Système universel de retraite
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Tableau de synthèse
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AN 1 - Débats 20 février 2020 : 1ère séance du 19
Document intégral

 

Article 1er

Mme la présidente. En application de l’article 95, alinéa 2, du règlement, les interventions des députés sur les articles du texte sont en principe limitées à un orateur par groupe et à un orateur non inscrit. Conformément à l’article 54, alinéa 5, il est possible de déroger à cette règle dans l’intérêt du débat. La conférence des présidents a décidé que, sur certains articles, deux orateurs par groupe pourront intervenir. Or tel est le cas de l’article 1er dont nous abordons l’examen.

La parole est à M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. L’occasion nous est offerte de débattre sur le fond et d’affirmer que l’article 1er est celui de tous les boniments.

Ainsi, comment peut-on prétendre à l’équité en voulant établir un système qui oublie les différences d’espérance de vie, qui néglige la question de la pénibilité et qui instaure un âge pivot qui pénalisera les carrières longues ? Vous prétendez en outre qu’un euro cotisé produira les mêmes droits pour chacun. Or c’est faux : ceux nés avant 1975 cotiseront sans se créer de tels droits ; ceux qui cumulent retraite et emploi avant l’âge pivot, cotiseront, de même, sans se créer de droits ; les artisans, dont la cotisation de solidarité pèse proportionnellement plus lourd dans le total de leurs cotisations, bénéficieront d’un rendement réel inférieur à celui des salariés.

Solidarité ? Vous avez évoqué tout à l’heure le minimum du taux de pension qui serait désormais de 85 % du SMIC, mais vous oubliez de dire que si, aujourd’hui, c’est 75 % à l’âge de 62 ans, en 2037, ce sera 85 % à 65 ans, c’est-à-dire qu’à 62 ans, on touchera moins qu’aujourd’hui. Vous oubliez aussi de dire que ce taux vaudra pour une carrière complète.

Mme Valérie Rabault. Eh oui !

M. Boris Vallaud. Vous oubliez de dire que ce sera 85 % du SMIC au moment de la liquidation et que, vingt ans plus tard, le taux ne sera plus que de 70 %. Vous oubliez de dire à tous les petits agriculteurs que vous leur ferez des mauvaises manières dès lors qu’ils seront en pension.

M. Philippe Gosselin. Il a raison !

M. Boris Vallaud. Vous prétendez vouloir assurer aux retraités un niveau de vie satisfaisant, mais de quoi s’agit-il ? À cause de votre réforme, le niveau de vie des retraités va décrocher par rapport à celui des actifs. La baisse du taux de remplacement sera de l’ordre de 30 % et il faudra travailler trois ans de plus. Ce que vous oubliez de préciser aussi, c’est que 30 % des pensionnés seront dans le filet de sécurité, et 40 % des femmes ; il est donc difficile de considérer qu’il s’agit d’un progrès.

Vous invoquez la liberté, mais laquelle ? Celle consistant à pouvoir choisir entre être un chômeur âgé et être un retraité pauvre ? Celle consistant à travailler plus ou à gagner moins ? Encore une fois, c’est une duperie.

Vous parlez de soutenabilité économique et d’équilibre financier, mais lesquels ? Voilà des heures que nous vous posons une question, simple, concernant l’exonération de 4 milliards d’euros de cotisations pour les 1 % de Français les plus riches.

Qui croire ? Certainement pas vous ! La seule chose certaine, c’est votre règle d’or, qui sera la règle de plomb des retraités pour lesquels tout pliera : la valeur du point, l’âge de départ à la retraite, la lisibilité… Sur ces points, personne ne vous croit.

Mme la présidente. Merci, cher collègue.

M. Boris Vallaud. Je termine, madame la présidente.

Mme Cendra Motin. Oui, terminez !

M. Boris Vallaud. Nous aurons l’occasion de revenir en détail sur le mensonge concernant la rémunération des enseignants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Je répéterai ce que j’ai dit en commission. Il est important que l’article 1er réaffirme le principe du système de retraite par répartition. Les droits acquis sont actuellement fonction des trimestres accumulés. Or, grâce au projet de loi, les droits seront acquis en fonction des points cotisés. Et, dès le premier point, les bénéficiaires auront des droits – c’est précieux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. Sylvain Maillard. C’est exact.

M. Thierry Benoit. Il est également précieux de rappeler que, quel que soit le statut du cotisant, quel que soit le statut du bénéficiaire, la valeur du point cotisé comme la valeur du point octroyé sera la même, ce qui est naturel.

Ce qui m’importe, à ce stade, c’est que le texte amorce l’extinction des régimes dits spéciaux  Mais non ! »,sur plusieurs bancs du groupe LR), une extinction demandée par une grande majorité de nos concitoyens depuis plusieurs dizaines d’années. Je dis bien « amorce », car supprimer tous ces régimes du jour au lendemain, chacun sait que ce serait très difficile.

Autre intérêt du projet de loi et qui figure parmi les grands principes énumérés à l’article 1er : la volonté de faire converger le secteur public et le secteur privé. Il s’agit en effet d’éviter l’existence de deux sphères juxtaposées. Cela aussi, c’est précieux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. André Chassaigne. Rappel au règlement  !

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au règlement. Sur quel fondement le formulez-vous, cher collègue ?

M. André Chassaigne. Mon intervention se fonde sur l’article 100, alinéa 5. Je tiens à revenir solennellement, et avec une forme de colère, sur les propos tenus tout à l’heure par le président de l’Assemblée. Il nous a communiqué une liste exhaustive des amendements qui ne seront pas discutés puisque reprenant des termes d’un amendement préalablement rejeté.

Hier, les amendements nos 25, 248 et 12014, présentés par des députés du groupe Les Républicains – veuillez m’excuser, chers collègues de ce groupe –, allaient dans le même sens que les nôtres. Or le président avait annoncé que les amendements similaires en cours de discussion tomberaient. Je prendrai en outre l’exemple de l’amendement no 22695 à l’article 1er, lequel présente exactement le même dispositif que l’amendement des députés communistes. Or l’amendement no 22695 n’apparaît pas dans la liste qui nous a été communiquée. J’ai donc ici la preuve – et ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres – que les députés communistes sont victime d’ostracisme. (Protestations sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)

Un député du groupe LaREM. Calimero  !

M. André Chassaigne. Si, si ! C’est la réalité.

M. Philippe Gosselin. Le Conseil constitutionnel tranchera.

M. André Chassaigne. Je pourrais mentionner des cas précis d’amendements du même genre, qui seront admis ou non selon qu’ils émanent de tel ou tel groupe, les nôtres étant systématiquement éliminés. C’est absolument inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

M. Fabien Roussel. Pourquoi seuls les amendements communistes sont-ils écartés ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour un autre rappel au règlement.

