Système universel de retraite
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AN 1 - Débats 26 février 2020 : 1ère séance du 25
Document intégral

 

Article 2 (suite)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 24927.

Mme Valérie Rabault. Au fil des débats que nous menons depuis une semaine, on se rend compte que si certaines professions – marins, danseurs d’opéra… – bénéficient d’un régime de retraite spécifique, c’est parce qu’au cours des quarante ou cinquante dernières années, les spécificités de leur métier ont été reconnues. Il n’y a pas lieu de parler de régime spécial.

Comme cela a été rappelé il y a quelques jours, les marins, en particulier, seront défavorisés par le nouveau système que vous envisagez d’instaurer. Pour leur éviter cela, nous souhaitons qu’ils continuent à bénéficier d’un régime spécifique.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Turquois, rapporteur de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.

M. Nicolas Turquois, rapporteur de la commission spéciale. Avant de donner mon avis sur l’amendement, je tiens à exprimer mon soutien à mon collègue Jacques Maire, que j’ai apprécié en tant que corapporteur. C’est la première fois que je travaillais avec lui et je veux souligner sa grande humanité et son grand professionnalisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM. – M. Vincent Bru applaudit également.)

L’amendement no 24927 vise à exclure le régime des marins du système universel. Hier soir, M. Le Fur avait défendu un amendement similaire, invitant à prendre en compte les spécificités des métiers. Je propose d’en discuter à l’article 7 qui traitera des différentes professions en tenant compte de leurs particularités. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Nous avons évoqué ce sujet à plusieurs reprises. Je confirme que la reconnaissance des spécificités, que nous avons évoquée hier soir lors de nos échanges avec M. Le Fur, est toujours d’actualité, mais que celles-ci seront prises en considération à l’intérieur du système universel de retraite. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. L’amendement que vient de défendre Mme Rabault permet de poursuivre nos échanges sur les gens de mer. À métier spécifique, retraite spécifique ! En effet, les deux sont liés.

Vous m’avez répondu – et je vous en sais gré, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur – sur plusieurs points, notamment l’âge de départ à 55 ans et le salaire forfaitaire servant de base au calcul des pensions. Restait la question très délicate des cotisations patronales.

En effet, il s’agit de métiers très concurrentiels. Nos pêcheurs sont très concurrencés et le seront encore plus avec le Brexit. Quant à nos marins, il n’y a pas plus concurrentiel que les métiers de la marine marchande, puisque l’affréteur choisit le plus offrant ou le moins cher. La question des cotisations patronales est donc majeure dans la mesure où leur augmentation risque d’engendrer des surcoûts qui nous feraient perdre des marchés, et donc des emplois dans le monde de la mer.

Comment va-t-on aménager le régime de retraite des marins ? Je comprends que nous ne puissions pas entrer dans les détails budgétaires à ce stade, mais je souhaiterais avoir quelques précisions à ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Fabre.

Mme Catherine Fabre. Chers collègues, j’ai du mal à vous suivre quand je vois cet amendement et d’autres qui suivront, notamment concernant l’Opéra de Paris ! Nous venons de terminer l’article 1er, sur lequel vous avez déposé de nombreux amendements dénonçant le fait que nous ne créions pas un régime réellement universel. Vous vouliez aller beaucoup plus loin dans l’universalité ; puristes, vous nous expliquiez que dès lors que nous reconnaissions certaines spécificités, notamment celles des marins – que nous voulons intégrer au régime universel, mais en tenant compte des particularités de ce métier –, le système à venir n’était pas universel.  Pas nous ! » sur les bancs du groupe GDR.) Et vous voulez maintenant exclure certaines professions – marins, danseurs de l’Opéra de Paris, etc. – du champ d’application de ce système ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Jean-René Cazeneuve. Excellent !

M. Marc Le Fur. Vous en avez bien exclu la Banque de France, alors il faut aussi vous occuper des marins !

Mme Catherine Fabre. Finalement, vous voulez maintenir l’existant – quarante-deux régimes autonomes ou spéciaux –, sans rien changer. C’est d’autant plus étonnant que s’agissant par exemple de l’Opéra de Paris – la question sera examinée un peu plus tard, nous le savons pour l’avoir déjà traitée en commission –, la proposition de régime spécial ne concerne que les danseurs de cet établissement et non l’ensemble des danseurs français, dont le métier présente les mêmes spécificités.

M. Marc Le Fur. On est en train de parler de marins !

Mme Catherine Fabre. Je ne comprends pas cette position, que je trouve très conservatrice et pas du tout réformiste. Cet amendement nous donne l’occasion de réaffirmer notre volonté d’aller plus loin dans l’universalité et de faire en sorte que l’ensemble des professions dont la spécificité est reconnue intègrent malgré tout le régime universel. (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Madame Fabre, nous contestons en effet que le système que vous créez soit universel. Nous pensons de plus qu’il abaisse les droits. En l’occurrence, nous craignons que ce soit le cas pour les marins.

Si je comprends bien, monsieur le secrétaire d’État, vous prenez des engagements, mais j’aimerais que ceux-ci soient précis. En effet, les marins obéissent à des règles particulières, que nous avons évoquées en commission spéciale : leur métier les amène à s’éloigner de leur domicile pour plusieurs jours lorsqu’ils partent pour une marée ; c’est un métier très pénible et dangereux. En effet, on sait combien la mer recèle de périls pour tous ceux et toutes celles qui y naviguent et surtout y travaillent régulièrement.

En tant que député d’un territoire littoral qui compte nombre de pêcheurs, de femmes et d’hommes liés aux activités de la mer, je connais la particularité de ces métiers ; elle doit être réellement prise en compte et nous souhaitons nous assurer qu’elle le sera.

M. le président. La parole est à M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Nous débattons maintenant depuis plusieurs jours et la majorité exprime souvent le souhait de nous voir avancer. Comme vous, nous sommes soucieux de progresser dans l’examen du texte ; d’ailleurs, nous avons beaucoup progressé puisque toute une série de faits sont maintenant vérifiés. Ainsi, nous savons désormais que la valeur du point n’offre aucune garantie quant au niveau des pensions ; que les femmes, qu’on présentait comme les grandes gagnantes de la réforme, ne le sont pas ; que les agriculteurs, qui devaient se voir octroyer une pension de retraite de 1 000 euros, ne seront finalement que 40 % à en bénéficier.

À l’heure où l’on discute de l’article 2, qui définit le champ d’application de la loi, nos collègues ont réitéré certaines affirmations sur lesquelles je pensais que nous ne devrions pas revenir. Par exemple, vous avez redit qu’il y avait actuellement quarante-deux régimes. Je pensais pourtant, parce que nous l’avons répété, qu’il était établi entre nous que c’était faux. Il n’y a pas quarante-deux régimes.

Mme Catherine Fabre. Si !

M. Adrien Quatennens. Non, les statistiques du ministère du travail – une instance sérieuse – n’en reconnaissent que vingt-trois,…

M. Erwan Balanant. Hier, c’était dix !

M. Adrien Quatennens. …et le Conseil d’orientation des retraites, dix-huit. Quarante-deux, c’est le résultat d’une espèce de combinaison confuse qui vise à introduire dans les esprits l’idée qu’il y en aurait trop.

Qui plus est, vous avez à nouveau répété que la réforme tendait à instaurer un régime universel. Moi qui reprends à cette heure nos débats, je pensais qu’il était entendu que ce n’était pas le cas. Le Conseil d’État a rappelé que le projet de loi prévoyait au moins cinq régimes différents, sans compter les dérogations.

Pour nous, votre système créera bien plus que quarante-deux régimes : il y aura autant de régimes que d’âges d’équilibre différents. Or vous prévoyez que l’âge d’équilibre – qui, au passage, n’a jamais disparu du projet de loi, même provisoirement – se décale génération après génération. Vous êtes les plus grands faiseurs de régimes spéciaux !

Au demeurant, c’est votre marque de fabrique. Rappelons-nous qu’en matière de droit du travail, vous aviez créé autant de droits différents que d’entreprises, en cassant une règle universelle : le code du travail. Alors arrêtez de parler d’universalité et de quarante-deux régimes : aucun des deux n’existe.

M. le président. La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Ma circonscription ne compte pas de marins, donc tout en écoutant la discussion, je suis allée voir ce qu’il en était de leur régime et je lis qu’en matière de réforme des retraites, les marins ont déjà obtenu des garanties. C’est Ouest-France qui le dit, le 19 décembre 2019, en précisant que les spécificités de leur régime seront conservées et intégrées dans le régime général.

M. Marc Le Fur. C’est un excellent journal, mais ce n’est pas le Journal officiel !

Mme Michèle de Vaucouleurs. S’agissant de votre demande, monsieur Le Fur, « l’harmonisation des cotisations sur un taux unique universel – 28,12 %, dont 11,25 % de part salariale et 16,87 % de part patronale – se fera sur un temps long – quinze à vingt ans – pour la part patronale, afin d’éviter une hausse brutale des cotisations ».

M. Marc Le Fur. C’est Ouest-France aussi ?

Mme Michèle de Vaucouleurs. « Elle se fera sur un temps court pour la part salariale, vu la proximité des taux actuels – 10,85 % – et futurs […]. » Ainsi, des garanties ont déjà été données aux marins il y a un mois et demi. Tout n’est pas encore réglé, mais on est en bonne voie de négociation avec la profession.

M. Pierre Dharréville. C’est dans la loi qu’il faut inscrire les garanties !

M. le président. La parole est à M. Paul Christophe.

M. Paul Christophe. Après dix jours de commission spéciale et huit jours d’examen en séance, on en est encore parfois à ressasser les vieilles rengaines. En effet, mon cher collègue, le titre de la loi évoque un système – et non un régime – universel de retraite. Cela tombe bien car le Conseil d’État a justement précisé que ce n’était pas un régime, mais un système universel que nous souhaitions instaurer. On peut lui faire confiance ! (M. Erwan Balanant applaudit.)

Pour ce qui est des marins, on est en train de revivre à l’infini la même histoire. On en a débattu en commission, puis dans le cadre du débat sur l’article 1er ; on est passé aux agriculteurs, mais aujourd’hui on revient aux marins.

M. Thibault Bazin. Allez, avançons !

M. Paul Christophe. Étant élu d’une circonscription côtière et né dans un autre département marin, je suis aussi très attentif à ce sujet. Il est clair qu’une attention particulière y a été portée lors des concertations et négociations. Rappelons que l’Établissement national des invalides de la marine – ENIM –, chargé du régime spécial de sécurité sociale des marins, est très déficitaire. La solidarité nationale lui vient en aide pour combler ce déficit patent.

Lors de l’examen du titre V, dont je suis le rapporteur et qui est relatif à la période de transition et aux droits constitués, vous pourrez constater que cette préoccupation reste d’actualité et qu’il ne s’agit, en aucun cas, de renoncer à la solidarité nationale. Nous voulons même la conforter par la prise en considération de la pénibilité.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Bien que n’ayant pas de marins dans ma circonscription, je souhaitais réagir pour faire observer que si l’ENIM a été créé avant les retraites, sous Louis XIV, c’est bien parce qu’il y avait des spécificités à prendre en considération. Peut-être souhaitez-vous faire table rase d’un régime qui existe depuis plus de 400 ans, mes chers collègues, mais s’il a été construit, c’est bien parce que ces spécificités ont un sens pour la vie des marins.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

Mme Valérie Rabault. Vous nous citez un article de Ouest France pour nous rassurer. J’ai du respect pour ce quotidien, mais c’est ici qu’est faite la loi, et ses articles sur le sujet sont susceptibles d’évoluer au gré des mesures que nous allons adopter. Ce qui compte, ma chère collègue, c’est ce que nous votons.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Des garanties ont été données !

Mme Valérie Rabault. Vous voulez faire entrer les marins dans votre système universel composé de régimes spécifiques – je reprends vos propos, mon cher collègue, que j’ai bien écoutés. Il n’empêche que, à ce stade du débat, nous n’avons pas de garantie.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Pour vous, rien ne constitue une garantie !

