Système universel de retraite
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AN 1 - Débats 28 février 2020 : 1ère séance du 27
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Article 3 (suite)

M. le président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir l’amendement no 24932.

M. Boris Vallaud. Il vise à souligner et à dénoncer les conséquences, pour les assurés, de la réforme du système général de retraite. Tout d’abord, le calcul par points sur l’ensemble de la carrière entraîne plusieurs conséquences : premièrement, un allongement de l’âge de départ à la retraite, qui sera de 65 ans, pour les générations entre 1975 et 2004, et de 67 ans pour la génération 2005. C’est bien évidemment la source de toutes les injustices. Selon que vous avez commencé à travailler tôt ou tard, il existera un allongement de la durée de cotisation : les assurés n’ayant pas suivi de longues études, qui commencent à travailler à 20 ans en moyenne, devront cotiser quarante-cinq ans dans le futur système, voire quarante-sept ans pour un assuré né en 2005, contre quarante-trois ans aujourd’hui.

L’âge pivot emporte donc des conséquences tout à fait différentes pour les 25 % de Français avec les plus hauts niveaux de revenus, qui jouissent en moyenne de vingt-trois ans de retraite, et pour les 25 % de Français les plus modestes, qui vivent en moyenne douze ans à la retraite : retirer un an aux premiers est moins important que de retirer un an aux seconds.

Enfin, si le montant des pensions est soumis aux aléas des valeurs du point, à l’acquisition comme à la liquidation, il est évidemment très dépendant de la seule règle d’or qui vaille : celle de l’équilibre financier du système.

Globalement, le système entraîne donc deux conséquences : reculer l’âge de départ effectif à la retraite de trois ans pour ceux nés à partir de 2004, et une baisse très significative du taux de remplacement, de l’ordre de vingt à trente points par rapport à la situation actuelle. Il s’agit donc bien d’une régression par rapport à la situation de celles et de ceux qui partent à la retraite aujourd’hui.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.

M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général de la commission spéciale. Votre amendement vise à supprimer un alinéa de coordination, qui a pour objectif d’éviter que les assurés du système universel ne se retrouvent dans un double régime d’affiliation à l’assurance vieillesse. Il conviendrait donc de ne pas le supprimer. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des retraites, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État chargé des retraites. Même avis que le rapporteur général.

(L’amendement no 24932 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir l’amendement no 24933.

M. Boris Vallaud. Je vais prolonger mon propos précédent, puisque la défense des amendements nous permet d’avancer plusieurs arguments et de bien définir ce que prévoit la réforme.

Lorsque nous nous interrogeons sur ce qu’est une carrière complète, cela sous-entend que c’est pour atteindre le minimum de pension, fixé à 85 % du SMIC en 2037. Le secrétaire d’État nous a répondu qu’une carrière serait complète après 516 mois de travail, sachant que, pour valider un mois, il faudra avoir cotisé à hauteur de cinquante heures SMIC. Cela pose tout d’abord la question suivante : des droits sont-ils bel et bien créés dès la première heure de travail, ou seulement à partir de cinquante heures ? Pour être tout à fait complet, il faudrait en outre ajouter que cette condition est valable sous réserve d’atteindre l’âge d’équilibre de 65 ans en 2037 – voire 67 ans pour la génération 2005. Sans cela, point de minima, simplement des points assortis d’un malus ! Et ce, même si l’on a bien cotisé quarante-trois ans.

Comme cela a été évoqué, les jobs étudiants et les temps très partiels seront pris en compte. Mais cela est déjà le cas aujourd’hui : trois heures de travail par semaine ou un mois de travail l’été permettent de valider un trimestre, dix heures de travail hebdomadaires donnent droit à trois trimestres. Certes, dans le nouveau système, on cumulera quelques points même pour les contrats inférieurs à trois heures par semaine. Mais, dans le système actuel, un étudiant qui travaille 600 heures dans l’année se voit valider une année pleine en termes de cotisation, alors que, dans le nouveau système, avec le même temps d’activité, il se verra valider seulement 37 % d’une année pleine. Ce n’est donc évidemment pas un progrès ! Ce que le Gouvernement prétend donner d’une main, il le reprend en réalité toujours de l’autre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. J’ai du mal à comprendre l’argumentaire au vu de la rédaction de l’amendement. Les alinéas qu’il tend à supprimer visent à assurer que les contractuels de droit public seront intégrés dans le système universel. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Je voudrais soutenir l’argumentation développée par Boris Vallaud. D’une part, nous savons bien que de nombreuses carrières emprunteront à différents itinéraires, impliquant des passages dans différents secteurs. D’autre part, il me semble que la formule que vous proposez portera gravement atteinte à la retraite de celles et ceux qui auront des parcours discontinus, comme la démonstration vous en a été faite hier sans que vous ayez su apporter la preuve du contraire.