Mme Emmanuelle Ménard. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 54, alinéa 5, du règlement, qui dispose que « dans l’intérêt du débat, le président peut autoriser à s’exprimer un nombre d’orateurs supérieur à celui fixé par le présent règlement ». Or nous sommes deux députés non inscrits à avoir demandé la parole, madame la présidente, pour nous exprimer sur l’article 1er. Nous avons fait cette demande en même temps et, du fait de notre disposition dans l’hémicycle, vous avez vu M. Dupont-Aignan avant moi. Je demande donc que vous fassiez valoir cette disposition du règlement afin que, dans l’intérêt du débat, je puisse m’exprimer sur cet article, d’autant que je n’ai pas encore pris la parole depuis le début de l’examen du texte.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je n’y vois pour ma part aucun inconvénient.

Mme la présidente. M. Dupont-Aignan, de façon très courtoise, y consent.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Nous allons donc nous exprimer tous les deux ?

Mme la présidente. Non… Vous vous êtes déjà exprimé, monsieur Dupont-Aignan, et vous aurez l’occasion de prendre à nouveau la parole. Aussi, acceptez-vous que Mme Ménard le fasse à votre place ?

M. Nicolas Dupont-Aignan. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je vous en remercie.

Article 1er (suite)

Mme la présidente. Nous en revenons, en attendant, aux inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’article 1er traite des principes généraux qui fondent le système universel de retraite. Cet article est-il utile ? Non : il n’est en rien normatif dans sa première partie et il est inconstitutionnel dans sa seconde partie. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe LR.)

M. Philippe Gosselin. Voilà la majorité rhabillée pour le printemps !

M. Charles de Courson. En effet, prévoir une loi de programmation pour réévaluer les salaires des enseignants et des chercheurs n’est pas conforme à la Constitution – ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est le Conseil d’État. D’ailleurs, en commission, nous avions fait sauter ce dispositif pour éviter que le Conseil constitutionnel ne le censure.

En outre, monsieur le secrétaire d’État, le problème des enseignants n’est pas spécifique puisque c’est celui de tous les fonctionnaires territoriaux, hospitaliers ou d’État qui perçoivent peu ou ne perçoivent pas de primes.

M. Pierre Dharréville. Eh oui !

M. Philippe Gosselin. Allons, c’est seulement l’affaire de quelques millions de personnes…

M. Charles de Courson. Vous ne pouvez donc pas prévoir un dispositif ne concernant que les enseignants et les chercheurs.

M. Alain Bruneel. Exact !

M. Charles de Courson. D’après les chiffres qui nous ont été communiqués, le coût de cette mesure pour les seuls enseignants et chercheurs est de 10 milliards d’euros. Si vous y ajoutez une dizaine de milliards pour les fonctionnaires hospitaliers et territoriaux, expliquez-nous comment vous allez le financer, même sur quinze ou vingt ans. Vous voyez bien qu’il s’agit d’une bombe budgétaire !

M. Damien Abad. Ils ne sont pas à ça près… Demain, on rase gratis !

M. Charles de Courson. En ce qui concerne la première partie de l’article, à savoir les six grands objectifs assignés au système universel de retraite, je souhaite faire quelques commentaires. Cette partie n’a aucune portée juridique puisque s’apparentant à un préambule. Je prends l’exemple de la lisibilité. Oser évoquer un objectif de lisibilité alors même que le Gouvernement reconnaît qu’il est incapable de proposer un outil permettant à chaque Français de savoir comment vont évoluer ses droits, franchement, c’est tout à fait excessif !

M. Boris Vallaud. Eh oui !

M. Charles de Courson. Pour ce qui est de l’objectif de soutenabilité économique et d’équilibre financier, je n’ai jamais vu cela. Nous attendons toujours les simulations devant nous permettre de comprendre non seulement comment vous allez équilibrer le système, monsieur le secrétaire d’État, mais aussi comment vous allez financer les bombes budgétaires que vous avez amorcées avec ce dispositif.

Mme la présidente. Cher collègue, je vais devoir vous interrompre.

M. Charles de Courson. Je voulais commenter les quatre autres grands objectifs, mais c’est notre collègue Philippe Vigier qui s’en chargera.

M. Philippe Vigier. Allons donc ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Alors, chers collègues, surtout, votons la suppression de l’article 1er et ainsi nous serons tranquilles : le Conseil constitutionnel n’aura pas à le censurer.

M. Philippe Gosselin. Très bien !

Mme Caroline Fiat. Rappel au règlement !

Rappel au règlement

Mme la présidente. Sur quel fondement souhaitez-vous faire un rappel au règlement, madame Fiat ?

Mme Caroline Fiat. Sur le fondement de l’article 52, alinéa 1, madame la présidente, relatif au fait que vous dirigez les délibérations – ce que vous faites très bien, d’ailleurs. Depuis trois jours que j’assiste à l’examen du texte, je n’ai pas encore pris la parole. Je suis assez choquée d’entendre certains se plaindre d’insultes qui pourraient venir de l’opposition alors que les insultes fusent aussi depuis les bancs de la majorité.  Ah ! Vous avez dit : "aussi" !… » sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Si l’on veut être respecté, il faut aussi respecter les autres, chers collègues – que ce soit dit.

M. Jean-Yves Bony. Tout à fait, c’est une question de principe !

Mme Caroline Fiat. Ensuite, pour ce qui est du rappel au règlement du président Chassaigne, il serait bon d’expliquer pourquoi seul le groupe GDR a subi les conséquences de la décision du président Ferrand.

Mme la présidente. Madame Fiat, je vous ferai la même remarque qu’à Mme Essayan tout à l’heure.

Nous allons reprendre le cours de l’examen des amendements.

M. André Chassaigne. Sans avoir de réponse !

Article 1er (suite)

Mme la présidente. La parole est à Mme Clémentine Autain.

Mme Clémentine Autain. L’article 1er fixe des grands principes, et s’il en est bien un que vous suivez, c’est celui de la règle d’or, celui de l’austérité budgétaire, principe à partir duquel est pensé l’ensemble de votre projet de retraite par points.

Cet article aligne des poncifs dans une forme de novlangue consistant à désigner les choses par le nom de leur contraire.

Vous affirmez d’abord que votre système est universel. Pourtant, hier soir, M. Turquois, le rapporteur, nous disait lui-même qu’il n’était « pas parfaitement universel ». Il ne peut effectivement pas l’être puisque l’âge d’équilibre sera différent selon les générations, et puisque vous avez vous-même institué des régimes spécifiques.

Vous parlez ensuite d’équité, renonçant ainsi à l’égalité. La nuance n’est pas mince, car elle suppose que la pension sera proportionnelle au travail fourni, ce qui ne correspond pas à un principe d’égalité véritable.

Quant à la solidarité que vous mettez en avant, elle est totalement mise à mal par le projet de loi, en particulier par votre promesse d’un minimum contributif à 1 000 euros déjà prévu par la loi Fillon, et par celle d’une égalité entre les hommes et les femmes qui est un véritable trompe-l’œil, car ces dernières seront les premières perdantes d’une réforme qui touche d’abord celles et ceux qui ont eu des bas salaires et des carrières hachées.

Vous mettez en avant l’objectif d’un « niveau de vie satisfaisant ». Évidemment, il n’en sera rien. Le taux de remplacement pour les fonctionnaires, par exemple, chutera en moyenne de 32 %.