Mme Valérie Rabault. Avec tout le respect que j’ai pour Ouest France, son article ne constitue pas une garantie au regard de la loi.

(L’amendement no 24927 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 11686 et 11687.

La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir l’amendement no 11686.

M. Fabrice Brun. Nous souhaitons supprimer le mot « universel » à l’article 2, comme il conviendrait d’ailleurs de le faire dans tout le texte. Vous me répondrez que nous avons déjà eu ce débat, et nous pouvons en convenir.

En revanche, l’article 2 nous fournit le sujet d’un autre débat, qui ne fait que commencer, sur la situation des avocats pour lesquels l’universalité proposée est un leurre. Pourquoi tenons-nous tellement à porter ici la voix des avocats ? Nous voulons témoigner du fait que cette profession est fragilisée par la refonte des tribunaux d’instance, par la réforme de l’aide juridictionnelle et par la numérisation – et même l’uberisation – de la justice.

Il faut mesurer aussi les grandes disparités qui existent dans cette profession. À cet égard, j’aimerais vous entendre dire avec nous que les avocats ne sont pas des nantis. Pour éclairer nos débats, je vais prendre l’exemple de mon département, l’Ardèche, qui compte 330 000 habitants et est donc représentatif de cette belle France des territoires. En Ardèche, les deux tiers des avocats ont des revenus annuels inférieurs à 35 000 euros et, pour la plupart, ils tirent la moitié de leur activité de l’aide juridictionnelle. Rappelons que cette activité est rémunérée à hauteur de 256 euros par dossier.

Nous avons déjà dénoncé le hold-up que vous organisez sur cette caisse autonome qui ne coûte pas un sou au contribuable et qui alimente déjà la solidarité nationale à hauteur de 80 millions d’euros par an. Pour ma part, je voudrais ajouter que, dans ce contexte de fragilité, il est suicidaire d’augmenter leurs cotisations. Ce n’est pas votre abattement sur la contribution sociale généralisée – CSG – qui réglera le problème : cette disposition est insuffisante mais aussi nulle et non avenue puisqu’elle est inconstitutionnelle.

Une fois de plus, dans cet hémicycle, nous vous alertons solennellement sur le risque de voir disparaître les avocats de proximité, avec tout ce que cela comporte comme menaces pour les greffes et les emplois induits. Après les déserts médicaux, se profilent les déserts judiciaires.

M. le président. Merci, monsieur Brun.

M. Fabrice Brun. Pour conclure, monsieur le président, je dirai que tout le monde a le droit d’être défendu, et ce, en tout point du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement no 11687.

M. Marc Le Fur. M. Brun a parfaitement exprimé les choses.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Les amendements concernés demandent la suppression du mot « universel » et j’y suis défavorable. Comme vous l’avez rappelé, cher collègue, nous en avons déjà longuement débattu.

En ce qui concerne les avocats, vous avez fait un très bon diagnostic de la situation, comme ce fut le cas, hier, pour les agriculteurs. Les avocats sont plus nombreux et certains d’entre eux rencontrent des difficultés, notamment parce que leur activité dépend beaucoup de l’aide juridictionnelle et de dossiers liés au droit de la famille qui sont parfois mal rémunérés. Si certains avocats ont des situations confortables, beaucoup d’entre eux ont des difficultés.

Nous devons répondre aux difficultés de ces avocats comme nous devons le faire pour les agriculteurs ou les pêcheurs : la retraite n’est que le reflet de la vie professionnelle ; la pension est faible quand les revenus l’ont été.

M. Fabrice Brun. Alors, il ne faut pas augmenter les cotisations !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Les questions relatives aux avocats seront abordées plus loin,…

M. Fabrice Brun. Peut-être !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. …au moment où nous en viendrons à l’intégration de leur régime dans le système universel.

Quant à vous, monsieur Quatennens, il va falloir renouveler vos arguments. Pour résumer, vos interventions portent tantôt sur la contestation de l’existence de quarante-deux régimes – hier, à un moment où vous étiez absent, j’ai indiqué que ces quarante-deux régimes étaient parfaitement définis à la page 194 du rapport –,…

M. Ugo Bernalicis. Ce sont des combinaisons !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. …tantôt sur les seuils de huit ou trois PASS, tantôt sur les conséquences de la réforme pour les femmes ou pour les agriculteurs.

M. Ugo Bernalicis. Sans parler des avocats ! Ou des chômeurs ! En fait, cela concerne tout le pays !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Vous tournez en boucle sur ces thèmes. Essayez de travailler sur le fond, ça changera ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur le député Brun, je comprends que le sujet des avocats puisse vous tenir à cœur mais il me semblait que nous l’avions déjà traité hier soir en étant à peu près exhaustifs. Nous avons des différences d’appréciation, ce que je peux comprendre aussi, mais il est explicitement prévu dans le projet de loi – je vous ai donné les références, par exemple l’alinéa 22 de l’article 50 – que les réserves de toutes les caisses autonomes spécifiques ne seraient pas touchées. C’est dans le texte, on ne peut plus en douter.

M. Fabrice Brun. Vous dites qu’ils doivent contribuer, participer !

M. Ugo Bernalicis. Et l’amendement que vous avez déposé à ce sujet ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Nous en revenons toujours au même débat alors que vous souhaitez, il me semble, que nous avancions dans l’examen du texte. Convenons que nous ne sommes pas d’accord sur le sujet et qu’il y a encore du travail à faire avec les avocats – qui ont toute leur place dans le système universel. Réaffirmons que les avocats, comme tous les membres de professions libérales, resteront propriétaires des réserves qu’ils ont constituées et qui resteront à leur main – ce qui est très bien comme cela. Cherchons des solutions, même si j’ai bien compris que le projet du groupe LR était différent du nôtre – le président Woerth, hier, semble avoir approuvé le résumé que j’en avais fait.

Notre projet propose une large universalité. Le vôtre consiste à la limiter à un PASS, en laissant vivre des cas spécifiques par statut et par métier.

M. Fabrice Brun. Et on n’augmente pas les cotisations !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Souffrez que nous ne soyons pas d’accord ! Par ailleurs, il n’arrivera rien de négatif aux avocats, mais – et vous avez raison sur ce point, monsieur Brun – il reste du travail à faire pour alléger les charges de ceux dont les revenus sont relativement modestes – autour de 30 000 euros annuels.

M. Fabrice Brun. Merci de le reconnaître, monsieur le secrétaire d’État !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Je le répète, nous réalisons ce travail avec les représentants des avocats. Nous avons préparé des amendements sur le sujet, afin notamment de maintenir une péréquation entre les cabinets d’avocats prospères et ceux qui le sont moins, par exemple ceux qui dépendent de l’aide juridictionnelle. La représentation nationale aura donc l’occasion de s’exprimer sur le sujet.

Mon avis est donc défavorable, mais je voulais prendre le temps de renouer le dialogue en dépit de la controverse.

M. Fabrice Brun. Merci !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Du reste, la controverse est toujours intéressante parce qu’elle fait avancer le débat.

M. Jean-Luc Mélenchon. Ah, vous voyez bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà qui est plus aimable, monsieur le secrétaire d’État, que les propos tout à fait désagréables de M. Turquois ! Pourquoi, monsieur le rapporteur, voulez-vous dicter à M. Quatennens ce que doivent être ses arguments ? Dites que vous les rejetez, mais évitez de faire des commentaires sur leur articulation ou leur caractère répétitif.

Du reste, pourquoi répète-t-il ses arguments ? Parce que l’une de nos collègues, Mme Fabre, a dit qu’elle ne nous comprenait pas. Si vous ne nous comprenez pas, on vous explique.

M. Erwan Balanant. Nous aussi, on vous explique !

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous ne comprenez pas pourquoi nous réclamons des régimes particuliers, que vous appelez spécifiques, alors que nous reprochons à votre système de ne pas être universel. Bien sûr ! C’est vous qui avez commencé en disant : il y a quarante-deux régimes, c’est illisible, donc nous faisons un régime universel. Nous vous avons dit dès le début que ce n’était pas possible : les régimes spéciaux ont une longue histoire et répondent à des nécessités liées aux métiers qu’ils concernent.

Il est donc parfaitement naturel de parler du régime de retraite des marins qui, cela a été rappelé, a quatre siècle, même s’il a évidemment changé depuis sa création. Il faut dire que la marine faisait l’objet d’un soin méticuleux. Figurez-vous que le roi Louis XIV alla jusqu’à faire planter, dans la forêt de la Joux, des sapins dont certains s’y trouvent toujours.

M. Erwan Balanant. Ce sont des chênes !

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous pouvez aller voir cette plantation de sapins  Des chênes ! » sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM) destinés à la marine nationale : c’est un monument du colbertisme français

M. Erwan Balanant. Le bois de sapin ne convient pas à la construction navale !

M. Jean-Luc Mélenchon. Voilà pourquoi nous sommes obligés de vous expliquer que ces régimes, que vous rebaptisez « spécifiques », répondent à des nécessités. Par conséquent, le système n’est pas universel. Il n’y a qu’une chose qui soit universelle : la transformation en points de ce qui était autrefois évalué en trimestres cotisés. Ces points sont votre seule invention, et vous les avez créés pour préparer la capitalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. Adrien Quatennens. C’est de la poudre de perlimpointpoint ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-René Cazeneuve.

M. Jean-René Cazeneuve. À gauche de notre hémicycle, les députés sont favorables aux régimes spéciaux, aux régimes autonomes. C’est assez logique, même si dans le même temps, ils nous reprochent d’en créer de nouveaux alors que, somme toute, ils devraient être contents !

Ma surprise vient plutôt de vous, mes chers collègues qui siégez sur les bancs de droite, dont j’attendrais éventuellement une clarification. Dans vos programmes successifs, vous vous êtes prononcés contre les régimes spéciaux. De même, au cours des débats – M. Woerth, par exemple, l’a dit hier à propos de la pénibilité – vous avez réclamé un socle d’universalité. Êtes-vous, oui ou non, pour la fin des régimes spéciaux ? Dites-le nous pour que nous puissions enfin comprendre votre position, au lieu de nous balader en disant une fois oui, une fois non. (Applaudissements sur les quelques bancs du groupe LaREM.)

Pour notre part, nous sommes cohérents depuis le début. Nous sommes favorables au régime universel. Pourquoi ? En regroupant tous les Français et en mettant plus d’argent, nous créons un régime beaucoup plus robuste, pérenne et capable de résister aux fluctuations démographiques de tel ou tel métier.

M. Fabrice Brun. Toutes les professions concernées sont vent debout contre votre réforme !

M. Jean-René Cazeneuve. Nous sommes pour un régime universel parce qu’il est plus protecteur pour l’ensemble des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Je ne savais pas que M. Cazeneuve était communiste – la nouvelle réjouira M. Jumel ! Un régime universel, valant pour tout le monde quelles que soient les situations, correspond à une vision très collective des choses.

Pour notre part, nous souhaitons un socle commun de droits – nous avons retenu un seuil de prélèvement de un PASS – et des régimes autonomes pour tenir compte des particularités de certaines professions.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Éric Woerth. Dans ce cadre, nous prônons une fusion entre le secteur privé et le secteur public : nous voulons que les salariés et les fonctionnaires soient traités de la même manière, tout en faisant en sorte que puissent vivre des régimes totalement autonomes, comme celui des avocats. Il y a une logique ! Vous nous reprochez de nous répéter mais nous avons visiblement besoin de le faire puisque cette information n’était pas parvenue jusqu’à vos oreilles.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous en redemandez !

M. Ugo Bernalicis. Cela ressemble à de l’obstruction…

M. Éric Woerth. S’agissant des avocats, ce sont les plus modestes qui vont souffrir du régime que vous voulez leur imposer : leurs cotisations vont terriblement augmenter. Ces avocats ne croient pas à vos propositions de compensation au travers de mécanismes du type réduction d’assiette de CSG, notamment parce que ces mesures sont fragiles et qu’elles peuvent être remises en cause chaque année. Tout cela crée une instabilité, une insécurité pour ces professions qui n’en ont franchement pas besoin.

