les « meilleurs », précisément parce qu’ils sont
passés par tous les postes. Or ce sont ces personnes qui perdront le plus du
fait de l’article 6 ; c’est pourquoi nous vous en demandons la
suppression, car vous allez faire perdre beaucoup trop d’argent à tous ces
fonctionnaires en mettant fin au calcul de leur retraite sur la base des six
derniers mois de leur carrière.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir les
amendements nos 31030 à 31044, déposés par les membres du groupe
GDR.
M. Pierre
Dharréville. Cet article prévoit que le soi-disant système universel de
retraite par points s’applique aux agents de la fonction publique et aux
magistrats. La fin du calcul des retraites des fonctionnaires sur la base des
six derniers mois de carrière constitue un recul très grave qui se traduira par
la baisse mécanique des pensions, que l’intégration des primes ne suffira pas à
compenser – notamment pour les enseignants, entre autres.
Plusieurs
organisations syndicales sont très mobilisées sur ce sujet ; l’une d’entre
elles a même évoqué un « cataclysme ». L’absence de lien direct avec
le salaire, la rupture de continuité entre le salaire et la pension et la fin du
taux de remplacement garanti pour les agents de la fonction publique
entraîneront un très fort affaiblissement de leurs droits. Or ils ont déjà subi
la dégradation quasi-continue – ou du moins significative – de la valeur du
point depuis plusieurs années, d’où une perte considérable de pouvoir d’achat
qui produit naturellement ses effets lorsque vient le moment de liquider leur
pension.
Tout cela démontre que votre projet ne tient pas compte de la
réalité. Cette mécanique a été conçue sur le papier, comme un algorithme, mais
elle peine à entrer en résonance avec la vie – et, lorsque c’est le cas,
elle produit des dégâts considérables. C’est la marque de l’inadaptation de
votre projet aux situations diverses que connaissent nos concitoyens. S’il
existait des modes de calcul différents, c’est en raison des différences de
parcours et de structures de carrière et de rémunération. Votre projet n’en
tient aucun compte et, même lorsque vous devez procéder à des corrections, il
démontre qu’il ne peut pas faire fonctionner un système garantissant
correctement le droit à la retraite. Par cet article, nous arrivons donc au
cataclysme que provoquera effectivement votre réforme.
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 34316.
Mme
Emmanuelle Ménard. L’article 6 concerne l’assurance vieillesse des
fonctionnaires, des magistrats et des militaires. Nous avons déjà abordé les
deux premières catégories ; j’évoquerai donc la troisième. La réforme des
retraites en cours d’examen portera malheureusement préjudice aux militaires car
elle vise à aligner leur statut avec l’ensemble des autres statuts en les
encourageant à travailler plus longtemps, ce qui est tout à fait contraire au
modèle d’une armée jeune, à la logique de flux optimale et au principe du temps
de service. Du reste, le Conseil supérieur de la fonction militaire a émis un
avis défavorable à ce projet de loi. Je demande donc la suppression de
l’article.
M. le
président. La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur
général de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission sur ces
amendements de suppression de l’article 6.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission
spéciale. L’article 6 porte sur l’affiliation des fonctionnaires, des
magistrats et des militaires au système universel de retraite. Celle-ci est
l’incarnation la plus tangible de l’universalité de ce système, car elle
transcende la distinction entre le secteur public et le privé.
Cette
intégration mettra fin à un ensemble de règles dérogatoires, trop souvent mal
comprises par nos concitoyens. Elle s’accompagnera de dispositions spécifiques
pour certaines professions, notamment les métiers régaliens particulièrement
dangereux. Ces dispositions seront discutées dans les chapitres suivants du
projet de loi, l’article 6 définissant simplement le champ d’application du
régime des fonctionnaires, tout en franchissant l’obstacle symbolique d’une
insertion dans le code de la sécurité sociale. Aussi, mon avis sera
défavorable.
Comme le secrétaire d’État et les rapporteurs l’ont
expliqué, et comme la page 143 de l’étude d’impact le précise, la
contribution de l’État – qui s’élève à 38 milliards d’euros, cher
Régis Juanico : votre chiffre de 42,6 milliards comprend les
collectivités territoriales – sera bien entendu maintenue dans le futur
système universel.
Quant aux fonctionnaires parlementaires, j’ai déposé
plusieurs amendements visant à les intégrer dans le futur système
universel.
Enfin, le passage des six derniers mois à l’ensemble de la
carrière pour calculer la retraite se fera avec une intégration des primes dans
l’assiette de calcul, revendication assez ancienne des fonctionnaires. Cette
prise en compte des primes entraînera une augmentation des cotisations, qui
s’étalera sur près d’une vingtaine d’années.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Je suis
défavorable à la suppression de l’article 6. M. le rapporteur général
a rappelé l’importance de l’affiliation des fonctionnaires au même régime que
l’ensemble des autres actifs et a donné des précisions sur l’évolution
progressive des cotisations vieillesse. Il importe en effet que les transitions
soient longues et douces. La différence entre le taux actuel de 28,12 % et
le futur taux de cotisation sera progressivement compensée par l’État, puis par
une prise en charge à hauteur de 0,25 point par an par les salariés et les
fonctionnaires.
Vous vous inquiétez, madame Dalloz, d’une baisse de
la rémunération des fonctionnaires, mais les fonctionnaires de catégorie C
– que l’on retrouve essentiellement dans les collectivités locales, nous
avions d’ailleurs parlé des ATSEM, les agents territoriaux spécialisés des
écoles maternelles – ont des carrières relativement plates et changent peu
d’échelon.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Et ils n’ont pas de primes !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. En effet. La mécanique du
nouveau système de retraite les avantagera particulièrement, puisqu’il sera très
redistributif pour les carrières linéaires où les rémunérations sont
relativement faibles. J’avais expliqué il y a quelques jours, mais je le refais
bien volontiers, que le système de retraite universel par répartition et par
points leur serait favorable. Certains d’entre vous ont souligné, il y a
quelques jours, qu’il y avait une différence de regard sur la retraite des
enseignants et celle des fonctionnaires territoriaux. Le niveau moyen des primes
de ces derniers atteint 22 % du traitement brut, taux très proche de celui
du reste de la fonction publique, mais les agents aux carrières linéaires, très
représentés dans la catégories C, seront avantagés par la redistribution
que consacre le système universel de retraite par répartition et par points. En
effet, plus la progression salariale est élevée au cours de la carrière, plus le
delta des primes devient significatif, ce qui ne concerne pas les agents de la
catégorie C. Voilà pourquoi mon avis est défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Serge Letchimy.
M. Serge
Letchimy. Il faut prendre l’observation de Mme Dalloz très au
sérieux, car les fonctionnaires de catégorie C représentent 76 % des
effectifs de la fonction publique territoriale, soit plus de 1,5 million
d’agents. Je ne vois pas comment ils pourraient conserver le même niveau de
pension en prenant comme base de calcul l’ensemble de leur carrière, alors que
leur rémunération progresse surtout à la fin de celle-ci. D’ailleurs,
l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalités, l’AMF,
s’est émue de cette situation.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Tout à fait !
M. Serge
Letchimy. Nous vous appelons donc à la prudence, monsieur le
secrétaire d’État.
J’ai cru comprendre, en commission spéciale, que vous
seriez très attentif à la question des primes, notamment celle relative à la vie
chère en outre-mer. J’ai signé le rapport d’information de la délégation aux
outre-mer sur l’impact de la réforme des retraites dans les outre-mer, qui
servira de cadre à la négociation et au débat. Nous sommes très nombreux à
soutenir l’intégration de la prime de 40 % dans le calcul des pensions.
Néanmoins, elle se traduira pour les enseignants par de nouvelles cotisations,
alors même que leurs pensions risquent de baisser. Quant aux collectivités
locales, elles devront également faire face aux conséquences de cette mesure.
Vous avez indiqué que la diminution des cotisations compenserait l’opération
pour les collectivités, mais si les enseignants et les agents devaient cotiser
sur la prime de 40 %, leurs revenus baisseraient pendant au moins une
quinzaine d’années. Quelles mesures comptez-vous prendre dans ce domaine, qui
représente un enjeu fondamental pour l’ensemble des outre-mer ?
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry.
M. Stéphane
Viry. L’article 6 intègre les fonctionnaires, les militaires et les
magistrats dans le système universel de retraite : il s’agit, faut-il le
préciser, d’un sujet majeur. Au fil des réformes, notamment depuis 2003, les
paramètres de calcul et de revalorisation des pensions de base des
fonctionnaires d’État se rapprochent de ceux du secteur privé. Nous avons
débattu de cette question en commission spéciale, où j’ai cru noter que
50 % des fonctionnaires d’État seraient concernés par le nouveau système,
c’est-à-dire qu’un fonctionnaire sur deux pourrait être progressivement intégré
dans le système universel. Est-ce exact ? Est-ce que l’ensemble des
fonctionnaires seront concernés ?
Nous souhaitons poursuivre le fil
de l’histoire qui tend à faire converger les systèmes de retraite du secteur
public et du secteur privé. Il faut reconnaître que vous ouvrez, dans ce projet
de loi, une voie permettant de tracer un chemin à cet égard. Il reste à trouver
les modalités de la transition et son atterrissage ; il convient d’assurer
la sauvegarde des situations des fonctionnaires afin que, au final, chacun soit
gagnant : les agents, bien sûr, leur employeur et la nation, au regard de
l’importance que l’on peut accorder à l’intérêt général et au service
public.
Que l’on soit bien clair, votre réforme n’intègre que le système
de retraite et pas les autres services sociaux. J’ai cru comprendre qu’une
dérogation bénéficierait aux fonctionnaires territoriaux et hospitaliers en
emploi permanent à titre non complet, ainsi qu’aux autres fonctionnaires non
affiliés à Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales
– CNRACL –, c’est-à-dire ceux affiliés au régime général de retraite
de base et à l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires
de l’État et des collectivités publiques – IRCANTEC –, pour la
retraite complémentaire ; vous autoriseriez, monsieur le secrétaire d’État,
un glissement, un phasage progressif et un mode de transition longs, jusqu’en
2039. Est-ce vrai ? Cela me paraît trop long, trop confus et éloigné de la
convergence que nous souhaitons.
M. le rapporteur général a fait
allusion aux fonctionnaires de cette assemblée, sur la situation desquels un
amendement va nous contraindre à nous prononcer. La question est de les intégrer
ou non dans le système universel de retraite. Il va de soi que les
fonctionnaires que nous côtoyons au quotidien assument une charge de travail
lourde et très importante pour notre démocratie, ce dont je les remercie. La
question de la séparation des pouvoirs se pose, et plus généralement de ce qui
est constitutif d’un État de droit. L’indépendance du législatif doit être
maintenue coûte que coûte ; ainsi, le législatif ne doit admettre aucune
soumission ni aucune dépendance, y compris dans le statut, lequel comprend
nécessairement la retraite. La question mérite d’être posée car, dès lors que
l’on dépend d’un statut, on perd de sa liberté et de son indépendance. Le sujet
est peut-être beaucoup plus profond que l’aspect technique de l’amendement ne le
laisse supposer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LR.)
M. le
président. La parole est à M. Alain Perea.
M. Alain
Perea. Vous ne serez pas surpris d’entendre que je ne sois pas favorable
à la suppression de l’article 6. Comme beaucoup d’entre vous ici, j’ai été
élu local ; de surcroît je suis, c’est mon métier, directeur de
collectivité territoriale. Le système universel va supprimer trois défauts du
régime de retraite particulier. Il est important de le souligner, car nous ne
l’avons pas fait.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Ah, expliquez-nous.
M. Alain
Perea. Tout d’abord, lorsque vous rentriez trop tard dans la fonction
publique, on vous conseillait de refuser la titularisation, parce que le rachat
de points n’était pas intéressant pour la retraite. Des gens ont ainsi été
maintenus dans un statut précaire ! (M. Erwan
Balanant applaudit.) La réforme gommera cette situation.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Ensuite, certaines personnes pouvaient racheter leur carrière
antérieure, parce qu’ils avaient les moyens de racheter les points ; ceux
qui ne les avaient pas étaient pénalisés pour leur retraite. Le système
universel placera tout le monde sur un pied d’égalité : il n’y aura pas de
points à racheter, puisque toute la carrière sera lissée, et donc plus
d’inégalité entre ceux qui ont les moyens de le faire et les
autres.
Enfin, ceux qui ont géré des collectivités territoriales savent
que les agents, notamment de catégorie C, passaient à l’échelon supérieur
six mois avant leur départ en retraite – pour les plus anciens, ce passage
était appelé le chevron –, afin de toucher une pension un peu plus élevée.
Cela générait une gestion statique des carrières des agents de
catégorie C : ceux-ci étaient maintenus à des échelons bas tout au
long de leur activité, avant de recevoir le chevron au dernier moment pour
améliorer leur retraite. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
Plusieurs députés du groupe
LaREM. C’est vrai !
M. Alain
Perea. Le nouveau système facilitera les carrières dynamiques,…
M. Boris
Vallaud. Ce n’est pas vrai !
M. Alain
Perea. …en phase avec l’engagement des agents ! C’est bien mieux
que de faire payer par un régime spécial la récompense donnée avant la retraite
pour valoriser la pension. (Applaudissements sur de nombreux bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. Erwan
Balanant. C’est appréciable, quelqu’un qui connaît le sujet !
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Bravo !
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Chers collègues, les rémunérations des fonctionnaires de
notre pays sont basses et bien plus faibles que dans les autres pays de l’OCDE,
l’Organisation de coopération et de développement économiques : nous avons
commencé à en discuter à la fin de la séance de cet après-midi. Le calcul de la
pension de retraite sur les six derniers mois de la carrière permettait
d’amortir cette situation et d’assurer aux fonctionnaires un niveau de pension
le meilleur possible, les six derniers mois correspondant à la période de
rémunération la plus élevée, compte tenu du passage des échelons.
