Article 1er
Mme la
présidente. En application de l’article 95, alinéa 2, du
règlement, les interventions des députés sur les articles du texte sont en
principe limitées à un orateur par groupe et à un orateur non inscrit.
Conformément à l’article 54, alinéa 5, il est possible de déroger à
cette règle dans l’intérêt du débat. La conférence des présidents a décidé que,
sur certains articles, deux orateurs par groupe pourront intervenir. Or tel est
le cas de l’article 1er dont nous abordons l’examen.
La
parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris
Vallaud. L’occasion nous est offerte de débattre sur le fond et
d’affirmer que l’article 1er est celui de tous les
boniments.
Ainsi, comment peut-on prétendre à l’équité en voulant établir
un système qui oublie les différences d’espérance de vie, qui néglige la
question de la pénibilité et qui instaure un âge pivot qui pénalisera les
carrières longues ? Vous prétendez en outre qu’un euro cotisé produira les
mêmes droits pour chacun. Or c’est faux : ceux nés avant 1975 cotiseront
sans se créer de tels droits ; ceux qui cumulent retraite et emploi avant
l’âge pivot, cotiseront, de même, sans se créer de droits ; les artisans,
dont la cotisation de solidarité pèse proportionnellement plus lourd dans le
total de leurs cotisations, bénéficieront d’un rendement réel inférieur à celui
des salariés.
Solidarité ? Vous avez évoqué tout à l’heure le
minimum du taux de pension qui serait désormais de 85 % du SMIC, mais vous
oubliez de dire que si, aujourd’hui, c’est 75 % à l’âge de 62 ans, en
2037, ce sera 85 % à 65 ans, c’est-à-dire qu’à 62 ans, on
touchera moins qu’aujourd’hui. Vous oubliez aussi de dire que ce taux vaudra
pour une carrière complète.
Mme Valérie
Rabault. Eh oui !
M. Boris
Vallaud. Vous oubliez de dire que ce sera 85 % du SMIC au moment de
la liquidation et que, vingt ans plus tard, le taux ne sera plus que de
70 %. Vous oubliez de dire à tous les petits agriculteurs que vous leur
ferez des mauvaises manières dès lors qu’ils seront en pension.
M. Philippe
Gosselin. Il a raison !
M. Boris
Vallaud. Vous prétendez vouloir assurer aux retraités un niveau de vie
satisfaisant, mais de quoi s’agit-il ? À cause de votre réforme, le niveau
de vie des retraités va décrocher par rapport à celui des actifs. La baisse du
taux de remplacement sera de l’ordre de 30 % et il faudra travailler trois
ans de plus. Ce que vous oubliez de préciser aussi, c’est que 30 % des
pensionnés seront dans le filet de sécurité, et 40 % des femmes ; il
est donc difficile de considérer qu’il s’agit d’un progrès.
Vous invoquez
la liberté, mais laquelle ? Celle consistant à pouvoir choisir entre être
un chômeur âgé et être un retraité pauvre ? Celle consistant à travailler
plus ou à gagner moins ? Encore une fois, c’est une duperie.
Vous
parlez de soutenabilité économique et d’équilibre financier, mais
lesquels ? Voilà des heures que nous vous posons une question, simple,
concernant l’exonération de 4 milliards d’euros de cotisations pour les
1 % de Français les plus riches.
Qui croire ? Certainement pas
vous ! La seule chose certaine, c’est votre règle d’or, qui sera la règle
de plomb des retraités pour lesquels tout pliera : la valeur du point,
l’âge de départ à la retraite, la lisibilité… Sur ces points, personne ne vous
croit.
Mme la
présidente. Merci, cher collègue.
M. Boris
Vallaud. Je termine, madame la présidente.
Mme Cendra
Motin. Oui, terminez !
M. Boris
Vallaud. Nous aurons l’occasion de revenir en détail sur le mensonge
concernant la rémunération des enseignants. (Applaudissements sur quelques
bancs du groupe SOC.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.
M. Thierry
Benoit. Je répéterai ce que j’ai dit en commission. Il est important que
l’article 1er réaffirme le principe du système de retraite par
répartition. Les droits acquis sont actuellement fonction des trimestres
accumulés. Or, grâce au projet de loi, les droits seront acquis en fonction des
points cotisés. Et, dès le premier point, les bénéficiaires auront des droits
– c’est précieux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe
LaREM.)
M. Sylvain
Maillard. C’est exact.
M. Thierry
Benoit. Il est également précieux de rappeler que, quel que soit le
statut du cotisant, quel que soit le statut du bénéficiaire, la valeur du point
cotisé comme la valeur du point octroyé sera la même, ce qui est
naturel.
Ce qui m’importe, à ce stade, c’est que le texte amorce
l’extinction des régimes dits spéciaux (« Mais
non ! »,sur plusieurs bancs du groupe
LR), une extinction demandée par une grande majorité de nos concitoyens
depuis plusieurs dizaines d’années. Je dis bien « amorce », car
supprimer tous ces régimes du jour au lendemain, chacun sait que ce serait très
difficile.
Autre intérêt du projet de loi et qui figure parmi les grands
principes énumérés à l’article 1er : la volonté de faire
converger le secteur public et le secteur privé. Il s’agit en effet d’éviter
l’existence de deux sphères juxtaposées. Cela aussi, c’est précieux.
(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir, ainsi que sur de
nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. André
Chassaigne. Rappel au règlement !
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour un rappel au
règlement. Sur quel fondement le formulez-vous, cher collègue ?
M. André
Chassaigne. Mon intervention se fonde sur l’article 100,
alinéa 5. Je tiens à revenir solennellement, et avec une forme de colère,
sur les propos tenus tout à l’heure par le président de l’Assemblée. Il nous a
communiqué une liste exhaustive des amendements qui ne seront pas discutés
puisque reprenant des termes d’un amendement préalablement rejeté.
Hier,
les amendements nos 25, 248 et 12014, présentés par des députés
du groupe Les Républicains – veuillez m’excuser, chers collègues de ce
groupe –, allaient dans le même sens que les nôtres. Or le président avait
annoncé que les amendements similaires en cours de discussion tomberaient. Je
prendrai en outre l’exemple de l’amendement no 22695 à
l’article 1er, lequel présente exactement le même dispositif que
l’amendement des députés communistes. Or l’amendement no 22695
n’apparaît pas dans la liste qui nous a été communiquée. J’ai donc ici la preuve
– et ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres – que les députés
communistes sont victime d’ostracisme. (Protestations sur de nombreux bancs
du groupe LaREM.)
Un député du groupe
LaREM. Calimero !
M. André
Chassaigne. Si, si ! C’est la réalité.
M. Philippe
Gosselin. Le Conseil constitutionnel tranchera.
M. André
Chassaigne. Je pourrais mentionner des cas précis d’amendements du même
genre, qui seront admis ou non selon qu’ils émanent de tel ou tel groupe, les
nôtres étant systématiquement éliminés. C’est absolument inacceptable !
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
M. Fabien
Roussel. Pourquoi seuls les amendements communistes sont-ils
écartés ?
Mme la
présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour un autre
rappel au règlement.
Mme
Emmanuelle Ménard. Mon rappel au règlement se fonde sur
l’article 54, alinéa 5, du règlement, qui dispose que « dans
l’intérêt du débat, le président peut autoriser à s’exprimer un nombre
d’orateurs supérieur à celui fixé par le présent règlement ». Or nous
sommes deux députés non inscrits à avoir demandé la parole, madame la
présidente, pour nous exprimer sur l’article 1er. Nous avons
fait cette demande en même temps et, du fait de notre disposition dans
l’hémicycle, vous avez vu M. Dupont-Aignan avant moi. Je demande donc que
vous fassiez valoir cette disposition du règlement afin que, dans l’intérêt du
débat, je puisse m’exprimer sur cet article, d’autant que je n’ai pas encore
pris la parole depuis le début de l’examen du texte.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Je n’y vois pour ma part aucun inconvénient.