En réalité, c’est la CSG et la ponction sur la caisse des avocats qui paieront le régime de transition pour les avocats. Il s’agit, en quelque sorte, d’un droit d’adhésion au régime universel !

Vous ne cessez de répéter, enfin, que des travaux sont en cours sur le projet de loi. Il ne devrait y avoir, selon moi, qu’un seul lieu possible pour ces travaux : l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Fuchs.

M. Bruno Fuchs. En ce qui concerne les avocats, la discussion que nous devons avoir avec eux, dans un climat de confiance, ne doit pas se limiter à la question des retraites. Cette question, au fond, est d’ailleurs assez simple : la négociation a beaucoup progressé puisqu’ils ont désormais l’assurance que leur cotisation n’augmentera pas avant 2029. Compte tenu de l’abattement de 30 % sur l’assiette de la CSG et de l’augmentation de 2 % des cotisations décidée par la CNBF, la Caisse nationale des barreaux français, il reste à trouver le moyen de compenser l’augmentation de 5,5 à 6 % prévue pour la période 2029 à 2040. Or il semble possible d’avancer sur ce point dans le cadre de la négociation. Un accord ne semble plus très loin.

J’entends les avocats, notamment ceux de ma circonscription, dire que 40 % des cabinets vont fermer, mais ce n’est pas sérieux !

M. Éric Diard. Pourquoi ?

M. Bruno Fuchs. Parce que ce n’est pas la réalité !

M. Ugo Bernalicis. Mais si ! Et cela n’est pas seulement dû à la réforme des retraites !

M. Bruno Fuchs. Au contraire, dans le cadre des discussions qu’ils mènent avec le Gouvernement, les avocats ont l’opportunité de définir des conditions plus favorables pour leur profession – c’est d’ailleurs le cas également des agriculteurs et d’autres professions en difficulté.

M. Marc Le Fur. Il faut le faire pour les agriculteurs ! Vous ne faites rien pour eux !

M. Bruno Fuchs. La position de nos collègues du groupe Les Républicains est facile – ils critiquent –, mais permettez-moi de rappeler que Nicolas Sarkozy avait demandé, en septembre 2007, au gouvernement de l’époque de mettre un terme aux régimes spéciaux et que cinq ans plus tard ils étaient toujours là, malgré des mesures dont le coût a été estimé à 5 milliards d’euros. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

Vous le voyez, chers collègues, il est plus difficile d’agir que de critiquer ! Vous avez eu cinq ans pour réformer les régimes spéciaux, le président Sarkozy vous l’avait demandé, mais vous ne l’avez pas fait. (Vives protestations sur les bancs du groupe LR.)

M. Ugo Bernalicis. Laissez donc votre place, nous sommes prêts à la prendre !

M. le président. La parole est à M. Hubert Wulfranc. (M. Bruno Fuchs échange des propos avec M. Éric Diard.) Chers collègues, si vous voulez poursuivre la discussion, faites-le en dehors de l’hémicycle.

M. Thibault Bazin. Monsieur le président, défendez Sarkozy : il a fait des choses !

M. le président. Vous avez la parole, monsieur Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc. Nous parlons d’universalité, mais que recouvre ce concept en réalité ? Revenons sur le fond de votre système prétendument universel.

Certaines professions ont légitimement acquis des droits : ce sont les fameux régimes spéciaux. Grâce à cela, elles bénéficient de pensions convenables et même meilleures que d’autres salariés. Néanmoins, et nous vous le répéterons tant qu’il faudra, l’objectif de nos différentes propositions est de tirer vers le haut les pensions de retraite et non, sous couvert de présenter le nouveau système comme universel, de tirer vers le bas les régimes spéciaux ! Or – revenons, ici aussi, aux fondamentaux – des recettes sont disponibles pour améliorer les droits à la retraite d’autres professions.

Je pense notamment aux salariés d’une filière en forte croissance, celle du traitement des déchets – nous avons tous en mémoire la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire récemment adoptée. Le caractère pénible des conditions de travail de ces salariés sur le terrain doit, selon nous, être reconnu afin qu’ils bénéficient de pensions bien supérieures à celles que vous promettez. Il en va de même de la filière de l’hôtellerie et de la restauration,…

M. le président. Merci, monsieur Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc. …à laquelle on promet un bel avenir dans notre pays mais qui dont les salariés ne bénéficient pas de pensions de retraite à la hauteur de leurs conditions de travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

(Les amendements identiques nos 11686 et 11687 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Dharréville, pour soutenir l’amendement no 26738 et les quinze amendements identiques déposés par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Pierre Dharréville. Il s’agit d’amendements pour nous mettre en jambe ! Notre désaccord est clair, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État : vous jugez votre système universel, nous le jugeons inéquitable.

Je saisis l’occasion pour vous interroger de nouveau sur les différences qui existeront entre deux personnes qui auront eu une carrière similaire mais qui seront nées pour l’une en 1974 et pour l’autre en 1976. Pouvez-vous me confirmer, toutes choses égales par ailleurs, que leur âge de départ à la retraite et leur niveau de pension seront différents, et qu’il en sera de même pour deux personnes à la carrière similaire et nées pour l’une en 2003 et pour l’autre en 2005 ?

M. Marc Le Fur. Bonne question !

M. Pierre Dharréville. Si vous me le confirmez, démonstration sera faite que nous avons raison.  

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Les amendements proposent de remplacer le mot « universel » par le mot « inéquitable ». Je le redis une fois encore, nous considérons que le système est universel parce qu’il concerne l’ensemble des Français et parce qu’il définit des règles communes pour tous, contrairement au système actuel.

La différence qui existera entre une personne née en 1974 et une personne née en 1976 sera la même qu’entre une personne née en 1972 et une personne née en 1973. Dans les deux cas, l’une bénéficiera d’un trimestre supplémentaire, conformément à la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, dite loi Touraine. Dans les deux cas, il s’agit d’une période de transition.

Pour une personne née en 1976, un an de la carrière sera pris en compte par le système universel de retraite : un sur quarante-trois ans. C’est donc de manière très progressive que nous allons passer d’un système à l’autre. Nous prenons le temps de la transition entre les deux différents systèmes.

Il est normal qu’une personne proche de la retraite – moins de dix-sept ans –, qui a formé son projet de retraite dans des conditions différentes d’aujourd’hui, ne soit pas concernée par le nouveau système. Pour ceux qui en sont un peu plus éloignés, les conséquences du nouveau système seront très progressives.

Avis défavorable.  

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Monsieur Dharréville, je suis là pour discuter du fond du projet de loi ! Vous avez déposé l’amendement qui vise à remplacer le mot « universel » par le mot « inéquitable » sur tous les alinéas de l’article 1er et le voilà de nouveau sur les alinéas de l’article 2.

Mme Mathilde Panot. Conformément à la décision de la conférence des présidents !

M. Pierre Dharréville. Parlez donc du fond !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Vous utilisez vos amendements pour jouer à un quiz géant avec une multitude de cas types.  

M. Fabien Roussel. Pour savoir la vérité, tout simplement ! Répondez à la question !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Si j’en crois le président de votre groupe, vous avez la volonté d’aller plus loin dans le texte. Alors faisons-le ! Passons à autre chose, je vous en prie.

M. Fabien Roussel. Répondez à la question !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Avis défavorable.  

M. le président. La parole est à M. Ugo Bernalicis.

M. Ugo Bernalicis. Le système sera peut-être universel, mais il sera aussi inéquitable, notamment pour les avocats.

Monsieur le secrétaire d’État, je ne vous comprends pas très bien. Vous affirmez qu’il n’est aucunement question d’utiliser les réserves des avocats dans le cadre de la réforme, mais l’amendement no 42467 du Gouvernement après l’article 2 – je vous fais grâce du dispositif, je me bornerai à vous lire le début de l’exposé sommaire – « vise à confier à la CNBF la gestion d’un dispositif de solidarité permettant de prendre en charge tout ou partie de la hausse de cotisations pour les avocats, libéraux et salariés, dont le revenu est inférieur à trois PASS. » 

Par le biais de cet amendement, vous dites clairement aux avocats qu’ils doivent utiliser les réserves de leur caisse autonome pour financer la transition entre des cotisations de 14 % et des cotisations de 28 % !

M. Fabien Roussel. C’est clair ! C’est écrit !

M. Ugo Bernalicis. Pourquoi ne l’assumez-vous pas ? C’est pourtant bien ce qui se dit à la table des négociations quand la garde des sceaux, Nicole Belloubet, reçoit les avocats ! (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Bruno Questel. Ce n’est pas vrai !

M. Ugo Bernalicis. Mais vous devriez comprendre que c’est précisément ce dont ils ne veulent pas. C’est bien la raison pour laquelle ils votent la grève reconductible dans leurs assemblées générales extraordinaires.

Assumez, monsieur le secrétaire d’État ! Assumez de vouloir prendre les milliards que les avocats ont mis de côté pour financer votre réforme pourrie ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

Vous voulez prendre ces milliards non pas pour qu’ils aient une meilleure retraite ou qu’ils puissent préserver leurs petits cabinets, non ! Vous voulez les prendre pour financer votre réforme pourrie ! (Mêmes mouvements.)

Mme Fiona Lazaar. Ne soyez pas grossier !

M. Ugo Bernalicis. Les petits cabinets dont nous parlons gèrent l’aide juridictionnelle et interviennent au pénal auprès des plus démunis pour garantir les libertés fondamentales de notre pays, les libertés individuelles. C’est ça que vous allez faire crever en premier ! Pour nous, c’est non !  (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. On nous a reproché de n’avoir rien fait à l’époque du président Sarkozy. C’est pourtant  la majorité de l’époque qui a mis en œuvre la convergence entre la fonction publique et le secteur privé, et c’est elle qui a eu le courage d’allonger l’âge de départ à la retraite à 62 ans !

Vous n’avez pas ce courage-là, mesdames et messieurs de la majorité. En revanche, vous avez eu le culot d’imaginer une période de transition de quarante années – quarante années, c’est à peine croyable !

J’aimerais également rappeler aux élus de la majorité que la caisse de retraite des avocats et celle des professions libérales sont des caisses autonomes. Il ne s’agit donc pas, comme vous voulez le faire penser, de régimes spéciaux.

Les régimes spéciaux coûtent généralement à la solidarité nationale. Or la caisse des avocats est non seulement excédentaire de 2 milliards d’euros,…

M. Marc Le Fur. Elle ne coûte rien !

Mme Marie-Christine Dalloz. …mais elle contribue à la solidarité nationale à hauteur de 90 millions d’euros chaque année. Ce n’est pas, monsieur Cazeneuve, ce que j’appelle un régime spécial ! Vous devriez sans doute revoir votre définition.

Que faites-vous, pour finir, de la protection sociale des avocats et, en particulier, de l’assurance maladie ? Vous ne nous avez toujours pas répondu sur le devenir de la caisse autonome des avocats en matière de protection sociale. Nous aimerions pouvoir avoir enfin une réponse sur le sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.

M. Jean-Paul Dufrègne. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, une fois de plus, lorsque nous abordons les questions de fond, vous ne répondez pas. Vous n’avez pas répondu à la question de mon collègue Pierre Dharréville.

Pour les marins et pour bien d’autres professions, le nouveau système de retraite ne sera pas universel, mais inéquitable ! Le leitmotiv « chaque euro cotisé donnera les mêmes droits » est faux. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’espérance de vie n’est pas la même selon les catégories socioprofessionnelles.

Votre système serait juste si chacun d’entre nous disparaissait lorsqu’il atteint l’âge moyen d’espérance de vie. Ce n’est malheureusement pas le cas. Ceux qui vivent plus longtemps se font donc payer leur retraite en partie par ceux qui vivent moins longtemps. Ce n’est pas une loterie ; nous savons que certaines catégories – les ouvriers, les métiers de nuit – vivront en moyenne moins longtemps.