En
supprimant ce mode de calcul, vous garantissez aux fonctionnaires une baisse de
leur pension. Ils seront assurément perdants, comme le seront les salariés du
privé avec l’abandon du calcul de leur pension sur la base des vingt-cinq
meilleures années, à moins d’une revalorisation incroyable, à laquelle vous
n’êtes a priori pas prêts, de leur traitement et de leur
rémunération.
Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, peut-être
pourriez-vous prendre un engagement précis sur ce point. En entendant le
ministre Blanquer évoquer la situation des enseignants, on constate que les
réévaluations promises ne sont même pas capables d’amortir les effets de
l’inflation sur leur traitement.
Pouvez-vous, oui ou non, vous engager à
faire en sorte que le projet de loi ne s’applique pas aux fonctionnaires tant
que leur niveau de rémunération ne sera pas suffisamment haut pour amortir le
choc que provoquera la fin du calcul de leur retraite sur la base de leurs six
derniers mois de revenus ? Ce point est très important.
De fait,
c’est par des modifications de calcul de ce genre que vous ferez de la vie des
gens, par le biais du calcul de leur pension, la variable d’ajustement de
l’équilibre financier que vous recherchez à tout prix, mais que vous n’obtenez
qu’au détriment des seuls actifs, sans jamais chercher à récupérer une part de
la richesse produite partie dans les poches des autres, qui en ont beaucoup
profité au cours des dernières années.
Nous avons les moyens – nous
le répéterons autant de fois qu’il le faudra – de financer un système de
retraite permettant de partir en retraite dès 60 ans, avec un bon niveau de
pension. Cela est vrai tant pour les fonctionnaires que pour les salariés du
secteur privé.
M. le
président. La parole est à M. Bertrand Pancher.
M. Bertrand
Pancher. Monsieur le secrétaire d’État, parmi les agriculteurs que nous
évoquions tout à l’heure, on entend dire : « Le système est complexe,
nous n’y comprenons rien, nous ne faisons pas confiance ». Quant aux
fonctionnaires, ils nous écrivent pour dire, à leur tour : « Le
système est complexe, nous n’y comprenons rien, nous ne faisons pas
confiance. » (M. Jean Lassalle applaudit.)
M. Régis
Juanico. Eh oui !
M. Bertrand
Pancher. Les membres des professions indépendantes et libérales nous
disent : « Le système est complexe, nous n’y comprenons rien, nous ne
faisons pas confiance. »
M. Boris
Vallaud. Et ils ont raison !
M. Bertrand
Pancher. Au mois de janvier dernier, j’ai participé à trente-quatre
cérémonies des vœux dans mon département. Chacune rassemblait en moyenne entre
80 et 150 personnes. Les citoyens de base me disait : « Nous
n’y comprenons rien, nous ne faisons pas confiance. »
J’ai alors
songé : « Je viens d’un département rural, moi-même je n’y comprends
rien non plus. » Mais, lors des vœux du Conseil économique, social et
environnemental, les présidents des grandes fédérations professionnelles m’ont
dit : « Nous n’y comprenons rien, nous ne faisons pas
confiance. »
Monsieur le secrétaire d’État, je vous pose donc la
question suivante : qui – à part, semble-t-il, quelques-uns dans cet
hémicycle – comprend réellement quelque chose à votre réforme ?
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Qu’il est désagréable !
M. Bertrand
Pancher. N’est-il pas possible de nous donner un peu de temps pour y
réfléchir et remettre tout cela à plat ? (Applaudissements sur les bancs
des groupes LT, SOC et GDR.)
M.
Jean-Paul Mattei. Il fallait venir en commission
spéciale !
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel.
M. Alain
Bruneel. Je rappelle que les maires ne font pas ce qu’ils veulent en
matière de rémunération des employés communaux.
M. Serge
Letchimy. Exactement !
M. Alain
Bruneel. Il existe des grilles indiciaires et des échelons. Tout cela,
dans la fonction publique, est bien encadré. Le ministère de la fonction
publique en décide avec les syndicats.
M. Régis
Juanico. Il a raison !
M. Alain
Bruneel. Peut-être les pratiques dont vous parlez ont-elles eu cours
chez vous, monsieur Perea, mais, pour ma part, je n’ai jamais vu un maire faire
à sa guise.
M. Serge
Letchimy. Absolument !
M. Boris
Vallaud. Ce serait incroyable en effet !
M. Alain
Bruneel. Il existe des codes et des règles, qu’ils doivent appliquer. Je
regrette, monsieur Perea, mais vous dites n’importe quoi. (Exclamations sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.
– M. Patrick Hetzel applaudit.)
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. À qui parlez-vous ainsi ?
M. Rémy
Rebeyrotte. Pouvez-vous ne pas être insultant ?
M. le
président. S’il vous plaît, mes chers collègues, écoutons-nous les uns
les autres.
M. Alain
Bruneel. Vous mettez en cause les maires, monsieur Perea, ainsi que les
responsabilités qui leur incombent.
Par ailleurs, nous sommes favorables
à la suppression de l’article 6, car nous sommes opposés à l’alignement du
public sur le privé, qui équivaut à la remise en cause de la fonction publique
dans son ensemble, et partant du service public dans son ensemble,…
M. Erwan
Balanant. Non !
M. Alain
Bruneel. … alors même que vous êtes les premiers à applaudir, par
exemple, les pompiers lorsqu’ils interviennent, aux cris de : « Ce
sont des braves ! ». De même, lorsque les agents d’EDF-GDF doivent
intervenir après une tempête, vous criez « Bravo ! »
M. Frédéric
Petit. Ils ne sont pas fonctionnaires !
M. Alain
Bruneel. À présent, vous dites « C’est fini ! ». Il y a
plus grave : par le biais du statut des fonctionnaires, c’est le service
rendu à nos concitoyens que vous remettez en cause. Nous ne pouvons pas
l’accepter. C’est pourquoi nous sommes favorables à la suppression de
l’article 6. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et
SOC.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Très bien !
M. Boris
Vallaud. Bravo !
M. le
président. La parole est à Mme Agnès Thill.
Mme Agnès
Thill. L’article 6 a trait aux fonctionnaires. J’évoquerai ici plus
spécifiquement les fonctionnaires de catégorie C et les
enseignants.
Tout au long de notre vie professionnelle, nous,
enseignants, nous nous entendons dire : « Tu as les vacances, ne te
plains pas ! » et : « Tu as la retraite, ne te plains
pas ! » Or, clairement, ceux que l’on appelle encore – au risque
de passer pour un dinosaure – « les instits » ne gagnent rien
tout au long de leur vie professionnelle. Ils ne perçoivent ni prime, ni
rémunération au titre des heures supplémentaires.
Pour eux, rien n’est
possible. Même leurs collègues enseignant dans le secondaire, qui peuvent
devenir professeur principal, peuvent gagner un peu plus d’argent. Pour les
professeurs des écoles, il y a là un véritable souci.
J’ai pris bonne
note qu’une loi de programmation est en préparation – avec
10 milliards d’euros à la clé, ce qui est du jamais vu –, mais aussi
que le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, n’a pas manqué de
sanctionner cette perspective, adressant au Gouvernement ce qui s’apparente à
une injonction de ne pas déposer un projet de loi contraire à la
Constitution.
Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais savoir avec quel
degré de certitude nous pouvons espérer qu’un futur gouvernement valide ou
applique une loi de programmation inconstitutionnelle. (Applaudissements sur
les bancs du groupe LT.)
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Je m’interroge sur certaines affirmations que nous venons
d’entendre, et qui me posent problème. Nous parlons du rôle redistributif des
retraites mais, s’agissant tant de la pénibilité que de la pauvreté, il n’est
pas un correctif différé des problèmes rencontrés au cours de la vie
professionnelle.
M. Roland
Lescure. Exactement !
M. Frédéric
Petit. C’est au cours de sa carrière qu’il faut se battre et prévenir la
pénibilité. C’est au cours de sa carrière qu’il faut faire reculer la précarité.
Le rôle redistributif des retraites est de réduire les hautes retraites et
d’augmenter les petites.
Il est donc complètement contradictoire
d’appeler de ses vœux un rôle redistributif des retraites accru et de bricoler
des systèmes permettant de verser des retraites élevées à des gens qui ont été
mal payés tout au long de leur vie professionnelle.
De même, il est
contradictoire de plaider en faveur d’un rôle redistributif des retraites tout
en tolérant le maintien de retraites très élevées, que vous refusez de
plafonner, chers collègues de gauche. Il est contradictoire de plaider en faveur
d’un rôle redistributif des retraites et de profiter des retraites pour corriger
des déséquilibres en cours de carrière que l’on n’a pas eu le courage de
corriger. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Jean
Terlier. Exactement !
M. le
président. Je mets aux voix les amendements nos 492 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 91
Nombre
de suffrages
exprimés 91
Majorité
absolue 46
Pour
l’adoption 31
Contre 60
(Les amendements identiques nos 492, 955,
6108, 11135, 21925, 21926, 21927, 21928, 21930, 21931, 21932, 21933, 21934,
21935, 21936, 21937, 21938, 21939, 21940, 21941, 21942, 27348, 31030, 31031,
31032, 31033, 31034, 31035, 31036, 31037, 31038, 31039, 31040, 31041, 31042,
31043, 31044 et 34616 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir
l’amendement no 25161.
M. Boris
Vallaud. Je reprends le fil de ma dernière intervention. J’avais promis
à M. le secrétaire d’État de lui apporter la démonstration de l’invalidité
de son affirmation selon laquelle l’étude d’impact du présent projet de loi est
fondée sur les hypothèses du Conseil d’orientation des retraites
– COR –, s’agissant notamment de l’augmentation du pouvoir d’achat des
fonctionnaires, fondée pour l’essentiel sur une revalorisation des primes de
0,23 point par an pendant cinquante ans.
J’ai mené des recherches,
en commençant par déterminer de quel rapport du COR il s’agissait. J’imagine
qu’il s’agit de celui publié au mois de juin 2019, dans lequel on peut lire
que les projections, pour l’essentiel, sont établies sur la base d’une stabilité
de la part des primes dans la rémunération des fonctionnaires, et que, depuis
2017, une variante globale a été introduite, prévoyant une évolution de la part
des primes prolongeant en tendance celle des vingt-cinq meilleures années.
Enfin, s’agissant des enseignants, le rapport démontre que la hausse de leurs
pensions est plus limitée, car la part des primes est faible. On y apprend
également que la hausse des primes marque le pas depuis 2011.
Monsieur le
secrétaire d’État, soutenir que les hypothèses retenues par votre étude d’impact
– laquelle, en réalité, permet de comparer très favorablement votre réforme
avec des projections totalement absurdes – reprend celles du COR est donc
malhonnête.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Vallaud, je vous
confirme que le scénario d’évolution des primes des fonctionnaires élaboré par
le COR prévoit bien une progression de leur pouvoir d’achat de 0,23 point
par an pendant cinquante ans.
M. Boris
Vallaud. Non !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Si vous le souhaitez, nous en
reparlerons de façon plus attentive.
M. Boris
Vallaud. Oui !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Tout en vous écoutant, j’ai
parcouru à nouveau le document que vous avez cité. Reprenons tout cela ensemble,
car nous nous sommes bel et bien fondés sur les chiffres du COR. Nous
parviendrons bien à expliquer cette divergence de vues !
M. Boris
Vallaud. Sans doute !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je ne suis pas inquiet sur ce
point.
Monsieur Viry s’inquiétait tout à l’heure du sort des
fonctionnaires parlementaires. Dans son avis sur le projet de loi, à la
page 38, le Conseil d’État estime que leur intégration dans le système
universel de retraite est conforme à la Constitution. Les modalités de la
transition et sa mise en œuvre relèveront de la compétence du bureau de chaque
assemblée.
Monsieur Viry, décidément en verve, s’inquiétait également du
sort des fonctionnaires travaillant à temps non complet, à hauteur de
25 heures par semaine. À l’heure actuelle, ils relèvent – comme les
agents contractuels de droit public – de l’IRCANTEC. Demain, dans le cadre
du régime universel de retraite, ils relèveront du même régime.
Enfin,
s’agissant des fonctionnaires de catégorie C, j’ai répondu tout à l’heure
aux questions à leur sujet de façon assez globale, dans une perspective
macroéconomique.
Des cas types sont présentés aux pages 208 et 209
de l’étude d’impact. Ils permettent d’illustrer mes réponses aux questions qui,
émanant également des bancs de la gauche, visent à savoir comment le montant de
leur retraite sera calculé lorsqu’il prendra en compte leur carrière complète et
non leurs six derniers mois d’activité. Ils démontrent notamment que les taux de
remplacement sont très proches dans les deux cas. Il n’y a donc pas lieu
d’imaginer de grands cataclysmes, tels que ceux décrits tout à l’heure.
Mme
Caroline Fiat. Si !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement sur
l’amendement est défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Roland Lescure.
M. Roland
Lescure. Nous sommes le 27 février 2020, il est 22h10. Nous
siégeons depuis onze jours, et 30 785 amendements restent à examiner.
(Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. Patrick
Hetzel. Ou comment préparer le recours à l’article 49 alinéa 3
de la Constitution !
M. Roland
Lescure. J’ai entendu, avant la pause, une assertion qui m’a surpris.
Comme M. Quatennens l’a à nouveau avancée au début de la présente séance,
j’ai décidé d’y répondre. Monsieur Quatennens, vous connaissez comme moi les
études de l’OCDE. En réalité, les fonctionnaires français, dans l’ensemble, sont
plutôt bien rémunérés.
Mme Agnès
Thill. Plaît-il ? Dites cela aux enseignants !
M. Roland
Lescure. Certains le sont même très bien, par rapport à ceux des autres
grands pays.
M. Bertrand
Pancher. Certains seulement !
M. Roland
Lescure. Toutefois, il faut noter deux exceptions très importantes. La
première – et je doute que ce soit celle que M. Quatennens avait à
l’esprit –, ce sont les hauts dirigeants de la fonction publique, qui sont
nettement moins bien rémunérés en France qu’ailleurs dans le monde.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Quel scandale !
M. Roland
Lescure. La seconde – dont nous nous en occupons de très près dans
ce projet de loi –, ce sont les enseignants.