Nous voulons protéger un maximum de femmes et d’hommes de votre mauvais projet de loi, et je suppose que c’est la raison pour laquelle Boris Vallaud a souhaité sortir les contractuels de droit public du dispositif qui nous est proposé.

M. le président. La parole est à M. Boris Vallaud.

M. Boris Vallaud. Je continue brièvement le décryptage de la réforme. S’agissant des carrières longues, le Président de la République a eu l’occasion de dire hier qu’il serait toujours possible de partir à 60 ans : certes, on pourra toujours partir avant 67 ans. Étant donné que l’âge d’équilibre sera abaissé de deux ans, on pourra effectivement partir à 65 ans, mais avec une décote de deux ans, c’est-à-dire de 10 %. En revanche, l’âge d’équilibre pour atteindre la surcote restera de 64 ans. C’est donc une régression par rapport à la situation actuelle.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit. Je voudrais rappeler deux éléments. Tout d’abord, un trimestre de cotisation n’a jamais nourri personne ! Même si, dans le système actuel, il est effectivement possible de valider un trimestre avec seulement trois heures de travail par semaine, les deux paramètres de la retraite restent complètement séparés : une fois que l’on a ses trimestres, on ne sait pas pour autant combien on touchera ! Avec le système que nous proposons, non seulement on peut valider des trimestres plus tôt, mais on sait aussi, avec les points gagnés, l’argent sonnant et trébuchant auquel on a droit.

Ensuite, je voudrais faire la liaison avec la discussion d’hier soir. Je suis surpris des nombreux calculs qui nous sont présentés, sur les cas de Gérard ou Jacqueline. Hier, vous avez défendu des amendements qui visaient à maintenir le taux de remplacement, en augmentant, si nécessaire le salaire. Je répète : vous souhaitez maintenir le taux de remplacement en augmentant, si nécessaire, le salaire.

M. Boris Vallaud. Je ne crois pas que nous ayons défendu un tel amendement.

M. Frédéric Petit. C’est écrit dans les deux derniers amendements que nous avons examinés hier soir.

M. Pierre Dharréville. Ce n’est pas nous qui avons défendu de tels amendements !

M. Frédéric Petit. Il faut que nous mettions les choses bien au clair : mathématiquement, on ne peut pas maintenir un taux de remplacement en augmentant un salaire, ça ne marche pas !

M. Éric Woerth. Il est fait référence au taux de remplacement par rapport à celui engendré par le salaire précédemment, non ?

M. Frédéric Petit. Relisez le dispositif des amendements d’hier soir !

M. le président. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

(L’amendement no 24933 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement no 3899 de Mme Marie-France Lorho est défendu.

(L’amendement no 3899, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, pour soutenir l’amendement no 27354.

M. Éric Woerth. Il vise à clarifier les dispositions relatives à la fonction publique, en particulier s’agissant de l’institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques, l’IRCANTEC.

Comme nous l’avons déjà indiqué, nous sommes favorables à l’existence de régimes complémentaires qui viendraient en supplément d’un régime universel socle cohérent, fusionné avec celui des fonctionnaires.

Nous sommes favorables depuis longtemps à la fusion des régimes publics et privés. En effet, cela figurait déjà dans l’article 16 de la loi portant réforme des retraites de 2010, qui prévoyait l’instauration d’un régime universel par points. Le terme « universel » visait à l’époque la fusion entre les régimes publics et privés, et non pas l’intégration des caisses autonomes. Cette fusion, à laquelle nous sommes favorables, entraînait de facto la suppression des régimes spéciaux. Il existe donc des points de recouvrement sur des parties très importantes, ce dont nous avons déjà discuté avec le secrétaire d’État.

