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Assemblée nationale XVe législature Session
ordinaire de 2019-2020
Compte rendu intégral
Première séance du vendredi 28 février 2020
SOMMAIRE
Présidence
de M. Hugues Renson
1.
Système universel de retraite
Discussion
des articles (Suite)
Fait
personnel
M. Jacques
Maire
Article 6
(suite)
Amendements nos 229
, 522
, 1491
, 37570
, 24652
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites
Rappels
au règlement
M. Thibault
Bazin
Mme Catherine
Fabre
Suspension
et reprise de la séance
Article 6
(suite)
Suspension
et reprise de la séance
Rappel
au règlement
M. Adrien
Quatennens
M. le
président
Article 6
(suite)
Amendements nos 21645,
21646, 21647, 21648, 21649, 21650, 21651, 21652, 21653, 21654, 21655, 21656,
21657, 21658, 21659, 21660, 21661 , 21662,
21663, 21664, 21665, 21666, 21667, 21668, 21669, 21670, 21671, 21672, 21673,
21674, 21675, 21676, 21677, 21678 , 21679,
21680, 21681, 21682, 21683, 21684, 21685, 21686, 21687, 21688, 21689, 21690,
21691, 21692, 21693, 21694, 21695 , 2553
, 25265
, 21696,
21697, 21699, 21700, 21701, 21702, 21703, 21704, 21705, 21706, 21707, 21708,
21709, 21710, 21711, 21712, 21713 , 25162
Suspension
et reprise de la séance
Amendements nos 21715,
21716, 21717, 21718, 21719, 21720, 21721, 21722, 21723, 21724, 21725, 21726,
21727, 21728, 21729, 21730, 21731 , 25163
, 21732,
21733, 21734, 21735, 21736, 21737, 21738, 21739, 21740, 21741, 21742, 21743,
21744, 21745, 21746, 21747, 21748 , 25164
, 37726
M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale
Amendement no 42047
(sous-amendement)
Rappel
au règlement
M. Pierre
Dharréville
M. le
président
Article 6
(suite)
Amendements nos 21749,
21750, 21751, 21752, 21753, 21754, 21755, 21756, 21757, 21758, 21759, 21760,
21761, 21762, 21763, 21764, 21765 , 25165
, 2554
, 21766,
21767, 21768, 21769, 21770, 21771, 21772, 21773, 21774, 21775, 21776, 21777,
21778, 21779, 21780, 21781, 21782 , 230
, 524
, 1497
, 42587
(sous-amendement) , 25167
, 21783,
21784, 21785, 21786, 21787, 21788, 21789, 21790, 21791, 21792, 21793, 21794,
21795, 21796, 21797, 21798, 21799 , 21800,
21801, 21802, 21803, 21804, 21805, 21806, 21807, 21808, 21809, 21810, 21811,
21812, 21813, 21814, 21815, 21816 , 39995
, 40843
, 42049,
42048 (sous-amendements) , 20451,
21817, 21818, 21819, 21820, 21821, 21822, 21823, 21824, 21825, 21826, 21827,
21828, 21829, 21830, 21831, 21832
2.
Ordre du jour de la prochaine séance
Présidence de
M. Hugues Renson
vice-président
M. le
président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures.)
1
Système universel de retraite
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le
président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet
de loi instituant un système universel de retraite (nos 2623
rectifié, 2683).
Discussion des articles (Suite)
M. le
président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles
du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 229 à
l’article 6.
Fait personnel
M. le
président. La parole est à M. Jacques Maire, pour un fait
personnel.
M. Jacques
Maire. Chacun ici peut en témoigner, Mme Panot n’a eu de cesse
d’appeler à ma démission de mes fonctions de rapporteur de ce projet de loi en
raison d’un supposé conflit d’intérêts. Je condamne fermement ces attaques
personnelles, relayées, à vrai dire, par un tout petit nombre de ses collègues
du groupe La France insoumise. Ces attaques, qui se veulent blessantes, n’ont
d’autre objectif que de ralentir le processus d’examen du texte.
J’ai
saisi, comme je l’ai indiqué devant vous, la déontologue de notre assemblée.
Celle-ci m’a transmis sa réponse hier soir. Je la rends publique et je partage
ses remarques avec vous dans l’hémicycle.
En premier lieu, la déontologue
a relevé le caractère public de ma participation financière dans le capital du
groupe AXA, puisqu’elle figure dans ma déclaration d’intérêts et d’activités.
C’est aussi le cas des emplois que j’ai exercés dans ce groupe jusqu’en 2012,
dont mon portefeuille d’actions constitue la contrepartie. Cette participation
représentait 13 836 actions pour un montant de 359 000 euros
dans ma déclaration.
J’ai indiqué à la déontologue que ma participation a
été portée à 17 700 actions, pour une valeur de
400 000 euros, par levée de mes dernières options d’achat en décembre
2018. Précisons que ces options étaient bien déclarées depuis l’origine dans ma
déclaration de patrimoine. La déontologue m’a indiqué qu’il aurait été
souhaitable que la déclaration fasse état de cette levée. C’est ce que j’ai fait
aujourd’hui même.
Elle estime que, au regard du règlement intérieur, il
aurait également été souhaitable que je signale mes intérêts au sein du groupe
AXA non seulement lors des débats en commission, mais aussi avant même
d’accepter mes fonctions de rapporteur. Ce n’est ni l’usage ni une obligation,
mais je reprends totalement à mon compte cette recommandation qui devra donner
lieu à des réflexions au sein de l’Assemblée. Il ne m’était pas venu à l’esprit
de le faire avant d’accepter les fonctions de rapporteur.
J’en viens
maintenant à l’essentiel. Première question : y a-t-il conflit d’intérêts
avec ma fonction de rapporteur ? La déontologue répond clairement que ce
n’est pas le cas. Elle indique que le projet de loi ordinaire ne porte ni sur un
système de retraite par capitalisation, ni sur des dispositifs d’épargne
retraite. Elle rappelle que je suis rapporteur du titre II, dont les
dispositions ont notamment trait à l’âge minimal de départ à la retraite, au
cumul emploi-retraite, à la retraite progressive et à la retraite anticipée pour
carrière longue. Elle indique que ce titre est sans rapport avec l’épargne
retraite.
Elle en conclut : « Vos intérêts financiers au sein
du groupe AXA ne vous interdisent pas d’exercer les fonctions de rapporteur du
titre II, dès lors qu’aucune des dispositions de ce titre ne concerne
directement l’épargne retraite et que, par conséquent, vos intérêts privés ne
sont pas susceptibles d’interférer avec vos fonctions de rapporteur. Il ne me
paraît donc pas nécessaire que vous renonciez, pour l’avenir, à l’exercice de
ces fonctions. » (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M.
Christophe Blanchet. Très bien !
M. Jacques
Maire. Je vous remercie. Deuxième question : suis-je en situation
de conflit d’intérêts du fait d’autres dispositions ? Sa réponse est
également extrêmement claire. Elle mentionne trois articles particuliers.
L’article 13, qui fixe le plafond des cotisations à un niveau correspondant
à trois plafonds annuels de la sécurité sociale – PASS –, ainsi que
l’article 15, qui vise à « un régime social et fiscal incitatif pour
les rémunérations situées entre trois et huit PASS », sont susceptibles
d’avoir un effet potentiel – mais, dit-elle, non automatique – sur le
recours à des dispositifs d’épargne retraite.
De son analyse des débats
sur les articles en commission, elle fait le constat suivant : « Je ne
peux que constater, au regard des procès-verbaux des discussions en commission,
que vous ne vous êtes pas placé en situation de conflit
d’intérêts. »
Au-delà, elle cite l’article 65, qui ratifie
l’ordonnance sur la loi relative à la croissance et la transformation des
entreprises, dite loi PACTE, et indique : « L’article 65 du
projet de loi ordinaire n’a fait l’objet ni d’une discussion, ni d’un vote en
commission. À cet égard également, aucun conflit d’intérêts ne peut donc vous
être reproché. »
M. le
président. Monsieur Maire, vous avez été mis en cause et il est
bien normal que vous puissiez répondre au motif du fait personnel. Je vous
invite cependant à faire relativement court : cela fait déjà cinq minutes
que vous nous apportez des réponses.
Mme Anne
Genetet, Mme Cendra Motin et M. Jean-René Cazeneuve. C’est
important !
M. Jacques
Maire. Je regrette, monsieur le président, mais cela a fait l’objet de
remarques innombrables, y compris en séance publique.
M. le
président. Sans aucun doute, monsieur Maire. Je comprends bien et
vous avez tout à fait le droit d’y répondre. Le temps de parole est néanmoins
encadré dans l’hémicycle.
M. Jacques
Maire. La déontologue rappelle enfin que le choix de ne pas participer
aux travaux de l’Assemblée nationale est laissé à la libre appréciation du
député. J’ai donc décidé de m’abstenir sur les articles 13, 15 et 65 s’ils
venaient à être discutés. Je l’ai indiqué ce matin même dans le registre des
déports.
En conclusion, chers collègues, qui peut croire que je souhaite
développer, comme rapporteur du titre II, l’épargne retraite en
France ? Si je suis rapporteur, c’est parce que je crois en la retraite
universelle, c’est parce que je crois au dialogue social, c’est parce que je
suis convaincu qu’il faut donner la plus grande place aux partenaires sociaux
dans ce système que nous proposons aux Français.
Par cette manœuvre,
Mme Panot a délibérément libéré sur les réseaux sociaux des torrents de
haine contre moi-même, bien sûr, et contre ma famille, mais également contre la
mémoire de mon père et, de fait, contre le syndicalisme responsable de la CFDT.
C’était évidemment l’un des buts de cette opération. J’exprime mes regrets à
cette organisation, attaquée à plusieurs occasions au cours des derniers mois
pour son ouverture au dialogue.
Enfin, je remercie le groupe de la
confiance qu’il m’a faite en me désignant comme rapporteur, et qui n’a jamais
manqué. Je remercie également les collègues des différents groupes pour leurs
très nombreux messages face à ces attaques qui abîment notre institution.
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, dont certains
députés se
lèvent. – MM. M’jid El
Guerrab et Pierre Vatin applaudissent aussi.)
M. le
président. Merci, monsieur le rapporteur Maire, d’avoir apporté les
précisions nécessaires.
Article 6 (suite)
M. le
président. Nous en revenons à la discussion du projet de loi.
Je
suis saisi de cinq amendements, nos 229, 522, 1491, 37570 et
24652, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements
nos 229, 522, 1491 et 37570 sont identiques.
Sur les
amendements identiques nos 229, 522, 1491 et 37570, je suis
saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole
est à M. Pierre Vatin, pour soutenir l’amendement
no 229.
M. Pierre
Vatin. Il s’agit d’apporter une précision concernant les militaires.
Dans la mesure où ils auront un régime de retraite spécifique, il nous a semblé
très utile de rappeler, à cet endroit, la spécificité du statut des militaires
et le fait qu’ils touchent une pension, et non pas une
retraite.
M. le
président. La parole est à M. Maxime Minot, pour soutenir
l’amendement no 522.
M. Maxime
Minot. Après le mot « magistrats », nous proposons d’insérer
les mots « relevant d’un système universel de retraite et des pensions des
militaires. » La pension militaire n’est pas assimilable à une retraite, ce
que dénie l’alinéa 4 de cet article 6. En effet, comme le rappelle le
Conseil supérieur de la fonction militaire : « La pension contribue au
dispositif de gestion des ressources humaines, manifeste une reconnaissance de
la Nation pour l’engagement du militaire, pouvant aller jusqu’à son sacrifice
suprême, et représente une rémunération différée en compensation de sujétions
exorbitantes du droit commun. »
Pour que ce texte soit davantage en
adéquation avec l’attente des militaires et reconnaisse mieux leur statut
particulier, il vous est donc proposé de remplacer le terme
« retraite » par celui de « pension ».
Je profite de
l’occasion pour avoir une pensée pour tous les personnels militaires de la base
aérienne de Creil qui sont affectés par le coronavirus. (Applaudissements sur
les bancs des groupes LR et SOC. – Mme Agnès Thill applaudit
également.)
M. le
président. J’associe toute la représentation nationale aux pensées et à
la solidarité que vous venez d’exprimer.
La parole est à M. Thibault
Bazin, pour soutenir l’amendement no 1491.
M. Thibault
Bazin. Le Président de la République l’a lui-même rappelé lorsqu’il est
allé à la rencontre de nos militaires en Côte d’Ivoire en décembre dernier, la
pension militaire n’est pas assimilable à une retraite – ce que dénie pourtant
la sémantique de l’alinéa 4 de cet article 6.
Si « les
mots ont un sens » comme le dit le ministre Fesneau, il est important de
traduire cette distinction dans le texte. En effet, comme le rappelle le Conseil
supérieur de la fonction militaire, « La pension contribue au dispositif de
gestion des ressources humaines, manifeste une reconnaissance de la Nation pour
l’engagement du militaire, pouvant aller jusqu’à son sacrifice suprême, et
représente une rémunération différée en compensation de sujétions exorbitantes
du droit commun. »
Pour que ce texte soit davantage en adéquation
avec l’attente des militaires et une meilleure reconnaissance de leur statut
particulier, il vous est donc proposé de remplacer le terme
« retraite » par celui de « pension ».
Cet
article 6 entraîne des conséquences sur la suite du texte, en particulier
les articles 31, 46 et 57. Il serait bon de de ne pas se tromper sur les
fondations. Les militaires ne sont pas des fonctionnaires comme les
autres ; leurs missions se déroulent dans des situations particulières. Il
n’est donc pas cohérent de créer un dispositif sur la couverture des
fonctionnaires civils et des militaires contre le risque d’invalidité imputable
au service. Les dispositifs qui assurent actuellement cette couverture
représentent une condition essentielle de la condition militaire.
Le
caractère spécifique de la fonction militaire doit être maintenu dans le code
des pensions militaires, d’invalidité et des victimes de guerre. De surcroît, le
dispositif de la pension de réversion ne doit pas mettre à l’écart les
militaires décédés hors service. En effet, les conjoints de militaires subissent
une carrière hachée du fait des mutations successives dues au principe de
disponibilité, ce qui a des conséquences importantes sur leur retraite
personnelle.
Mme
Marie-Christine Dalloz. C’est vrai !
M. Thibault
Bazin. Il convient donc de les faire bénéficier de la pension de
réversion, même dans le cas où leur conjoint décède hors service.
Enfin,
la décote est inadaptée à la pension des militaires, car elle les oblige à
rester plus longtemps dans l’institution. Elle participe au vieillissement du
personnel militaire, ce qui est en contradiction avec l’impératif de jeunesse
des armées. Le système actuel, à savoir la possible suppression des décotes par
l’obtention de bonifications temporelles, doit être maintenu.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir
l’amendement no 37570.
Mme
Emmanuelle Ménard. L’essentiel a été dit. Je ne vais pas citer pour la
troisième fois l’analyse du Conseil supérieur de la fonction militaire. Il
s’agit de préciser que la pension militaire n’est pas assimilable à une retraite
et – logiquement – de remplacer le mot « retraite » par celui de
« pension » dans cet article 6.
M. le
président. La parole est à Mme Agnès Thill, pour soutenir
l’amendement no 24652.
Mme Agnès
Thill. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 4 par les
mots : « et des pensions des militaires ».
La pension
militaire n’est pas assimilable à une retraite, ce que dénie l’alinéa 4 de
cet article 6. Comme le rappelle le Conseil supérieur de la fonction
militaire, « La pension contribue au dispositif de gestion des ressources
humaines, manifeste une reconnaissance de la Nation pour l’engagement du
militaire, pouvant aller jusqu’à son sacrifice suprême, et représente une
rémunération différée en compensation de sujétions exorbitantes du droit
commun. »
Pour que ce texte soit davantage en adéquation avec
l’attente des militaires et reconnaisse mieux leur statut particulier, il est
proposé de remplacer le mot « retraite » par le mot
« pension ».
M. le
président. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la
commission spéciale pour le titre Ier, pour donner l’avis de la
commission sur ces amendements.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Comme nombre
d’amendements déposés à l’article 37, vos amendements visent à remplacer le
terme de « retraite » par celui de « pension », afin de
rappeler qu’il ne s’agit pas seulement d’une pension de vieillesse, mais aussi
d’un moyen de maintenir la jeunesse des forces armées grâce à des départs
anticipés.
Cependant, le terme de « pension » n’apporte aucune
garantie supplémentaire par rapport à l’ajout effectué sur recommandation du
Conseil d’État à l’article 37 pour rappeler dans le code de la défense que
les règles dérogatoires en matière de retraite des militaires font partie
intégrante de la condition militaire. Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des
retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Il est
défavorable. Les spécificités des militaires sont maintenues et reconnues dans
le projet de loi. Le Gouvernement a souhaité non seulement les prendre en
considération, mais aussi reconnaître l’engagement des militaires.
Le
départ à dix-sept ans d’activité pour les militaires du rang et les
sous-officiers, le départ à vingt-sept ans d’activité pour les officiers, ainsi
que la retraite à jouissance immédiate avec possibilité de cumul intégral avec
un revenu d’activité sont maintenus. De même, plusieurs droits spécifiques sont
préservés grâce à l’attribution de points au titre des opérations
extérieures.
Les militaires percevront donc une « retraite ».
Sur ce point, le rapporteur vient de rappeler l’avis du Conseil d’État, dont je
sais qu’il constitue ici une référence unanimement reconnue et qui a estimé que
cette désignation ne soulevait pas de difficulté.
Pour m’être longuement
entretenu avec des représentants de l’armée et avec des militaires du rang, je
peux vous assurer qu’ils souhaitent avant tout que l’on reconnaisse la
particularité de leurs missions ; la question de savoir s’ils bénéficient
d’une « pension » ou d’une « retraite » a moins
d’intérêt.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Michel Jacques.
M.
Jean-Michel Jacques. Chers collègues, nous avons, au cours de ce débat,
évoqué de nombreux métiers et chacun d’entre nous a fait part de son expérience.
À mon tour de témoigner de la mienne pour tenter, humblement, d’éclairer nos
débats : celle de vingt-trois années passées dans l’armée, dont dix-sept
dans les commandos marine.
Humblement, mais avec force, car au moment où
je vous parle, je ne peux m’empêcher de penser à mes frères d’armes morts au
combat en Afghanistan et en Afrique. Je pense plus particulièrement à Frédéric,
dont j’ai porté le cercueil dans la cour d’honneur des Invalides pour un ultime
adieu.
C’est la reconnaissance que la nation doit à ces hommes que nous,
les représentants de la nation, ne devons pas oublier à présent.
Ces
amendements ne portent pas sur la bonne partie du texte, mais je comprends
l’esprit qui les anime. Ils mériteraient d’être examinés à l’article 37.
J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens, qui reprend les propos tenus
par le Président de la République lors de ses vœux aux armées à Orléans :
les pensions militaires « constituent une garantie essentielle du contrat
que l’État et la nation passent avec ceux qui acceptent de servir dans le métier
des armes. » Ce contrat avec la nation constitue la singularité militaire,
faite de sujétions consenties – sans droit de retrait ni droit de
grève – et de servitudes exorbitantes du droit commun qui peuvent aller,
s’il le faut, jusqu’au sacrifice suprême : prendre la vie d’un autre ou
donner la sienne.
La pension du militaire, qui n’est pas une retraite
– la sémantique est importante –, est le pendant des sacrifices
consentis. Elle est l’expression du contrat qui lie nos valeureux soldats à la
nation, ce contrat qui fait que nos soldats prennent, baïonnette au canon, le
pont de Vrbanja, que nos soldats pénètrent dans une hutte au Burkina Faso
pour libérer les otages détenus par un terroriste.
Ce contrat entre nos
soldats et la nation ne doit jamais être rompu. La singularité du militaire
français doit être sanctuarisée. En tant que députés de la nation, soyons-en les
fervents défenseurs, à l’image du Président de la République, chef des
armées.
Alors, chers collègues, poursuivons nos débats jusqu’à
l’article 37 afin d’examiner l’amendement que j’ai déposé !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Décidément, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire
d’État, vous avez des difficultés avec un grand nombre de catégories de la
population ! C’est vrai aussi pour les militaires : le Conseil
supérieur de la fonction militaire a rendu un avis tout aussi cinglant que le
Conseil d’État sur le projet de loi.
Il désapprouve ainsi « les
dispositions restrictives, voire le recul significatif dans plusieurs domaines
et la persistance d’incertitudes concernant le devenir des pensions
militaires. »
Ouverture des droits, réversion, modalités de calcul,
cotisations à la charge de l’employeur, pensions minimales garanties, emploi des
réservistes, disparition de la pension à jouissance différée : nous ne
sommes pas les seuls, monsieur le secrétaire d’État, à vous poser des questions
sur ces paramètres importants pour le calcul des pensions
militaires.
Comme plusieurs de nos collègues viennent de le souligner, il
faut évidemment prendre en considération la spécificité du métier militaire, un
métier dangereux par définition, soumis à des sujétions particulières telles que
la disponibilité permanente.
L’avis du Conseil supérieur de la fonction
militaire est défavorable, nous y insistons. Il souligne qu’un calcul de la
pension basé sur l’ensemble de la carrière au lieu des six derniers mois
d’activité entraînera inexorablement une baisse des pensions
militaires.
Pouvez-vous rassurer les militaires sur le devenir de leurs
pensions ?
M. le
président. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. Il est difficile de prendre la parole après le beau témoignage de
notre collègue Jean-Michel Jacques. Le sujet dont nous débattons n’est pas
simple au regard des risques de décès, y compris hors service, ou d’invalidité
imputable au service. Les militaires sont soumis à des sujétions bien
particulières, dont nous devons tenir compte.
Ces amendements à
l’article 6 ne sont pas qu’une affaire de sémantique. L’article fait entrer
le régime des pensions militaires dans le code de la sécurité sociale alors
qu’il relève aujourd’hui du code de la défense, ce qui soulève des questions
quant à sa gouvernance future.
Qui aura désormais la main ? Qui
arbitrera ? Le ministère des armées pourra-t-il, dans le cadre de la
gestion des ressources humaines, peser sur les décrets portant attribution de
points afin d’obtenir des garanties dans le temps ? Ou bien les militaires
seront-ils soumis à la règle commune du code de la sécurité sociale, en grande
partie interprétée par Bercy ? Nous sommes inquiets de l’évolution future
des pensions des militaires et des jeunes recrues.
L’intégration du
régime des pensions militaires dans le code de la sécurité sociale sans
précision quant aux spécificités des militaires soulève d’autres questions. Pour
les militaires, le cumul de la retraite avec le revenu d’une activité
professionnelle va-t-il bien de pair avec une deuxième et une troisième
liquidations, et non une première et une deuxième ?
S’agissant de la
couverture du risque d’invalidité imputable au service, j’espère que vous
pourrez également nous apporter des précisions.
Enfin, la pension de
réversion pour le décès d’un militaire hors service constitue un acquis social
important pour les conjoints, dont les carrières sont hachées en raison d’un
mode de vie bien particulier.
Vous le voyez, monsieur le secrétaire
d’État, au-delà de la sémantique, des questions concrètes se posent. Derrière
elles, il y a l’attractivité même du métier de militaire.(Applaudissements
sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme
Emmanuelle Ménard. Nos collègues l’ont bien dit, il ne s’agit pas
seulement d’une question de sémantique, mais de la reconnaissance de la
spécificité du métier de militaire, sur laquelle insiste précisément l’avis du
Conseil supérieur de la fonction militaire.