M. Alain
Bruneel. Et les infirmières !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Vous devriez avoir honte de dire des choses
pareilles !
M. Roland
Lescure. En effet, les enseignants, en France, sont nettement moins
payés qu’à peu près partout dans le monde, ce qui est un véritable scandale. Je
demande aux majorités qui nous ont précédés de faire face aux responsabilités
qu’elles portent dans certaines situations. En ce qui nous concerne, nous la
corrigeons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
J’évoquerai ensuite un autre point très important : les
primes.
M.
Jean-Paul Mattei. 23 % de leur rémunération !
M. Roland
Lescure. En matière de retraite, l’une des inégalités criantes en
défaveur des fonctionnaires est le fait que leurs primes ne sont pas prises en
compte dans le calcul de leur pension. À cela aussi nous mettons un terme.
M. Serge
Letchimy. Pour toutes les primes ?
M. Roland
Lescure. Mon troisième point a été brièvement abordé par M. Perea.
Vous connaissez tous, sans doute, des instituteurs et des professeurs qui, à 50
ou 55 ans, en ont marre, sont épuisés et aimeraient bien faire autre chose.
Combien de fois avons-nous entendu – de nombreuses fois, pour ma
part : « Je reste car je suis à cinq ans de la retraite »
ou : « Je ne vais pas partir à sept ans de la
retraite. »
Dans le système universel par points, nous aurons
revalorisé leur rémunération, de sorte que ceux qui en auront marre à 50 ou
55 ans pourront faire autre chose tout en préservant leurs droits à la
retraite, même en les complétant, et bénéficieront ainsi d’une retraite
correcte, celle-là même à laquelle toutes les Françaises et tous les Français
ont droit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM et sur
plusieurs bancs du groupe MODEM.)
M. Gilles
Le Gendre. Tout à fait !
M. le
président. La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick
Hetzel. J’aimerais nuancer les propos que M. Lescure vient de tenir
au sujet des enseignants. Cher collègue, ceux que vous avez rencontrés ont dû
vous indiquer qu’ils sont soumis à la double peine. La première résulte du fait
que vous ferez en sorte qu’ils intègrent votre régime général,…
M. Roland
Lescure. Le nôtre !
M. Patrick
Hetzel. …votre régime prétendument universel. La seconde, vous le savez
pertinemment, est l’absence de prime dans leur rémunération, en raison de
laquelle ils sont moins bien lotis que les autres fonctionnaires. Il y a là un
premier problème.
Par ailleurs, vous promettez un rattrapage, mais
pouvez-vous indiquer comment vous ferez ? Rien ne sera réalisé avant 2022,
soit l’année des prochaines élections présidentielles !
En réalité,
il faudra dix ans pour réussir à tenir vos promesses, et cela, vous ne le dites
pas clairement non plus !
Vous racontez des mensonges aux
enseignants. Nous ne pouvons pas vous laisser faire. Vos promesses, qui portent
sur une durée de dix ans, n’assurent aucunement le maintien des pensions à leur
niveau actuel, et vous le savez pertinemment. Ne racontez pas n’importe quoi à
la représentation nationale !
Par votre mensonge éhonté, vous êtes
en train de flouer l’ensemble des enseignants de ce pays. (Applaudissements
sur les bancs des groupes LR, SOC et GDR.)
M. Boris
Vallaud. Exactement !
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme
Caroline Fiat. Monsieur le rapporteur général et monsieur le secrétaire
d’État, vous prétendez que nos chiffres sont erronés. Décidément, nous ne
parvenons pas à vous convaincre – depuis plusieurs jours, en effet, nous
avons du mal à nous convaincre mutuellement – mais je ne désespère jamais.
Rien ne m’empêche de croire que d’ici quelques minutes, vous allez vous
dire : « Effectivement, Caroline a raison. »
(Sourires.)
Une aide soignante, dans le secteur public, gagne
1 575 euros en fin de carrière, primes incluses. Sur l’ensemble de sa
carrière, son salaire est de 1 357 euros, là encore primes incluses.
Il y a donc bien une différence de 218 euros. Prouvez-moi par A+B qu’elle
n’y perd pas avec le nouveau calcul ! Comment pourrait-elle ne pas y
perdre ?
Les femmes, qui sont prétendument les grandes gagnantes de
la réforme, représentent 80 % de la profession. Quand gagneront-elles dans
votre système, dans lequel, je le rappelle, elles partiront de surcroît non plus
à 57 mais à 64 ans ?
M. Lescure, qui a beaucoup d’humour
ce soir, a fait valoir que deux catégories de fonctionnaires n’étaient pas très
bien rémunérées dans l’OCDE. Il est vrai que les infirmières sont très bien
payées puisqu’elles occupent le vingt-sixième rang sur vingt-neuf : il y a
donc trois pays où les infirmières sont encore pus mal loties, c’est
vrai…
Bref, nous ne pouvons pas nous contenter de ce classement. Il n’y
a, dites-vous, que deux catégories de fonctionnaires mal rémunérés ; mais,
pour les infirmières, pouvons-nous nous contenter d’être le vingt-sixième pays
sur vingt-neuf dans l’OCDE ? Il y a manifestement un problème !
M. Thibault
Bazin. Elle a raison, pas sur tout, mais sur ce
point-là !
M. le
président. La parole est à M. Serge Letchimy.
M. Serge
Letchimy. Je suis partisan du débat, et le groupe Socialistes fait
d’ailleurs des propositions sur ce texte que nous désapprouvons. Nous ne pouvons
pas laisser passer des argumentations de la nature de celles que nous avons
entendues.
J’ai été maire pendant douze ans, et je n’ai jamais trafiqué
des grades ou des échelons en maintenant des gens dans la précarité. Tous les
maires de France et de Navarre partagent les mêmes valeurs à cet égard.
M. Alain
Bruneel. Exactement !
M. Serge
Letchimy. Vous pouvez faire confiance au président de l’Association des
maires de France, M. Baroin, lorsqu’il vous alerte sur la diminution des
pensions qu’entraînera le calcul sur l’ensemble de la carrière et non plus sur
les six derniers mois, en particulier dans les collectivités locales, dont les
fonctionnaires sont à 76 % des agents de catégorie C. Vous avez
précipité votre réforme en niant cette réalité.
Monsieur Lescure, vous
prétendez avoir compensé pour les fonctionnaires, mais les calculs montrent
– et le Conseil d’État l’a noté – une perte en ligne, notamment pour
les fonctionnaires de l’éducation nationale, de l’ordre de 10 à 15 %. Vous
vous êtes engagés à rattraper par des primes sur une durée qui dépasse les
limites de votre propre mandat et de celui du prochain Président de la
République. Comment comptez-vous respecter cette clause de revalorisation par le
biais de primes ? Il y a un risque que celle-ci ne soit pas appliquée pour
des raisons budgétaires.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Je ne voudrais pas laisser croire que personne d’autre
n’a été maire. J’ai été maire pendant 16 ans d’une commune de
2 000 habitants et je m’occupais – car je n’avais pas de services
à ma disposition pour le faire – des problèmes d’échelons.
Il est
vrai que nous sommes enfermés dans le carcan des catégories. Je vivais assez mal
de ne pas pouvoir témoigner une reconnaissance à certains collaborateurs qui, à
mes yeux, la méritaient. J’étais surpris de la faiblesse des rémunérations, qui
posait problème particulièrement pour les employés à temps partiel, comme les
ATSEM.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Eh oui !
M.
Jean-Paul Mattei. J’essayais de rééquilibrer avec des primes. Ce qui me
rassure, dans ce texte, c’est l’intégration des primes dans le calcul des
pensions. C’est un argument majeur.
La rémunération pose problème, c’est
vrai. Entre l’avancement minimal et l’avancement maximal – ceux qui ont été
maires savent de quoi je parle –, on se trouve devant ces tableaux qu’on
essaie d’exploiter, non pour les triturer, mais pour se conformer à la
réglementation.
Ce texte va donc dans le bon sens parce qu’il intègre les
primes. Faudrait-il mener une réflexion globale sur la rémunération dans la
fonction publique territoriale ? Peut-être, mais, en tout cas, le texte va
dans le bon sens.
Il convient, en effet, d’être vigilant sur son
application. Mais, pour avoir discuté avec d’anciens employés de la commune
– et avec des membres du conseil municipal, puisque le cordon n’est pas
complètement coupé avec eux –, ils considèrent que cette mesure, quand on
la leur explique, va dans le bon sens. (Applaudissements sur plusieurs bancs
des groupes MODEM et LaREM.)
(L’amendement no 25161 n’est pas
adopté.)
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir
l’amendement no 21577 et les seize amendements identiques
déposés par les membres du groupe La France insoumise.
M. Éric
Coquerel. Tous les arguments possibles et imaginables pourront être
avancés mais, dès lors que vous passez, pour le calcul des pensions des
fonctionnaires, des six derniers mois de salaire à l’ensemble de la carrière,
inévitablement, vous causez une baisse de ces pensions.
Vous en avez pris
conscience et, pour y remédier, vous proposez de tenir compte d’une partie des
primes, en dépit du caractère aléatoire ou conditionnel, que nous avons souligné
à de nombreuses reprises, de cette mesure. Ainsi, pour les enseignants, le
dispositif risque d’être inconstitutionnel car vous enjoignez le Parlement
d’adopter une future loi. En outre, il ne résoudra pas le problème de la
diminution des pensions. Pour les autres fonctionnaires, nous ne savons toujours
pas ce qu’il en sera.
Un amendement du Gouvernement à l’article 18
prévoit de substituer à une cotisation de 5 % sur 20 % des primes, une
cotisation de 11,25 % sur 100 % des primes. Non seulement vous baissez
les retraites des fonctionnaires, mais vous diminuez également leurs revenus net
tout au long de leur carrière.
Derrière ces mesures se cachent la
normalisation progressive et, in fine, la suppression de la fonction publique
d’État que vous projetez. Nous avions déjà critiqué la loi du 6 août 2019
de transformation de la fonction publique parce que, au nom de la souplesse,
dans un secteur que d’aucuns prétendaient « souvent victime de
rigidités », elle prévoyait un recours accru aux contractuels. Et je ne
parle pas de la poursuite du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux
partant à la retraite, qui pénalise l’État.
Avec cette réforme des
retraites, vous continuez méthodiquement à détruire ce qui était l’une des
caractéristiques de la fonction publique. Voilà le projet qui se cache derrière
ce texte. En outre, vous obligez les fonctionnaires à entrer dans un système
universel qui sera lui-même nivelé par le bas. C’est la double peine !
(Mme Caroline Fiat applaudit.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Avis défavorable à
ces amendements identiques de suppression d’un alinéa.
Pour les
fonctionnaires, la hausse des cotisations – désormais assises sur
l’ensemble de la rémunération, primes comprises –, prévue à l’article 18,
s’étalera dans la durée Le Gouvernement garantit par ailleurs un maintien des
primes.
Quant à l’universalité du système, elle est attendue par nos
concitoyens qui, aujourd’hui, n’acceptent plus les règles dérogatoires. Nous
sommes en désaccord sur ce système, qui, me semble-t-il, correspond davantage à
la société dans laquelle nous vivons et nous vivrons demain, et dans laquelle la
mobilité professionnelle sera plus fréquente : nos concitoyens pourront
être, pendant une période, fonctionnaire, puis aller dans le secteur privé
ensuite ou créer leur entreprise, avant, peut-être, de revenir dans la fonction
publique.
Le système universel permettra de mieux prendre en compte cette
mobilité.
M. le
président. La parole est à M. Rémy Rebeyrotte.
M. Rémy
Rebeyrotte. L’enjeu est important. J’ai été, je suis professeur
certifié. Dans ma profession, c’est à partir du traitement de fin de
carrière, lequel sert pour le calcul de la pension, qu’est élaborée la
progression de carrière. Cela a pour conséquence que les salaires en début de
carrière sont extrêmement bas par rapport au niveau de qualification exigé. Il
en résulte aujourd’hui une pénurie de jeunes candidats pour passer les concours
et pour entrer dans l’enseignement.
Cette situation est d’une gravité
absolue, car la transmission du savoir est une fonction majeure dans une
société. Les personnes qui en sont responsables sont au service d’un intérêt
supérieur. Or, aujourd’hui, ces emplois-là n’intéressent plus personne, hélas,
parce que les salaires de début de carrière sont très bas.
Il est donc
absolument nécessaire d’adopter cette réforme, de revaloriser les salaires de
début de carrière et de donner de nouveau envie à nos jeunes d’embrasser ces
professions déterminantes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Monsieur le rapporteur général, votre réponse a au moins le
mérite d’être claire. Elle confirme notre divergence de fond sur ce qu’est la
fonction publique d’État.
L’universalité est attendue de nos concitoyens,
dites-vous. À force de tenir un discours anti-fonctionnaires ou anti-régimes
spéciaux qui laisse penser que les privilégiés, ce sont eux alors que leur
salaire est sans commune mesure avec celui de tous ceux que vous gavez depuis
deux ans et demi – je pense aux plus riches de nos concitoyens, auxquels
vous avez fait de nombreux cadeaux. (Exclamations sur quelques bancs du
groupe LaREM.) Le discours anti-fonctionnaires primaire finit peut-être par
pénétrer les esprits. Néanmoins, si l’on compare les évolutions de carrière dans
le secteur privé et dans le secteur public, les fonctionnaires sont loin d’être
privilégiés. Par exemple, ils sont parfois mutés à tel ou tel endroit pour
exercer leur profession.
De manière plus générale, votre réponse est
honnête : vous rêvez d’une société dans laquelle les citoyens feraient des
allers-retours entre le privé et le public.
M. Nicolas
Forissier. Ce serait bien plus sain !
M. Éric
Coquerel. Nous n’y sommes pas favorables car cela a des effets
désastreux. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.) Le pantouflage est désastreux ; les conflits d’intérêts pour
des personnes ayant été formées par l’État et qui vont ensuite travailler dans
le privé ne sont pas tolérables. Nous sommes partisans d’un emploi à vie pour
les fonctionnaires s’ils le veulent. (Mêmes mouvements.)