Mme la
présidente. M. Dupont-Aignan, de façon très courtoise, y
consent.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Nous allons donc nous exprimer tous les deux ?
Mme la
présidente. Non… Vous vous êtes déjà exprimé, monsieur Dupont-Aignan, et
vous aurez l’occasion de prendre à nouveau la parole. Aussi, acceptez-vous que
Mme Ménard le fasse à votre place ?
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Oui, madame la présidente.
Mme la
présidente. Je vous en remercie.
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. Nous en revenons, en attendant, aux inscrits sur
l’article 1er.
La parole est à M. Charles
de Courson.
M. Charles de
Courson. L’article 1er traite des principes généraux qui
fondent le système universel de retraite. Cet article est-il utile ?
Non : il n’est en rien normatif dans sa première partie et il est
inconstitutionnel dans sa seconde partie. (Exclamations et rires sur les
bancs du groupe LR.)
M. Philippe
Gosselin. Voilà la majorité rhabillée pour le printemps !
M. Charles de
Courson. En effet, prévoir une loi de programmation pour réévaluer les
salaires des enseignants et des chercheurs n’est pas conforme à la Constitution
– ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est le Conseil d’État. D’ailleurs, en
commission, nous avions fait sauter ce dispositif pour éviter que le Conseil
constitutionnel ne le censure.
En outre, monsieur le secrétaire d’État,
le problème des enseignants n’est pas spécifique puisque c’est celui de tous les
fonctionnaires territoriaux, hospitaliers ou d’État qui perçoivent peu ou ne
perçoivent pas de primes.
M. Pierre
Dharréville. Eh oui !
M. Philippe
Gosselin. Allons, c’est seulement l’affaire de quelques millions de
personnes…
M. Charles de
Courson. Vous ne pouvez donc pas prévoir un dispositif ne concernant que
les enseignants et les chercheurs.
M. Alain
Bruneel. Exact !
M. Charles de
Courson. D’après les chiffres qui nous ont été communiqués, le coût de
cette mesure pour les seuls enseignants et chercheurs est de 10 milliards
d’euros. Si vous y ajoutez une dizaine de milliards pour les fonctionnaires
hospitaliers et territoriaux, expliquez-nous comment vous allez le financer,
même sur quinze ou vingt ans. Vous voyez bien qu’il s’agit d’une bombe
budgétaire !
M. Damien
Abad. Ils ne sont pas à ça près… Demain, on rase gratis !
M. Charles de
Courson. En ce qui concerne la première partie de l’article, à savoir
les six grands objectifs assignés au système universel de retraite, je souhaite
faire quelques commentaires. Cette partie n’a aucune portée juridique puisque
s’apparentant à un préambule. Je prends l’exemple de la lisibilité. Oser évoquer
un objectif de lisibilité alors même que le Gouvernement reconnaît qu’il est
incapable de proposer un outil permettant à chaque Français de savoir comment
vont évoluer ses droits, franchement, c’est tout à fait excessif !
M. Boris
Vallaud. Eh oui !
M. Charles de
Courson. Pour ce qui est de l’objectif de soutenabilité économique et
d’équilibre financier, je n’ai jamais vu cela. Nous attendons toujours les
simulations devant nous permettre de comprendre non seulement comment vous allez
équilibrer le système, monsieur le secrétaire d’État, mais aussi comment vous
allez financer les bombes budgétaires que vous avez amorcées avec ce
dispositif.
Mme la
présidente. Cher collègue, je vais devoir vous interrompre.
M. Charles de
Courson. Je voulais commenter les quatre autres grands objectifs, mais
c’est notre collègue Philippe Vigier qui s’en chargera.
M. Philippe
Vigier. Allons donc ! (Sourires.)
M. Charles de
Courson. Alors, chers collègues, surtout, votons la suppression de
l’article 1er et ainsi nous serons tranquilles : le Conseil
constitutionnel n’aura pas à le censurer.
M. Philippe
Gosselin. Très bien !
Mme
Caroline Fiat. Rappel au règlement !
Rappel au règlement
Mme la
présidente. Sur quel fondement souhaitez-vous faire un rappel au
règlement, madame Fiat ?
Mme
Caroline Fiat. Sur le fondement de l’article 52, alinéa 1,
madame la présidente, relatif au fait que vous dirigez les délibérations
– ce que vous faites très bien, d’ailleurs. Depuis trois jours que
j’assiste à l’examen du texte, je n’ai pas encore pris la parole. Je suis assez
choquée d’entendre certains se plaindre d’insultes qui pourraient venir de
l’opposition alors que les insultes fusent aussi depuis les bancs de la
majorité. (« Ah ! Vous avez
dit :
"aussi" !… » sur
plusieurs bancs du groupe LaREM.) Si l’on veut être respecté, il faut aussi
respecter les autres, chers collègues – que ce soit dit.
M.
Jean-Yves Bony. Tout à fait, c’est une question de principe !
Mme
Caroline Fiat. Ensuite, pour ce qui est du rappel au règlement du
président Chassaigne, il serait bon d’expliquer pourquoi seul le groupe GDR a
subi les conséquences de la décision du président Ferrand.
Mme la
présidente. Madame Fiat, je vous ferai la même remarque qu’à
Mme Essayan tout à l’heure.
Nous allons reprendre le cours de
l’examen des amendements.
M. André
Chassaigne. Sans avoir de réponse !
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme
Clémentine Autain. L’article 1er fixe des grands
principes, et s’il en est bien un que vous suivez, c’est celui de la règle d’or,
celui de l’austérité budgétaire, principe à partir duquel est pensé l’ensemble
de votre projet de retraite par points.
Cet article aligne des poncifs
dans une forme de novlangue consistant à désigner les choses par le nom de leur
contraire.
Vous affirmez d’abord que votre système est universel.
Pourtant, hier soir, M. Turquois, le rapporteur, nous disait lui-même qu’il
n’était « pas parfaitement universel ». Il ne peut effectivement pas
l’être puisque l’âge d’équilibre sera différent selon les générations, et
puisque vous avez vous-même institué des régimes spécifiques.
Vous parlez
ensuite d’équité, renonçant ainsi à l’égalité. La nuance n’est pas mince, car
elle suppose que la pension sera proportionnelle au travail fourni, ce qui ne
correspond pas à un principe d’égalité véritable.
Quant à la solidarité
que vous mettez en avant, elle est totalement mise à mal par le projet de loi,
en particulier par votre promesse d’un minimum contributif à
1 000 euros déjà prévu par la loi Fillon, et par celle d’une égalité
entre les hommes et les femmes qui est un véritable trompe-l’œil, car ces
dernières seront les premières perdantes d’une réforme qui touche d’abord celles
et ceux qui ont eu des bas salaires et des carrières hachées.
Vous mettez
en avant l’objectif d’un « niveau de vie satisfaisant ». Évidemment,
il n’en sera rien. Le taux de remplacement pour les fonctionnaires, par exemple,
chutera en moyenne de 32 %.
Vous osez aussi nous parler de liberté
de choix – mais quel choix auront demain les retraités lorsqu’ils devront
soit travailler plus longtemps, c’est-à-dire perdre en qualité de vie, soit se
résigner à une pension de misère ? Voilà votre conception de la
liberté ; c’est en réalité une liberté contrainte par le libéralisme
économique.