Vous osez aussi nous parler de liberté de choix – mais quel choix auront demain les retraités lorsqu’ils devront soit travailler plus longtemps, c’est-à-dire perdre en qualité de vie, soit se résigner à une pension de misère ? Voilà votre conception de la liberté ; c’est en réalité une liberté contrainte par le libéralisme économique.

Enfin, l’objectif de soutenabilité économique relève vraiment du blabla, car nous savons tous que le texte ne comporte aucun cadrage financier. Ce qui concerne la revalorisation des rémunérations des personnels enseignants est probablement contraire à la Constitution, comme l’a dit le Conseil d’État. Selon Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, cette revalorisation s’élèverait à 90 euros mensuels, ce qui ne comble même pas les effets du gel du point d’indice.

Mme la présidente. Merci, madame la députée. Votre temps de parole est écoulé.

Mme Clémentine Autain. C’est l’ère du chacun pour soi. Voilà la réalité des grands…

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. Votre système n’est ni juste, ni solidaire, ni redistributif, ni universel. Il n’est même pas constitutionnel, comme vient de le rappeler brillamment M. de Courson.

Lorsqu’on prend le soin de supprimer la référence aux vingt-cinq dernières années de carrière, on pénalise les retraites du privé ; lorsqu’on prend le soin, pour la fonction publique, de supprimer la référence aux six derniers mois, on prépare une baisse de la pension des fonctionnaires. Lorsqu’on décide d’exonérer de cotisations les revenus supérieurs à 10 000 euros mensuels, on prend le risque de nourrir la boîte à Smarties de la capitalisation. Enfin, lorsqu’on transfère un point de PIB du public vers les salariés du privé, on tire un trait sur la soutenabilité du système.

L’État cotise aujourd’hui 72,28 % de la rémunération hors primes des fonctionnaires d’État. Si l’on y ajoute les 5 milliards d’euros de la Caisse nationale de retraite des agents de collectivités locales, les 5 milliards d’euros de la fonction publique hospitalière et les régimes spéciaux, on a plus de 36 milliards d’euros qui vont aller vers le privé, soit un point de PIB.

En baissant ainsi sa contribution au financement du système de retraite, l’État pourra mettre à tout moment le régime universel en déficit. Comment envisagez-vous de compenser ce jeu de bonneteau qui profitera aux caisses d’une assurance retraite « universelle », telle que vous prétendez la construire ? Dans quel délai et comment s’effectuera la transition ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Célia de Lavergne.

Mme Célia de Lavergne. Nous sommes réunis pour débattre du fond de cette réforme, mais aussi pour parler aux Français. Or l’article 1er nous parle, comme il parlera aux Français.

En effet, comme nous, ils sont attachés à ce que, grâce à une Caisse nationale de retraite universelle, une solidarité nationale dépasse, sans les renier, les quarante-deux régimes de solidarité actuels.

Ils sont attachés au système par répartition, c’est-à-dire à une solidarité entre les générations, réaffirmée solennellement par l’article 1er.

M. Hervé Saulignac. Réaffirmer, cela n’engage pas à grand-chose !

Mme Célia de Lavergne. Cette solidarité est l’honneur de la France. Elle permet aux actifs d’aujourd’hui de cotiser pour payer en temps réel les pensions de nos retraités.

L’article 1er fixe six principes essentiels que d’autres veulent supprimer, mais auxquels les Français sont attachés et que nous réaffirmons haut et fort : l’équité, la solidarité entre les assurés, la lisibilité, l’équilibre financier,…

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est complètement faux !

Mme Célia de Lavergne. …la dignité, avec une garantie de revenus et des pensions qui ne baisseront pas, enfin la liberté de choisir sa date de départ en retraite.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Quelle hypocrisie !

Mme Célia de Lavergne. Nous sommes attachés à ces six principes ; nous les réaffirmons. C’est pour cela que le groupe majoritaire veut aujourd’hui débattre du fond du texte et ensuite des modalités de sa mise en œuvre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Chère collègue, aucun de ces six principes n’est respecté dans le projet de loi. Votre réforme est, au contraire, injuste, coûteuse et trop complexe.

Elle est injuste, parce qu’elle modifie le mode de calcul des pensions de retraite. Celles-ci seront désormais calculées sur la base de toute la carrière, et non plus sur les seules vingt-cinq meilleures années. Cela se traduira concrètement par la baisse des pensions de millions de retraités. Cela concernera en particulier celles et ceux qui ont connu de mauvaises années, et aussi celles et ceux qui ont commencé au bas de l’échelle et qui se sont élevés par leur travail et leur mérite. C’est injuste pour les aides-soignantes devenues infirmières, injuste pour les ouvriers devenus contremaîtres ou cadres : ils seront rattrapés à leur retraite par leur début de carrière modeste.

Votre réforme est injuste, aussi, parce qu’elle va augmenter les cotisations des indépendants et des professions libérales. C’est injuste pour les avocats, pour les artisans, pour les commerçants, ou encore pour les kinés. La liste des perdants de votre réforme est – hélas ! – beaucoup plus longue ; il faudrait en particulier y ajouter les mères de famille

Votre réforme est injuste, enfin, parce que, quoi que vous en disiez, vous ne pourrez jamais totalement garantir la valeur du point – vous le savez très bien.

Votre réforme sera en outre très coûteuse, parce qu’elle n’est absolument pas financée. Elle ne comporte aucune mesure d’âge. Votre fameuse conférence de financement est déjà mort-née. Entre le déficit de notre système de retraite, le coût de votre réforme et vos promesses pour satisfaire les grévistes, vous allez devoir trouver plus de 20 milliards d’euros par an à partir de 2025. En vous obstinant à refuser de reculer l’âge légal de départ à la retraite, vous ne pourrez pas combler ce trou de 20 milliards d’euros sans baisser les pensions ou sans augmenter les impôts des Français – ou, malheureusement, sans faire les deux à la fois.

Enfin, votre réforme est tellement complexe que personne n’y comprend plus rien, à commencer par vous. Rendez-vous compte que vous allez faire cohabiter trois systèmes, selon que l’on sera né avant 1975, après 2004 ou entre les deux, tout en multipliant les dérogations et les exceptions !

Vous êtes incapables de répondre aux deux questions très simples que se posent les Français : quand pourrai-je partir à la retraite et quel sera le montant de ma pension ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Tout comme mon collègue Thierry Benoit, je veux rappeler les priorités du groupe UDI, Agir et indépendants.

Nous croyons en la démocratie représentative – aujourd’hui, disons en tout cas que nous essayons d’y croire. Nous avons donc concentré nos efforts sur des propositions d’amélioration. Les voir noyées dans la masse des 40 000 amendements déposés sur ce texte est à nos yeux une perte non seulement pour le débat parlementaire, mais aussi pour ceux que nous représentons. Nos propositions proviennent en effet d’expériences humaines vécues sur le terrain ; elles n’ont d’autre but que de répondre à des situations concrètes.

Nous souhaitons un système équitable, dans lequel les salariés du public et du privé ne seraient pas opposés et dans lequel les régimes spéciaux qui pourraient subsister ne seraient spéciaux que par absolue nécessité et non en raison du maintien de situations acquises.