M. Roland
Lescure. Ils l’ont !
M. Nicolas
Forissier. C’est l’Union soviétique !
M. Éric
Coquerel. C’est en effet la condition de leur neutralité à l’égard de
tous les intérêts, y compris financiers ; c’est la condition de leur
incorruptibilité ; c’est la condition du service de l’État. Nous avons donc
un désaccord de fond avec votre logique qui consiste à banaliser les
allers-retours entre le public et le privé et à faire disparaître les
fonctionnaires. Ce n’est pas notre modèle, et ce n’est pas ce qui a fait la
grandeur de ce pays depuis des décennies (M. Jean Lassalle
applaudit), car c’est à la fonction publique que nous devons de pouvoir
compter sur un État digne de ce nom. (Mme Caroline Fiat
applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous avons organisé, au sein du
secrétariat d’État, des réunions par groupes socioprofessionnels en préparant
cette réforme. Nous avons notamment réuni un échantillon représentatif de
fonctionnaires – pardonnez le terme. Il était intéressant d’écouter ce que
j’entends aussi des copains enseignants que j’ai conservés à l’éducation
nationale, où j’ai travaillé pendant quatre ans. Les fonctionnaires disent
qu’ils en ont assez d’être montrés du doigt parce que le mode de calcul de leur
pension de retraite est différent de celui du privé.
Sur le fond,
lorsqu’on discute avec eux, les fonctionnaires sont très favorables au nouveau
système. Ils souhaitent, en revanche, que leur niveau de pension ne baisse pas.
C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement a pris des engagements
très clairs vis-à-vis des enseignants et des enseignants-chercheurs.
À
vous écouter, je me dis également que tout l’intérêt d’un système universel de
retraite n’est pas d’opposer les uns et les autres, mais de réunir aussi bien
les commerçants, les artisans et les professions libérales que les salariés du
secteur privé et les fonctionnaires hospitaliers, territoriaux et d’État, afin
de faire société ensemble, au travers de quelque chose de fondateur et qui nous
réunit, c’est-à-dire la retraite. (Applaudissements sur quelques bancs du
groupe LaREM. – M. Jean-Paul Mattei
applaudit également.)
M. Roland
Lescure. Très bien !
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur général.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Il s’agit d’une
discussion importante, que nous avions d’ailleurs déjà eue lors de l’examen du
projet de loi de transformation de la fonction publique. Loin de nous l’idée de
tenir un discours anti-fonction publique. Bien au contraire, nous cherchons,
avec la loi de transformation de la fonction publique ainsi que le système
universel de retraite, à renforcer notre fonction publique, son attractivité et
la reconnaissance des métiers, et ce en entendant ce que nous disent les
fonctionnaires. Notre objectif est bien, demain, de renforcer leur
accompagnement dans la construction d’une carrière qui, à un moment donné, peut
amener un agent de la fonction publique à vouloir, pendant un certain temps,
aller travailler dans le secteur privé, créer son entreprise ou rejoindre le
secteur associatif. Précisons d’ailleurs que ce n’est pas parce que l’on va
travailler dans le privé que l’on va pantoufler.
Faciliter ces mobilités
nécessite d’instaurer les mêmes règles pour tous, car, à l’heure actuelle, on
n’obtient pas la même pension selon que l’on a travaillé pendant vingt ans dans
le secteur public puis vingt ans dans le secteur privé, ou l’inverse. J’estime
que ça n’est plus acceptable. Grâce au système universel, demain, quel que soit
le temps passé dans l’un des différents secteurs, on aura droit à la même
retraite.
M. le
président. La parole est à Mme Nathalie Elimas.
Mme
Nathalie Elimas. Je souhaiterais intervenir, car j’ai été heurtée par
des propos que j’ai entendus du côté droit de l’hémicycle, selon lesquels nous
voudrions flouer les enseignants. Qui peut souhaiter flouer les
enseignants ? Qui peut objectivement dire que Jean-Michel Banquer, qui a
été recteur d’académie et qui les connaît si bien, a la volonté de les
flouer ?
M. Alain
David, M. Régis Juanico et M. Boris Vallaud. Nous !
Mme
Nathalie Elimas. Qui peut croire à une telle intention ?
(Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes MODEM et LaREM.
– Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
J’ai
moi-même été enseignante pendant un temps, je connais très bien les enseignants
et ils ont toute ma reconnaissance et mon admiration.
M. Patrick
Hetzel. J’ai également été recteur !
Mme
Nathalie Elimas. Ils exercent un métier difficile, notamment dans
certains quartiers, et ils manquent de reconnaissance. Et si nous avons le
sentiment que les enseignants nous opposent de la défiance, c’est précisément
parce qu’ils exercent un métier particulièrement difficile, qu’il faut avoir
accompli cinq années d’études pour passer le CRPE – concours de recrutement
de professeur des écoles – et que le premier salaire s’élève à
1 600 euros.
Nous attendons évidemment la loi de programmation
relative à la rémunération des enseignants : elle est nécessaire, juste et
utile.
M. Alain
David. Pourquoi ne la faites-vous pas ?
Mme
Nathalie Elimas. Par ailleurs, on ne peut pas affirmer que les pensions
des enseignants baisseront un jour, car une revalorisation des salaires, pour
les nouvelles recrues, est prévue dès 2021. Cette idée est donc parfaitement
fausse !
M. Patrick
Hetzel. Non, c’est vrai !
Mme
Nathalie Elimas. Non, monsieur Hetzel, c’est parfaitement faux.
M. Nicolas
Forissier. Vous vous adressez à un ancien recteur…
Mme
Nathalie Elimas. Et ce texte sur les retraites est justement l’occasion
de dire aux enseignants que nous allons à la fois maintenir leur niveau de
retraite et, parce qu’ils ont notre reconnaissance, augmenter leur traitement.
J’ai été véritablement heurtée par vos propos, et je ne pouvais pas vous laisser
dire cela. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes MODEM et
LaREM. – Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe
LR.)
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel.
M. Alain
Bruneel. Nous ne rencontrons décidément pas les mêmes personnes,
monsieur le secrétaire d’État. Vous affirmez que des enseignants vous disent que
votre réforme est bonne et qu’il faut la mener à bien. Pour ma part, les
enseignants que je rencontre me disent l’inverse. Nous ne parlons pas aux mêmes
personnes, mais c’est normal.
Mme
Nathalie Elimas. Tout le monde connaît des enseignants !
M. Alain
Bruneel. Vous dites également que le métier d’enseignant est difficile.
Je partage votre avis, et ils ne sont pas les seuls dans ce cas :
travailler dans le secteur industriel est également difficile, tout comme
travailler dans une verrerie, dans l’automobile, dans le domaine hospitalier ou
encore dans le ramassage des poubelles. Tous les métiers sont
difficiles.
S’agissant du savoir et de sa transmission, je partage
également votre avis. Il est vrai que les salaires des enseignants sont très
bas, mais est-ce pour cette raison qu’il faut aligner le régime des secteurs
public sur celui du privé ? Ce n’est tout de même pas nous qui avons bloqué
l’indice de rémunération de la fonction publique ; il l’est depuis
plusieurs années, et cela empêche l’augmentation des salaires.
M. Roland
Lescure. La faute en revient à la gauche comme à la droite !
M. Alain
Bruneel. Et ce n’est pas votre réforme des retraites qui réglera toutes
nos difficultés quotidiennes !
M. Frédéric
Petit. Ce n’est pas ce qu’on dit !
M. Alain
Bruneel. Vous ne souhaitez pas véritablement vous attaquer à la réalité
des choses. Il existe pourtant d’autres moyens pour rendre les métiers moins
difficiles, moins pénibles et mieux payés. La réforme des retraites n’en est pas
un, mais nous vous proposons une solution : au lieu de toujours niveler par
le bas, nivelez par le haut ! Pourquoi ne pas asseoir, pour tous les
travailleurs du privé comme du public, le calcul de la pension sur les six
derniers mois de carrière, comme c’est actuellement le cas pour les
fonctionnaires ? Tout le monde pourrait essayer de faire un effort, mais
vous restez arc-boutés.
M. le
président. La parole est à M. Vincent Descoeur.
M. Vincent
Descoeur. J’ajouterai quelques mots en écho à ce débat sur la
revalorisation des professeurs et le montant de leur pension, en rappelant
d’abord que notre collègue Patrick Hetzel était lui-même recteur, et qu’il ne
peut donc être suspecté de ne pas connaître la situation des enseignants.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Régis
Juanico. Il était meilleur recteur que Jean-Michel Blanquer !
M. Vincent
Descoeur. Moi-même professeur, je souhaite vous donner mon point de vue.
Si on peut partager le constat selon lequel les difficultés rencontrées par les
enseignants, la nécessité de revaloriser leurs carrières et le faible niveau de
traitement – comparé à leurs homologues européens – provoquent une
crise des vocations, ne croyez pas pour autant que votre projet de
revalorisation résoudra tous les problèmes : je vous mets en garde contre
cette idée. (Mêmes mouvements.
– Mme Agnès Thill applaudit
également.)
M. Patrick
Hetzel. Eh oui !
M. Vincent
Descoeur. En effet, cette revalorisation n’a été annoncée que dans le
seul but de compenser la future baisse des pensions. Vous ne pouvez le nier, des
simulations très précises ont été conduites, et parmi les enseignants les moins
bien rémunérés, les professeurs des écoles peuvent s’attendre à des pertes
considérables.
Mme Agnès
Thill. Eh oui !
M. Vincent
Descoeur. Il est anormal que la représentation nationale néglige à ce
point la situation de ces enseignants, dont le rôle est capital, et qui exercent
leur métier dans des conditions difficiles.
Soyez également prudents
lorsque vous évoquez la revalorisation, car celle-ci est si étalée dans le temps
que vous laissez le soin aux autres de la concrétiser.
M. Rémy
Rebeyrotte. Non, nous revalorisons les salaires !
M. Vincent
Descoeur. Je souhaitais également évoquer le cas des fonctionnaires de
catégorie C, notamment des agents territoriaux. Nous parlons en effet
beaucoup des primes dont la prise en compte viendrait aussi compenser une
évolution à la baisse des pensions.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Cela ne compensera pas cette baisse !
M. Vincent
Descoeur. Pour avoir été président d’un département, j’ai eu
connaissance de pensions qui n’excédaient pas 953 euros par mois pour des
personnes qui avaient participé, pendant des années, à des travaux de
déneigement, tâches elles aussi difficiles. Il existe aujourd’hui, comme chacun
sait, autant de régimes indemnitaires que de collectivités. Et les
fonctionnaires de catégorie C qui travaillent dans de petites communes ne
touchent que des primes négligeables.
M. le
président. Veuillez conclure, cher collègue.
M. Vincent
Descoeur. Il est donc périlleux d’imaginer que les primes seront la
bouée de sauvetage de votre système. Vous allez créer autant de niveaux de
pension qu’il existe de régimes indemnitaires, ce qui, pour le coup, mettra à
mal l’universalité supposée de votre système de retraite. (Applaudissements
sur les bancs du groupe LR. – Mme Agnès
Thill applaudit également.)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Pourquoi y a-t-il tout lieu de douter de la réalité des
revalorisations et de la compensation des pensions pour les enseignants
– comme probablement pour d’autres fonctionnaires – dans le cadre de
la nouvelle réforme ? La réponse à cette question se trouve dans l’étude
d’impact, les projections qui y sont faites ayant été réalisées sur la base d’un
système actuel dégradé en dépit du bon sens. Selon les hypothèses de l’étude
d’impact, en effet, les gains de pouvoir d’achat des enseignants sont
imputables, pour l’essentiel, à une augmentation de la part des primes, de
sorte que, au moment de la retraite, leur niveau de rémunération a décroché par
rapport au salaire moyen national. Cette méthode, en ce qu’elle repose sur une
comparaison avec un système qui n’existe pas et n’existera jamais – car il
est totalement truqué –, vous permet de justifier l’idée selon laquelle le
nouveau système ne dégradera pas tant que cela le niveau des pensions, puisque
les primes, revalorisées, seront intégrées dans le calcul des droits à la
retraite. Il s’agit donc d’une duperie complète, qui sous-évalue grandement le
niveau des pensions de manière à nier l’idée d’une baisse des pensions. Cette
étude d’impact est scandaleuse !
Nous pouvons également douter de la
réalité des revalorisations, car le premier acte du Gouvernement vis-à-vis des
professeurs a été d’en réduire le nombre.
M. Rémy
Rebeyrotte. Vous n’avez pas créé de postes quand vous étiez au
pouvoir !
M. Boris
Vallaud. Si, et tu es bien placé pour le savoir, car je te rappelle que
tu soutenais cette majorité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR)
Un député du groupe LR.
Excellent !
M. le
président. Le vouvoiement est de rigueur, mon cher collègue.
M. Boris
Vallaud. Soixante mille postes ont été créés, avant d’être ensuite
détruits. Et s’agissant des revalorisations, nous avons aligné les régimes de
prime des enseignants du premier degré sur ceux du second degré, ce qui a coûté
300 millions d’euros par an.
M. Rémy
Rebeyrotte. Vous n’avez pas revalorisé !
M. Thibault
Bazin. La gauche plurielle se révèle !
M. Maxime
Minot. Gauche caviar !
M. Boris
Vallaud. En ce qui concerne ensuite le PPCR – parcours
professionnels, carrières et rémunérations –, vous respectez tellement le
dialogue social que la première chose que vous avez faite a été de ne pas
respecter les conclusions de la négociation avec les partenaires. Vous n’avez en
effet pas dégelé le point d’indice, comme cela était prévu par la négociation,
et vous n’avez pas appliqué le PPCR en 2018. Vous l’avez reporté et vous
paierez, en 2021, ce que vous n’avez pas versé en 2018.
Tout est ainsi, à
l’avenant. Il n’existe aucune raison de vous faire confiance ; de toutes
les manières les enseignants ne font pas confiance à leur ministre !
(Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
M. le
président. La parole est à M. Bertrand Sorre.