Enfin, l’objectif de soutenabilité économique relève vraiment
du blabla, car nous savons tous que le texte ne comporte aucun cadrage
financier. Ce qui concerne la revalorisation des rémunérations des personnels
enseignants est probablement contraire à la Constitution, comme l’a dit le
Conseil d’État. Selon Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’éducation nationale
et de la jeunesse, cette revalorisation s’élèverait à 90 euros mensuels, ce
qui ne comble même pas les effets du gel du point d’indice.
Mme la
présidente. Merci, madame la députée. Votre temps de parole est
écoulé.
Mme
Clémentine Autain. C’est l’ère du chacun pour soi. Voilà la réalité des
grands…
Mme la
présidente. La parole est à M. Sébastien Jumel.
M.
Sébastien Jumel. Votre système n’est ni juste, ni solidaire, ni
redistributif, ni universel. Il n’est même pas constitutionnel, comme vient de
le rappeler brillamment M. de Courson.
Lorsqu’on prend le soin
de supprimer la référence aux vingt-cinq dernières années de carrière, on
pénalise les retraites du privé ; lorsqu’on prend le soin, pour la fonction
publique, de supprimer la référence aux six derniers mois, on prépare une baisse
de la pension des fonctionnaires. Lorsqu’on décide d’exonérer de cotisations les
revenus supérieurs à 10 000 euros mensuels, on prend le risque de
nourrir la boîte à Smarties de la capitalisation. Enfin, lorsqu’on transfère un
point de PIB du public vers les salariés du privé, on tire un trait sur la
soutenabilité du système.
L’État cotise aujourd’hui 72,28 % de la
rémunération hors primes des fonctionnaires d’État. Si l’on y ajoute les
5 milliards d’euros de la Caisse nationale de retraite des agents de
collectivités locales, les 5 milliards d’euros de la fonction publique
hospitalière et les régimes spéciaux, on a plus de 36 milliards d’euros qui
vont aller vers le privé, soit un point de PIB.
En baissant ainsi sa
contribution au financement du système de retraite, l’État pourra mettre à tout
moment le régime universel en déficit. Comment envisagez-vous de compenser ce
jeu de bonneteau qui profitera aux caisses d’une assurance retraite
« universelle », telle que vous prétendez la construire ? Dans
quel délai et comment s’effectuera la transition ?
Mme la
présidente. La parole est à Mme Célia de Lavergne.
Mme Célia
de Lavergne. Nous sommes réunis pour débattre du fond de cette réforme,
mais aussi pour parler aux Français. Or l’article 1er nous
parle, comme il parlera aux Français.
En effet, comme nous, ils sont
attachés à ce que, grâce à une Caisse nationale de retraite universelle, une
solidarité nationale dépasse, sans les renier, les quarante-deux régimes de
solidarité actuels.
Ils sont attachés au système par répartition,
c’est-à-dire à une solidarité entre les générations, réaffirmée solennellement
par l’article 1er.
M. Hervé
Saulignac. Réaffirmer, cela n’engage pas à grand-chose !
Mme Célia
de Lavergne. Cette solidarité est l’honneur de la France. Elle permet
aux actifs d’aujourd’hui de cotiser pour payer en temps réel les pensions de nos
retraités.
L’article 1er fixe six principes essentiels
que d’autres veulent supprimer, mais auxquels les Français sont attachés et que
nous réaffirmons haut et fort : l’équité, la solidarité entre les assurés,
la lisibilité, l’équilibre financier,…
M. Nicolas
Dupont-Aignan. C’est complètement faux !
Mme Célia
de Lavergne. …la dignité, avec une garantie de revenus et des pensions
qui ne baisseront pas, enfin la liberté de choisir sa date de départ en
retraite.
M. Nicolas
Dupont-Aignan. Quelle hypocrisie !
Mme Célia
de Lavergne. Nous sommes attachés à ces six principes ; nous les
réaffirmons. C’est pour cela que le groupe majoritaire veut aujourd’hui débattre
du fond du texte et ensuite des modalités de sa mise en œuvre.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du
groupe MODEM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Damien Abad.
M. Damien
Abad. Chère collègue, aucun de ces six principes n’est respecté dans le
projet de loi. Votre réforme est, au contraire, injuste, coûteuse et trop
complexe.
Elle est injuste, parce qu’elle modifie le mode de calcul des
pensions de retraite. Celles-ci seront désormais calculées sur la base de toute
la carrière, et non plus sur les seules vingt-cinq meilleures années. Cela se
traduira concrètement par la baisse des pensions de millions de retraités. Cela
concernera en particulier celles et ceux qui ont connu de mauvaises années, et
aussi celles et ceux qui ont commencé au bas de l’échelle et qui se sont élevés
par leur travail et leur mérite. C’est injuste pour les aides-soignantes
devenues infirmières, injuste pour les ouvriers devenus contremaîtres ou
cadres : ils seront rattrapés à leur retraite par leur début de carrière
modeste.
Votre réforme est injuste, aussi, parce qu’elle va augmenter les
cotisations des indépendants et des professions libérales. C’est injuste pour
les avocats, pour les artisans, pour les commerçants, ou encore pour les kinés.
La liste des perdants de votre réforme est – hélas ! – beaucoup
plus longue ; il faudrait en particulier y ajouter les mères de
famille
Votre réforme est injuste, enfin, parce que, quoi que vous en
disiez, vous ne pourrez jamais totalement garantir la valeur du point
– vous le savez très bien.
Votre réforme sera en outre très
coûteuse, parce qu’elle n’est absolument pas financée. Elle ne comporte aucune
mesure d’âge. Votre fameuse conférence de financement est déjà mort-née. Entre
le déficit de notre système de retraite, le coût de votre réforme et vos
promesses pour satisfaire les grévistes, vous allez devoir trouver plus de
20 milliards d’euros par an à partir de 2025. En vous obstinant à refuser
de reculer l’âge légal de départ à la retraite, vous ne pourrez pas combler ce
trou de 20 milliards d’euros sans baisser les pensions ou sans augmenter
les impôts des Français – ou, malheureusement, sans faire les deux à la
fois.
Enfin, votre réforme est tellement complexe que personne n’y
comprend plus rien, à commencer par vous. Rendez-vous compte que vous allez
faire cohabiter trois systèmes, selon que l’on sera né avant 1975, après 2004 ou
entre les deux, tout en multipliant les dérogations et les
exceptions !
Vous êtes incapables de répondre aux deux questions
très simples que se posent les Français : quand pourrai-je partir à la
retraite et quel sera le montant de ma pension ? (Applaudissements sur
les bancs du groupe LR.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Agnès Firmin Le Bodo.
Mme Agnès
Firmin Le Bodo. Tout comme mon collègue Thierry Benoit, je veux rappeler
les priorités du groupe UDI, Agir et indépendants.
Nous croyons en la
démocratie représentative – aujourd’hui, disons en tout cas que nous
essayons d’y croire. Nous avons donc concentré nos efforts sur des propositions
d’amélioration. Les voir noyées dans la masse des 40 000 amendements
déposés sur ce texte est à nos yeux une perte non seulement pour le débat
parlementaire, mais aussi pour ceux que nous représentons. Nos propositions
proviennent en effet d’expériences humaines vécues sur le terrain ; elles
n’ont d’autre but que de répondre à des situations concrètes.
Nous
souhaitons un système équitable, dans lequel les salariés du public et du privé
ne seraient pas opposés et dans lequel les régimes spéciaux qui pourraient
subsister ne seraient spéciaux que par absolue nécessité et non en raison du
maintien de situations acquises.