Nous voulons un système juste, qui garantisse une meilleure retraite à ceux qui ont moins, et qui sont pourtant le poumon de notre pays. Je pense en particulier aux agriculteurs et aux indépendants. De la même manière, ce système doit tenir compte de la situation des travailleurs les plus exposés à la pénibilité, au sens large. Il doit aussi se construire sans utiliser les réserves des régimes autonomes.

C’est un système solidaire et porteur de valeurs fondé sur l’inclusion des personnes handicapées, le soutien aux aidants et une politique familiale ambitieuse. L’utilisation des points est une formidable opportunité pour valoriser ceux qui aident un parent dépendant, pour compenser les aléas de la vie et soutenir le renouvellement des générations.

Tâchons de faire émerger de cette discussion des priorités qui donneront davantage de sens au modèle que nous devons construire aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. L’examen de la réforme des retraites a commencé lundi dans l’hémicycle dans des conditions parfaitement ubuesques, qui sont, à mon avis, indignes de l’examen d’un texte de cette importance, car ce projet de loi aura des conséquences pour tous les Français, et il hypothèque l’avenir même de nos enfants.

Je tiens à évoquer quatre points majeurs.

Premier point : on demande aux députés de voter une réforme alors qu’ils ne disposent d’aucun élément d’information relatif à son financement. Ces éléments nous seront communiqués au mois d’avril, lorsque la conférence de financement aura rendu ses travaux, ce qui reste totalement hypothétique puisque la CGT a quitté la table des négociations…

M. Fabien Roussel. Mais non ! Attendez de voir…

Mme Emmanuelle Ménard. …et que le président du MEDEF a confié son inquiétude quant à l’avancement et l’évolution de la réforme des retraites en ces termes : « Chaque semaine, on découvre de nouveaux problèmes ». Malgré tout cela, on nous demande de nous prononcer en février. Pourquoi une telle urgence ?

Deuxième point : on demande aux députés de voter un texte dans lequel la plupart des dispositions importantes ne sont pas précisées, mais sont renvoyées à des ordonnances gouvernementales. En clair, on nous demande d’accorder un blanc-seing au Gouvernement. La question est : peut-on lui faire confiance ? Les conditions d’examen de ce texte tendent à démontrer que non. Les nombreuses professions descendues dans la rue – je pense tout particulièrement aux avocats – prouvent plutôt que nous aurions tort de le faire.

Troisième point : on nous parle de bâtir, avec cette réforme, un grand régime universel, mais, depuis plusieurs semaines, les négociations ne font que renforcer les régimes spéciaux du public. Le Gouvernement nous explique que, depuis deux ans, il bâtit un même régime pour tous ; c’est faux. Cette réforme instaure en réalité plusieurs régimes, comme le souligne le Conseil d’État, qui en a comptabilisé cinq différents – au bout du compte, il devrait y en avoir encore plus. Et tous ceux qui relèvent de ces régimes ne seront pas soumis aux mêmes règles : certains salariés des régimes spéciaux continueront à partir à la retraite à un âge moins avancé que les autres ; d’autres continueront à bénéficier de leur régime complémentaire. Bref, nous aboutissons au parfait contraire de l’universalité revendiquée.

Mme la présidente. Il faut conclure, chère collègue.

Mme Emmanuelle Ménard. Quatrième point : pour financer ces régimes toujours plus spéciaux, on prévoit de piller littéralement les caisses du privé, qui, elles, sont excédentaires. Le fait de permettre à l’État de capter les réserves des régimes complémentaires du privé n’est pas souhaitable ; c’est même intolérable. (Mme Marie-France Lorho applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Les enseignants et les chercheurs seront les grands perdants de votre système universel de retraite. Vous le reconnaissez dès l’article 1er, qui prévoit une loi de programmation comportant un mécanisme à même de garantir aux personnels enseignants ayant la qualité de fonctionnaire une revalorisation de leur rémunération leur assurant le versement d’une retraite d’un montant équivalent à celle perçue par les fonctionnaires appartenant à des corps comparables de la fonction publique d’État.

En commission spéciale, vous avez supprimé cet alinéa, puis vous l’avez réintroduit par un amendement portant article additionnel. Cependant, dans son avis, le Conseil d’État a écarté ces dispositions, qui renvoient à une loi de programmation, en raison de leur imprécision, du fait qu’elles étaient dépourvues de toute valeur normative et parce qu’elles constituaient une injonction au Gouvernement en l’obligeant à déposer un projet de loi de programmation. Ces dispositions sont ainsi contraires à la Constitution, et votre engagement est donc caduc.

M. Alexandre Freschi. Pas du tout  !

M. Régis Juanico. Pendant ce temps, Jean-Michel Blanquer propose un marché de dupes aux enseignants et chercheurs. En effet, pour compenser la baisse significative du montant des pensions dans votre nouveau système, il faudrait une augmentation des traitements des enseignants de l’ordre de 1 000 à 1 500 euros par mois, soit 10 milliards à 12 milliards de masse salariale supplémentaire, alors qu’à ce stade, le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse propose aux organisations syndicales de débloquer 500 millions d’euros pour le budget pour 2021, dont 200 millions d’euros sous forme de prime d’attractivité !

M. Guillaume Garot. C’est vrai !

M. Alexandre Freschi. Pas du tout !

M. Régis Juanico. Cela revient donc à proposer une prime d’un montant moyen de 90 euros mensuel pour les dix premières années de la carrière. Le reste, soit 300 millions d’euros, seront distribués sous forme de primes au mérite, liées à des contreparties : des formations obligatoires pendant les congés scolaires, des remplacements rémunérés par des heures supplémentaires, l’encadrement des jeunes volontaires du service national universel… C’est surréaliste ! Il y aura des tâches et des missions nouvelles rémunérées, mais pas de revalorisation des grilles salariales ou du point d’indice de la fonction publique.

Mme la présidente. Merci, cher collègue.

M. Régis Juanico. Votre impréparation, votre précipitation, votre dissimulation, c’est de la poudre aux yeux pour les enseignants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

M. Ugo Bernalicis. De la poudre de Perlimpinpin !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. M. de Courson s’est déjà exprimé au nom du groupe Libertés et territoires, mais il m’a laissé un certain nombre de choses à dire.

Lorsque je suis intervenu au cours de la discussion générale, je crois avoir prononcé quatorze fois le mot « confiance ». Monsieur le secrétaire d’État, il est normal que l’on vous pose des questions auxquelles, pour l’instant, nous n’avons pas de réponse. Je souhaite que vous puissiez nous éclairer : il n’est pas nécessaire d’attendre les conclusions de la conférence de financement pour disposer de ces informations.

Le premier point sur lequel vous devez nous donner des éclaircissements porte sur le fait que 1 euro cotisé ouvrirait les mêmes droits à chacun. Vous m’accorderez qu’à partir du moment où le fameux système universel tolérera des dérogations qui permettront à certains de partir plus tôt, chaque euro cotisé ne saurait donner les mêmes droits à tous les salariés.