M. Bertrand
Sorre. On peut douter et mettre en cause les annonces du ministre
Blanquer, mais je puis vous dire que 100 euros par mois et
1 200 euros par an, ce sont des sommes qui parlent aux jeunes
enseignants qui viennent d’embrasser la carrière : il y a, dans les
classes, une écoute et une attente très forte vis-à-vis de cette
mesure.
J’ai enseigné pendant trente ans ; je connais le métier par
cœur. L’universalité du régime de retraite, la possibilité d’avoir une retraite
calculée de la même manière, que l’on travaille dans le public ou le privé, je
puis vous affirmer que ces mesures sont attendues. En fin de carrière, après
trente années passées dans une école, il peut survenir un phénomène d’usure et
une aspiration à exercer un autre métier. L’alignement des différents régimes
incitera également certains à basculer vers d’autres carrières.
Sur la
question de la fonction publique territoriale, j’entendais des députés qui ont
été maires. J’ai aussi eu la chance de l’être et il est vrai que, bien souvent,
les fonctionnaires de catégorie C voient leur engagement valorisé grâce à
un régime indemnitaire permettant d’ajouter 50 ou 100 euros de
rémunération. Ce régime indemnitaire sera dorénavant intégré au calcul de la
pension, et j’estime qu’il s’agit d’une autre mesure très attendue. Pour être
encore conseiller municipal de la commune dont j’étais maire, je peux vous
assurer que les agents de catégorie C sont très à l’écoute et très désireux
de voir ce régime instauré le plus rapidement possible. (Applaudissements sur
les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
(Les amendements
no 21577 et identiques ne
sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à Mme Caroline Fiat, pour soutenir les
amendement no 21594 et identiques, déposés par les membres du groupe
La France insoumise.
Mme
Caroline Fiat. J’entendais tout à l’heure un collègue évoquer les
difficultés que nous avons pour donner envie aux travailleurs d’intégrer la
fonction publique, en raison de salaires d’entrée insuffisants. Je ne vois pas
le lien entre ce sujet et le projet de loi relatif aux retraites. Si le salaire
des fonctionnaires est effectivement à revoir, j’estime qu’il faudrait y
consacrer un projet de loi spécifique ; nous serions nombreux, sur nos
bancs, à voter en faveur d’une augmentation de salaire. En tout cas, celle-ci
est attendue depuis trois ans dans la fonction publique hospitalière.
Par
ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, je me suis trompée en présentant mon
exemple sur l’aide-soignante ; c’est pourquoi, sans doute, vous ne m’avez
pas répondu et que je n’ai pu vous convaincre. Je vous ai dit qu’une
aide-soignante touchait 1 575 euros en fin de carrière, or c’était
sans compter les primes. En les comptabilisant, sa rémunération s’élève bien à
1 357 euros sur l’ensemble de la carrière, ce qui représente tout de
même une baisse 218 euros pour le calcul de ses droits à la retraite, et ce
alors qu’elle aura à travailler sept années de plus. À quel moment une
aide-soignante est-elle dont gagnante ?
Depuis tout à l’heure,
j’entends dans l’hémicycle une petite musique à propos des différences et des
jalousies entre le public et le privé. Je peux en parler moi-même très
simplement car j’ai été aide-soignante dans un EHPAD – établissement
d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – privé, et il y existait
une jalousie à l’égard de celles du public, puisque celles-ci pouvaient partir
en retraite plus tôt. Toutefois, jamais mes collègues et moi n’avons pensé
qu’elles devraient partir plus tard. En revanche, nous aurions aimé que
quelqu’un, à l’Assemblée nationale, soutienne l’idée que toutes les
aides-soignantes, du public comme du privé, doivent partir au même âge,…
M. Hervé
Berville. C’est l’intérêt du système universel !
Mme
Caroline Fiat. …donc que les aides-soignantes du privé puissent partir
plus tôt, parce que les corps sont fatigués. Et je n’avais alors aucune
ambition… (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Mes chers collègues, veuillez écouter
Mme Fiat !
Mme
Caroline Fiat. Tout à l’heure, quand Nathalie Elimas s’est exprimée,
l’un d’entre nous a prononcé cette belle phrase : « Un peu de respect,
une femme parle. » Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, je suis moi
aussi une femme.
Je n’ai jamais eu l’ambition de siéger sur ces
bancs ; jamais je n’ai pensé que tel serait le cas un jour. Mais maintenant
que j’y suis, je ne vois pas pourquoi je ne défendrais plus la position que
j’exprimais au moment des transmissions avec mes collègues. Pour faire cesser la
jalousie, il faut que le privé acquière les mêmes droits que le public, et non
infliger au public la même punition qu’au privé. (Applaudissements sur les
bancs du groupe FI.)
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Je reviens sur la question de l’attractivité du métier et de la
carrière d’enseignant. Bien évidemment, la rémunération est importante, mais il
ne faut pas oublier les conditions de travail. Or, à bien y regarder, il n’y a
jamais eu aussi peu de candidats aux concours de l’enseignement
(Mme Agnès Thill applaudit) ; c’est le résultat
de la politique de M. Blanquer. (Exclamations sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.) J’insiste : jamais aussi peu dans
l’histoire !
M. Rémy
Rebeyrotte. C’est extraordinaire ! Comme si cela datait
d’hier ! C’était déjà le cas sous Mme Vallaud-Belkacem !
M. Régis
Juanico. Je vais vous citer quelques données, monsieur le secrétaire
d’État. Celles-là, j’espère que vous les accepterez. Elles proviennent d’une
étude très intéressante de la DARES – la direction de l’animation de la
recherche, des études et des statistiques du ministère du travail –
relative aux risques professionnels dans la fonction publique et le secteur
privé. Les statistiques sont toujours très utiles, qu’elles émanent de la DARES,
de la DREES ou de l’INSEE.
Cette étude est très complète puisqu’elle
porte sur les risques psychosociaux, les contraintes physiques et
organisationnelles, l’exposition aux agents chimiques. Or quelles en sont les
conclusions ? Que les fonctionnaires sont souvent plus exposés à la
pénibilité que les salariés du privé. Les agents de la fonction publique
territoriale sont bien évidemment concernés, puisqu’ils sont soumis à des
contraintes posturales et exposés à des nuisances sonores et thermiques
– rappelons que les facteurs de pénibilité sont cumulatifs, et nous avons
évoqué à cet égard un certain nombre de métiers tout à l’heure. Toutefois,
au-delà des enseignants, il apparaît très clairement que la fonction publique
hospitalière est la plus exposée, de loin. Outre les contraintes physiques, les
contraintes horaires, un contact parfois difficile avec le public et le
sentiment de ne pas avoir les moyens ni le temps d’effectuer son travail
correctement, les agents de la fonction publique hospitalière sont, on le sait,
ceux qui sont le plus souvent atteints du syndrome d’épuisement professionnel,
ce que l’on appelle le « burn-out ». Ainsi, 58 % des personnels
hospitaliers ressentent un manque de reconnaissance, 35 % souffrent de la
situation de tension et 20 % font même face à des comportements
hostiles.
Vous vous vantez de vous apprêter à étendre à la fonction
publique le C2P, le compte professionnel de prévention. Or celui-ci est la
version dégradée du C3P, le compte personnel de prévention de la pénibilité,
puisque quatre critères de pénibilité ont été retirés. Autrement dit, vous allez
offrir aux fonctionnaires une version dégradée de la prise en compte de la
pénibilité.
Et puis vous dites que les travailleurs exposés à la
pénibilité pourront partir en retraite à 60 ans. Pas du tout :
60 ans, c’est l’âge théorique. Avec l’âge d’équilibre, ils subiront
nécessairement un malus financier, ce qui obligera les travailleurs concernés,
notamment les fonctionnaires, à travailler plus longtemps – deux ans de
plus –, donc à partir dans un état de santé plus dégradé encore.
M. le
président. La parole est à M. Bruno Duvergé.
M. Bruno
Duvergé. M. Coquerel nous a expliqué tout à l’heure qu’il fallait
accomplir toute sa carrière soit dans le privé, soit dans le public. Or je ne
pense pas qu’il nous revienne de décider de la carrière des
Français.
Nous constatons tous que le monde évolue et évoluera de plus en
plus vite. La technologie, les moyens de communication, notre façon de produire
et nos conceptions du travail évoluent. Il faut continuellement apprendre et
nous adapter. Nos envies et nos ambitions évoluent elles aussi. À des moments
spécifiques de notre vie, on peut vouloir produire, concevoir, conseiller ou
enseigner, dans le monde public ou dans le monde privé. On souhaite pouvoir
partager son savoir-faire ou son expérience, dans tous les
domaines.
Notre rôle est de favoriser, pour chacun de nos concitoyens,
ces évolutions et ces mouvements dans la vie. Le système de retraite doit
permettre ces différents mouvements. (Applaudissements sur les bancs du
groupe MODEM. – Mme Carole Bureau-Bonnard applaudit
également.)
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Certaines forces politiques et sociales essaient, ce n’est
pas nouveau, de diviser les travailleurs et les travailleuses en expliquant que
les agents du public seraient privilégiés par rapport à ceux du privé. Les
agents de la fonction publique exercent, on le sait, une responsabilité
singulière dans la République, d’où certaines spécificités et sujétions. Pour
notre part, nous refusons ces tentatives de division, qui n’ont aucun fondement,
si ce n’est la volonté de continuer à organiser la régression sociale. Nous
avons vu les régimes dégringoler les uns après les autres, comme dans un
escalier.
Il y a, dans le privé, une dureté particulière des relations
sociales – même si elle n’est pas uniforme et qu’elle ne se retrouve pas
partout. Cette dureté existe aussi dans le secteur public, sous des formes
différentes, et elle s’est même aggravée au cours des dernières années. La quête
de compétitivité pèse sur les corps et les esprits, sur les femmes et les hommes
qui travaillent. Tout cela, nous le savons.
Les statuts et les parcours
ont connu des évolutions. Il y a des passerelles, et les carrières hybrides
existent déjà. Vous avez encouragé ce mouvement par des réformes dont il nous a
paru nécessaire de questionner le sens.
En somme, nous assistons à une
dégradation du travail dans la société, à laquelle vous voulez faire
correspondre une dégradation de la retraite. Telle est, de mon point de vue, la
vérité sur votre projet.
Je tiens à vous rappeler une phrase qui figure à
la page 149 de l’étude d’impact : « les taux de remplacement,
soit la différence entre le dernier revenu d’activité et la retraite, des agents
publics sont équivalents à ceux des salariés malgré ces règles
différentes ». Certains ont essayé de passer un peu rapidement sur cette
réalité. En appliquant les règles de façon uniforme, vous allez mettre en péril
l’équité qui existe actuellement en matière de taux de remplacement.
(Les amendements no 21594 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir
l’amendement no 21612 et les seize amendements identiques
déposés par le groupe La France insoumise.
M. Adrien
Quatennens. Je reviens sur la situation particulière des enseignants,
qui anticipent une baisse de 30 % de leur pension à cause de votre réforme.
Des revalorisations très importantes sont prévues, dites-vous, mais elles ne
sont pas à la hauteur, compte tenu notamment de l’inflation – nous avons
déjà eu l’occasion de vous le dire. De plus, comme l’indique l’étude d’impact,
pour bénéficier d’une hausse de leur niveau de pension, les fonctionnaires de
l’éducation nationale devront partir en retraite à 67 ans.
Nous le
répétons, il faut renoncer à la règle qui consiste à calculer la pension sur la
base de l’ensemble de la carrière. Compte tenu de ce que sont les carrières dans
la fonction publique, cela a du sens d’en rester à la règle des six derniers
mois pour tous les fonctionnaires, y compris les enseignants. De même, il est
censé de retenir les vingt-cinq meilleures années pour les salariés du privé,
car leurs carrières ne sont pas linéaires, à l’inverse de celles des
fonctionnaires.
M. le
président. La parole est à M. Bruno Millienne.
M. Bruno
Millienne. Mon intervention sera brève, monsieur le
président.
Certains propos visant le ministre de l’éducation nationale
m’ont choqué. Nous avons un très, très bon ministre de l’éducation
nationale !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Vous n’avez pas l’air très convaincu…
M. Bruno
Millienne. Nous lui devons le dédoublement des classes : voilà une
mesure de justice sociale !
Au mois de mars aura lieu une
consultation non seulement avec les syndicats mais avec l’ensemble des
enseignants : c’est une nouvelle façon de travailler avec ces
derniers.
Vous pouvez vous gausser de la revalorisation salariale de
100 euros à compter de 2021.
M. Patrick
Hetzel. C’est une mesure de compensation !
M. Bruno
Millienne. Pourtant, c’est la première fois qu’il y a une telle
revalorisation depuis 1989 !
M. Régis
Juanico. Mais non ! Et le protocole PPCR, parcours professionnels,
carrières et rémunérations ?
M. Bruno
Millienne. Depuis 1989, vous n’avez rien fait pour les enseignants, ni à
droite, ni à gauche ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes
MODEM et LaREM. – Vives exclamations sur les bancs des groupes LR et
SOC.)
M. Pierre
Dharréville. Ni au centre !
M. Patrick
Hetzel. Bayrou n’a rien fait !
M. Pierre Dharréville et
M. Boris Vallaud. Très juste !
M. le
président. Mes chers collègues, s’il vous plaît !
La parole
est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Cher collègue du MODEM, vous avez oublié au passage
quelques épisodes…
M. Bruno
Millienne. Racontez-nous !
M. Pierre
Dharréville. …qui viennent de vous être rappelés par l’Assemblée. À un
moment donné, me semble-t-il, il y a eu un ministre de l’éducation nationale
nommé François Bayrou… (Sourires. – Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
M. Patrick
Hetzel. Excellent !
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Excellent ministre !
M. Bruno
Millienne. Et alors ? Nous, nous sommes capables de reconnaître nos
erreurs ! Le droit d’inventaire, ça existe !
M. Pierre
Dharréville. Mais ce n’est pas le sujet principal de mon
intervention.