Nous voulons un système juste, qui
garantisse une meilleure retraite à ceux qui ont moins, et qui sont pourtant le
poumon de notre pays. Je pense en particulier aux agriculteurs et aux
indépendants. De la même manière, ce système doit tenir compte de la situation
des travailleurs les plus exposés à la pénibilité, au sens large. Il doit aussi
se construire sans utiliser les réserves des régimes autonomes.
C’est un
système solidaire et porteur de valeurs fondé sur l’inclusion des personnes
handicapées, le soutien aux aidants et une politique familiale ambitieuse.
L’utilisation des points est une formidable opportunité pour valoriser ceux qui
aident un parent dépendant, pour compenser les aléas de la vie et soutenir le
renouvellement des générations.
Tâchons de faire émerger de cette
discussion des priorités qui donneront davantage de sens au modèle que nous
devons construire aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs du
groupe UDI-Agir et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.
Mme
Emmanuelle Ménard. L’examen de la réforme des retraites a commencé lundi
dans l’hémicycle dans des conditions parfaitement ubuesques, qui sont, à mon
avis, indignes de l’examen d’un texte de cette importance, car ce projet de loi
aura des conséquences pour tous les Français, et il hypothèque l’avenir même de
nos enfants.
Je tiens à évoquer quatre points majeurs.
Premier
point : on demande aux députés de voter une réforme alors qu’ils ne
disposent d’aucun élément d’information relatif à son financement. Ces éléments
nous seront communiqués au mois d’avril, lorsque la conférence de financement
aura rendu ses travaux, ce qui reste totalement hypothétique puisque la CGT a
quitté la table des négociations…
M. Fabien
Roussel. Mais non ! Attendez de voir…
Mme
Emmanuelle Ménard. …et que le président du MEDEF a confié son inquiétude
quant à l’avancement et l’évolution de la réforme des retraites en ces
termes : « Chaque semaine, on découvre de nouveaux problèmes ».
Malgré tout cela, on nous demande de nous prononcer en février. Pourquoi une
telle urgence ?
Deuxième point : on demande aux députés de
voter un texte dans lequel la plupart des dispositions importantes ne sont pas
précisées, mais sont renvoyées à des ordonnances gouvernementales. En clair, on
nous demande d’accorder un blanc-seing au Gouvernement. La question est :
peut-on lui faire confiance ? Les conditions d’examen de ce texte tendent à
démontrer que non. Les nombreuses professions descendues dans la rue – je
pense tout particulièrement aux avocats – prouvent plutôt que nous aurions
tort de le faire.
Troisième point : on nous parle de bâtir, avec
cette réforme, un grand régime universel, mais, depuis plusieurs semaines, les
négociations ne font que renforcer les régimes spéciaux du public. Le
Gouvernement nous explique que, depuis deux ans, il bâtit un même régime pour
tous ; c’est faux. Cette réforme instaure en réalité plusieurs régimes,
comme le souligne le Conseil d’État, qui en a comptabilisé cinq différents
– au bout du compte, il devrait y en avoir encore plus. Et tous ceux qui
relèvent de ces régimes ne seront pas soumis aux mêmes règles : certains
salariés des régimes spéciaux continueront à partir à la retraite à un âge moins
avancé que les autres ; d’autres continueront à bénéficier de leur régime
complémentaire. Bref, nous aboutissons au parfait contraire de l’universalité
revendiquée.
Mme la
présidente. Il faut conclure, chère collègue.
Mme
Emmanuelle Ménard. Quatrième point : pour financer ces régimes
toujours plus spéciaux, on prévoit de piller littéralement les caisses du privé,
qui, elles, sont excédentaires. Le fait de permettre à l’État de capter les
réserves des régimes complémentaires du privé n’est pas souhaitable ; c’est
même intolérable. (Mme Marie-France Lorho
applaudit.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Régis Juanico.
M. Régis
Juanico. Les enseignants et les chercheurs seront les grands perdants de
votre système universel de retraite. Vous le reconnaissez dès
l’article 1er, qui prévoit une loi de programmation comportant
un mécanisme à même de garantir aux personnels enseignants ayant la qualité de
fonctionnaire une revalorisation de leur rémunération leur assurant le versement
d’une retraite d’un montant équivalent à celle perçue par les fonctionnaires
appartenant à des corps comparables de la fonction publique d’État.
En
commission spéciale, vous avez supprimé cet alinéa, puis vous l’avez réintroduit
par un amendement portant article additionnel. Cependant, dans son avis, le
Conseil d’État a écarté ces dispositions, qui renvoient à une loi de
programmation, en raison de leur imprécision, du fait qu’elles étaient
dépourvues de toute valeur normative et parce qu’elles constituaient une
injonction au Gouvernement en l’obligeant à déposer un projet de loi de
programmation. Ces dispositions sont ainsi contraires à la Constitution, et
votre engagement est donc caduc.
M.
Alexandre Freschi. Pas du tout !
M. Régis
Juanico. Pendant ce temps, Jean-Michel Blanquer propose un marché de
dupes aux enseignants et chercheurs. En effet, pour compenser la baisse
significative du montant des pensions dans votre nouveau système, il faudrait
une augmentation des traitements des enseignants de l’ordre de 1 000 à
1 500 euros par mois, soit 10 milliards à 12 milliards de
masse salariale supplémentaire, alors qu’à ce stade, le ministre de l’éducation
nationale et de la jeunesse propose aux organisations syndicales de débloquer
500 millions d’euros pour le budget pour 2021, dont 200 millions
d’euros sous forme de prime d’attractivité !
M.
Guillaume Garot. C’est vrai !
M.
Alexandre Freschi. Pas du tout !
M. Régis
Juanico. Cela revient donc à proposer une prime d’un montant moyen de
90 euros mensuel pour les dix premières années de la carrière. Le reste,
soit 300 millions d’euros, seront distribués sous forme de primes au
mérite, liées à des contreparties : des formations obligatoires pendant les
congés scolaires, des remplacements rémunérés par des heures supplémentaires,
l’encadrement des jeunes volontaires du service national universel… C’est
surréaliste ! Il y aura des tâches et des missions nouvelles rémunérées,
mais pas de revalorisation des grilles salariales ou du point d’indice de la
fonction publique.
Mme la
présidente. Merci, cher collègue.
M. Régis
Juanico. Votre impréparation, votre précipitation, votre dissimulation,
c’est de la poudre aux yeux pour les enseignants ! (Applaudissements sur
les bancs du groupe SOC.)
M. Ugo
Bernalicis. De la poudre de Perlimpinpin !
Mme la
présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe
Vigier. M. de Courson s’est déjà exprimé au nom du groupe
Libertés et territoires, mais il m’a laissé un certain nombre de choses à
dire.
Lorsque je suis intervenu au cours de la discussion générale, je
crois avoir prononcé quatorze fois le mot « confiance ». Monsieur le
secrétaire d’État, il est normal que l’on vous pose des questions auxquelles,
pour l’instant, nous n’avons pas de réponse. Je souhaite que vous puissiez nous
éclairer : il n’est pas nécessaire d’attendre les conclusions de la
conférence de financement pour disposer de ces informations.
Le premier
point sur lequel vous devez nous donner des éclaircissements porte sur le fait
que 1 euro cotisé ouvrirait les mêmes droits à chacun. Vous m’accorderez
qu’à partir du moment où le fameux système universel tolérera des dérogations
qui permettront à certains de partir plus tôt, chaque euro cotisé ne saurait
donner les mêmes droits à tous les salariés.
Le deuxième point vise le
troisième objectif affirmé par l’article 1er – celui de
« garantie d’un niveau de vie satisfaisant aux retraités » : quel
est, selon vous, ce niveau de vie satisfaisant ?