Force est de le constater,
c’est la marque de fabrique de ce projet de loi que de balayer d’un revers de
main, profession après profession, l’opinion des premiers concernés. À chaque
fois, le Gouvernement décrète que l’intégration de leur régime de retraite dans
le système universel est bon pour elles. Prendre l’avis des premiers concernés
m’aurait personnellement semblé judicieux, et je regrette vivement que l’avis du
Conseil supérieur de la fonction militaire ait été écarté sans autre forme de
procès. Le sujet dont nous débattons est pourtant loin d’être anodin et exige
une considération particulière, car la fonction militaire est essentielle – ce
que vous avez fort bien démontré, chers collègues.
M. le
président. La parole est à M. M’jid El Guerrab.
M. M’jid El
Guerrab. Je salue l’unanimité des positions qui viennent de s’exprimer.
J’étais présent à Abidjan lorsqu’Emmanuel Macron a déclaré qu’il ne fallait pas
parler de « retraite », mais de « pension » des militaires.
Qu’en est-il techniquement et juridiquement ? Nous y reviendrons sans doute
plus loin dans l’examen du texte, mais je souhaitais, en tant que député des
Français établis au Maghreb et en l’Afrique de l’Ouest, exprimer mon accord sur
ce point.
Plus de 5000 de nos hommes sont engagés dans cette région du
monde ; ils risquent leur vie au quotidien pour assurer la stabilité de
l’Afrique et la sécurité de l’Europe. Il me paraît nécessaire, sur un tel sujet,
de parvenir à une union nationale autour de nos militaires afin de leur marquer
la reconnaissance de la nation tout entière.
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Chers collègues, j’aimerais apporter deux
précisions pour vous rassurer et, avant toute chose, vous remercier pour
l’attention que vous portez aux conditions de cessation d’activité et de départ
à la retraite de nos militaires. Ce sujet est en effet très
important.
Tout d’abord, si deux liquidations sont prévues par le régime
commun dans le cadre du cumul emploi-retraite, les militaires bénéficieront de
la possibilité de trois liquidations : une au moment de la cessation de
l’activité militaire et deux autres conformément au régime
commun.
Ensuite, notre collègue Françoise Dumas et le Gouvernement
ont déposé plusieurs amendements pour préciser dans le texte que le Conseil
supérieur de la fonction militaire sera systématiquement consulté avant tout
projet réglementaire ou législatif relatif aux pensions des militaires.
(M. Christophe Blanchet applaudit.)
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’aimerais à mon tour rappeler
que toutes les spécificités militaires sont préservées dans le projet de loi. Je
l’ai d’ailleurs indiqué dès la semaine dernière.
Madame Ménard, le
rapporteur a précisé à juste titre que l’avis du Conseil supérieur de la
fonction militaire serait requis avant toute modification qui pourrait s’avérer
nécessaire. Les amendements déposés par plusieurs députés et par le Gouvernement
attestent de notre volonté en la matière.
J’ajoute que les militaires du
rang actuellement sous contrat relèvent déjà du régime général des salariés, et
donc du code de la sécurité sociale. Tous ceux qui s’inquiètent de l’intégration
du régime des pensions militaires dans le code de la sécurité sociale peuvent
donc être rassurés : c’est déjà une réalité pour les militaires du rang
sous contrat.
Les mesures proposées par le projet de loi ne remettent
évidemment pas en cause le contrat de la nation avec ses militaires. Les
militaires, avec lesquels je me suis entretenu à de nombreuses reprises en tant
que député, il y a quelques semaines, parlent de « retraite à jouissance
immédiate » : ils utilisent fréquemment le terme de
« retraite » ; il n’y a pas là pour eux matière à
débat.
M. le
président. La parole est à M. Jacques Maire.
M. Jacques
Maire. J’invite nos collègues que le sujet intéresse à accélérer la
discussion afin que nous puissions examiner rapidement l’article 37.
Celui-ci est à trente-et-un articles de l’article 6, c’est-à-dire à environ
quinze jours de débats si nous accélérons…
M. Pierre
Dharréville. Ça, ça fait avancer le débat !
M. Jacques
Maire. J’aimerais rappeler par ailleurs, comme le secrétaire d’État et
le rapporteur, que la situation des pensions militaires est stabilisée et même
améliorée dans le projet de loi, en particulier pour les moins favorisés des
militaires, c’est-à-dire les militaires engagés pour des missions de court
terme, avec des contrats de quelques années. Aujourd’hui, ils ne se voient
reconnaître aucun avantage particulier au titre des opérations extérieures
auxquelles ils participent. Le nouveau dispositif leur permettra de bénéficier
de la reconnaissance de la nation – grâce à l’attribution de points – au même
titre que les militaires de carrière. Je ne doute pas que cette mesure soit
extrêmement appréciée par les intéressés.(Applaudissements sur les bancs des
groupes LaREM et MODEM.)
M. le
président. Madame Autain, vous demandez la parole pour un rappel au
règlement ?
Mme
Clémentine Autain. Oui, monsieur le président : sur le fondement
des articles 70, alinéa 2 et 100 de notre règlement, je
souhaite réagir à la déclaration faite en début de séance par Jacques Maire.
(Protestations sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)
M. Thibault
Bazin. Parlez-en après si vous le voulez ! Restons sur les
amendements consacrés au régime de retraite des militaires !
Mme
Clémentine Autain. La déontologue, analyste subtile de la loi, a conclu
qu’il n’y avait pas de conflit d’intérêts dans le cadre de l’examen de ce texte,
notre collègue n’étant que le rapporteur d’un titre qui ne traite pas
explicitement, bien sûr, du recours à l’épargne retraite. Permettez-moi tout de
même, avec tout le respect que je dois à la déontologue, de vous relire
l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013, relative à la transparence
de la vie publique, qui définit pour la première fois la notion de conflit
d’intérêts comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public
et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître
influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».
Or les parts que Jacques Maire possède chez AXA interfèrent avec ses fonctions
publiques (Mêmes mouvements.)…
M. le
président. Madame Autain, je vous interromps parce qu’il ne s’agit pas
d’un rappel au règlement : vous interpellez le rapporteur Jacques Maire
qui, en début de séance – vous n’étiez pas encore présente dans
l’hémicycle –, est intervenu en faisant état des précisions apportées par
la déontologue de l’Assemblée nationale.
Si vous souhaitez faire un
rappel au règlement parce que vous estimez que celui-ci aurait été méconnu
depuis le début de cette séance, vous pouvez poursuivre. Sinon, je serai obligé
de vous retirer la parole.
Mme
Clémentine Autain. Monsieur le président, il y a eu en début de séance
une attaque personnelle à l’encontre de ma collègue Mathilde Panot (Mêmes
mouvements)…
M. le
président. Pas du tout, il a seulement fait état des précisions que lui
avait fournies la déontologue. Vous n’étiez pas là.
Mme
Clémentine Autain. J’ai très bien entendu ce qu’il a dit.
De
plus, mon rappel au règlement se fonde aussi sur l’article 100.
M. le
président. Cet article ne porte que sur les modalités de discussion des
amendements, madame Autain.
Mme
Clémentine Autain. Il porte aussi sur la sincérité des débats, monsieur
le président. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Et je
trouverais fort dommage que nos collègues ne puissent pas connaître les
arguments qui ont fondé les propos de ma collègue Mathilde Panot, que je
soutiens. Elle a lancé une alerte concernant un des rapporteurs de ce projet de
loi ; cela doit intéresser notre assemblée.
M. le
président. En quoi le règlement n’aurait-il pas été suivi
scrupuleusement, madame Autain ? Pouvez-vous me le dire ?
Mme
Clémentine Autain. Monsieur le président, je regrette vraiment que vous
n’acceptiez pas que je réponde aux propos tenus par Jacques Maire dans cet
hémicycle. Ce n’est pas sérieux d’un point de vue démocratique. (Mêmes
mouvements.) Je le ferai à l’occasion de la défense des amendements si vous
le souhaitez, même si cela relève davantage de la sincérité des débats et du
fait personnel.
M. le
président. Je ne le souhaite pas, parce que votre intervention n’aurait
alors aucun rapport avec les amendements en discussion. Si vous souhaitez
poursuivre, cette fois sur le fondement d’une disposition du règlement qui
aurait été méconnue, vous le pouvez évidemment, mais pas s’il s’agit d’une
interpellation personnelle à l’endroit d’un collègue.
Mme
Clémentine Autain. Monsieur le président, ce n’est pas un problème
personnel mais une question de portée collective ! (Mêmes
mouvements.) Je demande une suspension de
séance !
Rappels au règlement
M. le
président. La parole est à M. Thibault Bazin, pour un rappel au
règlement.
M. Thibault
Bazin. Au titre des alinéas 4, 5 et 6 de l’article 100,
relatifs à la discussion commune des amendements, monsieur le président. Je
souhaiterais que l’on prenne ici comme règle de rester sur ces amendements avant
tout rappel au règlement, d’autant plus quand le vote est engagé, et que
celui-ci ne soit possible qu’après, surtout quand celui-ci n’a aucun rapport
avec lesdits amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
– M. Patrick Mignola applaudit également.)
Se mettre à commenter les commentaires du déontologue alors même que l’on
est en train de traiter de questions à la fois très concrètes et très
techniques, qui ne sont pas anodines, en l’espèce l’impact du futur système pour
les militaires en matière de risque d’invalidité imputable au service ou de
pensions de réversion, nuit à la clarté de nos débats. Restons sur le texte
quand une discussion commune d’amendements est en cours. En tout cas, c’est ce
que demande notre groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur
plusieurs bancs du groupeLaREM.)
M. le
président. La parole est à Mme Catherine Fabre, pour un autre
rappel au règlement.
Mme
Catherine Fabre. Sur le même fondement que celui de M. Bazin,
monsieur le président, je souhaiterais moi aussi que ce genre de débat ne soit
pas interrompu : les militaires sont un sujet qui intéresse l’ensemble des
Français. Je souhaiterais également que l’avis de la déontologue soit pris en
compte par tous les députés : il me semble que le sujet est clos.
Mme
Clémentine Autain. Non !
Mme
Catherine Fabre. De telles démarches inquisitoriales n’ont absolument
pas leur place ici ; je m’en émeus vraiment, à l’instar de tous les autres
membres du groupe La République en marche. La déontologue a donné son avis, le
sujet est clos pour nous.
Mme
Clémentine Autain. Et là, monsieur le président, c’est un rappel au
règlement ?
Mme
Catherine Fabre. Si son avis vous pose un problème, madame Autain, allez
la voir : elle vous expliquera son point de vue ! (Applaudissements
sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme
Clémentine Autain. Monsieur le président, sur quel fondement
réglementaire M. Maire s’est-il exprimé au début de la séance ?
M. le
président. Nous ne sommes pas ici pour commenter les explications
données par la déontologue de l’Assemblée nationale. L’incident est
clos.
Vous aviez demandé une suspension de séance, madame
Autain ?
Mme
Clémentine Autain. Oui, mais je voudrais auparavant savoir au titre de
quel article du règlement M. Maire s’est exprimé tout à l’heure !
(Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Cyrille
Isaac-Sibille. Ça suffit !
Mme
Clémentine Autain. Il a le droit de s’exprimer comme bon lui semble dans
l’hémicycle, et nous n’avons pas le droit de lui répondre ! C’est un déni
de démocratie ! Je demande une suspension de séance !
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures trente-cinq, est reprise à neuf heures
quarante.)
M. le
président. La séance est reprise.
Article 6 (suite)
Plusieurs députés du groupe
LR. On vote !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Malgré ce qui a été affirmé par M. le rapporteur et par le
Gouvernement, je voudrais exprimer la préoccupation de notre groupe quant au
sort qui sera fait aux militaires. De vives inquiétudes se sont manifestées, y
compris lors des auditions menées par la commission de la défense. Le Conseil
supérieur de la fonction militaire lui-même n’a pas voulu donner son aval à la
réforme. Il a désapprouvé ce qu’il considère comme des dispositions
restrictives, voire un recul significatif dans plusieurs domaines, et la
persistance d’incertitudes concernant le devenir des pensions militaires, qu’il
s’agisse de l’ouverture des droits, de la réversion, des modalités de calcul,
des cotisations employeur, des pensions minimales garanties, de l’emploi des
réservistes ou encore de la disparition de la pension à jouissance différée.
Cette longue liste n’a pas été dressée par moi, mais par le Conseil supérieur de
la fonction militaire. Cela illustre l’incapacité du système que vous proposez à
faire face à certaines réalités dans tous les secteurs de la société, notamment
s’agissant des militaires, dont on connaît la fonction singulière au sein de la
République et l’engagement particulier. C’est encore une démonstration que ce
texte ne convient pas : non seulement il n’est pas prêt, mais il n’est pas
bon. Nous voterons donc ces amendements.
M. le
président. Je mets aux voix les amendements nos 229 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 64
Nombre
de suffrages
exprimés 62
Majorité
absolue 32
Pour
l’adoption 17
Contre 45
(Les amendements identiques nos 229, 522,
1491 et 37570 ne sont pas adoptés.)
(L’amendement no 24652 n’est pas
adopté.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir
l’amendement no 21645 et les seize amendements identiques
déposés par les membres du groupe La France insoumise.
Mme
Clémentine Autain. Je ne sais pas si je m’exprime à ce titre ou en
application de l’article 80-1 du règlement mais je pense, mes chers
collègues, que demander de la vertu n’est pas inquisitorial, et qu’il est tout à
fait normal, en démocratie, que je puisse exprimer le point de vue de notre
groupe sur ce point. Je n’ai pas eu le temps de terminer mon propos avant la
suspension de séance, mais j’ai tout de même pu citer un extrait de
l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013. Il me semble qu’il est
aujourd’hui applicable, puisque l’intérêt privé de Jacques Maire – ses
parts chez AXA – interfère avec ses fonctions publiques et heurte leur
caractère impartial. (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et
LR.) L’attaque ne vise pas…
M. le
président. Madame Autain, je ne crois pas que vous vous exprimiez sur
l’amendement no 21645 et les seize amendements identiques.
Mme
Clémentine Autain. Je vous ai dit que si vous le préfériez, je
m’exprimerai en application de l’article 80-1 du règlement.
M. le
président. Ce n’est pas une question de préférence : il s’agit de
savoir si votre intervention porte ou non sur les amendements.
Mme
Clémentine Autain. Au titre de l’article 80-1, je tiens à continuer mon
propos. Je ne sais toujours pas au titre de quel article du règlement Jacques
Maire s’est exprimé…
M. le
président. Je vous interromps, madame Autain, car je me dois de vous
rappeler, bien que vous connaissiez parfaitement le règlement, que
l’article 56 permet aux rapporteurs des commissions saisies au fond
d’obtenir la parole quand ils le demandent, ce qui n’est pas le cas des autres
députés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
– M. Maxime Minot applaudit également.)
Comme vous souhaitez une application scrupuleuse du règlement, je vous
invite à vous y conformer en défendant cette série d’amendements identiques.
Mme
Clémentine Autain. Je demande à nouveau une suspension de séance,
monsieur le président.
M. le
président. Ce sera la dernière de votre groupe pour la
matinée.
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures quarante, est reprise à neuf heures
quarante-cinq.)
M. le
président. La séance est reprise.
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour un rappel au
règlement.
M. Adrien
Quatennens. Il me paraît fondé – peut-être le
confirmerez-vous – sur l’article 80-1 du règlement, relatif aux
conflits d’intérêts. Je commencerai par souligner qu’il ne s’agit aucunement
d’une attaque personnelle (« Mais bien
sûr ! » sur les bancs du groupe LaREM),
mais d’une caractérisation politique s’inscrivant dans le cadre de nos
débats. Nous examinons un projet de réforme des retraites dont nous savons qu’il
concourra au recours massif à la retraite par capitalisation.
M.
Jean-René Cazeneuve. Faux !
M. Adrien
Quatennens. Ce n’est d’ailleurs pas le premier texte allant en ce sens,
puisque la loi PACTE, qui a été adoptée précédemment, encourage déjà fiscalement
le recours à des produits d’épargne par capitalisation.
Il ne s’agit pas
de fustiger ou d’accuser quiconque dans cet hémicycle, ni même Jacques Maire,
notre collègue ayant parfaitement le droit d’être actionnaire de toute
entreprise qu’il souhaite, mais de constater qu’en l’espèce, l’établissement
dans lequel il possède des actions et donc des intérêts – je répète, pour
que cela soit bien compris, que c’est son droit le plus complet – a intérêt
à ce que la réforme des retraites dont nous discutons soit adoptée.
M.
Jean-Paul Mattei. Cela n’a rien à voir !
M. Adrien
Quatennens. Axa, sur son site internet, fait la promotion de la réforme
actuellement examinée par cette assemblée en expliquant qu’elle conduira à
diminuer le niveau des pensions et qu’il faut en quelque sorte s’en prémunir en
souscrivant des produits d’épargne retraite.
M. Jean
Lassalle. Très juste !
M. Adrien
Quatennens. Cette entreprise a donc intérêt à ce que la réforme des
retraites soit adoptée. Par conséquent, notre observation nous semble tout à
fait fondée, en dépit de la décision de la déontologue – décision qui lui
appartient. Cette dernière fournit par ailleurs un excellent travail. Là n’est
pas le sujet : nous faisons de la politique.
Si j’étais complet dans
mon rappel au règlement, monsieur le président, je soulignerais même que les
propos qui ont été tenus ce matin – j’admets que je n’étais pas présent
dans l’hémicycle à ce moment-là – n’ont pas leur place dans cette
assemblée, où il s’agit de faire de la politique et de caractériser
politiquement ce qui nous paraît constituer une situation de conflits d’intérêts
manifeste. Voilà qui est clair. (M. Jean Lassalle
applaudit.)
M. le
président. Merci beaucoup, monsieur Quatennens. Il a été pris bonne note
de votre rappel au règlement. Puisque chacun l’invoque ce matin, je vous indique
d’ailleurs, en vertu de l’article 58, alinéa 3, qu’il n’y aura plus de
rappel au règlement sur cette question, les choses ayant été dites.
M. Jean
Lassalle. Vous présidez très bien !
M. le
président. Merci, monsieur Lassalle, de ces encouragements répétés.
(Sourires.)
Article 6 (suite)
M. le
président. Souhaitez-vous à présent soutenir l’amendement
no 21645 et les seize amendements identiques déposés par les
membres du groupe La France insoumise, madame Autain ?
Mme
Clémentine Autain. Nous poursuivrons donc le débat relatif à ce conflit
d’intérêts en dehors de l’hémicycle.
M. Thibault
Bazin. Ce n’est pas l’objet des amendements !
Mme
Clémentine Autain. Par ces amendements, nous prolongeons la discussion
concernant l’impact de la réforme sur la fonction publique et divers problèmes
que nous avons soulevés en commission spéciale. Je regrette d’ailleurs que nous
ne puissions sans doute pas mener à terme nos échanges sur ce point, puisque
nous sommes sous la menace du recours à l’article 49, alinéa 3 de la
Constitution.
Je ne reviendrai pas sur ce que nous avons déjà dit mille
fois concernant la fin du calcul fondé sur les six derniers mois de la carrière
des fonctionnaires, dont le niveau de pension dépendra à l’avenir de l’ensemble
de la carrière, mais je voulais interroger le Gouvernement sur le taux unique
– même s’il me répondra que la question est traitée dans un article
ultérieur. Nous avons largement évoqué en commission spéciale cette disposition,
qui menace à la fois la stabilité des pensions de retraite des fonctionnaires
sur le long terme et l’équilibre de nos finances publiques – puisque la
part de contribution de l’État au paiement des retraites des fonctionnaires sera
alignée sur les normes du privé. J’aimerais beaucoup entendre le secrétaire
d’État et le rapporteur sur ce point.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur cette série
d’amendements identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Ils visent à supprimer la mention
« Chapitre 1er ». J’y suis donc
défavorable.
S’agissant des propos tenus précédemment, je regrette,
madame Autain, que votre intervention ait eu lieu, comme l’a fort justement
souligné M. Bazin, alors que nous évoquions les conditions de départ en retraite
des militaires, sujet extrêmement sensible et symbolique.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Il relance le débat, monsieur le
président !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je le regrette, car nous leur devons plus
d’attention que cette façon de procéder et de créer la polémique.
(Les amendements no 21645 et
identiques, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas
adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens, pour soutenir
l’amendement, no 21662 et les seize amendements identiques
déposés par les membres du groupe La France insoumise.
M. Adrien
Quatennens. Nous examinons toujours l’article consacrant l’entrée en
application de la réforme des retraites pour les fonctionnaires. Nous avons eu
l’occasion de dire que la règle de calcul des pensions sur les six derniers mois
de la carrière nous paraissait tout à fait adaptée et que sa suppression
favoriserait la baisse du niveau des pensions à laquelle vous procédez à travers
cette réforme.
Je profite de la défense de ces amendements pour vous
faire, monsieur le rapporteur, puisque vous êtes soucieux de l’avancée rapide de
nos débats, une suggestion qui vous fera gagner du temps : cessez de
rappeler, à chacune de vos interventions, que nos amendements consistent à
remplacer un mot par un autre. Je vous l’accorde, à intervalles réguliers du
texte, nous proposons tout bêtement de supprimer un titre ou un chapitre ou de
remplacer un mot par un autre.
Il ne vous aura pas échappé, cependant,
que nous ne prenons pas la parole pour vous présenter ces modifications de
forme, mais que nous profitons de l’occasion offerte par le droit d’amendement
– un droit fondamental que vous n’êtes pas en état de remettre en
cause – pour argumenter sur le fond du texte. Je considère que, de ce point
de vue, nous avons beaucoup avancé. Vous seriez donc bien inspiré de continuer à
répondre à nos arguments, dont il ne vous aura pas échappé qu’ils portent
toujours sur le fond.
S’agissant de l’abandon de la règle des six
derniers mois pour calculer les pensions des fonctionnaires, qui vaudra
notamment pour les militaires et les magistrats, dont nous parlions à l’instant,
nous continuons de dire qu’il affaiblira considérablement le niveau des
pensions.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur cette série
d’amendements identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. N’étant visiblement pas en état de répondre
sur le fond, je remarquerai simplement qu’ils visent à supprimer les mots
« champ d’application ». Avis défavorable. (Sourires)
M. Patrick
Mignola. Il a parfaitement raison !
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Nous ne nous sommes pas compris, monsieur le
rapporteur : loin de moi l’idée de prétendre que vous ne seriez pas en état
de répondre sur le fond. Au contraire, je vous invite à le faire
systématiquement, parce que quand vous vous y astreignez, vous le faites très
bien. Même si nous sommes rarement d’accord, cela nous permet au moins d’avoir
de vrais débats.
J’expliquais en revanche que vous n’étiez pas en mesure
de contester aux députés leur droit fondamental d’amender, même si vous
considérez que les amendements défendus sont de pure forme et inutiles.
Comprenez que pour l’opposition parlementaire, ils sont l’occasion de rappeler
que nous représentons ici le mot d’ordre majoritaire dans le pays, à savoir le
retrait du texte,…
Mme Cendra
Motin. Ce n’est pas dans ce sens que les Français se sont prononcés en
2017 !