Selon une analyse de Thomas Amossé et Joanie
Cayouette-Remblière, publiée dans Libération il y a quelques semaines, le
projet de réforme « ne ferait que prolonger les inégalités de carrière
entre fonctionnaires et salariés du privé, qui se sont fortement accentuées avec
les politiques conduites depuis quinze ans. […] Entre 2014 et 2017, les
fonctionnaires exerçant un emploi de niveau supérieur – dont font notamment
partie les plus de 900 000 enseignants, mais aussi les médecins
hospitaliers ou encore les hauts fonctionnaires – ont perçu en moyenne
2 668 euros net mensuels, primes comprises avant impôt, contre
3 508 pour les salariés du privé en CDI de même niveau de
qualification. » Lorsqu’il est question de carrière et de retraite, cette
réalité mérite d’être soulignée.
Les deux chercheurs indiquent en
outre : « En appliquant à tous et toutes le mode de calcul des
retraites le moins avantageux, le projet de réforme joue la carte d’un
nivellement par le bas. Les données statistiques montrent qu’il se traduirait de
plus, et surtout, par une pénalisation des fonctionnaires de niveau
intermédiaire et supérieur, par rapport aux salariés en CDI du
privé. »
Voilà les résultats de la réforme que vous nous proposez.
Il va tout de même falloir, à un moment donné, que vous regardiez les choses en
face !
M. Boris
Vallaud. Bravo !
M. Régis
Juanico. Très juste !
M. le
président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Nos collègues du MODEM ont longtemps été
représentés par un ministre de l’éducation nationale qui n’a pas laissé un
souvenir mémorable dans le corps enseignant…
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Si !
M. Patrick
Mignola. Ce fut le mieux de l’époque !
M. Bruno
Millienne. La différence entre vous et nous, c’est que nous,
l’inventaire, nous le faisons !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Je constate que quand nous avons évoqué, lundi
soir, les sapeurs-pompiers, on nous a répondu que ce n’était pas le moment car
la question ferait l’objet d’une proposition de loi présentée par le groupe La
République en marche. Quand nous avons parlé, pas plus tard que tout à l’heure,
de la situation des agriculteurs, on nous a répondu, de même, qu’une commission
de réflexion serait créée. Et j’entends là, en ce qui concerne les enseignants,
qu’il y aura une conférence…
M. Bruno
Millienne. Une consultation, madame Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. …une consultation inédite au mois de mars. Or
c’est maintenant que nous allons être appelés à nous prononcer sur le projet de
loi.
En outre, les modalités de financement du projet de loi seront
connues en avril. Où est la logique ? Si quelqu’un s’y retrouve, qu’il me
fasse signe.
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Regardez par ici ! (M. Cyrille
Isaac-Sibille adresse un signe de la main à
Mme Marie-Christine Dalloz.)
Mme
Marie-Christine Dalloz. C’est bien, mais vous devez être le seul !
(Sourires.)
M. Bruno
Studer. Moi aussi !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Concernant la compensation, je suis atterrée que
vous considériez bien traiter les enseignants parce que vous leur offrez une
augmentation de rémunération. Ce n’est qu’une faible compensation au regard de
leur perte potentielle de pension à venir : celle-ci sera telle que
l’augmentation ne la compensera jamais. Vous ne pouvez même pas parler
d’augmentation car ce n’est qu’une faible compensation. (Applaudissements sur
les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à Mme Agnès Thill.
Mme Agnès
Thill. J’entendais notre collègue du groupe MODEM, et d’autres sûrement,
qui se fâchait presque que les enseignants du premier degré n’approuvent pas la
réforme. Primo, on a le droit de ne pas être d’accord.
Deuzio, je
voudrais savoir qui ici a vécu toute une vie avec un salaire d’instit. On dit
qu’un instituteur gagne 1 600 euros au début de la carrière, mais il
faut savoir que cela dure quinze ans ! Au bout de quinze ans – c’est
extraordinaire –, on touche 1 700 euros, et ce pendant dix ans.
Savez-vous combien d’années il faut pour atteindre 2 000 euros ?
Vingt-cinq ans ! (M. Jean Lassalle
applaudit.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Comme
partout !
Mme Agnès
Thill. En fin de carrière, juste avant d’être élue, après trente-cinq
ans d’exercice, je gagnais 2 500 euros, miracle !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Comme
une assistante sociale ! Ça va bien !
Mme Agnès
Thill. C’est vrai, on donne des cours particuliers toute sa vie pour
s’en sortir. Quand même, pensez-y un instant : avez-vous vécu avec une paye
d’instit ?
Par ailleurs, nous ne sommes pas là pour faire le procès
des anciens ministres, dont nous nous fichons éperdument. Nous œuvrons au
présent. Notre ministre Blanquer n’a rien à voir avec la consultation en
préparation, qui concerne les ressources humaines.
M. Bruno
Millienne. Mais non !
Mme Agnès
Thill. Ce sera une énième consultation – pourvu qu’elle soit mieux
considérée que les états généraux de la bioéthique… –, sans aucun rapport
avec les retraites, pas davantage que les douze élèves en classe de
CP.
Le vrai problème est le suivant : pour que les enseignants
conservent un montant de pension équivalent, il faudrait augmenter leur
rémunération de 25 à 30 %. J’ai bien entendu que 10,4 milliards par an
seraient investis, mais on ne sait pas comment ils seront financés. J’entends
mes collègues qui n’y croient pas. Comme le point d’indice n’a jamais été
dégelé, je comprends leur scepticisme. Nous n’avons pas de prime, ni rien pour
compenser la perte. Comment pouvez-vous nous assurer que les prochains
gouvernements appliqueront une loi de programmation déclarée inconstitutionnelle
dès le départ ? (Applaudissements parmi les députés non inscrits et sur
quelques bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. D’abord, le problème de constitutionnalité a été
posé.
De plus, la revalorisation salariale nécessaire au maintien des
pensions serait très importante ; Mme Dalloz évoquait la compensation,
qui à nos yeux aussi, est en réalité un piètre dédommagement. Une revalorisation
signifierait qu’on reconnaît le métier d’enseignant, qu’on prend acte que,
depuis trop d’année, ils sont sous-payés, moins payés que dans les autres pays
de l’OCDE – l’Organisation de coopération et de développement
économiques.
M. Bruno
Millienne. C’est pour ça qu’on commence à les augmenter !
M. Adrien
Quatennens. Or qu’avez-vous fait, depuis trois ans que vous êtes aux
affaires ? Vous avez attendu cette réforme des retraites et, parce qu’elle
aura pour principale conséquence de diminuer considérablement le niveau des
pensions des enseignants, vous avez pensé qu’il fallait compenser ! Ce
n’est pas ce que signifie « revaloriser ». D’autant qu’il a été
entendu, de la bouche du ministre Blanquer, que leurs missions pourraient être
revues ou qu’on pourrait leur assigner d’autres tâches. Ce n’est pas une
revalorisation, mais un piètre dédommagement, parce que la réforme de retraites
affaiblira considérablement le niveau de leur pension.
Si vous aviez
véritablement voulu revaloriser le salaire des enseignants, vous l’auriez déjà
fait, sans attendre ce projet de réforme. Vous ne leur proposez rien d’autre
qu’une maigre compensation, un petit dédommagement pour essayer d’amortir le
choc considérable que votre réforme causera sur le niveau de leurs
pensions.
Au demeurant, les alertes précédemment émises sont justifiées
puisque vous n’offrez aucune garantie que cette compensation pourra se faire. Le
Conseil d’État vous a prévenu : la promesse pourrait être jugée
inconstitutionnelle et retoquée. C’est donc clairement une nouvelle tartufferie,
comme à l’article 5, pour les agriculteurs : de grandes promesses que
vous n’êtes pas en capacité de traduire dans le texte.
Mme Agnès
Thill. Voilà !
M. Adrien
Quatennens. Ce projet de loi empile les éléments de langage, mais dès
qu’on examine précisément les applications opérationnelles, vous répondez :
« on verra plus tard », « peut-être », « on espère
que », mais vous ne prenez jamais d’engagement concret. Vos belles paroles
n’ont de valeur que pour ceux qui veulent bien les croire.
M. Rémy
Rebeyrotte. Vous auriez dû jouer dans
Hamlet !
M. le
président. La parole est à Mme Catherine Osson.
Mme
Catherine Osson. J’ai observé que le président a cherché mon nom
quelques instants ; sans doute est-ce que je ne m’exprime pas
assez…
Puisque nous parlons des instits, sachez que je suis enseignante
– je l’étais jusqu’à la veille de mon élection. Je suis née en 1974 et je
suis la rapporteure spéciale des crédits de la mission « Enseignement
scolaire » à la commission des finances. Ce soir, j’ai entendu beaucoup de
propos qui m’ont quelque peu fâchée.
D’abord, il est quand même gonflé de
dire que nous n’avons rien fait. L’enseignement scolaire, en constante
augmentation depuis le début du mandat, est redevenu le premier budget de la
nation. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) J’ai
enseigné vingt ans en REP, en réseau d’enseignement prioritaire ; alors les
gamins et les familles qui galèrent, je sais ce que c’est. Oui, le métier a
changé : on se prend en pleine face tous les maux, toutes les douleurs,
toutes les difficultés de la société. Bon sang de bonsoir, les CP à douze
élèves, j’en avais rêvé toute ma vie ! (Mêmes
mouvements.)
J’ai aussi connu les années 2007, 2008 et 2009 :
avec la diminution des effectifs de personnels, les RASED – réseaux d’aides
spécialisées aux élèves en difficulté – en moins et la disparition des
assistants d’éducation comme des personnels chargés de nous aider auprès les
enfants porteurs de handicap, il n’y avait plus personne dans nos classes, on
nous avait vidé nos effectifs ! Moi, des AESH – accompagnants des
élèves en situation de handicap – avec un vrai contrat, un vrai statut,
capables d’instaurer un dialogue social, j’en ai rêvé toute ma vie !
(Mêmes mouvements.)
Réglons une fois pour toutes cette histoire de
problème de constitutionnalité. Nous ne pouvons pas enjoindre au Gouvernement de
déposer un projet de loi, mais ça ne veut pas dire que la majorité ne fera pas
cette loi de programmation. Je m’engage devant tout le monde : étant membre
de la commission des finances et rapporteure des crédits de la mission
« Enseignement scolaire », je mettrai mon nez dedans. C’est notre
travail de parlementaires de vérifier et contrôler l’action du
Gouvernement ! Prenons en charge cette responsabilité et soyons fiers du
travail que nous accomplissons tous les jours ! (Mêmes
mouvements.)
Enfin, quand on est né en 1975 et qu’on a eu, comme moi,
son concours aux alentours de 1997, on ne part pas en retraite demain !
J’ai encore vingt ans de carrière devant moi – avec une parenthèse de cinq
ans, voire dix… (Rires. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM.)
Mme Nadia
Hai. Plutôt dix ans !
Mme
Catherine Osson. Nous avons investi 510 millions d’euros cette
année et nous y ajouterons encore 510 millions : les crédits sont
inscrits dans le temps. Ma génération ne part pas à la retraite demain :
nous avons le temps de programmer tout cela.
(« Bravo ! » et
applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
(Les amendements no 21612 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Sur l’amendement no 21629 et les seize
amendements identiques déposés par les membres du groupe La France insoumise, je
suis saisi par le même groupe d’une demande de scrutin public.
Le scrutin
est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Ces amendements
sont défendus.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Thibault
Bazin. Comme d’autres, je suis un primo-député, mais je ne prétends
qu’avant ce quinquennat, tout était noir ; et je n’ai pas davantage
l’impression qu’avec ce quinquennat, tout soit blanc…
Mme
Marie-Christine Dalloz. Bravo !
M. Thibault
Bazin. En septembre 2010, les traitements des jeunes enseignants
ont été revalorisés, pour un coût de plus de 500 millions d’euros. Il faut
être juste dans les explications : c’était lié à une réforme de leur
formation puisqu’ils étaient désormais recrutés au niveau master 2,
c’est-à-dire bac+5. Deux décrets statutaires – il est possible d’intervenir
à tout moment par ce biais – ont été publiés le 2 août 2010 et le
26 août 2010, accordant des bonifications d’ancienneté sur la grille
indiciaire, parce qu’ils commençaient à travailler un an plus tard.
M. Patrick
Mignola. Pas dans l’enseignement supérieur !
M. Bruno
Millienne. Ce n’était pas une revalorisation, c’était un dû !
M. Thibault
Bazin. D’autres mesures indemnitaires ont bénéficié notamment aux
fonctions d’intérêt collectif, mais aussi aux enseignants travaillant auprès
d’enfants handicapés. Comme quoi la prise en charge du handicap non plus n’a pas
commencé avec ce quinquennat.
Il est important de ne pas avoir une vision
idéaliste, et surtout de ne pas réécrire l’histoire. En caricaturant le passé,
vous n’engendrerez pas la confiance ; vous prenez même le risque de la
méfiance quand vous prétendez écrire l’avenir de la retraite de nos enseignants.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M.
Jean-Paul Dufrègne. En fait, vous êtes les rois de l’entourloupe.
(Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Plus personne ici ne
vous croit, et les Français vous croient de moins en moins.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Nous, si !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Petit à petit, tout ce que vous dites est entaché de
suspicion.
M. Rémy
Rebeyrotte. De votre part, certainement !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Tout à l’heure, au sujet des agriculteurs, vous vous
êtes enorgueillis d’offrir la retraite à 1 000 euros à tous ceux qui
partiront à partir de 2022. Or moins de la moitié seront concernés.
M. Patrick
Mignola. Mais non, on vous a expliqué !
M. Bruno
Millienne. Le problème, c’est que vous n’écoutez pas les
explications !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Les agents de catégorie C de la fonction
publique territoriale, dont les primes sont faibles, verront leur pension
diminuer, à cause de la prise en compte, pour le calcul de leur pension, de
l’ensemble de la carrière, au lieu des six derniers mois.
Avec vous, tout
le monde sera content – nous ne devons pas rencontrer les mêmes gens.
M. Lescure évoquait des fonctionnaires bien payés. Qu’est-ce qu’une bonne
paye ?