Le deuxième point vise le troisième objectif affirmé par l’article 1er – celui de « garantie d’un niveau de vie satisfaisant aux retraités » : quel est, selon vous, ce niveau de vie satisfaisant ?

M. Boris Vallaud. Ils n’en savent rien : ce sont des mots !

M. Philippe Vigier. Troisième point : le texte fixe, en 4o, « un objectif de liberté de choix pour les assurés […] sous réserve d’un âge minimum ». Que recouvre l’expression « âge minimum » ? J’ai bien compris que vous ne touchiez pas à l’âge légal. S’agit-il d’un âge d’équilibre, d’un âge pivot, différent selon les métiers ? Vous devez également nous apporter des précisions sur ce point.

Enfin – quatrième point –, qu’en est-il de la soutenabilité financière ? Le Gouvernement a déposé cinquante-huit amendements, dont plusieurs concernent les notaires, afin de prévoir des conditions transitoires permettant d’absorber l’augmentation du taux de cotisation. Des discussions sont en cours avec l’ensemble des indépendants : nous devons être informés de leur teneur, parce que nous sommes interrogés sur le sujet. Nous devons pouvoir apporter des réponses.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, qu’en sera-t-il des trois fonds de réserve ? Entendez-vous toucher au Fonds de réserve pour les retraites, au fonds des indépendants et à celui de l’AGIRC-ARRCO – l’Association  générale  des  institutions  de  retraite  des  cadres et l’Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés ?

Mme la présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Je vais essayer, à mon tour, de faire preuve de pédagogie et de diminuer les décibels. (Sourires.)

Je fais le pari qu’au sein du groupe majoritaire, il y a ceux qui savent pertinemment ce qu’ils font et ceux qui, parce que nous ne sommes pas tous des techniciens des retraites, ont pu être atteints par les éléments de langage et ne saisissent pas complètement la portée du texte.

Il ne s’agit pas de répéter que la réforme est juste, simple, universelle, ou que la valeur du point sera garantie, pour que cela soit vrai. En réalité, avec ce texte, vous fixez un cadre visant à garantir l’équilibre financier du système – ce qui est plutôt louable –, mais sans consacrer une part plus importante de la richesse nationale aux retraites, ce qui est détestable, parce que la combinaison de ces deux objectifs annonce une baisse du niveau des pensions. En effet la richesse produite est un stock, qui est le fait des seuls travailleurs : or, en vertu du projet de loi, la part de cette richesse qui sera consacrée aux retraites diminuera, alors que la démographie nous annonce un nombre toujours plus élevé de seniors.

M. Ugo Bernalicis. Eh oui !

M. Adrien Quatennens. Certes, le secrétaire d’État nous répond que le PIB pourra augmenter. Outre que je conteste l’idée que, compte tenu du changement climatique, nous puissions faire le pari d’une augmentation exponentielle du PIB, j’ai la certitude que, de toute façon, il n’augmentera jamais assez vite pour combler le trou.

C’est pourquoi la seule façon de garantir l’équilibre financier du système est de faire payer uniquement les travailleurs, par une baisse effective du niveau de leurs pensions. Je le répète à mes collègues de la majorité : il revient au même de décaler l’âge d’équilibre, génération après génération, et d’assumer une baisse du niveau des pensions. Il faudrait au contraire consacrer une part plus importante de la richesse que nous produisons aux retraites, pour garantir un âge de départ digne et un niveau de pension décent. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

J’espère avoir fait avancer nos contradictions.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. L’article 1er relève de la publicité mensongère ; c’est une vague profession de foi. En le lisant vite, on se croirait au pays des Bisounours, alors qu’il existe un abîme entre les intentions affichées et la réalité des mesures proposées.

La philosophie de cette réforme libérale repose sur l’individualisation. Au cœur du dispositif, nous trouvons naturellement cette règle d’or que vous évoquez et qui est l’austérité budgétaire : en impliquant un ajustement permanent, elle se traduit par une incertitude généralisée. Aucun droit n’est garanti. Il en est de même du taux de remplacement. Il s’agit d’un renversement radical.

Vous voulez que les gens travaillent plus longtemps – vous l’avez dit, d’ailleurs – et que leurs pensions baissent, puisque ce sera un des effets de la réforme. Vous voulez plus de seniors au travail et plus de seniors au chômage, alors qu’il convient au contraire de garantir leur droit à la retraite. Vous savez également que votre texte entraînera un recours croissant à la capitalisation.

Contrairement à ce que d’aucuns ont prétendu, vous rayez d’un trait de plume des solidarités et des droits existants pour tout abaisser. Les exceptions que vous êtes contraints de concéder à l’article 1er sont l’aveu de votre incurie : vous voilà obligés de bricoler des correctifs, tout en ne reconnaissant pas les particularités de nombreuses fonctions sociales – je pense notamment aux métiers de l’éducation nationale.

Du reste, les agents de l’éducation nationale n’ont pas été convaincus par les propositions que Régis Juanico a évoquées à l’instant. Le secrétaire général de la FSU – Fédération syndicale unitaire –, que nous avons reçu, n’a pas été invité à participer à la conférence de financement : vous avez choisi d’écarter le principal syndicat représentatif des agents de l’éducation nationale, qui combat, évidemment, ces propositions parce qu’elles ne conviennent pas.

Nous proposons une autre réforme, qui améliore le système existant en le corrigeant, à l’inverse du projet de régression sociale que vous nous présentez. Vous devriez prendre au sérieux le rejet profond qui s’exprime dans le pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Belkhir Belhaddad.

M. Belkhir Belhaddad. L’injustice, voilà ce qui caractérise le système actuel : injustice entre les Français, entre les régimes, entre ceux qui comprennent et ceux qui subissent. Or nous opposons à cette injustice six objectifs, qu’il faudrait, selon vos amendements, chers membres des oppositions, supprimer, raboter, rogner, désosser, alors que ces six objectifs fixent et structurent nos engagements : l’équité, la solidarité, un niveau de vie satisfaisant pour les futurs retraités, la liberté de choisir sa date de départ, la soutenabilité économique et la lisibilité des droits.

En face, les oppositions nous assènent leurs vérités. Mesdames et messieurs de l’opposition, vos vérités sont celles qui font perdre la confiance dans le système, qui font croire aux jeunes qu’ils ne jouiront pas d’une retraite, qui poussent des retraités à franchir le seuil de ma permanence parlementaire parce qu’ils ne comprennent pas pourquoi tel trimestre ne leur est pas crédité. Vos vérités sont celles qui se contentent de raboter le traitement des enseignants en prévision d’une retraite plus généreuse. Vos vérités sont celles des régimes spéciaux équilibrés chaque année par la solidarité nationale. Vos vérités sont celles d’un système qui privilégie une minorité au détriment du plus grand nombre.

On peut toujours examiner des milliers d’amendements, comme les hamsters qui tournent leur roue sans savoir pourquoi. Des collègues déposent des amendements qui ne veulent pas dire grand-chose : l’important est que la roue tourne. En face, nous opposons la constance et la solidité de nos choix. Ambroise Croizat, après la guerre, en a rêvé ; Éric Woerth, il y a dix ans, en a causé ; aujourd’hui, fidèles à l’engagement du Président de la République, nous le faisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Damien Abad. C’est beau l’humilité ! Continuez !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. L’article 1er est un geste littéraire : c’est une série de principes généraux auxquels, je le pense du moins, chacun doit être favorable. Ces principes n’en demeurent pas moins souvent éloignés de la réalité. Je prendrai deux ou trois exemples.