M. Adrien
Quatennens. …et que chacun de nos amendements permet des interventions
qui ouvrent à leur tour des débats de fond. Ils ont ainsi permis, depuis douze
jours que nous examinons le texte, de lever plusieurs lièvres et de comprendre
la fumisterie que constitue ce projet de loi.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. L’article 6, qui concerne les agents de la fonction
publique, a soulevé hier soir plusieurs questions. Il a notamment été rappelé
que les différences entre les agents de la fonction publique et les salariés du
secteur privé en matière de structure de carrière et de rémunérations justifient
les différents modes de calcul appliqués pour fixer le niveau des pensions de
retraite.
Nous avons le sentiment que vous ne prenez pas ces réalités en
considération. Je voudrais donc savoir, monsieur le secrétaire d’État, comment
vous envisagez précisément les choses. Avez-vous mené, avec des organisations
syndicales, des discussions poussées qui vous permettraient d’affirmer qu’un
apaisement social est en cours grâce à une meilleure prise en considération des
réalités des fonctionnaires ?
Des députés siégeant sur divers bancs
se sont par ailleurs interrogés sur la compensation, aux collectivités locales
concernées, du surcoût qu’entraîneront le changement du mode de financement et
le passage du taux de cotisation à 28 % pour tous les fonctionnaires.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous fournir des éléments sur la
phase de transition que vous comptez définir, ainsi que sur les modalités et le
rythme de cette transition ?
M. le
président. La parole est à M. Jean Lassalle.
M. Jean
Lassalle. Mon propos n’intervient peut-être pas au bon moment, mais je
crains que le débat soit achevé la prochaine fois que je viendrai dans
l’hémicycle.
M. Régis
Juanico. Oh…
M. Jean
Lassalle. Je souhaite profiter de l’examen de ce texte – dont je
regrette qu’il soit si mal parti – pour dire certaines choses.
Les
amendements soutenus par Mme Autain – je dis bien
« Autain », et non « Boutin » –, m’amènent à rappeler
que nous, les politiques, avons été sommés, depuis trente ans, de mettre nos
comptes à jour. Nous l’avons fait – tant bien que mal, mais nous avons tout
de même fait beaucoup. Le moment me semble désormais venu, non pas d’examiner la
situation des colonels, des généraux ou des magistrats, mais celle des très
hauts fonctionnaires.
Comment un pays peut-il fonctionner quand un très
haut fonctionnaire, qui gagne assez correctement sa vie, peut soudainement
devenir député, voire Président de la République, revenir dans son corps
d’appartenance initial, puis travailler pour une banque qui conseille sur la
meilleure façon de supprimer les parlements et les États, c’est-à-dire sur la
manière de laisser l’homme dans le même état de dénuement que celui où il se
trouvait il y a 10 000 ans – encore n’était-il peut-être pas
aussi dénudé à l’époque ? (Sourires)
Comment expliquer, par
exemple, que M. Niel exerce une influence auprès de journalistes, d’hommes
politiques et de grands chefs d’entreprise ? Si on ne dit pas cela au
moment précis où nous débattons d’un des sujets les plus importants de ces
trente dernières années – celui des retraites –, on ne le dira
jamais !
Monsieur le président, vous présidez remarquablement.
Continuez : vous êtes éclairé par la justice immanente de cette grande
maison ! (Sourires et applaudissements sur divers bancs.)
M. Patrick
Mignola. J’acquiesce à l’immanente excellence de votre présidence,
monsieur le président. (Sourires.)
Le groupe MODEM ne soutiendra
pas les amendements visant à supprimer les mots « champ
d’application » de l’article 6. J’ai parfaitement entendu les
explications de notre collègue Quatennens, qui souhaite qu’à partir
d’amendements de forme, nous ayons des discussions de fond. Nous examinerions
donc des amendements « à fond la forme » !
(Sourires.)
Si nous pouvons, en toute liberté, décider qu’une
fonction tribunitienne doit s’exprimer dans cette assemblée à travers les
amendements – c’est parfaitement légitime –
(M. Jean Lassalle applaudit), nous pouvons aussi
prendre le parti d’apporter des réponses de forme à des amendements de forme et
des réponses de fond à des amendements de fond. (Applaudissements sur
plusieurs bancs des groupes MODEM et LaREM.) Je crois même qu’à trop
insister sur une fonction tribunitienne qui se rapprocherait plutôt, en
l’espèce, d’une fonction Decathlon, on tombe assez précisément dans le champ de
l’obstruction parlementaire.
Je soutiens donc vivement notre excellent
rapporteur, qui s’efforce de s’en tenir au texte. Si ce n’était pas le cas, nous
ne comprendrions plus rien. En effet, à partir d’une certaine heure de la
journée, nous avons fait trois fois le tour de la terre et trente fois le tour
de la loi et, à la fin, nous ne savons plus exactement où nous en
sommes.
(Applaudissements sur les bancs des groupes
MODEM et LaREM.)
(Les amendements nos 21662 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Nous en venons à l’amendement no 21679 et aux
seize amendements identiques déposés par le groupe La France
insoumise.
Sur ces amendements, je suis saisi par le même groupe d’une
demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de
l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour
soutenir les amendements.
Mme
Clémentine Autain. Nous parlons bien, ici, du contenu de l’article,
relatif à l’application aux fonctionnaires de la réforme des retraites. Nous
sommes donc au cœur du sujet. Si nous posons certaines questions au Gouvernement
et exprimons certaines objections, c’est parce que nous sommes en désaccord
complet avec cette décision qui va se traduire, pour les intéressés, par un
affaiblissement historique du montant de leur taux de remplacement : la
baisse pourrait atteindre 30 %, ce qui est considérable.
Je rappelle
que les fonctionnaires sont traditionnellement moins bien rémunérés que les
salariés du privé, en contrepartie des avantages que constituent la sécurité de
l’emploi et l’évolution logiquement assez linéaire de leurs carrières. En
revanche, les pensions qu’ils touchent sont en moyenne proches de celles du
privé. Or vous remettez en question ce dernier principe : non seulement les
fonctionnaires ne bénéficieront plus à la retraite d’un niveau de vie équivalent
à celui des retraités du privé, mais la chute sera vertigineuse.
Je
regrette également que vous n’ayez pas répondu à ma question sur le taux unique,
qui est une question majeure pour l’avenir.
Enfin, nous avons le
sentiment, partagé par plusieurs organisations syndicales de la fonction
publique, que vous avancez vers un démantèlement pur et simple de la spécificité
du régime et du statut des fonctionnaires. De fait, la prise en compte des
primes accroîtra les inégalités entre les fonctionnaires. Comment pouvez-vous
assurer que les fonctionnaires n’y perdront pas ? Comment légitimez-vous la
façon dont ces primes seront intégrées au calcul de la pension ?
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Les questions évoquées sont fort
intéressantes, mais n’ont pas de rapport avec l’amendement. J’aurai l’occasion
d’y revenir plus tard. Avis défavorable, donc.
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Il est vrai que, comme M. Mignola et M. le
rapporteur viennent de l’exposer, nous abordons régulièrement des sujets qui ne
correspondent pas exactement à la partie du projet de loi sur laquelle porte la
discussion, mais qui n’en relèvent pas moins, vous en conviendrez, de ce projet
de loi. Nous ne le faisons d’ailleurs pas sans raison. Hier soir, en effet, j’ai
posé à M. le secrétaire d’État une question à laquelle, à cette heure, je
n’ai toujours pas de réponse : avons-nous la garantie que nos débats iront
jusqu’au terme de l’examen de ce projet de loi ? Ce dernier comporte en
effet soixante-cinq articles, et nous n’en sommes qu’à l’article 6.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce
n’est pas notre faute !
M. Bruno
Millienne. Vous êtes fatigués ?
M. Adrien
Quatennens. Nous nous autorisons donc à évoquer des dispositions qui se
trouvent plus loin dans le texte, car nous n’avons pas la garantie qu’elles
seront examinées, compte tenu du délai très contraint dans lequel vous permettez
que cette discussion se tienne.
Faisons toutefois le bilan de ce que nous
avons obtenu : nous avons pu clairement établir que ce projet de réforme
des retraites n’a pas de caractère universel ; qu’il n’est pas vrai qu’un
euro cotisé offrira les mêmes droits ; que plus de 40 % des
agriculteurs ne pourront pas bénéficier de la retraite à 1 000 euros
(M. Jean Lassalle applaudit) ; que la valeur du
point n’offrira aucune garantie quant au niveau des pensions ; que l’indice
sur lequel sera indexée la valeur du point n’existe pas. Je considère qu’il
s’agit là de nombreuses avancées, que nous n’aurions peut-être pas obtenues si
nous avions dû attendre l’examen des articles concernés. Cette méthode permet
donc d’évoquer des parties du texte qui ne viendront peut-être jamais en
discussion,…
M. Jean
Lassalle. Exactement !
M. Adrien
Quatennens. …à moins que M. le secrétaire d’État ne prenne ce matin
devant nous l’engagement que nous puissions atteindre l’article 65 dans le
délai imparti. Permettez-moi toutefois d’en douter, car le cadre posé pour le
débat est très contraint.
M.
Jean-René Cazeneuve. Il vous suffit pourtant de retirer vos
amendements !
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Comme M. Quatennens, je pense que les questions
que nous posons, même si elles ne sont pas exactement calées sur l’article ou
l’alinéa en discussion, nous permettent de mieux appréhender le texte.
M. Jean
Lassalle. C’est leur intérêt !
M.
Jean-Paul Dufrègne. C’est le cas de celle que j’aborderai ici. Le
recrutement d’un fonctionnaire par la nation engage une dépense pour de
nombreuses années, puisqu’il faut non seulement financer son traitement, mais
aussi sa future retraite. On peut ainsi, pour une carrière théorique et compte
tenu de l’espérance de vie moyenne, calculer le coût global d’un agent dans le
système actuel et le comparer avec ce qu’il serait après application de la
réforme proposée. Or je n’ai trouvé aucune simulation de cet ordre dans l’étude
d’impact. Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous répondre
précisément sur ce point en distinguant la situation des catégories C, B et
A de la fonction publique ? Une telle comparaison nous éclairerait et
pourrait contribuer à lever les doutes que nous avons pu exprimer. Certes, nous
ne demandons qu’à vous croire, mais certains aspects de la réforme restent
flous. Il en va de même, d’ailleurs, s’agissant des charges qui seraient
transférées vers les collectivités territoriales en application du projet de
loi.
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Chers collègues, nous avons étudié un peu plus de
10 000 amendements : si nous avions donné plus d’importance à la
construction de la loi qu’à la fonction tribunitienne du Parlement à laquelle le
président Mignola vient de faire allusion, et si nous avions travaillé dans
l’ordre prévu par le règlement, nous aurions déjà terminé l’examen du
texte !
Un député du groupe LR.
Ce serait aussi le cas si vous aviez appliqué la procédure du temps
programmé !
M. Frédéric
Petit. En effet, sur le nombre d’amendements déposés, environ
30 000 sont de pure forme. (Applaudissements sur les bancs des groupes
MODEM et LaREM.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. On ne peut pas entendre ça chaque fois qu’on pose
une question !
M. le
président. Je mets aux voix les amendements nos 21679 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 67
Nombre
de suffrages
exprimés 59
Majorité
absolue 30
Pour
l’adoption 11
Contre 48
(Les amendements no 21679
et identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements identiques,
nos 2553 et 25265.
L’amendement no 2553
de Mme Michèle Victory est défendu.
La parole est à Mme Sylvia
Pinel, pour soutenir l’amendement no 25265.
Mme Sylvia
Pinel. Cet amendement vise à exclure les fonctionnaires du dispositif en
supprimant les alinéas 8 à 10 de l’article 6. En effet, le système par
points n’est pas favorable aux fonctionnaires, compte tenu de la construction de
leur carrière et des primes qui leur sont attribuées. La faiblesse des
rémunérations, notamment en début de carrière, est particulièrement défavorable
aux différentes fonctions publiques, notamment pour les catégories B et C
et pour les enseignants. Ainsi, pour que les enseignants conservent le même
niveau de pension dans un système où celle-ci n’est plus calculée sur les six
derniers mois, il faudrait augmenter leur rémunération de 25 %, soit une
dépense d’environ 12 milliards d’euros qui, comme nous le savons tous, est
loin d’être budgétée. Nous sommes également assez loin des 100 euros de
prime annoncés par le ministre de l’éducation nationale. L’étude d’impact n’est
d’ailleurs pas de nature à nous rassurer à cet égard, car elle minore
sensiblement la baisse des pensions des professeurs sans préciser le mode de
calcul employé.
La prise en compte des primes pour l’acquisition de
points ne compenserait qu’à la marge la baisse des pensions pour ceux qui en
perçoivent peu, comme les enseignants et les personnels administratifs de
l’éducation nationale de catégorie B et surtout C.
C’est pour
pallier ce nouveau mode de calcul désavantageux que le Gouvernement a renvoyé à
une loi de programmation, mais il est regrettable qu’au moment où nous débattons
de cette question, nous ne disposions d’aucun élément chiffré et budgété à ce
propos. (M. Jean Lassalle applaudit.)
M. Alain
Bruneel. Bravo !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements
identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Quelques éléments de précision. Les alinéas
dont les amendements réclament la suppression concernent, pour l’alinéa 8,
les trois fonctions publiques, pour l’alinéa 9, les fonctionnaires de la
DGSE, la Direction générale de la sécurité extérieure, et pour l’alinéa 10,
les fonctionnaires parlementaires, notamment ceux de l’Assemblée nationale que
je salue à cette occasion. Il me semblerait particulièrement anormal d’exclure
l’ensemble de ces personnels du champ d’application de la réforme, ce qui
reviendrait d’ailleurs à vouloir que les seules catégories de la fonction
publique concernées par le nouveau système soient les magistrats et les
militaires, ce qui n’est certainement pas votre intention. Avis défavorable,
donc.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Même avis.
Je me suis
déjà longuement exprimé hier, avant-hier et les jours précédents sur l’éventuel
surcoût que l’adoption du nouveau système pourrait faire peser sur les
collectivités locales. J’ai, du reste, déjà évoqué la question avec le Conseil
national d’évaluation des normes. Le tableau de l’étude d’impact dont j’ai donné
les références à plusieurs reprises montre bien que l’effet de la réforme, à
terme, sera positif pour les collectivités locales. Ces dernières devront, en
revanche, assumer ce qui a trait aux rémunérations de leurs agents s’acquittant
de missions régaliennes, notamment les pompiers et la police municipale. Tout
cela a déjà été abordé à de nombreuses reprises dans cet hémicycle et je vous
renvoie à mes réponses précédentes.
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M.
Jean-Paul Dufrègne. On ne cesse de nous interpeller en nous reprochant
de ne faire que des interventions de forme ou de répéter systématiquement les
mêmes choses.
M. Bruno
Millienne. C’est un constat !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Je regrette donc que M. Petit nous ait fait
perdre quelques secondes de notre précieux temps (Exclamations sur plusieurs
bancs des groupes MODEM et LaREM) à évoquer le nombre d’amendements examinés
ou encore en discussion.
Monsieur Petit, vous qui semblez très documenté
sur ce projet de réforme, j’aurais préféré que vous employiez votre temps de
parole à répondre à la question très précise que j’ai posée et qui, me
semble-t-il, n’avait pas encore été évoquée dans cet hémicycle : celle de
la comparaison du coût global du recrutement d’un fonctionnaire, traitement et
pension compris,…
M. Régis
Juanico. Exactement !
M.
Jean-Paul Dufrègne. …dans le système actuel et dans celui que propose le
projet de loi.
Si j’ai posé cette question, c’est parce que je la crois
susceptible de lever certains doutes quant à la conséquence, sur le niveau des
pensions, du passage d’un calcul fondé sur les six derniers mois à un calcul
prenant pour référence l’ensemble de la carrière. Pour ce qui concerne les
catégories C, notamment, qui bénéficient de peu de primes, nous restons
très dubitatifs face à vos affirmations. Donnez-nous donc les chiffres qui
prouvent que nous n’avons pas de souci à nous faire !
C’est bien une
question de fond, monsieur Petit, quand bien même vous trouveriez que les
amendements qui nous permettent de la poser sont de pure forme. De nombreux
agents de la fonction publique qui nous regardent ou qui prendront connaissance
de nos débats ne manqueront pas d’être intéressés par la réponse.
(M. Alain Bruneel et M. Jean Lassalle
applaudissent.)
(Les amendements identiques nos 2553 et
25265 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de dix-huit amendements identiques,
nos 21696 et identiques déposés par les membres du
groupe la France insoumise et no 25162.
La parole est à
Mme Clémentine Autain, pour soutenir l’amendement no 21696 et
les seize amendements identiques déposés par le groupe La France insoumise.
Mme
Clémentine Autain. Il propose de supprimer l’alinéa 8, lequel tend
à appliquer aux fonctionnaires votre système de retraite par points.
Je
veux rappeler que le traitement d’un fonctionnaire en fin de carrière représente
en moyenne 123 % du traitement moyen perçu au cours de sa carrière. Ainsi,
alors que le taux de remplacement d’un enseignant, avec une pension calculée sur
les six derniers mois, est aujourd’hui de 70,5 %, il passerait à
47,65 % dans votre système, soit une chute vertigineuse de 32 %. En
revanche, pour l’État, l’économie atteindrait 42,7 milliards d’euros, une
manne non négligeable. Aujourd’hui, au bout d’un certain nombre de trimestres,
les fonctionnaires touchent une pension équivalant à 75 % du traitement
perçu au cours des six derniers mois. Avec votre nouveau système, ce serait
totalement différent, ce qui nous inquiète bien sûr au plus haut
point.
Vous souhaitez procéder à une compensation, ce qui suppose qu’il y
a un manque à gagner – soyons au moins d’accord sur ce point. Les
fonctionnaires, qui subissent depuis neuf ans le gel du point d’indice,
devraient légitimement, pour cette seule raison, être augmentés. Mais les
chiffres dont nous entendons parler aujourd’hui sont si médiocres et si
dérisoires qu’on ne voit absolument pas comment vous parviendrez à compenser
l’effet dévastateur de l’instauration du système à points sur leurs pensions de
retraite. L’Assemblée pourrait-elle donc avoir des éclaircissements concernant
les augmentations de salaire des fonctionnaires ?
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir
l’amendement no 25162.
M. Régis
Juanico. Je rebondis sur les propos tenus à l’instant par notre collègue
Clémentine Autain en m’intéressant plus particulièrement aux conséquences de la
réforme pour les enseignants. Pour le moment, nous avons entendu beaucoup de
déclarations d’intentions. Vous avez annoncé une loi de programmation pour
revaloriser le traitement des enseignants à hauteur de 10 milliards d’euros
mais aussi une loi de programmation pluriannuelle pour doter la recherche de
5 milliards. Compte tenu de la somme en jeu – 15 milliards
d’euros : une paille ! –, il serait tout de même appréciable
qu’en trois semaines de débat, le ministre de l’éducation daigne venir au moins
une fois devant la représentation nationale pour nous expliquer cela en
détail !
Il n’est pourtant question ni d’un dégel du point d’indice,
dont Clémentine Autain vient de rappeler la nécessité, ni d’une revalorisation
des grilles salariales. Vous n’évoquez qu’une augmentation des primes. Or si
l’on examine en détail celles qui sont annoncées pour 2021, on constate que, sur
un total de 500 millions, 200 millions seront bien distribués sous la
forme de primes d’attractivité destinées aux enseignants – pas à tous
d’ailleurs –, ce qui représente 90 à 100 euros par mois en moyenne,
mais que le reste, 300 millions, sera versé sous la forme de primes au
mérite.
Il est certain que si M. Blanquer devait être payé au
mérite, son salaire baisserait. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM
et MODEM.)
Mme Sylvie
Charrière. Quelle mesquinerie !
M. Régis
Juanico. N’ai-je pas raison ? Comme nous l’avons dit hier, il n’y a
jamais eu aussi peu d’enseignants inscrits au concours qu’aujourd’hui. En
matière d’attractivité, merci du résultat ! (Applaudissements sur les
bancs du groupe GDR. – M. Jean Lassalle applaudit aussi.)
On nous a raconté que, sous cette législature, le budget de l’éducation était
devenu pour la première fois le premier de la nation. Vous plaisantez ?
Vous n’avez aucune mémoire politique ! C’est le cas depuis 2012 ! Vous
n’êtes pourtant pas nés en 2017 !
Quoi qu’il en soit, je reviendrai
plus tard sur la question des primes. (Applaudissements sur les bancs des
groupes SOC et GDR.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur ces
amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il est vrai que les enseignants et les
chercheurs souffrent, depuis plusieurs décennies, d’un décalage grandissant de
leur rémunération. Il est donc important d’engager une réflexion sur ce sujet
qui, tout en étant important, diffère de celui des retraites. Comme je l’ai dit
à plusieurs reprises, dans la mesure où le projet de loi concerne la totalité
des professions qui existent en France, il nous conduit à évoquer les
difficultés propres à chacune d’entre elles, des agriculteurs aux avocats. Mais
même si ces difficultés peuvent trouver une résonance dans le débat sur les
retraites, il convient de ne pas mélanger les sujets.
Madame Autain,
comment imaginer que les pensions des fonctionnaires pourraient chuter de
37 % ? Les premières pensions calculées selon le nouveau système
seront versées à partir de 2037. Dans l’intervalle, il faudra évidemment
distinguer selon les catégories : pour certains fonctionnaires,
l’intégration des primes compensera les pertes liées au nouveau mode de
calcul ; pour d’autres, la situation sera peut-être différente. Il faudra
donc définir des trajectoires pendant la période de transition. Je vous rappelle
que des amendements déposés à l’article 61 prévoient l’application de la
clause à l’italienne garantissant qu’aucune perte ne sera possible par rapport
au système actuel. Avis défavorable.
M. le
président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Le rapporteur s’est exprimé
très clairement. En outre, ayant déjà donné un avis défavorable aux amendements
tendant à supprimer les alinéas 8 à 10, je ne peux qu’en faire de même pour
ce qui concerne le seul alinéa 8.
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Je souhaite revenir rapidement sur le taux de remplacement,
c’est-à-dire sur le rapport entre le niveau de la pension et celui du dernier
salaire.
Dans le nouveau système, le taux de remplacement n’a plus de
sens. Je le disais à propos de l’amendement surréaliste qui visait à garantir un
certain taux de remplacement en augmentant au besoin les salaires : un tel
raisonnement est absurde.
Prenons des chiffres très simples. Aujourd’hui,
un panier de 325 milliards est à répartir entre environ 16 millions de
retraités, ce qui représente une pension de 1 700 euros par mois pour
chacun en moyenne. En 2040, ce « gâteau » s’élèvera à
400 milliards – il sera donc bien en augmentation, même si la part de
la dépense par rapport au PIB aura perdu quelques micropoints – pour
environ 19,5 millions de retraités, ce qui représente encore une pension de
1 700 euros par personne.
Le fait que ce niveau moyen de
pension reste constant prouve que notre système de retraite est redistributif.
En effet, le taux de remplacement sera plus faible pour les pensions élevées –
je rappelle que ce sont les très hauts salaires qui pâtiront le plus du nouveau
mode de calcul –, tandis que certains bénéficieront, grâce au minimum
contributif, d’un taux de remplacement de plus de 100 %. Regardez donc les
chiffres tels qu’ils sont ! Le taux de remplacement n’a plus de sens dans
le cadre du système à points. On ne peut pas parler d’un « taux de
remplacement » à partir de l’ensemble de la carrière,…
Mme
Marie-Christine Dalloz. Les leçons du professeur Petit, ça
suffit !