M. Boris
Vallaud. Ils n’en savent rien : ce sont des mots !
M. Philippe
Vigier. Troisième point : le texte fixe, en 4o,
« un objectif de liberté de choix pour les assurés […] sous réserve d’un
âge minimum ». Que recouvre l’expression « âge minimum » ?
J’ai bien compris que vous ne touchiez pas à l’âge légal. S’agit-il d’un âge
d’équilibre, d’un âge pivot, différent selon les métiers ? Vous devez
également nous apporter des précisions sur ce point.
Enfin
– quatrième point –, qu’en est-il de la soutenabilité
financière ? Le Gouvernement a déposé cinquante-huit amendements, dont
plusieurs concernent les notaires, afin de prévoir des conditions transitoires
permettant d’absorber l’augmentation du taux de cotisation. Des discussions sont
en cours avec l’ensemble des indépendants : nous devons être informés de
leur teneur, parce que nous sommes interrogés sur le sujet. Nous devons pouvoir
apporter des réponses.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, qu’en
sera-t-il des trois fonds de réserve ? Entendez-vous toucher au Fonds de
réserve pour les retraites, au fonds des indépendants et à celui de
l’AGIRC-ARRCO – l’Association générale des institutions
de retraite des cadres et l’Association pour le régime
de retraite complémentaire des salariés ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Adrien Quatennens.
M. Adrien
Quatennens. Je vais essayer, à mon tour, de faire preuve de pédagogie et
de diminuer les décibels. (Sourires.)
Je fais le pari qu’au sein
du groupe majoritaire, il y a ceux qui savent pertinemment ce qu’ils font et
ceux qui, parce que nous ne sommes pas tous des techniciens des retraites, ont
pu être atteints par les éléments de langage et ne saisissent pas complètement
la portée du texte.
Il ne s’agit pas de répéter que la réforme est juste,
simple, universelle, ou que la valeur du point sera garantie, pour que cela soit
vrai. En réalité, avec ce texte, vous fixez un cadre visant à garantir
l’équilibre financier du système – ce qui est plutôt louable –, mais
sans consacrer une part plus importante de la richesse nationale aux retraites,
ce qui est détestable, parce que la combinaison de ces deux objectifs annonce
une baisse du niveau des pensions. En effet la richesse produite est un stock,
qui est le fait des seuls travailleurs : or, en vertu du projet de loi, la
part de cette richesse qui sera consacrée aux retraites diminuera, alors que la
démographie nous annonce un nombre toujours plus élevé de seniors.
M. Ugo
Bernalicis. Eh oui !
M. Adrien
Quatennens. Certes, le secrétaire d’État nous répond que le PIB pourra
augmenter. Outre que je conteste l’idée que, compte tenu du changement
climatique, nous puissions faire le pari d’une augmentation exponentielle du
PIB, j’ai la certitude que, de toute façon, il n’augmentera jamais assez vite
pour combler le trou.
C’est pourquoi la seule façon de garantir
l’équilibre financier du système est de faire payer uniquement les travailleurs,
par une baisse effective du niveau de leurs pensions. Je le répète à mes
collègues de la majorité : il revient au même de décaler l’âge d’équilibre,
génération après génération, et d’assumer une baisse du niveau des pensions. Il
faudrait au contraire consacrer une part plus importante de la richesse que nous
produisons aux retraites, pour garantir un âge de départ digne et un niveau de
pension décent. (Applaudissements sur les bancs du groupe
FI.)
J’espère avoir fait avancer nos contradictions.
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. L’article 1er relève de la publicité
mensongère ; c’est une vague profession de foi. En le lisant vite, on se
croirait au pays des Bisounours, alors qu’il existe un abîme entre les
intentions affichées et la réalité des mesures proposées.
La philosophie
de cette réforme libérale repose sur l’individualisation. Au cœur du dispositif,
nous trouvons naturellement cette règle d’or que vous évoquez et qui est
l’austérité budgétaire : en impliquant un ajustement permanent, elle se
traduit par une incertitude généralisée. Aucun droit n’est garanti. Il en est de
même du taux de remplacement. Il s’agit d’un renversement radical.
Vous
voulez que les gens travaillent plus longtemps – vous l’avez dit,
d’ailleurs – et que leurs pensions baissent, puisque ce sera un des effets
de la réforme. Vous voulez plus de seniors au travail et plus de seniors au
chômage, alors qu’il convient au contraire de garantir leur droit à la retraite.
Vous savez également que votre texte entraînera un recours croissant à la
capitalisation.
Contrairement à ce que d’aucuns ont prétendu, vous rayez
d’un trait de plume des solidarités et des droits existants pour tout abaisser.
Les exceptions que vous êtes contraints de concéder à
l’article 1er sont l’aveu de votre incurie : vous voilà
obligés de bricoler des correctifs, tout en ne reconnaissant pas les
particularités de nombreuses fonctions sociales – je pense notamment aux
métiers de l’éducation nationale.
Du reste, les agents de l’éducation
nationale n’ont pas été convaincus par les propositions que Régis Juanico a
évoquées à l’instant. Le secrétaire général de la FSU – Fédération
syndicale unitaire –, que nous avons reçu, n’a pas été invité à participer
à la conférence de financement : vous avez choisi d’écarter le principal
syndicat représentatif des agents de l’éducation nationale, qui combat,
évidemment, ces propositions parce qu’elles ne conviennent pas.
Nous
proposons une autre réforme, qui améliore le système existant en le corrigeant,
à l’inverse du projet de régression sociale que vous nous présentez. Vous
devriez prendre au sérieux le rejet profond qui s’exprime dans le
pays.
Mme la
présidente. La parole est à M. Belkhir Belhaddad.
M. Belkhir
Belhaddad. L’injustice, voilà ce qui caractérise le système
actuel : injustice entre les Français, entre les régimes, entre ceux qui
comprennent et ceux qui subissent. Or nous opposons à cette injustice six
objectifs, qu’il faudrait, selon vos amendements, chers membres des oppositions,
supprimer, raboter, rogner, désosser, alors que ces six objectifs fixent et
structurent nos engagements : l’équité, la solidarité, un niveau de vie
satisfaisant pour les futurs retraités, la liberté de choisir sa date de départ,
la soutenabilité économique et la lisibilité des droits.
En face, les
oppositions nous assènent leurs vérités. Mesdames et messieurs de l’opposition,
vos vérités sont celles qui font perdre la confiance dans le système, qui font
croire aux jeunes qu’ils ne jouiront pas d’une retraite, qui poussent des
retraités à franchir le seuil de ma permanence parlementaire parce qu’ils ne
comprennent pas pourquoi tel trimestre ne leur est pas crédité. Vos vérités sont
celles qui se contentent de raboter le traitement des enseignants en prévision
d’une retraite plus généreuse. Vos vérités sont celles des régimes spéciaux
équilibrés chaque année par la solidarité nationale. Vos vérités sont celles
d’un système qui privilégie une minorité au détriment du plus grand
nombre.
On peut toujours examiner des milliers d’amendements, comme les
hamsters qui tournent leur roue sans savoir pourquoi. Des collègues déposent des
amendements qui ne veulent pas dire grand-chose : l’important est que la
roue tourne. En face, nous opposons la constance et la solidité de nos choix.
Ambroise Croizat, après la guerre, en a rêvé ; Éric Woerth, il y a dix ans,
en a causé ; aujourd’hui, fidèles à l’engagement du Président de la
République, nous le faisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LaREM.)
M. Damien
Abad. C’est beau l’humilité ! Continuez !
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Woerth.