Sur le plan théorique, votre système est donc totalement inéquitable, d’autant que ces Français usés par un travail difficile subiront une décote s’ils partent à la retraite avant l’âge d’équilibre. C’est inacceptable !

En réalité, votre système prolonge les inégalités de la vie. C’est pourquoi nous devons parler de la pénibilité. Ce ne serait que justice que ces Français partent plus tôt à la retraite, et sans décote ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

M. le président. La parole est à M. Sylvain Maillard.

M. Sylvain Maillard. Je ne comprends pas le raisonnement qu’a tenu tout à l’heure notre collègue Pierre Dharréville. Il a pris l’exemple d’une personne née en 1974 pour démontrer que le système actuel était plus équitable.

Prenons l’exemple d’un chauffeur de bus travaillant à Paris…

M. Pierre Dharréville. Un exemple très nouveau !

M. Sylvain Maillard. …et d’un autre, né la même année, travaillant à Tourcoing. Ils ne partiront pas à la retraite au même âge et ne toucheront pas la même pension alors qu’ils ont cotisé le même nombre d’années.  

M. Fabien Roussel. Vous vous alignez sur lequel ?

M. Sylvain Maillard. Cela, nous le savons. Allons donc plus loin.

Par contre, avec notre réforme, le chauffeur de bus né en 2008, qu’il travaille à Tourcoing ou à Paris, bénéficiera de la même pension et partira à la retraite au même âge. (Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.)

M. Fabien Roussel. Lequel ? 64 ans, 65 ans ou 66 ans ?

M. Sylvain Maillard. Ce nouveau système est donc à la fois équitable et universel, ce que je viens de démontrer. (Mêmes mouvements.)

M. Cédric Roussel. C’est l’universalité de la pauvreté !

M. Jean-Luc Mélenchon. Le nivellement par le bas !

M. Ugo Bernalicis. Le ruissellement vers le haut !

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Je tousse un peu, mais je ne voudrais pas que l’ensemble de l’hémicycle soit confiné…

Je ne sais pas ce que cela donnerait, mais cela nous empêcherait de sortir de l’hémicycle pour entendre les questions que se posent les gens. Nous ne pourrions pas rencontrer les jeunes qui se demandent combien ils percevront de pension et à quel âge – je pense ainsi au jeune avocat qui vient de commencer son activité : comment va-t-il pouvoir payer ses cotisations qui vont être doublées ?

M. Erwan Balanant. Mais non, elles ne vont pas doubler !

M. Christian Hutin. Sortons de l’hémicycle, sortons de ce confinement, écoutons-les !

Pour les marins, c’est exactement la même chose : aucun d’entre eux n’est certain aujourd’hui que la valeur de son point sera financièrement garantie au moment de la liquidation. Leur régime de retraite trouve son origine à Fort-Mardyck, à Dunkerque dont mon ami Paul Christophe et moi-même sommes les députés, et il est extrêmement solidaire. Mais qu’est-ce qui garantit dans ce projet de loi qu’il le sera encore ? Rien !

Je vous demande de sortir de votre confinement, de renoncer à ce système universel qui ne l’est pas, de mettre fin à ces incertitudes permanentes et au risque que vous faites courir à la justice parce que les avocats qui défendent les causes les plus difficiles ne sont pas forcément ceux qui défendent les violeurs les plus abominables, ce sont aussi ceux qui aident les gens impécunieux lorsqu’ils se constituent parties civiles. C’est 40 % de cabinets d’avocats que vous risquez de mettre en grande difficulté.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Elimas.

Mme Nathalie Elimas. On a entendu sur ces amendements un peu tout et n’importe quoi ; il a encore été question des avocats mais aussi des réserves des caisses – fallait-il ou non les utiliser ?– ; et je suis perdue (Exclamations sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR),…

M. Christian Hutin. Vous l’êtes depuis le début ! Comme les Français eux-mêmes, d’ailleurs !

Mme Nathalie Elimas. …je n’y comprends plus rien, tant il y a de contradictions entre ce qui se dit ici et ce qui est écrit ailleurs, par exemple dans le contre-projet de La France insoumise. (Mêmes mouvements.) En tout cas, le système universel tel que nous le proposons offre la possibilité de réinventer le dispositif de solidarité en réduisant les écarts de pensions entre les plus fragiles et les plus aisés, entre les femmes et les hommes, et aussi en soutenant les familles et en apaisant la crainte des conséquences du veuvage.

M. Marc Le Fur. Faux ! C’est le contraire !

Mme Nathalie Elimas. Je voulais revenir, monsieur Dharréville sur votre intervention d’hier où vous avez parlé de machine infernale. Vous avez raison, elle existe : c’est le système actuel, la machine infernale des injustices, la machine infernale des petites quotités de travail qui n’ouvrent aucun droit, celle des critères de durée d’assurance qui pénalisent bon nombre de nos concitoyens, celle qui ne permet plus la linéarité dans sa profession et donc qui rend l’avenir complètement incertain. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes MODEM et LaREM.)

M. Jean-Luc Mélenchon. Tout cela, vous l’avez déjà dit !

Mme Nathalie Elimas. Il faut donc répondre à l’exigence d’équité et garantir la lisibilité des retraites à travers un système universel, destiné à tous et fondé sur des règles communes, compréhensibles par tous. (Mêmes mouvements.)

(Les amendements nos 26738 et identiques ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement no 23428 qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements, nos 42583, 42558 et 42561. Les sous-amendements nos 42558 et 42561 sont identiques.

La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l’amendement.

M. Éric Diard. Mon amendement n’a pas pour but de critiquer ; il vise à défendre le caractère autonome des caisses de retraite des professions libérales – médecins, pharmaciens, les avocats, auxiliaires médicaux. Mes chers collègues, vous confondez parfois les régimes spéciaux et les régimes autonomes : nous, Les Républicains, défendons les régimes autonomes. Je vous rappelle qu’à la différence des caisses des régimes spéciaux ou du régime général, les leurs sont financées uniquement par leurs adhérents. Non seulement elles ne coûtent rien à l’État, mais comme l’a dit fort justement Mme Dalloz, elles contribuent à hauteur de plusieurs dizaines de millions par an à financer le régime général des retraites.

Sacrifier ces régimes autonomes me paraît à la fois un non-sens et un danger. C’est un non-sens car pourquoi intégrer un système excédentaire qui marche bien dans un système déficitaire financé par nos impôts ? C’est un danger parce que vous risquez ainsi de susciter une crise des vocations, on ne trouvera plus de médecins ou d’auxiliaires médicaux (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM), en tout cas il y en aura malheureusement de moins en moins. Voilà pourquoi il faut exclure du nouveau système les caisses autonomes des professions libérales. Et à ceux qui me disent : « on verra bien », je vois bien pour ma part ce qu’il en est : quand la ministre de la justice reçoit les avocats, elle ne les entend pas parce qu’elle ne les écoute pas. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LR. – M. Christian Hutin et M. Ugo Bernalicis applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Valentin, pour soutenir le sous-amendement no 42583.

Mme Isabelle Valentin. Comme l’a dit mon collègue Éric Diard, je crois qu’il faut vraiment bien faire la différence entre régime spécial et caisse autonome. Ce sous-amendement vise à exclure expressément les professions libérales du système universel prévu par cette réforme. De nombreuses professions libérales, telles que les médecins, les infirmières, les avocats ou encore les pilotes de ligne ont leur propre régime de retraite doté d’une caisse autonome qui prélève des cotisations et les reverse sous forme de pensions à ses retraités. Au nom de l’universalité, ce projet de loi entend les supprimer. Pourtant, ainsi que l’a rappelé ma collègue Marie-Christine Dalloz, la différence est flagrante entre les régimes spéciaux, fortement déficitaires et qui survivent grâce à des subventions publiques, et les caisses autonomes, bénéficiaires et solidaires du régime général. Pourquoi mettre à mal un système qui fonctionne ? Pourquoi punir les bons élèves ? Leurs réserves vont être absorbées pour combler les déficits des autres régimes, ce qui est profondément injuste.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bravo !

M. Thibault Bazin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement no 42558.

M. Marc Le Fur. Monsieur le secrétaire d’État, on a le sentiment que vous utilisez une technique pasquaienne (Mouvements divers sur les bancs des groupes LaREM et MODEM) :…

M. Gilles Le Gendre. Holà !

M. Marc Le Fur. …vous êtes acculé, et comme la vieille technique de Pasqua était alors l’embrouille, vous nous embrouillez en mêlant l’ensemble des régimes ! Mes collègues l’ont parfaitement expliqué : le régime spécial est condamnable dans la mesure où son équilibre financier repose sur le soutien des autres, mais si son équilibre repose sur la seule solidarité interne audit régime, cela ne soulève pas de difficultés. Si nous, nous considérons qu’il y a un problème avec la RATP et la SNCF, c’est parce que c’est le citoyen français lambda qui paye.

M. Jean-Luc Mélenchon. Cela ne vous dérange pas quand il s’agit des paysans !

M. Marc Le Fur. Mais ce n’est pas le cas du régime des infirmières ou de celui des médecins, lesquels de surcroît ne demandent rien et organisent leur propre système. Pourquoi donc le troubler ? Comme ils ne comprennent pourquoi vous voulez les mêler au système universel alors que leur régime fonctionne, ils se disent : « S’ils le font, c’est qu’ils veulent nous prendre nos réserves. »

Plusieurs députés du groupe LR. Eh oui !

M. Marc Le Fur. Je ne vois d’ailleurs pas d’autre explication rationnelle. Vous devriez plutôt consacrer votre énergie, monsieur le secrétaire d’État, à améliorer le système de retraite des agriculteurs et celui des marins,…

M. Jean-Luc Mélenchon. Payés par qui ?

M. Marc Le Fur. …alors que vous ne le faites absolument pas – le Président de la République a, hélas, déçu les attentes des premiers, et on va au mieux préserver la situation actuelle pour les seconds. Ne condamnez pas des systèmes équilibrés qui fonctionnent sans solliciter la solidarité nationale. Pourquoi agir ainsi, sinon pour tout embrouiller ? C’est une vieille technique que je dénonce ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.)

M. le président. Le sous-amendement no 42561 de M. Fabrice Brun est défendu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et sur les sous-amendements ?

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Je ne connaissais pas l’adjectif « pasquaienne », mais je peux vous retourner le compliment, monsieur Le Fur, parce que l’embrouille, c’est vous qui la pratiquez avec vos collègues à force de reprendre tous les sujets dans tous les sens, le sous-amendement de Mme Valentin en étant d’ailleurs une parfaite illustration. Ainsi, l’amendement défendu par M. Diard propose d’insérer l’alinéa suivant : « En sont exclus les régimes mentionnés aux articles L. 640-1 [les professions libérales] et L. 723-1 [les avocats] du code de la sécurité sociale. » Et le sous-amendement de sa collègue propose d’insérer les mots : «  les professions libérales »… En clair, cela veut dire qu’en seraient exclues deux fois les professions libérales… Je me demande à quoi sert un travail de parlementaire qui ne fait qu’embrouiller.

M. Christian Hutin. C’est insulter une parlementaire que de dire cela !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Ensuite, s’agissant plus précisément des avocats, sous prétexte que leur régime est excédentaire, il ne faudrait pas y toucher. Mais le ratio entre les actifs et les retraités est en train de baisser, passant de cinq à un peu plus de quatre.

M. Christian Hutin. Ils ont vingt-cinq ans devant eux !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Leur caisse commence à provisionner des augmentations de taux de cotisation parce qu’il va y avoir, à un moment ou à un autre, des évolutions sociétales, y compris démographiques, et aussi la modification du métier par l’intelligence artificielle, et les équilibres de demain ne seront pas ceux d’aujourd’hui.