M. Frédéric
Petit. …on part certes de l’ensemble de la carrière, mais pour effectuer
un autre calcul. Finissons-en avec cette obsession du taux de remplacement, car
celui-ci reste stable en ce qui concerne le niveau moyen de pension,…
M. Boris
Vallaud. Non !
M. Frédéric
Petit. …le seul critère pour lequel la comparaison entre les deux
systèmes est valable.
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Vous ne pouvez pas dire cela, mon cher collègue ! Il est
vrai que l’étude d’impact est très lacunaire, s’agissant en particulier du taux
de remplacement par régime, par génération ou par métier. Mais les conclusions
du Conseil d’orientation des retraites – COR – sont claires. La situation va
même empirer en raison de la baisse de la part des retraites dans le PIB, qui
tombera de 14 à 12,9 %. Oui, le taux de remplacement va baisser, et de
façon significative ! L’écart de niveau de vie entre les retraités et les
actifs va baisser globalement de 25 à 30 % selon les hypothèses. Personne
ne peut prétendre le contraire, c’est une donnée objective. Le seul moyen de
compenser la baisse du niveau de pension sera de travailler plus longtemps. Et
encore, à partir de certaines générations, il faudra travailler plus longtemps
tout en subissant une baisse du taux de remplacement. Vous ne pouvez pas dire le
contraire. Votre d’étude d’impact indique même que tous les fonctionnaires,
aussi bien les professeurs agrégés ou certifiés que les ATSEM – agents
territoriaux spécialisés des écoles maternelles –, devront travailler plus
longtemps pour maintenir leur niveau de pension, et cela à cause de la baisse du
taux de remplacement. L’écart de niveau de vie entre actifs et inactifs
retrouvera le niveau qu’il atteignait dans les années 80 !
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. M. Petit a dit que, dans le nouveau système, le taux
de remplacement ne voulait plus rien dire. D’une certaine façon, il a raison, et
c’est tout le problème car ce taux a de la valeur à nos yeux. Il renvoie à la
question de la continuité entre le niveau du dernier salaire – qui est en
principe le meilleur – et celui de la pension. Il nous semble important de
garantir un bon taux de remplacement, ce que vous ne faites absolument pas, et
vous venez d’ailleurs d’en convenir.
Vous dites aux enseignants que vous
allez leur distribuer des primes et examiner les possibilités d’augmentation de
salaire pour que leur retraite soit moins dégradée. Nous pensons, nous, qu’il
faut augmenter la rémunération des enseignants, non pas pour améliorer leurs
retraites, mais parce que c’est de toute façon nécessaire en soi : c’est
pour cela que votre démonstration s’écroule comme un château de cartes. Nous
voulons à la fois assurer un bon salaire et une bonne retraite pour les agents
de la fonction publique comme pour les salariés du privé.
Les primes que
vous annoncez et qui, d’après les propositions du ministre, s’élèveront à 45 ou
à 90 euros par mois selon que l’on aura choisi un étalement sur dix ans ou
sur vingt ans, seront rapidement absorbées par l’inflation. Convenez que ce
n’est pas satisfaisant et que ces primes ne produiront pas l’effet attendu. En
outre, ces primes valorisent tout ce qui est extérieur au cœur de leur métier
et, si on en juge par la situation actuelle, perpétueront les inégalités entre
les femmes et les hommes dans l’ensemble de la fonction publique.
On peut
lire, à la page 149 de l’étude d’impact, que « les taux de
remplacement, soit la différence entre le dernier revenu d’activité et la
retraite, des agents publics sont équivalents à ceux des salariés malgré ses
règles différentes ». Comment ferez-vous pour que perdure, au sein du
nouveau système, cette parité entre le public et le privé ? Vous n’y
parviendrez pas.
Enfin, ces derniers jours, vous vous êtes félicités que
la pénibilité soit enfin prise en considération dans la fonction publique. Or
vous supprimez le classement en catégorie active, qui permettait justement de
prendre en considération la pénibilité des emplois de 700 000 agents
de la fonction publique. Ne jouez donc pas sur les mots et dites-nous la
vérité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et
SOC.)
M. Boris
Vallaud. Bravo !
M. le
président. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Je voudrais tout d’abord saluer l’appétit de notre collègue
Petit pour une question qui me semble essentielle : la part consacrée aux
retraites dans la richesse produite. Nous arrivons là au cœur du débat. Comme
vient de le relever mon collègue Dharréville, vous avez dit que la référence au
taux de remplacement devait disparaître du texte car, en quelque sorte, elle n’a
plus d’intérêt. Vous assumez d’ailleurs l’absence d’engagement à ce sujet. On
comprend bien pourquoi, cher collègue. À travers l’outil technique du taux de
remplacement, on s’engage sur un niveau de pension. Or vous ne pouvez pas le
faire car, précisément, votre texte fait du niveau de pension des Français la
variable d’ajustement de l’équilibre financier.
Je reviens au débat que
nous avons eu sur le PIB et qui vous a particulièrement intéressé. Malgré toutes
les réformes des retraites qui ont déjà fortement dégradé le niveau de pension
des Français – en raison, entre autres, de la modification du mode
d’indexation ou de la durée de cotisation –, on a jusqu’à présent, à mesure
que le nombre de seniors augmentait dans la population française, toujours
augmenté la part de la richesse nationale consacrée aux retraites, ce qui nous a
permis de connaître, en France, un taux de pauvreté des seniors bien inférieur à
celui observé chez nos voisins européens – même s’il existe chez nous des
situations de forte précarité.
Votre objectif, avec ce texte, est de
faire de la part actuelle dans le PIB des dépenses consacrées aux retraites
–14 % – un plafond à ne pas dépasser ; cette part va même diminuer –
nos collègues l’ont dit et le Conseil d’État l’a vérifié –, alors même que les
projections démographiques montrent que la proportion des seniors dans la
population va poursuivre sa tendance à la hausse. Si vous voulez garantir un
niveau de pension correct aux gens, vous n’avez qu’une solution : renoncer
à cet objectif et admettre qu’il faut, comme on l’a toujours fait, consacrer aux
retraites une part importante de la richesse nationale. Dans le cas contraire,
vous ne pouvez agir que sur une seule variable, le niveau des pensions. Et comme
vous n’assumez pas le fait de dire aux gens qu’ils toucheront une pension plus
faible, vous leur annoncez qu’ils vont devoir travailler plus longtemps
– ce qui revient au même. Le résultat, pour les Français, c’est qu’avec
votre système, pour toucher le même niveau de pension, ils devront travailler
plus longtemps – et toujours plus longtemps à mesure que l’espérance de vie
augmentera. C’est quasi mécanique.
En somme, vous entendez réaliser en
une seule fois, par ce qui s’apparente à une mesure d’âge, la quinzaine ou la
vingtaine de réformes que nos collègues de droite auraient peut-être voulu
engager. (M. Jean-Paul Dufrègne et
Mme Elsa Faucillon applaudissent.)
(Les amendements no 21696 et
identiques ne sont pas adoptés.)
Suspension et reprise de la séance
M. le
président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures trente, est reprise à dix heures
quarante-cinq.)
M. le
président. La séance est reprise.
Je suis saisi de dix-huit
amendements identiques : l’amendement no 21715 et seize
amendements déposés par les membres du groupe La France insoumise, et
l’amendement no 25163.
La parole est à
Mme Clémentine Autain pour soutenir l’amendement no 21715 et les
seize amendements identiques déposés par les membres du groupe La France
insoumise.
Mme
Clémentine Autain. Ils visent à supprimer
l’alinéa 9.
Monsieur le rapporteur, vous avez fait référence à la
clause à l’italienne, mais elle ne concerne que les périodes de transition et
elle n’apporte aucune garantie d’aucune sorte. Elle ne constitue donc pas une
réponse à la question que nous vous posons de façon répétitive et
obstinée : par quel miraculeux mécanisme que nous n’aurions pas vu le taux
de remplacement peut-il être garanti pour les fonctionnaires ? Je ne
comprends absolument pas comment cela est possible à la lecture de votre texte
– nous faisons tous la même lecture sur les bancs de l’opposition de
gauche. Reste ensuite à savoir si le taux de remplacement chute de 32 % ou
de 25 % : vous pourriez nous fournir des chiffres plus précis, mais
ils sont bien de cet ordre de grandeur. Les organisations de fonctionnaires
l’ont fort bien compris, et leurs projections confirment cette
analyse.
Pour la troisième fois, je vous demande aussi de répondre à
notre question relative au taux unique. Aujourd’hui, une circulaire prévoit que
l’État prend en charge une contribution à hauteur de 74 % ; quant aux
collectivités, elles contribuent à hauteur de 30 %. Demain, avec
l’alignement sur les normes du privé, nous aurons une contribution de l’État à
hauteur de 17 %. Comment cela n’aboutirait-il pas à une baisse vertigineuse
pour les fonctionnaires ? Comment les fonctionnaires amortiront-ils la
hausse de leurs propres cotisations, qui passeront de 10 à 12 %, soit une
ponction de 3 milliards ? Comment la hausse annoncée des traitements
des fonctionnaires compenserait-elle le gel du point d’indice, la hausse des
cotisations de retraite et, en prime, si j’ose dire, le manque à gagner lié à
votre réforme des retraites ? Cela fait quand même beaucoup, et je
comprends leur colère.
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir
l’amendement no 25163.
M. Régis
Juanico. Je poursuis mon propos précédent sur les lois de programmation
et la revalorisation des traitements, en particulier ceux des enseignants et des
chercheurs. Les montants en jeu sont assez importants, de l’ordre de
15 milliards d’euros. Pourrions-nous avoir des précisions sur le calendrier
d’examen de ces deux lois de programmation ? Leur application
s’étalera-t-elle jusqu’en 2037, comme cela se répète ? Si c’est le cas, on
est sur la longue durée, et vous n’aurez pas nécessairement la possibilité de
décider vous-mêmes des montants et du calendrier futurs. Pouvez-vous nous donner
des précisions sur les sommes engagés année après année afin de compenser la
forte baisse des pensions ?
Les enseignants sont extrêmement
inquiets aujourd’hui pour leur retraite parce qu’ils se sont aperçus qu’avec
votre système, le montant de leur pension diminuerait fortement. Ce n’est pas en
leur proposant 300 millions de primes au mérite, liées à une formation
suivie pendant les congés scolaires, à des remplacements dans les établissements
du second degré effectués en heures supplémentaires – aujourd’hui, cela ne
fonctionne pas du tout – ou à l’encadrement du service national universel
que vous les convaincrez et que vous les rassurerez.
J’ai constaté, mardi
dernier, lors des questions au Gouvernement, un changement de ton du
Gouvernement. Le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse répondait à
notre collègue Philippe Latombe. Les enseignants ont passé les vacances
scolaires à corriger les copies des E3C, les épreuves communes de contrôle
continu du baccalauréat. Vous n’allez pas, en plus, leur demander de suivre des
formations coûteuses pour l’éducation nationale ! Quant aux E3C, je vous
invite à lire le rapport de l’inspection générale de l’éducation
nationale : on ne saurait être plus clair sur le sujet.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des
amendements identiques ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Entre la commission et la séance, cela doit
bien faire une dizaine de fois que je réponds à ces questions, mais je suis prêt
à me répéter.
Madame Autain, vous parlez du taux de remplacement. Ce
n’est pas tant le mode de calcul qui est important, c’est l’équilibre entre les
actifs, la production de richesse et les retraités. Si, demain, la couverture
des pensions des retraités par les actifs n’est pas assurée – et l’enjeu
est avant tout démographique –, le taux de remplacement ne pourra pas être
à la hauteur des espérances de tous. Tout l’objet de la réforme est de
mutualiser les cotisations de tous les actifs afin de mieux assurer, demain, le
règlement de toutes les pensions.
Vous avez également évoqué
l’écroulement du taux de cotisation de l’État. Je l’ai déjà dit, actuellement
l’État employeur ne verse pas à proprement parler de cotisations : il règle
simplement les pensions des retraités de la fonction publique. En comparant le
montant total de ces pensions aux sommes versées aux actifs de la fonction
publique, on déduit que l’engagement de l’État correspond à un « taux de
cotisation » de 70 %. Demain, on passera de ce taux facial théorique à
un taux réel de 17 % de cotisation. L’État s’est clairement engagé à ce que
le différentiel soit versé à la Caisse nationale de retraite
universelle.
Avis défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Madame Autain, nous avons déjà
abordé plusieurs dizaines de fois la question de la contribution de l’État.
Peut-être serait-il plus intéressant, y compris pour les députés, quel que soit
leur groupe, d’aborder de nouveaux sujets et d’avancer. Avis
défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Monsieur le secrétaire d’État, à l’occasion de nos
échanges, nous avons le sentiment de progresser dans le débat et de saisir de
mieux en mieux la gravité de votre réforme. C’est pour cela que nous ajoutons
des questions au fur et à mesure que nous avançons.
Monsieur le
rapporteur, vous refusez de traiter la question du taux de remplacement pour
nous expliquer que les pensions résultent du rapport entre les actifs, les
retraités et la production de richesses. Nous abordons les choses par l’autre
bout : nous voulons garantir un taux de remplacement, ce qui implique de
consacrer aux droits à la retraite une certaine part des richesses produites
dans le pays. Il y a entre nous un désaccord fondamental.
Vous faites
entrer tout le monde, y compris les agents de la fonction publique, dans un
nouveau régime général, qui comporte en réalité plusieurs régimes, en faisant
disparaître les catégories actives. Gérard Aschieri, ancien secrétaire général
de la FSU, et Anicet Le Pors, ancien ministre délégué chargé de la fonction
publique, rappellent que ces éléments appartiennent au statut de la fonction
publique et que s’y attaquer, comme vous le faites, n’est pas sans poser
problème. Ils précisent dans une récente tribune que « s’il existe une
fonction publique avec un statut et des règles communes à tous, c’est parce que
l’action publique a besoin d’agents qui travaillent ensemble pour prendre en
charge l’intérêt général et qu’ils le fassent dans le respect d’un certain
nombre de principes fondamentaux : égalité, pérennité, responsabilité,
indépendance par rapport aux intérêts particuliers. Et les garanties dont ils
bénéficient sont étroitement liées à ce besoin et à ces principes ». Ils
ajoutent : « Peut-on imaginer que les agents changeront aisément de
lieu de travail, de fonction, de métier s’ils n’ont pas de visibilité sur leurs
droits et sur les conséquences de ces
changements ? »
Finalement, ils considèrent que les
dispositions que vous entendez mettre en œuvre « sont tout sauf
novatrices : elles nous ramènent à une époque où les agents publics étaient
sujets et non citoyens, et où on leur demandait simplement d’exécuter et se
taire ». Il s’agit d’une conception de la fonction publique qui n’est pas
tout à fait celle qui s’est construite au cours de l’histoire de notre
République. Ne sous-estimons pas l’atteinte portée par votre réforme…
M. le
président. Merci de conclure, monsieur le député !
M. Pierre
Dharréville. …à la fonction publique et à l’esprit de la fonction
publique, au-delà de celle qui concerne les retraites
elles-mêmes !
M. le
président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je
sollicite quelques éclaircissements. Dans son avis l’AMF, l’Association des
maires de France, s’inquiète d’une hausse des cotisations pour les
collectivités. Il faut apporter une réponse à ces dernières. Je comprends bien
que vous engagez une réforme complète du système, mais dès lors que
l’intégration des primes augmentera l’assiette des cotisations, l’avertissement
de l’AMF ne peut pas rester lettre morte.
À la lecture des pages 208
à 214 de l’étude d’impact, on constate que, demain, ceux qui auront eu la chance
de faire une carrière très ascendante pourront partir plus tôt, avec un niveau
de pension identique à celui qu’ils auraient aujourd’hui. S’ils ne partent pas
plus tôt, leur pension sera même supérieure – c’est par exemple le cas pour
un magistrat qui, selon les tableaux de l’étude d’impact, percevrait
200 euros supplémentaires tous les mois. Autrement dit, vous avez choisi de
privilégier ceux qui ont eu une carrière ascendante : ils auront une
meilleure retraite ou pourront partir plus tôt qu’aujourd’hui.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Très bien !
M. Philippe
Vigier. En revanche, prenez le cas des ATSEM : pour qu’ils
maintiennent leur niveau de pension actuel, ils devront partir à la retraite à
65 ans. Tous ceux qui ont été maires parmi vous savent combien d’ATSEM sont
encore en fonction à 65 ans : cela n’existe pas !
M. Pierre
Dharréville. Il a raison !
M. Philippe
Vigier. Sans esprit polémique, je souhaite donc comprendre pourquoi vous
favorisez les carrières ascendantes et pourquoi les agents de catégorie C
ne sortent pas gagnants de la réforme et devront prendre leur retraite plus
tard. Le terme d’âge pivot est mort dès lors que l’on sait qu’avant 65 ans,
on ne partira pas avec une pension équivalente à celle que l’on obtient
aujourd’hui. Ce sont les chiffres de l’étude d’impact ! Ils appellent une
réponse, monsieur le secrétaire d’État, car nous considérons qu’il y a là une
injustice. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et GDR.)
M.
Jean-Paul Dufrègne. Tout à fait !
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Monsieur le rapporteur, vous nous expliquez que
l’État s’est « engagé » à ce que sa contribution dans le paiement des
retraites des fonctionnaires soit d’une certaine manière inchangée.
« Engagé » : c’est extraordinaire ! Il s’agit d’une parole
qui ne vaut strictement rien d’un point de vue juridique. Le texte ne prévoit
aucune garantie en la matière. Je vous rappelle que l’État s’était engagé à
compenser auprès de notre système de caisses de retraite les exonérations
fiscales décidées par le gouvernement actuel. Finalement, il y a un manque à
gagner de plus de 5 milliards d’euros. Rien n’a été compensé !
M.
Jean-Paul Dufrègne. Tout à fait !
Mme
Clémentine Autain. Vu de la Seine-Saint-Denis, je vous assure que la
compensation, nous voyons à peu près ce que cela veut dire. L’État s’était par
exemple engagé à compenser les dépenses de RSA lorsqu’il a transféré la
compétence aux collectivités territoriales. Il avait oublié de préciser que la
compensation ne valait que pour l’année n, et que lorsque le nombre de
demandeurs exploserait en année n+3, la compensation resterait inchangée.
Finalement, qui paie ? La collectivité compétente.
Qu’est-ce cela
veut dire, « l’État s’est engagé » ? Cela veut dire qu’il y a un
trou béant dans votre système : nous ne savons pas quelle sera la part de
la contribution de l’État pour financer la retraite des
fonctionnaires.
Non seulement ils vont intégrer le régime à points, ce
qui fragilisera leur taux de remplacement, mais en prime on ne sait même pas
comment sera gagée la somme nécessaire pour payer leurs retraites.
« L’’État s’est engagé », cela ne veut rien dire !
M.
Jean-Paul Dufrègne. C’est une vraie question !
M. Philippe
Vigier. Très bonne question !
M. le
président. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. Le sujet dépasse la question du seul traitement des
fonctionnaires. Il faut considérer l’impact micro pour chaque fonctionnaire et
l’impact macro pour nos finances publiques. L’étude d’impact a-t-elle intégré
les augmentations prévues pour les fonctionnaires – on parle de
10 milliards d’euros –, qui exigeront des cotisations en plus ?
L’intégration des primes dans l’assiette des cotisations pose question, Philippe
Vigier l’a souligné. Quelles compensations sont prévues par l’État ? Quels
sont les derniers arbitrages ? Qui va payer ? Le contribuable national
ou local, ou bien le cotisant ?
N’y a-t-il pas là un problème de
méthode ? Il faudrait mener une réforme majeure de notre fonction publique
avant d’engager la réforme des retraites, sinon les métiers de la fonction
publique risquent de perdre en attractivité, alors qu’on en a cruellement
besoin. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et LT.)
Mme
Brigitte Kuster. Très bien !
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. Je rappelle que d’ici 2040, le montant affecté aux retraites
– indépendamment du pourcentage de PIB qu’il représentera – sera
multiplié par quatre, alors que le nombre de retraités ne le sera que par deux.
Par ailleurs, dans le système actuel, l’âge du départ à taux plein passe déjà de
63,7 à un peu plus de 65 ans. Voilà pour les calculs.
S’agissant du
taux de remplacement garanti par la loi, pourquoi le fixer à 75 % ?
Hier, vous proposiez des taux de remplacement à 100 % – ce serait le
cas avec une retraite égale au SMIC.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Les gens seraient riches avec ça !
M. Frédéric
Petit. Nous proposons même des taux de remplacement à 500 %, que
vous essayez de nous empêcher d’introduire. En effet, pour un exploitant
agricole ayant eu une carrière difficile, qui bénéficiera de la retraite
minimum, le taux de remplacement – si on regarde sa définition – sera
de 500 %. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
M. Pierre
Dharréville. Vous mélangez tout !
M. Frédéric
Petit. Je vous rappelle aussi que des amendements des groupes GDR et FI
proposent des taux de remplacement infinis lorsqu’ils envisagent d’octroyer une
retraite aux bénéficiaires du RSA. Comment voulez-vous qu’on mette un chiffre
dans la loi ? C’est impossible ! Le taux de remplacement se constate.
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à Mme Cendra Motin.
Mme Cendra
Motin. En tant que commissaire aux finances, j’ai été pendant deux ans
rapporteure spéciale du budget des ressources humaines de la fonction publique.
Dans ce cadre, j’ai constaté que sous le mandat précédent, nos amis socialistes
avaient décidé d’une augmentation du point d’indice. Une partie de cette
augmentation a été mise en œuvre en 2016, financée par la dette ; la
deuxième partie, décidée en 2017 au sein d’un budget que la Cour des comptes a
qualifié d’insincère, n’a pas été financée.
Ils avaient également accepté
le protocole PPCR – Parcours professionnels, carrières et
rémunérations – qui sert à revaloriser les carrières de tous les
fonctionnaires. Ils ont préparé une série de décrets et fait beaucoup de
promesses, mais n’ont prévu aucun financement – zéro ! –, alors
que rien que pour l’année 2019, la mesure revenait à 745 millions d’euros.
Au total, ce sont 4 milliards d’euros qui n’ont pas été financés et que
nous sommes en train de déployer, petit à petit, sur plusieurs années. Nous
tenons les promesses qu’ils avaient faites sans les financer.
S’agissant
des professeurs, en 2013, une prime de 300 euros avait été décidée par le
précédent gouvernement. Elle non plus n’a pas été déployée par manque de
financement. Aujourd’hui, en 2020, nous la déployons et la finançons. La loi de
programmation relative aux enseignants contiendra non seulement des
propositions, mais également des schémas de financement. Ce texte sera réservé à
ces mesures, qui engageront l’État dans la durée – car c’est aussi à cela
que sert la loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. M. Quatennens expliquait se servir des
amendements de suppression pour aborder d’autres sujets, mais à force de
propositions de forme, on oublie le fond. En l’occurrence, l’alinéa sur lequel
porte la série d’amendements traite de l’intégration au SUR des agents de la
Direction générale de la sécurité extérieure – DGSE. Quelle que soit notre
vision de leur mission, on aurait pu avoir l’attention de les citer ! Je
trouve regrettable qu’ils n’aient été mentionnés dans aucune des interventions.
Cela confirme le manque d’à-propos de cette méthode de suppression alinéa par
alinéa.
(Les amendements no 21715 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de dix-huit amendements identiques :
l’amendement no 21732 et seize amendements identiques déposés
par les membres du groupe La France insoumise, ainsi que l’amendement
no 25164.