M. Éric
Woerth. L’article 1er est un geste littéraire :
c’est une série de principes généraux auxquels, je le pense du moins, chacun
doit être favorable. Ces principes n’en demeurent pas moins souvent éloignés de
la réalité. Je prendrai deux ou trois exemples.
Premier exemple : la
liberté de choisir son âge de départ. Non, le texte n’assurera pas la liberté de
choix. La vérité est que l’âge de départ, que vous avez transformé en âge pivot,
du moins si la conférence de financement aboutit – la décision ne nous
appartient pas –, conduira à une baisse des pensions. Les personnes qui
partent aujourd’hui à 62 ans avec un taux plein partiront avec une décote.
Vous prétendez améliorer les pensions des femmes, mais la plupart d’entre elles
partiront avec une pension amputée d’une superdécote – car il y aura une
superdécote. L’âge pivot rend irréaliste la liberté de l’âge de départ, puisque
ce choix se traduira obligatoirement par une baisse des
pensions.
Deuxième exemple : la pénibilité. C’est sûr, nous avons
plongé dans la pénibilité cet après-midi : nous avons vu ce qu’était un
débat pénible.
Je tiens à mettre en garde le Gouvernement : qu’il
fasse attention à la définition de la pénibilité. Il est toujours possible
d’additionner les métiers, mais quelle étrange manière de travailler, puisque,
chaque jour, de nouveaux métiers apparaissent ! On est certain d’en
oublier ! Pourquoi ne pas non plus prendre en considération la durée du
trajet entre le domicile et le travail ? L’affaire n’a pas fini de se
compliquer, aboutissant, comme l’ont souligné plusieurs collègues, à la création
de nouveaux régimes spéciaux, pour un résultat toujours plus injuste. Faites
très attention : il faut vous fonder sur une définition objective et
objectivable de la pénibilité.
Troisième exemple : le financement.
Non seulement il n’y a pas de règle d’or sans contrainte, mais il y a aussi un
financement gigantesque à trouver pour 2025, année d’entrée dans le régime
universel : 15 à 20 milliards d’euros – je vous les détaillerai,
si vous le souhaitez, lors de l’examen des amendements. C’est une bombe à
retardement budgétaire, comme dirait, avec raison, Charles de Courson.
Mme la
présidente. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.
M.
Jean-Paul Mattei. J’ai l’honneur d’être le dernier inscrit sur
l’article 1er, qui pose les principes généraux du futur régime :
l’équité, la justice sociale, la lisibilité… J’ai beaucoup travaillé avec de
nombreux collègues, dans le cadre de la commission spéciale, sur ce texte
– soixante-quinze heures de débat, dont dix-sept consacrées à l’expression
du seul groupe FI. Je peux donc affirmer en connaissance de cause, après l’avoir
travaillé, qu’il s’agit d’un très bon texte, qui répond à toutes les questions.
(Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
M. Damien
Abad. On sent poindre le doute…
M.
Jean-Paul Mattei. Absolument pas !
M. Éric
Diard. Ça s’appelle la méthode Coué !
Mme la
présidente. Seul M. Mattei a la parole.
M.
Jean-Paul Mattei. Ainsi, l’article 9 fixe les modalités de
détermination de la valeur du point ; l’article 13, les modalités de
la cotisation au système universel.
M.
Sébastien Jumel. Quand sera fixée la valeur du point ?
M.
Jean-Paul Mattei. Avant la fin de 2021.
M. Damien
Abad. Il n’y aura personne pour la garantir !
M.
Jean-Paul Mattei. On aura les outils nécessaires – notamment la
Caisse nationale de retraite universelle. Le texte donne toutes les réponses.
Plongez-vous dedans !
M. Fabien
Roussel. Nous aurons les réponses après le vote du projet de
loi !
M.
Jean-Paul Mattei. J’ai hâte que nous débattions du fond. En fin de
compte, nous adopterons ce texte,…
M. Fabien
Roussel. Ah bon ? Inutile de continuer à discuter, donc !
M. Pierre
Dharréville. Voilà qui a le mérite d’être clair !
M.
Jean-Paul Mattei. …parce qu’il garantit l’équité et la justice sociale,
tout en assurant aux générations futures la lisibilité de leurs droits. Je suis
persuadé que si nous nous attachons au fond du texte, dans le cadre de nos
débats puis de la navette parlementaire, comme dans celui des ordonnances
– je le dis sans provocation, parce qu’elles sont nécessaires –, nous
saurons proposer un bon texte aux Français.
De toute façon, 2022 n’est
pas loin : nous verrons bien alors comment nous jugeront les électeurs,
puisque nous sommes responsables de ce texte.
M. Fabien
Roussel. Vous en êtes les responsables, il n’y a aucun doute
là-dessus !
M.
Jean-Paul Mattei. Il sera certainement au menu des prochaines campagnes
présidentielle et législatives. Nous l’assumons. (Applaudissements sur les
bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. Nous en avons terminé avec les inscrits sur l’article.
M. Pierre
Dharréville. Rappel au règlement !
Rappels au règlement
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour un rappel
au règlement – sur quel fondement, je vous prie ?
M. Pierre
Dharréville. Sur le fondement des articles 98 et 100, madame la
présidente.
En l’espace de dix minutes, 400 amendements ont été
supprimés. Auraient-ils été déclarés irrecevables au titre de l’article 40
de la Constitution ? Cela m’étonne !
Je tiens à élever une
protestation, parce qu’une telle pratique nous interdit de discuter du fond du
texte comme de proposer d’autres mesures. Je souhaite recevoir des explications
sur cette suppression de 400 amendements en l’espace de dix minutes.
(Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
Mme la
présidente. Monsieur le député, je ne suis pas en mesure de vous
répondre sur les motifs qui ont présidé à la suppression de ces
400 amendements. J’ai demandé au service de la séance de me fournir des
explications.
La parole est à M. Sébastien Jumel, pour un autre
rappel au règlement.
M.
Sébastien Jumel. Rappel au règlement sur le même fondement que celui de
M. Dharréville.
L’irrecevabilité de ces amendements en rajoute sur
le sentiment que nous avons eu, en milieu d’après-midi, d’être muselés.
(Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. Erwan
Balanant. On n’entend que lui et il prétend être muselé !
M.
Sébastien Jumel. Si ces amendements ont été déclarés irrecevables au
titre de l’article 40, je souhaite que la commission des finances nous
apporte les précisions nécessaires. Si tel n’est pas le cas, je propose alors
que la commission spéciale se réunisse pour nous expliquer à quel titre ils
l’ont été. En effet, la commission spéciale n’avait pas constaté que ces
amendements étaient irrecevables : c’est une atteinte supplémentaire, et
très grave, à notre droit de débattre du texte, de le modifier et de
l’enrichir.
Comme par hasard, ce sont encore une fois des amendements
« cocos » qui tombent ! Je ne suis pas paranoïaque de nature.
M. Boris
Vallaud. Il y a également des amendements du groupe Socialistes et
apparentés.
M.
Sébastien Jumel. Cela n’est pas fait pour me rassurer : ceux de
l’opposition tombent, semble-t-il, plus facilement que les autres.
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Éric Woerth, président de la
commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Éric
Woerth, président de la commission des finances, de l’économie
générale et du contrôle budgétaire. J’ignore ce qu’il en est des
400 amendements que vous évoquez, mais je peux vous indiquer que 16 %
des amendements sur le texte ont été déclarés irrecevables. C’est une proportion
globalement équivalente à celle que l’on peut constater sur les autres
textes.
S’agissant de ce projet de loi, l’examen de la recevabilité est
particulièrement complexe, car il faut comparer le droit existant et celui qui
est créé par le texte. Or les systèmes sont si différents qu’il est très
difficile de déterminer une base de référence. Nous avons toujours essayé que le
doute profite aux parlementaires.