Nous souhaitons une fusion complète des régimes publics et privés au travers de l’instauration d’un régime socle associé à des régimes complémentaires. Tel est le sens de l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Dans le système universel, il n’y aura plus de distinction entre régime de base et régime complémentaire. Par ailleurs, votre amendement aboutit à supprimer la coordination permise par l’alinéa 12, qui vise les agents nés avant 1975. De fait, avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Je n’ai pas compris à quels amendements notre collègue Frédéric Petit faisait référence. Quoi qu’il en soit, je pense que c’est votre texte, plutôt que nos amendements, qu’il faudrait réécrire.

Cela dit, le mécanisme que vous prévoyez, notamment s’agissant des enseignants, a dévoilé un problème majeur du système, au cœur du réacteur ! Vous essayez de colmater de tous les côtés pour que ça ne fuie pas et que les résultats ne soient pas trop catastrophiques, mais je crains que ce ne soit le cas malgré tout.

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Nous terminons l’examen de l’article 3, et j’ai donc une question à adresser à la fois au rapporteur général et au secrétaire d’État. Vous nous dites que, pour tous les cas types, le taux de rendement reste de 5,5 %. C’est d’ailleurs l’un de vos arguments de vente de la réforme.

Or, entre 2025 et 2042, la valeur d’acquisition du point ne progressera que de la moitié de la hausse du pouvoir d’achat du salaire moyen – c’est ce qui ressort en partie des pages 196 et 197 de l’étude d’impact, qui précise qu’entre 2025 et 2042 « l’indexation de la valeur du point […] est réalisée par une pondération entre inflation et salaire moyen par tête ». Exprimé en pouvoir d’achat, cela signifie que, si le salaire moyen progresse de 1,3 % par an durant dix-sept ans et que l’indexation pondérée est de 0,65 % par an, il y aura une perte nette de pouvoir d’achat pour certains. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

M. le président. La parole est à M. Frédéric Petit.

M. Frédéric Petit. Une précision : comme nous l’avons dit, en augmentant les rémunérations, nous cherchons à garantir ou rattraper un niveau de pension. Or je soutiens que, dans les amendements que nous avons étudiés hier, vous cherchiez à maintenir un taux de remplacement. Mais ce n’est pas possible en augmentant les pensions !

M. Pierre Dharréville. Ah, mais vous parlez du taux de remplacement ? Non, effectivement ! Vous mélangez tout !

M. Frédéric Petit. Ce n’est pas moi qui mélange tout ! C’est une règle de trois : si vous augmentez la rémunération…(M. Pierre Dharréville s’exclame.) Bref. J’ai terminé, monsieur le président.

M. Pierre Dharréville. On y reviendra, monsieur Petit, ne vous inquiétez pas !

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. L’IRCANTEC gère également la retraite des élus locaux – maires, conseillers départementaux et régionaux. Applique-t-elle déjà un système par points ? L’élu local qui continue une activité salariée – et sera donc soumis au futur régime par points au titre de cette activité – pourra-t-il cumuler, pour le calcul de sa retraite, les points acquis sur une même période au titre, respectivement, de son mandat et de son activité professionnelle ?

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. S’agissant de l’AGIRC-ARRCO – association générale des institutions de retraite des cadres et association pour le régime de retraite complémentaire des salariés –, la Cour des comptes,  en analysant que la valeur d’achat du point avait évolué plus rapidement que sa valeur de service – cette distinction est donc bien faite entre les deux valeurs –, a montré que le rendement du régime a diminué, passant de 6,56 % en 2015 à 5,99 % en 2018.

Une perte de valeur du point est donc bien constatée, en raison de l’évolution différenciée des valeurs de service, d’une part, et d’achat, d’autre part. Cela n’a rien de théorique : la Cour des comptes le relève clairement pour le régime complémentaire AGIRC-ARCCO. On peut toujours parler de valeur de rendement ou dire que l’on sait à quelle valeur correspondent les points que l’on possède ; en réalité, ces deux valeurs – de service et d’achat – dont nous reparlerons lorsque nous aborderons le sujet du point, sont absolument essentielles dans le régime que vous souhaitez créer. Il est nécessaire qu’elles restent bien liées pour éviter toute perte de rendement pour les retraites futures.

(L’amendement no 27354 n’est pas adopté.)

(L’article 3 est adopté.)

 

 
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