La parole est à Mme Clémentine Autain, pour
soutenir les amendements no 21732 et identiques du groupe La
France insoumise.
Mme
Clémentine Autain. Je suis très étonnée par la remarque du rapporteur
Turquois. L’ensemble de l’article est décliné par catégories de
fonctionnaires ; ainsi, l’alinéa que nous proposons de supprimer dans cette
série d’amendements concerne les fonctionnaires des assemblées parlementaires.
Mais la question globale est celle du statut des fonctionnaires et de la pension
qui leur sera versée. Nos interventions n’ont rien de dilatoire ; au
contraire, nous voulons entrer dans le cœur du sujet, non pour saucissonner le
débat, mais pour suivre la logique générale des dispositions relatives aux
fonctionnaires.
Les fonctionnaires eux-mêmes sont vent debout contre
votre réforme, tout comme les avocats, les agriculteurs et bien d’autres
catégories. Il y a une immense colère dans notre pays. Comment expliquez-vous le
fait que personne, visiblement, ne vous comprenne ?
(M. Jean Lassalle applaudit.) Vous nous dites garantir
que les fonctionnaires auront une pension équivalente à celle
d’aujourd’hui ; pourquoi alors y a-t-il des grèves en chaîne partout et des
corps professionnels mobilisés comme jamais ? (M. Jean Lassalle
applaudit.) Les enseignants n’ont pas été aussi engagés dans les
manifestations et les grèves depuis 2003, et vous nous dites : circulez, il
n’y a rien à voir ! Excusez-moi, mais il y a un
problème !
Est-il possible de parler du cœur du sujet ? Vous
voulez aligner le calcul des pensions du secteur public sur les normes du privé,
elles-mêmes totalement laminées : il s’agit de prendre en compte l’ensemble
de la carrière et non plus, pour les salariés du privé, les vingt-cinq
meilleures années et pour les fonctionnaires, les six derniers mois. Comment
pouvez-vous prétendre qu’il s’agit là d’un progrès social ? C’est une
immense régression sociale que vous organisez, et c’est de cela que nous
voudrions parler !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce
n’est pas la peine de crier !
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir
l’amendement no 25164.
M. Régis
Juanico. Je suis très étonné par l’intervention de Cendra Motin, qui
nous explique que vous allez faire une loi de programmation promettant de
revaloriser le traitement des enseignants pour 2037 – un chèque en
blanc –, et qui assure que vous allez tenir vos engagements.
M. Patrick
Hetzel. Exactement !
M. Régis
Juanico. Cette loi nécessitera de trouver, d’ici 2037, 10 à
12 milliards pour revaloriser les traitements et compenser ainsi la
diminution des pensions ; c’est ce qu’a expliqué Jean-Michel Blanquer. Je
préférerais qu’il vienne nous l’expliquer au banc, devant la représentation
nationale – on le réclame depuis maintenant trois jours –, mais vous
ne pouvez pas garantir que vous allez tenir les engagements que vous prendrez
dans le cadre d’une loi de programmation allant jusqu’en 2037.
Par
ailleurs, vous n’avez pas honoré une série de revalorisations que nous avions
décidées dans le cadre du protocole PPCR.
Mme Cendra
Motin. C’est faux !
M. Régis
Juanico. Vous avez commencé le mandat en supprimant 2 500 postes
dans l’éducation nationale, en particulier dans le second degré. Arrêtez de nous
renvoyer à notre héritage : cela fait trois ans que vous êtes aux
commandes, alors assumez !
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. On assume ! Mais on ne veut pas
assumer la politique que vous avez menée pendant cinq ans !
M. Régis
Juanico. Vous dites que le budget de l’éducation nationale est le
premier budget de l’État depuis 2017 ; mais il l’est depuis 2014. Sous la
précédente législature, il a augmenté de 1 à 1,5 milliard d’euros chaque
année, et 50 000 postes ont été créés – alors que quand
M. Blanquer était directeur général de l’enseignement scolaire, sous
Nicolas Sarkozy, il en avait supprimé 80 000. (Exclamations sur les
bancs du groupe LaREM.) Mais oui, il faut avoir un peu de mémoire
politique ! Les députés qui ont fait trois ou quatre mandats s’en
souviennent !
Par conséquent, arrêtez ces remarques. Vos promesses à
l’éducation nationale représentent un chèque en blanc, mais ne nous dites pas
que vous allez revaloriser le traitement des enseignants.
Mme
Marie-Christine Verdier-Jouclas. Bien sûr que si !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je l’ai déjà dit il y a quelques
jours : je ne remets pas en cause les convictions des uns et des autres,
mais j’apprécierais que chacun les exprime de façon plus apaisée et moins
sonore.
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce
n’est pas la peine de hurler, on vous entend !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Madame Autain, je ne conteste pas la
logique générale de vos interventions, mais il serait quand même bon d’évoquer
le sujet spécifique de chaque amendement et de l’alinéa concerné. Tout à
l’heure, il s’agissait des agents de la DGSE ; là, des agents des
assemblées parlementaires,…
Mme
Clémentine Autain. Mais je l’ai dit !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. …auxquels je réitère l’expression de ma
pleine reconnaissance ; je pense notamment aux fonctionnaires du service de
la séance, qui se relaient nuit et jour.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Et hop, un coup de brosse à reluire, ça ne fait pas
de mal ! (Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce
n’est pas très correct !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Vigier, je me permets de répondre
à votre interpellation sur la fonction publique territoriale. J’entends que les
collectivités peuvent s’interroger sur la hausse des cotisations liée à
l’intégration des primes dans l’assiette. Mais à côté de l’élargissement de
l’assiette de cotisation, le taux de cotisation employeur va passer de 30,6 à
17 %. Élargissement de l’assiette, mais baisse du taux : au total, le
changement permettra même d’augmenter la rémunération des personnels
concernés.
Je suis aussi surpris de vous entendre dire que nous
privilégions les carrières ascendantes par rapport aux fonctionnaires de
catégorie C. En effet, d’autres ont prétendu au contraire que le système à venir
allait désavantager ceux qui s’élèvent dans la carrière par rapport au système
actuel, où les pensions sont calculées sur les vingt-cinq meilleures années
– pour le régime général – ou les six derniers mois – pour les
fonctionnaires.
M. Thibault
Bazin. Cela dépend du régime !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Cela prouve bien que nous avons recherché
l’équilibre. Les mesures proposées peuvent faire l’objet d’interprétations
différentes, mais nous souhaitons surtout introduire plus de solidarité à
l’égard de ceux qui ont les carrières les plus fragiles.
Avis
défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Madame Autain – cette
réponse fera également écho à la question de M. Vigier –, le graphique
no 52 de la page 157 de l’étude d’impact montre bien que
les fonctionnaires ne perdent rien. Vos interrogations sur la prise en compte
des six derniers mois ou de la carrière complète trouvent leur réponse à
plusieurs endroits de l’étude. Je vous invite à consulter ces courbes, qui sont
explicites.
Pour ce qui est des agents de catégorie C – ce point a
été évoqué à plusieurs reprises, notamment par M. Vigier –, j’ai
repris les tableaux auxquels vous faisiez référence. Il y a en effet plusieurs
cas types : pour les ATSEM, les taux de remplacement avant 64 ans sont
proches, voire supérieurs à ce qu’ils sont actuellement. Vous avez raison de
souligner que c’est après 64 ans qu’ils augmentent de façon significative,
mais il n’y a pas de perte importante avant cet âge.
Je suppose que vous
souhaitiez souligner que les plus primés des fonctionnaires y gagneraient plus
que les autres. En effet, le taux moyen des primes, chez les fonctionnaires,
s’établit à 23 %, mais il existe un écart très significatif entre le niveau
des primes des fonctionnaires de catégorie A et celui des enseignants et
enseignants-chercheurs. C’est pourquoi nous voulons faire une loi de
programmation pluriannuelle de la recherche – qui vous donnera l’occasion,
monsieur Juanico, de débattre avec le ministre de l’éducation nationale et de la
recherche, qui la défendra. Dans ce domaine, nous prenons un engagement
fort ; vous l’avez contesté, nous renvoyant à des dispositions du Conseil
d’État, mais je le réaffirme : nous nous engageons politiquement vis-à-vis
des enseignants et enseignants-chercheurs. Certes, vous l’avez bien compris, il
ne s’agit pas de s’arrêter à une simple injonction, mais de traduire cette loi
de programmation dans les faits. Son examen sera un grand moment d’échange
démocratique avec le ministre. Vous connaissez bien le sujet et souhaitez en
débattre ; faites crédit à M. Blanquer de sa volonté de défendre son
texte.
Monsieur Vigier, vous avez également évoqué les magistrats, dont
les taux de prime avoisinent les 40 %. Vous l’avez souligné : plus les
taux de prime sont importants, plus l’écart avec ceux qui ont peu de primes,
notamment les enseignants, l’est également. Il est nécessaire de revaloriser la
rémunération des fonctionnaires de catégorie A qui ont peu de primes ;
nous le faisons pour les enseignants-chercheurs. En raison de la prise en compte
des primes dans le calcul de la pension, la situation est différente pour les
fonctionnaires qui en ont beaucoup, comme les magistrats. Plus la part des
primes dans le revenu global est importante, plus l’impact positif sur la
pension de retraite est notable.
Enfin, vous avez évoqué le courrier
envoyé par la Coordination des employeurs territoriaux au Premier ministre.
Celui-ci lui répondra évidemment, de façon circonstanciée et dans les meilleurs
délais.
M. le
président. La parole est à Mme Elsa Faucillon.
Mme Elsa
Faucillon. Comme les maires, auprès de qui l’État s’était engagé à
compenser les effets de la réforme de la taxe professionnelle, les enseignants,
dont vous vous engagez aujourd’hui à augmenter la rémunération, savent bien
qu’en l’absence de dispositif pérenne, la compensation de ce qui leur est retiré
n’est pas garantie.
Nous n’acceptons pas la logique de
compensation que vous établissez pour les fonctionnaires et en particulier pour
les professeurs, qui seront les très grands perdants de cette réforme. La
compensation est une pression, à l’image de celle que vous instaurez avec l’âge
d’équilibre, qui pourra être reporté toujours un peu plus loin ; on pourra
menacer les travailleurs de nouvelles ponctions s’ils n’acceptent pas de
travailler plus longtemps.
Les engagements que vous avez pris vis-à-vis
des enseignants ne correspondent même pas à une logique de rattrapage ; ils
ont perdu entre 20 % et 30 % de pouvoir d’achat au cours des vingt à
trente dernières années. Vous leur promettez 50 à 90 euros net par mois
– et encore, pas pour toutes et tous – et vous leur demandez des
contreparties. Les primes feront partie du calcul du montant de la retraite,
mais elles ne représentent que 12 % en moyenne du salaire des professeurs,
contre 53 % pour les lieutenants de gendarmerie. De plus, les femmes seront
pénalisées, parce qu’elles ont moins de primes et effectuent moins d’heures
supplémentaires. Sans compter que vous proposez aux enseignants d’encadrer le
service national universel – SNU – pendant des périodes
d’enseignement ; il faudra donc leur trouver des remplaçants à la fin du
mois de juin. Tout cela n’est pas sérieux et ne correspond pas à une logique de
rattrapage ou de compensation ; ce n’est pas juste pour ces fonctionnaires
qui font cinq ans d’études et dont les conditions de travail sont aujourd’hui
très dégradées.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Très bien !
M. le
président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Ma formation de base m’a appris à bien lire les tableaux. À la
page 208 de l’étude d’impact, le tableau 52 présente le cas d’un
adjoint administratif de catégorie C. S’il est né en 1975 et part à la
retraite à 62 ans, sa pension sera égale à 1 352 euros ;
après votre réforme, elle s’élèvera à 1 301 euros, soit une perte
mensuelle de 51 euros. Je peux décliner ce tableau quels que soient l’âge
et la génération – agents nés en 1980, 1990 ou 2003. Ce n’est que pour un
agent né en 2003 que la pension est plus élevée – de 5 euros. La situation
est la même pour les ATSEM.
Malheureusement, ceux qui appartiennent aux
catégories les plus modestes et qui ont le moins de primes seront pénalisés au
moment de leur retraite. Je ne critique pas votre choix concernant les
magistrats, monsieur le secrétaire d’État : je suis heureux qu’un magistrat
à la retraite ait demain une augmentation de 23 % de sa pension. Mais je
cherche à comprendre pourquoi ceux qui ont les retraites les plus faibles ne
bénéficient pas d’une revalorisation plus importante ; j’attends une
réponse à ce sujet.
J’entends les propos de M. le rapporteur
concernant la baisse des cotisations sur les futures primes. Monsieur le
secrétaire d’État, prenez-vous l’engagement solennel, devant la représentation
nationale, de garantir une neutralité financière totale pour les collectivités
territoriales dans l’application de la réforme des retraites ? (M.
Jean-Paul Dufrègne applaudit.) Les dotations aux collectivités font l’objet
d’une enveloppe normée ; ce n’est pas Mme Motin qui me
contredira. Soit il y a une dotation complémentaire, soit il n’y en a pas, mais
les collectivités territoriales ne peuvent pas se permettre de porter la charge
financière de cette réforme.
Une bonne décision a été prise concernant la
reprise partielle des déficits dans les hôpitaux – à hauteur de
10 milliards. Malheureusement, on ne peut pas l’appliquer tant qu’une loi
organique n’a pas été votée. Pour les collectivités, envisagez-vous un système
similaire à celui retenu pour les enseignants, à savoir une nouvelle échelle de
rémunération pour compenser l’évolution entraînée par cette réforme ? Vous
engagez-vous à faire en sorte que la neutralité financière soit au
rendez-vous ? (Mme Brigitte Kuster et M. Jean-Paul
Dufrègne applaudissent.) À quinze jours des élections municipales et du
renouvellement des équipes et des engagements, notamment en matière de fiscalité
locale, il s’agit d’un enjeu majeur. (Applaudissements sur les bancs des
groupes LT et LR. – M. Jean-Paul Dufrègne applaudit aussi.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. Nous examinons l’alinéa 10 de l’article 6,
qui concerne les fonctionnaires du Parlement. Peut-être devrions-nous nous
déporter, puisqu’il concerne les fonctionnaires des assemblées parlementaires…
Plus sérieusement, nous siégeons depuis maintenant près de quinze jours. Nous
abordons des problèmes de fond, parfois dans le désordre, et on a du mal à
suivre les débats. Je regrette que nous n’avancions pas davantage ; j’ai
hâte d’arriver à l’article 9, qui traite des modalités de fixation et
d’attribution du point.
Je n’ai pas pour habitude de faire des rappels au
règlement. Je suis passionné par nos débats et je suis de plus en plus convaincu
qu’il s’agit d’une très bonne réforme. Beaucoup de choses sont dites, nous
arrivons à rebondir sur les articles et nous traitons des problèmes de fond.
Nous avons évoqué la fonction publique territoriale et l’avancement des
agents ; j’ai expliqué hier l’avantage que représente l’incorporation des
primes dans le calcul de la retraite. Je suis sensible à la situation des ATSEM,
surtout lorsqu’elles travaillent à temps partiel – je dis
« elles », parce que ce sont très souvent des femmes.
Par
respect pour les députés qui sont présents depuis le début de l’examen de ce
projet de loi, il serait sympathique de poser des questions sur le fond. Je peux
comprendre que certains souhaitent la suppression de l’article 6, mais pas
que chaque alinéa fasse l’objet d’amendements de suppression. Il est fatigant
d’écouter les mêmes arguments répétés, d’autant que ce sont les mêmes sujets qui
sont systématiquement abordés. Certes, cela nous permet de mieux comprendre la
réforme, mais nous gagnerions à accélérer notre discussion. (Applaudissements
sur quelques bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Patrick Hetzel.
M. Patrick
Hetzel. Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai écouté avec attention.
Une nouvelle fois, tenir ce débat sans aborder la question du financement
constitue un immense problème…
un député du groupe
LaREM. Déjà dit !
M. Patrick
Hetzel. …notamment d’un point de vue constitutionnel.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Bien sûr !
M. Patrick
Hetzel. Nous y reviendrons.
Manifestement, le Gouvernement semble
ne pas entendre les interlocuteurs institutionnels. Le Conseil supérieur de la
fonction militaire, qui n’est pas constitué de révolutionnaires, a formulé
depuis plusieurs mois des demandes précises – par exemple, disposer d’un
simulateur permettant de connaître les conséquences de la réforme pour les
militaires peu ou pas primés. Les militaires souhaitent savoir à quelle sauce
ils seront mangés ; or la question de ceux qui sont peu ou pas primés n’est
pas résolue.
De manière générale, cette question se pose pour l’ensemble
des fonctionnaires. J’entends les propos du Gouvernement et, hier encore, ceux
de Mme Elimas nous expliquant à quel point le rattrapage prévu pour les
enseignants était formidable. Vous le savez pertinemment, ce rattrapage se fera
sur une période de quarante ans ! En outre, il ne s’agit pas d’une
revalorisation : vous êtes obligés de prévoir des mesures pour essayer de
limiter la casse provoquée par votre réforme, parce que votre compensation ne
suffira même pas !
Vous n’êtes pas simplement en train de flouer les
enseignants, vous êtes en train de flouer l’ensemble des Français !
(Applaudissements sur les bancs du groupe LR –
M. Jean-Paul Dufrègne applaudit également.) Parce qu’il
n’y a pas de clarté, nous ne pouvons pas faire de simulations précisse. Cette
incertitude est présente dans le débat depuis le début : c’est tout de même
incroyable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – MM. Régis
Juanico et Jean-Paul Dufrègne applaudissent aussi.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.
M.
Jean-René Cazeneuve. Je me concentrerai sur la fonction publique
territoriale. Premièrement, contrairement à ce que j’ai pu entendre, l’AMF
– l’Association des maires de France – et la Coordination des
employeurs territoriaux ne sont absolument pas opposées à cette réforme. Elles
ont formulé des questions,…
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous aussi !
M.
Jean-René Cazeneuve. … ce qui est logique compte tenu du caractère
structurel de cette transformation. Elles ne s’inscrivent pas dans une
opposition, mais dans une logique de coconstruction.
Deuxièmement, les
collectivités territoriales ont beaucoup embauché à partir des années
1980 ; les fonctionnaires partant à la retraite sont désormais très
nombreux, alors que l’effectif des fonctionnaires actifs est stable. Cette
problématique s’intègre dans une logique de gestion des ressources humaines
beaucoup plus globale que la seule question des retraites.
Troisièmement,
et cela a été dit par M. le rapporteur, il y a une importante marge de
manœuvre qui permettra, j’en prends le pari, d’augmenter significativement les
rémunérations des fonctionnaires de catégorie C. En effet, le taux de
cotisation sur la part patronale passera de 30,65 % à 17 %
environ.
Sur ce sujet, comme sur beaucoup d’autres, nous avons eu des
réponses précises de la part de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d’État.
Ayons maintenant la sagesse de ne pas y revenir dix, vingt, trente ou cent
fois…
M.
Jean-Paul Dufrègne. Nous y reviendrons !
M.
Jean-René Cazeneuve. … pour pouvoir enfin aborder les autres sujets.
(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et
MODEM.)
M. le
président. La parole est à M. Hervé Saulignac.
M. Hervé
Saulignac. Permettez-nous au moins de revenir sur les questions qui
n’ont pas reçu de réponses suffisamment claires ! Dans ce débat sur les
fonctionnaires, vous vous évertuez à nous montrer qui sont les gagnants, mais
nous voyons beaucoup plus clairement qui sont les perdants. Les réponses qui
nous sont apportées ne sont pas probantes s’agissant des grands perdants, à
savoir les agents de la catégorie active que vous allez supprimer. Nous parlons
de 700 000 agents des trois fonctions publiques subissant des risques
particuliers ou des fatigues exceptionnelles. La moitié d’entre eux
appartiennent à la fonction publique hospitalière, qui, en raison même de cette
suppression, est la grande perdante de ce projet de loi.
Mme Motin nous a dit que la majorité tenait les promesses que
les gouvernements précédents avaient faites ; cet exemple montre qu’elle
est également capable de détruire ce que les gouvernements précédents avaient
instauré, notamment pour les agents les plus vulnérables.
Si nous
parvenons à l’article 36, nous verrons que vous avez fait une sorte de tri
parmi les agents, puisque vous n’avez retenu que ceux qui relèvent des missions
les plus dangereuses. Loin de moi l’idée de vouloir les écarter des départs
anticipés : j’y suis tout à fait favorable. Mais je trouve étonnant que
l’on puisse s’intéresser prioritairement à ceux qui ont des missions dangereuses
et à ce point laisser de côté ceux qui ont des missions laborieuses. Je pense
ici à toutes celles et ceux qui sont – permettez-moi l’expression – au
« cul du camion » : les éboueurs, les égoutiers, les personnels
soignants dont les missions sont très complexes. Vous renvoyez vers le compte
pénibilité, mais les trois quarts des personnels soignants en seront exclus et
le départ anticipé que vous proposez est un recul considérable, puisqu’il se
fera à 60 ans et non plus à 57 ans. Donnez-nous des éléments de
réponse beaucoup plus précis que ceux que vous nous avez donnés jusqu’à présent
sur ces questions !
(Les amendements no 21732 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi d’un amendement no 37726 qui
fait l’objet d’un sous-amendement no 42047.
Sur
l’amendement no 37726, je suis saisi par le groupe La République
en marche d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans
l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Guillaume
Gouffier-Cha, rapporteur général, pour soutenir l’amendement.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission
spéciale. Cet amendement, que je vous ai déjà annoncé lors du débat
liminaire sur l’article 6, vise à aménager les modalités d’entrée des
fonctionnaires des assemblées parlementaires dans le système universel de
retraite. Par souci de clarté et de confiance et par respect du dialogue social,
il a naturellement été présenté aux organisations syndicales représentatives
avant son dépôt ; d’autre part, il a été préparé en bonne intelligence avec
les présidents et les questeurs des deux assemblées.
Les dispositions
qu’il contient reflètent un triple choix. Premier choix : celui de la
cohérence avec les mesures adoptées en commission spéciale pour les
parlementaires dans le projet de loi organique. Comme les députés et les
sénateurs, les fonctionnaires parlementaires qui entreront en fonction à compter
du 1er janvier 2022 seront directement affiliés au système
universel de retraite, sans attendre 2025. Dès 2022, les régimes des assemblées
parlementaires seront donc fermés et n’accueilleront plus de nouveaux
cotisants.
Deuxième choix : le respect de l’autonomie des assemblées
parlementaires, qui découle du principe de séparation des pouvoirs – au sujet
duquel M. Viry nous a interpellés hier soir. Cet amendement vise à
préserver l’autonomie financière de l’Assemblée nationale et du Sénat en
laissant à l’une et à l’autre sa compétence de gestion d’une population réduite
aux derniers ressortissants.
Troisième choix, enfin : la
préservation des droits acquis. Dès 2025, tous les fonctionnaires de l’Assemblée
nationale et du Sénat nés à compter de 1985 et entrés en fonction avant 2022
seront également intégrés au système universel. Les autres fonctionnaires
parlementaires nés avant 1985 demeureront affiliés aux caisses actuelles. Les
anciens fonctionnaires ayant liquidé leurs droits avant 2025 demeureront
affiliés à ces caisses quelle que soit leur année de naissance.
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir le
sous-amendement no 42047.