De nombreux parlementaires ont déposé
des amendements de suppression, qui sont évidemment recevables. En revanche, si
les amendements – à l’exception de ceux tendant à revenir au système
existant – créent des charges, ils sont déclarés irrecevables car, pas plus
que dans le cadre du projet de loi de finances ou du projet de loi de
financement de la sécurité sociale, vous ne pouvez gager ces charges. Cette
règle constitue le fondement même de l’article 40.
Je suis bien
entendu prêt à discuter de chaque amendement qui a été déclaré irrecevable, mais
il y a sans doute de très bonnes raisons à cela. La décision est prise de
manière totalement impartiale, sans même que nous regardions qui sont les
auteurs de l’amendement ; les administrateurs examinent les amendements
avec toute l’impartialité de leur déontologie, et j’arbitre certaines décisions,
non pas à la tête du client, mais au regard des jurisprudences établies, depuis
longtemps, par les présidents successifs de la commission des finances.
Certaines jurisprudences sont très solides, d’autres peuvent évoluer ;
lorsque c’est le cas, c’est généralement plutôt en faveur d’une liberté
supplémentaire accordée aux parlementaires. (Applaudissements sur plusieurs
bancs du groupe LaREM.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Dharréville.
M. Pierre
Dharréville. Il s’agit d’un rappel au règlement sur le même fondement
que le précédent, afin de réagir à ce qui vient d’être dit.
Je voudrais
dire deux choses. La première, c’est qu’on ne peut pas à la fois critiquer la
totale illisibilité financière de la réforme proposée et expliquer que nos
amendements ont un effet certain et lisible sur un dispositif qui ne l’est pas.
Il me semble qu’il y a là une petite contradiction.
Ensuite, même si je
comprends les explications données par le président de la commission des
finances, les règles qu’il applique posent un problème majeur : en réalité,
nous ne pouvons donc pas discuter des paramètres du texte. Dans ce cas, de quoi
discutons-nous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Mme la
présidente. Ce débat relevant de la commission des finances, je propose
que nous en restions là.
Mme Cendra
Motin. Très bien !
M.
Sébastien Jumel. Ne pourrait-on pas la réunir ?
Mme la
présidente. La parole est à M. Olivier Marleix.
M. Olivier
Marleix. Pour la clarté du débat, je voudrais à nouveau souligner la
difficulté à laquelle sont confrontés l’ensemble des parlementaires. Tout à
l’heure, on nous a reproché d’avoir déposé des amendements trop répétitifs
– nous sommes plusieurs à l’avoir fait –, qui ne paraissaient pas
d’une grande intelligence. Or il ne s’agit jamais que d’amendements de
suppression ! Malheureusement, nous sommes plusieurs députés à avoir été
censurés au titre de l’article 40 : ce n’est pas propre au groupe
GDR.
Je ne conteste évidemment pas les décisions du président de la
commission des finances, et je comprends parfaitement la difficulté qui a été la
sienne pour savoir à l’aune de quelle référence l’aggravation des charges devait
être établie : est-ce par rapport au droit actuel ou au droit nouveau que
crée le texte ?
Dans ces conditions, il est extrêmement compliqué
pour les députés de déposer des amendements recevables, échappant au couperet de
l’article 40, et d’accomplir leur travail dans le cadre de l’examen de ce
texte.
M. Pierre
Dharréville. Oh que oui !
Mme
Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale.
S’agit-il d’un rappel au règlement, madame la présidente ?
M. Olivier
Marleix. Une fois encore, l’impératif de clarté du débat parlementaire
en prend un sale coup. Le Conseil d’État avait déjà émis des observations sur
les risques que l’examen d’un texte dans de telles conditions faisait peser sur
sa constitutionnalité.
M. Sylvain
Maillard. Madame la présidente ! Ce n’est pas un rappel au
règlement !
M. Olivier
Marleix. Malheureusement, le travail sur les amendements ne fait que
renforcer cette difficulté. (Applaudissements sur les bancs du groupe
LR.)
Mme la
présidente. La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au
règlement – sur quel fondement, cher collègue ?
M. Ugo
Bernalicis. Sur le fondement de l’article 52, madame la présidente.
Puisque vous assurez le maintien de l’ordre et la police dans l’hémicycle, je
voudrais que vous constatiez une infraction avérée à l’article L. 121-1 du
code de la consommation, qui traite des pratiques commerciales
trompeuses.
Au cours des interventions portant sur
l’article 1er, nous avons entendu…
Mme la
présidente. Monsieur le député, ce n’est pas un rappel au
règlement !
M. Ugo
Bernalicis. Il y a des pratiques commerciales trompeuses !
Mme la
présidente. Votre intervention n’est pas fondée sur un élément du
règlement.
M. Ugo
Bernalicis. Je vous demande d’assurer la police dans l’hémicycle !
(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Brahim
Hammouche. Un peu de respect !
Mme la
présidente. Monsieur le député…
M. Ugo
Bernalicis. Madame la présidente, l’infraction est constatée : il
faut que vous y donniez suite ! (Brouhaha.)
Mme la
présidente. Monsieur le député, je ne peux pas vous laisser poursuivre
dans ce sens.
M. Ugo
Bernalicis. Il y a une pratique commerciale trompeuse avérée concernant
le prix du point, le coefficient…
Mme la
présidente. Il suffit.
La parole est à M. Sébastien Jumel,
pour un rappel au règlement. Sur quel fondement le formulez-vous, cher
collègue ?
M.
Sébastien Jumel. Sur le fondement de l’article 58, alinéa 5,
madame la présidente.
Avec beaucoup de légitimité, le président Woerth
nous explique – et nous le respectons – que certains des amendements
que nous avons déposés, notamment ceux tendant à supprimer la référence à l’âge
d’équilibre, engendrent des charges. Il a également dit – et nous l’avons
écouté avec beaucoup de sérieux – qu’il était difficile d’avoir une
lisibilité financière de la réforme. Vous-même, madame la présidente, avez
indiqué que le débat sur la recevabilité des amendements relevait de la
commission des finances. Je demande donc que cette commission se réunisse pour
examiner la recevabilité des amendements ; à défaut, on ferait tomber des
amendements avant même d’avoir un avis éclairé de la commission compétente.
(Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
Article 1er (suite)
Mme la
présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. J’ai écouté avec intérêt les
orateurs et, même si nous pourrons en débattre plus avant tout à l’heure, je
souhaite apporter d’ores et déjà quelques éclairages sur le projet du
Gouvernement. Je tiens à préciser que je ne répondrai pas forcément dans l’ordre
des intervenants : par exemple, je ne voudrais pas que M. Vallaud, qui
s’était exprimé en premier, me fasse grief de ne pas le citer en premier
– même si, de fait, je viens de le faire !
M. le président
Woerth m’a demandé à quel âge on pourrait partir à taux plein. Dans le système
actuel, et ce sera le cas jusqu’en 2035, c’est quant on a atteint quarante-trois
années de travail ; comme l’âge moyen d’entrée dans la vie active est de
22 ans – ce qui pourrait d’ailleurs évoluer d’ici à 2035 –, il ne
faut pas être un grand mathématicien pour en déduire que l’âge de départ à taux
plein est à 65 ans. Voilà la réponse à sa question – même si,
expérimenté qu’il est en la matière, il la connaissait déjà.
Il sait
aussi que les dispositifs – certains très courageux, d’autres peut-être
moins justes – mis en place par la majorité à laquelle il appartenait à
l’époque conduisent aujourd’hui certains de nos concitoyens, essentiellement les
femmes et les personnes à faibles revenus, à travailler jusqu’à 67 ans pour
annuler la décote. Telle est la réalité ! Si l’on peut faire grief au texte
d’un certain nombre de choses, on peut aussi énoncer des vérités objectives et
claires.