M. Christian Hutin. On ne sera jamais défendu par des robots !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Admettons, monsieur Diard, que vous ayez deux enfants, l’un voulant devenir avocat et l’autre agriculteur : dès leur entrée dans la vie active, le premier aurait la garantie d’une bonne retraite et le second la garantie d’une faible retraite. Ce n’est pas logique. C’est comme si le système éducatif suivi devrait dépendre de la profession des parents.

Que tous les actifs français assument toutes les pensions des Français demain me semble une mesure de justice sociale et de sécurité pour l’avenir des retraites. Avis défavorable à l’amendement et aux sous-amendements.

M. Fabrice Brun. Parlons encore de l’augmentation de leurs cotisations !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. J’ai bien compris que ces sous-amendements sont plus une façon d’exprimer une pensée politique que l’expression d’une volonté d’enrichir le débat. Mais, après l’avoir dit aux députés GDR, je me tourne vers les deux premières travées de cet hémicycle : vous aussi devez avoir envie d’aborder les questions de fond…

M. Dominique Potier. Vous touchez le fond, en effet !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. …plutôt que d’inscrire deux fois dans le même alinéa les professions libérales, ce qui me semble manquer d’intérêt : une seule fois aurait suffi.

Mais j’ai compris que votre amendement, monsieur Diard, reflétait le fond du projet politique des Républicains, que l’on a déjà évoqué à plusieurs reprises et qui n’est pas le nôtre. Votre projet est de limiter à un PASS ce qui serait une forme de régime de base commun, et de faire perdurer au-delà de ce seuil les dispositions propres à chaque profession et à chaque statut, en se disant que les intéressés feront appel à la solidarité nationale le jour où ils seront en difficulté – je l’ai entendu presque mot pour mot.

M. Éric Diard. Non !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Ce n’est pas du tout ma vision des choses parce que la solidarité nationale vaut quand on anticipe. En tout cas, ce n’est pas ainsi que je conçois l’intérêt général. Par conséquent, vous comprenez que le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à ce type d’amendement.

M. le rapporteur a tout de même tenu – je l’en remercie – à donner du sens à ses propos, en les illustrant et en demandant s’il paraîtrait logique, dans notre société, d’hypothéquer le niveau de retraite en fonction du métier choisi,…

M. Éric Diard et M. Arnaud Viala. C’est déjà le cas !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. …sans que personne n’y trouve rien à redire. Je le dis clairement : la réponse est non. J’estime qu’il faut construire la solidarité et je suis très heureux de présenter, au nom du Gouvernement, un projet qui garantira les mêmes droits familiaux à l’ensemble des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Mme Isabelle Valentin. Mais non, pas les mêmes droits familiaux ! Vous défendez au contraire un système injuste !

M. le président. La parole est à Mme Coralie Dubost.

Mme Coralie Dubost. Que se passe-t-il, mes chers collègues ? J’ai entendu des élus de gauche et de droite tenir sur les avocats des propos qui me laissent penser que nous ne parlons pas de la même chose. Monsieur Diard, l’amendement que vous proposez vise à instaurer des mesures d’économies. Ce n’est pas ce qui fonde notre projet : quand on défend un système universel, c’est pour favoriser l’universalité et la solidarité au sein de la société.

M. Éric Diard. Vous vous payez de mots !

Mme Coralie Dubost. Or les avocats sont au cœur de la société, de nos préoccupations et de celles de nos concitoyens. Nous avons une profonde reconnaissance pour leur action.

M. Sébastien Leclerc. C’est pour cela que vous voulez doubler leurs cotisations ?

Mme Coralie Dubost. Nous savons qu’ils sont dévoués à leur métier et qu’ils sont garants de l’État de droit. C’est précisément pour cette raison qu’il ne faut pas les exclure d’un système de solidarité qui constitue un véritable pacte social – parce que c’est bien un projet de société que nous présentons, et non un projet d’économies.

M. Marc Le Fur. Quelle hypocrisie !

M. Éric Diard. Les avocats contribuent à financer le régime général !

Mme Coralie Dubost. J’ai par ailleurs entendu les incompréhensions exprimées par monsieur Bernalicis à propos de l’amendement déposé par le Gouvernement. Rassurez-vous : il a fait l’objet d’un travail avec les députés de la majorité,…

M. Ugo Bernalicis. Mais pas avec les avocats !

Mme Coralie Dubost. …qui se sentent très concernés par le sort des avocats dont le revenu est inférieur à un PASS. Cet amendement permet aux avocats de transférer dans le système universel un mécanisme de solidarité qu’ils appliquent actuellement dans leur caisse autonome. En raison des particularités liées à leur métier, les avocats avaient en effet – à l’instar, par exemple, des marins – organisé un système de solidarité interne.

Du fait du transfert dans le système universel, les avocats aux revenus élevés seront avantagés et cotiseront moins. L’amendement déposé par le Gouvernement vise à faire en sorte que ceux qui cotiseront moins demain dans le régime universel cotisent pour ceux qui risqueraient de cotiser davantage dans le nouveau système. Il s’agit de neutraliser le changement de système pour ceux dont les revenus annuels sont inférieurs à 40 000 euros.

M. Marc Le Fur. On ne comprend rien…

Mme Coralie Dubost. Une mesure d’économie est donc bien prévue pour garantir la pérennité des petits cabinets, mais ce n’est pas elle qui fonde le projet.

M. Dino Cinieri. On n’a rien compris !

Mme Coralie Dubost. Enfin, il faut entendre la colère des avocats, qui est bien réelle : je ne crois pas qu’il soit une seule personne dans cet hémicycle pour nier l’importance prépondérante des avocats. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.) Tout le monde la reconnaît !

M. le président. Veuillez conclure, madame Dubost.

Mme Coralie Dubost. Lorsque les avocats nous disent que 40 % des cabinets gagent moins de 40 000 euros par an, ils ne dénoncent pas la réforme, mais bien leurs conditions actuelles d’exercice !

M. Sébastien Leclerc. Vous allez les achever !

Mme Coralie Dubost. C’est parce que rien n’a été fait précédemment que ces conditions existent !

M. Fabrice Brun. Votre projet est suicidaire !

Mme Coralie Dubost. Nous avons demandé au Gouvernement de corriger cette situation,…

M. le président. Merci, madame Dubost.

Mme Coralie Dubost. …nous y travaillons et nous prendrons des mesures en ce sens, mais pas dans le projet de loi relatif au système de retraite. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Pierre Vatin. C’est n’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. Adrien Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Chers collègues de la majorité, cessez l’obstruction ; elle va finir par se voir. (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Vous multipliez les interventions de forme (« Il a raison ! » sur les bancs du groupe LR) pour nous expliquer que vous ne comprenez pas nos explications…

M. Alexis Corbière. Il a raison, enfin : il y en a marre de l’obstruction !

M. le président. Mes chers collègues, je préférerais que le débat se déroule dans le calme, l’écoute et le respect mutuel.

M. Jean-Paul Dufrègne. On ne s’entend pas, monsieur le président !

M. le président. Pour l’heure, seul M. Quatennens a la parole, et sa parole est libre.

M. Adrien Quatennens. Merci, monsieur le président. C’est donc calmement que je vous appelle à cesser l’obstruction et les interventions de forme qui ne visent qu’à nous expliquer que vous ne comprenez pas nos arguments ou à nous accuser de nous répéter.

Si vous voulez compter les points pour savoir qui se répète, allons-y !

« Universel, universel ! », répétiez-vous en boucle alors que nous ne cessons de vous expliquer que ce ne sera pas le cas et que le Conseil d’État lui-même dit que ce n’est pas vrai – jusqu’à ce que le rapporteur finisse par reconnaître que le système ne sera « pas parfaitement universel ». Nous avons progressé ; ne nous faites pas revenir en arrière.

Vous prétendez ensuite que le système sera « juste, simple et pour tous ». On vous montre qu’il ne le sera pas, et pourtant vous répétez le même slogan ! Clairement, c’est vous qui faites de l’obstruction et qui empêchez le débat.

Nous aurons tout le loisir de continuer à développer nos arguments, monsieur le rapporteur, mais malgré l’évidente complexité de votre réforme – cette usine à gaz imbitable que vous préparez (Exclamations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM) ,…

M. Marc Le Fur. Ça, c’est plutôt Griveaux…

Mme Émilie Bonnivard. Quel sexisme, monsieur Quatennens ! (Sourires.)

M. Adrien Quatennens. …la question des retraites a, en réalité, l’avantage de la simplicité. S’agissant des retraites, il n’y a jamais que deux ou trois paramètres sur lesquels jouer : l’âge, la durée de cotisation et le niveau de richesses consacrées aux retraites, qui dépend lui-même des salaires et des taux de cotisations. Voilà pourquoi le périmètre de notre discussion restera, somme toute, assez restreint, même si vous tentez de biaiser en utilisant des éléments de langage qui ne tiennent plus debout.

Parlons donc de l’essentiel. Vous voulez l’équilibre financier. Je crois que chacun sur ces bancs vous rejoint sur ce point,…

M. Christophe Euzet. Pas vous !

M. Adrien Quatennens. …mais pas à la condition que cet équilibre financier soit assuré uniquement par un allongement de la durée de cotisation des Français ou par un affaiblissement des pensions.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Quatennens.

M. Adrien Quatennens. Voilà le cœur du débat que nous devons avoir. Le reste n’est que fioriture. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Je souhaite signaler à M. le rapporteur que nous voulons discuter du fond. Il ne faudrait pas, toutefois, que vous fassiez semblant de ne pas comprendre ou que notre collègue Dubost fasse de la provocation à l’endroit de professions qui ne sont pas habituellement portées à la revendication et qui ne peuvent pas entendre ce qui vient d’être dit.

Quand nous défendons l’idée selon laquelle il n’y a aucune raison de mettre à mal, comme vous voulez le faire, des régimes autonomes qui existent et qui ont réussi à maintenir des systèmes équilibrés leur permettant de regarder loin dans l’avenir, nous avançons un argument de fond. C’est également ce que nous faisons quand nous soulignons que le problème des avocats, en réalité, n’est pas seulement que vous leur piquiez leurs réserves – pardonnez-moi l’expression –, mais que vous leur proposiez de compenser la hausse de cotisations de 14 à 28 % avec leurs propres réserves, donc de payer leurs propres compensations.

M. Fabrice Brun. Tout à fait !

M. Arnaud Viala. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre.

Vous avez effectué une comparaison particulièrement malvenue avec les agriculteurs – je me permets de le souligner, monsieur le rapporteur, car je connais l’attention que vous portez à cette profession. Je vous livre une suggestion : pourquoi ne pas intégrer immédiatement les agriculteurs actuellement retraités – dont vous n’augmenterez pas les pensions, parce que cela coûterait trop cher – dans un régime universel et solidaire, et compenser leur précarité en augmentant leurs pensions, en allant piquer les fonds nécessaires ailleurs, puisque vous en piquez partout ? Faites donc cela ! Voilà qui serait vraiment universel et solidaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. Fabrice Brun. Et au passage, récupérez les 4 milliards de cotisations sur les revenus supérieurs à 120 000 euros ! Voilà qui pourrait servir à compenser les agriculteurs !

M. le président. Merci, monsieur Brun, pour cette intervention. La parole est toutefois à M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant. Je voulais répondre sur le fond à certaines affirmations concernant les avocats et notamment à M. Hutin, qui affirmait qu’ils allaient voir leurs cotisations doubler.

M. Christian Hutin. Oui !

M. Erwan Balanant. Ce n’est pas tout à fait vrai.

M. Jérôme Lambert. À peu près, tout de même…

M. Erwan Balanant. La réalité est un peu plus complexe.

M. Fabien Roussel. Ah, la pensée complexe de la majorité…

M. Erwan Balanant. Elle a d’ailleurs été assez bien expliquée aux avocats au cours des négociations. Un processus de transition lissée dans le temps leur a d’ailleurs été proposé à cette occasion.