Mme
Clémentine Autain. Je constate que par cet amendement, la majorité En
marche souhaite accorder des conditions plus favorables aux fonctionnaires des
assemblées parlementaires. En ce qui nous concerne, nous sommes globalement
opposés au régime par points et à son application aux fonctionnaires, y compris
ceux des assemblées.
Je pose néanmoins la question suivante : sur
quels arguments se fonde le choix de décaler de dix ans l’application du nouveau
système aux fonctionnaires des assemblées et de leur accorder un certain nombre
d’aménagements plutôt favorables par rapport au choc que constitue le passage au
régime par points ? Peut-être avez-vous craint une grève des fonctionnaires
de l’Assemblée nationale ? Que s’est-il passé pour que vous décidiez
d’instaurer un système plus favorable aux fonctionnaires des assemblées ?
Tant mieux pour eux : ils accomplissent un travail absolument remarquable
que nous apprécions chaque jour. Nous les soutenons – et nous pouvons les
applaudir (Applaudissements sur divers bancs) car ces fonctionnaires
zélés sont très attentifs à nous accompagner dans notre travail parlementaire.
Or pour les soutenir, nous estimons qu’il ne faut pas appliquer cette réforme.
Quoi qu’il en soit, j’aimerais comprendre ce qui a motivé la présentation subite
d’un amendement leur accordant des éléments de compensation qui leur permettront
d’amortir le choc.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur le
sous-amendement ?
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Avis
défavorable : le sous-amendement ne vise qu’à remplacer un mot par un mot
équivalent. Comme vous, madame Autain, je tiens à saluer le travail,
l’engagement et la qualité de tous les fonctionnaires des deux assemblées
(Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et LR), en
particulier leur engagement au service de l’intérêt général et de la Nation, qui
n’est plus à démontrer.
Deux critères ont fait consensus dans les
discussions entre les assemblées et avec les organisations syndicales : le
respect des dispositifs de départ anticipé qui existent, qui conduisait à fixer
la date à retenir autour de 1985, et le choix de cette même année pour d’autres
régimes spéciaux. Ces deux critères ont fait l’objet d’une discussion et d’un
accord entre les présidents, les questeurs et les organisations syndicales des
deux assemblées.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et le
sous-amendement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Le Gouvernement ne souhaite pas
s’immiscer dans la gestion des assemblées ; j’émettrai donc un avis de
sagesse et laisserai l’Assemblée débattre et choisir les modalités de gestion
des spécificités relatives aux fonctionnaires parlementaires.
M. Bruno
Millienne. Bravo !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je prends bonne note de la
remarque de M. Vigier sur le tableau 52 de l’étude d’impact sur les
adjoints administratifs de catégorie C ; j’ajoute que figure quelques
pages plus loin le tableau 66, qui porte précisément sur les ATSEM. C’est
sans doute parce que nous parlions de deux tableaux différents que nous peinions
à nous comprendre. Vous retrouverez mes arguments dans le tableau 66, mais
j’entends les vôtres sur les fonctionnaires de catégorie C. La réforme que
nous proposons, dites-vous, vise à inciter les Français – sans les contraindre –
à travailler un peu plus : c’est en effet ce que vous pouvez conclure du
tableau 52, mais notre échange avait commencé sur la question distincte des
primes. Encore une fois, je prends bonne note de votre remarque et vous confirme
que notre projet de réforme vise à inciter les Français à travailler un peu
plus, quelle que soit leur catégorie d’activité – comme en témoignent avec
pertinence la majorité des tableaux figurant dans l’étude d’impact, qui sont
bien construits et reflètent la réalité. Remercions les fonctionnaires qui les
ont établis avec diligence et efficacité.
M. le
président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine
Dubié. Pouvez-vous, monsieur le rapporteur général, apporter des
précisions sur le I de l’amendement, qui vise à substituer la référence au
troisième alinéa de l’article 8 de l’ordonnance de 1958 par une référence à
son cinquième alinéa ? En effet, le troisième alinéa a trait au statut des
agents titulaires des services des assemblées parlementaires, tandis que le
cinquième porte sur les procédures contentieuses et le recouvrement de créances.
Il me semble donc cohérent d’évoquer les « fonctionnaires relevant du
troisième alinéa » : pourquoi le remplacer par le cinquième
alinéa ?
M. le
président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme
Marie-Christine Dalloz. Voici un nouvel exemple qui prouve que nous
passons de régime dérogatoire en régime dérogatoire.
Mme
Clémentine Autain. Eh oui !
Mme
Marie-Christine Dalloz. Tout cela est bien difficile à comprendre. Il
eût été intéressant que nous connaissions l’avis des questeurs sur l’amendement
du rapporteur général : c’est tout de même sous leur autorité qu’est géré
le budget de l’Assemblée nationale. Or ils sont absents et nous ignorons leur
avis. À tout le moins aurions-nous pu disposer de l’avis du Bureau de
l’Assemblée, puisque l’amendement est en lien direct avec le budget de
l’institution.
J’en viens au fond de l’article 6, tant il existe de
disparités entre les catégories de fonctionnaires. Penchons-nous par exemple sur
le tableau 58 de l’étude d’impact, page 211, qui présente le taux de
remplacement des professeurs des écoles – une profession dont nous n’avons guère
parlé ce matin. Ceux d’entre eux qui, nés en 1975, partiront à la retraite à
64 ans, bénéficieraient d’un taux de remplacement brut de 60 % hors du
système universel, mais de 58 % seulement dans le nouveau système.
Autrement dit, leur pension de retraite diminuera. On pourrait croire que les
choses évolueront avec les générations, mais non : les professeurs des
écoles nés en 1990 qui partiront à la retraite à 64 ans bénéficieront d’un
taux de remplacement de 57 % dans le système actuel et de 54 % dans le
système universel. C’est une différence de trois points, qui augmente donc au
fil des générations !
Quant aux ATSEM, le tableau 66 ne
comporte aucune simulation pour la génération née en 1975 – le dispositif
ne devait pas leur être très favorable. Les simulations ne commencent qu’avec la
génération née en 1980. Tout cela montre l’imprécision de ce texte non abouti et
mal préparé. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Pour une fois, je partage les propos de
Mme Dalloz : je me réjouis que les fonctionnaires des assemblées
parlementaires bénéficient de compensations et que leur passage dans le nouveau
régime soit moins violent – tant mieux pour eux ! Cela étant dit, de grands
principes ont été adoptés, y compris celui de l’universalité, et voilà que le
texte découpe, au fil de négociations presque hasardeuses, un système qui n’est
pas le même pour tous. Je répète donc ma question, à laquelle
M. Gouffier-Cha n’a pas répondu : sur quels arguments précis se fonde
le choix d’adopter des dispositions visant à amoindrir le choc par rapport à
d’autres catégories de fonctionnaires ? On nous répond qu’il s’agit de
fonctionnaires remarquables. Je partage ce point de vue, ils sont en effet
remarquables. Vous conviendrez néanmoins que les personnels hospitaliers et les
enseignants sont eux aussi des fonctionnaires remarquables, et que les
discussions les concernant n’ont manifestement pas suivi le même rythme – en
tout cas, pas assez pour qu’ils puissent obtenir des compensations.
En
clair, quelque chose nous chiffonne dans cette affaire. Nous nous abstiendrons
donc pour une raison évidente, que les fonctionnaires des assemblées
parlementaires comprendront : nous ne voulons pas de l’ensemble de ce
régime pour eux. Nous ne voterons pas contre les mesures d’amélioration les
concernant, mais nous restons farouchement convaincus que le régime par points
est néfaste pour l’ensemble des fonctionnaires.
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Cet amendement est en effet surprenant. En premier lieu, je
ne comprends guère – mais sans doute pourrez-vous me l’expliquer – comment il a
pu passer la rampe de l’article 40 de la Constitution, tandis que nombre de
mes amendements ont été écartés à ce titre. (Mme Elsa Faucillon applaudit.)
M. Patrick
Hetzel. Très bonne remarque !
M. Pierre
Dharréville. Pourquoi un sort particulier est-il ainsi réservé à un
amendement de la majorité ?
M. Hervé
Saulignac. Oui, l’amendement est irrecevable !
M. Thibault
Bazin. C’est l’injustice en marche !
M. Pierre
Dharréville. D’autre part, cet amendement est une forme d’aveu – l’aveu
qu’il existe au cœur même de votre projet de loi un problème qui l’empêche de
tenir debout. Çà et là, vous prévoyez des exceptions à votre bon vouloir – en
l’occurrence, je suis favorable à ce que les fonctionnaires de l’Assemblée
nationale et du Sénat bénéficient d’un véritable droit à la retraite, ce que ne
permettra pas votre système. À cet égard, nous pouvons partager votre intention.
Dans ce cas, néanmoins, la même question se pose pour toutes les autres
catégories ! Tout cela n’est pas sérieux et témoigne de l’impréparation de
votre projet. Vous légiférez au fil de l’eau, en marchant, au doigt mouillé.
Rien de tout cela n’est très cohérent. De surcroît, nous ne disposons pas de
tous les éléments nécessaires pour apprécier les effets de votre
amendement.
Il a beaucoup été question de paniers, un terme que
M. Petit affectionne. Chez moi, on dit : « c’est pas des figues
du même panier ! ». Précisément : chacune de vos propositions est
une figue d’un panier différent. (Applaudissements sur les bancs des groupes
GDR et FI. – M. Hervé Saulignac applaudit aussi)
M. le
président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. Je reprendrai à mon compte la remarque de
M. Dharréville : il est tout à fait étonnant que l’amendement ait été
déclaré recevable, à moins de considérer qu’il ne crée aucune charge nouvelle ni
aucun avantage supplémentaire pour les fonctionnaires des assemblées. Il aurait
en effet été intéressant que nous entendions l’avis des questeurs sur le sujet,
mais aussi celui des rédacteurs et des huissiers, afin de savoir ce que cette
mesure signifiera pour eux. Une fois de plus, nous ne disposons d’aucune espèce
d’information sur les décisions qui pleuvent les unes après les autres dans ce
projet de loi définitivement mal préparé.
M. le
président. La parole est à Mme Catherine Fabre.
Mme
Catherine Fabre. Je me réjouis que l’ensemble des députés reconnaissent
le travail et la grande valeur des fonctionnaires parlementaires.
Je
voudrais apporter quelques précisions,…
M. Maxime
Minot. Arrêtez de retarder les débats !
Mme
Catherine Fabre. …car vous suggérez, à droite comme à gauche, que des
régimes dérogatoires seraient conservés. Je le dis haut et fort, les
fonctionnaires des assemblées intégreront le régime universel !
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
M. Hervé
Saulignac. Universel à géométrie variable !
Mme
Catherine Fabre. Leurs régimes actuels sont appelés à disparaître, car
il n’y aura plus de nouveaux entrants.
Depuis le début, nous disons que
nous sommes prêts à prendre le temps pour que chaque personne appelée à intégrer
le système universel puisse l’envisager avec sérénité.
M. Pierre
Dharréville. Repoussons la réforme, alors !
Mme
Catherine Fabre. Nous prenons le temps avec les fonctionnaires des
assemblées, comme nous le faisons avec les personnes affiliées à certains
régimes spéciaux. Cela, vous le savez très bien, et il n’y a là rien
d’étonnant.
Nous souhaitons que la transition s’opère dans la douceur et
la sérénité, ce que nous pouvons faire grâce à notre anticipation. Nous
conduisons la réforme avec responsabilité, en fixant une échéance suffisamment
lointaine pour bénéficier d’un climat apaisé, ce dont nous nous
réjouissons.
Dire, comme vous le faites, que nous maintenons des régimes
dérogatoires ou spéciaux est complètement faux. Les fonctionnaires
parlementaires seront bien inclus dans le régime universel, mais nous le faisons
sereinement, car nous sommes responsables. Nous prenons du temps pour déployer
la réforme, et c’est très bien ainsi.(Applaudissements sur plusieurs bancs du
groupe LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Patrick Mignola.
M. Patrick
Mignola. Chaque groupe de la majorité dit un mot, mais je vais essayer
de faire le plus court possible pour ne pas retarder les débats.
Nous ne
pouvons que nous réjouir que la fonction publique parlementaire intègre
progressivement le nouveau système que nous mettons en place. Nous le répétons à
l’envi : nous devons tous vivre dans un même système, qui sache s’adapter
aux spécificités de chacun. Plutôt que celles-ci s’expriment par statut, voire
par entreprise publique, elles doivent s’exprimer par métier, afin que chacun
puisse trouver dans ce nouveau système la reconnaissance de ses efforts, de ses
mérites et de ses difficultés, y compris individuelles.
En l’occurrence,
la fonction publique parlementaire a tout intérêt à intégrer rapidement le
système universel, même si la transition sera longue pour celles et ceux qui
étaient affiliés à une caisse spécifique. En effet, grande novation, la loi
prendra en compte la pénibilité dans la fonction publique. Travailler dans la
fonction publique parlementaire n’est pas plus pénible qu’ailleurs, quoique
travailler au service de parlementaires qui peuvent parfois se montrer pénibles
pourrait rendre pénible le travail à leur service…
(Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas applaudit.) Mais
avec la réforme, ces fonctionnaires bénéficieront d’un progrès social important
au cours des prochaines années.
M. le
président. La parole est à M. le rapporteur général.
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Madame Dubié,
vous avez fait référence au droit existant sur l’alinéa 5, qui devient en
fait l’alinéa 3. S’agissant de la recevabilité des amendements au titre de
l’article 40 de la Constitution, chers collègues, je vous renvoie à la
série d’amendements dont nous avons débattu il y a quelques jours portant sur
les dates d’entrée en vigueur du système. La suggestion est identique à notre
texte, sachant qu’il n’y a pas de droit nouveau proposé.
Mme
Marie-Christine Dalloz. C’est l’article 91 !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Par ailleurs, les
fonctionnaires parlementaires et les parlementaires seront les premiers à entrer
dans le nouveau système universel de retraite.(Applaudissements sur quelques
bancs du groupe LaREM.)
M. Boris
Vallaud. Génial !
M.
Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. C’est une bonne
chose !
Je tiens à remercier les administrateurs de l’Assemblée,
assis au banc derrière nous, pour tout le travail accompli depuis des jours.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Rappel au règlement
M. le
président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour un rappel au
règlement.
M. Pierre
Dharréville. La meilleure manière de remercier les administrateurs
serait de ne pas voter ce mauvais projet, qui s’appliquera également à
eux.
Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 98-1. Nous nous
étonnons que des amendements, surtout des sous-amendements d’ailleurs, soient
« retirés avant discussion » par le service de la séance, qui
s’institue législateur à notre place. J’ignore les consignes qui leur ont été
données (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM), mais je
m’étonne que certains amendements disparaissent et soient considérés comme
retirés alors que tel n’est pas le cas.
Monsieur le président, comme
vous êtes garant du bon fonctionnement de la séance, j’aimerais que vous nous
informiez sur cette nouvelle et étonnante procédure. (M. Boris Vallaud
applaudit.)
M. Patrick
Hetzel. Très bien !
M. le
président. Monsieur Dharréville, je n’ai pas en tête les
sous-amendements qui auraient disparu, mais je vous donnerai toutes les
informations nécessaires une fois qu’elles m’auront été transmises.
Article 6 (suite)
(Le sous-amendement no 42047 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix l’amendement no 37726.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 89
Nombre
de suffrages
exprimés 63
Majorité
absolue 32
Pour
l’adoption 63
Contre 0
(L’amendement no 37726 est
adopté.)
(Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
M. le
président. Je suis saisi de dix-huit amendements identiques :
l’amendement no 21749 et seize amendements identiques déposés
par les membres du groupe La France insoumise, et l’amendement
no 25165.
Sur ces amendements identiques, je suis saisi
par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
Le
scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole
est à M. Éric Coquerel, pour soutenir l’amendement no 21749
et les seize amendements identiques déposés par les membres du groupe La France
insoumise.
M. Éric
Coquerel. J’ai entendu avec plaisir M. Mignola dire que le nouveau
système pourrait s’appliquer par métier, ce qui est étonnant pour un système
universel ; mais comme il ne l’est pas, ce n’est pas surprenant. Nous
pourrions imaginer des sous-amendements pour chaque corps de la fonction
publique. L’amendement que nous venons de voter pour les fonctionnaires
parlementaires, qui me satisfait, pourrait faire jurisprudence. J’appelle les
fonctionnaires à s’engouffrer dans la brèche et à mettre la pression sur le
Gouvernement, parce qu’ils pourraient obtenir satisfaction selon l’intensité de
leur revendication ou le besoin que l’on a d’eux.
Hier soir, une collègue
de la majorité a expliqué que les avocats devaient cesser leur grève, car ils
perturbaient le service public de la justice. Les principaux syndicats de
magistrats sont intervenus dans le débat sur les retraites ; ainsi, le
Syndicat de la magistrature indique que « comme beaucoup de professions,
nous n’avons toujours aucune information précise, aucune projection sur la
manière dont la réforme des retraites s’appliquera aux magistrats ».
L’Union syndicale des magistrats, principal syndicat de la magistrature,
« partage le constat dressé par les avocats d’une justice à bout de
souffle » et pointe la responsabilité du Gouvernement dans les
dysfonctionnements dus au mouvement social en cours, en évoquant notamment les
réformes successives qui attaquent la justice dans sa globalité.
Voilà
les réflexions des principaux syndicats de la magistrature sur votre réforme et
sur le mouvement social. Comme pour d’autres corps de métiers, votre réforme
n’est pas favorable à ceux qui travaillent ; opposée aux intérêts des
magistrats, elle l’est aussi à ceux de la justice.
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir
l’amendement identique no 25165.
M. Régis
Juanico. Lors de ses vœux aux armées le 16 janvier dernier, le
Président de la République a affirmé qu’il tiendrait compte de l’avis du Conseil
supérieur de la fonction militaire sur la réforme des retraites. Le CSFM a
indiqué qu’il ne pouvait émettre d’avis favorable, car « certaines
dispositions fragilis[ai]ent notre modèle d’armée et la condition
militaire ». Il pointe notamment les modalités de calcul de la pension
militaire dans le futur régime de droit commun. En effet, celles-ci, incitant à
rester en activité plus longtemps, induiraient un vieillissement de la
population militaire, évolution de nature à créer une discordance entre
l’objectif de la réforme et l’impératif, posé par la loi, d’une moyenne d’âge
jeune des effectifs de l’armée.
Le CSFM critique également l’instauration
d’une règle de calcul assise sur l’ensemble de la carrière, au lieu des six
derniers mois, qui engendrera inéluctablement une baisse des pensions pour
certains militaires ne bénéficiant pas, ou peu, de primes. Les militaires du
rang et les jeunes sous-officiers seraient les plus exposés à cette dégradation.
Le CSFM conclut en disant que le nouveau système mettra à mal le principe même
de l’escalier social. Voilà pourquoi notre amendement vise à ne pas appliquer la
réforme aux militaires.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Monsieur Juanico, les amendements
portent sur les magistrats ; les militaires sont cités à l’alinéa suivant.
Les militaires étant des hommes et des femmes très ponctuels, avant l’heure, ce
n’est pas l’heure, et après l’heure, cela ne l’est plus.
M. Régis
Juanico. Pardon.
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je souris, et il est en effet important
d’évoquer les militaires.
Monsieur Coquerel, il y a des difficultés
spécifiques à la justice, comme il y en a dans l’enseignement, la recherche ou
l’hôpital, mais il ne faut pas les confondre avec le sujet des retraites. Nous
souhaitons intégrer les magistrats, comme l’ensemble de la fonction publique et
l’ensemble des actifs dans le nouveau régime. L’avis est donc défavorable.
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Que la justice soit mal en point dans ce pays est une chose
– cette situation ne résulte pas exclusivement de l’action du gouvernement
actuel, même s’il continue, contrairement à ce qu’il prétend, à
l’affaiblir –, mais votre réforme dégradera encore la situation. Certes,
monsieur le rapporteur, le système de retraite remplit une fonction précise,
mais avec l’instauration du nouveau régime, vous préparez, nous l’avons déjà
dit, un plan social chez les avocats. Certains d’entre vous l’assument
d’ailleurs, en évoquant l’émergence d’une justice algorithmique nécessitant
moins d’avocats pour fonctionner. Vous allez fragiliser davantage la justice,
les magistrats vous le disent.
Cette réforme représente un moins-disant
pour tout le monde ; la preuve en est que si une profession exerce une
pression suffisante ou vous est très utile – je pense à la police –,
vous ne lui appliquez pas la réforme avec la même rigueur et vous instituez des
dérogations, qui montrent que votre système n’a rien d’universel. La réforme
sera un moins-disant pour tous les gens qui travaillent dans ce pays et
fragilisera toutes les activités économiques, en l’occurrence celle de la
justice.
M. le
président. La parole est à M. Gilles Carrez.
M. Gilles
Carrez. Monsieur le secrétaire d’État, dans le cadre des régimes
spéciaux de la RATP et de la SNCF, il a été décidé que les conducteurs, et
seulement eux, nés entre 1975 et 1985, resteraient dans le système actuel. Il
s’agit d’une dérogation au droit commun, qui fixe à 1975 l’année de naissance à
partir de laquelle on entre dans le nouveau système.
Un conducteur
de RER recruté au mois de janvier 2021 relèvera, lui, du nouveau système, même
s’il est né entre 1975 et 1985, alors que – si je comprends bien
l’amendement de M. Gouffier-Cha que nous venons d’adopter – un
fonctionnaire de l’Assemblée du même âge, recruté au même moment, n’en relèvera
pas.
M. Philippe
Vigier. Exact !
M. Gilles
Carrez. Cela signifie que le fonctionnaire de l’Assemblée bénéficie d’un
traitement davantage dérogatoire que celui appliqué au conducteur de RER ou de
bus, employé par la RATP ou la SNCF.
M. Philippe
Vigier. Très bonne remarque !
M. Gilles
Carrez. Peut-être ai-je mal compris ; en tout état de cause,
j’aimerais que l’on m’éclaire sur ce point. (M. Philippe
Vigier et M. Alain Ramadier applaudissent.)
M. le
président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai pris bonne note de votre
réponse à ma question portant sur les fonctionnaires de catégorie C. Nous
avons dressé un constat partagé à leur sujet, selon lequel ils sont les moins
gagnants à l’instauration du nouveau système.
Ils seront peut-être même
perdants à court terme, car ils ne seront gagnants que dans trente ans. J’ai en
mémoire le tableau que vous avez évoqué. Pour les ATSEM, le point d’équilibre
sera atteint lorsque les collectivités recruteront des gens nés après
2003.
En revanche, vous n’avez pas répondu – et vous devez y répondre – à
ma seconde question, relative à la situation des collectivités territoriales.
Notre collègue Cazeneuve, qui a quitté l’hémicycle, ne doit pas lire les mêmes
courriers de l’Association des maires de France que ceux dont je suis
destinataire.
Monsieur le secrétaire d’État, j’imagine que vos services
ont procédé à des simulations, de sorte que vous savez précisément, en fonction
des régimes indemnitaires dont relèvent les agents de la fonction publique
territoriale, si, demain, la réforme provoquera ou non un surcoût pour les
collectivités territoriales. Que vous affirmiez ce matin qu’elle sera
financièrement neutre pour elles constitue un gage de confiance.
En tout
état de cause, vous ne pouvez pas la mener à bien contre les collectivités
territoriales et ceux qui en ont la charge. Sur ce point, vous devez offrir des
précisions, et indiquer, en cas de dérive des coûts, les modalités de
compensation prévues.