S’agissant de la pénibilité, monsieur le président Woerth, vous
nous mettez en garde de ne pas raisonner trop systématiquement en termes de
métier. Vous savez la place que nous souhaitons laisser aux partenaires sociaux,
afin qu’ils construisent une réponse qui soit cohérente à la fois avec la vie de
l’entreprise et avec l’évolution des métiers. Vous avez fait remarquer que les
situations en 2035 ne seraient certainement pas celles de 2020 : je suis
sensible à cet argument, et c’est la raison pour laquelle je défendrai plusieurs
aspects du texte qui y ont trait.
Messieurs le président Vigier et
Charles de Courson, je pensais avoir déjà répondu en commission spéciale à
vos interrogations – c’est au moins le cas pour M. de Courson.
S’agissant des carrières des enseignants et des enseignants-chercheurs – et
je réponds là également à M. Juanico –, elles offrent de grandes
différences avec les carrières plates, notamment celles des fonctionnaires
territoriaux ou hospitaliers. Par exemple, l’étude d’impact montre bien que,
dans le cadre de la réforme, les agents territoriaux spécialisés des écoles
maternelles – ATSEM –, qui accompagnent les institutrices et
instituteurs des petites classes, bénéficieraient d’une dynamique plus
favorable.
La réforme est donc favorable aux carrières plates, pour
lesquelles la question de la prime ne revêt pas la même importance que pour
l’ensemble des enseignants, qui, eux, ont des carrières ascendantes, mais
démarrent très bas. C’est justement ce qu’il faut corriger. En effet, comme
Régis Juanico le soulignait dans la première partie de son propos, la dynamique
du nouveau système de retraites ne leur sera pas favorable. C’est pourquoi le
Gouvernement a fait le choix politique de s’engager auprès des
enseignants-chercheurs sur le montant de leurs pensions.
M. Boris
Vallaud. Ce n’est pas vrai !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous savons qu’il faut
reconstruire leur rémunération, car, par rapport à d’autres fonctionnaires de
catégorie A, ils sont effectivement lésés. C’est une réalité, et nous
assumons notre choix politique.
Je rappelle que même si les discussions
n’ont pas pu aboutir en commission spéciale, ce qui a pour conséquence que nous
discutons dans l’hémicycle du texte du Gouvernement, une large majorité de la
commission avait fait le choix politique de garantir aux enseignants,
dans le cadre d’un article 1er bis, le niveau de
leurs pensions. J’espère qu’il en ira de même lors du débat en
séance.
Monsieur Quatennens, je sais apprécier que vous me
challengiez,…
M. Ugo
Bernalicis. Pourriez-vous parler français ?
M. Philippe
Gosselin. « Challenger »… Franchement, quelle façon de
parler !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. …que vous m’interpelliez sur
des sujets touchant au produit intérieur brut et à la richesse nationale.
Celle-ci évolue significativement ; je sais que vous partagez ce constat.
Elle évolue même de façon suffisamment importante pour que, malgré les
2 millions de retraités supplémentaires au cours des dix dernières années,
les pensions moyennes aient augmenté de 20 % sans que la part du PIB dédiée
aux retraites ne s’éloigne de 13,7 % : je vous l’ai déjà dit, et je
sais que cela ne suffit pas à vous convaincre, mais je ne résiste pas au
plaisir, non de vous le dire à nouveau, mais de partager avec l’ensemble de
l’hémicycle la réalité de la situation dans notre pays.
Cependant,
puisque je ne peux vous convaincre avec ce seul argument, je vais, si vous le
permettez, en développer un deuxième. Avec le système actuel, les perspectives à
2050 établies par le Conseil d’orientation des retraites fixent à 13 % la
part du PIB consacrée aux retraites. Avec le futur système universel, celui que
nous vous proposons d’adopter, cette part serait de 12,9 % – voilà qui
répondra peut-être aux questions sur le financement posées par le président
Woerth. Nous nous inscrivons donc dans la même épure, dans la même
structuration. Si, comme je l’espère, vous décidez d’adopter ce projet de loi,
ces perspectives sont extrêmement rassurantes ; nous consacrerons à nos
aînés la même part d’un PIB qui, par ailleurs, progresse.
M. Boris
Vallaud. Il y aura plus de retraités !
M. Frédéric
Petit. Mais avec deux systèmes !
M. Ugo
Bernalicis. C’est un article qui relève de la pratique commerciale
trompeuse !
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Mme de Lavergne et
MM. Mattei et Belhaddad se sont réjouis des avancées figurant dans le texte
en matière de justice sociale, notamment les mesures visant les 40 % de
futurs retraités les plus vulnérables, les plus modestes, ceux qui percevront
moins de 1 400 euros de retraite. La dynamique du système permettra de
mieux protéger leurs pensions.
M. Belhaddad a souligné, tout comme
le président Philippe Vigier, un point important : la dynamique de
confiance entre les générations.
M. Boris
Vallaud. C’est quoi, ça ?
M. Laurent
Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous ne pouvons pas l’oublier
– mais redisons-le ensemble : la réalité de notre fonctionnement par
répartition, c’est que ce sont les plus jeunes qui, à travers leurs cotisations,
paient les pensions des aînés. C’est pour cela qu’il faut construire un système
solide, rassurant et durable pour ceux qui le font fonctionner, c’est-à-dire
ceux qui cotisent.
Madame Ménard, vous m’avez interpellé – fort
aimablement, c’est une interpellation au sens de l’Assemblée nationale – au
sujet du système et du régime universels. Peut-être n’en avons-nous pas encore
discuté dans l’hémicycle, et je ne vous en fais pas grief, mais le rapport du
Conseil d’État, qui a l’air de susciter beaucoup d’intérêt sur ces bancs, a fait
état de ses considérations. J’imagine que tous les mots y ont de l’intérêt, et
non pas uniquement ceux qui pourraient servir une lecture politique.
Or
le point douze, qui figure à la page 7, précise que le projet de loi crée
bien un système universel. Vous avez raison, madame Ménard : il
existera en son sein des spécificités, ainsi que plusieurs régimes. Le système
mis en place sera néanmoins universel ; il permettra que les mêmes efforts
octroient les mêmes droits.
Je m’excuse de la longueur de ma réponse,
mais de nombreux intervenants se sont exprimés et je ne voudrais pas que vous
pensiez que le Gouvernement ne souhaite pas prendre part au débat, alors que
nous entrons dans le fond de celui-ci.
Le sujet des réserves a été évoqué
par M. Philippe Vigier, et par d’autres aussi. Comme nous l’avons souligné,
toutes les réserves – qu’il s’agisse de celles de l’AGIRC-ARRCO ou de
celles des régimes dits autonomes ou spécifiques – appartiennent à ces
organismes et ne sauraient faire l’objet d’une captation par l’État. Cette
question ne fait pas débat : ce n’est tout simplement pas possible.
D’ailleurs, si l’un ou l’une d’entre vous avait identifié dans le projet de loi
un élément prouvant le contraire, vous nous auriez d’ores et déjà alertés sur le
sujet.
Quant au Fonds de réserve pour les retraites, nous l’avons
effectivement fléché vers le Fonds de réserves universel. Lors de la discussion
sur l’article 60, vous pourrez constater que nous avons défini des
objectifs clairs pour ce dernier – ce qui manquait au premier.
Mme la
présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine
séance.
M. Pierre
Dharréville. Et à moi, on ne répond pas ?
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