M. Christian Hutin. Quand on passe de 14 à 28 % de cotisations, selon moi, on multiplie par deux – mais il est vrai que je n’ai eu que six sur vingt en mathématiques au baccalauréat…

M. Erwan Balanant. Puis-je tenter de vous expliquer, afin que nous débattions un peu du fond du sujet ? Aujourd’hui, vous le savez, la CNBF, qui gère la retraite des avocats, a déjà provisionné une augmentation des taux de cotisation de deux points,…

M. Ugo Bernalicis. En application du code de la sécurité sociale !

M. Erwan Balanant. …afin de continuer à assurer l’équilibre du régime malgré les évolutions démographiques à venir.

Dans la proposition qui est faite aux avocats, une augmentation du taux de cotisation de 5,1 points serait nécessaire pour parvenir au taux de 28 %. Deux scénarios sont proposés pour lisser cet effort dans le temps : un scénario étalant la transition sur vingt ans et un autre permettant une transition plus rapide, moyennant en effet la mise à contribution d’une partie des réserves de leur caisse autonome.

M. Ugo Bernalicis. Ah ! Voilà !

M. Fabien Roussel. Combien ?

M. Erwan Balanant. Une partie infime.

M. Ugo Bernalicis. On voit que ce ne sont pas vos sous !

M. Erwan Balanant. Monsieur Bernalicis, le programme de La France insoumise prévoit de faire complètement les poches au régime des avocats, c’est inscrit noir sur blanc, page 31 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

Mme Cendra Motin. C’est ça, la vérité !

M. Erwan Balanant. Monsieur Hutin, les avocats – que vous, moi et à peu près tous les députés ici présents avons rencontrés –, éprouvent une crainte vis-à-vis de la réforme que nous défendons. Nous devons la leur expliquer,…

M. Jérôme Lambert. Ils n’ont rien compris, quoi !

M. Erwan Balanant. …car tous les éléments relatifs à leur future retraite ne leur ont pas été transmis. Ils me l’ont dit.

M. Pierre Vatin. Tout va bien, ce sont les avocats qui n’ont rien compris !

M. Jérôme Lambert. Ils sont sans doute trop bêtes…

M. Erwan Balanant. Mais nous devons également prendre en considération la réalité actuelle du travail des avocats et de leur statut. Nous devons y travailler collectivement, parce qu’ils se posent des questions.

M. Pierre Vatin. Que ne les avez-vous éclairés plus tôt !

M. Erwan Balanant. Nous devons mener ce chantier.

Enfin, la réalité du métier d’avocat a complètement changé.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Balanant.

M. Erwan Balanant. Aujourd’hui, un avocat peut exercer pendant dix ans à son compte puis décider un jour de devenir salarié.

M. Pierre Vatin. Avez-vous déjà vu un avocat quitter la robe ?

M. Erwan Balanant. Dans le système actuel, il perdrait alors le bénéfice de ses dix années de cotisation auprès de la CNBF. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)

M. le président. La parole est à M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. Je me réjouis que les députés de la majorité prennent la parole pour défendre leur projet : cela nous permet de les interpeller sur le sens de cette réforme.

Monsieur Maillard, madame Elimas, en la matière, vous êtes les champions du monde ! Vous vous livrez à de grandes démonstrations sur la justice en jugeant qu’il est inacceptable que les chauffeurs de bus de la RATP partent à la retraite à 55 ans en moyenne, tandis que ceux de Bordeaux, Lyon, Marseille ou Valenciennes partent à 62 ans, voire plus. Vous avez raison : c’est inacceptable. Vous nous donnez un cours sur la justice. Mais qu’est-ce que la justice ? Est-ce de permettre à chacun de partir à 55 ans, parce qu’à cet âge on est cassé par le travail (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM),…

M. Bruno Questel. C’est 40 ans, point !

M. Fabien Roussel. …ou est-ce d’imposer à tout le monde de partir à 62 ans, après 40 ans de boulot ?

Votre justice, c’est de répondre aux demandes des actionnaires des grandes entreprises qui emploient les chauffeurs de bus, en forçant ces derniers à travailler plus longtemps, malgré leurs problèmes de dos et les agressions dont ils sont parfois victimes. Les chauffeurs de la RATP bénéficient d’un régime qui les protège. Avec votre réforme des retraites, ils n’auront plus aucune protection : ils devront tous travailler beaucoup plus longtemps et ils en souffriront. Votre sens de la justice, c’est de faire travailler plus longtemps les salariés, ce n’est pas de les protéger – comme ils l’étaient jusqu’à présent grâce aux régimes spéciaux !

M. Christophe Euzet. Arrêtez, enfin !

M. Fabien Roussel. Nous ne ferons jamais un tel choix : nous défendrons toujours les travailleurs et les salariés qui étaient protégés, quand vous défendrez les patrons et les actionnaires. Voilà la différence entre nous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Jean-Luc Mélenchon. Bravo !

M. le président. Chers collègues, je vous invite à accueillir les interventions des uns et des autres dans le silence et le respect.

M. Fabien Roussel. Répondez, si vous n’êtes pas d’accord !

M. le président. La parole est à M. Hervé Saulignac.

M. Hervé Saulignac. À ce stade de nos débats, je me demande s’il ne serait pas préférable que personne ne nous écoute ni ne nous regarde. Je crois en effet que nous avons atteint le paroxysme du dialogue de sourd et de la mauvaise foi.

Mme Cendra Motin. C’est vrai !

M. Hervé Saulignac. Une de collègues de la majorité disait tout à l’heure ne plus rien y comprendre. Si les députés de la majorité eux-mêmes n’y comprennent plus rien, cela commence à devenir inquiétant.

M. Fabrice Brun. Ils n’y ont jamais rien compris !

M. Sylvain Maillard. Elle voulait dire qu’elle ne comprenait plus rien à ce que vous défendez !

M. Hervé Saulignac. Notre collègue Le Fur a parfaitement résumé la situation lorsqu’il a évoqué votre stratégie « pasquaienne » : vous vous employez à ce que personne ne comprenne plus rien. Mais nous comprenons très bien !

M. Bruno Studer. Ah…

M. Christophe Arend. Nous allons pouvoir avancer, alors !

M. Hervé Saulignac. Nous comprenons que vous ne savez pas du tout où vous allez. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle vous souhaitez y aller très vite : parce que votre désorientation va finir par se remarquer.

Notre collègue Quatennens vous accusait tout à l’heure de pratiquer l’obstruction – il a parfois tendance à se montrer caricatural.

M. Alexis Corbière. Pas du tout !

M. Hervé Saulignac. Je dirai, pour ma part, que vous pratiquez la diversion. Vous y êtes forcés parce qu’en réalité, vous-mêmes ne pouvez pas prétendre maîtriser ce texte, chers collègues de la majorité : avec vingt-neuf trous,…

M. Brahim Hammouche. Vingt-neuf ordonnances, pas vingt-neuf trous !

M. Hervé Saulignac. …et une étude d’impact absolument indigente, vous ne pouvez pas savoir où vous allez ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – Mme Valérie Bazin-Malgras applaudit également.)

La réalité, c’est que la commission spéciale a été un échec ; que la conférence de financement s’annonce comme un échec ; et que cette séance est un échec : votre politique est un échec ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC, GDR et FI.)

Mme Valérie Bazin-Malgras. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.  Ah ! » sur divers bancs.)

M. Jean Lassalle. Je profite à la fois d’un moment de calme relatif au sein de notre assemblée – contrairement à ce que pensent certains, il me semble qu’on se dit plus de choses depuis une heure qu’on ne s’en est dites depuis quelque temps – et du fait d’être le seul de mon groupe pour intervenir.

Quel dommage ! Je vous le dis, monsieur le président, parce que je vois dans vos yeux une étrange flamme (Sourires) : quel dommage que nous nous perdions tant de temps et d’énergie, alors qu’il y a tant à faire !

M. Marc Le Fur. Il est très bien, le président !

M. Jean Lassalle. Comme j’ai tenté de l’expliquer l’autre jour – j’ai peut-être été mal compris, mais il est vrai que je n’étais pas très en forme (Sourires) –, si certains dénoncent aujourd’hui l’obstruction, j’ai vécu ici, avec d’autres, des séances durant lesquelles Mme Boutin – je dis bien « Boutin » et non « Autain » – lisait des versets de la Bible pendant une heure à la tribune, juste avant que Mme Bachelot nous relate la Cène du Christ pendant trois quarts d’heure. (Sourires sur les bancs GDR et FI.) L’obstruction ne date donc pas d’aujourd’hui – d’autant qu’à l’époque, les temps de parole des groupes n’étaient même pas limités. Certains voulaient déjà voir les débats aboutir tandis que les autres souhaitaient le contraire.

Nous nous dirigeons malheureusement vers l’utilisation de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution – je ne vois pas comment on pourrait l’éviter. C’est très dommage : nous aurions pu procéder autrement.

Je crains que, cette fois-ci, nous ne soyons pas exactement les mêmes circonstances que celles que nous connûmes il y a peu de temps, car les partis comme les syndicats n’ont plus la force qu’ils avaient auprès du peuple. Nous-mêmes, nous sommes affaiblis.

J’ai peur que l’utilisation du 49.3 n’en rajoute une couche à la colère et risque de rendre notre pays incontrôlable. Nous pourrions faire des choses beaucoup plus utiles ! Maintenant, il faudrait arrêter. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et FI.)

M. le président. Merci, monsieur Lassalle. J’ai moi aussi vu beaucoup de choses dans vos yeux… (Sourires.)

(Le sous-amendement no 42583 n’est pas adopté.)

(Les sous-amendements identiques nos 42558 et 42561 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement no 23428 n’est pas adopté.)

M. le président. Sur l’amendement no 23429, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l’amendement.

M. Éric Diard. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise toujours à défendre les caisses autonomes des professions médicales – pharmaciens, sages-femmes, médecins. Monsieur le secrétaire d’État, je crains qu’avec votre réforme, on ne ponctionne plus encore ces professions en augmentant leurs cotisations, et que cela accélère la désertification médicale dans les zones rurales.

M. Pierre Cordier. Il a raison.

M. Éric Diard. C’est donc pour des raisons de justice que je défends le maintien des caisses autonomes des professions médicales.

M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 42559 et 42562.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement no 42559.

M. Marc Le Fur. Je souscris totalement aux propos de mon collègue Éric Diard. Vous nous dites que les caisses autonomes conserveront leur argent et pourront l’utiliser, mais à ce stade, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais des précisions : où les caisses autonomes pourront-elles déposer leur argent ? Conserveront-elles la personnalité morale ? Je m’interroge aussi sur l’utilisation de cet argent : les caisses pourront-elles l’allouer librement à leurs membres, en supplément du système universel ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Bonne question !

M. Marc Le Fur. Il faudra bien qu’ils en fassent quelque chose, même si ma crainte est que, d’une manière ou d’une autre, vous utilisiez cet argent pour compenser les difficultés rencontrées par le fameux système universel.

M. Christian Hutin. Qui n’est pas universel !

M. Marc Le Fur. Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d’État, des précisions sur les points suivants : les caisses autonomes existeront-elles toujours demain ? Conserveront-elles la personnalité morale ? Disposeront-elles d’un compte qu’elles géreront elles-mêmes, sans intervention extérieure ? Leur argent découle des cotisations passées : de quel degré de liberté disposeront-elles dans son utilisation ? Comment sera-t-il restitué non pas au grand système que vous imaginez, mais précisément à ceux et celles qui ont constitué ces réserves financières ?

M. le président. La parole est à M. Fabrice Brun, pour soutenir le sous-amendement no 42562.

M. Fabrice Brun. En complément des propos d’Éric de Diard et Marc Le Fur, j’ajouterai un mot sur les professionnels de santé – médecins, infirmières libérales. Ils font un travail remarquable, notamment dans les zones de revitalisation rurale et les zones d’intervention prioritaire classées par les agences régionales de santé, et jouent donc un rôle essentiel pour réduire la fracture médicale : en légiférant sur ce texte, c’est aussi à eux et à elles qu’il faut penser !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et les deux sous-amendements identiques ?