Premier exemple : la liberté de choisir son âge de départ. Non, le texte n’assurera pas la liberté de choix. La vérité est que l’âge de départ, que vous avez transformé en âge pivot, du moins si la conférence de financement aboutit – la décision ne nous appartient pas –, conduira à une baisse des pensions. Les personnes qui partent aujourd’hui à 62 ans avec un taux plein partiront avec une décote. Vous prétendez améliorer les pensions des femmes, mais la plupart d’entre elles partiront avec une pension amputée d’une superdécote – car il y aura une superdécote. L’âge pivot rend irréaliste la liberté de l’âge de départ, puisque ce choix se traduira obligatoirement par une baisse des pensions.

Deuxième exemple : la pénibilité. C’est sûr, nous avons plongé dans la pénibilité cet après-midi : nous avons vu ce qu’était un débat pénible.

Je tiens à mettre en garde le Gouvernement : qu’il fasse attention à la définition de la pénibilité. Il est toujours possible d’additionner les métiers, mais quelle étrange manière de travailler, puisque, chaque jour, de nouveaux métiers apparaissent ! On est certain d’en oublier ! Pourquoi ne pas non plus prendre en considération la durée du trajet entre le domicile et le travail ? L’affaire n’a pas fini de se compliquer, aboutissant, comme l’ont souligné plusieurs collègues, à la création de nouveaux régimes spéciaux, pour un résultat toujours plus injuste. Faites très attention : il faut vous fonder sur une définition objective et objectivable de la pénibilité.

Troisième exemple : le financement. Non seulement il n’y a pas de règle d’or sans contrainte, mais il y a aussi un financement gigantesque à trouver pour 2025, année d’entrée dans le régime universel : 15 à 20 milliards d’euros – je vous les détaillerai, si vous le souhaitez, lors de l’examen des amendements. C’est une bombe à retardement budgétaire, comme dirait, avec raison, Charles de Courson.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. J’ai l’honneur d’être le dernier inscrit sur l’article 1er, qui pose les principes généraux du futur régime : l’équité, la justice sociale, la lisibilité… J’ai beaucoup travaillé avec de nombreux collègues, dans le cadre de la commission spéciale, sur ce texte – soixante-quinze heures de débat, dont dix-sept consacrées à l’expression du seul groupe FI. Je peux donc affirmer en connaissance de cause, après l’avoir travaillé, qu’il s’agit d’un très bon texte, qui répond à toutes les questions. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Damien Abad. On sent poindre le doute…

M. Jean-Paul Mattei. Absolument pas !

M. Éric Diard. Ça s’appelle la méthode Coué  !

Mme la présidente. Seul M. Mattei a la parole.

M. Jean-Paul Mattei. Ainsi, l’article 9 fixe les modalités de détermination de la valeur du point ; l’article 13, les modalités de la cotisation au système universel.

M. Sébastien Jumel. Quand sera fixée la valeur du point ?

M. Jean-Paul Mattei. Avant la fin de 2021.

M. Damien Abad. Il n’y aura personne pour la garantir !

M. Jean-Paul Mattei. On aura les outils nécessaires – notamment la Caisse nationale de retraite universelle. Le texte donne toutes les réponses. Plongez-vous dedans !

M. Fabien Roussel. Nous aurons les réponses après le vote du projet de loi !

M. Jean-Paul Mattei. J’ai hâte que nous débattions du fond. En fin de compte, nous adopterons ce texte,…

M. Fabien Roussel. Ah bon ? Inutile de continuer à discuter, donc !

M. Pierre Dharréville. Voilà qui a le mérite d’être clair !

M. Jean-Paul Mattei. …parce qu’il garantit l’équité et la justice sociale, tout en assurant aux générations futures la lisibilité de leurs droits. Je suis persuadé que si nous nous attachons au fond du texte, dans le cadre de nos débats puis de la navette parlementaire, comme dans celui des ordonnances – je le dis sans provocation, parce qu’elles sont nécessaires –, nous saurons proposer un bon texte aux Français.

De toute façon, 2022 n’est pas loin : nous verrons bien alors comment nous jugeront les électeurs, puisque nous sommes responsables de ce texte.

M. Fabien Roussel. Vous en êtes les responsables, il n’y a aucun doute là-dessus !

M. Jean-Paul Mattei. Il sera certainement au menu des prochaines campagnes présidentielle et législatives. Nous l’assumons. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les inscrits sur l’article.

M. Pierre Dharréville. Rappel au règlement !

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour un rappel au règlement – sur quel fondement, je vous prie ?

M. Pierre Dharréville. Sur le fondement des articles 98 et 100, madame la présidente.

En l’espace de dix minutes, 400 amendements ont été supprimés. Auraient-ils été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution ? Cela m’étonne !

Je tiens à élever une protestation, parce qu’une telle pratique nous interdit de discuter du fond du texte comme de proposer d’autres mesures. Je souhaite recevoir des explications sur cette suppression de 400 amendements en l’espace de dix minutes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

Mme la présidente. Monsieur le député, je ne suis pas en mesure de vous répondre sur les motifs qui ont présidé à la suppression de ces 400 amendements. J’ai demandé au service de la séance de me fournir des explications.

La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un autre rappel au règlement.

M. Sébastien Jumel. Rappel au règlement sur le même fondement que celui de M. Dharréville.

L’irrecevabilité de ces amendements en rajoute sur le sentiment que nous avons eu, en milieu d’après-midi, d’être muselés. (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Erwan Balanant. On n’entend que lui et il prétend être muselé !

M. Sébastien Jumel. Si ces amendements ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40, je souhaite que la commission des finances nous apporte les précisions nécessaires. Si tel n’est pas le cas, je propose alors que la commission spéciale se réunisse pour nous expliquer à quel titre ils l’ont été. En effet, la commission spéciale n’avait pas constaté que ces amendements étaient irrecevables : c’est une atteinte supplémentaire, et très grave, à notre droit de débattre du texte, de le modifier et de l’enrichir.

Comme par hasard, ce sont encore une fois des amendements « cocos » qui tombent ! Je ne suis pas paranoïaque de nature.  

M. Boris Vallaud. Il y a également des amendements du groupe Socialistes et apparentés.

M. Sébastien Jumel. Cela n’est pas fait pour me rassurer : ceux de l’opposition tombent, semble-t-il, plus facilement que les autres. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Éric Woerth, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. J’ignore ce qu’il en est des 400 amendements que vous évoquez, mais je peux vous indiquer que 16 % des amendements sur le texte ont été déclarés irrecevables. C’est une proportion globalement équivalente à celle que l’on peut constater sur les autres textes.