Quant aux enseignants, il ne s’agit pas d’une revalorisation,
vous l’avez reconnu, mais plutôt d’une avance sur leur future pension. Alors, un
peu de modestie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. –
Mme Caroline Fiat applaudit également.)
M. Roland
Lescure. Chez vous, c’est bien ça le problème !
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Je voudrais revenir sur le risque de conflit d’intérêts, quand un
fonctionnaire passe dans le secteur privé. Je ne pense pas que loi fait
l’honnêteté, pas plus que je ne crois que l’engagement dépend du statut. J’ai
effectué beaucoup d’allers-retours entre le secteur public et le secteur
privé : l’important est d’être utile.
J’ai écouté avec intérêt les
propos de M. Dharréville sur la dégradation du travail. Selon moi, le
travail ne se dégrade pas : il change. La relation n’est pas à faire entre
le travail qui se dégraderait et la retraite qui ferait de même ; il faut
faire la relation entre le travail qui change et les carrières, les
rémunérations, les retraites qui changent. (Applaudissements sur quelques
bancs du groupe LaREM.)
La fonction publique va changer
également : elle connaîtra d’autres métiers. Déjà, nous pourrions disposer
d’un bon service informatique à l’Assemblée nationale… (Sourires sur quelques
bancs sur quelques bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. Pierre
Dharréville. Pour notre part, nous saluons les fonctionnaires qui y
travaillent !
M. Frédéric
Petit. Ils le savent, que je suis en colère tous les
jours !
Le ministère de la transition écologique nous offre un autre
exemple plus éclairant. Il existe un ministère de la transition écologique. Or,
la transition, c’est ce que j’appelle le changement. Il existe donc un ministère
du changement. Et il existe par ailleurs, depuis une dizaine d’années, un
métier, exercé par des gens que le président Lescure et moi-même aimons
bien : manager du changement.
M. Thibault
Bazin. Monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, vous
avez trouvé votre secrétaire d’État au changement !
M. Frédéric
Petit. Mais il n’y a aucun manager de la transition au ministère de la
transition. Il y a de bons électriciens, des spécialistes de la géologie, mais
personne capable d’exercer le métier de la transformation d’un groupe social.
C’est un métier qui ne fait pas partie de la fonction publique, et nous en
crevons. (M. Jean-Paul Mattei applaudit.)
M. le
président. Monsieur Petit, si vous rencontrez des difficultés avec
l’informatique, n’hésitez pas à vous adresser aux questeurs ; il n’est pas
indispensable de mettre ici en cause les fonctionnaires de l’Assemblée, surtout
à l’occasion de ce débat… (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et
GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et LaREM.)
La parole
est à Mme Caroline Fiat.
Mme
Caroline Fiat. Je regrette de n’avoir toujours pas obtenu de
réponse…
M. Maxime
Minot. Vous n’en obtiendrez jamais !
Mme
Caroline Fiat. M. Minot a peut-être raison, mais ce n’est pas
grave ; mon caractère me poussera toujours à poser des questions. Comment
se fait-il qu’une aide-soignante qui travaille sept années supplémentaires
puisse perdre 218 euros en accédant à la retraite ? (Exclamations
sur les bancs du groupe LaREM.) Cela vous agace peut-être, mais je ne suis
pas la seule – à l’intérieur ou à l’extérieur de l’hémicycle – que ce
sujet intéresse. (Brouhaha.)
Une de vos collègues
s’exprime !
M. le
président. Tout le monde vous écoute, madame Fiat.
Mme
Caroline Fiat. Merci, monsieur le président.
Notre collègue Petit
nous explique que les métiers ont changé. Peut-être, mais je puis témoigner que
ce n’est pas nécessairement en mieux. On aimerait penser que, dans le milieu
hospitalier, si les soins sont à peu près toujours les mêmes, le matériel s’est
amélioré. Seulement, aujourd’hui, Agathe, infirmière, s’est fait tabasser par un
patient mécontent de sa prise en charge. À présent, cela fait partie de notre
quotidien, et c’est un élément à considérer.
Je veux signaler une autre
souffrance. Désormais, dès que quelqu’un dit qu’il travaille dans la fonction
publique, il est pris pour un fainéant, un moins-que-rien, en raison de la
connotation négative qui s’attache à ce secteur.
M. Roland
Lescure. Nous n’avions rien dit de tel !
Mme
Caroline Fiat. Arrêtez de tout prendre pour vous ! Je vous parle de
ce qui se passe dans la vie en général ! Ces problèmes, c’est dans notre
hémicycle qu’il faut les régler. Affirmer, comme vous le faites, qu’il faut
supprimer un avantage à la fonction publique pour la mettre à égalité avec le
secteur privé, c’est une manière de laisser se propager ces jugements.
En
tout cas, je ne veux pas entendre dire que les métiers se sont arrangés ou
améliorés. Tout au contraire, la pénibilité a augmenté. Tout à l’heure,
M. Houlié a expliqué qu’il compte sur des algorithmes pour réduire le
nombre d’avocats ou d’infirmiers. On voit le résultat ! Face à de vraies
difficultés, il y avait une cohérence à laisser partir les gens à la retraite à
un âge décent et avec une pension décente, après qu’ils ont donné leur vie pour
sauver celle des autres – pour vous soigner, pour nous soigner.
M. le
président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine
Dubié. L’article 6 pose en effet un vrai problème, puisqu’il
prévoit le passage de tous les fonctionnaires des trois fonctions publiques à un
régime de retraite universel. Les primes représentent en moyenne 22 % de
leur salaire, et personne, dans cet hémicycle, ne peut imaginer qu’elles seront
intégrées en totalité dans le calcul de leur retraite. Je rappelle que le
montant de celle-ci représente 75 % de l’indice des six derniers mois
d’activité et que le système que vous proposez fera nécessairement baisser ce
taux de remplacement.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. C’est vous qui le dites !
Mme Jeanine
Dubié. Il ne peut en être autrement, dans la mesure où le calcul des
points interviendra dès le début de la carrière, alors que le salaire du
fonctionnaire est encore bas, et la prise en compte des échelons qu’il gravira
ensuite ne permettra pas de maintenir le niveau de retraite actuel.
L’an
dernier, le chef de l’État a déclaré qu’il n’y aura pas de réforme de retraite
tant qu’on n’aura pas bâti une vraie transformation du système de rémunération
de certaines professions, et il citait les infirmières, les aides-soignantes et
les enseignants. Cette transformation n’a pas lieu aujourd’hui. C’est pourquoi
les dispositions contenues dans cet article nous inspirent si peu confiance.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)
M. Jean
Lassalle. Excellent !
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur général.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Je m’efforcerai de
vous répondre, madame Fiat, car vos propos témoignent d’un vécu, d’une sincérité
et d’une conviction liés à une profession dont nous connaissons tous – vous
plus particulièrement peut-être – les difficultés, auxquelles nous devons
apporter des réponses. Sur le site retraites.gouv.fr, que j’ai consulté, je n’ai
pas trouvé les cas types que vous avez cités…
Mme
Caroline Fiat. Ah ? Ils ont dû disparaître…
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. …et les chiffres que
j’ai notés reflètent un niveau de pension supérieur à celui que vous annoncez.
Je ne pense pas que ces cas aient disparu. Quoi qu’il en soit, nous pourrons en
discuter pour voir comment vous avez obtenu les résultats que vous
avancez.
Pour les cas types figurant sur le site du Gouvernement, la
réforme entraîne une hausse mécanique du niveau de pension, du fait de la prise
en compte des primes et de l’indexation des points sur les revenus d’activité.
Par ailleurs, comme les salariés, à terme, partiront à la retraite après
57 ans, cela nous impose d’entreprendre une concertation en vue d’une
réelle prise en compte de la pénibilité, au sens le plus large possible, et de
prévoir un meilleur accompagnement des fins de carrière. Il faut en effet ouvrir
aux professions concernées la possibilité de départs en retraite progressifs ou
de congés pour reconversion.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je souhaite prendre la parole
quelques secondes afin d’effectuer une remise officielle à M. Vallaud. Tout
à l’heure, il s’est un peu perdu dans les références, mais je les ai retrouvées
sans problème.
M. Pierre
Dharréville. Mise en cause personnelle, monsieur le président !
(Sourires.)
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Le rapport du COR, le Conseil
d’orientation des retraites, du 17 mai 2017 – je n’en étais pas encore
membre – signale que la part des primes dans la rémunération moyenne des
fonctionnaires civils d’État a augmenté de 0,23 point par an pendant les
vingt-cinq dernières années, compte tenu du calcul que j’ai cité. Je ferai
parvenir à M. Vallaud un document dans lequel il retrouvera toutes les
informations sur lesquelles nous nous sommes fondés pour réaliser l’étude
d’impact.
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Rémy Rebeyrotte, pour un rappel au
règlement.
M. Rémy
Rebeyrotte. Monsieur le président, j’aimerais savoir où nous en sommes
de nos travaux. (Exclamations.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Obstruction !
M. Rémy
Rebeyrotte. Nous en sommes à l’examen de l’article 6 d’un projet de
loi qui en comporte 65. Combien d’amendements devons-nous encore examiner sur
cet article, sachant qu’il nous en reste au total plus de 30700 sur l’ensemble
du texte ? Combien de sous-amendements ont-ils été portés à votre
connaissance ? Enfin, la demande de constitution d’une commission spéciale,
que nous allons examiner dans un instant, va-t-elle encore retarder nos
travaux ? (Exclamations sur les bancs des groupes SOC et GDR.) Je
souhaite savoir comment notre discussion va s’organiser. (Applaudissements
sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Nouvelles exclamations sur les bancs
des groupes SOC et GDR.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Obstruction !
M. Alain
Bruneel. M. Vallaud a été mis en cause !
M. le
président. Il ne s’agissait pas d’une attaque personnelle mais d’une
réponse.
La parole est à M. Pierre Dharréville, pour un autre rappel
au règlement.
M. Pierre
Dharréville. D’abord, je fais observer à M. Rebeyrotte que la
demande de constitution d’une commission spéciale ne retardera pas nos travaux.
Cette commission les alimentera utilement, au contraire, puisqu’elle portera sur
le thème de notre débat.
M. Rémy
Rebeyrotte. C’est une nouvelle forme d’obstruction !
M. Pierre
Dharréville. Du reste, sa création est conforme à un droit inscrit dans
notre règlement. Le Premier ministre a dit : « J’utilise la
Constitution, rien que la Constitution, mais toute la Constitution ! »
Moi, j’applique le règlement, rien que le règlement, mais tout le
règlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur
quelques bancs du groupe SOC.)
Par ailleurs, a-t-il été porté à la
connaissance du président de l’Assemblée nationale que le bureau du Sénat a
demandé – à l’unanimité, si je ne me trompe – le report de l’examen du
projet de loi après la fin des travaux de la conférence de financement ?
L’Assemblée nationale ne pourrait-elle pas formuler la même demande ?
(M. Stéphane Peu applaudit.)
M. Rémy
Rebeyrotte. Encore de l’obstruction ! Quel aveu !
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens, encore pour un
rappel au règlement.
M. Adrien
Quatennens. Mon rappel au règlement, fondé sur l’article 100, porte
sur le déroulement de nos débats. J’étais en train de préparer mes prochaines
interventions quand j’ai entendu, à l’occasion du premier rappel au règlement,
s’exprimer à nouveau de l’indignation contre une prétendue obstruction. J’ai
alors regardé l’heure pour constater que nous avions passé le cap des
vingt-trois heures : l’heure fatidique à partir de laquelle certains se
réveillent et jouent les indignés afin que la séance s’achève en beauté.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
Voilà trois jours
que ce manège dure. Vous devriez changer votre horaire ! À vingt-trois
heures, on le sait, la machine se met en route et, comme il faut continuer à
accréditer la thèse d’un 49.3, on lance des injonctions : « Monsieur
le président, au secours, dites-nous où nous en sommes ! »
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Ça suffit ! Il me
semble, coach Le Gendre (Sourires), qu’après le marquage en défense,
les attaques du numéro dix, M. Cazeneuve, et, à vingt-trois heures pile, le
démarrage des rappels au règlement sur le thème de la dénonciation de
l’obstruction parlementaire, je vous suggère de réactualiser un peu votre
stratégie. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
M. Rémy
Rebeyrotte. Et vous, ne changez rien à la vôtre !
Article 6 (suite)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Monsieur le secrétaire d’État, je conviens que vous n’étiez pas
membre du COR quand celui-ci a publié le rapport que j’ai cité. En revanche,
vous y siégiez en juin 2019, quand il a publié un rapport sur la part
moyenne des primes, non des enseignants, mais des fonctionnaires civils de
l’État. Il est dommage que vous n’ayez pas lu ce document car vous siégiez au
COR à cette époque…
M. Roland
Lescure. Toujours aussi arrogant…
M. Boris
Vallaud. Il vous aurait appris que la hausse de la part des primes dans
la rémunération moyenne des fonctionnaires est plus limitée pour les
enseignants, dont la part des primes est faible, que pour les fonctionnaires
civils de l’État ! Et, à la page 35, un tableau montre que, pour les
enseignants de 55 à 59 ans, la part des primes est passée de 12,3 % en
2009 à 12,6 % en 2016, soit une quasi-stabilité sur sept ans ! Et
voilà !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je n’ai pas parlé des
enseignants !
M. Boris
Vallaud. Moi, je vous en ai parlé, mais aucune de vos projections ne les
concerne ! Dommage ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des
groupes SOC, FI et GDR.)
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Stéphane Viry, pour un rappel au
règlement.
M. Stéphane
Viry. J’interviens à mon tour sur le fondement l’article 100,
relatif à la bonne tenue des débats. De mémoire – je parle sous votre
contrôle, chers collègues –, c’est la cinquième fois, depuis ce matin, que
nous entendons le même type de rappel au règlement visant à dénoncer une
prétendue obstruction.
M. Rémy
Rebeyrotte. Il s’agit de faire le point.