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Je voudrais d’abord réagir aux propos de notre collègue Jean Lassalle, car je crois qu’il a raison : tout le monde, ici, a l’impression de livrer des combats importants, mais nous ne nous parlons jamais qu’à nous-mêmes.

M. Jean-Paul Dufrègne. C’est vous qui ne vous parlez qu’à vous-même !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Les Français, en voyant notre mode de fonctionnement, se demandent si nous sommes des extraterrestres ! On se livre des combats homériques sur des mots – « universel »,…

M. Pierre Vatin. C’est vous qui employez ce terme !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. …« équitable » – mais, pour ceux qui sont à l’extérieur, le Parlement ne sert à rien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM. – M. François Ruffin s’exclame.)

Je suis désolé, mais on ne débat pas du fond. On a l’impression de gagner quelque chose, mais…

M. Marc Le Fur. Je vous ai posé des questions précises !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Je vais y répondre ! Je vous assure que plutôt que de revenir sur tous les sujets, amendement après amendement, on gagnerait beaucoup à travailler sur le fond, article par article.

M. Jean-Luc Mélenchon. Nous disons ce que nous voulons !

M. Jean-Paul Dufrègne. Vos propos sont scandaleux !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Certes, en tant que rapporteur, on m’interpelle beaucoup, ce qui va faire exploser mes statistiques sur nosdeputes.fr :…

M. Christian Hutin. Ça ne marche plus, ça ! Moins on parle, mieux on est élu !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. …je vais me faire plaisir ! Mais, sur le plan démocratique et eu égard au rôle du député, cela ne sert à rien ! Telle est la réalité.

S’agissant de l’amendement, j’ai bien entendu votre position sur les personnels de santé et des professions libérales médicales, mais notre volonté est bien d’intégrer tout le monde dans le système, de manière respectueuse, en ménageant – c’est un élément important – une longue période de transition de quinze à vingt ans.

Vous avez également dit que la désertification médicale serait liée au projet de réforme des retraites. (Protestations sur les bancs du groupe LR.)

M. Éric Diard. Je n’ai pas dit cela ! J’ai dit que cela accélérait la désertification médicale.

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Aujourd’hui, on voit bien que… (Mêmes mouvements.) J’aimerais que vous me laissiez m’exprimer, comme vous avez vous-même pu le faire ! Aujourd’hui, la désertification médicale est une réalité qui, en fonction des politiques qui sont menées, diffère suivant les territoires.

M. Christian Hutin. Allons sur le fond de l’amendement ! Là, ce n’est pas sérieux !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. Même s’il s’agit d’une problématique sur laquelle nous devons travailler, elle n’a rien à voir avec le projet de réforme des retraites qui nous occupe.

M. Fabrice Brun. C’est l’attractivité de ces métiers qui est en jeu !

M. Nicolas Turquois, rapporteur. S’agissant de la question précise de M. Le Fur, les réserves appartiennent et sont gérées par les caisses. Elles pourront en faire « ce qu’elles veulent » : si elles souhaitent faciliter la transition des personnels concernés, elles le peuvent ! Si elles souhaitent prendre partiellement en charge l’augmentation des cotisations, elles le peuvent ! Comme cela est inscrit à l’article 50 du projet de loi, les caisses restent gestionnaires des réserves que leur régime a constituées. Par exemple, les réserves de la caisse des avocats ou, en supposant qu’elle en ait, de la caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthophonistes et orthoptistes – la CARPIMKO – restent de la responsabilité de ces caisses.

Avis défavorable tant sur l’amendement que sur les sous-amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Je répète les propos que j’ai déjà tenus en réponse à M. Door : les caisses de retraites des professions de santé pourront continuer à fournir des prestations dans le cadre d’une délégation de service de la Caisse nationale de retraite universelle. Cela leur permettra notamment de rester l’interlocuteur unique de certaines professions, et c’est donc une bonne idée. Par ailleurs, je vous confirme qu’elles pourront garder la personnalité morale.  

S’agissant des réserves, le rapporteur vous a répondu, et il n’y a de toute façon aucune ambiguïté. Si vous aviez lu dans le texte des dispositions relatives à leur expropriation, je comprendrais vos questions, mais ce n’est pas le cas, bien au contraire !

M. Thibault Bazin. Vous ne pouvez pas faire ce que vous envisagez, monsieur le secrétaire d’État ! C’est inconstitutionnel !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Si les caisses décident de lisser une éventuelle hausse des cotisations, ce sera leur choix, il relèvera de la responsabilité de leur conseil d’administration – d’autant que toutes les professions ne connaîtront pas de hausse des cotisations.

Enfin, même si tout le monde a bien en tête cet élément, je tiens à rappeler que les caisses continueront par ailleurs à gérer la retraite des personnes nées avant 1975.

Le rapporteur comme moi avons essayé d’être aussi exhaustifs que possible sur ce sujet, mais nous y reviendrons de toute façon lors de l’examen de l’article 54. Consacrer près d’une heure quarante à des questions que nous avons déjà maintes fois abordées, cela me paraît beaucoup : passons à autre chose ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Éric Diard.

M. Éric Diard. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne pouvez pas évacuer en une heure la question des caisses autonomes puis dire : c’est fait ! C’est du mépris.

M. Sylvain Maillard. Mais non ! S’il ne répond pas, vous n’êtes pas contents ; lorsqu’il répond, vous n’êtes pas contents non plus !

M. Éric Diard. Si, je vous le dis : c’est du mépris pour ces professions. Vous ne pouvez pas balayer la question d’un revers de main.

Monsieur le rapporteur, si les professions médicales sont davantage ponctionnées, leur attractivité sera bien moindre, et au bout du compte, il y aura moins de sages-femmes et d’auxiliaires médicaux dans les zones rurales. Cela accroîtra forcément la désertification médicale, c’est évident ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – MM. Jean-Paul Dufrègne et Alain Bruneel applaudissent.)

Monsieur le secrétaire d’État, suite à la présentation de cette réforme, il y a eu des grèves : la RATP s’est mise en grève, la SNCF s’est mise en grève. Puis sont arrivées les vacances de Noël : les professions du transport aérien ont déposé un préavis de grève, qu’elles ont ensuite retiré : je voudrais donc savoir si elles intégreront le régime universel.

M. Marc Le Fur. Et la Banque de France ?

M. le président. La parole est à M. Fabien Roussel.

M. Fabien Roussel. Une fois n’est pas coutume, les députés communistes soutiendront l’amendement de leurs collègues Républicains, parce que oui, votre réforme des retraites entraînera des conséquences graves pour toutes les professions médicales – notamment les auxiliaires de santé, les kinés, les infirmières, les orthophonistes, etc., qui avaient leur propre caisse autonome, la CARPIMKO.

Ces professions se sont réunies en un collectif, SOS Retraites. Elles ont souvent manifesté, demandant à être respectées : vous ne les avez pas entendues, elles sont en colère contre vous. Dans votre texte, vous prévoyez – peut-être est-ce là encore votre sens de la justice – un taux de cotisation unique de 28,12 % pour les revenus allant jusqu’à une fois le plafond annuel de la sécurité sociale, c’est-à-dire 40 000 euros. Or, pour ces professions, il se situe aujourd’hui autour de 15 %. Vous prévoyez donc un taux presque doublé ! Peut-être allez-vous diminuer le taux de cotisation pour les ressources au-delà de 120 000 euros, mais les professionnels dont il est question ont, pour la majorité, des ressources inférieures à 40 000 euros ! C’est ce qu’a montré l’étude qu’ils ont fait réaliser par un cabinet indépendant. Ils subiront donc une perte sèche de revenus de 9,6 % : est-ce là le sens de la justice dans lequel vous vous drapez à chacune de vos interventions ?

M. le président. La parole est à M. Julien Borowczyk.

M. Julien Borowczyk. On a parlé, tout à l’heure du nombre de régime : y en a-t-il vraiment quarante-deux, ou pas ? Je vais vous dire : s’il ne devait en rester que deux, ce serait déjà un de trop ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Hervé Saulignac. Cinq ! Vous créez cinq régimes !

M. Julien Borowczyk. Nous voulons créer un régime véritablement universel, solidaire et équitable. (Mêmes mouvements.) Je reviendrai plus tard sur le sujet des professions libérales, en particulier médicales ; mais arrêtons de mentir aux Français ! Ah ! Enfin !» et vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOC, GDR et FI.)

M. Ugo Bernalicis. Il était temps ! (Sourires.)

M. Julien Borowczyk. Arrêtez !

La première préoccupation des professions de santé n’est pas la retraite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.) Notre réforme ne suscite pas d’inquiétudes, en particulier chez les médecins,…

M. Éric Diard. Et chez les infirmières ? Et chez les aides-soignants ?

M. Julien Borowczyk. …parce que le système actuel incite déjà beaucoup à se tourner vers la capitalisation, dès un niveau bien en dessous du seuil de trois PASS ; parce qu’elle offre de formidables avancées, en particulier pour les femmes, qui sont nombreuses en médecine ; parce qu’on ne pique pas dans les réserves des médecins ; parce qu’elle permet de proposer un âge de départ à la retraite bien plus précoce qu’aujourd’hui !

En ce qui concerne le régime autonome des avocats, j’ai rappelé hier qu’à mon grand effarement, le programme de La France insoumise prévoyait la suppression de ses réserves. Or, en consultant aujourd’hui le site du mouvement, j’ai pu constater que ce programme n’y figurait plus ! C’est formidable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Il y est certes question, en première page, d’une invasion rouge à Paris, mais cela concerne les punaises de lit, pas nos collègues du groupe FI ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Ugo Bernalicis brandit un ordinateur portable.)

M. Pierre Vatin. Monsieur le président, laisserez-vous faire cela ?

M. Julien Borowczyk. Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est que, toujours sur la première page de ce site, il est proposé aux Français de commander des autocollants « La retraite en moins »…

Mme Mathilde Panot. Oui ! La retraite en moins !

M. le président. Merci de conclure, cher collègue.

M. Julien Borowczyk. …et de « débusquer » les candidats macronistes en allant les coller sur leurs permanences.

Nous vivons une période de troubles… (Applaudissements sur certains bancs du groupe LaREM.)

M. le président. Merci, monsieur Borowczyk.

M. Jean-Luc Mélenchon. Cela va nous faire une jolie vidéo !

M. le président. La parole est à M. François Ruffin. (Exclamations sur divers bancs. – M. Bruno Studer et Mme Mathilde Panot s’interpellent vivement.)

Laissons parler M. Ruffin, chers collègues.

M. François Ruffin. Le rapporteur a l’air de découvrir que la démocratie s’exerce pour le moins imparfaitement ici, voire de façon absurde. Et c’est vrai ! (Brouhaha persistant.)

Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. Ce n’est pas ça, la démocratie !

M. le président. Un peu de calme mes chers collègues, s’il vous plaît. Madame Panot, il semble que vous dérangez M. Ruffin, et vous n’êtes pas la seule.

Monsieur Ruffin, vous avez la parole.

M. François Ruffin. Mais qu’est-ce qu’on fait ici ? Ah ! » sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Thibault Bazin. Pourrions-nous plutôt discuter du sujet des amendements ?

M. François Ruffin. Vous semblez ne découvrir qu’aujourd’hui l’absurdité du fonctionnement de ce parlement, monsieur le rapporteur. Mais moi, je la vis depuis trois ans maintenant ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

M. Alain Perea. N’hésitez pas ! Démissionnez !

M. François Ruffin. Le constitutionnaliste Jean-Claude Colliard disait : « Il est […] devenu faux de dire que le Parlement "fait" la loi. […] les cabinets préparent les projets. Il serait donc plus juste d’affirmer que, désormais, le Parlement "vote" la loi. » Il ajoute que ce que nous vivons aujourd’hui, c’est « le temps de l’habillage démocratique » : une fois qu’une décision technique est prise, il faut lui donner une sanction politique, un habillage démocratique – et c’est le temps du Parlement ! C’est le moment où nous devons faire semblant, ici, de croire que nos amendements ont des chances de passer.