S’agissant de ce projet de loi, l’examen de la recevabilité est particulièrement complexe, car il faut comparer le droit existant et celui qui est créé par le texte. Or les systèmes sont si différents qu’il est très difficile de déterminer une base de référence. Nous avons toujours essayé que le doute profite aux parlementaires.

De nombreux parlementaires ont déposé des amendements de suppression, qui sont évidemment recevables. En revanche, si les amendements – à l’exception de ceux tendant à revenir au système existant – créent des charges, ils sont déclarés irrecevables car, pas plus que dans le cadre du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous ne pouvez gager ces charges. Cette règle constitue le fondement même de l’article 40.

Je suis bien entendu prêt à discuter de chaque amendement qui a été déclaré irrecevable, mais il y a sans doute de très bonnes raisons à cela. La décision est prise de manière totalement impartiale, sans même que nous regardions qui sont les auteurs de l’amendement ; les administrateurs examinent les amendements avec toute l’impartialité de leur déontologie, et j’arbitre certaines décisions, non pas à la tête du client, mais au regard des jurisprudences établies, depuis longtemps, par les présidents successifs de la commission des finances. Certaines jurisprudences sont très solides, d’autres peuvent évoluer ; lorsque c’est le cas, c’est généralement plutôt en faveur d’une liberté supplémentaire accordée aux parlementaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Il s’agit d’un rappel au règlement sur le même fondement que le précédent, afin de réagir à ce qui vient d’être dit.

Je voudrais dire deux choses. La première, c’est qu’on ne peut pas à la fois critiquer la totale illisibilité financière de la réforme proposée et expliquer que nos amendements ont un effet certain et lisible sur un dispositif qui ne l’est pas. Il me semble qu’il y a là une petite contradiction.

Ensuite, même si je comprends les explications données par le président de la commission des finances, les règles qu’il applique posent un problème majeur : en réalité, nous ne pouvons donc pas discuter des paramètres du texte. Dans ce cas, de quoi discutons-nous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

Mme la présidente. Ce débat relevant de la commission des finances, je propose que nous en restions là.

Mme Cendra Motin. Très bien !

M. Sébastien Jumel. Ne pourrait-on pas la réunir ?

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Pour la clarté du débat, je voudrais à nouveau souligner la difficulté à laquelle sont confrontés l’ensemble des parlementaires. Tout à l’heure, on nous a reproché d’avoir déposé des amendements trop répétitifs – nous sommes plusieurs à l’avoir fait –, qui ne paraissaient pas d’une grande intelligence. Or il ne s’agit jamais que d’amendements de suppression ! Malheureusement, nous sommes plusieurs députés à avoir été censurés au titre de l’article 40 : ce n’est pas propre au groupe GDR.

Je ne conteste évidemment pas les décisions du président de la commission des finances, et je comprends parfaitement la difficulté qui a été la sienne pour savoir à l’aune de quelle référence l’aggravation des charges devait être établie : est-ce par rapport au droit actuel ou au droit nouveau que crée le texte ?

Dans ces conditions, il est extrêmement compliqué pour les députés de déposer des amendements recevables, échappant au couperet de l’article 40, et d’accomplir leur travail dans le cadre de l’examen de ce texte.

M. Pierre Dharréville. Oh que oui !

Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. S’agit-il d’un rappel au règlement, madame la présidente ?

M. Olivier Marleix. Une fois encore, l’impératif de clarté du débat parlementaire en prend un sale coup. Le Conseil d’État avait déjà émis des observations sur les risques que l’examen d’un texte dans de telles conditions faisait peser sur sa constitutionnalité.

M. Sylvain Maillard. Madame la présidente ! Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Olivier Marleix. Malheureusement, le travail sur les amendements ne fait que renforcer cette difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au règlement – sur quel fondement, cher collègue ?

M. Ugo Bernalicis. Sur le fondement de l’article 52, madame la présidente. Puisque vous assurez le maintien de l’ordre et la police dans l’hémicycle, je voudrais que vous constatiez une infraction avérée à l’article L. 121-1 du code de la consommation, qui traite des pratiques commerciales trompeuses.

Au cours des interventions portant sur l’article 1er, nous avons entendu…

Mme la présidente. Monsieur le député, ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Ugo Bernalicis. Il y a des pratiques commerciales trompeuses !

Mme la présidente. Votre intervention n’est pas fondée sur un élément du règlement.

M. Ugo Bernalicis. Je vous demande d’assurer la police dans l’hémicycle ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Brahim Hammouche. Un peu de respect !

Mme la présidente. Monsieur le député…

M. Ugo Bernalicis. Madame la présidente, l’infraction est constatée : il faut que vous y donniez suite ! (Brouhaha.)

Mme la présidente. Monsieur le député, je ne peux pas vous laisser poursuivre dans ce sens.

M. Ugo Bernalicis. Il y a une pratique commerciale trompeuse avérée concernant le prix du point, le coefficient…

Mme la présidente. Il suffit.

La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un rappel au règlement. Sur quel fondement le formulez-vous, cher collègue ?

M. Sébastien Jumel. Sur le fondement de l’article 58, alinéa 5, madame la présidente.

Avec beaucoup de légitimité, le président Woerth nous explique – et nous le respectons – que certains des amendements que nous avons déposés, notamment ceux tendant à supprimer la référence à l’âge d’équilibre, engendrent des charges. Il a également dit – et nous l’avons écouté avec beaucoup de sérieux – qu’il était difficile d’avoir une lisibilité financière de la réforme. Vous-même, madame la présidente, avez indiqué que le débat sur la recevabilité des amendements relevait de la commission des finances. Je demande donc que cette commission se réunisse pour examiner la recevabilité des amendements ; à défaut, on ferait tomber des amendements avant même d’avoir un avis éclairé de la commission compétente. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

Article 1er (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. J’ai écouté avec intérêt les orateurs et, même si nous pourrons en débattre plus avant tout à l’heure, je souhaite apporter d’ores et déjà quelques éclairages sur le projet du Gouvernement. Je tiens à préciser que je ne répondrai pas forcément dans l’ordre des intervenants : par exemple, je ne voudrais pas que M. Vallaud, qui s’était exprimé en premier, me fasse grief de ne pas le citer en premier – même si, de fait, je viens de le faire !

M. le président Woerth m’a demandé à quel âge on pourrait partir à taux plein. Dans le système actuel, et ce sera le cas jusqu’en 2035, c’est quant on a atteint quarante-trois années de travail ; comme l’âge moyen d’entrée dans la vie active est de 22 ans – ce qui pourrait d’ailleurs évoluer d’ici à 2035 –, il ne faut pas être un grand mathématicien pour en déduire que l’âge de départ à taux plein est à 65 ans. Voilà la réponse à sa question – même si, expérimenté qu’il est en la matière, il la connaissait déjà.

Il sait aussi que les dispositifs – certains très courageux, d’autres peut-être moins justes – mis en place par la majorité à laquelle il appartenait à l’époque conduisent aujourd’hui certains de nos concitoyens, essentiellement les femmes et les personnes à faibles revenus, à travailler jusqu’à 67 ans pour annuler la décote. Telle est la réalité ! Si l’on peut faire grief au texte d’un certain nombre de choses, on peut aussi énoncer des vérités objectives et claires.