M. le
président. Je mets aux voix les amendements nos 21749 et
identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 72
Nombre
de suffrages
exprimés 61
Majorité
absolue 31
Pour
l’adoption 8
Contre 53
(Les amendements nos 21749 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Sur les amendements nos 2554 et identiques,
je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin
public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée
nationale.
Je suis saisi d’une série de dix-huit amendements
identiques.
Cette série comporte l’amendement no 2554 de
M. Joachim Pueyo, qui a été défendu par M. Juanico, ainsi que
l’amendement no 21766 et seize amendements identiques déposés
par les membres du groupe La France insoumise.
La parole est à
Mme Clémentine Autain, pour les défendre.
Mme
Clémentine Autain. Nous en venons à présent au cas des militaires, dont
j’imagine qu’il intéresse le Gouvernement ainsi que M. Turquois, qui a
indiqué à plusieurs reprises que nous devons nous pencher sur des cas concrets.
Nous y sommes.
Sur ce point comme sur les autres, nous sommes en présence
– il faut le reconnaître – d’une corporation supplémentaire dont les membres ne
comprennent pas l’intérêt de la réforme, dans laquelle ils voient une immense
régression sociale. Il suffit de se reporter à l’avis du Conseil supérieur de la
fonction militaire – CSFM – pour comprendre la légitimité des inquiétudes des
militaires.
Tout d’abord, cet avis remet en cause les modalités de calcul
des pensions militaires. En effet, les intégrer dans le régime de droit commun
équivaut à encourager les agents à rester plus longtemps en activité. En effet,
le calcul des décotes, susceptible de se traduire par des abattements pouvant
atteindre 20 % du montant des pensions pour certaines catégories de
militaires, induira nécessairement un choix : travailler plus longtemps ou
partir en retraite en subissant une décote.
Ensuite, le CSFM affirme –
comme nous l’affirmons depuis plusieurs semaines – que, si l’on calcule le
montant des pensions sur la base des revenus perçus au cours de la carrière
complète et non de ceux perçus au cours de ses six derniers mois, certaines
pensions diminueront, ce qui pose d’autant plus problème que nous n’avons pas
d’outils de simulation exhaustifs permettant de prendre correctement la mesure
de l’application de la réforme.
Ainsi, le CSFM met en cause le cœur même
de la réforme. Il la perçoit comme une régression sociale et relève
d’importantes zones de flou, qui empêchent de disposer de simulations précises
sur le cas de certains militaires, s’agissant notamment des bonifications, des
pensions de réversion, de la pension minimale, de l’emploi des réservistes et de
la disparition de la pension à jouissance différée – soit tout de même de
nombreuses zones de flou !
Monsieur le secrétaire d’État, je vous
pose à nouveau la question : comment expliquez-vous que nous soyons en
présence d’une catégorie professionnelle supplémentaire percevant votre réforme
comme une forte régression sociale ? C’est incroyable !
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je considérerai que les propos tenus tout à
l’heure par M. Juanico, lors de l’examen de la précédente série
d’amendements, résonnent encore dans l’hémicycle et parviennent à mes oreilles
au bon moment ! (Sourires.)
Je me contenterai de rappeler ce
que j’ai indiqué tout à l’heure. L’article 37 a été complété après que le
Conseil d’État a rendu son avis sur le projet de loi, en vue de préciser que le
code de la défense indiquera que les règles dérogatoires, en matière de retraite
des militaires, font partie intégrante de la condition militaire, et prévoient à
ce titre des dispositions spécifiques tenant compte de leurs sujétions
particulières. Ainsi, leur intégration dans le système universel de retraite est
pleinement justifiée.
L’avis de la commission sur les amendements tendant
à supprimer l’alinéa 12 est défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Avis
défavorable.
J’indique à nouveau au président Vigier que le tableau que
j’ai présenté au Conseil national d’évaluation des normes, figurant à la
page 180 de l’étude d’impact, indique très clairement, en points de PIB,
les conséquences financières de la réforme sur les administrations publiques à
l’horizon 2050.
Je l’invite, ainsi que ceux qui l’interrogent
– j’ai bien compris qu’il se faisait l’écho de questions posées par des
élus locaux et territoriaux –, à s’y reporter. Il porte sur les
administrations publiques ainsi que sur les collectivités locales et les
hôpitaux. Les grandes tendances sont indiquées, en points de PIB. Il pourra
ainsi vérifier que les collectivités locales et les hôpitaux trouvent sans
problème leur compte à la réforme.
M. le
président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine
Dubié. J’aimerais compléter les propos de notre collègue Autain, qui a
bien défendu les amendements, en rappelant que le CSFM dresse exactement le même
constat que le Conseil d’État : il déplore le délai d’étude du texte,
contraint et limité à 48 heures, en vue d’émettre un avis à son sujet,
ainsi que l’absence de simulations et l’impossibilité de préjuger des
ordonnances et des décrets à venir.
L’absence d’outils de simulation,
pourtant demandés à plusieurs reprises, empêche toute analyse exhaustive de la
réforme. Une fois encore, le Gouvernement s’assied sur des avis éclairés, en
l’espèce ceux du Conseil d’État et du CSFM.
Je retiens surtout de l’avis
du CSFM que l’esprit même de votre réforme, monsieur le secrétaire d’État, est
contraire à l’évolution des armées, qui doivent disposer d’agents jeunes au sein
des troupes. La réforme dont nous débattons incite au contraire à allonger la
durée des carrières. Il y a là une discordance entre l’objectif visé par le
projet de loi et l’impératif de jeunesse auquel sont soumises nos
armées.
Pour ces raisons, nous voterons les amendements. Ces seules
observations, parmi bien d’autres, justifient que le Gouvernement retire son
projet de loi en vue de l’améliorer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du
groupe LT.)
M. le
président. La parole est à Mme Natalia Pouzyreff.
Mme Natalia
Pouzyreff. Nous avons auditionné en commission spéciale des
représentants du CSFM. Certes, celui-ci a mis en avant les spécificités induites
par la fonction des militaires et émis quelques réserves sur le projet de loi.
Toutefois, il n’a pas émis un avis défavorable, même s’il ne peut se prononcer
favorablement pour l’heure. (Exclamations sur les bancs du groupe LT.)
Les débats que nous aurons sur d’autres articles du projet de loi offriront
l’occasion d’inclure le CSFM dans le processus de concertation sur les
retraites. (M. Jean-René Cazeneuve applaudit.)
M. Patrick
Hetzel. C’est un peu tard ! Qu’a fait M. Delevoye pendant deux
ans ? Il occupait un emploi fictif ?
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Nous n’avons pas obtenu de réponse aux questions
précises posées par le CSFM.
M. Patrick
Hetzel. En effet !
Mme
Clémentine Autain. Nous n’en avons pas davantage obtenu s’agissant du
fait que les catégories professionnelles dont nous débattons l’une après l’autre
sont toutes mobilisées contre votre projet de loi, monsieur le secrétaire
d’État, hors de tout engagement politique suggérant que leurs membres s’opposent
par principe à votre majorité. Ces gens ont parfaitement compris que
l’application de votre projet de loi leur sera défavorable.
L’avis du
CSFM est cinglant, notamment dans ses conclusions. On y lit page 15 :
« Après l’étude du projet de loi, il ne peut, en ce qui concerne la
condition militaire, émettre un avis favorable ». Il s’agit donc bien d’un
avis défavorable, dont vous ne tenez pas compte, chers collègues de la majorité,
alors même que la réforme portera un coup cinglant aux pensions des
348 000 fonctionnaires de nos armées. Visiblement, cela vous fait
jacasser, mais pas répondre aux préoccupations exprimées ! (Exclamations
sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
Assez !
Mme Natalia
Pouzyreff. Prendre la parole, c’est jacasser, selon
vous ?
M. le
président. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. En réalité, de nombreuses promesses sont faites oralement dans
les couloirs. Même si nous tentons d’obtenir certaines garanties auprès du
cabinet de M. le secrétaire d’État, un profond malaise subsiste, car tout
dépend des décrets et des ordonnances prévus dans le projet de loi.
M. Patrick
Hetzel. Tout à fait !
M. Thibault
Bazin. Soit le Gouvernement met sur la table leur teneur, et nous seront
rassurés, soit il nous demande de lui accorder une confiance totale, ce qui
alimente un malaise potentiel. En effet, au cours des deux dernières années,
certaines promesses faites oralement n’ont pas été tenues. Comme nous le
constatons depuis dix jours, il existe un écart entre les promesses et les
faits, ce qui nourrit ce légitime sentiment d’inquiétude.
Il importe, me
semble-t-il, de confirmer les assurances données entre l’examen du texte en
commission spéciale et son examen en séance publique, consistant à dire
« Rassurez-vous, nous réduirons le nombre d’ordonnances ». Or nous ne
voyons pas venir des amendements du Gouvernement.
Monsieur le secrétaire
d’État, pouvez-vous nous confirmer que des ordonnances seront abandonnées, et
que nous disposeront de données très concrètes permettant de répondre aux
questions suscitées par les risques que nous redoutons, s’agissant notamment de
la pension de réversion spécifique pour les conjoints de militaires – y compris
si le décès est survenu hors du service – et de la couverture invalidité si
l’inaptitude est imputable au service ? Pouvez-vous indiquer comment ces
spécificités militaires seront traitées dans les ordonnances et décrets que vous
prévoyez de prendre ?
M.
Jean-Jacques Bridey. Lisez l’article 37 du projet de
loi !
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 2554 et identiques.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 70
Nombre
de suffrages
exprimés 60
Majorité
absolue 31
Pour
l’adoption 12
Contre 48
(Les amendements nos 2554 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Sur les amendements identiques nos 230, 524
et 1497, dont l’examen suit, je suis saisi par le groupe Les Républicains
d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte
de l’Assemblée nationale.
La parole est à Mme Brigitte Kuster, pour
soutenir l’amendement no 230.
Mme
Brigitte Kuster. L’avis du Conseil d’État sur le projet de loi a rappelé
qu’il est nécessaire d’insérer dans le code de la défense une nouvelle
disposition garantissant la prise en compte de la spécificité de la fonction
militaire, s’agissant de la détermination des règles applicables au régime de
pension de retraite de ces agents.
Le Conseil d’État note également que
« l’impératif de jeunesse des forces armées, en lien avec l’exercice
d’activités nécessitant une aptitude physique particulière, impose une brièveté
de certaines carrières. »
Le départ anticipé des militaires est un
outil de gestion, relevant de la responsabilité de l’employeur, donc du ministre
des armées.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez une responsabilité
particulière pour répondre aux attentes des militaires.
M. le
président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir
l’amendement no 524.
M. Patrick
Hetzel. Dans le droit fil des propos de Mme Kuster, les amendements
visent à prendre en considération les préoccupations du Conseil supérieur de la
fonction militaire.
Il faudrait aujourd’hui considérer les militaires
comme des fonctionnaires comme les autres. Non, ce ne sont pas des
fonctionnaires comme les autres. D’abord, s’il y a bien un domaine régalien,
c’est celui de la défense. Ensuite, la nature même de leurs engagements confère
aux militaires des spécificités que vous êtes en train de balayer.
Le
Gouvernement ne répond pas à certaines questions précises. Monsieur le
secrétaire d’État, vous avez à plusieurs reprises revendiqué une autre vision
des ressources humaines. Vous organisez un glissement progressif pour faire des
militaires des fonctionnaires comme les autres. Assumez-le pleinement ;
dites-le clairement aux militaires.
Nous nous opposons fermement à cette
vision car elle est contraire à ce qui est constitutif de la République et de la
nation.
M. le
président. La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir
l’amendement no 1497.
M. Thibault
Bazin. Je vous concède que certaines spécificités des militaires sont
prises en compte dans le projet de loi.
Des points pourront être
attribués par décret. Mais décidera ? Pourquoi introduire les militaires
dans le code de la sécurité sociale ? Aujourd’hui, en vertu du code de la
défense, le ministère de la défense est associé à l’élaboration des décrets et
joue un rôle de premier plan dans les arbitrages. Qui déterminera, demain, les
règles applicables au régime de pensions militaires ? Qui sera
compétent ? Quel ministère décidera en dernier ressort ? Quelles sont,
en définitive, les conséquences du transfert du code de la défense vers le code
de la sécurité sociale ?
En résumé, l’outil de gestion des
ressources humaines que sont les pensions de retraite des militaires
restera-t-il à la main totale du ministre chargé de la défense ou celui-ci
devra-t-il supplier Bercy au gré des situations ?
La réforme suscite
l’inquiétude, peut-être pas pour les militaires actuels mais pour les
recrutements futurs : quelle sera l’attractivité du métier dans les
prochaines années ? L’armée de terre, forte du consensus qui a régné ici,
cherche à recruter plus de 10 000 soldats, mais elle peine déjà à
trouver les candidats espérés.
Il faut absolument joindre les actes à la
parole. Si nous voulons demain une armée dynamique et jeune, nous devons nous en
donner les moyens et doter ceux qui en sont responsables des outils nécessaires,
notamment en matière de ressources humaines. (Applaudissements sur les bancs
du groupe LR et sur quelques bancs du groupe LT.)
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel, pour soutenir le
sous-amendement no 42587.
M. Alain
Bruneel. Le sous-amendement vise à préciser les amendements en
soulignant que la disparition du calcul des pensions sur les six deniers mois
pénalisera les militaires.
Le projet de loi ne garantit pas le maintien
des spécificités des pensions de retraite des militaires, a alerté le Conseil
supérieur de la fonction militaire dès le 13 janvier – cet avis a enflammé
les réseaux sociaux –, ajoutant : « qui plus est, il ne prévoit rien
pour compenser les pertes financières liées au calcul des droits sur l’ensemble
de la carrière et non plus sur les six derniers mois ; elles seront
significatives pour les plus petits gradés qui touchent peu de
primes ».
« Les armées ont été entendues par les politiques,
les choses se feront progressivement » assure un général. Mais au sein des
différents corps, l’état d’esprit diverge. « La guerre est déclarée contre
les technos », lâche un étoilé. Le premier pilier est la pension. Comme le
souligne un officier marinier et coprésident de l’association professionnelle
nationale militaire pour la marine nationale, « il ne s’agit pas d’une
retraite mais d’un mécanisme de revenu différé en contrepartie de nos
contraintes spécifiques », c’est-à-dire une obligation d’astreinte
permanente, l’éventualité du sacrifice suprême, et un engagement limité dans le
temps sous l’uniforme, ce dernier point concernant 66 % des personnels
toutes catégories confondues.
Un expert de l’armée de terre estime que
« le système par points est capitalistique, autrement dit le temps
travaillé ouvre droit au fil de l’eau à des points qui seront ensuite monétisés.
Or compte tenu de notre devoir d’astreinte, nous bénéficions d’une autre nature
de gratification » comme la bonification du cinquième – cinq années
d’activité donnant droit à une annuité de retraite dans la limite du plafond
fixé.
Autre point qui fragilise le modèle des armées, le fait de lisser
le calcul des pensions sur l’ensemble de la carrière et non plus sur les six
derniers mois. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements
identiques et sur le sous-amendement ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Madame Kuster a évoqué l’avis du Conseil
d’État. Je l’invite à se reporter à l’article 37 dans lequel a été inséré,
à la suite dudit avis, un alinéa 39 ainsi rédigé : « Art.
L. 4111-1-1. – Les dispositions du chapitre IV du titre II du
livre VII du code la sécurité sociale relatives à l’application aux
militaires du système universel de retraite concourent aux objectifs de la
défense et permettent d’adapter à ces objectifs la structure des forces armées.
Elles constituent une composante de la condition militaire. »
De façon plus générale, le Conseil supérieur de la fonction
militaire sera systématiquement consulté. Je vous renvoie, monsieur Bazin, aux
articles 31 et 37.
Toutes les bonifications liées à l’exercice
militaire seront traduites en cotisations à l’article 37 tandis que les
âges de départ à la retraite ne seront absolument pas modifiés.
Si je
peux me permettre, garde à vous et à vos amendements !
Avis
défavorable.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Holà ! Repos !
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Hetzel, vous avez
insisté sur les spécificités du régime militaire. Si vous souhaitez m’entendre
dire que le fait de s’engager pour défendre la nation et protéger ses
concitoyens justifie leur reconnaissance, la réponse est oui. Nous avons déjà eu
l’occasion de rappeler qu’elles seraient préservées. Je pense que nous sommes
tous d’accord sur le sujet.
S’agissant des interrogations sur le code de
la sécurité sociale, il ne viendrait à personne l’idée que les militaires du
rang sous contrat, qui sont déjà soumis au régime général, donc au code de la
sécurité sociale, sont des militaires distincts des autres !Leur engagement
est le même que celui de l’ensemble de leurs collègues. Il faut donc prendre un
peu de recul à ce sujet : il n’y a aucune incompatibilité entre
l’appartenance à l’armée et le fait de relever de ce code.
M. Bazin
a rappelé que le Gouvernement s’était engagé à inscrire dans le projet de loi
des dispositions qui devaient initialement faire l’objet d’ordonnances. À quels
endroits du texte les ordonnances seront-elles supprimées, me
demandez-vous ? Sachez que nous y reviendrons à l’article 16 au sujet
des artistes auteurs ; à l’article 18 en matière de transition pour
les fonctionnaires ; à l’article 38, relatif à la transition pour les
fonctionnaires en catégories actives ; à l’article 46 à propos de la
réversion pour les ex-conjoints divorcés ; à l’article 49, qui
concerne la gouvernance ; à l’article 52, relatif à la délégation de
gestion aux caisses ; à l’article 53 sur l’établissement chargé de
l’intégration du service des retraites de l’État ; et à l’article 61
relatif aux transitions. Rappelons que Paul Christophe, qui est rapporteur pour
le titre V – dont fait partie ce dernier article –, est impatient d’évoquer
la fameuse transition à l’italienne, destinée à garantir que 100 % des
droits acquis seront bien préservés.
Le Gouvernement est attentif à faire
évoluer le texte en écoutant les parlementaires mais aussi les partenaires
sociaux ainsi que ses autres interlocuteurs.
Avis défavorable aux
amendements et sous-amendement.
M. le
président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. Les militaires suscitent la passion, et c’est normal. Il est
naturel que, sur tous les bancs, nous leur portions une attention toute
particulière – notre collègue l’a dit tout à l’heure avec beaucoup d’émotion et
de dignité, lui qui a été militaire pendant de longues années et qui a servi la
nation.
De même que l’on ne parle pas de salaire pour un militaire, mais
de solde, on parle de pension et non de retraite – le Président de la République
l’a rappelé récemment. Vous qui êtes si prompts à suivre ses paroles, nous vous
incitons à le suivre dans cette voie.
Cher collègue, les mots ont un
sens. Si le Conseil supérieur de la fonction militaire, qui n’est pas n’importe
quelle instance, écrit qu’après l’étude du projet de loi sur lequel il a été
saisi, « il ne peut, en ce qui concerne la condition militaire, émettre un
avis favorable », le sens de son propos est très clair. Ne faites pas dire
aux mots le contraire de ce qu’ils veulent dire. Ne soyez pas de mauvaise foi,
vous pensez tous comme moi ! Lorsque dans un courrier administratif, vous
lisez : « nous ne pouvons donner suite à votre demande », cela
signifie en clair : « nous vous disons : non ». Il y a des
mots adaptés aux circonstances ! Le Conseil constitutionnel aura à se
prononcer sur ce point.
Nous avons regretté que le Conseil supérieur de
la fonction militaire n’ait disposé que de quarante-huit heures pour donner son
avis. Comme Thibault Bazin, nous nous interrogeons sur le pilotage futur des
ressources humaines tant nous savons qu’elles sont essentielles. Si vous
n’accordez que quarante-huit heures à ces personnels que nous vénérons tous tant
ils comptent dans la démocratie, ce n’est vraiment pas de bon augure pour la
suite.
Nous vous invitons à renouer un dialogue constructif avec le
Conseil. Chacun a besoin d’être rassuré, sinon on a peur de tomber dans le vide.
Aujourd’hui, les militaires ont le sentiment d’y plonger. (Applaudissements
sur les bancs du groupe LT. – M. Sébastien
Huyghe applaudit également.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Louis Thiériot.
M.
Jean-Louis Thiériot. La pension des militaires a deux fonctions :
une fonction symbolique – la reconnaissance d’un statut particulier compte
tenu des risques encourus ; une fonction opérationnelle – la gestion
des carrières et de la pyramide des grades en fonction des besoins des
armées.
Au regard de ces exigences opérationnelles et à la nécessité de
conserver des forces jeunes capables d’accomplir leur mission, je m’interroge
sur la pertinence du choix d’inscrire cet outil de gestion des ressources
humaines dans le code de la sécurité sociale, au lieu du code de la défense
nationale. C’est une singularité du statut militaire : M. Vigier l’a
rappelé à l’instant et le Président de la République l’avait dit excellemment,
le militaire ne touche pas une retraite, il perçoit une pension. Les armées ont
besoin de piloter ces pensions pour gérer leurs ressources humaines de manière à
accomplir au mieux leurs missions. (Applaudissements sur les bancs des groupe
LR et LT. – M. Alain Bruneel applaudit
aussi.)
M. le
président. La parole est à M. Jean-Jacques Bridey.
M.
Jean-Jacques Bridey. Nous sommes, sur les bancs de cet hémicycle, tous
d’accord pour reconnaître l’indéniable spécificité de la condition militaire et
de son exercice. C’est d’ailleurs ce qu’a dit la commission de la défense
nationale et des forces armées. Néanmoins, alors que nous créons un système
universel de retraite, il est inenvisageable de ne pas y intégrer les
militaires. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
Cette reconnaissance ne figure pas à l’article 6, mais à
l’article 37, lequel contient quarante alinéas consacrés à la spécificité
militaire. Des amendements à cet article ont d’ailleurs été déposés par
l’ensemble des groupes, y compris de la majorité, afin d’en améliorer la
rédaction. Nous nous battrons pour qu’ils soient adoptés.
M. Philippe
Vigier. La majorité devrait donc nous aider !
M.
Jean-Jacques Bridey. S’agissant du Conseil supérieur de la fonction
militaire, son avis a été rendu à la fin de l’année dernière et je peux vous
assurer – les membres de la commission de la défense le savent – que
les discussions se poursuivent entre cette instance et le ministère des
armées.
J’ajoute, car cela n’a pas été dit, que dans le cadre de la loi
de programmation militaire, qui court jusqu’en 2022, voire 2025, engagement a
été pris de mener une nouvelle politique de rémunération. Celle-ci, en cours
d’élaboration, sera présentée par Mme la ministre des armées à la fin de
l’année 2020 et contiendra des éléments destinés à faciliter l’intégration des
militaires dans le système universel de retraite.
Nous parlons souvent,
dans cet hémicycle, de la loi de programmation relative aux enseignants et
enseignants-chercheurs, mais les militaires aussi disposent d’une telle loi.
Celle-ci a été votée à une large majorité et a été respectée depuis deux ans.
C’est dans ce cadre qu’une évolution de la rémunération aura lieu pour
l’ensemble de nos militaires, lesquels n’ont donc pas de soucis particuliers à
se faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi
que sur certains bancs du groupe LT.)
M. le
président. La parole est à Mme Agnès Thill.
Mme Agnès
Thill. En quoi cette réforme est-elle préjudiciable à nos
militaires ? Elle l’est, car elle rendrait le statut des militaires
similaire aux autres statuts, encourageant ainsi cette profession à travailler
plus longtemps. Or les carrières de nos militaires sont difficiles et doivent
donc être courtes. Le projet de réforme apparaît ainsi tout à fait contraire au
modèle d’une armée jeune, à la logique de flux optimal, ainsi qu’au principe du
temps de service court. L’avis du Conseil supérieur de la fonction militaire
– qui ne vaut quand même pas pour rien – n’est d’ailleurs pas
favorable à ce projet de loi.