M. Stéphane
Viry. C’est votre droit, monsieur Rebeyrotte, mais j’observe que, chaque
fois, votre interpellation suscite un quart d’heure de débats. (Exclamations
sur divers bancs.)
M. Rémy
Rebeyrotte. Il reste encore 30 000 amendements à examiner ! Il
faudrait retirer les doublons et les « triplons » !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Vous faites de l’obstruction, monsieur
Rebeyrotte !
M. Stéphane
Viry. Notre collègue Quatennens vient de rappeler la règle du jeu et de
suggérer que le président Le Gendre devrait tenir ses troupes.
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. Écoutons M. Viry, qui seul a la parole !
M. Stéphane
Viry. Pour notre part, nous voulons sortir de ce match : celui de
la majorité contre une autre partie de l’hémicycle. Nous sommes pour le
fair-play et, monsieur Rebeyrotte, je vous trouve particulièrement intolérant
envers tout ce qui ne vous ressemble pas ! (Applaudissements sur les
bancs du groupe LR ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et GDR.)
C’est profondément insupportable. Le débat parlementaire implique l’écoute
de l’autre, même si l’on n’est pas d’accord avec lui.
Les tablettes mises
à notre disposition nous permettent de savoir, à l’amendement près, où nous en
sommes dans notre débat. Dès lors, votre rappel au règlement est purement
dilatoire et abusif, ce que je déplore ! (Applaudissements sur les bancs
des groupes LR et GDR ainsi que sur quelques bancs des groupes SOC et
FI.)
M. Rémy
Rebeyrotte. Mon rappel au règlement contenait des questions
précises !
M. le
président. La parole est à M. Patrick Mignola, pour un autre rappel
au règlement.
M. Patrick
Mignola. Puisque nous en sommes à la « Minute nécessaire de
monsieur Cyclopède » (Sourires) qui incombe à chaque groupe
parlementaire, je consens à prononcer la mienne, pour répondre à notre collègue
qui vient de s’exprimer. La demande de M. Rebeyrotte portait également sur
les sous-amendements,…
M. Rémy
Rebeyrotte. Oui !
M. Patrick
Mignola. …ce qui ne me semble pas relever d’une simple coquetterie de
langage.
Parce que je souhaite moi-même que l’on évite ce type de rappels
au règlement récurrents, j’ai sollicité, il y a exactement vingt-quatre heures,
la présidence de l’Assemblée nationale, afin de connaître la répartition du
temps de parole entre les groupes parlementaires dans l’hémicycle. Il serait bon
qu’il soit fait droit à cette demande, que je permets de réitérer.
(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. le
président. Ces éléments pourront vous être communiqués sans
difficulté ; le tout est de les rassembler.
Article 6 (suite)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements no 21629 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 113
Nombre
de suffrages
exprimés 97
Majorité
absolue 49
Pour
l’adoption 17
Contre 80
(Les amendements
nos 21629 et identiques ne
sont pas adoptés.)
2
Demande de constitution d’une commission spéciale
M. le
président. L’ordre du jour appelle la décision de l’Assemblée sur la
demande de constitution d’une commission spéciale.
Je rappelle que le
président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine a demandé que la
proposition de loi de M. Pierre Dharréville et plusieurs de ses collègues
pour une retraite universellement juste, renvoyée à la commission des affaires
sociales, fasse l’objet d’une commission spéciale. Une opposition a été formulée
par le président du groupe La République en marche. L’Assemblée est appelée à se
prononcer dans les conditions prévues à l’article 31, alinéa 4, du
règlement.
La parole est à M. Gilles Le Gendre, président du
groupe La République en marche, auteur de l’opposition.
M. Gilles
Le Gendre. Nos collègues du groupe GDR demandent en effet la création
d’une commission spéciale pour examiner la proposition de loi qu’ils ont
déposée, intitulée : « pour une retraite universellement
juste ».
Je rappelle que M. Chassaigne fut le premier à
s’opposer à la création de la commission spéciale, constituée depuis lors,
chargée d’examiner nos deux textes de réforme des retraites. Voilà une bonne
nouvelle : souvent communiste varie ! (Sourires. – Applaudissements
sur les bancs du groupe LaREM.)
Nous avions bien compris que, depuis
onze jours, les oppositions se réunissaient pour dessiner non pas toutes les
« nuances de Grey », mais toutes les nuances de l’obstruction.
(Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Nous
avons d’abord eu droit à l’obstruction belliqueuse, celle des invectives et des
incidents de séance ; ensuite à l’obstruction sémantique et typographique,
celle des points-virgules et des changements de qualificatifs. Puis vint à
l’obstruction honteuse :…
M. Maxime Minot.
L’obstruction honteuse par la majorité !
M. Gilles
Le Gendre. …« Ne dites pas à ma mère que je suis député, elle est
convaincue que je m’occupe de la retraite des Français. » Cette semaine,
nous avons droit à une séquence d’obstruction masquée, ouverte par nos collègues
du groupe LR, qui auraient bien voulu se présenter comme les chevaliers blancs
de la démocratie…
Mme Nadia
Hai. C’est vrai !
M. Gilles
Le Gendre. …en nous proposant tout simplement, à l’occasion d’une
proposition de résolution, de retirer notre projet de loi.
M. Patrick
Hetzel. Nous l’assumons pleinement !
M. Éric
Coquerel. Quel comédien vous faites, monsieur Le Gendre ! Vous
avez raté votre vocation !
M. Gilles
Le Gendre. Et voici que l’obstruction masquée se poursuit, avec le
groupe GDR, qui nous invite tout simplement à remplacer notre projet par le
leur.
Ce son stéréo venant des deux côtés de l’hémicycle en dit long sur
les complicités souterraines qui agitent nos oppositions de longue date.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations
sur les bancs des groupes LR et GDR.)
M. Patrick
Hetzel. Pitoyable !
M. Gilles
Le Gendre. Ces différentes obstructions partagent un seul
objectif : vous ne voulez pas de cette loi, c’est votre droit ! vous
ne voulez pas respecter la tradition démocratique de cette assemblée, c’est
votre droit !… (Protestations sur les bancs des groupes LR, FI et
GDR.)
M. Patrick
Hetzel. Pompier pyromane !
M. le
président. Chers collègues, écoutons le président Le Gendre.
M. Gilles
Le Gendre. …vous ne voulez pas offrir aux Français un débat à la hauteur
des enjeux, c’est votre droit ! Mais vous devrez répondre de l’exercice de
ce droit devant nos concitoyens.
M. Maxime
Minot. Et vous aussi ! On va bien rire dans quelques
semaines !
M. Éric
Coquerel. Oui ! On verra quel sera le résultat des
municipales !
M. Gilles
Le Gendre. Quant à nous, au contraire, nous exerçons notre droit de
sauver le régime de retraite des Français (Applaudissements sur quelques
bancs du groupe LaREM), notre droit de prendre un risque politique, parce
que nous sommes convaincus que cette réforme représente un progrès considérable
pour notre protection sociale (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe
LaREM),…
M. Patrick
Hetzel. Il n’en croit pas un mot !
M. Éric
Coquerel. Ils s’arrogent surtout le droit de casser la protection
sociale !
M. Gilles
Le Gendre. …notre droit de nous opposer, par tous les moyens en notre
possession, à vos manœuvres d’obstruction, à vos manœuvres dilatoires.
M. Patrick
Hetzel. Quelle duplicité !
M. Gilles
Le Gendre. C’est la raison pour laquelle nous refusons la création de
cette commission spéciale. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes
LaREM et MODEM.)
M. le
président. Je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et
républicaine d’une demande de scrutin public sur le vote relatif à la
constitution d’une commission spéciale.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Pierre
Dharréville, suppléant M. Chassaigne, président du groupe de la Gauche
démocrate et républicaine, auteur de la demande de constitution d’une commission
spéciale.
M. Pierre
Dharréville. Surprise ! Voici enfin l’embellie, la possibilité
d’une sortie par le haut. Vous étiez prisonniers d’un gigantesque fiasco ;
le projet de réforme des retraites proposé par le Gouvernement ressemblait à un
frisbee ricochant péniblement sur le sable, se heurtant à chaque étape. Pendant
de longues semaines, on nous a expliqué que le seul choix possible était entre
le statu quo et la mauvaise réforme, qui ne convainc pas et ne marche
pas.
Pourtant des propositions existent, les organisations syndicales en
ont formulé. Une proposition de loi alternative, pour une retraite qui va bien,
universellement juste, est sur le bureau de notre assemblée. Elle tombe à pic,
monsieur le président Le Gendre.
Le Parlement doit reprendre la main
et ne pas se laisser imposer une volonté gouvernementale déraisonnable et ne
disposant pas de la majorité populaire. Il nous a donc semblé que le moment
était venu de mettre en lumière notre proposition progressiste.
Monsieur
le président Le Gendre, vous aimez que vos plans se déroulent sans accroc,
vous venez de le dire. Ne soyez pas vexé et prenez un peu de hauteur pour
examiner la proposition de loi qui a nourri notre travail d’amendement. Elle est
cohérente et ambitieuse. Plutôt que d’improviser la remise à plat de notre
système de retraite, plutôt que de le réviser selon une philosophie libérale,
nous proposons de nous appuyer sur ce qui fonctionne, en améliorant le système
par répartition pour garantir à chacune et à chacun une bonne retraite en bonne
santé.
Vous avez fait le choix, pour examiner le projet du Gouvernement,
de constituer une commission spéciale. Nous vous proposons, par souci de
cohérence, d’en faire de même pour ce texte. Il appelle sans doute quelques
aménagements, qu’il faudra imaginer au cours d’un processus législatif
décompressé et serein, en lien resserré avec les forces sociales.
Notre
proposition de loi, qui compte vingt-neuf articles, est financée par la création
de ressources nouvelles et réaffirme notre attachement à l’ensemble historique
de droits sociaux dont la retraite est la pierre de faîte. Nous estimons que le
droit à la retraite est un droit partagé, créé par le travail, grâce à la
contribution de chacun, versée sous forme de cotisations ; c’est le droit à
être libéré du travail prescrit au bout d’une carrière. L’émancipation par le
travail passe aussi par la retraite. En cela, elle constitue un marqueur de
civilisation, un élément fondamental du pacte républicain, un bien social commun
qui doit être protégé des appétits de la finance et des aléas
économiques.
Notre proposition de loi harmonise par le haut les droits à
la retraite, afin d’engager la sécurité sociale dans une nouvelle étape :
l’unification des régimes, dans le respect des spécificités des métiers et des
sujétions de service public. Loin de passer par la négation des conquêtes
sociale, une telle unification doit s’appuyer sur ces dernières.
Notre
proposition de loi garantit des droits, en premier lieu un taux de remplacement
élevé et prévisible pour tous, dès le début de la carrière.
Elle corrige
en outre les inégalités du monde du travail en prenant mieux en compte les
écarts de salaires entre les femmes et les hommes, les carrières courtes et les
périodes d’interruptions d’activité, grâce à la redéfinition de la notion de
carrière complète.
Elle reconnaît la pénibilité, afin de résorber les
inégalités d’espérance de vie et de garantir au plus grand nombre un départ à la
retraite en bonne santé.
Elle assure un haut niveau de solidarité, en
relevant le minimum de retraite, en prenant en compte les périodes de chômage et
de formation, et en valorisant les périodes d’implication familiale.
Elle
garantit des ressources suffisantes au profit du système de retraites, en
réaffirmant la place essentielle de la cotisation sociale et en élargissant
l’assiette de financement des retraites.
Enfin, elle renforce les
pouvoirs des salariés en accordant un rôle central aux organisations syndicales
en matière de gestion et de pilotage, dans un acte de réappropriation
sociale.
Les mesures réparties entre ces différents axes permettent de
créer des droits nouveaux. Je n’aurai pas le temps de décrire l’ensemble de nos
propositions mais je puis évoquer les principales : âge légal de départ à
la retraite à 60 ans ; minimum de pension équivalent à 100 % SMIC
pour les retraités futurs et actuels ;…
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Ben voyons !
M. Pierre
Dharréville. …droit à un départ anticipé à 55 ans pour tous les
métiers pénibles, complété par un dispositif de surpénibilité ; calcul de
la retraite sur les dix meilleures années ; indexation des pensions sur
l’évolution des salaires ; suppression de la décote pour les carrières
incomplètes ; instauration d’une bonification forfaitaire pour les parents
dès le premier enfant ; revalorisation des pensions agricoles ; droit
à la pension de réversion ouvert aux couples pacsés et au profit des partenaires
successifs plutôt qu’au détriment des uns par rapport aux autres.
Ces
mesures sont financées par la remise à plat des dispositifs d’exonération de
cotisations sociales, la suppression de l’allégement lié au CICE – le
crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – ou encore la mise à
contribution des revenus financiers.
Nos propositions méritent bien une
courte demi-heure de débat, au cœur de la présente discussion – j’espère
même que celle-ci pourra se prolonger, si vous votiez en faveur de la création
de la commission spéciale.
Ces propositions sérieuses, argumentées,
étayées nous semblent à même de rassembler notre pays. (Applaudissements sur
les bancs des groupes GDR, SOC et FI.)
M. Paul
Christophe. Étayées sur du vent !
Vote sur la constitution d’une commission spéciale
M. le
président. Mes chers collègues, dans la mesure où il s’agit d’un débat
limité par le règlement, il ne peut y avoir d’explication de vote, conformément
à l’article 54, alinéa 3, du règlement.
Nous votons sur
l’opposition à la demande d’une commission spéciale. Autrement dit, tout vote
contre l’opposition formulée par M. Le Gendre sera un vote en faveur
de la constitution de la commission spéciale.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 111
Nombre
de suffrages
exprimés 110
Majorité
absolue 56
Pour
l’adoption 79
Contre 31
(La demande de constitution d’une commission spéciale est
rejetée.)
M. le
président. En conséquence, la proposition de loi défendue par
M. Pierre Dharréville demeure renvoyée à la commission des affaires
sociales.
3
Ordre du jour de la prochaine séance
M. le
président. Prochaine séance, demain, à neuf heures :
Suite
de la discussion du projet de loi instituant un système universel de
retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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