S’agissant de la pénibilité, monsieur le président Woerth, vous nous mettez en garde de ne pas raisonner trop systématiquement en termes de métier. Vous savez la place que nous souhaitons laisser aux partenaires sociaux, afin qu’ils construisent une réponse qui soit cohérente à la fois avec la vie de l’entreprise et avec l’évolution des métiers. Vous avez fait remarquer que les situations en 2035 ne seraient certainement pas celles de 2020 : je suis sensible à cet argument, et c’est la raison pour laquelle je défendrai plusieurs aspects du texte qui y ont trait.

Messieurs le président Vigier et Charles de Courson, je pensais avoir déjà répondu en commission spéciale à vos interrogations – c’est au moins le cas pour M. de Courson. S’agissant des carrières des enseignants et des enseignants-chercheurs – et je réponds là également à M. Juanico –, elles offrent de grandes différences avec les carrières plates, notamment celles des fonctionnaires territoriaux ou hospitaliers. Par exemple, l’étude d’impact montre bien que, dans le cadre de la réforme, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles – ATSEM –, qui accompagnent les institutrices et instituteurs des petites classes, bénéficieraient d’une dynamique plus favorable.

La réforme est donc favorable aux carrières plates, pour lesquelles la question de la prime ne revêt pas la même importance que pour l’ensemble des enseignants, qui, eux, ont des carrières ascendantes, mais démarrent très bas. C’est justement ce qu’il faut corriger. En effet, comme Régis Juanico le soulignait dans la première partie de son propos, la dynamique du nouveau système de retraites ne leur sera pas favorable. C’est pourquoi le Gouvernement a fait le choix politique de s’engager auprès des enseignants-chercheurs sur le montant de leurs pensions.

M. Boris Vallaud. Ce n’est pas vrai !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous savons qu’il faut reconstruire leur rémunération, car, par rapport à d’autres fonctionnaires de catégorie A, ils sont effectivement lésés. C’est une réalité, et nous assumons notre choix politique.

Je rappelle que même si les discussions n’ont pas pu aboutir en commission spéciale, ce qui a pour conséquence que nous discutons dans l’hémicycle du texte du Gouvernement, une large majorité de la commission avait fait le choix politique de garantir aux enseignants, dans le cadre d’un article 1er bis, le niveau de leurs pensions. J’espère qu’il en ira de même lors du débat en séance.

Monsieur Quatennens, je sais apprécier que vous me challengiez,…

M. Ugo Bernalicis. Pourriez-vous parler français ?

M. Philippe Gosselin. « Challenger »… Franchement, quelle façon de parler !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. …que vous m’interpelliez sur des sujets touchant au produit intérieur brut et à la richesse nationale. Celle-ci évolue significativement ; je sais que vous partagez ce constat. Elle évolue même de façon suffisamment importante pour que, malgré les 2 millions de retraités supplémentaires au cours des dix dernières années, les pensions moyennes aient augmenté de 20 % sans que la part du PIB dédiée aux retraites ne s’éloigne de 13,7 % : je vous l’ai déjà dit, et je sais que cela ne suffit pas à vous convaincre, mais je ne résiste pas au plaisir, non de vous le dire à nouveau, mais de partager avec l’ensemble de l’hémicycle la réalité de la situation dans notre pays.

Cependant, puisque je ne peux vous convaincre avec ce seul argument, je vais, si vous le permettez, en développer un deuxième. Avec le système actuel, les perspectives à 2050 établies par le Conseil d’orientation des retraites fixent à 13 % la part du PIB consacrée aux retraites. Avec le futur système universel, celui que nous vous proposons d’adopter, cette part serait de 12,9 % – voilà qui répondra peut-être aux questions sur le financement posées par le président Woerth. Nous nous inscrivons donc dans la même épure, dans la même structuration. Si, comme je l’espère, vous décidez d’adopter ce projet de loi, ces perspectives sont extrêmement rassurantes ; nous consacrerons à nos aînés la même part d’un PIB qui, par ailleurs, progresse.

M. Boris Vallaud. Il y aura plus de retraités !

M. Frédéric Petit. Mais avec deux systèmes !

M. Ugo Bernalicis. C’est un article qui relève de la pratique commerciale trompeuse !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Mme de Lavergne et MM. Mattei et Belhaddad se sont réjouis des avancées figurant dans le texte en matière de justice sociale, notamment les mesures visant les 40 % de futurs retraités les plus vulnérables, les plus modestes, ceux qui percevront moins de 1 400 euros de retraite. La dynamique du système permettra de mieux protéger leurs pensions.

M. Belhaddad a souligné, tout comme le président Philippe Vigier, un point important : la dynamique de confiance entre les générations.

M. Boris Vallaud. C’est quoi, ça ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous ne pouvons pas l’oublier – mais redisons-le ensemble : la réalité de notre fonctionnement par répartition, c’est que ce sont les plus jeunes qui, à travers leurs cotisations, paient les pensions des aînés. C’est pour cela qu’il faut construire un système solide, rassurant et durable pour ceux qui le font fonctionner, c’est-à-dire ceux qui cotisent.

Madame Ménard, vous m’avez interpellé – fort aimablement, c’est une interpellation au sens de l’Assemblée nationale – au sujet du système et du régime universels. Peut-être n’en avons-nous pas encore discuté dans l’hémicycle, et je ne vous en fais pas grief, mais le rapport du Conseil d’État, qui a l’air de susciter beaucoup d’intérêt sur ces bancs, a fait état de ses considérations. J’imagine que tous les mots y ont de l’intérêt, et non pas uniquement ceux qui pourraient servir une lecture politique.

Or le point douze, qui figure à la page 7, précise que le projet de loi crée bien un système universel. Vous avez raison, madame Ménard : il existera en son sein des spécificités, ainsi que plusieurs régimes. Le système mis en place sera néanmoins universel ; il permettra que les mêmes efforts octroient les mêmes droits.

Je m’excuse de la longueur de ma réponse, mais de nombreux intervenants se sont exprimés et je ne voudrais pas que vous pensiez que le Gouvernement ne souhaite pas prendre part au débat, alors que nous entrons dans le fond de celui-ci.

Le sujet des réserves a été évoqué par M. Philippe Vigier, et par d’autres aussi. Comme nous l’avons souligné, toutes les réserves – qu’il s’agisse de celles de l’AGIRC-ARRCO ou de celles des régimes dits autonomes ou spécifiques – appartiennent à ces organismes et ne sauraient faire l’objet d’une captation par l’État. Cette question ne fait pas débat : ce n’est tout simplement pas possible. D’ailleurs, si l’un ou l’une d’entre vous avait identifié dans le projet de loi un élément prouvant le contraire, vous nous auriez d’ores et déjà alertés sur le sujet.

Quant au Fonds de réserve pour les retraites, nous l’avons effectivement fléché vers le Fonds de réserves universel. Lors de la discussion sur l’article 60, vous pourrez constater que nous avons défini des objectifs clairs pour ce dernier – ce qui manquait au premier.

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

M. Pierre Dharréville. Et à moi, on ne répond pas ?

 

 
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