Enfin, qu’est-ce que cela coûterait
d’écrire « pension » à la place de
« retraite » ?
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel.
M. Alain
Bruneel. Peut-être ai-je mal saisi l’intervention de M. Bridey,
mais lorsqu’il dit qu’une réunion aura lieu à la fin de l’année 2020 afin de
revaloriser les rémunérations des militaires et que cela sera positif pour leurs
retraites,…
…cela signifie, selon moi, que nous discutons toujours
d’hypothèses, mais jamais du concret ! Fin 2020, nous disposerons
d’éléments qui, peut-être, nous permettront de mieux connaître les effets de la
réforme sur les pensions des militaires !
M.
Jean-Jacques Bridey. Nous n’avons pas dit cela !
Mme Natalia
Pouzyreff. De toute façon, nous en parlerons à
l’article 37 !
(Le sous-amendement no 42587 n’est pas
adopté.)
M. le
président. Je mets aux voix les amendements identiques
nos 230, 524 et 1497.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le
président. Voici le résultat du
scrutin :
Nombre de
votants 75
Nombre
de suffrages
exprimés 74
Majorité
absolue 38
Pour
l’adoption 23
Contre 51
(Les amendements identiques nos 230, 524 et
1497 ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir
l’amendement no 25167.
M. Régis
Juanico. Nous venons de l’évoquer, les fonctionnaires, dont les
magistrats et militaires, seront particulièrement pénalisés par votre nouveau
système de retraite. En effet, la linéarité de l’évolution de leur rémunération
et sa faiblesse relative en début de carrière entraîneront mécaniquement une
baisse de leur pension dans un système qui, plutôt que les six derniers mois,
tiendra compte de l’ensemble de la carrière pour le calcul de la
retraite.
La prise en compte différentielle des primes aura également
pour effet d’amplifier les inégalités entre assurés, selon que la part des
primes dans leur traitement est plus ou moins élevée.
Enfin, comme l’a
souligné le désormais célèbre Conseil supérieur de la fonction militaire, la
substitution d’un âge d’équilibre à la durée de cotisation aura pour conséquence
un vieillissement de la population militaire, du fait de la nécessité
d’atteindre un certain âge pour éviter une décote de sa pension. Un tel
mécanisme est incompatible avec l’exigence d’une moyenne d’âge basse qui
s’impose aux armées : je rappelle que la durée moyenne d’une carrière
d’engagé est de sept à huit ans.
Le présent amendement vise donc, par
cohérence, à supprimer les dispositions relatives à certains agents publics,
notamment en détachement.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer les
alinéas 13 à 16, qui regroupent, à l’alinéa 14, les contractuels de la
fonction publique, à l’alinéa 15, les fonctionnaires détachés dans une
fonction publique élective et, à l’alinéa 16, les fonctionnaires détachés
auprès d’une administration ou d’un organisme implanté sur le territoire d’un
État étranger ou auprès d’un organisme international. Nous y reviendrons alinéa
par alinéa au fil des amendements à venir, mais mon avis est
défavorable.
J’en profite pour revenir sur les arguments de
Mme Thill. Il faut arrêter de dire que nous souhaitons augmenter la durée
d’activité des militaires. Nous l’avons clairement indiqué, cette durée restera
de dix-sept ans pour les hommes du rang et les sous-officiers et de vingt-sept
ans pour les officiers. Cessons donc d’alimenter des peurs et des
fantasmes ! Nous avons évidemment besoin d’une armée jeune pour répondre
aux objectifs qui lui sont assignés. Il faut arrêter de ressasser des arguments
erronés ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et
LaREM.)
M. le
président. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. Alors que nous arrivons à la fin de l’examen de cet article qui
porte sur les fonctionnaires, j’éprouve, monsieur le secrétaire d’État, une
inquiétude persistante. Le Gouvernement ayant appelé à une maîtrise de la
dépense publique, un pacte de confiance a été passé entre l’État et
322 collectivités, représentant les trois quarts de cette dépense, afin de
limiter à 1,2 %, inflation comprise, l’augmentation des dépenses de
fonctionnement. Ce pacte doit prendre fin en 2020, mais, en accord avec l’esprit
de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022, il
pourrait être renouvelé. C’est pourquoi je m’inquiète au sujet des budgets de
l’année 2022. Allez-vous revoir la loi de programmation afin de prendre en
compte l’effet sur les dépenses de fonctionnement des collectivités locales de
l’inclusion des primes dans l’assiette des cotisations ? Comment cet
élargissement de l’assiette sera-t-il compensé, et par qui ?
Comme
l’a indiqué le président Vigier, il s’agit d’une question importante. Comment
pouvons-nous voter en faveur d’un dispositif sans que son financement soit
précisé ? La représentation nationale a besoin d’être éclairée sur ce
point, de même que les maires et les conseillers municipaux qui seront élus dans
quelques semaines.
M. Patrick
Hetzel. Très juste !
(L’amendement no 25167 n’est pas
adopté.)
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel, pour soutenir
l’amendement no 21783 et les seize amendements identiques déposés par
les membres du groupe La France insoumise.
M. Éric
Coquerel. J’aurai une brève question pour M. le rapporteur et
M. le secrétaire d’État. Cet article contient plusieurs alinéas prévoyant
des dispositions particulières pour certains travailleurs comme les agents
publics en détachement, et je souhaiterais connaître le motif de ces exceptions.
Est-ce parce que ces personnes relèvent d’un autre article ? Je vous
remercie de nous éclairer sur ce point.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je commencerai par vous répondre, monsieur
Bazin, qui avez à nouveau abordé la question des agents publics territoriaux et
de la prise en compte de l’élargissement de l’assiette dans les finances des
collectivités. Il me semble l’avoir expliqué à M. Vigier tout à
l’heure : il y aura certes un élargissement de l’assiette en raison de
l’intégration des primes, mais il sera accompagné d’une diminution du taux de
cotisation. À l’heure actuelle, sur une base 100, ce taux s’élève à
30 %. L’intégration des primes portera la base de 100 à 123 et nous y
appliquerons un taux de 17 %. De cette manière, le taux de cotisations ne
sera plus que de 21 %, ce qui représente un coût moindre pour les
collectivités.
S’agissant de ces amendements identiques, ils visent à
supprimer l’alinéa 13. Ce dernier est un alinéa chapeau prévoyant
l’exclusion de certains travailleurs du champ d’application des dispositions de
l’article 6. Nous aurons l’occasion d’y revenir avec les amendements
suivants. L’avis est défavorable.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Je ne voudrais pas, monsieur
Bazin, que vous partiez en pause méridienne sans être rassuré. L’élargissement
de l’assiette de cotisations aux primes ne s’appliquera qu’à partir de 2025, ce
qui permet de répondre à vos interrogations relatives aux budgets de 2022.
M. Patrick
Hetzel. Vous procrastinez !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Quant aux engagements qui ont
été pris jusqu’en 2022, ils pourront, bien sûr, être prolongés et cela pourra
susciter de nouvelles discussions afin de tenir compte des échéances que vous
évoquez.
M. le
président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric
Coquerel. Je vous interrogeais, monsieur le rapporteur, sur l’ensemble
des professions concernées par les alinéas 13 à 17. Vous choisissez de ne
pas me répondre maintenant ; ce n’est pas grave, je le prends comme une
invitation à défendre les amendements suivants.
(Les amendements
no 21783 et identiques ne
sont pas adoptés.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir
l’amendement no 21800 et les seize amendements identiques
déposés par les membres du groupe La France insoumise.
Mme
Clémentine Autain. Ma question sera assez simple : je ne parviens
pas à comprendre pourquoi, alors que depuis le début de l’examen du texte vous
nous vantez les mérites de votre système par points, censé être bénéfique à tous
les retraités, nous adoptons dans le même temps toutes sortes de dispositions
dérogatoires et de mesures destinées à rendre les transitions plus douces. Si le
régime vers lequel nous basculons est si mirifique et profitable, pourquoi
faut-il en dispenser certaines catégories de travailleurs et pourquoi
temporisons-nous afin d’amortir le choc de son application ? Tout ceci est,
à mon sens, totalement contradictoire.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. C’est pour cette raison que je n’avais pas
intérêt à anticiper sur vos amendements, madame Autain et monsieur Coquerel,
mais plutôt à attendre d’aborder chacun des alinéas considérés. Je vous invite à
lire le texte dans son intégralité : l’alinéa 14 vise à exclure de
l’affiliation les contractuels de la fonction publique. Pourquoi ? Nous
l’avons évoqué, me semble-t-il, lors de la discussion de l’article 8 :
les contractuels de la fonction publique sont déjà rattachés, dans le présent
système, au régime général ; ils ne relèvent pas du régime de retraite de
la fonction publique. Nous n’avons donc pas besoin de leur appliquer les
dispositions de l’article 6.
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Je ne suis pas sûre de bien comprendre. Dès lors que
les contractuels de droit public ne sont pas intégrés dans le régime de la
fonction publique, ils relèvent du même régime que les salariés du privé. Je ne
vois pas très bien pourquoi il y a besoin d’une disposition spécifique, mais
admettons.
J’en profite pour souligner que le recours de plus en plus
massif à des contractuels dans la fonction publique pose un problème.
Normalement, il devrait être tout à fait exceptionnel. Or il se développe de
plus en plus, sous votre impulsion.
M.
Jean-Claude Leclabart. Donnez des chiffres !
Mme
Clémentine Autain. Cela participe de la remise en cause du statut de la
fonction publique et de la déconsidération des services publics et de leurs
agents.
M. le
président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric
Petit. La discussion est intéressante. Pour ma part, je souhaite faire
deux remarques.
Premièrement, certaines personnes qui travaillent dans la
fonction publique ou pour l’armée relèvent déjà du système universel ; ce
n’est donc pas la peine de les y intégrer une deuxième
fois.
Deuxièmement, nous n’avons jamais affirmé que le système serait
bénéfique pour les individus. Notre rôle consiste, je le rappelle, à trouver le
bien commun de la nation. De ce point de vue, le système que nous construisons
sera bien meilleur ; il constituera un bien commun pour la
nation.
Le système par répartition est le contraire d’un système
d’assurance individuelle. Or, je l’ai dit à plusieurs reprises depuis deux
semaines, quand nous nous intéressons à la situation de Gérard, Paul, Pierre,
Michèle ou Jacqueline, nous nous plaçons dans le cadre d’un système qui n’est
pas universel ; nous renvoyons à un système d’assurance individuelle. La
logique de répartition, telle qu’elle était prévue en 1945, n’a pas pu être mise
en place. C’est un système qui vise le bien commun dans la manière de répartir
un ensemble de ressources.
Je le répète, nous n’avons pas dit que le
système serait bénéfique pour les individus. Nous avons indiqué à plusieurs
reprises qu’il y aurait des perdants. Toutefois, l’intérêt supérieur de la
nation commande de réintégrer dans le système ceux qui en sont actuellement
exclus et connaissent des difficultés. Nous aurons ainsi un système beaucoup
plus solide, parce que beaucoup plus solidaire.
M. Roland
Lescure. Très bien !
(Les amendements identiques nos 20800
et identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. Je suis saisi de deux amendements identiques,
nos 39995 et 40843, qui font l’objet de deux
sous-amendements.
La parole est à M. M’jid El Guerrab, pour
soutenir l’amendement no 39995.
M. M’jid El
Guerrab. L’alinéa 14 dresse la liste d’une série d’agents publics
auquel le titre II du livre VII du titre Ier du code
de la sécurité sociale ne s’appliquera pas. Il s’agira notamment des agents
publics qui exercent une activité indépendante ou salariée dans le cadre d’un
contrat de droit privé ou de droit public. Une exception est cependant prévue
pour les militaires sous contrat et les fonctionnaires de l’État et magistrats
détachés sur contrat de droit public auprès d’une administration ou d’un
établissement public de l’État situé dans une collectivité
d’outre-mer.
Cet amendement vise à étendre cette exception aux
fonctionnaires de l’État et aux magistrats détachés sur contrat de droit public
auprès d’une représentation de l’État à l’étranger ou d’un établissement
d’enseignement à l’étranger, quel que soit leur statut. Ces personnels détachés
bénéficieraient ainsi des dispositions du titre II. Il s’agit de leur
assurer une égalité de traitement avec les fonctionnaires en activité dans leur
corps. L’indemnité de résidence à l’étranger serait prise en compte dans le
calcul de leurs droits à la retraite, ce qui est très important.
Cette
mesure serait un geste fort tant pour les professeurs qui partent enseigner à
l’étranger et contribuent au rayonnement de notre réseau d’établissements que
pour les fonctionnaires détachés à l’étranger, grâce auxquels nous disposons du
troisième réseau diplomatique au monde.
M. le
président. La parole est à Mme Anne Genetet, pour soutenir
l’amendement no 40843.
Mme Anne
Genetet. Les fonctionnaires et agents de l’État qui partent à
l’étranger, qu’il s’agisse des enseignants, des magistrats, des militaires ou
encore, bien évidemment, des diplomates, fournissent un travail exceptionnel.
Nous avons absolument besoin d’eux.
Nous avons prévu que chaque euro
cotisé ouvrirait les mêmes droits à la retraite. Il s’agit d’appliquer ce
principe à ces fonctionnaires, quel que soit le statut sous lequel ils sont
appelés à servir à l’étranger.
Le système solidaire et universel que nous
construisons aurait ainsi un prolongement à l’étranger, pour le bénéfice de
tous, puisque ces personnels contribuent au rayonnement et à l’influence de la
France dans le monde. (M. M’jid
El Guerrab applaudit.)
M. le
président. Les sous-amendements nos 42049 de
Mme Clémentine Autain et 42048 de M. Jean-Luc Mélenchon sont
défendus.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements et les
sous-amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je ne peux qu’être favorable à ces
amendements, qui visent à étendre l’exception prévue aux fonctionnaires qui
représentent l’État à l’étranger ou enseignent dans un établissement situé à
l’étranger.
Madame Autain, je précise que j’ai fait une confusion :
c’est non pas l’article 8, mais l’article 3, qui dispose que les
contractuels de droit public sont affiliés au régime général.
M.
Jean-Paul Dufrègne. Vous-même, vous vous trompez !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Pour le reste, vous estimez qu’il y a trop
de contractuels dans la fonction publique, voire qu’il ne devrait pas y en avoir
du tout. Je peux comprendre votre positionnement politique, mais force est de
constater que ces contractuels existent. Dès lors, il convient de les intégrer
dans le système.
M. le
président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Ces amendements visent à ce que
les fonctionnaires détachés à l’étranger, notamment dans les établissements
d’enseignement, restent affiliés au régime de la fonction publique, comme le
texte le prévoit déjà pour les fonctionnaires détachés outre-mer. Il s’agit de
dispositions de bon sens, importantes pour le système universel de retraite, qui
tendent à appliquer le principe d’égalité de traitement. L’avis du Gouvernement
est donc favorable.
M. le
président. La parole est à M. Thibault Bazin.
M. Thibault
Bazin. J’avais appelé votre attention sur ce point lors de la discussion
générale, monsieur le secrétaire d’État. On voit ici l’intérêt que la
représentation nationale examine au fond l’ensemble du projet de loi. Cela
permet d’améliorer le texte et d’en combler les lacunes. L’indemnité de
résidence à l’étranger doit être prise en compte de manière équitable, quel que
soit le statut des intéressés. Le groupe Les Républicains votera ces
amendements.
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de m’avoir
répondu, même si vous l’avez fait avec un petit décalage.
En 2017, le
nombre d’agents contractuels a augmenté de 48 000 dans la fonction
publique ; l’inflation est donc considérable. Nous avons effectivement un
point de vue politique : nous sommes en total désaccord avec cette
pratique.
Votre logique est d’intégrer les contractuels de droit public
dans le régime général. Pour notre part, nous préconisons de les titulariser, de
telle sorte qu’ils soient affiliés au régime de la fonction publique et que l’on
calcule leurs droits sur la base des six derniers mois. Sur ce point aussi, le
désaccord est complet.
Par ailleurs, vous acceptez des amendements qui
vont conduire à l’intégration des primes dans le calcul de la retraite.
Avez-vous une idée de l’impact budgétaire de cette mesure ? En avez-vous
anticipé le coût ? Pour les personnels en question, les primes sont parfois
égales ou supérieures au traitement de base.
Enfin, nous devrions avoir
un débat de fond sur les primes. Votre logique consiste à développer les primes
pour les fonctionnaires. Je pense notamment aux établissements scolaires, dans
lesquels vous pourriez être tentés d’instaurer un système de primes plutôt que
d’augmenter les salaires pour tout le monde. On intégrerait l’idée qu’il y a, au
fond, des fonctionnaires meilleurs ou plus zélés que d’autres. La décision de
leur attribuer une prime reviendrait, évidemment, à la hiérarchie. J’appelle
l’attention de tous : il s’agirait d’une remise en cause de la logique et
des règles qui régissent la fonction publique depuis l’origine. On mettrait le
doigt dans un engrenage dont il faut bien mesurer l’ampleur.
M. le
président. La parole est à M. Roland Lescure.
M. Roland
Lescure. Les 2,4 millions de Français de l’étranger sont des
Français comme les autres. Les fonctionnaires qui servent à l’étranger sont des
fonctionnaires comme les autres. Mes collègues députés des Français de
l’étranger et moi-même nous réjouissons qu’ils soient ainsi intégrés dans le
système.
En l’espèce, madame Autain, il n’est pas question de prime au
mérite ou à la performance ; il s’agit d’intégrer les primes liées à
l’expatriation dans le calcul de la retraite. Cette mesure est évidemment
bienvenue. Nous sommes donc tous favorables à ces amendements.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
(Les sous-amendements nos 42049 et 42048,
successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
(Les amendements identiques nos 39995 et
40843 sont adoptés.)
M. le
président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour soutenir
l’amendement no 20451 et les seize amendements identiques du
groupe La France insoumise.
Mme
Clémentine Autain. Ils portent eux aussi sur un cas
particulier.
S’agissant des primes, je n’y suis pas opposée lorsqu’elles
sont accordées à tout le monde. Je pense par exemple aux indemnités versées aux
professeurs qui enseignent dans le réseau d’éducation prioritaire ou à
l’étranger.
Toutefois, la logique du Gouvernement – le ministre de
l’éducation nationale, M. Blanquer, ne s’en cache pas – est
d’instaurer des primes au mérite, qui seraient également prises en compte pour
la retraite. Or ce serait une remise en cause des règles historiques et
fondamentales qui régissent actuellement la fonction publique. Je ne dis pas
autre chose.
Je ne remets absolument pas en cause les primes accordées à
égalité sur le fondement de critères objectifs. Je remets en cause celles que
vous voulez instituer progressivement, car elles introduiraient dans la fonction
publique une logique de mérite et une logique hiérarchique, ce qui poserait des
problèmes.
M. le
président. Quel est l’avis de la commission sur cette série
d’amendements ?
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Je précise que l’alinéa 15 vise à
exclure de l’affiliation au régime de la fonction publique les agents publics
détachés dans une fonction publique élective locale. Ceux-ci relèveront du
régime général, comme tous les élus.
Quant aux primes dans la fonction
publique, je ne doute pas un instant qu’elles soient attribuées sur le fondement
de critères objectifs. Le fait d’enseigner dans le réseau d’éducation
prioritaire, que vous avez cité en exemple, est un critère particulièrement
objectif.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Tout à fait !
Mme
Clémentine Autain. Évidemment !
M. Nicolas
Turquois, rapporteur. Il s’agit de prendre en compte une
difficulté spécifique et de valoriser les enseignants qui travaillent dans les
établissements de ce réseau.
J’émets un avis défavorable sur les
amendements.
M. le
président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.
Mme Jeanine
Dubié. Si je comprends bien, monsieur le rapporteur, vous excluez du
champ du titre II les agents publics qui se mettent en détachement pour
exercer un mandat local. En outre, vous allez supprimer l’IRCANTEC
– Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de
l’État et des collectivités publiques – à laquelle ils cotisaient jusqu’à
présent. Cela signifie-t-il que la période pendant laquelle les agents publics
exerceront un mandat local ne sera pas génératrice de droits pour la
retraite ? Actuellement, ils continuent à bénéficier de droits pour la
retraite et peuvent même s’affilier à deux régimes de retraite par
capitalisation, dont la CAREL, la Caisse autonome de retraite des élus
locaux.
Deuxième question : qu’en sera-t-il pour les agents publics
qui se mettent en disponibilité pour exercer un mandat local ? Rappelons
que pour exercer un mandat de député – nous y reviendrons lorsque nous
examinerons le projet de loi organique –, la disponibilité est désormais de
droit, sachant que nous avons remplacé le détachement par la disponibilité en
2014.
M. le
président. La parole est à M. Alain Bruneel.
M. Alain
Bruneel. Mme Autain a soulevé un problème important : le
recours aux contractuels dans la fonction publique. Ceux-ci ne relèvent pas du
statut de la fonction publique et seront affiliés, vous l’avez précisé, monsieur
le rapporteur, au régime général.
Cela pose une véritable question
puisque toute la stratégie politique du Gouvernement est en cause. Elle tend à
supprimer des postes d’agents de la fonction publique. Le programme de
M. Macron annonçait 120 000 fonctionnaires de moins ; vous
travaillez en ce sens. Ainsi, les nouveaux cheminots ne disposent plus de
l’ancien statut mais dépendent d’un statut de droit privé. On sent bien qu’une
véritable stratégie est à l’œuvre, également lisible dans l’affiliation de la
fonction publique à un régime de retraite commun à celui du privé : faire
en sorte qu’il n’y ait plus ni fonctionnaires, ni fonction publique – ce
qui est grave.
Les primes ne font pas partie du salaire, elles peuvent
donc être supprimées du jour au lendemain. Certaines aujourd’hui sont en effet
attribuées au mérite ; les enseignants, les agents de la SNCF, les
policiers en offrent des exemples. Je rappelle qu’à la SNCF, une prime est
versée à ceux qui n’ont pas fait grève – il est quand même catastrophique
d’en arriver là !
Dans toute la fonction publique, des situations
inadmissibles se font jour. Dans la fonction publique hospitalière, il existe
des primes de sécurité, ou des primes liées à l’affectation en région
parisienne, parce que les salaires des agents sont insuffisants. On en vient à
mettre systématiquement des territoires en concurrence avec d’autres
territoires : voilà ce qui est dramatique – il n’existe pas de ligne
politique dans laquelle chaque citoyen puisse se retrouver, en raison des
nombreuses spécificités.
Dernier point, je voudrais dire à M. Petit
qu’il arrête de parler au nom de la nation : monsieur Petit, vous ne
représentez ni la nation, ni le bien commun.
M. Patrick
Hetzel. C’est bien vu !
M. Alain
Bruneel. Laissez les citoyens vivre, laissez-les respirer – parlez
en votre nom personnel. (Mme Cendra Motin
proteste.)
(Les amendements no 20451 et
identiques ne sont pas adoptés.)
M. le
président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
2
Ordre du jour de la prochaine séance
M. le
président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze
heures :
Suite de la discussion du projet de loi instituant un
système universel de retraite.
La séance est levée.
(La séance est levée à treize heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de
l’Assemblée nationale
Serge Ezdra
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