Mme Sandra Marsaud. C’est vous qui faites semblant !

M. François Ruffin. Tout le monde le sait ! Les députés de droite savent que leurs amendements n’ont aucune chance de passer ! Au sein du groupe La France insoumise, nous le savons aussi ! Les députés communistes le savent aussi ! Car ainsi le veut le fonctionnement de la Ve République, qui assure dans l’hémicycle une majorité pléthorique et automatique ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

Mme Fadila Khattabi. Hors sujet !

M. Thibault Bazin. Pourrait-on aborder le sujet des amendements ?

M. François Ruffin. Que reste-t-il à faire ? On le constate aussi avec ce projet de réforme des retraites…(Exclamations prolongées sur les bancs du groupe LaREM.)

M. le président. Merci, monsieur Ruffin.

Mes chers collègues, j’aimerais que sur l’ensemble des bancs, on fasse preuve d’une attitude exemplaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Il est facile de considérer que le chahut vient d’un côté ou de l’autre mais j’ai le sentiment, aujourd’hui, que tout le monde y contribue. (Mêmes mouvements.)

Un député du groupe LR. Sauf chez Les Républicains !

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. La répétition des sujets présente un avantage : lorsque l’on absente une journée, comme ce fut mon cas hier, on n’est pas perdu à son retour ! C’est ce qui est agréable ! (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)

Je reviens au sujet qui nous occupe, monsieur le président. Monsieur Ruffin, lorsque nous passons soixante-quinze heures en commission, puis une semaine dans l’hémicycle, à poser des questions au rapporteur et au secrétaire d’État et à écouter leurs réponses, croyez-vous vraiment que c’est pour faire de l’habillage ?

M. François Ruffin. Mais oui ! Tout ça, c’est du flan !

M. Jean-Paul Mattei. Ce n’est pas mon cas ! Je n’ai pas été élu député pour cela.

J’aurais aimé que nous abordions le fond de l’article 2, qui pose le champ d’application du système de retraite universelle. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

M. Fabien Roussel. L’amendement évoque les caisses autonomes !

M. Jean-Paul Mattei. J’aimerais revenir sur le sujet des professions médicales. Il se trouve que j’ai trente ans d’expérience.

M. Jean-Luc Mélenchon. En tant que notaire !

M. Jean-Paul Mattei. Excusez-moi, monsieur Mélenchon, je n’ai pas trente ans d’expérience dans la vie politique…

M. Jean-Luc Mélenchon. Cela s’entend quand vous prenez la parole !

M. Jean-Paul Mattei. …mais dans la vie civile. (Applaudissements sur bancs des groupes MODEM et LaREM. – Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI.) Cela étant, à chacun son parcours !

M. Pierre Cordier. Ce débat ne concerne pas l’article 2 !

M. Thibault Bazin. Peut-on parler de l’article 2 ?

M. Jean-Paul Mattei. J’ai côtoyé de nombreuses personnes exerçant des professions libérales, beaucoup de médecins et d’infirmières. La lecture de leurs bilans ou de leurs déclarations de bénéfices non-commerciaux démontre que ces professionnels rencontrent des problèmes liés à la constitution de sociétés civiles de moyens, à l’organisation de leur profession, aux remplacements. En milieu rural, ils souffrent de solitude. Parmi ces problèmes, la retraite n’est pas souvent citée. Le fait de leur permettre de dépendre d’un système universel, qui leur offre une meilleure vision de leur situation, est un élément positif. Nous donnons de la visibilité.

M. Christian Hutin. Ah, ils sont contents ! Ils nagent dans le bonheur !

M. Fabien Roussel. Pourquoi sont-ils dans la rue alors ?

M. le président. Monsieur Roussel, vous vous êtes déjà exprimé.

M. Jean-Paul Mattei. Il est normal, bien sûr, de vouloir discuter de la période de transition. Mais pour l’instant, il est impossible de travailler, tant le débat est parasité par des amendements qui n’ont rien à voir avec le fond du texte. Pardonnez-moi ce propos désagréable, mais nous avons déjà fait preuve de beaucoup de patience ! (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)

M. Brahim Hammouche. Bravo !

M. Fabien Roussel. C’était une intervention pour rien !

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Une tribune du bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, publiée dans l’édition d’aujourd’hui du journal Le Monde, permet d’expliquer la situation. Il dit notamment : « [les avocats] doivent être des lanceurs d’alerte lorsque la fabrication de la loi est hâtive ou bâclée, comme nous l’avons encore démontré pour ce projet de système universel ». Il demande aussi : « Qu’ont fait les avocats pour mériter un tel mépris ? »

M. Pierre Dharréville. En effet ! C’est injuste !

M. Christian Hutin. J’ajouterais pour ma part : qu’ont fait l’ensemble de ces professions pour mériter un tel mépris ? Qu’on fait ces sages-femmes, ces orthophonistes, ces infirmiers, ces infirmiers de bloc opératoire ? Comment se fait-il, alors que nous discutons de sujets si importants, que les ministres de la justice et de la santé ne soient pas présents ?

Je ne prétends pas que M. le secrétaire d’État fait partie des seconds couteaux, pas du tout. Mais le Gouvernement devrait davantage s’intéresser à ces sujets si importants et à ces professions essentielles. Mme Belloubet ne s’occupe absolument pas des avocats ! (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.) Le ministère de la santé et des solidarités ne s’occupe absolument pas des infirmiers, des orthophonistes ou des sages-femmes !

M. Jean-René Cazeneuve. C’est faux !

M. Christian Hutin. De notre côté, nous recevons tous les jours des représentants de ces professions ! Qu’ont-ils tous fait pour subir un tel mépris de la part du Gouvernement ?

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Alexis Corbière, pour un rappel au règlement.

M. Alexis Corbière. Il se fonde sur l’article 100 de notre règlement. Il vous incombe, monsieur le président, de veiller à la clarté des débats. Or notre collègue Borowczyk a fait éclater une vérité indiscutable : il ne sait pas consulter le site internet de La France Insoumise !

M. le président. Monsieur Corbière, la consultation du site de La France insoumise n’est pas mentionnée dans le règlement de l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

M. Alexis Corbière. Monsieur le président, notre collègue a longuement pris la parole – sans doute avec une volonté d’obstruction que je déplore (Sourires sur les bancs du groupe FI) – pour laisser entendre que, parce qu’il nous aurait mouchés et mis nos arguments à nu, nous aurions immédiatement retiré notre programme du site de la France insoumise. Pas de chance, cher collègue, il y est toujours ! (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

Mme Perrine Goulet. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Alexis Corbière. Vous avez donc fait éclater une vérité : politiquement, vous n’êtes déjà pas très adroits, mais en matière de technologie non plus ! C’est dommage ! Nous disposons aussi notre programme en version papier ; vous serez plus à l’aise pour le lire ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues.

M. Alexis Corbière. Plus sérieusement, je sais que vous aimez la polémique, mais nous n’avons jamais demandé que les permanences de La République en marche soient recouvertes de quoi que ce soit. Je vous le dis ! (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)

Un député du groupe LaREM. Et pourtant, c’est le cas !

M. Alexis Corbière. Pour la clarté des débats, nous vous offrons une traduction… (Protestations continues sur les bancs du groupe LaREM.) Restez calmes !

M. le président. Mes chers collègues, nous avons à discuter, au cours de plusieurs séances – et celle-ci est, dans ce contexte, la première que je préside –,…

M. Christian Hutin. Très bien, d’ailleurs !

M. le président. …d’un sujet important pour les Français. Certains, dans cet hémicycle, soutiennent la réforme, quand d’autres s’y opposent.

M. Jean-Luc Mélenchon. Quelle perspicacité !

M. le président. Il n’est pas nouveau que l’opposition s’oppose, ni que la majorité soutienne un projet du Gouvernement.

Mme Mathilde Panot. Bravo !

M. le président. Je vous demande simplement de le faire dans le plus grand respect mutuel, car il y va de l’image de l’institution, celle que nous donnons collectivement aux Français qui nous regardent. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Mme Émilie Bonnivard et M. Jean Lassalle applaudissent également.)

Je vous demande donc de bien vouloir écouter respectueusement M. Corbière, à qui il ne reste que quelques secondes pour terminer son rappel au règlement.

M. Alexis Corbière. Je voulais faire un clin d’œil, monsieur le président, car si vous présidez pour la première fois une séance consacrée à la réforme des retraites, notre collègue, lui, a déjà évoqué plusieurs fois le programme de La France insoumise. Je ne le lui reproche pas, mais tenais à souligner le fait qu’il s’était lourdement trompé. Cela peut arriver, ce n’est pas grave !

Je voulais également signaler solennellement que jamais les députés du groupe La France insoumise n’appellent à dégrader les permanences de nos collègues, y compris de la majorité. Vous êtes libres de le croire ou non, mais je peux aussi vous parler des insultes que nous recevons de la part des militants de La France (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM), pardon, de La République en marche…

M. le président. Veuillez conclure.

M. Alexis Corbière. Si vous êtes blessés parfois par des reproches que vous subissez, laissez-moi vous dire que, pour ce qui concerne les militants de votre parti, les immondices, les calomnies…

M. le président. Merci monsieur Corbière, votre temps de parole est écoulé.

Article 2 (suite)

(Les sous-amendements identiques nos 42559 et 42562 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 23429.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

        Nombre de votants                        151

        Nombre de suffrages exprimés                151

        Majorité absolue                        76

                Pour l’adoption                45

                Contre                106

(L’amendement no 23429 n’est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Luc Mélenchon. Ce rappel sur le fondement de l’article 58, alinéa 1, du règlement. J’ai en effet été interpellé personnellement par quelqu’un que j’estime, M. Mattei.

M. Mattei s’est dévoué au bien public toute sa vie dans son métier de notaire. J’ai quant à moi été fort longtemps parlementaire. Mais je ne voudrais pas que l’on réduise mes mérites ! Vous parlez de trente ans d’expérience politique. Ah non ! Pas trente ans ! Cinquante-trois ans ! (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Je suis entré dans le combat à seize ans !

Un député du groupe LaREM. L’heure de la retraite a sonné !

M. Jean-Luc Mélenchon. L’heure de la retraite… on verra ! Il est à craindre qu’il n’y en ait jamais, car lorsqu’on est engagé pour une cause, on la défend jusqu’à son dernier souffle, comme l’ont fait tous mes camarades jusqu’ici ! Cela mérite d’être dit ! Il y a aussi des militants dans cette salle, pas uniquement des gens qui ne sont là que pour les circonstances.

Par ailleurs, je ne dirai rien du site internet, que vous pouvez consulter comme vous le souhaitez. Mais je vous demande très solennellement d’entendre que nous ne demandons à personne d’aller maculer quelque permanence que ce soit.

Un député du groupe LaREM. Et pourtant, c’est le cas !

M. Jean-Luc Mélenchon. Oui, vous avez raison, c’est effectivement le cas. Notre collègue Caroline Fiat a également vu ses locaux dégradés, de même que plusieurs d’entre nous.

Plusieurs députés du groupe LaREM. Et nous aussi !

M. Jean-Luc Mélenchon. Nous n’appelons donc pas à de tels actes.

Enfin, je voudrais ajouter un dernier élément de fond, pour la clarté de nos débats, au sujet de la ligne du programme où nous faisons référence aux réserves des différentes caisses autonomes, dont la somme totale s’élève à 114 milliards d’euros. Nous faisons valoir qu’il n’y a aujourd’hui aucune urgence financière et que, s’il y en avait une, les caisses pourraient être mobilisées les unes après les autres – d’autant qu’il faut ajouter à cette somme les 32 milliards d’euros de la réserve constituée par Lionel Jospin, ainsi que les 24 milliards qui pourraient être versés chaque année dans ce fonds de réserve à partir de 2024 !

M. le président. Merci monsieur Mélenchon. Vous avez obtenu la parole pour fait personnel, puis vous avez débordé sur le fond. Considérons que cela ne se renouvellera pas !

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

 

 
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